Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision du commissaire no 1446

Commissioner’s Decision No. 1446

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      B00 Caractère ambigu ou imprécis (incomplet)
O00 Évidence


TOPICS:       B00 Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)
O00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 604 196

Application No. 2,604,196

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 604 196 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, lacommissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

OTTAWA (Ontario) K1P 1J9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 604 196, intitulée « Système et procédé pour la recherche de types spécifiques de personnes ou d’information sur un réseau poste-à-poste » et appartenant à Kroll Information Assurance, LLC. Les irrégularités qui subsistent sont liées aux questions de savoir si l’objet revendiqué aurait été évident et si les revendications sont imprécises.

[2]          La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif qu’elle n’est pas conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets, étant donné que l’objet des revendications 1 à 12 aurait été évident pour la personne versée dans l’art.

Contexte

La demande

[3]          La demande de brevet 2 604 196 [la « présente demande »], fondée sur une demande antérieurement déposée au titre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), est considérée comme ayant été déposée au Canada le 11 avril 2006 et rendue accessible au public le 19 octobre 2006.

[4]          La présente demande concerne des systèmes, des procédés et des appareils qui utilisent des termes de recherche spécifiques en tant que moyens de profilage pour trouver des types spécifiques de personnes ou d’information dans un réseau poste-à-poste (« P2P »).

Historique du traitement

[5]          Le 9 juin 2015, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la demande est irrégulière pour les motifs suivants :

1.    Les revendications 1 à 12, au moment de la DF (les « revendications au dossier »), auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

2.    Les revendications au dossier 1, 8 et 11 ont un caractère imprécis et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[6]          Dans une réponse à la DF en date du 18 décembre 2015, le demandeur a déclaré qu’il continuait de [TRADUCTION] « réfuter ces objections en évoquant essentiellement les mêmes raisons que celles présentées dans l’observation du demandeur en date du 3 janvier 2014, qui sont répétées par la présente. » L’observation en date du 3 janvier 2014 (« ObsDem2014 ») a fait valoir que les revendications ne sont pas évidentes par rapport à l’art antérieur cité et que les revendications sont précises.

[7]          L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets pour révision conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets le 15 mars 2016, accompagnée d’une explication exposée dans le résumé des motifs (RM) indiquant les irrégularités mentionnées dans la DF.

[8]          Dans une lettre en date du 6 avril 2016, la Commission a transmis au demandeur une copie du RM et a offert à ce dernier la possibilité de participer à une audience et de présenter des observations écrites supplémentaires. Dans sa réponse en date du 4 juillet 2016, le demandeur a refusé à la fois l’offre d’une audience orale et l’offre de fournir des observations écrites en réponse au RM.

[9]          Le présent Comité a été constitué dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

[10]      Dans une lettre en date du 28 novembre 2017 (la « lettre du Comité »), le Comité a exposé son analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier, il considère que les revendications au dossier 1, 8 et 11 sont précises. Par contre, c’était notre opinion préliminaire que les revendications 1 à 12 au dossier auraient été évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[11]      Dans sa réponse écrite en date du 2 janvier 2018, le demandeur a indiqué qu’il ne présenterait pas d’autres observations et a demandé que le Comité entreprenne son examen final et présente ses recommandations au commissaire.

Questions

[12]           Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont les suivantes :

1.    Si l’objet défini dans les revendications 1 à 12 aurait été évident pour la personne versée dans l’art et n’est donc pas conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

2.    Si les revendications au dossier 1, 8 et 11 ont un caractère imprécis et ne sont donc pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[13]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015 (OPIC)], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par l’inventeur et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Évidence

[14]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard, de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[15]      Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada inc., 2008 CSC 61, au paragraphe 67 (Sanofi), la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante [Traduction] :

(1)a)      Identifier la « personne versée dans l’art »;

                   b)      Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)          Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)          Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)          Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Clarté/caractère imprécis des revendications

[16]           Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

27. (4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété exclusive ou le privilège.

 

[17]      Dans Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines ltée [1947] R.C. de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la p. 146 [« Minerals Separation »], la Cour a insisté sur le fait que l’étendue du monopole que le demandeur cherche à obtenir doit apparaître clairement à la lecture des revendications et que les termes employés dans les revendications doivent être clairs et précis :

[Traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

Analyse

[18]      Le Comité souligne que le demandeur n’a contesté aucune opinion préliminaire ainsi qu’elles sont présentées dans la lettre du Comité. Notre recommandation ci-dessous présente donc un aperçu de notre analyse et de nos motifs, lesquels sont énoncés dans la lettre du Comité.

