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  Décision du commissaire no 1426

Commissioner’s Decision #1426

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 SUJET : O-00 (Évidence)       

 

TOPIC: O-00 (Obviousness)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 655 279

Application No.: 2,655,279

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 655 279 a fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire accepte la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

GOWLING WLG (CANADA) LLP

Bentall 5

550, rue Burrard, bureau 2300

Case postale 30

VANCOUVER (Colombie-Britannique) V6C 2B5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 655 279, intitulée « Mesure de flux d’émission fugitive » et appartenant à Golder and Associates Ltd. L’irrégularité importante qui subsiste est liée à la question de savoir si l’objet revendiqué est évident. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit acceptée.

 

Contexte

La demande

 

[2]          La demande de brevet 2 655 279 (« la présente demande ») a été déposée au Canada le 10 mars 2009 et mise à la disponibilité du public le 18 mai 2009.

 

[3]          La présente demande concerne des méthodes pour obtenir la mesure d’un flux d’émission fugitive de particules aériennes. Les méthodes comprennent :

           mesurer la quantité de particules aériennes suivant un ou plusieurs plans de mesure qui couvrent l’émission fugitive, au moyen d’au moins deux trajectoires de faisceau de mesure qui sont verticales et parallèles l’une par rapport à l’autre;

           obtenir une masse par unité de mesure de la longueur des particules aériennes pour chaque trajectoire de faisceau de mesure;

           déterminer une vitesse du vent représentative sur ou près de l’un quelconque des plans de mesure; et

           calculer le flux d’émission fugitive de particules aériennes en masse par unité de longueur, à l’aide de la masse par unité de longueur des particules aériennes et de la vélocité du vent représentative.

 

Historique du traitement de la demande

 

[4]          Le 15 novembre 2013, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande était irrégulière aux motifs que les revendications 1 à 11 (« les revendications au dossier ») auraient été évidentes et donc, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5]          Dans une réponse à la décision finale (« R-DF ») en date du 14 février 2014, le demandeur a fait valoir que les revendications auraient satisfait aux critères d’inventivité.

[6]          L’examinateur ayant jugé la présente demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 23 juillet 2015, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets (« la Commission »), accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM ») soutenant que les revendications au dossier auraient été évidentes.

[7]          Dans une lettre en date du 5 octobre 2015, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et de participer à une audience.

[8]          Dans une lettre en date du 23 décembre 2015, le demandeur a présenté des observations écrites en guise de réponse au RM (« R-RM ») et a sollicité la tenue d’une audience. Le demandeur a maintenu que les revendications au dossier auraient répondu aux critères d’inventivité.

[9]          Le présent comité de révision (« le comité ») a ensuite été constitué dans le but de réviser la présente demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre.

[10]      Dans une lettre en date du 30 mars 2017 (« la lettre du comité »), le comité a exposé son analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier, il considère que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[11]      Dans une réponse en date du 28 avril 2017, le demandeur a fourni à la Commission d’autres observations écrites en réponse à la lettre du comité (« la lettre de réponse »). Le demandeur a maintenu que les revendications au dossier auraient répondu aux critères d’inventivité.

[12]      Lors d’une audience tenue le 1er juin 2017, le demandeur a expliqué davantage les observations contenues dans la lettre de réponse.

Questions

 

[13]      La seule question à trancher dans le cadre de cette révision est celle de savoir si l’objet des revendications au dossier aurait été évident, au sens de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[14]      Comme la lettre du comité est constituée de notre analyse préliminaire et des raisons expliquant pourquoi l’objet revendiqué aurait été évident, notre recommandation présentée ci-dessous donne un aperçu des positions énoncées dans la lettre du comité et expose en détail les autres considérations du comité relativement aux observations du demandeur dans la lettre de réponse et à l’audience.

