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Décision du commissaire no 1462

Commissioner’s Decision No. 1462

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan

 

TOPICS:       J–00 Meaning of Art
J–50 Simple plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 409 631

Application No.: 2 409 631


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2  409 631 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

AIRD & MCBURNEY LP

patentmail@airdmcburney.com


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 409 631, intitulée « Méthode d’établissement de profils d’utilisateur basée sur une analyse de l’utilisation du Web », qui est inscrite au nom de Xerox Corp. Les irrégularités qui subsistent, mentionnées dans la décision finale (DF), concernent le fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, ce qui est contraire à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet no 2 409 631 a été déposée le 25 octobre 2002 et a été mise à la disponibilité du public le 2 mai 2003.

[3]               La demande concerne la prédiction des données démographiques concernant un utilisateur, en fonction de l’analyse d’un schéma d’accès à des pages Web par un utilisateur.

Historique de la demande

[4]               Le 9 février 2016, une DF a été publiée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande était irrégulière aux motifs que les revendications 1 à 24 (c.-à-d. toutes les revendications au dossier) comprendraient un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et donc, qu’elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans sa réponse à la DF (RDF) datée du 9 août 2016, le demandeur a présenté des arguments en faveur d’une acceptation et a proposé un ensemble de 32 revendications modifiées (l’ensemble de revendications proposées), afin de clarifier et de préciser certains points et de revendiquer de manière plus exhaustive l’invention. Les modifications correspondantes apportées à la description ont été incluses dans la proposition.

[6]               L’examinateur a considéré que les modifications ne corrigeaient pas l’irrégularité relative à l’objet et n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur pour annuler le refus de la demande. L’examinateur était également d’avis que les revendications proposées introduisaient une irrégularité relative au libellé.

[7]               Par conséquent, en vertu du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision, de pair avec le résumé des motifs de l’examinateur. Le 9 novembre 2016, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, accompagnée d’une lettre confirmant le refus. Le demandeur a répondu le 2 février 2017, demandant que la révision soit effectuée sur le fondement du dossier écrit.

[8]               Conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, un comité a été constitué dans le but de réviser la demande et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 11 mai 2018, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que de l’ensemble de revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[9]               Dans la lettre de RP, le demandeur est invité à répondre au plus tard le 8 juin 2018, faute de quoi la révision se fera en fonction du dossier écrit. Comme aucune réponse n’a été reçue, un message téléphonique a été laissé à l’agent le 19 juin 2018, lui demandant de confirmer que le demandeur n’avait pas l’intention de répondre à la lettre de RP. Aucune réponse à ce message n’a été reçue.

[10]           Nous avons donc entrepris notre révision finale en fonction du dossier écrit. Comme le dossier n’avait pas changé depuis l’envoi de la lettre de RP, nous avons maintenu les motifs et les conclusions présentées dans cette lettre.

Question

[11]           La question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[12]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [« Free World Trust »], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et à l’article 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [« RPBB »] (OPIC) (révisé en avril 2018), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et définir ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution envisagée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être relevés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution envisagée, telle qu’elle est revendiquée.

[13]           Il est souligné dans la RDF que l’inclusion d’une étape dans les CGC n’empêche pas que celle-ci puisse constituer un élément essentiel. Nous sommes d’accord et nous soulignons que le RPBB, aux sections 13.05.02b et 13.05.02c, le mentionne également. Néanmoins, la définition du problème et de la solution — qui oriente la définition des éléments essentiels — est elle-même guidée en partie par les CGC, en gardant à l’esprit que la personne versée dans l’art lit le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’il énonce quelque chose de plus que des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus.

