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Décision du commissaire no 1420

Commissioner’s Decision #1420

 

 

 

 

 

 

SUJETS :           A11 : Nouvelle matière
                     B00 : Caractère indéfini

                                G00 : Utilité

                                J50 : Simple plan

                                O00 : Évidence

                               

TOPICS:            A11: New Matter

                                                                                                             B00: Indefiniteness

                                                                                                             G00: Utility

                                                                                                             J50: Mere plan

                                                                                                             O00: Obviousness

 

 

 

 

 

 

               

Demande no : 2 529 210

Application No: 2,529,210

 


 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], la demande de brevet numéro 2 529 210 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

FINLAYSON & SINGLEHURST

225, rue Metcalfe, bureau 700

OTTAWA (Ontario)

K2P 1P9


 

 


 


INTRODUCTION

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée, numéro 2 529 210, qui est intitulée « Système de traitement d’appel » et qui appartient à  Assurant, Inc. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

CONTEXTE

La demande

[2]          La demande de brevet no 2 529 210, qui est fondée sur une demande antérieurement déposée au titre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), est réputée avoir été déposée au Canada le 14 juin 2004 et a été rendue accessible au public le 29 décembre 2004.

[3]          La demande a trait à l’attribution d’appels entrants de clients à un agent humain à l’intérieur d’un système de gestion des appels qui peut être utilisé, à titre d’exemple, dans un bureau de marketing ou de vente par téléphone. La demande prévoit d’attribuer des types particuliers d’appels (ou d’appelants) à différents groupes d’agents; les agents étant affectés à des appels en fonction de leur efficacité antérieure à persuader un client de changer d’avis.

Historique du traitement

[4]          La demande, qui comprend les revendications 1 à 65 (les « revendications au dossier »), a été refusée dans une décision finale (« DF ») en date du 10 février 2014 pour les cinq motifs suivants : nouvelle matière, objet non prévu par la Loi, absence d’utilité, évidence et caractère indéfini. Dans sa réponse à la DF en date du 8 août 2014, le demandeur a présenté un nouvel ensemble de revendications 1 à 64 (l’« Ensemble 1 de revendications proposées ») ainsi que des arguments en faveur de leur brevetabilité.

[5]          La demande a été transférée à la Commission d’appel des brevets accompagnée d’un résumé des motifs (« RM ») exposant les raisons pour lesquelles l’examinateur a jugé que les revendications 1 à 30, 32, 33, 35, 36 et 45 à 65 au dossier comportaient des irrégularités. Dans le RM, l’examinateur a également indiqué qu’il considérait que les revendications 31, 34 et 37 à 44 au dossier étaient acceptables et que certaines des revendications de l’Ensemble 1 de revendications proposées (les revendications 30 à 33 et 36 à 48) étaient également acceptables. Le RM a été transmis au demandeur le 9 avril 2015.

[6]          Dans une lettre en date du 6 août 2015, le demandeur a présenté une réponse écrite au RM et remplacé l’Ensemble 1 de revendications proposées par un second ensemble de revendications proposées 1 à 16 (l’« Ensemble 2 de revendications proposées ») correspondant aux revendications désignées comme étant « acceptables » dans le RM, et a indiqué que ces revendications devraient être acceptées pour cette raison.

[7]          Le présent comité a été constitué pour procéder à la révision de la demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Dans une lettre en date du 30 mai 2016 (la « Lettre du comité »), nous avons exposé notre analyse préliminaire ainsi que les raisons pour lesquelles nous estimons, d’après le dossier dont nous disposons, que les revendications au dossier ne sont pas conformes à la Loi sur les brevets. La Lettre du comité indiquait également que l’Ensemble 2 de revendications proposées ne semblait pas remédier aux irrégularités présentes dans les revendications au dossier.

[8]          Dans la Lettre du comité, nous avons également offert au demandeur l’occasion d’être entendu. Dans une pièce de correspondance en date du 14 juillet 2016, le demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas participer à une audience, mais que de brefs commentaires seraient soumis en réponse à la Lettre du comité.

