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Décision du commissaire no 1459

Commissioner’s Decision #1459

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :        F-00 (Nouveauté)

O-00 (Évidence)

A-20 (Double Brevet)

 

TOPICS:         F-00 (Novelty)

O-00 (Obviousness)

A-20 (Double Patenting)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 496 581

Application No.: 2,496,581

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 496 581 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire entend rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

GOWLING, LAFLEUR HENDERSON LLP

160, rue Elgin, bureau 2600

OTTAWA (Ontario) K1P 1C3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 496 581, qui est intitulée « Utilisation de l’érythropoïétine dans le traitement de perturbations de la distribution du fer chez les personnes atteintes de diabète » et inscrite au nom de F. Hoffmann-La Roche AG. Les irrégularités qui subsistent sont liées aux questions de savoir si l’objet des revendications 1 à 5 et 14 au dossier est dénué de nouveauté, si l’objet des revendications 1 à 53 au dossier aurait été évident et si les revendications 1 à 53 au dossier sont non brevetables pour cause de double brevet à la lumière des revendications contenues dans les brevets délivrés 2 505 524 et 2 549 486, également détenus par F. Hoffmann-La Roche AG. Les inventeurs désignés dans la présente demande ainsi que dans les brevets délivrés 2 505 524 et 2 549 486 sont Paul Lehmann, Ralf Roeddiger et Ruth Walter-Matsui. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que le demandeur soit avisé que les modifications qu’il a proposé d’apporter aux revendications sont considérées comme des modifications « nécessaires » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets et que la demande sera acceptée si ces modifications sont apportées.

 

Contexte

La demande

 

[2]          La demande de brevet no 2 496 581, qui est fondée sur une demande antérieurement déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), est réputée avoir été déposée au Canada le 20 août 2003 et publiée le 11 mars 2004.

 

[3]          La demande a trait à l’utilisation d’une hormone appelée « érythropoïétine » (EPO) dans le traitement des perturbations de la distribution du fer dans l’organisme de patients atteints de diabète.

 

Historique du traitement de la demande

[4]          Le 21 janvier 2014, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que l’objet des revendications 1 à 5 et 14 au dossier ne présente pas le caractère de la nouveauté, en contravention de l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets; que l’objet des revendications 1 à 53 au dossier aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets; et que les revendications 1 à 15 et 36 à 42 au dossier sont non brevetables pour cause de double brevet à la lumière de la demande en coinstance no 2 505 524 et de la demande en coinstance no 2 549 486 (relativement auxquelles des brevets ont depuis été délivrés).

 

[5]          Dans une réponse à la DF (« R-DF ») en date du 2 juin 2015, le demandeur a exprimé son désaccord relativement aux irrégularités indiquées dans la DF, mais a néanmoins soumis un ensemble de 51 revendications modifiées (l’« ensemble de revendications proposées-1 ») et a présenté des arguments à l’appui de la thèse selon laquelle les revendications étaient brevetables et ne pouvaient pas être contestées sur la base des raisons énoncées dans la DF.

 

[6]          Les arguments du demandeur concernant les revendications au dossier n’ayant pas convaincu l’examinateur, ce dernier a jugé que l’ensemble de revendications proposées-1 ne permettrait pas de remédier à l’irrégularité liée au double brevet et, en conséquence, la demande refusée a été transmise à la Commission d’appel des brevets (« la Commission ») pour révision, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM »). Certes, le RM indiquait que les modifications contenues dans l’ensemble de revendications proposées-1 remédiaient aux irrégularités liées à l’absence de nouveauté et à l’évidence, mais le RM indiquait également que l’irrégularité liée au double brevet subsistait pour les raisons énoncées dans la DF. Dans le RM, l’examinateur a également invité la Commission à se pencher sur la question de savoir si les revendications 16 à 35 et 43 à 53 au dossier faisaient également l’objet d’un double brevet à la lumière de la demande (alors) en coinstance no 2 505 524 et du brevet délivré no 2 549 486.

 

[7]          Dans une lettre en date du 25 février 2016, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et/ou de participer à une audience.

 

[8]          Dans une lettre en date du 25 mai 2016, le demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas participer à une audience à ce stade. Dans la même lettre, le demandeur a soumis un second ensemble de 51 revendications modifiées (l’« ensemble de revendications proposées-2 ») corrigeant un problème mineur de dépendance constaté dans l’ensemble de revendications proposées-1 et a présenté des observations écrites en réponse au RM (« R-RM ») à l’appui de la thèse selon laquelle il n’y a aucun problème de double brevet entre la présente demande et la demande (alors) en coinstance no 2 505 524 et le brevet délivré no 2 549 486.

 

[9]          Le présent comité a été constitué dans le but de réviser la demande, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre en date du 22 novembre 2017 (la « Lettre du comité »), nous avons spécifié que, conformément à l’alinéa 30(6)b) des Règles sur les brevets, l’ensemble de revendications proposées-1 et l’ensemble de revendications proposées-2 n’étaient pas considérés comme des modifications ayant été apportées, de sorte que les revendications visées par la révision étaient les revendications 1 à 53 qui figuraient au dossier au moment de la rédaction de la DF.

