Brevets

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Décision du commissaire no 1463

Commissioner’s Decision No. 1463

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan

 

TOPICS:       J–00 Meaning of Art
J–50 Simple plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 799 325

Application No.: 2 799 325


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 799 325 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

SIM & MCBURNEY

100, rue Simcoe, bureau 200

Toronto (Ontario) M5H 3G2


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 799 325, qui est intitulée « Création, rentrée et comptabilisation dans un système monétaire virtuel ». La demande de brevet appartient à Facebook Inc. Même si la décision finale (DF) indiquait au départ deux irrégularités subsistantes, le refus de la demande a ultimement été maintenu exclusivement au motif que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, ce qui est contraire à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadienne no 2 799 325, qui est fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevet (PCT), est réputée avoir la date de dépôt du 10 mai 2011 et a été mise à la disponibilité du public pour consultation le 26 janvier 2012.

[3]               La demande concerne la création, le rachat et la comptabilisation des crédits dans un système monétaire virtuel.

Historique de la demande

[4]               Le 11 mars 2016, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. Les irrégularités suivantes dans la demande ont été mentionnées dans la DF :

         les revendications 1 à 34 (c.-à-d. toutes les revendications au dossier) visent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         les revendications au dossier définissent un objet évident et ne sont donc pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans sa réponse à la DF datée du 12 septembre 2016, le demandeur a présenté des arguments en faveur d’une acceptation et a proposé un ensemble de 66 revendications modifiées (l’ensemble de revendications proposées) ainsi que des modifications correspondantes apportées à la description. De façon générale, les revendications proposées sont semblables aux revendications au dossier, mais énoncent de manière explicite que les comptes stockés pour les participants précédemment mentionnés sont stockés sur des supports lisibles par ordinateur. L’examinateur n’a pas considéré les modifications comme visant à remédier à l’irrégularité relative à l’objet, mais plutôt comme visant à introduire un nouvel élément. En outre, bien que les arguments du demandeur aient convaincu l’examinateur que les revendications au dossier ne définissaient pas un objet évident, l’examinateur est demeuré d’avis que l’objet n’est pas prévu par la Loi et n’a donc pas annulé le refus.

[6]               Par conséquent, en vertu du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision, de pair avec le résumé des motifs de l’examinateur. Le 29 novembre 2016, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, accompagnée d’une lettre confirmant le refus.

[7]               Le demandeur a répondu le 27 février 2017, demandant à la Commission d’effectuer la révision.

[8]               Conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, un comité a été constitué dans le but de réviser la demande et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 6 juin 2018, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que l’ensemble de revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans la lettre, le demandeur était également invité à présenter d’autres observations s’il le jugeait opportun et à indiquer s’il souhaitait participer à une audience.

[9]               Le demandeur a répondu à la lettre de RP le 4 juillet 2018 (RRP) en soumettant de nouveau l’ensemble de revendications proposées et en présentant d’autres arguments en faveur d’une acceptation.

Question

[10]           La question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[11]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [« Free World Trust »], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [« RPBB »] (OPIC) (révisé en avril 2018), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et définir ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à déterminer le problème abordé par les inventeurs et la solution envisagée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être relevés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution envisagée, telle qu’elle est revendiquée.

Objet prévu par la Loi

[12]           La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[13]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[14]           Tel qu’il est expliqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée (p. ex., une simple idée, un schéma, un plan ou un ensemble de règles, etc.), qui serait non prévue par la Loi.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[15]           Dans la lettre de RP, nous avons identifié la personne versée dans l’art comme étant une personne ou une équipe détenant des compétences dans les domaines de la monnaie virtuelle et de l’informatique en général. Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Les CGC

[16]           Selon le contexte de l’invention et les renseignements généraux compris dans la description (paragraphes 1 à 5 et 17), nous avons déterminé dans la lettre de RP que les concepts suivants font partie des CGC [Traduction] :

         systèmes monétaires virtuels pour l’échange de crédits virtuels contre des produits, des services et des devises réelles;

         gestion de systèmes de monnaies alternatives ou n’ayant pas cours légal à l’aide de systèmes informatiques ou d’autres moyens ou méthodes;

         systèmes informatiques à usage général et les techniques de programmation appropriées.

[17]           De manière générale dans la RRP, le demandeur n’a pas contesté la définition des CGC; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Le problème et la solution

[18]           Comme il est expliqué dans la description (paragraphes 2 à 5), certains systèmes monétaires virtuels permettent l’échange de crédits virtuels contre des devises réelles, mais exécutent de manière conventionnelle la création et le rachat des crédits virtuels selon le même taux de change. D’après la description, il est ainsi difficile d’établir une distinction entre les différents types de crédit ou de les utiliser. La description indique que cette limite empêche également l’application de rabais, où un vendeur pourrait autoriser l’achat d’un produit ou d’un service contre une quantité de crédits ayant une valeur de rachat inférieure à la valeur réelle du produit ou du service. Ces limites semblent découler des règles utilisées plutôt que des systèmes informatiques utilisés, surtout du fait que les CGC comprennent la gestion informatisée des systèmes monétaires virtuels permettant la création, l’échange et le rachat de crédits virtuels.

