Brevets

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Décision du commissaire no 1449

Commissioner’s Decision No. 1449

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan

 

TOPICS:       J–00 Meaning of Art
J–50 Mere plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 544 147

Application No. 2,544,147


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 544 147 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

1, Place Ville-Marie, bureau 2500

MONTRÉAL (Québec)

H3B 1R1


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 544 147, qui est intitulée « Systèmes et méthodes garantissant la viabilité d’une commande valable jusqu’à la prochaine amélioration dans les systèmes de transactions électroniques ». La demande de brevet appartient à BGC Partners, Inc. L’irrégularité qui subsiste mentionnée dans la décision finale (DF) tient au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, contrairement à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadien 2 544 147 a été déposée le 20 avril 2006 et publiée le 20 octobre 2006.

[3]               La demande se rapporte à des systèmes de transactions électroniques, en particulier à des améliorations du type d’ordres « valables jusqu’à la prochaine amélioration » utilisé dans de tels systèmes. Contrairement aux ordres à cours limité, qui demeurent inscrits dans un système de transaction électronique jusqu’à ce qu’ils soient négociés ou annulés, les ordres conventionnels valables jusqu’à la prochaine amélioration ne sont plus inscrits lorsqu’un meilleur ordre est donné. Les améliorations mettent en jeu des conditions supplémentaires de retrait des ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration visant à empêcher leur manipulation et leur retrait injustifié.

Historique du traitement de la demande

[4]               Le 2 octobre 2015, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande est irrégulière parce que les revendications au dossier (c.-à-d. les revendications 1 à 119) ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans une réponse à la DF (RDF) datée du 4 avril 2016, le demandeur a proposé 48 revendications supplémentaires, ce qui a donné lieu à un ensemble de 167 revendications (les premières revendications proposées), et a présenté des arguments en faveur de leur acceptation. Plus particulièrement, le demandeur a fait valoir que toutes les revendications, interprétées correctement, comprennent des composantes matérielles informatiques comme éléments essentiels de l’invention et que, par conséquent, elles visent un objet prévu par la Loi.

[6]               L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets, le 13 juin 2016, la demande a été transmise à la Commission pour révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) indiquant que le refus de la demande était maintenu sur le fondement de l’irrégularité indiquée dans la DF (en ce qui concerne aussi bien les revendications au dossier que les premières revendications proposées). L’examinateur a également jugé que les 48 revendications supplémentaires (revendications 120 à 167 des premières revendications proposées) étaient évidentes.

[7]               Dans un accusé de réception daté du 13 juillet 2016, la Commission a pris acte du transfert de la demande de l’examinateur à la Commission, a transmis au demandeur une copie du RM et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et de participer à une audience. Dans ses réponses datées du 19 octobre 2016 et du 12 mai 2017, le demandeur a présenté des observations supplémentaires concernant l’objet prévu par la Loi et a demandé que la révision soit effectuée en fonction du dossier écrit dans sa version actuelle.

[8]               Le présent comité a ensuite été constitué dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 5 octobre 2017, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que des premières revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Étant donné que les revendications proposées ne pouvaient en conséquence pas être considérées comme des modifications nécessaires au titre du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, il n’y a pas eu lieu d’évaluer l’évidence de ces revendications.

[9]               Le 6 novembre 2017, le demandeur a répondu à la lettre de RP (RRP) en proposant un nouvel ensemble modifié de 119 revendications (les secondes revendications proposées ») et en présentant des arguments supplémentaires sur l’interprétation des revendications et le fait que l’objet serait prévu par la Loi.

Question

[10]           La question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[11]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67, aux paragraphes 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (OPIC) (révisé en juin 2015), la première étape de l’interprétation téléologique consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution préconisée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée.