 

[10]      Dans la même lettre, nous nous sommes penchés sur la question de savoir si la présente demande comportait des irrégularités autres que celles indiquées dans la DF qui le rendent non conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, conformément au paragraphe 30(6.1) des Règles sur les brevets. Plus précisément, nous nous sommes penchés sur les questions de savoir si les revendications 16 à 35 et 43 à 53 au dossier étaient non brevetables pour cause de double brevet à la lumière des revendications contenues dans les brevets délivrés no 2 505 524 et no 2 549 486 et si les revendications 1 à 53 au dossier avaient une portée excessivement large, en contravention de la doctrine établie par les tribunaux qui interdit de revendiquer un objet d’une portée plus large que l’invention réalisée ou décrite.

 

[11]      De plus, nous avons exposé notre analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous sommes saisis, nous sommes d’avis que l’objet des revendications 1 à 5 et 14 au dossier présente le caractère de la nouveauté, que l’objet des revendications 43 à 45 au dossier aurait été évident à la lumière des antériorités citées, que les revendications 1 à 53 au dossier de la présente demande visent un objet brevetable distinct de celui visé par les brevets délivrés no 2 505 524 et no 2 549 486, et que les revendications 1 à 53 au dossier ont une portée plus large que l’invention divulguée. Enfin, nous avons exprimé l’opinion que les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 constituent une modification « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

[12]      Dans une réponse à la Lettre du comité en date du 21 décembre 2017, le demandeur a indiqué qu’il n’entendait pas présenter d’observations écrites et/ou verbales supplémentaires et a informé la Commission qu’il souhaitait que les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 soient acceptées.

 

Questions

[13]      À la lumière de ce qui précède, les quatre questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont les suivantes :

i)        L’objet des revendications 1 à 5 et 14 au dossier est-il dénué de nouveauté, en contravention de l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets?

 

ii)      L’objet des revendications 1 à 53 au dossier aurait-il été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

iii)    Les revendications 1 à 53 au dossier sont-elles non brevetables pour cause de double brevet à la lumière des revendications contenues dans les brevets délivrés no 2 505 524 et no 2 549 486?

 

iv)    Les revendications 1 à 53 au dossier ont-elles une portée excessivement large, en contravention de la doctrine établie par les tribunaux interdisant de revendiquer un objet d’une portée plus large que l’invention réalisée ou décrite?

 

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[14]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52 (Whirlpool)). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB) révisé en juin 2015 (OPIC), la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art (« PVA ») et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

 

Nouveauté

[15]      L’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une revendication peut être considérée comme dénuée de nouveauté en raison d’une divulgation faite par un tiers :

28.2(1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[16]      Deux exigences distinctes doivent être remplies pour établir qu’une invention revendiquée est antériorisée par un document de l’art antérieur : l’objet revendiqué doit avoir fait l’objet d’une divulgation antérieure; et la divulgation antérieure doit permettre à la PVA de réaliser l’objet revendiqué (Apotex Inc. c. Sanofi Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi], aux paragraphes 24 à 29).

 

[17]      Le terme « divulgation antérieure » signifie que le document de l’art antérieur doit divulguer un objet qui, s’il était réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon du brevet. La PVA qui examine la divulgation est [Traduction] « censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [du brevet antérieur] a voulu dire » (paragraphe 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur [Traduction] « pour en comprendre la teneur » : voir Sanofi, au paragraphe 25, citant Synthon B.V. c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59.

 

[18]      Le « caractère réalisable » signifie que la PVA aurait été en mesure de réaliser l’invention sans difficulté excessive. On suppose que la personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention : Sanofi, aux paragraphes 26 et 27).

 

Évidence

[19]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets établit l’exigence selon laquelle l’objet revendiqué ne doit pas être évident pour la PVA :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard, de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[20]      Dans Sanofi, au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante :

 

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Double brevet

[21]      Pour dire les choses simplement, le double brevet repose sur l’idée qu’une personne ne peut se voir accorder un second brevet pour une invention à l’égard de laquelle elle a déjà obtenu un brevet pour un équivalent évident de cette invention.

 

[22]      La Loi sur les brevets ne comporte aucune disposition traitant explicitement du double brevet. La Cour suprême du Canada a cependant indiqué que le fondement législatif du double brevet est le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets, qui prévoit qu’un « brevet ne peut être accordé que pour une seule invention » (voir Whirlpool, au paragraphe 63). Les tribunaux ont également estimé que le double brevet constituait un motif valable, pour le commissaire aux brevets, de rejeter une demande : Bayer Schering Pharma Aktiengesellschaft c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 275, conf 2009 CF 1249.