[9]          Dans une réponse à la Lettre du comité en date du 16 septembre 2016 (la « Lettre en réponse »), le demandeur n’a présenté aucun argument à l’égard des questions de fond relatives aux motifs de refus énoncés dans la Lettre du comité. Dans sa Lettre en réponse, le demandeur a plutôt fait valoir que, pour des raisons de procédure, le comité aurait dû admettre l’indication contenue dans le RM selon laquelle les revendications 31 à 33 et 37 à 44 étaient acceptables et, partant, aurait dû juger l’Ensemble 2 de revendications proposées acceptables.

[10]      Nous nous pencherons, en premier lieu, sur l’argument procédural du demandeur concernant l’acceptabilité de l’Ensemble 2 de revendications proposées; puis, nous examinerons les cinq questions de fond sur lesquelles le refus de la demande est fondé.

QUESTION DE PROCÉDURE

[11]      Bien que, dans sa Lettre en réponse, le demandeur n’ait pas abordé les questions de fond exposées dans la Lettre du comité relativement aux revendications 1 à 65 au dossier, il a présenté des arguments à savoir pourquoi l’Ensemble 2 de revendications proposées devrait être jugé acceptable par le comité.

[12]      Plus précisément, le demandeur soutient que les revendications 1 à 16 de l’Ensemble 2 de revendications proposées qui correspondent aux revendications désignées dans le RM comme étant « acceptables » devraient, de la même manière, être acceptées dans le cadre de la présente révision. Le demandeur insiste sur le fait que la présence, dans le RM, des signatures de l’examinateur, du chef de section et du chef de division indique que ces revendications étaient acceptables et demande pourquoi le comité n’a pas fait preuve de déférence à l’égard de l’avis de ces représentants officiels du Bureau des brevets. Le demandeur laisse entendre que le comité est comparable à une cour d’appel qui ferait partie intégrante de la structure du Bureau des brevets, et fait valoir que le comité devrait faire preuve de la même déférence que lorsqu’une cour d’appel révise une décision d’une cour inférieure.

[13]      Le comité a examiné les arguments du comité, mais n’y adhère pas pour les raisons exposées ci-dessous.

[14]      Premièrement, en ce qui concerne l’argument voulant que le comité fonctionne à l’intérieur du Bureau des brevets à la manière d’une cour d’appel, nous estimons qu’il s’agit là d’une comparaison inappropriée. Le comité n’est pas un organe établi en vertu d’une loi et il ne fonctionne pas à la manière d’une cour. Le comité est un organe administratif constitué de cadres supérieurs du Bureau des brevets, dont le rôle consiste à effectuer une révision indépendante d’une demande refusée conformément aux exigences de l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets, et à présenter une recommandation au commissaire quant à l’issue finale de la demande à l’intérieur du Bureau des brevets.

[15]      Deuxièmement, en ce qui concerne les signatures de l’examinateur, du chef de section et du chef de division, et la question de savoir si le comité doit faire preuve de déférence à l’égard de leur opinion apparente selon laquelle certaines revendications sont acceptables, le comité souligne que, puisque la demande est rejetée, elle peut faire l’objet d’une révision conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets. En outre, selon le paragraphe 30(6.1) des Règles sur les brevets, des « irrégularités autres que celles indiquées dans l’avis de décision finale » peuvent être soulevées lors d’une révision effectuée par un comité de la Commission. Nous considérons que ces irrégularités ne se limitent pas aux irrégularités présentes dans les revendications qui ont été jugées non acceptables par l’examinateur et qu’elles englobent toutes les irrégularités décelées dans l’ensemble de la demande.

[16]      En l’espèce, lorsque nous avons entrepris notre examen préliminaire de la demande refusée, nous avons constaté que l’objet des revendications 31 à 33 et 37 à 44, comme elles sont interprétées, était semblable à celui des autres revendications au dossier. Compte tenu de cette similarité, le comité a exprimé l’opinion préliminaire que l’analyse de ces revendications au regard de l’objet prévu par la Loi et de l’évidence mènerait à des résultats différents que ceux qui avaient été présentés au demandeur dans le RM.