Vue d’ensemble de la présente demande

[19]      La lettre du Comité donne un aperçu de la présente demande :

Les nœuds d’un réseau poste-à-poste (« P2P ») partagent des fichiers en utilisant un serveur de fichiers et un logiciel client pour envoyer/recevoir des données vers/depuis d’autres nœuds du réseau P2P. Les utilisateurs déterminent pour le logiciel client un dossier qui doit être partagé avec d’autres utilisateurs. Pour une raison quelconque, les dossiers partagés peuvent contenir des renseignements sensibles qui ne doivent pas être partagés. Il est avantageux de localiser les personnes qui partagent des renseignements sensibles afin qu’ils puissent être retirés du partage.

La présente demande s’attarde aux systèmes, aux procédés et aux appareils qui utilisent des termes de recherche spécifiques en tant que moyens de profilage pour trouver des types spécifiques de personnes ou d’information dans un réseau P2P.

Il y a 12 revendications au dossier. À notre avis, la revendication indépendante 8 quant au procédé est représentative de la revendication indépendante 1 sur le système et de la revendication indépendante 11 sur l’appareil :

Un procédé d’identification d’au moins un type de personne en lançant des recherches sur un réseau poste-à-poste, comprenant :

•    déterminer au moins un type de personne à identifier;

•    se connecter au réseau poste-à-poste;

•    lancer une recherche poste-à-poste sur le réseau poste-à-poste, la recherche poste-à-poste incluant un groupe de termes de recherche prédéterminés utilisés dans le cadre de l’information partagée entre des ordinateurs connectés au réseau poste-à-poste, le groupe de termes de recherche prédéterminés comprenant une combinaison d’au moins deux termes de recherche sélectionnés parmi une liste de termes, la combinaison d’au moins deux termes de recherche connus pour susciter une réponse d’au moins un type de personne à identifier et des ordinateurs dans le réseau poste-à-poste, chacun étant associé à au moins un utilisateur, et les utilisateurs des ordinateurs du réseau poste-à-poste n’étant pas connus, avant de lancer la recherche poste-à-poste, d’inclure nécessairement au moins un type de personne à identifier;

•    recevoir une réponse à la suite d’une recherche poste-à-poste sur le réseau poste-à-poste, y compris le groupe de termes de recherche prédéterminés, la réponse étant reçue d’un ordinateur répondant connecté au réseau poste-à-poste, la réponse de l’ordinateur répondeur comprenant également de l’information relative à la combinaison d’au moins deux termes de recherche prédéterminés, et la réponse de l’ordinateur répondant comprenant également de l’information qui est partagée sans la connaissance d’un utilisateur lié à l’ordinateur répondant;

•    indiquer, par un processeur, que l’ordinateur répondant a un utilisateur lié qui est au moins un type de personne à identifier;

•    déterminer, par le processeur, un emplacement de l’utilisateur lié qui est au moins un type de personne à identifier à partir de la réponse.

 

Les revendications dépendantes 2 à 7, 9, 10 et 12 définissent des limitations supplémentaires aux revendications indépendantes définissant le « type de personne ».

 

Interprétation téléologique

[20]      Conformément à la position adoptée dans la lettre du Comité, cette révision ne permet pas de déterminer quels éléments revendiqués sont essentiels, car en tenant compte de tous les éléments des revendications, comme nous l’avons fait dans notre analyse ci-dessous, il est possible de parvenir à une conclusion concernant l’évidence qui ne serait pas affectée par l’inclusion d’éléments non essentiels.

Signification des termes

[21]      La lettre du Comité a entrepris d’interpréter téléologiquement l’expression « type de personne », car elle est pertinente pour la question de la clarté/du caractère imprécis des revendications :

À titre préliminaire, le Comité note que le sens du terme « type de personne » énoncé dans les revendications indépendantes est pertinent pour la question de la clarté/du caractère imprécis des revendications examinées ci-dessous, et nous interprétons donc son sens en tenant compte du mémoire descriptif dans son ensemble.