[12]           Dans la RRP, le demandeur s’est dit en désaccord avec l’approche adoptée dans l’interprétation téléologique. Plus précisément, le demandeur a fait valoir que les éléments essentiels doivent inclure ceux qui sont essentiels à l’invention tels qu’ils sont formulés dans la revendication, et non seulement ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution [Traduction] :

Bien qu’il soit possible que les éléments qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée telle qu’elle est revendiquée puissent être des éléments essentiels, il n’y a aucun fondement à la prétention selon laquelle seuls les éléments qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée sont essentiels. Tel qu’indiqué précédemment, le test du caractère essentiel est énoncé dans Free World Trust.

Conformément au passage précité, il est tout à fait possible que les éléments considérés par l’examinateur comme faisant partie du « contexte d’exploitation » soient néanmoins essentiels, parce qu’ils ne peuvent pas être substitués ou omis sans faire en sorte que l’invention (c.-à-d. l’invention revendiquée) ne remplisse pas essentiellement la même fonction essentiellement de la même façon pour obtenir essentiellement le même résultat.

Le passage présenté à la page 6 du RPBB indiquant que « tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution » n’est pas faux, mais l’expression choisie revêt une importance primordiale. Le passage présenté dans le RPBB utilise l’expression « essentiel à la solution », par opposition à « essentiel à l’invention ». Étant donné que le test juridique du caractère essentiel reconnu à l’heure actuelle consiste à déterminer si l’omission ou la substitution d’un élément des revendications aurait une incidence sur la façon dont l’invention fonctionne, et que « l’invention » n’est pas la même chose que « la solution », le demandeur soutient que le passage du RPBB est néanmoins compatible avec la conclusion selon laquelle les éléments matériels informatiques des revendications sont des éléments essentiels des revendications. [Soulignement présent dans l’original]

[13]           Le demandeur a reconnu que l’interprétation téléologique ne peut être établie uniquement en fonction d’une interprétation littérale des revendications, mais a fait valoir qu’il s’agit précisément de la question que vise le test du caractère essentiel énoncé dans Free World Trust.

[14]           Le test du caractère essentiel ne peut cependant pas être comme l’interprète le demandeur, car il doit être plus qu’un simple examen de la mesure dans laquelle les éléments cités peuvent être modifiés sans changer la manière dont le mode de réalisation revendiqué fonctionne.

[15]           Dans Canada (P.G.) c. Amazon.com, 2011 CAF 328, la Cour d’appel fédérale a prescrit une évaluation de l’objet brevetable sur le fondement de l’interprétation téléologique pour [Traduction] « que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance ». La Cour a donné comme exemple la situation dans l’affaire Schlumberger Canada Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1982] 1 C.F. 845 (C.A.). Bien que la Cour n’ait pas nommé les éléments essentiels de cette invention ou expliqué comment ils ont été relevés, elle a néanmoins indiqué que, selon une interprétation juste, l’invention revendiquée pouvait constituer la revendication [Traduction] « d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable », même si elle semblait être la revendication d’une [Traduction] « réalisation » ou d’un « procédé » et malgré le fait que son [Traduction] « utilisation de l’ordinateur était une application pratique ».

[16]           Comme l’explique la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution — lesquels sont proposés dans la description et sous-tendent le mode de réalisation revendiqué — pour obtenir son résultat. La définition initiale du problème et de la solution proposés permet ainsi d’éviter une évaluation circulaire commençant et se terminant avec le libellé des revendications, ce qui serait contraire aux principes établis dans Free World Trust.

[17]           Le demandeur a aussi souligné dans sa RRP que la conclusion que les systèmes de transactions informatiques font [Traduction] « partie des connaissances générales courantes n’empêche pas les composantes matérielles informatiques de tels systèmes de transactions d’être considérées comme des éléments essentiels des revendications » (soulignement présent dans l’original).

[18]           Nous sommes d’accord. Comme l’explique le RPBB (aux sections 13.05.02b et 13.05.02c), un élément n’est pas nécessairement non essentiel simplement parce qu’il fait partie des CGC. Néanmoins, la définition du problème et de la solution — qui oriente la définition des éléments essentiels — est elle-même guidée par les CGC, en gardant à l’esprit que la personne versée dans l’art lit le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’il énonce quelque chose de plus que des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus.