 

[23]      Dans Whirlpool, la Cour suprême a souligné que le test à appliquer pour déterminer s’il y a double brevet comporte deux volets. Le premier volet concerne le double brevet [Traduction] « relatif à la même invention », qui survient lorsque les revendications d’un premier et d’un second brevet, tous deux détenus par la même partie, [Traduction] « coïncident exactement ». Dans le cas présent, la demande a été refusée au titre du second volet du test en matière de double brevet, que l’on appelle « double brevet relatif à une évidence ». Ce second volet constitue un [Traduction] « critère plus souple et moins littéral » que le double brevet relatif à la même invention qui interdit la délivrance d’un second brevet si ses revendications ne visent pas un [Traduction] « élément brevetable distinct » ou ne présentent pas le caractère [Traduction] « de la nouveauté ou de l’ingéniosité » par rapport à celles du premier brevet (Whirlpool, paragraphes 66 et 67).

 

[24]      Le double brevet relatif à une évidence et l’évidence au titre de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets sont tous deux évalués du point de vue de la PVA, à la lumière des CGC de cette personne. Cependant, lorsque l’analyse porte sur le double brevet relatif à une évidence, les revendications contenues dans la demande en cause sont comparées à celles du brevet délivré. En revanche, lorsque l’analyse porte sur l’évidence au titre de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, l’invention revendiquée est comparée à des éléments spécifiques de l’art antérieur (Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, aux paragraphes 28 et 29).

Portée excessive des revendications

[25]      Des revendications d’une portée excessives peuvent donner lieu à une allégation selon laquelle un demandeur « revendique plus que ce en quoi consiste l’invention réalisée ou divulguée ». Comme l’a indiqué le juge Thurlow (alors juge de la Cour de l’Échiquier) dans Farbewerke Hoechst A/G c. Canada (Commissaire aux brevets) [1966] R.C. de l’Éch. 91, conf [1966] R.C.S. 604, au paragraphe 20 [Traduction] :

La portée du monopole auquel peut valablement prétendre l’inventeur est restreinte de deux manières fondamentales. La portée du monopole ne peut excéder celle, premièrement, de l’invention qu’il a faite et, deuxièmement, celle de l’invention telle qu’elle a été décrite dans le mémoire descriptif.

 

[26]      Dans Amfac Foods Inc. c. Irving Pulp & Paper, Ltd. (1986), 12 CPR (3d) 193, conf 80 CPR (2d) 59, la Cour d’appel fédérale, après examen d’une série de décisions antérieures, a de même indiqué que l’invention revendiquée ne doit pas avoir une portée plus large que l’invention réalisée ou divulguée.

 

Analyse des revendications au dossier

Interprétation téléologique

La PVA et les CGC pertinentes

[27]      Dans la Lettre du comité, nous avons affirmé être en accord avec la DF, qui indique que la PVA est un clinicien ayant de l’expérience dans le traitement des troubles associés au métabolisme du fer et que ledit clinicien posséderait une connaissance significative et approfondie de la médecine expérimentale et serait bien au fait des options de traitement desdits troubles.

 

[28]      En ce qui concerne les CGC de la PVA, nous avons souligné que, dans la DF, l’examinateur n’a répertorié aucun élément de CGC se rapportant spécifiquement aux options de traitement couramment connues des troubles associés au métabolisme du fer en général ou aux perturbations de la distribution du fer en particulier.

 

[29]      Après examen du présent mémoire descriptif et des antériorités citées dans la DF, notamment Peeters et al., Ann Rheum Dis, vol. 55, p. 739 à 744, 1996 (Peeters), nous avons exprimé l’opinion que les CGC de la PVA définies ci-dessus incluaient la connaissance du fait que l’anémie est fréquente chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et que l’anémie de maladie chronique (AMC), un type de perturbation de la distribution du fer qui s’accompagne d’une concentration de fer globale normale dans l’organisme, est la cause la plus importante de l’anémie chez les patients atteints de cette pathologie.

 

[30]      En ce qui concerne ce qui semble ne pas faire partie des CGC, nous avons exprimé l’opinion suivante :

         il n’était pas couramment connu par les PVA que l’EPO constituait une option pour le traitement des troubles associés à la distribution du fer dans l’organisme;

 

         il n’était pas couramment connu que l’AMC et les perturbations de la distribution du fer surviennent chez les patients atteints de diabète, de maladies cardiaques ou de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

 

Signification des termes spécifiques

[31]      Dans la Lettre du comité, nous avons interprété les expressions [Traduction] « traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète » (revendication 1), « traiter les perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète » (revendication 14), et « traiter les perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète sucré non insulinodépendant » (revendications 16, 36, 38, 41, 46, 47, 49 et 52) comme désignant un traitement destiné à atténuer les perturbations diagnostiquées de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète, c’est-à-dire les perturbations caractérisées par une concentration du récepteur soluble de la transferrine [mg/L] divisée par le log (concentration de ferritine [μg/L]) qui est inférieure à 3,5 et par une concentration de protéine C-réactive (CRP) supérieure à 5 mg/L.

 

[32]      En ce qui concerne la revendication 43 et les revendications qui en dépendent, nous avons interprété l’expression [Traduction] « traitement des perturbations de la distribution du fer » comme se rapportant à un traitement destiné à atténuer les perturbations de la distribution du fer qui ne se limitent pas à celles touchant les patients atteints de diabète.

