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Décision du commissaire no 1444

Commissioner’s Decision No. 1444

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      A11 Nouvelle matière
B00 Caractère ambigu ou indéfini (incomplet)
B22 Non appuyée par la divulgation
O00 Évidence


TOPICS:       A11 New Matter
B00 Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)
B22 Not Supported by Disclosure
O00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 582 931

Application No. 2,582,931

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 582 931 a fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire entend rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

 

 

 

 

 

 

Inventeur/demandeur :

 

STUKANOV, IGOR

66, route Oakmount, 405

TORONTO (Ontario) M6P 2M8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 582 931, intitulée « Procédé bon marché, sécurisé, commode et efficace permettant de diminuer la fréquence des fraudes dans les systèmes de transactions financières et les systèmes de transactions par communications » qui est inscrite au nom d’Igor Stukanov. Les irrégularités de fond qui subsistent sont liées aux questions de savoir si la description introduit de la nouvelle matière, si l’objet revendiqué aurait été évident, si les revendications se fondent sur la description et si les revendications ont un caractère indéfini.

[2]          La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que le demandeur soit avisé que la description proposée et les revendications proposées présentées dans la lettre du 2 octobre 2017 constituent des modifications « nécessaires » au titre du paragraphe 30 (6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

Contexte

La demande

[3]          La demande de brevet 2 582 931 (la « présente demande ») a été déposée au Canada le 12 mars 2007 et publiée le 12 septembre 2008.

[4]          La présente demande concerne un système qui permet d’accroître la sécurité des transactions et de réduire la fréquence de fraudes par transaction à l’aide de numéros d’identification personnels (« NIP ») multiples pour l’authentification des transactions.

Historique de la poursuite de la demande

[5]          Le 6 août 2015, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la demande est irrégulière pour les motifs suivants :

1.     la description reçue le 19 juin 2014 (la « description au dossier ») contient de nouveaux éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la demande et n’est pas conforme à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

2.    les revendications 1 à 9 reçues le 19 juin 2014 (les « revendications au dossier ») auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont donc pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

3.    les revendications au dossier ne se fondent pas entièrement sur la description et ne sont pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets.

 

[6]          Dans une réponse à la DF datée du 25 août 2015, le demandeur a fait valoir que la description au dossier contient des éléments qui peuvent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif faisant partie de la demande, que les revendications sont inventives et que les revendications se fondent sur la description.

[7]          L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise, le 29 mars 2016, à la Commission aux fins de révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM ») expliquant le maintien des irrégularités mentionnées dans la DF.

[8]          Dans une lettre datée du 6 avril 2016, la Commission a transmis au demandeur une copie du RM et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et de participer à une audience. Dans sa réponse du 13 mai 2016, le demandeur a refusé l’offre de participer à une audience, mais il a fourni des observations écrites en réponse au RM.

[9]          Un comité a été constitué dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

[10]      Dans une lettre datée du 13 septembre 2017 (la « lettre du comité »), le comité a exposé son analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier écrit, les revendications au dossier auraient été inventives et sont donc conformes à l’article 28.3b) de la Loi sur les brevets. Cependant, selon notre analyse préliminaire, la description au dossier présente de nouveaux éléments et n’est pas conforme au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets; les revendications 2 à 9 au dossier ne sont pas fondées sur la description et ne sont pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets; et les revendications au dossier ont un caractère indéfini et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[11]      La lettre du comité présente également des modifications pouvant être apportées à la description et aux revendications que le demandeur pourrait envisager afin de corriger les irrégularités relevées par le comité.

[12]      La réponse écrite du demandeur, datée du 2 octobre 2017, propose une description modifiée et un ensemble de revendications modifiées pour corriger ces irrégularités.

Questions

[13]           Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont les suivantes :

1.    la question de savoir si la description au dossier contient des éléments qui peuvent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la demande, et est donc conforme au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets;

2.    la question de savoir si l’objet défini par les revendications au dossier n’aurait pas été évident pour une personne versée dans l’art, et est donc conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

3.    la question de savoir si les revendications 2 à 9 au dossier se fondent entièrement sur la description et sont donc conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets;

4.    la question de savoir si les revendications au dossier ont un caractère défini et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Principes juridiques et pratique du Bureau

Interprétation téléologique

[14]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et à l’article 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), révisée en juin 2015, la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par l’inventeur et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée.