Législation, principes juridiques et pratiques du Bureau

Interprétation téléologique

[15]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes (« CGC »). L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Évidence

[16]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[17]      Dans Apotex Inc c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au para 67 (Sanofi), la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante :

(1)a)        Identifier la « personne versée dans l’art »;

                                      b)        Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)             Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

(3)             Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4)             Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Analyse

Interprétation téléologique

[18]      Une interprétation téléologique des revendications n’est pas présentée explicitement, car aucune question n’est liée au caractère essentiel des éléments des revendications ni aucune question ne concerne la signification de l’un quelconque des termes employés dans les revendications. Ainsi qu’il est énoncé dans la lettre du comité, tous les éléments des revendications seront considérés comme essentiels aux fins de la présente révision.

 

Évidence

Étape (1)a) de Sanofi – Identifier la personne versée dans l’art

[19]      Dans la lettre du comité, la personne versée dans l’art est caractérisée comme suit [Traduction] : « personne détenant des compétences dans les domaines de la chimie, de la physique, de la spectroscopie et des analyseurs de gaz optiques », comme il est indiqué dans la DF.

[20]      Dans la lettre de réponse, le demandeur a accepté la caractérisation de la personne versée dans l’art avancée par le comité.

 

Étape (1)b) de Sanofi  – Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[21]      Dans la lettre du comité, l’identification des CGC de la personne versée dans l’art est corroborée par des sections des références D1 à D6 citées dans la DF :

D1 : Babilott et coll., « Fugitive methane emissions from landfills: A field comparison of five methods on a trench landfill », Global Waste Symposium, du 7 au 10 septembre 2008

D2 : Desjardins et coll., « Evaluation of a micrometeorological mass balance method employing an open-path laser for measuring methane emissions », Atmospheric Environment, 29 mars 2004

D3 : Brevet américain numéro 4 135 092, accordé à Milly le 16 janvier 1979

D4 : Tregoures, « Comparison of seven methods for measuring methane flux at a municipal solid waste landfill site », Waste Management & Research, ISSN 0734 242X, 1999

D5 : Scharff, « Landfill Gas Production and Emission on Former Landfills », NV Afvalzorg, octobre 2005

D6 : Denmead, « Approaches to measuring fluxes of methane and nitrous oxide between landscapes and the atmosphere », Plant Soil, 2008

 

[22]      D1 décrit une étude comparative de cinq méthodes de mesure pour déterminer la quantité d’émissions fugitives dans des sites d’enfouissement, y compris une méthode de spectroscopie par hélicoptère (M1).

[23]      D2 résume les résultats d’un essai d’une méthode de bilan de masse pour mesurer les émissions de méthane à l’aide d’un calcul des flux horizontaux.

[24]      D3 décrit une méthode permettant de quantifier les taux d’émissions fugitives par la définition d’un profil vertical du flux de polluant en aval des sources de pollution.

[25]      D4 compare sept méthodes de mesure du flux de méthane dans un site d’enfouissement et décrit des méthodes de chambres d’accumulation, des techniques micrométéorologiques (méthode du transfert turbulent et méthode de bilan de masse), des méthodes de gaz de dépistage et la thermographie infrarouge aérienne.

[26]      D5 décrit des méthodes pour la mesure d’émissions de méthane dans les sites d’enfouissement.

[27]      D6 passe en revue la théorie, les applications, les forces et les faiblesses des démarches couramment utilisées pour mesurer les flux de gaz à l’état de traces.

[28]      Dans la lettre du comité, les CGC de la personne versée dans l’art sont caractérisées comme suit [Traduction] :

           le calcul des valeurs du flux d’une émission fugitive en fonction des mesures de concentration et de la vitesse du vent (voir, à titre d’exemple, D3, de la colonne 3, ligne 54 à la colonne 7, ligne 2);

           les techniques permettant de mesurer et de calculer la concentration de particules aériennes, de calculer les valeurs du flux d’une émission fugitive exprimées en parties par millions de mètres (« ppm-m ») ou en masse par unité de surface suivant une trajectoire de faisceau, et de mesurer la vitesse du vent correspondante sur chaque trajectoire de faisceau, y compris :