[14]           Le demandeur n’était pas d’accord avec ce qu’il a désigné dans la RDF comme étant [Traduction] « la démarche axée sur la relation problème-solution qui permet d’ignorer des éléments complets des revendications s’ils ne sont pas considérés comme essentiels au problème ». Faisant référence au critère relatif au caractère essentiel énoncé dans Free World Trust, le demandeur prétend dans la RDF que, pour qu’un élément ne soit pas essentiel, [Traduction] « une variante substituée ou l’omission d’un élément doit accomplir sensiblement la même fonction, d’une manière sensiblement identique, pour obtenir sensiblement le même résultat » ou que l’intention de l’inventeur telle qu’exprimée dans les revendications est que l’élément peut être remplacé ou omis. Il est aussi fait référence dans la RDF à l’affirmation dans Canada (AG) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 [Amazon.com] précisant « que c’est le libellé des revendications faisant l’objet d’une interprétation téléologique... Comme énoncé dans Free World » qui doit être pris en compte.

[15]           Dans Amazon.com (aux paragraphes 43, 44, 62 et 63), la Cour d’appel fédérale a prescrit une évaluation de l’objet brevetable sur le fondement de l’interprétation téléologique, laquelle [Traduction] « nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance ». La Cour cite en exemple la situation dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger], indiquant que [Traduction] « ce qui à première vue semble être la revendication d’une “réalisation” ou d’un “procédé” peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable » et mentionnant le fait que la formule mathématique a été programmée dans un ordinateur.

[16]           Comme l’explique la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution — lesquels sont proposés dans la description et sous-tendent le mode de réalisation revendiqué — pour obtenir son résultat.

Objet prévu par la Loi

[17]           La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention : Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[18]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[19]           Tel qu’il est expliqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée (p. ex., une simple idée, un schéma, un plan ou un ensemble de règles, etc.), qui serait non prévue par la Loi.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[20]           Dans la lettre de RP, nous avons identifié la personne versée dans l’art comme étant une personne ou une équipe détenant des compétences dans les domaines du marketing, du profilage d’utilisateurs, des systèmes informatiques à usage général et de système d’ordinateur client-serveur, y compris dans les secteurs comme l’intégration du Web dans les stratégies marketing, l’exploration de données ainsi que la mise en œuvre et l’utilisation de logiciels, d’outils et d’infrastructures pour soutenir le professionnel du marketing. Nous avons fondé cette définition sur celle de la DF (non contestée par le demandeur), la description de l’art connexe dans la demande (voir les paragraphes 2 à 4) et l’objectif général de l’invention.

Les CGC

[21]           Les références suivantes, ayant soit été indiquées comme étant pertinentes dans la DF, soit été relevées dans le cadre de notre révision préliminaire, ont été jugées pertinentes dans la lettre de RP :

         D1 :        US 5991735                23 novembre 1999                 Gerace

         D2 :        Bamshad Mobasher, Robert Cooley et Jaideep Srivastava « Automatic personalization based on web usage mining » (août 2000) 43:8 Communications of the ACM 142.

         D3 :        Jeremy Goecks et Jude Shavlik « Learning users’ interests by unobtrusively observing their normal behavior », Proceedings of the 5th International Conference on Intelligent User Interfaces (IUI’00) (ACM, 2000).

         D4 :        Brij Masand et Myra Spiliopoulou « WEBKDD’99: Workshop on web usage analysis and user profiling » (janvier 2000) 1:2 SIGKDD Explorations 108.

         D5 :        Dan Murray et Kevan Durrell « Inferring demographic attributes of anonymous Internet users » dans Brij Masand et Myra Spiliopoulou, eds, Web Usage Analysis and User Profiling (WebKDD’99), LNCS 1836 (Springer, 2000).