 

Le problème à résoudre et la solution proposée

[33]      Dans la Lettre du comité, nous avons indiqué que le problème à résoudre tenait au [Traduction] « besoin de disposer d’un traitement pour corriger les perturbations de la distribution du fer, qui surviennent spécifiquement chez les patients atteints de diabète et que la solution consiste à recourir à l’EPO ».

 

Les éléments essentiels permettant de résoudre le problème défini

[34]      Dans la Lettre du comité, nous avons indiqué être d’avis que l’utilisation de l’EPO (« élément A ») pour traiter les perturbations de la distribution du fer (« élément B ») chez un patient atteint de diabète (« élément C ») sont des éléments essentiels des revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier, car ces éléments sont indispensables à la résolution du problème défini.

 

[35]      Nous avons également exprimé l’opinion que les revendications 43 à 45 au dossier ne comportent pas les éléments essentiels B et C indispensables à la résolution du problème parce que ces revendications ne sont pas limitées au traitement d’un type particulier de perturbations de la distribution du fer observé au sein d’un groupe particulier de patients atteints de diabète.

 

[36]      Les revendications 2 à 13 et 15 à 53 au dossier caractérisent la protéine d’EPO de manière plus précise comme faisant partie d’un conjugué, comme étant constituée d’une séquence d’acides aminés particulière, comme étant une forme modifiée d’EPO et comme étant un analogue de l’EPO et/ou définissent plus précisément le pH, les composantes et les excipients acceptables présents dans une composition comprenant de l’EPO. Par conséquent, nous considérons que ces revendications caractérisent de manière plus précise ou limitent l’élément essentiel A ou définissent des éléments non essentiels d’une composition comprenant de l’EPO.

 

[37]      La revendication indépendante 1 est une revendication de type « suisse ». Ce type de revendication est généralement formulé de la manière suivante : utilisation du composé X dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de Y. Une interprétation littérale pourrait porter à croire que l’utilisation envisagée se limite à la fabrication d’un médicament, mais la formulation permet également d’interpréter la revendication comme se rapportant à une utilisation thérapeutique du composé; cette dernière interprétation étant conforme à la jurisprudence (à titre d’exemple, voir GD Searle & Co c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 437, conf 2009 CAF 35; Eli Lilly Canada Inc c. Apotex Inc, 2008 CF 142; et Pfizer Canada Inc c. Apotex Inc, 2007 CF 971, conf 2009 CAF 8). Même si l’utilisation mentionnée dans le préambule de la revendication 1 est axée sur la fabrication d’un médicament, la revendication spécifie une utilisation thérapeutique.  Nous sommes d’avis que l’utilisation revendiquée ne se limite pas à l’utilisation de l’EPO ou d’un dérivé de l’EPO pour fabriquer un médicament; elle exige également de réellement administrer ce médicament pour atténuer une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète. Par conséquent, nous considérons que, même si la revendication 1 est formulée selon le format « suisse », elle revendique essentiellement le même objet que la revendication 14.

 

[38]      Étant donné que le demandeur n’a pas exprimé de désaccord, nous adoptons, aux fins de la présente révision, les définitions de la PVA et des CGC pertinentes énoncées ci-dessous, ainsi que les définitions du problème à résoudre, de la solution et des éléments essentiels.

 

Nouveauté des revendications 1 à 5 et 14

[39]      Dans son évaluation de la nouveauté des revendications 1 à 5 et 14 au dossier, l’examinateur, dans la DF, a mentionné la divulgation faite dans Peeters.

[40]      La revendication 1 au dossier, que nous considérons comme représentative des revendications désignées comme ne présentant pas le caractère de la nouveauté à la lumière de Peeters, est formulée comme suit [Traduction] :

1.      Utilisation de la protéine d’érythropoïétine dans la fabrication d’un médicament pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète, ledit patient présentant une concentration de fer globale normale.

 

[41]      Dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion que le groupe de patients diabétiques mentionné est un élément essentiel des revendications au dossier et que, par conséquent, nous considérions que les revendications au dossier ne visent pas de façon générale l’utilisation de l’EPO pour le traitement de toute perturbation de la distribution du fer, contrairement à la position adoptée par l’examinateur dans la DF.

 

[42]      En ce qui concerne la divulgation faite dans Peeters, nous avons souligné dans la Lettre du comité que le groupe de patients mentionné dans Peeters était constitué de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, un groupe qui est extérieur à la portée des revendications 1 à 5 et 14 au dossier. Nous avons également indiqué être d’avis que Peeters ne divulgue pas que l’EPO est utile pour le traitement des perturbations de la distribution du fer en général, pas plus qu’il ne divulgue l’utilisation de l’EPO pour le traitement des perturbations de la distribution du fer chez un patient diabétique ayant reçu un diagnostic de perturbations de la distribution du fer. Par conséquent, nous avons exprimé l’opinion que Peeters ne divulgue pas un objet qui, s’il était réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon des revendications 1 à 5 et 14 de la présente demande.

 

[43]      De plus, nous avons précisé que nous considérions qu’il existe des indications selon lesquelles une perturbation de la distribution du fer dans le contexte du diabète est différente de celle observée dans le contexte de la polyarthrite rhumatoïde, car nous comprenons à la lumière de Peeters que, à la différence de ce qui se produit chez les patients diabétiques, l’EPO n’a pas pour effet de faire diminuer les niveaux de CRP lorsqu’elle est utilisée pour le traitement de l’AMC chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde.