Nouveaux éléments

[15]      Les conditions auxquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif d’une demande de brevet sont énoncées au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets :

Limite
38.2(2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

[16]      La question de savoir si les éléments ajoutés au mémoire descriptif par voie de modification sont conformes au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets doit être envisagée du point de vue de la personne versée dans l’art.

[17]      Pour savoir s’il y a présence de nouveaux éléments, il faut comparer le mémoire descriptif à l’étude avec le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande, et déterminer si les éléments introduits par les modifications sont de ceux qu’une personne versée dans l’art, à la date du dépôt, aurait pu raisonnablement inférer du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la demande.

Évidence

[18]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[19]      Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au paragraphe 67 [Sanofi], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante [Traduction] :

(1)a)      Identifier la « personne versée dans l’art »;

                   b)      Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)          Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)          Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)          Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Revendications ne se fondant pas entièrement sur la description

[20]      L’article 84 des Règles sur les brevets est ainsi libellé : « Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci ». Les tribunaux n’ont guère fourni d’interprétation judiciaire de l’article 84 des Règles, ou de ses prédécesseurs équivalents.

Caractère indéfini

[21]           Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

Revendications

 

27. (4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[22]      Dans Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., [1947] RC de l’Éch 306, 12 CPR 99, à la p. 146 [« Minerals Separation »], la Cour a insisté sur le fait que l’étendue du monopole que le demandeur cherche à obtenir doit apparaître clairement à la lecture de ses revendications et que les termes employés dans les revendications doivent être clairs et précis :

[Traduction]
En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

Analyse

[23]      Le Comité souligne que le demandeur n’a contesté aucune des premières appréciations du Comité, ainsi qu’elles sont présentées dans la lettre du comité et qu’il a répondu en présentant des modifications proposées à la description et aux revendications. Notre recommandation ci-dessous présente donc un aperçu de notre analyse et de nos motifs, lesquels sont énoncés dans la lettre du comité.

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[24]      Aux pages 2 et 3 de la lettre du comité, la personne versée dans l’art est définie comme suit [Traduction] :

la personne versée dans l’art, qui peut être une équipe, est versée dans l’art des transactions financières et des échanges de communications ainsi que de l’authentification d’utilisateurs pendant ces transactions et ces échanges. La personne versée dans l’art connaît également les systèmes informatiques d’usage général et les techniques de programmation.

 

[25]      Nous adoptons cette définition aux fins de la présente révision.

Les connaissances générales courantes

[26]      À la page 3 de la lettre du comité, les éléments suivants sont définis comme relevant des CGC de la personne versée dans l’art [Traduction] :

      utilisation de NIP pour authentifier des transactions;

      utilisation de numéros de transaction secondaires pour accroître la sécurité des transactions;

      numéros d’authentification à usage unique;

      mots de passe dynamiques;

      génération de mots de passe;

      interfaces utilisateurs.

[27]      Nous adoptons cette liste de CGC aux fins de la présente révision.

 

 

Le problème à résoudre

[28]      D’après un examen de la présente demande, le comité a énoncé dans sa lettre que le problème repose dans la nécessité d’améliorer la sécurité des transactions et de réduire la fraude par le blocage d’attaques sur les canaux de distribution des NIP.

[29]      Nous adoptons cet énoncé du problème aux fins de la présente révision.

La solution proposée

[30]      À la page 4 de la lettre du comité, la solution au problème est décrite comme étant la suivante [Traduction] :

… accroître la sécurité des transactions et réduire la fraude grâce à des moyens permettant de générer des NIP distribués sur différents canaux de communication, spécifiés par le propriétaire d’un compte en ligne. Les transactions sont acceptées ou refusées selon le nombre de NIP saisis correctement. Un rapport sur l’accès au compte en ligne est affiché.

 

[31]      Nous adoptons cet énoncé de la solution aux fins de la présente révision.