[22]           D’après la définition susmentionnée de la personne versée dans l’art, l’état général de la technique révélé par la présente demande (et reflété par son absence de renseignements sur la mise en œuvre concernant la détection de l’utilisation du Web) et l’état général de la technique indiquée par D1 à D5, nous identifions les connaissances suivantes comme constituant les CGC dans la lettre de RP [Traduction] :

         techniques conventionnelles de prestation de services commerciaux et de publicités aux utilisateurs Web;

         stratégies marketing conventionnelles, et concepts de ciblage marketing visant des données démographiques particulières et de personnalisation de messages sur des produits à l’intention d’individus à grande échelle (personnalisation de masse);

         techniques conventionnelles d’exploration de données et d’apprentissage machine;

         profilage d’utilisateurs Internet;

         collecte de données démographiques auprès d’utilisateurs Internet;

         extrapolation des données démographiques sur les utilisateurs;

         utilisation de témoins, d’adresses IP, d’ID de session, etc. pour identifier des utilisateurs;

         utilisation de dispositifs de communication client-serveur, de réseautage et de techniques de programmation appropriées;

         détection d’un ensemble de pages Web consultées par un utilisateur ayant un attribut de profil d’utilisateur non connu et analyse de l’accès pour déterminer le profil.

Le problème et la solution

[23]           Comme l’explique la description (paragraphes 2 à 3), les données démographiques personnelles sont convoitées par les entreprises et les publicitaires, mais lorsqu’elles sont saisies manuellement par les visiteurs de sites Web, elles peuvent être incomplètes, fausses ou incorrectes. Les techniques de l’art antérieur en matière d’apprentissage machine (p. ex., l’utilisation de réseaux neuronaux ou de méthodes bayésiennes) pour extrapoler les données démographiques de ces visiteurs nécessitent souvent, par ailleurs, un nombre excessivement élevé de calculs et sont donc moins prisés. Comme solution, la demande (paragraphes 1, 4, 5 et 31; figure 3; revendication 1) propose une meilleure façon d’analyser l’utilisation du Web pour extrapoler des données démographiques sur les utilisateurs : un vecteur multidimensionnel représentant un schéma d’accès à des pages Web par un utilisateur est comparé à des vecteurs multidimensionnels représentant des schémas d’accès à des pages Web par des utilisateurs associés à certains attributs démographiques.

[24]           La description (p. ex., paragraphes 37 à 40) ne fait pas état de difficultés liées à la mise en œuvre par ordinateur de la solution, ni liées à la détermination du schéma d’accès des pages Web par un utilisateur. Les passages (p. ex., paragraphes 32 à 36 et figure 1) qui décrivent les configurations de matériel possibles sont de haut niveau et font référence à des composants génériques.

[25]           Par conséquent, étant donné le degré et la nature des renseignements compris dans la description relativement à la mise en œuvre, la personne versée dans l’art comprendrait que le problème ne repose pas dans la détermination ou l’obtention du schéma d’accès à des pages Web par un utilisateur, ni dans la mise en œuvre par ordinateur d’un algorithme d’analyse. Cette personne comprendrait plutôt que le problème repose dans l’inefficacité des algorithmes existants pour l’analyse des données, une fois celles-ci obtenues. Cette compréhension serait compatible avec l’inclusion, dans les CGC, de systèmes informatiques et de la détection de l’accès à des pages Web aux fins d’analyses ultérieures.

[26]           Par conséquent, comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RP, nous estimons que la solution est l’algorithme amélioré pour l’analyse des données (c.-à-d. schémas d’accès à des pages Web par l’utilisateur) à l’aide d’une comparaison de vecteurs multidimensionnels et d’une prédiction des données démographiques sur l’utilisateur.

Les éléments essentiels

[27]           Les revendications indépendantes 1, 9 et 17 au dossier visent respectivement une méthode, un appareil et un logiciel. Toutes les revendications font référence à la détection d’un ensemble de pages Web consultées par un utilisateur et à l’utilisation de vecteurs multidimensionnels dans l’analyse de cet accès. Par souci de commodité, la revendication indépendante 1, qui est représentative de l’invention, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