o   les plans d’échantillonnage verticaux (voir, à titre d’exemple, D3, figures 3 et 4);

o   les techniques micrométéorologiques (voir, à titre d’exemple, D4, abrégé; méthode du transfert turbulent A3; méthode de bilan de masse A4; D5, méthode de bilan de masse, section 5.4; D6, méthode de bilan de masse, systèmes ouverts, pages 11 et 12);

o   les systèmes laser ouverts comme la spectroscopie par hélicoptère (aérienne) (voir, à titre d’exemple, la présente demande, au paragraphe [0014]; D1, méthode M1);

o   les systèmes de bilan de masse utilisant un laser à trajectoire ouverte (voir, à titre d’exemple, la présente demande, au paragraphe [0012]; D2, abrégé);

o   la cartographie radiale du panache à l’aide d’instruments de télédétection optique (« ORSI ») (voir, à titre d’exemple, la présente demande, au paragraphe [0008]; D1, méthode M4);

           les capteurs permettant de saisir des données sur la vitesse du vent sur un ou plusieurs plans de mesure, de sorte que les valeurs du flux puissent être calculées (voir, à titre d’exemple, D1, méthode de cartographie radiale du panache M4; D2, méthode de bilan de masse, section 2.4);

           les techniques et équipements de télédétection optique à partir de plateformes aériennes et de cibles terrestres (voir, à titre d’exemple, D1, méthode M1) ou, sinon, à partir de plateformes terrestres et de cibles aériennes, comme des réflecteurs (voir, à titre d’exemple, D2, sections 2.3 et 2.4; figure 2);

           la méthode de mesure du profil vertical de la vitesse et de la direction du vent au moyen de [Traduction] « mats extensibles sur lesquels sont installés des capteurs de direction et de vitesse ainsi que l’équipement d’enregistrement correspondant, ou au moyen des systèmes bien connus d’observation par ballon pilote » (voir, à titre d’exemple, D3, figures 4 à 9, de la colonne 7, ligne 24 à la colonne 8, ligne 82);

           la correction du flux d’émission fugitive par la détermination du flux de particules aériennes en amont de la source d’émission examinée (voir, à titre d’exemple, D3, colonne 9, lignes 8 à 14);

           l’utilisation de la composante de la vitesse du vent représentative qui est perpendiculaire au plan de mesure dans le calcul du flux d’émission (voir, à titre d’exemple, D3, colonne 8, lignes 3 à 7); et

           la mesure de la quantité de particules aériennes le long d’une partie supérieure du plan de mesure (voir, à titre d’exemple, D3, échantillonnage à différentes hauteurs pour englober la portée verticale du nuage de pollution, colonne 7, lignes 20 à 23).

[29]      Dans la lettre de réponse, le demandeur a fait valoir ceci [Traduction] :

La déclaration du comité portant que les figures 3 et 4 de D3 montrent des « plans d’échantillonnage verticaux » pour mesurer et calculer la concentration de particules aériennes et calculer les valeurs du flux d’une émission fugitive n’est pas exacte, en ce sens que le comité omet d’indiquer que le plan d’échantillonnage vertical décrit aux figures 3 et 4 de D3 est généré à l’aide de mesures obtenues au moyen de trajectoires de mesure horizontales ou largement horizontales. En outre, comme il est expliqué en détail dans la R-DF du demandeur et ci-après, le paragraphe [0014] de la présente demande et la méthode M1 de D1 ne divulguent pas de méthodes permettant de calculer les valeurs du flux d’une émission fugitive; en fait, D1 enseigne d’éviter la spectrographie par hélicoptère (aérienne) pour calculer les valeurs du flux d’une émission fugitive.

[30]      Le comité a admis pendant l’audience que la caractérisation des figures 3 et 4 de D3 en tant que « plans d’échantillonnage verticaux » était incomplète. Dans cette révision, le comité adopte la caractérisation qu’a faite le demandeur des figures 3 et 4 de D3 comme étant des [Traduction] « plans d’échantillonnage verticaux générés à l’aide de mesures obtenues au moyen de trajectoires de mesure horizontales ou largement horizontales ».