 

La description, commençant à la ligne 13 de la page 5, décrit une série de modes de réalisation qui relient des termes de recherche spécifiques à des personnes et/ou de l’information spécifique. Par exemple, à la page 5, les lignes 13 à 16 relient des termes de recherche, tels que MBNA, litige, déclaration, etc. avec des personnes et/ou de l’information relative à des comptes financiers. Un autre exemple, aux lignes 17 à 19 de la page 5, relie les termes de recherche litige, lettre de motivation, curriculum vitæ, etc. avec des personnes et/ou de l’information relative au vol d’identité et aux conflits de cartes de crédit.

 

Le Comité interprète le terme « type de personne » comme désignant une personne partageant des renseignements sensibles ou protégés d’un certain type, lorsque ce type d’information présente un intérêt. Divers modes de réalisation présentés dans la description suggèrent que le type d’information d’intérêt comprend des comptes financiers, de l’information relative au vol d’identité et aux conflits de cartes de crédit, etc.

 

[22]      Par conséquent, nous adoptons cette interprétation aux fins de la présente révision.

 

Évidence

Étape (1)a) de Sanofi — Identifier la personne versée dans l’art

[23]      La lettre du Comité désignait la personne versée dans l’art comme étant « un ingénieur en informatique ou un informaticien spécialisé dans les technologies de réseautage informatique et les techniques de recherche connexes ».

[24]      Nous adoptons cette caractérisation de la personne versée dans l’art pour notre révision.

Étape (1)b) de Sanofi — Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[25]      La lettre du Comité a défini les CGC comme suit :

Comme les CGC sont mieux représentées par le contexte de la présente demande (présente demande, pages 1 à 3 et figures 1 à 3), nous sommes d’avis que les CGC comprennent :

• les réseaux P2P pour partager des fichiers tels que de la musique, des films et des fichiers logiciels en utilisant un serveur de fichiers et un logiciel client sur chaque nœud;

• les topologies de réseau P2P;

• la recherche de fichiers sur les réseaux P2P.

 

[26]      Nous adoptons ces caractérisations des CGC pour notre révision.

Étape (2) de Sanofi — Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[27]      Aux fins de l’évaluation de l’évidence des revendications, nous avons tenu compte de tous les éléments des revendications, comme énoncés ci-dessus en ce qui concerne l’interprétation des revendications.

Étape 3 de Sanofi — Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[28]      La DF a cité deux documents antérieurs :

D1 :     US 2003/0182428 A1             Li et coll.         25 septembre 2003
D2 :     Chambre des représentants des États-Unis, Comité sur la réforme du gouvernement — Rapport du personnel, préparé pour le Rép.
Tom Davis et le Rép. Henry A. Waxman, « File-Sharing Programs and Peer-to-Peer Networks Privacy and Security Risks », mai 2003

[29]      La lettre du Comité a identifié le document D2 comme représentant « l’état de la technique » dans l’analyse de l’étape (3) de Sanofi.

[30]      D2 est un rapport d’enquête du personnel du Congrès résumant les risques potentiels pour la confidentialité et la sécurité associés aux programmes populaires de partage de fichiers P2P, tels que Kazaa et Morpheus (D2, pages 2 et 3). Les conclusions de D2 notent, entre autres, que [TRADUCTION] « de nombreux utilisateurs de programmes de partage de fichiers ont, par inadvertance, mis des renseignements très personnels à la disposition d’autres utilisateurs » (D2, pages 1 et 5 à 9).

[31]      La lettre du Comité a examiné les observations présentées par le demandeur ObsDem2014 à l’égard de D2 et a relevé la différence entre D2 et les revendications indépendantes 1, 8 et 11 :

L’ObsDem2014 affirme, à la page 13, ce qui suit en ce qui concerne D2 :

Ainsi, au mieux, D2 est chargé de déterminer si les utilisateurs partagent des renseignements personnels sur le réseau P2P, et pourquoi les utilisateurs partagent les renseignements personnels sur le réseau P2P. D2 ne se préoccupe pas de localiser un type spécifique de personne et de déterminer l’emplacement du type spécifique de personne de la manière indiquée dans les revendications indépendantes de la demande actuelle. C’est-à-dire que D2 ne mentionne pas son système émettant une recherche d’information (par exemple, au moins deux termes de recherche) sur le réseau P2P qui est connue pour susciter une réponse d’au moins un type de personne essayant d’être identifié, puis utiliser/analyser la réponse d’au moins un type de personne pour déterminer l’emplacement d’au moins un type de personne.