 

Conclusion quant à la nouveauté

[44]      Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que l’objet des revendications 1 à 5 et 14 est nouveau à la lumière de Peeters et conforme à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.

 

Évidence

[45]      Conformément à l’approche en quatre étapes pour évaluer l’évidence énoncée dans Sanofi, nous présentons, à l’égard des revendications au dossier, l’analyse qui suit.

 

Identifier la PVA et les CGC pertinentes

[46]      La PVA et les CGC pertinentes ont été définies ci-dessus dans le cadre de l’interprétation téléologique des revendications.

 

Définir le concept inventif

[47]      Dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion que la PVA considérerait que la définition du concept inventif, qui est présentée dans la DF, est trop large en ce qui a trait au type de perturbations de la distribution du fer à traiter, du moins en ce qui concerne les revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier. Nous sommes d’avis que la PVA considérerait que le concept inventif des revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier est l’utilisation d’une protéine d’EPO, d’un dérivé de protéine d’EPO ou d’un conjugué de ces éléments pour traiter une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète qui présente une concentration de fer globale normale. En ce qui concerne les revendications 43 à 45, nous sommes d’accord avec la définition énoncée dans la DF et nous considérons que leur concept inventif est l’utilisation d’une composition comprenant une protéine d’EPO pour traiter les perturbations de la distribution du fer. Nous appliquons ces concepts inventifs dans le cadre de l’analyse ci-dessous.

 

Différences entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif

[48]       Les trois antériorités suivantes sont citées dans l’analyse de l’évidence qui est présentée dans la DF :

         Peeters, qui a été décrite ci-dessus;

 

         demande de brevet internationale auprès de l’OMPI WO 01/87329 A1, publiée en 2001; inventeur : Papadimitriou (Papadimitriou);

 

         demande de brevet européenne EP 1064951 A2, 2001; inventeur : Bailon (Bailon).

 

[49]      En ce qui concerne les divulgations faites dans chacun de ces documents, nous considérons que :

         Peeters enseigne que l’anémie est souvent observée chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et que l’AMC est la cause la plus importante de l’anémie chez les patients atteints de cette pathologie. De plus, Peeters divulgue l’utilisation de l’EPO recombinante pour le traitement de l’AMC chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et le fait que l’utilisation de l’EPO n’a pas pour effet de faire diminuer les niveaux de CRP chez ces patients;

 

         Papadimitriou divulgue des conjugués d’EPO et de poly(éthylène glycol) comprenant une glycoprotéine d’EPO comportant au moins un groupe aminé libre et dont l’activité biologique in vivo amène les cellules de la moelle osseuse à produire davantage de réticulocytes et de globules rouges. Papadimitriou divulgue également des protéines d’EPO visées par les revendications 1 à 15 au dossier, des modifications de la protéine d’EPO visées par les revendications 16 à 36 au dossier, ainsi que des compositions de protéines d’EPO visées par les revendications 43 à 53 au dossier.

 

         Bailon divulgue des dérivés pégylés de protéines d’EPO dont l’activité biologique in vivo amène les cellules de la moelle osseuse à produire davantage de réticulocytes et de globules rouges.

 

[50]      Dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion que Peeters est, des trois antériorités citées, celle qui est la plus pertinente et qui se rapproche le plus de l’utilisation de l’EPO pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer. Nous considérons que la principale différence entre les enseignements de Peeters et le concept inventif des revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier énoncé ci-dessus tient au fait que Peeters n’enseigne pas et ne suggère pas d’utiliser l’EPO pour traiter une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète. En outre, Peeters n’enseigne pas l’utilisation de dérivés de protéines d’EPO ni de conjugués de protéines d’EPO. En ce qui concerne les revendications 43 à 45 au dossier, nous considérons que les différences se limitent aux constituants exacts et au pH des compositions d’EPO mentionnés dans les revendications.

 

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[51]      Dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion que la PVA, à la lumière des enseignements de Peeters, n’envisagerait pas l’EPO comme un traitement potentiel pour tous les types de perturbations de la distribution du fer, en dehors de l’AMC. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, rien au dossier n’indique qu’il était couramment connu que l’AMC survient chez les patients atteints de diabète et que les patients atteints de diabète sont fortement à risque de présenter des perturbations de la distribution du fer. En conséquence, nous avons exprimé l’opinion préliminaire qu’il n’aurait pas été évident pour la PVA d’utiliser une protéine d’EPO, un dérivé de protéine d’EPO ou un conjugué de ces éléments pour traiter une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète qui présente une concentration de fer globale normale.

 

[52]      En ce qui concerne les revendications 43 à 45 au dossier, lesquelles ne sont pas limitées aux patients atteints de diabète, nous étions d’avis que la PVA, à la lumière des enseignements de Peeters et des compositions divulguées dans Papadimitriou, n’aurait eu à faire preuve d’aucune inventivité pour utiliser des compositions d’EPO présentant les constituants et le pH mentionnés dans ces revendications pour traiter l’AMC chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Par conséquent, dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion préliminaire qu’il aurait été évident pour la PVA d’utiliser la composition mentionnée dans les revendications 43 à 45 pour traiter une perturbation de la distribution du fer.