Objet prévu par la Loi

[19]           La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[20]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à la méthode utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[21]           Tel qu’il est indiqué dans l’énoncé de pratique PN2013–03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En revanche, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à de la matière exclue de la définition d’invention (p. ex., les beaux-arts, une simple idée, un schéma, une série de règles, etc.), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[22]           Dans la lettre de RP, nous avons défini la personne versée dans l’art [Traduction] « comme étant une équipe constituée d’un courtier en instruments financiers ayant de l’expertise dans les types d’ordres commerciaux et d’experts des technologies de l’information ayant de l’expérience en matière de systèmes informatisés de traitement de données financières et de systèmes de transactions électroniques ». Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Les CGC

[23]           À la lumière des CGC énoncées dans la DF et de l’état de la technique décrit dans la demande, nous avons déterminé dans la lettre de RP que les concepts suivants font partie des CGC :

         Les types d’ordres commerciaux, y compris les ordres passifs ou en attente, les ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration et les ordres à cours limité;

         Les régimes de transaction, y compris l’amélioration des ordres commerciaux; et

         La conception, la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance de systèmes informatiques, de réseaux et de logiciels, y compris :

o   Les systèmes de réseaux de transaction;

o   Les ordinateurs à usage général, les ordinateurs à usage spécial, les dispositifs informatiques, les processeurs et les interfaces utilisateur; et

o   Les technologies et les protocoles liés aux réseaux informatiques et à Internet.

[24]           Dans sa RRP, le demandeur a indiqué qu’il n’était pas d’accord pour dire que les systèmes de transactions informatisés font partie des CGC. Néanmoins, tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP, la reconnaissance de tels systèmes comme faisant partie des CGC est étayée par la manière dont ils sont mentionnés dans la présente demande (paragraphes 2 à 8, 15 et 17), y compris l’exemple donné du brevet américain 6 560 580 montrant l’existence de tels systèmes. En conséquence, nous adoptons également la définition présentée dans la lettre de RP des CGC aux fins de la présente révision.

Le problème à résoudre

[25]           Selon la description (paragraphes 4 à 8), les ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration, qui ont une durée relativement réduite, sont destinés à offrir une solution de rechange aux types d’ordres comme les ordres à cours limité, qui existent jusqu’à ce qu’ils soient négociés ou annulés. Cependant, lorsqu’il existe un écart sur le marché intérieur, un premier courtier utilisant un ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration peut être exploité par un second courtier qui améliore les ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration qui peut retirer l’ordre, puis annuler son propre ordre pour présenter un nouvel ordre au cours original. Un scénario semblable peut se produire en l’absence d’écart lorsque le second courtier fait et sécurise une contre-offre correspondant au cours d’un ordre vendeur en vigueur, entraînant encore une fois le retrait de l’ordre vendeur valable jusqu’à la prochaine amélioration du premier courtier, puis l’annulation de son propre ordre et la création d’un nouvel ordre. Un tel comportement n’est pas souhaitable pour le premier courtier et retire inutilement des liquidités du marché.

[26]           Tel qu’il est expliqué ci-dessus, le traitement des types d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration dans des systèmes de transactions informatisés relève des CGC; l’objet déclaré de l’invention est le maintien de la viabilité des ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration dans un tel système (voir le titre et le paragraphe 9 de la description).

[27]           Nous avons défini le problème en tant que tel dans la lettre de RP et, bien que le demandeur se soit dit en désaccord avec l’importance accordée au problème et à la solution dans l’interprétation téléologique, il n’a pas contesté la définition du problème dans sa RRP. Là encore, nous adoptons cette définition aux fins de la présente révision.