Pour déterminer si les utilisateurs partagent des renseignements personnels, D2 déclare qu’il utilise simplement des recherches par mot-clé pour trouver des types spécifiques de fichiers partagés sur le réseau P2P (par exemple, Kazaa), où les fichiers spécifiques peuvent être des déclarations fiscales et des dossiers médicaux. Voir D2, page 5 et Fig. 1. Une fois qu’un fichier spécifique a été localisé sur l’ordinateur d’un utilisateur spécifique, D2 décrit l’utilisation d’une fonctionnalité de Kazaa appelée « En savoir plus sur le même utilisateur » qui révèle tous les fichiers situés sur l’ordinateur de l’utilisateur spécifique. Voir D2, page 7. Ainsi, au mieux, D2 décrit l’émission d’une requête de recherche spécifique, la recherche d’un fichier spécifique sur un ordinateur spécifique basé sur cette recherche, puis la recherche de tous les fichiers qui se trouvent sur l’ordinateur spécifique. D2 ne concerne pas et ne décrit pas une technique pour localiser un type spécifique de personne, encore moins pour déterminer l’emplacement d’un type spécifique de personne connu pour partager un type spécifique d’information, comme décrit dans les revendications de la présente demande. Précisément, D2 ne mentionne pas son système émettant une recherche d’information (par exemple, au moins deux termes de recherche) sur le réseau P2P qui est connue pour susciter une réponse d’au moins un type de personne essayant d’être identifié, puis utiliser/analyser la réponse d’au moins un type de personne pour déterminer l’emplacement d’au moins un type de personne. [en gras dans l’original]

En ce qui concerne l’observation du demandeur selon laquelle « D2 ne fait aucune mention de son système émettant une recherche d’information (par exemple, au moins deux termes de recherche) sur le réseau P2P connue pour susciter une réponse d’au moins un type de personne essayant d’être identifiée », le Comité note que D2 divulgue l’utilisation d’une recherche par mot-clé à la page 5 : « Le test du Comité a été fait en utilisant le programme Kazaa. De façon constante, les renseignements personnels étaient faciles à trouver, souvent dans la première série de résultats obtenus grâce à de simples recherches par mot-clés ». D2 est également explicite dans la divulgation à la page 5 que la recherche par mot-clé comprend au moins un terme de recherche. D2 fournit des exemples de renseignements personnels trouvés sur les réseaux P2P, tels que les déclarations fiscales, les renseignements d’ordre médical, les documents juridiques confidentiels, etc. (voir d’autres exemples dans D2 aux pages 5 à 7 et dans la figure 1 et le tableau 2). D2 divulgue également la relation entre un utilisateur spécifique et des renseignements personnels partagés; par exemple, une recherche pour une personne liée à une information financière donne dans la figure 1 de D2 des exemples de formulaires d’impôt remplis et des mises en correspondance vers des utilisateurs spécifiques dans le tableau 2 de D2.

Sur la base de cette divulgation, le Comité est d’avis que D2 divulgue l’émission d’une recherche utilisant des mots-clés pour obtenir des renseignements connus pour susciter une réponse d’un type spécifique de personne.

Nous sommes d’accord avec l’observation supplémentaire du demandeur selon laquelle « D2 ne se préoccupe pas de... déterminer l’emplacement du type spécifique de personne. »

Sur la base de ce qui précède, c’est l’avis préliminaire du Comité que D2 divulgue au moins un type de personne à identifier (par exemple, des personnes partageant de l’information liée à l’information financière) se connectant à un réseau P2P (utilisant Kazaa), émettant une recherche P2P sur le réseau P2P utilisant des termes de recherche (par exemple, termes de recherche liés à de l’information financière), recevant une réponse à la suite de la recherche P2P (par exemple, remplir des formulaires fiscaux comme indiqué à la page 6, figure 1) et indiquant un utilisateur lié qui est le type de personne à identifier (par exemple, les renseignements personnels sont mis en correspondance vers un utilisateur, comme indiqué à la page 7, tableau 2).

Il s’ensuit, à notre avis préliminaire, en ce qui concerne les revendications indépendantes 1, 8 et 11 que D2 ne divulgue pas la détermination d’un emplacement de l’utilisateur lié (soulignement ajouté).

