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Décision du commissaire no 1436

Commissioner’s Decision #1436

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      B-00 Caractère ambigu ou indéfini
J-00 Signification de la technique
J-50 Simple plan
O-00 Évidence

 

TOPICS:       B-00 Ambiguity or Indefiniteness
J-50 Meaning of Art
J-50 Mere Plan
O-00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 378 863

Application No. 2,378,863


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 378 863 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, lacommissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

FINLAYSON & SINGLEHURST

225, rue Metcalfe, bureau 700

Ottawa (Ontario) K2P 1P9


 



 

Introduction

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 378 863, intitulée « Avis de livraison et son procédé d’utilisation » et inscrite au nom de United Parcel Service of America, Inc. Les irrégularités qui subsistent sont liées au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, ce qui est contraire à l’article 2 de la Loi sur les brevets; au fait qu’elles sont évidentes, ce qui est contraire à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets; et au fait qu’elles sont imprécises, ce qui est contraire au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et de l’article 84 des Règles sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]          La demande de brevet canadien 2 378 863 a été déposée le 28 mars 2001 et publiée le 15 novembre 2001.

[3]          La demande concerne la livraison de colis et la remise d’un avis de livraison lorsque les colis ne peuvent pas être livrés. L’avis de livraison contient une marque d’identification utilisée pour relier la tentative de livraison à des renseignements sur celle-ci et à des renseignements sur les colis concernés.

Historique du traitement de la demande

[4]          Le 31 octobre 2014, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la présente demande est irrégulière pour deux motifs. Premièrement, les revendications au dossier (c.-à-d. les revendications 1 à 32) ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, deuxièmement, elles ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5]          Dans une réponse à la DF (R-DF) en date du 29 avril 2015, le demandeur a soumis des arguments en faveur de l’acceptation. Plus particulièrement, le demandeur a fait valoir que les revendications au dossier comprennent des éléments physiques et électroniques (et que, par conséquent, elles visent un objet prévu par la Loi). Le demandeur a également fait valoir que les revendications au dossier ne sont pas évidentes à la lumière des références citées dans la DF.

[6]          L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets, le 14 juillet 2015, la demande a été transmise à la Commission pour révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) indiquant que le refus de la demande était maintenu sur la base des irrégularités mentionnées dans la DF.

[7]          Dans une lettre en date du 27 juillet 2015, la Commission a transmis au demandeur une copie du RM et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et de participer à une audience. Dans sa réponse du 27 janvier 2016, le demandeur a présenté des observations supplémentaires concernant l’objet prévu par la Loi et l’évidence. Il a refusé l’offre de participer à une audience, et a plutôt demandé que la révision soit effectuée sur la base du dossier écrit dans sa version actuelle.

[8]          Un comité a été formé dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre en date du 11 mai 2017 (la lettre du comité), nous avons exposé notre analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous considérons que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 ni à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets. Nous avons également observé que deux des revendications ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets.

[9]          Le 12 juin 2017, le demandeur a accusé réception de la lettre du comité et a indiqué qu’il ne souhaitait pas présenter d’autres observations.

Questions

[10]      Les trois questions à trancher dans le cadre de cette révision sont les suivantes :

         Les revendications au dossier définissent-elles un objet qui entre dans la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets?

         Les revendications au dossier définissent-elles un objet qui n’aurait pas été évident à la date de revendication et, par conséquent, aurait été conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets?

         Les revendications au dossier définissent-elles de façon distincte et explicite un objet prévu par la Loi et sont-elles claires, conformément au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets?

Principes juridiques et pratique du Bureau

Interprétation téléologique

[11]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67, aux paragraphes 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015 (OPIC)], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution présentée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Objet prévu par la Loi

[12]      La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[13]      La « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », PN2013-03 (OPIC, mars 2013) [PN2013-03] vient clarifier la méthode utilisée par l’Office pour déterminer si une invention mise en œuvre par un ordinateur est un objet prévu par la Loi.