 

Conclusion quant à l’évidence

[53]      Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que l’objet des revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier n’aurait pas été évident pour la PVA à la date de la revendication à la lumière des antériorités citées et des CGC pertinentes.

 

[54]      De plus, et en l’absence d’observations de la part du demandeur au sujet des revendications au dossier, nous considérons que l’objet des revendications 43 à 45 au dossier aurait été évident pour la PVA à la date de la revendication à la lumière des enseignements contenus dans Peeters, Papadimitriou et des CGC pertinentes.

 

Double brevet

[55]      Dans la Lettre du comité, nous avons souligné qu’une analyse relative au double brevet consiste à comparer les revendications contenues dans chaque document de brevet et à déterminer si elles visent des éléments brevetables distincts. Il ne s’agit pas, cependant, d’interpréter les revendications téléologiquement. L’analyse présentée dans la Lettre du comité a été réalisée dans l’optique de la PVA et des CGC définies ci-dessus.

 

[56]      Nous avons indiqué, dans la Lettre du comité, que nous considérions la revendication 1 au dossier de la présente demande, la revendication 1 du brevet délivré no 2 505 524 et la revendication 1 du brevet délivré no 2 549 486 comme représentatives de l’invention revendiquée dans chaque document de brevet (voir le Tableau 1 ci-dessous). S’il appert que la revendication 1 de la présente demande vise un élément brevetable distinct de celui visé par les revendications 1 des brevets délivrés, on pourra considérer que les revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier de la présente demande visent également des éléments brevetables distincts, car elles sont d’une portée similaire ou comprennent des limitations supplémentaires.

 

Tableau 1

Au dossier

Brevet délivré no 2 505 524

Brevet délivré no 2 549 486

[Traduction]

1. Utilisation de la protéine d’érythropoïétine dans la fabrication d’un médicament pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète, ledit patient présentant une concentration de fer globale normale.

[Traduction]

1. Utilisation de la protéine d’érythropoïétine dans la fabrication d’un médicament pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint d’une maladie cardiaque; la perturbation de la distribution du fer étant caractérisée par le fait que la concentration de récepteur soluble de la transferrine [mg/l] : (concentration log de ferritine [μg/l] est inférieure à 3,5 et que la concentration de protéine C-réactive est supérieure à 5 mg/l.

[Traduction]

1. Utilisation de la protéine d’érythropoïétine dans la fabrication d’un médicament pour le traitement des perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin; la perturbation de la distribution du fer étant caractérisée par le fait que la concentration de récepteur soluble de la transferrine [mg/l] : (concentration log de ferritine [μg/l] est inférieure à 3,5 et que la concentration de protéine C-réactive est supérieure à 5 mg/l.

 

[57]      Les revendications 43 à 45 au dossier ont fait l’objet d’une analyse distincte dans la Lettre du comité. Nous avons considéré que la revendication 15 du brevet délivré no 2 505 524 est la revendication la plus proche et la plus pertinente (voir le Tableau 2 ci-dessous).

 

Tableau 2

Au dossier

Brevet délivré no 2 505 524

[Traduction]

43. Une composition pour le traitement des perturbations de la distribution du fer comprenant de 25 à 2 500 μg/ml de protéine d’érythropoïétine, de 10 à 200 mmole/1 de sulfate, et un excipient pharmacologique ment acceptable; ladite composition ayant un pH se situant en 6,0 et 7,0.

[Traduction]

15. Une composition pharmaceutique pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint d’une maladie cardiaque; la perturbation de la distribution du fer étant caractérisée par le fait que la concentration du récepteur soluble de la transferrine [mg/l] : (concentration log de ferritine [μg/l] est inférieure à 3,5 et que la concentration de protéine C-réactive est supérieure à 5 mg/l, et la composition comprenant une quantité efficace de protéine d’érythropoïétine et un excipient ou un diluant pharmacologique ment acceptable.

[Traduction]

44. La composition de la revendication 43 comprenant de 50 à 2 500 μg/ml de protéine d’érythropoïétine, 10 mmole de phosphate de sodium, 40 mmole de sulfate de sodium, 3 % de mannitol (p/v), 10 mmole de L-méthionine et 0,01 % de poloxamère 188 (p/v) et ayant un pH d’environ 6,2.

 

45. La composition de la revendication 43 comprenant de 50 à 2 500 μg/ml de protéine d’érythropoïétine, 40 mmole d’arginine, 30 mmole de sulfate de sodium, 3 % de mannitol (p/v), 10 mmole de L-méthionine et 0,01 % de poloxamère 188 (p/v) et ayant un pH d’environ 6,2.