[19]           Par conséquent, nous avons présenté notre opinion préliminaire dans la lettre de RP, à savoir que les problèmes sont l’incapacité de créer et de racheter des crédits virtuels à des taux de change différents, de même que la difficulté à utiliser différents types de crédits virtuels ou à les distinguer entre eux; ces deux problèmes sont causés par les règles habituellement employées avec de tels systèmes.

[20]           Dans la RRP, le demandeur était, de façon générale, d’accord avec cette définition des problèmes, mais il a ajouté que, comme tous les crédits virtuels à l’intérieur d’une économie virtuelle sont créés et rachetés au même taux de change que les devises réelles [Traduction],

il est difficile d’établir une distinction entre des types de crédits différents autrement utilisables dans les systèmes conventionnels. Cela signifie que les économies virtuelles conventionnelles ne prennent pas en charge des mécanismes de comptabilité adéquats qui permettent d’utiliser des caractéristiques de plus haut niveau dans une économie virtuelle (voir les paragraphes [0001] à [0005] de la présente demande).

[21]           À notre avis, ces questions sont ancrées dans les problèmes que nous avons soulevés. Par conséquent, nous estimons que les problèmes à résoudre sont ceux énoncés dans la lettre de RP.

[22]           Comme nous l’avons souligné dans la lettre de RP, la description (paragraphes 7, 18 et 19) propose une solution permettant de suivre l’information relative aux crédits : lorsqu’un ensemble ou un paquet d’un ou de plusieurs crédits est créé, une valeur interne associée (le taux de change auquel les crédits ont été achetés), une valeur nominale et une valeur externe (le taux de change auquel les crédits peuvent être rachetés) sont enregistrées. Le fait d’autoriser la création de paquets de crédits ayant des attributs différents et d’enregistrer l’information connexe viendrait corriger les limites susmentionnées, avec les règles normalement utilisées. Selon notre opinion préliminaire, étant donné la nature des renseignements dans la demande en ce qui concerne l’architecture du système informatique utilisé pour mettre en œuvre cette proposition (figure 2; paragraphes 25 à 32 et 77 à 80) par rapport à ceux qui concernent les règles et les renseignements enregistrés eux-mêmes (figures 3 à 7; paragraphes 33 à 64) ou les transactions présentées à titre d’exemple qui pourraient être exécutées selon les règles (paragraphes 55 à 75), la personne versée dans l’art ne comprendrait pas que la solution repose dans la mise en œuvre par ordinateur.

[23]           Dans la RRP, le demandeur s’est dit d’accord dans la mesure où la solution est [Traduction] « une nouvelle méthode qui associe des crédits virtuels avec une valeur interne, une valeur externe et une valeur nominale [et qui] permet à des systèmes monétaires virtuels (ou des économies virtuelles) de traiter chaque crédit virtuel différemment », mais a fait valoir que la solution était la mise en œuvre par ordinateur de cette méthode [Traduction] :

La solution fournie par l’invention revendiquée du demandeur repose clairement dans la mise en œuvre de celle-ci par ordinateur. Nous en trouvons la preuve dans le fait que la description détaillée énonce les renseignements qui permettent à une personne versée dans l’art de la programmation informatique d’un système monétaire virtuel d’utiliser l’invention revendiquée du demandeur. Une fois les ordinateurs programmés en fonction des renseignements énoncés dans la description détaillée, il en découle une nouvelle méthode qui associe des crédits virtuels à une valeur interne, à une valeur externe et à une valeur nominale. Ainsi, les systèmes monétaires virtuels peuvent traiter chaque crédit virtuel différemment.

[24]           Toutefois, la mise en œuvre par ordinateur des règles et du plan divulgués n’est pas rendue possible grâce à la description, mais bien par les CGC. Les systèmes monétaires virtuels, les systèmes informatiques à usage général et les techniques de programmation appropriées sont compris dans les CGC, ce qui est également souligné dans la RRP. La demande ne prétend pas enseigner une invention de laquelle une mise en œuvre par ordinateur nécessiterait de la personne versée dans l’art plus que ce que ses CGC peuvent lui fournir. Si c’était le cas, la demande ne serait pas suffisante pour permettre la réalisation de l’invention revendiquée.