[17]      Par conséquent, en plus d’aborder les autres questions dont nous sommes saisis, dans la Lettre du comité, nous avons exposé en détail les raisons pour lesquelles il a été déterminé que toutes les revendications 1 à 65 au dossier visaient un objet non prévu par la Loi et étaient évidentes. Dans la Lettre du comité, nous avons également expliqué pourquoi les revendications de l’Ensemble 2 de revendications proposées (que le demandeur tient pour acceptables sur la base de l’indication contenue dans le RM) sont également non acceptables pour les mêmes raisons. Nous avons offert au demandeur l’occasion de présenter des observations écrites et de participer à une audience. Le demandeur a toutefois choisi de ne pas se prévaloir de cette occasion de présenter des arguments quant aux questions de fond et aux raisons pour lesquelles les revendications proposées seraient acceptables; il s’en est plutôt tenu à la question de procédure.

[18]      C’est donc à la lumière de ce qui précède que nous procédons à l’examen des cinq questions de fond dont nous sommes saisis.

QUESTIONS

[19]      La présente recommandation porte sur les cinq irrégularités suivantes, qui ont été signalées dans la DF :

1.         Les revendications 1, 10, 12 à 18, 25 et 46 à 64 au dossier contiennent de la nouvelle matière, en contravention de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

2.         Les revendications 1 à 30 et 46 à 64 au dossier visent un objet non prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets;

3.         Les revendications 1 à 30 et 46 à 64 au dossier ne présentent pas le caractère de l’utilité, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets;

4.         Les revendications 1 à 30, 35, 36 et 50 à 65 au dossier sont évidentes, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

5.         Les revendications 1, 13, 14, 24, 30, 32, 33, 45, 50 et 54 à 65 au dossier ont un caractère indéfini, en contravention du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

Interprétation téléologique

[20]      Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

Nouvelle matière :

[21]      Les conditions auxquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif d’une demande de brevet sont énoncées au paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets :

38.2 (2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

[22]      La question de savoir si la matière ajoutée au mémoire descriptif par voie de modification est conforme aux dispositions de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets doit être envisagée du point de vue de la personne versée dans l’art au moment où la demande a été déposée.

[23]      Pour savoir s’il y a présence de nouvelle matière, il faut donc comparer le mémoire descriptif à l’étude avec le mémoire descriptif et les dessins tels que déposés et déterminer si la matière introduite par les modifications est de celle qu’une personne versée dans l’art, à la date du dépôt, aurait pu raisonnablement inférer du mémoire descriptif ou des dessins tels que déposés.

Objet prévu par la Loi

[24]      La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[25]      Dans la foulée de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon], le Bureau a publié l’énoncé de pratique PN2013-03 intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » qui clarifie la pratique d’examen du bureau en ce qui a trait aux inventions mises en œuvre par ordinateur. Nous avons cité cette note dans la Lettre du comité du 30 mai 2016.

[26]      Ainsi qu’il est indiqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, « lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable... Lorsque, en contrepartie, il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet exclu de la définition du terme "invention" » — par exemple, les beaux-arts, les méthodes de traitement médical, les caractéristiques dépourvues d’une existence physique, ou les revendications dont l’objet est simplement une idée, un plan, une règle ou un ensemble de règles —, « la revendication ne respecte pas l’article 2 de la Loi sur les brevets ».

Utilité

[27]      Le fondement légal du critère de l’utilité est l’article 2 de la Loi sur les brevets, qui est ainsi libellé :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[28]      Le critère de l’utilité a été décrit par la Cour suprême du Canada dans Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] RCS 504, à la p. 525 :

Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de « inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [Traduction] « que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera ».

Évidence

[29]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[30]      Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante :

(1)         a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)      Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)       Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)       Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité ?

 

Caractère indéfini

[31]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[32]      Dans Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., [1947] R.C. de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la p 146 [« Minerals Separation »], la Cour a insisté sur l’obligation faite au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

            En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

INTERPRÉTATION TÉLÉOLOGIQUE

[33]      Avant d’entreprendre l’analyse des questions énoncées dans la DF et dans le RM, nous avons, dans la Lettre du comité, présenté une interprétation téléologique des revendications au dossier. Dans sa Lettre en réponse, le demandeur ne s’est pas opposé à l’interprétation du comité. Nous résumons donc cette interprétation ci-dessous.