Les éléments essentiels

[32]      La revendication indépendante 1 au dossier est ainsi formulée [Traduction] :

1. Un système permettant d’accroître la sécurité des transactions et de réduire la fréquence des cas de fraude, y compris les éléments suivants :

a.  de multiples canaux de communication distincts, de types différents;

b.  un générateur de multiples NIP distincts, qui génère automatiquement et périodiquement de nouveaux NIP dont la validité est fixée en fonction d’un intervalle donné, ces NIP étant distribués par lesdits canaux de communication distincts multiples à un propriétaire d’un compte en ligne;

c.  une interface, sur laquelle le propriétaire du compte en ligne choisit les différents canaux de communication et les intervalles pour la génération automatique des nouveaux NIP;

d.  une interface, sur laquelle le propriétaire du compte en ligne précise les règles administratives d’acceptation et de refus des transactions en fonction d’un nombre de NIP correctement saisis;

e.  une base de données, dans laquelle toutes les données desdites interfaces sont stockées;

f.  une interface, sur laquelle un rapport d’accès au compte en ligne, indiquant l’heure d’accès et les canaux sur lesquels les NIP ont été distribués, est affiché.

 

[33]      La lettre du comité définit les éléments essentiels de la revendication indépendante 1 comme étant les éléments a. à f.

[34]      La lettre du comité indique également ceci, en ce qui concerne les revendications indépendantes [Traduction] :

La personne versée dans l’art considérerait les revendications dépendantes comme incluant d’autres limites des éléments essentiels des revendications dont elles dépendent, plus particulièrement, l’utilisation de chiffres et de symboles dans les NIP, les parties dynamiques et statiques des numéros de comptes/cartes, la génération de NIP à l’aide de générateurs aléatoires ou d’algorithmes, les options de stockage ou de suppression des NIP de comptes/numéros de cartes, et les transactions financières ou commerciales.

 

[35]      Nous adoptons les éléments a. à f. de la revendication indépendante 1 comme constituant l’ensemble d’éléments essentiels aux fins de la présente révision.

Nouveaux éléments

[36]      Après avoir examiné les affirmations de l’examinateur ainsi que celles du demandeur à cet égard, le comité a répété que la Loi exige que l’on détermine si les éléments introduits par les modifications sont de ceux qu’une personne versée dans l’art aurait pu raisonnablement inférer du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la demande, aux termes du paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets. Dans la lettre du comité, il est souligné que ce ne sont pas de toutes les connaissances de la personne versée dans l’art que l’on peut effectuer des inférences.

[37]      Le comité a examiné la description au dossier (reçue le 19 juin 2014), dans laquelle est ajouté du texte contenant des exemples de réalisations possibles du système proposé qui ne figure pas dans la description originale. La lettre du comité énonçait l’évaluation qu’a faite le comité du texte de description modifié.

[38]      Par exemple, le comité était d’avis que même si l’utilisation d’une « base de données » peut raisonnablement s’inférer des revendications faisant partie de la demande, un type particulier de base de données, une « base de données SQL » ne peut raisonnablement s’en inférer. Comme autre exemple, un algorithme qui génère des NIP s’infère raisonnablement des revendications faisant partie de la demande, mais un algorithme particulier à utiliser et son pseudo-code ne peuvent raisonnablement s’en inférer.

[39]      Compte tenu de cette évaluation, la première appréciation du comité démontre que la description au dossier introduit de nouveaux éléments qu’une personne versée dans l’art n’aurait pu inférer du mémoire descriptif ou des dessins figurant dans la demande.

[40]      Étant donné que le demandeur n’a pas contesté notre première appréciation et qu’il a proposé des modifications pour corriger l’irrégularité susmentionnée, nous estimons que la description au dossier n’est pas conforme au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets.

Évidence

Étape (1)(a) de Sanofi – Identifier la personne versée dans l’art; Étape (1)(b) – Déterminer ses connaissances générales courantes pertinentes

 

[41]      Nous adoptons la définition de la personne versée dans l’art et les CGC telles qu’elles sont présentées ci-dessus.

Étape (2) de Sanofi – Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

[42]      La lettre du comité précise que l’idée originale repose dans la combinaison des éléments a. à f. de la revendication 1. Nous adoptons cette idée originale aux fins de notre révision.