[25]           Comme il est expliqué à la section 13.05.02b du RPBB, la portée des CGC guide l’identification du problème et de la solution. La personne versée dans l’art interprète le mémoire descriptif dans l’attente qu’il énonce quelque chose au-delà des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus.

[26]           Par conséquent, nous estimons que la solution correspond aux règles ou au plan qui régissent la création et le suivi de paquets d’un ou de plusieurs crédits, chaque paquet étant associé à une valeur interne, à une valeur nominale et à une valeur externe. Bien que ce plan se rapporte au suivi des crédits dans un système monétaire virtuel, la solution correspond au plan en soi et ne s’étend pas à l’utilisation du système par l’application du plan.

Les éléments essentiels

[27]           Les revendications indépendantes 1 et 28 au dossier visent respectivement des méthodes. Toutes les revendications au dossier portent sur la création d’un certain nombre de crédits d’une devise virtuelle et sur l’enregistrement d’une valeur interne, d’une valeur externe et d’une valeur nominale associées au nombre de crédits.

[28]           Par souci de commodité, la revendication 1, qui est représentative des revendications au dossier, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

Revendication 1.       Une méthode comportant ce qui suit :

le stockage d’un compte pour chacun de la pluralité de participants à une économie virtuelle;

la réception d’une pluralité de demandes pour créer de nouveaux crédits d’une devise virtuelle;

pour chaque demande, la création de nouveaux crédits;

au moyen d’un processeur, l’enregistrement, dans un registre de données, de plusieurs crédits créés et d’un ensemble d’attributs liés aux crédits, où les attributs comprennent une valeur interne représentant un taux de change réel reçu par crédit créé; une valeur externe représentant un taux de change réel à fournir pour le rachat du crédit; et une valeur nominale représentant la valeur présentée aux participants à l’économie virtuelle;

l’attribution des crédits créés à un ou à plusieurs comptes de participants;

l’association des crédits à leurs attributs;

la réception d’une pluralité de demandes de transfert de crédits depuis le compte du participant qui effectue le transfert au compte d’un participant qui reçoit le transfert;

pour chaque demande de transfert de crédits,

la déduction d’un nombre de crédits du participant qui effectue le transfert;

l’ajout du nombre de crédits au participant qui reçoit le transfert;

l’association des crédits ajoutés au participant qui reçoit le transfert avec ses attributs;

la réception d’une pluralité de demandes pour le rachat de certains crédits depuis le compte d’un participant;

pour chaque demande de rachat de crédits à partir du compte d’un participant,

la déduction, au moyen d’un processeur, des crédits rachetés du compte du participant,

l’offre d’un montant en devises réelles au participant, ledit montant fourni étant déterminé en fonction de la valeur externe des crédits rachetés.

[29]           Dans la lettre de RP, nous avons exprimé notre opinion préliminaire, à savoir que les éléments essentiels des revendications au dossier n’incluent aucun élément informatique.

[30]           Le demandeur n’était pas d’accord avec cette opinion, faisant valoir dans la RRP que le critère pertinent pour évaluer le caractère essentiel n’avait pas été appliqué. Faisant référence à Free World Trust, le demandeur a prétendu que les éléments informatiques doivent être essentiels, puisque la demande n’indique pas que l’intention est que l’ordinateur ne soit pas essentiel et parce que les crédits virtuels et les systèmes monétaires virtuels n’existeraient simplement pas sans les capacités fournies par les éléments informatiques.

[31]           Comme l’explique la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution pour obtenir son résultat.

[32]           Le problème en l’espèce ne concerne pas la mise en œuvre par ordinateur d’un système monétaire virtuel. La solution est appliquée en fonction des règles du plan pour la création et la comptabilisation des paquets de crédits virtuels; elle ne repose pas dans les éléments informatiques. Par conséquent, bien que ces renseignements illustrent l’environnement contextuel de l’invention, nous sommes d’avis qu’ils ne sont pas essentiels à la solution que fournit la demande.

[33]           Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes desquelles elles sont issues reflètent simplement différents modes de réalisation du même ensemble d’éléments essentiels. Nous considérons donc que les éléments essentiels des revendications 1 à 34 au dossier sont les suivants [Traduction] :

         le maintien d’un compte pour chacun de la pluralité de participants à une économie virtuelle;

         pour chaque demande de création de nouveaux crédits d’une devise virtuelle :

o   l’enregistrement de plusieurs crédits créés et d’un ensemble d’attributs liés aux crédits, où les attributs comprennent une valeur interne représentant un taux de change réel reçu par crédit créé; une valeur externe représentant un taux de change réel à fournir pour le rachat du crédit; et une valeur nominale représentant la valeur présentée aux participants à l’économie virtuelle;

o   l’attribution des crédits créés à un ou à plusieurs comptes de participants;

o   l’association des crédits à leurs attributs;

         pour chaque demande de transfert de crédits :

o   la déduction d’un nombre de crédits du participant qui effectue le transfert;

o   l’ajout du nombre de crédits au participant qui reçoit le transfert;

o   l’association des crédits ajoutés au participant qui reçoit le transfert avec ses attributs;

         pour chaque demande de rachat de crédits à partir du compte d’un participant :

o   la déduction, au moyen d’un processeur, des crédits rachetés du compte du participant;

o   l’offre d’un montant en devises réelles au participant, ledit montant fourni étant déterminé en fonction de la valeur externe des crédits rachetés.