[14]      Tel qu’il est indiqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En revanche, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à de la matière exclue de la définition d’invention (p. ex., les beaux-arts, les méthodes de traitement médical, une simple idée, un schéma, une série de règles, etc.), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Évidence

[15]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet au Canada ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[16]      Dans Apotex c. Sanofi-Synthelabo Canada, 2008 CSC 61 [Sanofi], au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante [Traduction] :

(1)a)    Identifier la « personne versée dans l’art »;

     b)    Déterminer les CGC pertinentes de cette personne;

(2)        Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)        Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)        Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Caractère distinctif et clarté

[17]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[18]      L’article 84 des Règles sur les brevets exige que les revendications soient claires :

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

[19]      Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd., [1947] RC de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la p. 146, la Cour a insisté sur l’obligation qui est faite au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[20]      Dans la lettre du comité, nous avons défini la personne versée dans l’art comme étant une équipe formée d’un professionnel en logistique détenant une expérience des domaines relatifs à la livraison de colis et aux services de suivi, et d’un programmeur ou autre technologue détenant une expérience du développement ou de la sélection de logiciels, d’outils et d’infrastructure et de leur utilisation pour soutenir ces professionnels. Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Les CGC

[21]      À la lumière des CGC énoncées dans la DF et de l’art antérieur décrit dans la demande, nous avons déterminé que les concepts suivants font partie des CGC et en avons informé le demandeur dans la lettre du comité :

         Les procédures et les outils habituellement utilisés dans le cadre de services de livraison et de suivi de colis;

         Les dispositifs informatiques à usage général et les techniques de programmation appropriées;

         La pratique selon laquelle un avis de livraison est laissé lorsqu’un colis ne peut pas être livré (p. ex., parce que le destinataire est absent);

         La pratique selon laquelle le destinataire d’un avis de livraison communique (p. ex., par téléphone) avec le service de livraison pour obtenir des renseignements ou planifier une nouvelle livraison;

         L’utilisation de renseignements d’identification, comme un numéro de suivi, sur un colis;

         L’utilisation de codes à barres sur les avis de livraison et les colis;

         L’utilisation d’un dispositif portatif pour balayer les codes à barres apposés sur les avis de livraison et les colis, et la transmission de ces renseignements (et d’autres) à un ordinateur central pour mettre à jour une base de données contenant des renseignements de suivi des colis;

         L’utilisation du numéro de suivi, par l’expéditeur ou le destinataire, pour récupérer les renseignements de suivi des colis (p. ex., état de la livraison) depuis l’ordinateur central, à l’aide d’un ordinateur connecté à Internet;

         Une livraison peut contenir plusieurs colis ou articles (il est certain que la livraison simultanée de plusieurs articles à un destinataire aurait lieu au moins à l’occasion);

         Il est possible d’utiliser un point de données associé à un ou à plusieurs colis (p. ex., le nom ou l’adresse du destinataire visé) pour déterminer l’emplacement des colis, du moins manuellement.

[22]      Le demandeur n’a pas contesté la définition des CGC; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Le problème à résoudre

[23]      Le demandeur n’a pas contesté la définition du problème énoncée dans la DF. Dans la lettre du comité, nous avons également accepté cette définition, laquelle est fondée sur la description du problème dans la demande.

[24]      Des avis de livraison contenant quelques renseignements sont généralement laissés par le personnel du service de livraison lorsqu’une livraison ne peut être faite, le destinataire étant absent. Il est néanmoins difficile pour le destinataire (et le service de livraison) d’utiliser cette information pour obtenir des renseignements sur la livraison et l’état actuel de celle-ci de même que sur le ou les colis concernés. Le service de livraison conventionnel conserve de l’information sur les livraisons et de l’information sur les colis, mais ne relie pas directement ces renseignements.

La solution proposée

[25]      Ainsi qu’il est indiqué dans la lettre du comité, la demande propose comme solution la suivante : chaque avis de livraison porte un numéro ou un identifiant unique et lorsque les membres du personnel du service de livraison doivent laisser un avis, ces derniers enregistrent cet identifiant, les identifiants des colis concernés ainsi que tout renseignement pertinent, tous étant reliés entre eux. Donc, au moyen de l’identifiant indiqué sur l’avis de livraison, un destinataire peut récupérer des renseignements au sujet de la livraison et des colis concernés, y compris leurs identifiants.

[26]      Le problème et la solution ne reposent pas dans les outils ou l’équipement utilisés pour lire les renseignements sur les avis de livraison, pour communiquer l’information à un ordinateur central ou pour stocker l’information dans une base de données sur l’ordinateur central ou en extraire celle-ci. Ces outils ne sont pas au cœur de la demande et, en tout état de cause, représentent des solutions à des problèmes réalisées bien avant la présente demande. La solution de la présente demande concerne plutôt la production, le stockage et l’utilisation de renseignements d’identification et l’importance de cette information.