[31]      Dans cette révision, le comité est également d’accord avec le demandeur pour dire que l’élément des CGC qui concernent les « systèmes laser ouverts comme la spectroscopie par hélicoptère (aérienne) (voir, à titre d’exemple, la présente demande, au paragraphe [0014]; D1, méthode M1) » doit être précisé en tant que technique de mesure et de calcul de la concentration de particules aériennes, mais pas en tant que technique de calcul des valeurs du flux d’une émission fugitive.

[32]      Par conséquent, pour les besoins de la présente révision, le comité adopte les CGC telles qu’elles sont présentées ci-dessus au paragraphe [28], et telles qu’elles ont été modifiées selon les précisions indiquées aux paragraphes [30] et [31].

[33]      Pour résumer, s’appliquant à l’analyse ci-dessous, l’art antérieur présente des méthodes permettant de quantifier le flux, principalement à l’aide de mesures de la concentration de particules aériennes suivant une trajectoire de faisceau horizontale, ces mesures étant combinées à la vitesse du vent sur la trajectoire de faisceau horizontale.

Étape (2) de Sanofi – Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[34]      Dans la lettre du comité, l’idée originale générale des revendications indépendantes 1 et 2 est adoptée, telle qu’elle a été soumise par le demandeur dans la R-DF à la page 4 et exprimée comme suit [Traduction] :

... une idée originale de la présente invention revendiquée, telle qu’elle est énoncée dans les revendications 1 et 2, comprend la combinaison de l’utilisation d’une composante aérienne, soit une plateforme aérienne (revendication 1) ou une cible aérienne (revendication 2), pour mesurer la quantité de particules aériennes le long de trajectoires de faisceau verticales ou largement verticales qui couvre ou couvre largement l’émission fugitive, de la mesure de la vitesse du vent et du calcul du flux d’émission fugitive de particules aériennes à l’aide des données recueillies le long des trajectoires de faisceau verticales ou largement verticales et de la vitesse du vent mesurée.

 

[35]      Par conséquent, l’idée originale peut se résumer comme étant le calcul du flux d’une émission fugitive à l’aide d’une mesure de la concentration dans l’air le long d’une trajectoire de faisceau verticale combinée à une vitesse du vent représentative.

 

Étape 3 de Sanofi  – Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

Revendication indépendante 1

[36]      La lettre du comité relève les différences suivantes entre la méthode M1 de spectroscopie par hélicoptère divulguée dans D1, laquelle représente le mieux l’état de la technique, et l’idée originale de la revendication indépendante 1 :

           la détermination d’une vitesse du vent à plus d’un endroit ou près des plans de mesures; et

           le calcul du flux d’émission fugitive de particules aériennes en masse par unité de longueur, à l’aide de la masse par unité de longueur des particules aériennes et de la vélocité du vent représentative.

[37]      Dans la lettre de réponse, le demandeur a exprimé son accord avec ces différences relevées. En outre, à la page 2 de cette même lettre, le demandeur a fait valoir ceci [Traduction] :

De plus, comme le demandeur l’a expliqué en détail dans la R-DF, ni (1) la combinaison d’une mesure de la quantité de particules aériennes de manière verticale à la lecture d’un capteur de la vitesse du vent sur ou près du plan de mesure vertical ni (2) une méthode de mesure et de calcul de la concentration intégrée d’une émission fugitive à l’aide d’un plan de mesure vertical et de calcul des valeurs du flux de l’émission fugitive ne sont divulguées ou suggérées dans l’art antérieur cité.

[38]      Ainsi qu’il est expliqué davantage dans l’analyse de l’étape 4 de Sanofi ci-dessous, la personne versée dans l’art percevrait également ces aspects comme constituant des différences supplémentaires entre l’art antérieur et la revendication indépendante 1.