Étape (3) de Sanofi – Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[43]      La lettre du comité mentionne le document D1 (numéro de brevet américain 7 103 576 B2 appartenant à Mann, III et al., publié le 5 septembre 2006), cité dans la DF, comme représentant « l’état de la technique » dans l’étape (3) de l’analyse de Sanofi. D1 divulgue une variété de techniques permettant d’utiliser un pseudonyme sélectionné ainsi qu’une entrée d’identification personnelle (EIP) sélectionnée, de pair avec l’utilisation d’une carte de transaction, comme une carte de crédit, une carte de débit ou une carte à valeur stockée (D1, abrégé).

[44]      En plus de ce qui est indiqué dans la lettre du comité, nous soulignons que l’EIP peut prendre la forme d’un NIP conventionnel (D1, colonne 2, lignes 19 à 21).

[45]      Dans la DF, des similitudes ont été relevées entre la revendication 1 au dossier et D1. À la page 9 de sa lettre, le comité affirme ceci [Traduction] :

Un élément particulièrement intéressant est l’élément d. de la revendication 1 qui est ainsi formulé : « une interface, sur laquelle le propriétaire du compte en ligne précise les règles administratives d’acceptation et de refus des transactions en fonction d’un nombre de NIP correctement saisis ». Dans la DF, le document D1 est cité (colonne 9, lignes 30 à 64 et colonne 13, lignes 44 à 67) à l’appui de l’argument portant que D1 a divulgué cet élément.

 

Le comité a examiné ces passages et n’a observé aucune mention de l’acceptation ou du refus de transactions sur la base d’un nombre précis de NIP correctement saisis. Aux lignes 30 à 64 de la colonne 9 de D1, on divulgue la description de périodes de validité d’une EIP, laquelle est équivalente à un NIP, à l’aide de paramètres comme un nombre de transactions ou un délai. Selon la première appréciation du comité, et tel qu’il est indiqué dans la DF, ce passage de D1 divulgue l’élément c. de la revendication 1, mais ne divulgue pas l’élément d. de celle-ci. Les lignes 44 à 67 de la colonne 13 de D1 divulguent l’utilisation de deux EIP partielles qui doivent être saisies dans un délai prescrit pour permettre l’authentification de la transaction, divulguant ainsi l’utilisation de plusieurs NIP dans une même transaction. Mais dans cette divulgation, chaque NIP doit être valide pour que la transaction soit acceptée. Encore ici, selon la première appréciation du comité, ce passage ne divulgue pas l’élément d. de la revendication 1.

 

[46]      Par conséquent, la première appréciation du comité, contrairement à la position adoptée dans la DF, était que l’élément d. constituait au moins une différence entre D1 et les éléments essentiels de la revendication 1 au dossier. Nous adoptons cette différence aux fins de la présente révision.

[47]      Comme il est indiqué ci-dessous dans l’étape 4 de Sanofi, l’esprit inventif de l’élément d. de la revendication 1 est déterminant en ce qui concerne le caractère non évident de la revendication 1 au dossier et des autres revendications plus restreintes.

Étape (4) de Sanofi – Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[48]      Le comité a examiné la question de savoir si l’étape de l’élément d. de la revendication 1, c’est-à-dire le choix par le propriétaire du compte en ligne d’un nombre de NIP correctement saisis pour déterminer si une transaction est acceptée ou refusée, nécessiterait un certain degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art. Pour ce faire, le comité a consulté les références citées dans la DF, à savoir D2 (demande de brevet américain numéro US 2004/0039651 A1 déposée par Grunzig et al., publiée le 26 février 2004); D3 (demande de brevet américain numéro US 2006/0076400 A1 déposée par Fletcher, publiée le 13 avril 2006); et D4 (demande de brevet américain numéro US 2006/0156385 A1 déposée par Chiviendacz et al., publiée le 13 juillet 2006). Les aspects pertinents des références citées, tels qu’ils ont été examinés dans la lettre du comité, sont les suivants [Traduction]  :

D2 divulgue un moyen de protection d’une transaction sur un réseau informatique par l’utilisation d’un mot de passe de transaction à usage unique. Le mot de passe de transaction est transmis sur un réseau mobile au terminal de communication mobile de l’utilisateur (D2, abrégé). Selon la première appréciation du comité, D2 divulgue l’utilisation d’un autre canal de distribution pour un NIP, mais ne divulgue pas l’acceptation ou le refus de transactions sur la base d’un nombre de NIP correctement saisis.