 

[32]      Nous relevons cette différence, à savoir, déterminer un emplacement d’un utilisateur lié, comme seule différence entre l’état de la technique représenté par D2 et les revendications indépendantes 1, 8 et 11.

[33]      La lettre du Comité a examiné les différences entre D2 et les revendications dépendantes 2 à 7, 9, 10 et 12 :

En ce qui concerne les revendications dépendantes 2, 3, 5, 7, 9 et 12, l’avis préliminaire du Comité est que D2 divulgue également les éléments de ces revendications :

•    revendications dépendantes 2 et 12 : les déclarations de revenus remplies des utilisateurs 1 et 6 (D2, page 7, tableau 2) divulguent au moins une personne liée aux comptes financiers;

•    revendication dépendante 3 : les documents commerciaux internes et la correspondance commerciale sensible, y compris les notes de service de l’utilisateur 2 quant aux prises de décision du conseil d’administration (D2, page 7, tableau 2), révèlent au moins un type de personne liée aux dirigeants ou aux opérations;

•    revendication dépendante 5 : les inventaires d’équipement médical à bord d’un navire pour l’utilisateur 3 (D2, page 7, tableau 2) révèlent au moins un type de personne lié aux opérations de l’entreprise;

•    revendication dépendante 7 : des « recherches simples par mot-clé » (D2, page 5) et les exemples de renseignements personnels trouvés (D2, figure 1) révèlent une personne partageant de l’information relative à une autre entité liée à au moins un terme de recherche;

•    revendication dépendante 9 : le fichier personnel partagé pour les utilisateurs 1 à 8 (D2, page 7, tableau 2) révèle que le type de personne à identifier est une personne partageant de l’information qui ne devrait pas être partagée.

 

En ce qui concerne les revendications dépendantes restantes 4, 6 et 10, à notre avis préliminaire, D2 ne révèle pas explicitement qu’au moins un type de personne est lié à :

•    l’information financière des entreprises (revendication dépendante 4);

•    une personne qui ne devrait pas partager de l’information liée à au moins deux termes de recherche (revendications dépendantes 6 et 10).

 

[34]      À la lumière de ce qui précède, nous déterminons ces éléments, à savoir, le « au moins un type de personne est lié à l’information financière de l’entreprise » et le « au moins un type de personne qui ne devrait pas partager d’information est associé à au moins deux termes de recherche » comme les différences entre l’état de la technique représenté par D2 et les revendications dépendantes 4, 6 et 10 pour les besoins de cette révision.

[35]      Lors de l’examen préliminaire du Comité, nous avons également relevé un document pertinent supplémentaire, General Accounting Office (GAO) des États-Unis, Rapport au président du comité et au Membre le plus ancien du parti minoritaire, Comité sur la réforme gouvernementale, Chambre des Représentants « File-Sharing Programs Peer-to-Peer Networks Provide Ready Access to Child Pornography », 20 février 2003 [GAO] (disponible à : http://www.gao.gov/assets/240/237369.pdf).

[36]      En ce qui concerne les différences entre le GAO et les revendications indépendantes 1, 8 et 11, la lettre du Comité indiquait :

Le GAO a constaté que la pornographie juvénile est facilement trouvée, partagée et téléchargée depuis les réseaux P2P. Les recherches par mots-clés ont été utilisées pour trouver des fichiers liés à la pornographie juvénile. En particulier, 12 mots-clés ont été utilisés pour les recherches par Kazaa, « les 12 mots-clés fournis par le CyberSmuggling Center comme des exemples connus de la pédopornographie sur Internet » (GAO, pages 11-12, note 28 de bas de page). En outre, le GAO, à la page 12, a déclaré :

En utilisant 3 des 12 mot-clés que nous avons utilisés pour documenter la disponibilité des fichiers de pornographie juvénile, un analyste du CyberSmuggling Center a utilisé Kazaa pour rechercher, relever et télécharger 305 fichiers, y compris des fichiers contenant plusieurs images et doublons. L’analyste a pu télécharger 341 images à partir des 305 fichiers relevés grâce à la recherche Kazaa.

L’analyse du CyberSmuggling Center sur les 341 images téléchargées a montré que 149 (environ 44 %) des images téléchargées contenaient de la pornographie juvénile (voir la figure 2). Le centre a classifié les images restantes comme érotisme juvénile (13 %), pornographie adulte (29 %), ou non pornographique (14 %).