Revendication indépendante 2 et revendications dépendantes 3 à 11

[39]      Comme on le verra à l’étape 4 de Sanofi, le caractère non évident de la revendication la plus générale, à savoir la revendication indépendante 1, est déterminant en ce qui concerne le caractère non évident des autres revendications plus restreintes. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’énumérer d’autres différences entre chacune des revendications 2 à 11 et l’état de la technique.

 

Étape (4) de Sanofi – Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Revendication indépendante 1

[40]      Dans la lettre du comité, on explique le motif derrière le point de vue préliminaire du comité, à savoir que les différences entre la revendication indépendante 1 et l’état de la technique concernent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[41]      Cette révision tient compte des motifs du comité, dans les limites des facteurs d’analyse de l’évidence énoncés dans Novopharm Limited c. Janssen-Ortho Inc., 2007 CAF 217 au paragraphe 25 [Novopharm] et cités dans la lettre de réponse du demandeur aux pages 2 et 3.

Climat dans le domaine pertinent

[42]      Le climat régnant dans le domaine en question à l’époque où l’invention alléguée a été faite comprend non seulement les connaissances et les renseignements, mais également les attitudes, tendances, préjugés et attentes (Novopharm, au paragraphe 25).

[43]      La lettre du comité soutient que la personne versée dans l’art ne percevrait pas la méthode aérienne M1 de D1 comme un enseignement qui s’écarte de la présente invention, contrairement aux observations du demandeur dans la R-DF et la R-RM. Dans la lettre de réponse, il est convenu qu’une telle interprétation n’est pas compatible avec le libellé de D1 ni avec le climat qui règne dans le domaine pertinent démontré par l’art antérieur. Les paragraphes qui suivent présentent les grandes lignes des observations particulières énoncées dans la lettre du comité et la lettre de réponse à cet égard.

[44]      Il est soutenu dans la lettre du comité que la personne versée dans l’art percevrait la méthode M1 de D1 visant la détection et la mesure de concentrations de méthane localisées comme étant différente et distincte des autres méthodes M2 à M5 de D1 visant le calcul de la mesure du flux.

[45]      À la page 5 de la lettre de réponse, il est soutenu que D1 n’établit aucune distinction entre la méthode M1 de D1 et les méthodes M2 à M5. L’objet de l’étude entreprise dans D1 était [Traduction] « d’obtenir une nouvelle campagne internationale de comparaison de méthodes pour évaluer le potentiel des techniques accessibles » (D2, « Introduction », avant dernier paragraphe). D1 fait également référence à la comparaison de cinq méthodes de mesures pour l’évaluation des émissions fugitives de méthane dans les sites d’enfouissement (voir, à titre d’exemple, D1, résumé; « Introduction », dernier paragraphe; « Conclusions », premier paragraphe).

[46]      Dans la lettre du comité, il est également soutenu que la personne versée dans l’art serait au courant que, dans certaines évaluations des émissions, comme les évaluations pour détecter des fuites de gaz dans les pipelines prévues par l’utilisation de la méthode M1 de D1, seules les concentrations (et la source) des émissions sont requises, plutôt qu’un calcul du flux des émissions. Cette position est contestée dans la lettre de réponse, où il est souligné que l’art antérieur enseigne le calcul du flux d’émission à partir de sources localisées (voir, à titre d’exemple, D6, pages 11 et 12).

[47]      Il est soutenu dans la lettre du comité que l’énoncé de D1, [Traduction] « la [méthode M1] ne permet pas de calculer un flux » aurait été perçu par la personne versée dans l’art comme une reconnaissance que cette méthode particulière d’évaluation des émissions vise simplement la mesure des concentrations d’émissions plutôt qu’une indication que la méthode M1 ne peut pas être utilisée pour mesurer des flux.