[27]      Le demandeur n’a pas contesté cette caractérisation de la solution.

Les éléments essentiels

[28]      Par souci de commodité, la revendication 1, qui est représentative des revendications, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

1.         Un système permettant de livrer une pluralité d’articles uniques, chacun ayant une identité unique et chacun portant un code d’article différent lisible par machine, ledit système comprenant :

A)      une pluralité d’avis de livraison, un code d’avis de livraison lisible par machine étant apposé sur chacun desdits avis, chacun desdits codes d’avis de livraison étant unique parmi ladite pluralité d’avis de livraison;

B)      un dispositif de lecture de codes capable de lire ledit code d’avis de livraison lisible par machine figurant sur l’un desdits avis de livraison, et de lire ledit code d’article lisible par machine figurant sur ladite pluralité d’articles, ledit code d’avis de livraison étant différent de chacun desdits codes d’articles;

C)      un dispositif de stockage de codes possédant une mémoire, ledit dispositif étant capable de recevoir ledit code d’avis de livraison et ladite pluralité de codes d’articles provenant dudit dispositif de lecture de codes et de stocker ledit code d’avis de livraison et ladite pluralité de codes d’article de même qu’un lien entre ledit code d’avis et lesdits codes d’articles contenus dans ladite mémoire.

[29]      Comme nous l’avons souligné dans la lettre du comité, le préambule des revendications vise des systèmes et des logiciels et les revendications dépendantes présentent divers détails supplémentaires. Néanmoins, d’après le problème et la solution définis ci-dessus, nous considérons que ces différences de formulation reflètent simplement différentes réalisations du même ensemble d’éléments essentiels. Nous croyons que, à la lumière des CGC ainsi que du problème et de la solution définis dans la demande, la personne versée dans l’art comprendrait que l’ensemble d’éléments essentiels est le même pour chacune des revendications 1 à 32 et qu’il vise la conservation et l’accessibilité de renseignements sur la livraison et les colis, d’une quelconque façon.

[30]      Ces éléments essentiels comprennent :

         La génération d’un code d’avis de livraison unique pour chacun des avis de livraison d’un ensemble donné;

         La génération d’un code d’article unique pour chacun des articles d’un ensemble donné à livrer, où les codes d’avis de livraison sont différents des codes d’articles; et dans le cas d’une livraison non effectuée,

         l’enregistrement du code d’avis de livraison à partir d’un des avis de livraison et des codes d’articles de chacun des articles, de sorte que le code d’avis de liaison est associé à chacun des codes d’article.

[31]      Bien que le demandeur n’ait présenté aucune autre observation concernant les éléments essentiels à la suite de la lettre du comité, elle avait déjà fait valoir dans la R-DF et dans sa lettre du 27 janvier 2016 que les éléments essentiels devraient inclure Internet et les renseignements physiques énoncés dans les revendications. Le demandeur avait soutenu que ces éléments sont nécessaires pour obtenir de l’information sur les articles visés par la tentative de livraison, assurer un fonctionnement en temps réel, surmonter les difficultés informatiques liées au balayage des codes figurant sur les avis de livraison et les articles et relier les données stockées dans une base de données.

[32]      Comme nous l’avons expliqué dans la lettre du comité, l’utilisation de ces éléments physiques (ou d’Internet) est extérieure à la question du problème et de la solution. La demande propose de résoudre le problème lié à la tâche de faciliter l’accès à certains renseignements par la conservation et l’organisation des renseignements ayant une certaine signification. Le demandeur ne propose pas de résoudre un problème lié à la lecture de codes à barres sur des colis ou des avis, au stockage ou à l’association de données dans une base de données, ni à la transmission de renseignements d’un ordinateur à un autre en temps réel. Quoi qu’il en soit, ces problèmes ont été résolus et leurs solutions font partie des CGC. Ainsi, ces éléments peuvent faire partie de l’environnement de fonctionnement de l’invention, mais ils ne sont pas des éléments essentiels de l’invention en soi.

[33]      Par conséquent, nous sommes d’avis que les éléments essentiels des revendications 1 à 32 interprétées téléologiquement sont les étapes et les règles qui définissent la conservation, l’organisation et l’utilisation de renseignements ayant une certaine signification. Les éléments physiques énoncés – avis de livraison, dispositifs de lecture de codes, dispositifs de stockage de codes et supports de stockage logiciels – sont considérés comme des éléments non essentiels.