L’annexe I du GAO fournit une description des objectifs et de la portée du travail et de la méthodologie utilisée, y compris des exemples de mots-clés utilisés (GAO, pages 19-20). L’annexe II du GAO (pages 21 à 25) fournit également une description des réseaux P2P; il est précisé à la note 10 au bas de la page 24 que « les agents de la loi peuvent répertorier les adresses Internet des utilisateurs au cours du processus de partage de fichiers et obtenir, par ordonnance du tribunal, leur identité auprès de leurs fournisseurs de services Internet. »

Sur la base de ces renseignements, le Comité estime que le GAO divulgue également au moins un type de personne à identifier (personnes partageant de la pornographie juvénile), se connectant à un réseau P2P (utilisant Kazaa), émettant une recherche P2P sur le réseau P2P en utilisant la recherche par termes (par exemple, trois mots-clés destinés à repérer des images pornographiques, annexe I), recevant une réponse à la suite de la recherche P2P (annexe I) et en identifiant un utilisateur associé qui est le type de personne à identifier (annexe II, note 10 de bas de page) (soulignement ajouté).

Similairement à la différence relevée ci-dessus entre les revendications indépendantes 1, 8 et 11 et D2, c’est l’avis préliminaire du Comité que le GAO ne divulgue pas explicitement la détermination d’un emplacement de l’utilisateur lié (soulignement ajouté).

 

[37]      Ainsi, nous relevons également cette différence, à savoir, déterminer un emplacement de l’utilisateur lié, comme seule différence entre l’état de la technique représenté par le GAO et les revendications indépendantes 1, 8 et 11 aux fins de la présente révision.

[38]      En ce qui concerne les différences entre l’état de la technique représenté par le GAO et les revendications dépendantes 2 à 7, 9, 10 et 12, à la lumière de l’analyse présentée ci-dessus dans la lettre du Comité, nous sommes d’avis que le GAO divulgue également les limites des revendications 6, 7, 9 et 10, c’est-à-dire que le type de personne à identifier est une personne partageant de l’information qui ne devrait pas être partagée et est liée à au moins un ou deux termes de recherche (voir, par exemple, trois mots-clés destinés à repérer les images pornographiques, annexe I, GAO). Cependant, à notre avis, le GAO ne divulgue pas explicitement le « au moins une personne est liée à des comptes financiers » (revendications 2 et 12), le « au moins une personne est liée à des dirigeants d’entreprise ou des opérations corporatives » (revendications 3 et 5), et le « au moins une personne est liée aux finances de l’entreprise » (revendications 4).

Étape (4) de Sanofi — Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[39]      Le Comité a évalué si ces différences relevées constituent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

En ce qui concerne les revendications indépendantes 1, 8 et 11, le Comité est d’avis préliminaire que la différence de détermination de l’emplacement d’un utilisateur à partir des résultats de la recherche retournée aurait été évidente pour la personne versée dans l’art. D2 divulgue la mise en correspondance des résultats de recherche vers un utilisateur spécifique (D2, page 5, tableau 2) et il aurait été bien connu de la personne versée dans l’art de lier à cet utilisateur une information d’identification d’emplacement, par exemple une adresse de protocole Internet (IP). De même, le GAO divulgue l’identification d’un utilisateur lié qui est le type de personne à identifier en utilisant une adresse IP (annexe II, note 10 de bas de page). En commençant par D2 ou par le GAO, il est bien connu de la personne versée dans l’art de déterminer l’emplacement de l’utilisateur en utilisant une adresse IP.

 

Le Comité note également que la présente demande est dépourvue de toute divulgation permettant la réalisation de cette caractéristique spécifique de détermination de l’emplacement d’un utilisateur à partir des résultats de recherche renvoyés. Ainsi, nous supposons que la mise en œuvre de cette caractéristique fait partie des CGC de la personne versée dans l’art.

 

En ce qui concerne les revendications dépendantes 4, 6 et 10, c’est l’avis préliminaire du Comité que la personne qualifiée dans la recherche de fichiers sur un réseau P2P n’aurait eu aucune difficulté à concevoir un terme de recherche spécifique ou plusieurs termes de recherche liés à un type de personne à identifier. Par exemple, la recherche de D2 pour des utilisateurs liés à de l’information financière personnelle n’a révélé aucune difficulté pour déterminer les termes de recherche appropriés. En outre, D2 divulgue la recherche de fichiers en utilisant des recherches simples par mot-clé, ce qui fait également partie des CGC de la personne versée dans l’art.