Objet prévu par la Loi

[34]           Selon l’interprétation faite précédemment, les éléments essentiels en l’espèce sont les règles du plan visant la création et la comptabilisation des paquets de crédits virtuels; les éléments essentiels ne comprennent pas d’ordinateur. Comme il est expliqué dans la lettre de RP, un tel objet ne présente aucun effet ni changement visible de la nature ou de l’état de l’objet physique. Il suppose simplement l’exécution d’un plan ou l’application d’une théorie d’action et aucun résultat physique ne découle directement de la mise en application du plan ou de la théorie même. Cet objet n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[35]           Faisant référence à Canada (PG) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 [Amazon.com], le demandeur a fait valoir dans la RRP que même sans les éléments informatiques, l’ensemble d’éléments essentiels susmentionnés définit un objet brevetable [Traduction] : « une nouvelle méthode qui a une application pratique à l’intérieur d’un système monétaire virtuel ». L’ensemble d’éléments essentiels [Traduction] « va bien au-delà d’un simple plan ou d’une idée abstraite », fait-il valoir dans la RRP, parce que leur mise en œuvre dans un système monétaire virtuel permet aux vendeurs de mieux cibler les offres aux participants et aux gestionnaires centraux de subventionner le coût de l’ensemencement de crédits.

[36]           Comme il a été indiqué précédemment, les règles du plan définies par les éléments essentiels n’entraînent aucun effet discernable ou changement dans la nature ou l’état d’un objet physique — elles sont abstraites. Et comme il est expliqué dans Amazon.com :

[61]      Cependant, il ne s’ensuit pas nécessairement, comme le juge Phelan semble l’indiquer, qu’une pratique commerciale qui ne constitue pas elle-même un objet brevetable parce qu’elle est une idée abstraite devienne un objet brevetable du simple fait qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique. À mon avis, cela ne peut pas constituer un critère de distinction parce qu’il est évident qu’une pratique commerciale présente toujours une application pratique ou vise à en présenter une. Et en l’espèce, la difficulté que pose le critère d’une simple « application pratique » pour distinguer les pratiques commerciales brevetables de celles qui ne le sont pas est mise en relief du fait que la pratique commerciale particulière — elle-même une idée abstraite — est réalisée par sa programmation dans l’ordinateur au moyen d’une formule ou d’un algorithme, ce qui constitue aussi une idée abstraite.

[62]      Schlumberger constitue un exemple d’une tentative infructueuse de breveter un procédé visant à recueillir, enregistrer et analyser des données sismiques à l’aide d’un ordinateur programmé selon une formule mathématique. Cette utilisation de l’ordinateur était une application pratique et l’information résultante était utile. La demande de brevet a toutefois été refusée faute d’objet brevetable parce que la Cour a conclu que le seul aspect nouveau de l’invention revendiquée était la formule mathématique qui, n’étant que « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », ne peut pas faire l’objet d’un brevet en raison de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8).

[37]           Notre opinion est que les revendications 1 à 34 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[38]           Tel qu’il est indiqué ci-dessus, le demandeur a proposé un ensemble modifié de 66 revendications. La modification proposée consiste à faire en sorte que les revendications indépendantes précisent que les comptes sont stockés sur un support lisible par ordinateur; à supprimer plusieurs revendications dépendantes; et à ajouter des revendications récitant des méthodes semblables aux autres, mais comportant d’autres interactions en fonction des règles.

[39]           Étant donné que ces modifications proposées ne modifieraient pas les définitions présentées ci-dessus de la personne versée dans l’art, des CGC et du problème et de la solution, notre opinion est que les revendications proposées partagent les mêmes ensembles d’éléments essentiels que ceux identifiés ci-dessus.

[40]           Par conséquent, notre opinion concernant l’objet non prévu par la Loi s’applique également aux revendications proposées. Il s’ensuit que l’ensemble de revendications proposées n’est pas considéré comme une modification déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, peu importe qu’elles introduisent ou non un nouvel élément.

Recommandation de la Commission

[41]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 34 définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                      Marcel Brisebois                     Stephen MacNeil
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision du commissaire

[42]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[43]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 20e jour de septembre 2018

 

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