 

D3 divulgue un moyen qui permet de faciliter les transactions grâce à un NIP à usage restreint qui est associé à un compte principal et/ou à un NIP, où le NIP à usage restreint (NUR) est présenté au marchand pour effectuer une transaction (D3, abrégé). Les paramètres associés au NUR peuvent être précisés et comprendre, par exemple, des paramètres pour spécifier l’utilisation d’un NUR pour un nombre prédéterminé de transactions avant que le NUR soit refusé (D3, paragraphes [0044] et [0045]). Selon la première appréciation du comité, D3 divulgue la description de périodes de validité d’un NIP, mais ne divulgue pas l’acceptation ou le refus de transactions sur la base d’un nombre de NIP correctement saisis.

 

D4 divulgue des moyens de fournir une authentification (D4, abrégé), y compris une authentification hors bande s’appuyant sur un moyen indépendant de communiquer avec l’utilisateur pour le protéger contre des attaques qui ont compromis le canal principal. D4 enseigne que l’utilisation d’une authentification hors bande constitue un moyen efficace de se protéger contre les attaques, comme l’attaque de l’intercepteur (« man-in-the-middle ») où une session légitime en ligne peut être utilisée pour effectuer à califourchon des transactions frauduleuses (D4, paragraphes [0223] à [0228]). Selon la première appréciation du comité, D4 divulgue l’utilisation de plusieurs canaux de distribution pour des NIP, mais ne divulgue pas l’acceptation ou le refus de transactions sur la base d’un nombre de NIP correctement saisis.

 

[49]      Selon la première appréciation du comité, bien que la personne versée dans l’art puisse être au courant de l’utilisation d’un deuxième numéro de transaction ou NIP pour authentifier une transaction (voir les CGC ci-dessus), l’art antérieur cité divulgue que chaque NIP doit être correctement saisi pour qu’une transaction soit acceptée. L’art antérieur n’enseigne pas ni ne suggère à la personne versée dans l’art de préciser un nombre de NIP correctement saisis à utiliser pour authentifier ou accepter une transaction, pas plus qu’il ne l’incite à le faire.

[50]      Étant donné que le demandeur n’a pas contesté notre première appréciation, nous sommes d’avis que l’étape qui constitue le choix d’un nombre de NIP correctement saisis pour déterminer si une transaction est acceptée ou refusée nécessiterait un certain degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art. Comme nous estimons que la revendication 1 est non évidente, il s’ensuit que les revendications 2 à 9, qui dépendent de la revendication 1, seraient également non évidentes.

[51]      Par conséquent, nous avons déterminé que ces revendications au dossier sont conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Revendications ne se fondant pas entièrement sur la description

[52]      Aux pages 11 et 12 de la lettre du comité, figure l’évaluation suivante des revendications 2 à 9 au dossier, à la lumière de l’article 84 des Règles sur les brevets [Traduction] :

Le comité convient que les revendications « doivent se fonder entièrement sur la description », comme l’exige l’article 84 des Règles sur les brevets et évalue les revendications comme suit :

      la revendication 2 contient la mention « où, au lieu de chiffres, des combinaisons de chiffres et de symboles sont utilisées dans lesdits NIP et numéros de comptes/cartes », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 3 contient la mention « où une partie du numéro de compte/carte peut être fixe et l’autre périodiquement modifiée avec ladite période », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 4 contient la mention « où un générateur aléatoire génère différents NIP », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 5 contient la mention « où un algorithme génère différents NIP », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 6 contient la mention « où des NIP et des parties variables de numéros de comptes/cartes générés périodiquement sont stockés dans la base de données sécurisée du système », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 7 contient la mention « où des NIP et des parties variables de numéros de comptes/cartes générés périodiquement ne sont pas stockés dans le système », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 8 contient la mention « où une transaction est une transaction financière », information qui ne figure pas dans la description;

      la revendication 9 contient la mention « où une transaction est une transaction par communication », information qui ne figure pas dans la description.

 

[53]      Le demandeur n’a pas contesté les appréciations préliminaires susmentionnées et a plutôt proposé des modifications pour corriger les irrégularités.

[54]      Ainsi, nous avons déterminé que les revendications 2 à 9 au dossier ne sont pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets.