 

 

[58]      Dans la Lettre du comité, nous avons indiqué que la principale différence entre la revendication 1 de la présente demande et celles des brevets délivrés no 2 505 524 et no 2 549 486 concerne la maladie associée à la perturbation de la distribution du fer : la présente demande se rapporte aux patients atteints de diabète, tandis que les brevets délivrés se rapportent aux patients atteints d’une maladie cardiaque (brevet délivré no 2 505 524) ou d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (brevet délivré no 2 549 486).

 

[59]      En ce qui concerne les revendications 43 à 45 au dossier et la revendication 15 du brevet délivré no 2 505 524, nous étions d’avis que les différences tiennent essentiellement à la caractérisation de la perturbation de la distribution du fer en ce qui a trait à trois marqueurs biochimiques pouvant être mesurés dans un échantillon de sang d’un patient, à la maladie associée à ladite perturbation de la distribution du fer (revendication 15 du brevet délivré no 2 505 524) et à la mention explicite des constituants et du pH des compositions d’EPO visées par les revendications 43 à 45.

 

[60]      Dans la Lettre du comité, nous avons souligné que les revendications 1 à 42 et 46 à 53 de la présente demande et les revendications des brevets délivrés ne renvoient pas aux perturbations de la distribution du fer en général, pas plus qu’elles ne mentionnent d’autres maladies pouvant leur être associées. Nous avons exprimé l’opinion que, même si la PVA est un clinicien ayant de l’expérience dans le traitement des troubles associés au métabolisme du fer (voir la définition de la PVA ci-dessus), il n’était pas couramment connu par les PVA que l’EPO constituait une option pour le traitement des troubles associés à la distribution du fer dans l’organisme, ni que les patients atteints de diabète, de maladies cardiaques ou de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont fortement à risque de présenter des perturbations de la distribution du fer.

 

[61]      Par conséquent, nous étions d’avis qu’il n’aurait pas été évident pour la PVA qu’un traitement à l’EPO aurait été bénéfique aux patients visés par la revendication 1 de la présente demande, lesquels se limitent aux patients atteints de diabète, à la lumière de l’une quelconque des revendications correspondantes des brevets délivrés qui définissent tous deux un groupe de patients atteints d’une maladie différente. Nous avons, en outre, exprimé l’opinion que la PVA aurait considéré que les groupes de patients ne se recoupant pas qui sont définis dans les revendications de la présente demande et des brevets délivrés sont des groupes distincts et non évidents les uns par rapport aux autres.

 

[62]      Enfin, nous étions d’avis que la revendication 15 du brevet délivré no 2 505 524 vise un objet brevetable distinct de celui visé par les revendications 43 à 45 au dossier, car il n’aurait pas été évident pour la PVA, ayant connaissance uniquement de l’objet des revendications 43 à 45, de mesurer les paramètres biochimiques spécifiques mentionnés dans la revendication 15 avant d’utiliser l’EPO pour traiter des patients atteints d’une maladie cardiaque.

 

Conclusion quant au double brevet

[63]      Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que les revendications 1 à 53 au dossier de la présente demande et les revendications des brevets délivrés no 2 549 486 et no 2 505 524 visent des éléments brevetables distincts. Ainsi, il n’y aurait pas double brevet si un brevet était délivré relativement à la présente demande.

 

Portée excessive des revendications au dossier

[64]      Dans la Lettre du comité, nous avons exprimé l’opinion que les expressions [Traduction] « traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète » (revendication 1), « traiter les perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète » (revendication 14), « traiter les perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète sucré non insulinodépendant » (revendications 16, 36, 38, 41, 46, 47, 49 et 52) et « traitement des perturbations de la distribution du fer » (revendication 43) englobent un traitement qui est destiné à atténuer des perturbations de la distribution du fer qui ne se limitent pas à celles observées chez les patients atteints de diabète (revendication 43) ou qui est destiné à atténuer les perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète, mais n’ayant pas nécessairement reçu un diagnostic de diabète, sachant que la concentration globale de fer chez le patient diabétique est normale et que la concentration de PCPR est égale ou supérieure à 5 mg/l (revendications 1, 14, 16, 36, 38, 41, 46, 47, 49 et 52).

 

[65]      Nous avons souligné qu’il n’y a aucune indication dans la description selon laquelle les inventeurs s’attaquent de façon générale au traitement de tous les types de perturbations de la distribution du fer, ou qu’ils s’intéressent aux perturbations de la distribution du fer autres que celles observées chez les patients atteints de diabète. La description divulgue uniquement une méthode détaillée pour diagnostiquer des perturbations de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète et cette méthode implique de déterminer les niveaux de CRP, de ferritine et du récepteur soluble de la transferrine. L’exemple fourni (voir la description à la page 20) fait état de résultats cliniques favorables après l’administration d’EPO à une femme d’âge moyen atteinte de diabète qui présentait des perturbations de la distribution du fer caractérisées par des niveaux déterminés de CRP, de ferritine et du récepteur soluble de la transferrine. En conséquence, nous avons exprimé l’opinion que la PVA comprendrait à la lecture de la description contenue dans la présente demande que l’utilisation divulguée de l’EPO pour traiter une perturbation de la distribution du fer chez un patient atteint de diabète n’est pas destinée à traiter toutes les perturbations de la distribution du fer, mais qu’elle se limite plutôt au traitement d’une perturbation de la distribution du fer caractérisée par une concentration du récepteur soluble de la transferrine [mg/l] divisée par le log (concentration de ferritine [μg/l]) qui est inférieure à 3,5 et par une concentration de CRP supérieure à 5 mg/l.