Objet prévu par la Loi

[34]      Tels qu’ils sont interprétés ci-dessus, les éléments essentiels des revendications 1 à 32 sont des étapes et des règles qui définissent la conservation, l’organisation et l’utilisation de renseignements ayant une certaine signification. Cette matière n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[35]      Nous maintenons donc l’opinion que nous avons exprimée dans la lettre du comité : les revendications 1 à 32 ne définissent pas un objet prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Évidence

Identifier la personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[36]      Les définitions susmentionnées de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes (paragraphes 20 et 21) sont considérées comme applicables aux fins de l’analyse de l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[37]      La DF indique que les 32 revendications partagent toutes la même idée originale, laquelle correspond essentiellement à l’ensemble d’éléments essentiels qui, selon l’interprétation donnée, font partie des revendications. La R-DF ne conteste pas cette définition.

[38]      Par conséquent, dans la lettre du comité, nous avons considéré que cet ensemble d’éléments essentiels représentait également l’idée originale de ces revendications; là encore, nous adoptons ce point de vue aux fins des présentes.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale

[39]      Comme il est indiqué dans la lettre du comité, la référence la plus pertinente citée dans la DF semble être la suivante :

         D1 :        US 6 021 942              8 février 2000              Monico

[40]      D1 divulgue une méthode pour faciliter la livraison d’un colis, selon laquelle on utilise un avis de livraison parmi un ensemble de tels avis, chacun ayant son propre code d’avis de livraison unique lisible par machine. Si la livraison ne peut être faite, un avis de livraison est laissé et un lecteur est utilisé pour enregistrer son code et le transmettre aux fins de saisie automatique dans une base de données. D1 fait également référence aux numéros de suivi de colis, indiquant la reconnaissance de la pratique conventionnelle qui consiste à générer un code d’article unique lisible par machine pour chacun des ensembles d’articles à livrer. Dans le mode de réalisation privilégié divulgué dans D1, le code d’avis de livraison est différent de ces codes d’articles.

[41]      Toutefois, bien que D1 ne semble pas prévu pour exclure la situation où une livraison comprend plusieurs colis ou contenants, il ne décrit explicitement que la situation où un avis de livraison est utilisé pour chaque article. En outre, D1 ne divulgue pas explicitement l’enregistrement des deux codes, à savoir le code d’avis de livraison et le code d’articles, ni l’association d’un code d’avis aux codes d’article de plusieurs articles.

[42]      Également en ce qui concerne l’état de la technique, il est souligné dans la lettre du comité que la présente demande reconnaît comme antériorité le fait de laisser un avis de livraison unique lorsqu’une tentative de livraison de plusieurs colis n’a pas été possible; toutefois, cette reconnaissance ne va pas jusqu’à la présence de codes d’avis de livraison unique ou l’enregistrement d’une association entre l’avis de livraison et les colis concernés.

Ces différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[43]      Comme nous l’avons observé dans la lettre du comité, le stockage de renseignements connexes accompagnés d’un code d’article ou d’un numéro de suivi dans un système de suivi des colis relève des CGC, le stockage d’un tel code ou numéro seul dans le système étant inutile.

[44]      Dans D1, les renseignements enregistrés à partir de l’avis de livraison constituent de l’information immédiatement accessible concernant l’état de la livraison des colis en question. Il serait donc évident pour la personne versée dans l’art, devant la question de savoir comment il est préférable de stocker ces renseignements enregistrés de sorte qu’ils puissent être récupérés à profit; qu’il faut les stocker, y compris le code d’avis de livraison unique, parmi les autres renseignements sur l’état de la livraison enregistrés de façon conventionnelle dans un système de suivi des colis et y associer le code d’article du colis que l’on a tenté de livrer.