[48]      À la page 5 de la lettre de réponse, le demandeur a fait valoir ceci [Traduction] :

... Les auteurs de D1 indiquent précisément que « bien que l’applicabilité par hélicoptère soit simple, il n’y a pas beaucoup d’autres résultats concernant l’exploitation : une mesure PIC (concentration à trajectoire intégrée) verticale et ponctuelle ne permet pas de calculer un flux, pas plus qu’une cartographie complète » (D1, page 13, soulignement ajouté). L’énoncé est clair : Les auteurs de l’étude n’ont pas quantifié le flux à l’aide de la M1 parce qu’ils étaient d’avis que la mesure de la concentration sur une trajectoire verticale ne permet pas de quantifier un flux, tenant compte du biais dans la technique selon lequel les trajectoires de mesure verticales ne conviennent pas à la détermination d’un flux [soulignement ajouté dans la lettre de réponse].

[49]      Ce biais, dont il est question dans le passage précédent, fait référence à un biais technique défavorable de la personne versée dans l’art, lequel est expliqué dans la lettre de réponse. En résumé, le demandeur a fait valoir que la personne versée dans l’art, devant le problème que pose la mesure de taux d’émissions fugitives dans un site d’enfouissement, connaissait de nombreuses techniques permettant de calculer le flux d’émissions, surtout des techniques qui combinent la vitesse du vent à une mesure horizontale de la concentration de particules aériennes. Bien que les méthodes d’échantillonnage vertical des concentrations de particules aériennes étaient connues, « il est généralement reconnu parmi les personnes versées dans l’art que des mesures intégrées de la concentration obtenues à l’aide d’un échantillonnage vertical ne peuvent pas être facilement combinées à la vitesse du vent mesurée pour calculer le flux, étant donné les variances dans la vitesse du vent en fonction de la hauteur par rapport au sol » (lettre de réponse, page 4).

[50]      Le comité a réexaminé les observations du demandeur dans le cadre de cette révision, en regard du climat dans le domaine pertinent. Le comité estime désormais que la personne versée dans l’art aurait été biaisée et aurait ainsi évité de combiner une mesure de concentration obtenue à l’aide d’un échantillonnage vertical avec une vitesse du vent représentative. La meilleure preuve figure dans le document D1 lui-même, où il est explicitement énoncé que [Traduction] :

           « la [méthode M1] fournit une concentration à trajectoire intégrée sur une ligne verticale, et ne permet pas de quantifier des flux » (D1, « Equipment and Methods, III. Compared methods presentation, i. Helicopter-borne spectroscopy (M1) », paragraphe 2);

           « bien qu’une applicabilité par hélicoptère soit simple, il n’y a pas beaucoup d’autres résultats concernant l’exploitation : une mesure de la concentration à trajectoire intégrée verticale et ponctuelle ne permet pas de calculer un flux, pas plus qu’une cartographie complète » (D1, « Conclusions », paragraphe 2).

[51]      En outre, le comité reconnaît également que même si une vitesse moyenne du vent était mesurée dans les résultats de l’étude pour la méthode M1 (D1, la vitesse moyenne du vent mesurée à 2 m au-dessus du sol était de 5 m/s, en direction nord-ouest, « Equipment and Methods, III. Compared methods presentation, i. Helicopter-borne spectroscopy (Ml) »), les auteurs de l’étude présentée en D1, probablement très compétents dans le domaine en tant que techniciens qualifiés, n’ont pas combiné cette vitesse du vent à la mesure de la concentration verticale obtenue par la méthode M1 pour calculer un flux d’émission.

Motivation qui, à l’époque où l’invention présumée a été faite, incitait à résoudre un problème reconnu

[52]      Selon Novopharm au paragraphe 25, « La “motivation”, dans ce contexte, peut signifier la raison pour laquelle l’inventeur a fait l’invention présumée, ou encore la raison pour laquelle on pouvait légitimement s’attendre à ce que la personne hypothétique normalement versée dans l’art associât des éléments de l’état de la technique pour aboutir à l’invention présumée » et « si des concepts courants et des techniques éprouvées pouvaient mener à la solution, la possibilité peut se trouver réduite que la solution ait nécessité de l’inventivité ».