 

Conclusion quant à la portée excessive

[66]      Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence d’observations de la part du demandeur au sujet des revendications au dossier, nous sommes d’avis que les revendications 1 à 53 au dossier ont une portée plus large que l’invention divulguée.

 

Résumé des irrégularités recensées à l’égard des revendications au dossier

[67]      Pour les raisons énoncées ci-dessus et, plus précisément, parce que l’objet des revendications 43 à 45 au dossier n’est pas limité aux patients atteints de diabète et parce que l’objet des revendications 1 à 53 au dossier n’est pas limité au traitement d’une perturbation de la distribution du fer caractérisée par une concentration du récepteur soluble de la transferrine [mg/l] divisée par le log (concentration de ferritine [μg/l]) qui est inférieure à 3,5 et une concentration de CRP supérieure à 5 mg/l, nous sommes d’avis que l’objet des revendications 43 à 45 au dossier aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, et que les revendications 1 à 53 au dossier ont une portée plus large que l’invention divulguée.

 

Analyse des revendications proposées

[68]      Dans la R-RM et dans sa lettre en date du 2 décembre 2017, le demandeur a indiqué qu’il souhaitait que les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 soient acceptées dans leur version soumise le 25 mai 2016. L’ensemble de revendications proposées-2 comprend les revendications 1 à 51 dont les revendications indépendantes contiennent toutes le passage [Traduction] « la perturbation de la distribution du fer est caractérisée par une concentration du récepteur soluble de la transferrine [mg/l] : (concentration log de ferritine [μg/l]) inférieure à 3,5 et par une concentration de protéine C-réactive supérieure à 5mg/l » et dont les revendications indépendantes mentionnent toutes que le patient souffre de diabète ou de diabète sucré non insulinodépendant.

 

[69]      Dans la Lettre du comité, nous avons souligné qu’il existe une correspondance manifeste entre l’ensemble de revendications proposées-2 et les revendications au dossier, que l’ensemble de revendications proposées-2 n’élargit pas la portée des revendications correspondantes au dossier et qu’aucune autre recherche d’antériorités n’est donc nécessaire. Par conséquent, nous avons indiqué que l’ensemble de revendications proposées-2 pourrait être considéré comme une modification nécessaire dans la mesure où il apparaîtrait qu’il permet de remédier aux irrégularités mentionnées ci-dessus en ce qui concerne les revendications au dossier, compte tenu de notre opinion préliminaire au sujet de ces revendications.

 

[70]      Étant donné que la portée des revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 est limitée à une perturbation de la distribution du fer caractérisée par des niveaux spécifiques de CRP, de ferritine et du récepteur soluble de la transferrine ainsi qu’aux patients souffrant de diabète, nous avons exprimé les opinions préliminaires suivantes :

 

         les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 sont nouvelles et, par conséquent, conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets pour les raisons énoncées à l’égard des revendications correspondantes au dossier aux paragraphes [39] à [44];

 

         les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 sont non évidentes et, par conséquent, conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets pour les raisons énoncées précédemment à l’égard des revendications 1 à 42 et 46 à 53 au dossier aux paragraphes [45] à [53];

 

         les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 et les revendications des brevets délivrés visent des éléments brevetables distincts pour les raisons énoncées précédemment à l’égard des revendications au dossier aux paragraphes [55] à [63] et, par conséquent, les revendications de l’ensemble de revendications proposées ne donneraient pas lieu à un double brevet dans l’éventualité où un brevet était accordé relativement à la présente demande; et

 

         les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 n’ont pas une portée plus large que l’invention divulguée.

 

Conclusion quant aux revendications proposées

[71]      Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que les revendications de l’ensemble de revendications proposées-2 constituent une modification « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 


 

Recommandation de la Commission

[72]      Nous concluons que l’objet des revendications 43 à 45 au dossier aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, et que les revendications 1 à 53 au dossier ont une portée plus large que l’invention divulguée. Nous concluons également que les revendications proposées 1 à 51, telles qu’elles ont été soumises dans la lettre du 25 mai 2016, remédient à ces irrégularités et n’introduisent pas de nouvelles irrégularités. Par conséquent, nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que la suppression des revendications au dossier et l’insertion des revendications 1 à 51 qui sont proposées dans la lettre du 25 mai 2016 constituent des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Brisebois                        Ed MacLaurin                         Andrew Strong

Membre                                     Membre                                   Membre

 


 

Décision

[73]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation du comité. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que les modifications susmentionnées doivent être apportées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande.

 

[74]      Conformément à l’alinéa 31b) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et uniquement ces modifications, peuvent être apportées à la demande :

 

i)        supprimer les revendications 1 à 53 au dossier; et

ii)      insérer les revendications 1 à 51 qui sont proposées dans la lettre du 25 mai 2016.

 

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 8e jour d’août 2018

 

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