[45]      Ainsi qu’il est expliqué dans la lettre du comité, le fait qu’une livraison puisse comporter plusieurs colis ou articles relève des CGC. Les deux possibilités les plus probables pour traiter une tentative de livraison comportant plusieurs articles à l’aide de la méthode de D1 seraient soit de laisser un avis de livraison unique, soit de laisser un avis distinct pour chaque colis. La première alternative semblerait, aux yeux de la personne versée dans l’art, un choix logique évident, c’est-à-dire éviter d’utiliser un nombre excessif d’avis, réduire le nombre d’étapes requises par le personnel de livraison à l’endroit où l’on tente d’effectuer la livraison pour enregistrer plusieurs codes d’avis et coller plusieurs avis, et réduire le nombre d’étapes requises par le destinataire désigné pour obtenir de l’information au sujet des colis concernés. Comme il a été mentionné précédemment, le fait d’associer un colis ou un groupe de colis à un point de données commun, comme l’adresse du destinataire désigné, relève des CGC.

[46]       En outre, la première alternative se rapprocherait davantage de la pratique connue, qui consiste à laisser un seul avis de livraison lorsque la livraison que l’on a tenté de faire comporte plusieurs colis.

[47]      Par conséquent, étant donné que le fait de stocker un code d’article associé à un code d’avis de livraison relève des CGC, aucune étape inventive n’aurait été requise de la part de la personne versée dans l’art pour associer plusieurs codes d’articles à un code d’avis de livraison unique.

[48]      Donc, la différence entre l’objet cité comme faisant partie de l’état de la technique et l’idée originale n’aurait requis aucune inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

[49]      Comme nous l’avons souligné ci-dessus, les 32 revendications partagent toutes la même idée originale. Même si les autres renseignements énoncés dans les revendications dépendantes devaient être examinés pour compléter ou peaufiner cette idée originale, elles n’auraient tout de même pas requis d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

[50]      Ainsi qu’il est expliqué dans la lettre du comité, en ce qui concerne les revendications dépendantes 4, 6, 8, 10, 11, 12, 15, 17, 21, 23, 25 et 28 à 30, le fait que le personnel de livraison utilise un dispositif portatif pour balayer les codes à barres figurant sur les avis de livraison et les colis et qu’il transmette ces renseignements (et d’autres renseignements liés) à un ordinateur central pour la mise à jour d’une base de données d’information sur le suivi des colis, relève des CGC. Les expéditeurs et les destinataires utilisent ensuite les numéros de suivi pour récupérer des renseignements de suivi des colis (p. ex., état de la livraison) depuis l’ordinateur central, à l’aide d’ordinateurs connectés à Internet. Ainsi, ces caractéristiques combinées à d’autres caractéristiques des revendications ne nécessiteraient aucune inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

[51]      En ce qui a trait à la revendication dépendante 18, il serait évident, pour la personne versée dans l’art, qu’une marque lisible par machine et par un humain figurant sur le même article partagerait les mêmes renseignements. Une raison qui justifierait que l’on inclue les deux sur un article serait de rendre l’information (la même) accessible de deux façons différentes.

[52]      Quant à la revendication 19, le code lisible par l’humain lu sur l’avis de livraison et communiqué à un ordinateur est considéré comme étant naturellement alphanumérique; donc, la revendication 19 ne définit pas de différences supplémentaires.

[53]      En ce qui concerne les revendications 26 et 31, le fait que le destinataire communique avec le service de livraison par téléphone pour obtenir de l’information relève des CGC. Par conséquent, cette caractéristique combinée aux autres caractéristiques des revendications n’exigerait aucune inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

Conclusions

[54]      L’objet des revendications 1 à 32 aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la lumière de D1 et des CGC pertinentes. Par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Caractère distinctif et clarté

[55]      Comme il a été souligné dans la lettre du comité, la revendication 26 contredit la revendication 25 de laquelle elle dépend. La revendication 25 affirme que la requête (description de l’avis de livraison) et la réponse (signalement de l’information) sont communiquées par Internet, alors que la revendication 26 affirme qu’elles sont communiquées par téléphone. Bien que la description et les dessins montrent que les deux modes de communication sont des choix possibles pour le système global, les revendications sont libellées de sorte qu’elles indiquent que la même requête et la même réponse sont communiquées à l’aide des deux modes dans un même cas.

[56]      Par conséquent, les revendications 25 et 26 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets.

Recommandation à la Commission

[57]      Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que :

         les revendications 1 à 32 définissent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         les revendications 1 à 32 définissent un objet qui aurait été évident à la date de revendication et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

         les revendications 25 et 26 sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets.

Leigh Matheson                         Paul Fitzner                             Andrew Strong
Membre                                     Membre                                   Membre

Décision

[58]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2, à l’alinéa 28.3b) ni au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets.

[59]      En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 14e jour de décembre 2017

 

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