La solution proposée

[28]           La demande (paragraphes 10, 11 et 15 à 21) propose que l’objet susmentionné soit accompli, au moins en partie, au moyen d’un nouveau type d’ordres. Ce nouveau type d’ordres constitue une modification d’un type conventionnel d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration. La modification consiste en la spécification d’une valeur incrémentale et/ou d’un paramètre de durée. L’ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration modifié (lorsqu’il est inexécuté et n’est pas annulé) n’est pas retiré avant qu’un nouvel ordre l’améliore de la valeur incrémentale déterminée ou qu’un nouvel ordre qui l’améliore soit maintenu pendant la durée déterminée. Certains modes de réalisation mettent en jeu les deux spécifications, alors qu’un ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration est retiré lorsque l’une ou l’autre des conditions est remplie ou qu’un ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration est retiré lorsque les deux conditions sont remplies.

[29]           Un raisonnement semblable a constitué le fondement de la définition de la solution dans la lettre de RP. Dans la RRP, le demandeur n’a pas contesté explicitement la définition, mais s’est dit en désaccord avec l’importance accordée au problème et à la solution dans l’interprétation téléologique, tel qu’il est indiqué ci-dessus. Dans son examen des éléments essentiels dans sa RRP, le demandeur a également indiqué ce qui suit [Traduction] :

« La formulation des règles ou des types d’ordres eux-mêmes » ne résoudrait aucun problème en l’absence d’ordinateurs qui mettent en œuvre un système de transaction dans lequel ces règles et ces types d’ordres seraient possibles.

[30]           Le demandeur avait précédemment présenté des arguments connexes dans la RDF, faisant valoir que l’amélioration abusive des ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration pour en tirer un avantage commercial ne serait pas possible sans plateformes de transactions informatisées, et que les systèmes de transactions électroniques (et leur matériel connexe) constituent par conséquent des composantes nécessaires du problème et de la solution. Le demandeur avait aussi caractérisé le problème et la solution comme se rapportant à un [Traduction] « problème informatique » et comme se rapportant à l’exploitation du système de transaction informatisé.

[31]           Tel qu’expliqué dans la lettre de RP, la présente demande (paragraphes 3 à 8) reconnaît l’existence des systèmes de transactions informatisés permettant aux courtiers de soumettre divers types d’ordres qui sont traités par les systèmes selon des règles établies. De tels systèmes et fonctions font également partie des CGC. En outre, la description présentée dans la demande (paragraphes 25 à 31; figure 1) du système de transaction informatisé à utiliser dans des modes de réalisation de l’invention n’est ni particulière ni très détaillée, et ne mentionne aucun défi de réalisation du calcul et de la communication en jeu dans la mise en œuvre du nouveau type d’ordres. La personne versée dans l’art ne considérerait donc pas que le problème tient à la mise en œuvre de certaines règles ou types d’ordres dans un système de transaction informatisé, mais plutôt à la conception des règles ou des types d’ordres eux-mêmes pour empêcher un certain comportement commercial non souhaitable.

[32]           En conséquence, la solution est le type amélioré d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration et les règles abstraites et les étapes qui le définissent.

Les éléments essentiels

[33]           Par souci de commodité, la revendication 1, qui est représentative des revendications, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

1.      Une méthode de transaction commerciale dans un système de transaction électronique comprenant un processeur, la méthode comprenant :

la réception d’un ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration par le processeur sur un réseau, l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration comprenant un cours acheteur;

la réception d’instructions par le processeur qui précisent une valeur incrémentale valable jusqu’à la prochaine amélioration;

la spécification d’un montant des incréments du cours de transaction standard pour l’ordre acheteur;

la création et le maintien, par le système de transaction électronique sur un support de stockage non transitoire lisible par ordinateur associé au processeur, d’un enregistrement électronique correspondant à l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration dans le système de transaction électronique jusqu’à ce qu’un ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du montant spécifié des incréments du cours de transaction standard soit reçu par le système de transaction électronique;

la détermination par le processeur qu’un ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du montant spécifié des incréments du cours de transaction standard a été reçu par le système de transaction électronique et la détermination, par le processeur au moyen d’un indicateur de durée configuré pour indiquer que l’ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration est demeuré dans le système de transaction électronique pendant une durée prédéterminée; et

l’annulation par le processeur de l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration d’après la détermination que l’ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du montant spécifié des incréments du cours de transaction standard (1) a été reçu par le système de transaction électronique et (2) est demeuré dans le système de transaction électronique pendant une durée prédéterminée.