Revendication 1.       Une méthode mise en œuvre par machine pour extrapoler des renseignements du profil d’un utilisateur à partir de schémas d’accès à des pages Web par cet utilisateur, comprenant :

la détection d’un ensemble de pages Web consultées par un utilisateur « test » associé à un attribut de profil d’utilisateur non connu;

la schématisation d’au moins un sous-ensemble des dites pages Web détectées dans une première structure de données, ladite première structure de données représentant un schéma d’accès à des pages Web par ledit utilisateur « test »;

la comparaison de ladite première structure de données avec une pluralité de deuxièmes structures de données pour obtenir un résultat comparatif, la pluralité desdites deuxièmes structures de données représentant des grappes de schémas d’accès à des pages Web d’un ensemble de données d’échantillon d’utilisateurs ayant un attribut de profil d’utilisateur connu en commun;

l’évaluation, fondée sur ledit résultat de comparaison, de la pluralité desdites deuxièmes structures de données et de ladite première structure de données afin de déterminer une deuxième structure de données qui correspond au schéma d’accès aux pages Web de la première structure de données;

l’attribution dudit attribut de profil d’utilisateur non connu dudit utilisateur « test » provenant de la deuxième structure de données correspondante audit utilisateur « test »;

où l’attribut de profil d’utilisateur connu et commun de l’ensemble de données échantillon des utilisateurs correspond au profil d’attribut d’utilisateur non connu dudit utilisateur « test »;

où lesdites première et deuxième structures de données sont des vecteurs multidimensionnels;

où chaque dimension desdits premier et deuxième vecteurs multidimensionnels correspond à une page Web distincte.

[28]           Le demandeur, faisant référence à Free World Trust pour appuyer ses propos, a fait valoir dans la RDF qu’un système informatique est essentiel à l’invention revendiquée, puisque le fait que l’inventeur avait pour intention que l’ordinateur soit essentiel peut être déduit du mémoire descriptif et que l’ordinateur ne peut pas être omis sans avoir d’effet considérable sur le fonctionnement de l’invention revendiquée [Traduction] : « Plus particulièrement, l’étape de détection peut seulement être réalisée par un moyen tel qu’un ordinateur ». Dans la RDF, il est allégué que l’étape de détection est en soi essentielle, parce qu’elle est nécessaire pour que le dispositif fonctionne comme prévu et revendiqué par le demandeur. Comme preuve, il est souligné dans la RDF que l’étape de schématisation des pages Web détectées en une structure, qui a été déterminée dans la DF, constitue un élément essentiel, lequel requiert d’abord la détection des pages Web. Dans la RDF, la présente espèce est également comparée à l’affaire Demande de brevet 2344781 de Progressive Casualty Insurance Co (2013), 113 CPR (4th) 261, DC 1336 (Commission d’appel des brevets et Commissaire aux brevets), faisant valoir que tout comme dans cette affaire, l’invention revendiquée en l’espèce comprend diverses étapes de collecte et de traitement de données qui ne peuvent pas être omises sans avoir une incidence considérable sur le fonctionnement de la présente invention.

[29]           Comme il a été expliqué précédemment, l’interprétation téléologique doit tenir compte de la demande dans son ensemble, y compris du problème abordé par la demande et de sa solution, et doit déterminer quels éléments sont essentiels à cette solution. Le problème en l’espèce ne concerne pas la mise en œuvre par ordinateur ni la détection de schémas d’accès à des pages Web. Nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art, d’après le problème et la solution, comprendrait que les composantes informatiques et l’étape de détection ne sont pas essentielles. La solution fonctionne selon les règles de l’algorithme amélioré pour l’analyse des données et la prédiction des données démographiques de l’utilisateur : elle ne repose pas dans la collecte ou le traitement informatisé de données. Par conséquent, bien que ces renseignements illustrent l’environnement contextuel de l’invention, ils ne sont pas essentiels à la solution que fournit la demande.

[30]           Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes desquelles elles sont issues reflètent simplement différents modes de réalisation du même ensemble d’éléments essentiels.