Caractère indéfini

[55]      À la page 13 de la lettre du comité, un certain nombre d’ambiguïtés et d’incohérences dans les revendications au dossier sont relevées, notamment [Traduction] :

      la revendication 1 fait mention d’« une interface » dans les étapes c., d. et f.; on ne sait donc pas s’il y a une, deux ou trois interfaces. Les dessins des figures 1 et 3 supposent qu’il y a deux interfaces;

      la revendication 7 indique que les éléments de données « ne sont pas stockés dans le système » sans préciser le composant du système;

      les revendications 8 et 9 introduisent un problème lié à un antécédent relativement à l’élément « une transaction ».

 

Le comité considère que les étapes présentées ne sont pas formulées dans un langage clair et précis qui permettrait à la personne versée dans l’art de déterminer facilement les limites des étapes présentées, et donc, la revendication est contraire à ce qui a été établi dans Minerals Separation.

 

[56]      Le demandeur n’a pas contesté les appréciations préliminaires susmentionnées et a plutôt proposé des modifications pour corriger les irrégularités.

[57]      Nous avons déterminé que les revendications au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Description et revendications proposées

[58]      Dans sa lettre, le comité a souligné au demandeur le fait que la présente demande pourrait éventuellement devenir conforme à la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, si des modifications « nécessaires » particulières y sont apportées [Traduction] :

      en ce qui concerne la question des nouveaux éléments, le libellé de la description duquel la personne versée dans l’art n’aurait pu raisonnablement inférer la nouvelle matière peut être retiré;

      quant à la question des revendications qui ne se fondent pas entièrement sur la description, le libellé de la description qui s’infère raisonnablement de la question précédente étaye les revendications 2 à 9, à l’exception de la revendication 7. Comme la revendication 7 était comprise dans les revendications faisant partie de la demande, elle peut également être ajoutée à la description en tant que matière s’inférant raisonnablement du mémoire descriptif faisant partie de la demande; et

      en ce qui concerne la question du caractère indéfini, les revendications peuvent être modifiées pour corriger les ambiguïtés relevées dans la lettre du comité.

[59]      La lettre du comité a présenté des modifications pouvant être apportées à la description et aux revendications que le demandeur pourrait envisager afin de corriger les irrégularités relevées dans la lettre du comité.

[60]      La lettre du demandeur datée du 2 octobre 2017 propose une description ainsi que des revendications qui, à notre avis, rendent la demande conforme à la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

[61]      Ainsi, la description et les revendications proposées sont considérées comme des modifications « nécessaires » au titre du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

Conclusions

[62]      Cette révision a permis de déterminer que :

1.    la description au dossier contient des éléments nouveaux qui n’auraient pas pu raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la demande, et n’est donc pas conforme au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets;

2.    l’objet défini par les revendications au dossier n’aurait pas été évident pour une personne versée dans l’art, et est donc conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

3.    les revendications 2 à 9 ne se fondent pas entièrement sur la description et ne sont donc pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets;

4.    les revendications au dossier ont un caractère indéfini et, par conséquent, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[63]      La révision a également permis de déterminer que la description et les revendications proposées, telles qu’elles sont présentées dans la lettre du demandeur datée du 2 octobre 2017, viennent corriger les trois irrégularités relevées et n’introduisent aucune autre irrégularité. Ainsi, la description et les revendications proposées sont considérées comme « nécessaires » au titre du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[64]      Par conséquent, nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que la suppression de la description et des revendications au dossier et l’insertion de la description et des revendications proposées, telles qu’elles sont présentées dans la lettre du 2 octobre 2017, constituent des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et Règles sur les brevets.

 

 

Lewis Robart                 Stephen MacNeil                   Leigh Matheson

Membre                        Membre                                   Membre

 

Décision

[65]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation du comité. Conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que les modifications suivantes, et seulement celles-ci, doivent être apportées, conformément à l’alinéa 31b) des Règles sur les brevets, dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande :

      supprimer la description au dossier et insérer la description telle qu’elle est proposée dans la lettre du 2 octobre 2017;

      supprimer les revendications au dossier et insérer les revendications 1 à 9 telles qu’elles sont proposées dans la lettre du 2 octobre 2017.

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 5e jour de mars 2018

 

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