[34]           Les revendications indépendantes 1, 16, 27 et 33 visent toutes des méthodes de transaction commerciale, les revendications indépendantes 39, 40, 42, 57, 68 et 74 visent des systèmes et des appareils de transaction commerciale et les revendications indépendantes 80, 95, 106 et 112 visent des logiciels de transaction commerciale.

[35]           Nous estimons que la personne versée dans l’art, d’après le problème et la solution énoncés dans la demande, comprendrait que les revendications 1 à 15, 42 à 56 et 80 à 94 partagent le même ensemble d’éléments essentiels pour viser l’utilisation d’un ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration. Les éléments essentiels de cet ensemble sont les suivants :

         La réception d’un ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration comprenant un cours acheteur;

         La réception d’instructions qui précisent une valeur incrémentale valable jusqu’à la prochaine amélioration spécifiant un montant des incréments du cours de transaction standard pour l’ordre acheteur;

         Le maintien de l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration jusqu’à la réception d’un ordre acheteur qui le dépasse du montant spécifié des incréments du cours de transaction standard;

         La détermination qu’un ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du montant spécifié des incréments du cours de transaction standard a été reçu et qu’il est demeuré dans le système pendant une durée prédéterminée; et

         L’annulation de l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration compte tenu de ces déterminations.

[36]           Les revendications 16 à 41, 57 à 79 et 95 à 119 partagent des ensembles semblables d’éléments essentiels à quelques variations près : certaines revendications font intervenir des ordres vendeurs valables jusqu’à la prochaine amélioration et l’élimination des ordres vendeurs au lieu d’ordres acheteurs valables jusqu’à la prochaine amélioration et d’ordres acheteurs les dépassant, certaines ne mettent pas en jeu la spécification d’une valeur incrémentale valable jusqu’à la prochaine amélioration ou la détermination connexe, et certaines ne se limitent pas à des types précis d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration, mais englobent à la fois les ordres acheteurs et les ordres vendeurs valables jusqu’à la prochaine amélioration.

[37]           Dans sa RRP, le demandeur a continué de faire valoir que le système de transaction informatisé doit être considéré comme faisant partie des éléments essentiels [Traduction] :

Le demandeur soutient qu’il est inconcevable que, appliquée aux revendications de la présente invention, l’omission du processeur, du réseau et des diverses autres composantes informatisées revendiqués puisse permettre d’obtenir les systèmes, les méthodes et les appareils revendiqués en vue de réaliser essentiellement la même fonction essentiellement de la même façon pour obtenir essentiellement le même résultat.

[38]           Tel qu’expliqué ci-dessus, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution.

[39]           Malgré les références des présentes revendications à des composantes informatisées, nous sommes d’avis, d’après le problème et la solution énoncés dans la demande, que la personne versée dans l’art comprendrait que ces détails sont exclus de la portée du problème et de la solution. Ces éléments matériels peuvent faire partie du contexte ou de l’environnement de fonctionnement de l’invention revendiquée, mais ils ne constituent pas des éléments essentiels de l’invention revendiquée en soi.

[40]           Par conséquent, nous estimons que les éléments essentiels des revendications au dossier sont les règles abstraites et les étapes qui définissent l’utilisation du nouveau type d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration.