 

Notre avis préliminaire est qu’il n’y a pas non plus de différences entre les revendications 1 à 12 et le GAO qui constituent des étapes nécessitant un degré quelconque d’invention, pour des raisons similaires à celles données pour D2.

 

[40]      Ainsi, la différence entre les revendications indépendantes 1, 8 et 11 et D2 ou le GAO, à savoir déterminer l’emplacement d’un utilisateur à partir des résultats de recherche renvoyés, aurait été évidente pour la personne versée dans l’art, car c’était connu pour déterminer l’emplacement d’un utilisateur en utilisant de l’information d’identification de l’emplacement, telle qu’une adresse IP.

[41]      De plus, en ce qui concerne la différence entre la revendication dépendante 4 et D2 et les revendications dépendantes 2 à 5 et 12 et le GAO, c’est-à-dire que le ou les types de personnes sont liés aux comptes financiers de l’entreprise, à des dirigeants ou des opérations corporatives, et à de l’information financière de l’entreprise, c’était connu de déterminer des termes de recherche appropriés pour rechercher d’autres types spécifiques de personnes et, par conséquent, cette différence aurait également été évidente pour la personne versée dans l’art.

[42]      Concernant la différence entre les revendications dépendantes 6 et 10 et D2, à savoir le au moins un type de personne qui ne devrait pas partager de l’information est lié à au moins deux termes de recherche, cette différence aurait également été évidente pour la personne versée dans l’art compte tenu des CGC.

[43]      À la lumière de ce qui précède, notre avis est que les différences entre les revendications au dossier et l’art antérieur cité dans la lettre du Comité auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[44]      Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Clarté/caractère imprécis des revendications

[45]      La lettre du Comité indiquait :

À la page 4 de la DF, le comité a fait valoir ceci :

 

Les revendications 1, 8 et 11 ne sont pas conformes à l’article 27(4) de la Loi sur les brevets. Ces revendications décrivent la détermination de l’emplacement d’au moins un type de personne identifié à partir de la réponse. Cela crée de la confusion et de l’ambiguïté, car il n’y a rien pour soutenir la façon dont un terme de recherche conduit à un « type de personne ». Il peut être entendu que les termes de recherche mènent à un emplacement de fichier, ou à un ordinateur, pas à une personne ou à un « type de personne », comme suggéré.

 

Le demandeur a répondu que l’exemple de description à la page 8 décrit comment les termes de recherche mènent à un type de personne (ObsDem2014 à la page 14).

 

Selon l’interprétation du Comité ci-dessus de l’expression « type de personne », le Comité est d’avis préliminaire que la personne versée dans l’art comprendrait sans difficulté le sens de ce terme dans la description. Le Comité considère que les étapes énumérées sont formulées dans un langage clair et précis, de sorte que la personne versée dans l’art saura facilement déterminer les limites des étapes énumérées et donc de la revendication, en tenant compte des directives données dans Minerals Separation.

 

Par conséquent, l’avis préliminaire du Comité est que les revendications 1, 8 et 11 possèdent un caractère précis et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[46]      Ainsi, compte tenu de notre interprétation téléologique du terme « type de personne » décrit ci-dessus, nous sommes d’avis que les revendications au dossier 1, 8 et 11 possèdent un caractère précis et sont donc conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Conclusions

[47]      Cette révision a déterminé que :

1.    l’objet défini dans les revendications 1 à 12 aurait été évident pour la personne versée dans l’art et n’est donc pas conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

2.    les revendications au dossier 1, 8 et 11 ont un caractère précis et sont donc conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Recommandation à la Commission

[48]      Pour les raisons exposées précédemment, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que l’objet des revendications au dossier, à savoir les revendications 1 à 12, aurait été évident pour la personne versée dans l’art et n’est donc pas conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

 

Lewis Robart                 Stephen MacNeil                    Leigh Matheson

Membre                        Membre                                   Membre

 

Décision

[49]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande parce que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[50]      Par conséquent, en application de l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 6e jour de mars 2018

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.