[31]           Par conséquent, tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP, nous estimons que les revendications 1 à 24 au dossier partagent le même ensemble d’éléments essentiels [Traduction] :

         la schématisation d’au moins un sous-ensemble des dites pages Web détectées dans une première structure de données, ladite première structure de données représentant un schéma d’accès à des pages Web par ledit utilisateur « test »;

         la comparaison de ladite première structure de données avec une pluralité de deuxièmes structures de données pour obtenir un résultat comparatif, la pluralité desdites deuxièmes structures de données représentant des grappes de schémas d’accès à des pages Web d’un ensemble de données d’échantillon d’utilisateurs ayant un attribut de profil d’utilisateur connu en commun;

         l’évaluation, fondée sur ledit résultat de comparaison, de la pluralité desdites deuxièmes structures de données et de ladite première structure de données afin d’identifier une deuxième structure de données qui correspond au schéma d’accès aux pages Web de la première structure de données; et

         l’attribution dudit attribut de profil d’utilisateur non connu dudit utilisateur « test » provenant de la deuxième structure de données correspondante audit utilisateur « test »;

         où l’attribut de profil d’utilisateur connu et commun de l’ensemble de données échantillon des utilisateurs correspond au profil d’attribut d’utilisateur non connu dudit utilisateur « test »;

         où lesdites première et deuxième structures de données sont des vecteurs multidimensionnels;

         où chaque dimension desdits premier et deuxième vecteurs multidimensionnels correspond à une page Web distincte.

Objet prévu par la Loi

[32]           Comme il a été évoqué ci-dessus, le demandeur a fait valoir dans la RDF que les éléments essentiels comprennent un ordinateur et que l’objet revendiqué est donc prévu par la Loi. Cependant, selon l’interprétation qui précède, les éléments essentiels des revendications au dossier sont les règles de l’algorithme amélioré pour l’analyse des données et la prédiction des données démographiques de l’utilisateur; l’ordinateur ne fait donc pas partie des éléments essentiels. Ces règles n’entraînent aucun effet discernable ou changement dans la nature ou l’état d’un objet physique. Elles impliquent simplement d’exécuter un plan ou un principe d’action sans qu’aucun résultat physique ne découle directement de la mise à exécution de ce plan ou de ce principe. Cet objet n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[33]           Autrement dit, « une interprétation téléologique des revendications en cause mène à la conclusion qu’on ne peut établir une distinction entre Schlumberger et la présente espèce parce que le seul aspect inventif de l’invention revendiquée est l’algorithme — une formule mathématique — qui est programmé dans l’ordinateur de manière à ce qu’il accomplisse les opérations nécessaires » (Amazon.com aux paragraphes 63 et 69).

[34]           Par conséquent, les revendications 1 à 24 au dossier sont considérées comme définissant un objet non prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[35]           Tel qu’il est indiqué ci-dessus, le demandeur a proposé un ensemble modifié de 32 revendications dans la RDF. Ces revendications proposées comprennent huit autres revendications de méthodes énonçant des étapes semblables à celles figurant au dossier, mais qui, au lieu de fonder l’analyse sur la détection d’un accès à des pages Web, la fonde sur l’acquisition de renseignements de navigation représentant un ensemble de sites Web consultés obtenu de l’ordinateur de l’utilisateur en passant par le réseau. Toutes les revendications proposées augmentent généralement l’accent sur les étapes et les composantes informatisées.

[36]           Étant donné que ces modifications proposées ne modifieraient pas les définitions susmentionnées de la personne versée dans l’art, des CGC, du problème et de la solution, les revendications proposées contiendraient les mêmes ensembles d’éléments essentiels que ceux définis précédemment.

[37]           Par conséquent, notre opinion concernant l’objet non prévu par la Loi s’applique également aux revendications proposées. Il s’ensuit que les revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, peu importe qu’elles introduisent ou non une irrégularité liée au libellé, comme il est indiqué dans le résumé des motifs de l’examinateur.

Recommandation de la Commission

[38]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 24 définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                      Paul Fitzner                             Howard Sandler
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision du commissaire

[39]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[40]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce  20e jour de septembre 2018

 

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