Objet prévu par la Loi

[41]           Tels qu’ils sont interprétés ci-dessus, les éléments essentiels sont les règles abstraites et les étapes qui définissent l’utilisation du nouveau type d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration. Cette matière n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les revendications 1 à 119 ne définissent pas un objet prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[42]           Tel qu’il est indiqué ci-dessus, le demandeur a soumis les secondes revendications proposées avec sa RRP. Les modifications proposées consistent généralement à ajouter l’utilisation d’un indicateur de durée aux revendications indépendantes (qui ne le comprenaient pas déjà) pour déterminer la durée pendant laquelle un ordre valable jusqu’à la prochaine amélioration a été dépassé et à souligner dans les revendications indépendantes que les enregistrements électroniques des ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration sont stockés et retirés le cas échéant. Le demandeur a fait valoir ce qui suit [Traduction] :

l’ensemble de revendications auxiliaires soumis par la présente souligne davantage le rôle que joue le matériel informatique dans la mise en œuvre du système de transaction électronique et que les ordres acheteurs reçus entraînent la création d’enregistrements électroniques qui sont stockés sur un support de stockage lisible par ordinateur associé à un processeur. De tels enregistrements électroniques occupent de l’espace physique sur le support de stockage lisible par ordinateur et, par conséquent, ils peuvent utiliser des ressources informatiques qui ne peuvent être utilisées à d’autres fins. L’initialisation de l’indicateur de durée lors de la création de l’enregistrement électronique pour l’ordre acheteur qui dépasse l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du montant spécifié des incréments du cours de transaction permet au système de transaction de déterminer à quel moment s’est écoulé un délai suffisant depuis la création de cet enregistrement, puis d’annuler l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration et de retirer l’enregistrement électronique correspondant à l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du support de stockage non transitoire lisible par ordinateur associé au processeur. Le retrait de l’ordre acheteur valable jusqu’à la prochaine amélioration du support de stockage lisible par ordinateur peut améliorer le rendement des ordinateurs en libérant de l’espace mémoire et les ressources du processeur. Ainsi, les ressources informatiques nécessaires au système de transaction ne deviennent pas « paralysées » en raison du stockage des enregistrements électroniques dépassés correspondant aux ordres acheteurs valables jusqu’à la prochaine amélioration précédents qui ne sont plus en vigueur.

Le demandeur soutient respectueusement que l’ensemble de revendications auxiliaires soumis par la présente souligne davantage la nature essentielle des composantes matérielles informatiques revendiquées dans la mise en œuvre, le rendement et le fonctionnement des systèmes et des méthodes revendiqués. [Soulignement présent dans l’original]

[43]           La demande telle qu’elle a été déposée n’aborde pas le stockage et le retrait d’enregistrements électroniques. En conséquence, l’ajout de texte aux revendications s’y rapportant ne pourrait être autorisé au titre du paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets que s’il pouvait raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif et des dessins tels qu’ils ont été déposés. Autrement dit, de telles étapes doivent être déjà implicites dans ce qui est divulgué et revendiqué. Étant donné que ces étapes sont déjà implicites dans les revendications au dossier, le fait de les mentionner explicitement dans les secondes revendications proposées n’ajouterait rien aux éléments déjà considérés comme essentiels.

[44]           En outre, le problème et la solution énoncés dans la description se rapportent à la réduction d’un certain comportement commercial non souhaitable, et non à la gestion des ressources mémoires des ordinateurs. Les secondes revendications proposées ne modifieraient en rien les définitions susmentionnées de la personne versée dans l’art, des CGC et du problème et de la solution; nous interprétons les revendications proposées comme ayant également comme éléments essentiels uniquement les règles et les étapes définissant l’utilisation du nouveau type d’ordres valables jusqu’à la prochaine amélioration. En conséquence, notre opinion concernant l’objet non prévu par la Loi s’applique également aux secondes revendications proposées.

Recommandation de la Commission

[45]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 119 définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[46]           En outre, nous estimons que les revendications proposées le 6 novembre 2017 ne constituent pas des modifications déterminées nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. En conséquence, nous ne recommandons pas à la commissaire d’aviser le demandeur qu’elles sont nécessaires aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Leigh Matheson                                  Ed MacLaurin                         Andrew Strong
Membre                                               Membre                                   Membre


 

Décision du commissaire

[47]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[48]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce  7e   jour de  mai   2018

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