[53]      À la page 10 de la lettre du comité, il est soutenu que [Traduction] « il serait plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art que, pour calculer la mesure d’un flux à l’aide de la méthode M1 de D1, il faut une mesure du vent. S’appuyant sur ses CGC, la personne versée dans l’art serait dirigée directement et sans difficulté vers une solution supposant la mesure des vitesses du vent sur les plans de mesure » et combinerait ultimement cette mesure du vent aux mesures de la concentration pour calculer un flux d’émission.

[54]      En plus du biais technique de la personne versée dans l’art l’incitant à éviter de calculer le flux à l’aide de la méthode M1 et d’une mesure du vent représentative, il est également souligné à la page 6 de la lettre de réponse qu’il existe une incompatibilité entre les positions énoncées dans la lettre du comité, à savoir

... le technicien qualifié sans esprit d’inventif ne considérerait pas simultanément la méthode M1 de D1 comme une méthode pour laquelle la [Traduction] « quantification du flux n’est pas requise » (Examen préliminaire, page 9, paragraphe 4) et chercherait alors à [Traduction] « calculer une mesure du flux à l’aide de la méthode M1 de D1 » (Examen préliminaire, page 10, paragraphe 2). La décision de procéder ainsi nécessiterait au moins un certain degré d’inventivité.

[55]      La lettre de réponse, ainsi que les explications plus approfondies fournies par les représentants du demandeur à l’audience, conteste la position du comité selon laquelle il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de calculer une mesure de flux à l’aide de la méthode énoncée en D1. Plus précisément, la personne versée dans l’art aurait connu de nombreuses méthodes permettant d’obtenir une mesure de flux sans indication particulière de l’une quelconque des méthodes privilégiées, comme la méthode M1 de D1.

[56]      Après un examen plus approfondi des observations du demandeur, le comité estime que la personne versée dans l’art n’aurait pas été incitée à combiner la vitesse du vent à la mesure de la concentration obtenue à l’aide de la méthode M1 de D1 pour calculer un flux d’émission.

 

 

 

Sommaire relatif à l’évidence pour la revendication indépendante 1

[57]      Ayant examiné de nouveau la question à la lumière des observations qu’a soumises le demandeur dans sa lettre de réponse et d’autres explications fournies à l’audience, le comité estime que la personne versée dans l’art aurait été biaisée et aurait ainsi évité de combiner une mesure de la concentration obtenue à l’aide d’un échantillonnage vertical à une vitesse du vent représentative, comme il est démontré dans D1. Après un examen plus approfondi des observations du demandeur, le comité estime que la personne versée dans l’art n’aurait pas été incitée à combiner la vitesse du vent à la mesure de la concentration obtenue à l’aide de la méthode M1 de D1 pour calculer un flux d’émission.

Revendication indépendante 2

[58]      Étant donné que l’invention revendiquée dans la revendication indépendante 1 n’aurait pas été évidente pour la personne versée dans l’art, cette même analyse s’applique également à la revendication indépendante 2, laquelle fait état de caractéristiques et de limites semblables au moyen d’une autre configuration pour l’appareil de mesure verticale.

Les revendications dépendantes 3 à 11

[59]      Les revendications dépendantes 3 à 11 font état de caractéristiques et de limites additionnelles et donc, ne sont également pas évidentes étant donné leur renvoi aux revendications indépendantes 1 et 2.

[60]      Les revendications 1 à 11 sont donc conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 


 

Recommandation à la Commission

 

[61]      Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que le refus est injustifié compte tenu de l’irrégularité indiquée dans l’avis de décision finale, et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, que le refus de la demande est annulé et que la présente demande a été jugée acceptable.

 

 

 

 

Lewis Robart                      Paul Fitzner                                      Andrew Strong

Membre                         Membre                                   Membre

 

 

Décision

 

[62]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que le refus de la demande est annulé, que la demande a été jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps voulu.

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 7e jour d’août 2017

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