 

Personne versée dans l’art

[34]      La Lettre du comité (page 2) indique que la personne versée dans l’art prend la forme d’une équipe constituée d’employés d’un centre d’appels, y compris des préposés aux ventes, des gestionnaires et des planificateurs des opérations, et d’employés spécialisés en TI, y compris des programmeurs informatiques et des techniciens réseau.

Connaissances générales courantes (CGC)

[35]      La lettre du comité (pages 2 et 3) présente les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art à la lumière du mémoire descriptif et d’une divulgation de l’art antérieur [Traduction] :

a.              Connaissance des systèmes de traitement informatisé utilisés dans les centres d’appels, des réseaux de communication voix et données, des systèmes d’attribution et d’acheminement des appels, et de la mise en œuvre de ces systèmes à l’aide de composants matériels, de micrologiciels et de logiciels classiques.

b.              Connaissance des opérations d’un centre d’appels, telles que l’attribution des appels, l’acheminement automatisé des appels, l’utilisation d’agents réels, les attributions à valeur ajoutée, la gestion des appels, les files d’attente, la disponibilité des agents, l’expérience des agents, etc.

c.              Connaissance des « meilleures pratiques » de vente et d’affaires, telles que la fidélisation des clients, la priorisation des clients, le classement des clients (selon, par exemple, la taille et la valeur du compte, les bénéfices futurs, la fidélité, etc.), le maintien de la fidélité des clients, l’obtention de ventes à valeur ajoutée, et l’optimisation des revenus.

d.              Connaissance des évaluations de rendement des employés et du classement ou de l’évaluation des employés en fonction des compétences et de l’efficacité antérieure.

e.              Connaissance de l’appariement d’un client avec l’agent le plus à même de réaliser une vente, d’après l’efficacité ou l’expérience antérieure de l’agent (col. 1, lignes 34 à 45, au sujet des systèmes habituellement utilisés dans les centres d’appels).

 

Problème

[36]      Le problème que le demandeur cherche à résoudre est exposé dans la Lettre du comité (page 3) [Traduction] :

À la lumière de la description (page 1) et des CGC, la personne versée dans l’art comprendrait que le problème à résoudre tient au fait que les systèmes de traitement des appels de l’art antérieur ne permettent pas d’acheminer, avec efficacité et efficience, les appels importants aux agents les plus à même de répondre aux besoins de clients particuliers.

La personne versée dans l’art considérerait que le problème est lié à l’identification de la personne (agent d’une organisation commanditaire) la plus apte à recevoir un appel d’un client. La personne versée dans l’art comprendrait, ainsi qu’il est indiqué à la page 2 de la décision finale, que le problème est lié à des aspects de la « personnalité humaine » et à la sélection d’un agent « capable de persuader le client d’adopter une ligne de conduite qui est favorable à l’organisation commanditaire ». De l’avis du comité, la personne versée dans l’art ne considérerait pas qu’il s’agit d’un problème informatique, c.-à-d. un problème ou une limite propre au système informatisé de traitement des appels qui se répercute sur l’attribution d’un appel à un agent.

 

Solution

[37]      La solution à ce problème est présentée dans la Lettre du comité (pages 3 et 4) [Traduction] :

La demande propose une méthode pour attribuer un appel important à un agent fort probablement capable de persuader un client de modifier sa ligne de conduite, d’après l’efficacité antérieure démontrée de l’agent. Tel qu’il est indiqué dans la décision finale (sous « Concept inventif »), la solution consiste à « attribuer les appels actuels à des agents en fonction de leur efficacité antérieure démontrée à persuader des clients de prendre une mesure favorable à l’organisation commanditaire ». Dans sa réponse à la décision finale (page 4), le demandeur semble être en accord avec cette caractérisation puisqu’il indique que « la capacité probable de l’agent à persuader un client de changer d’avis… est déterminée en fonction de l’efficacité antérieure de l’agent à persuader un client de changer d’avis... ».

Ainsi, la solution comprend une évaluation visant à déterminer si l’appel d’un client est important (valeur élevée) pour une organisation commanditaire, et l’attribution de l’appel à un agent ayant probablement la capacité d’amener le client à changer d’avis et à adopter une ligne de conduite favorable à l’organisation commanditaire, d’après l’efficacité antérieure de l’agent à persuader un client de changer d’avis.

 

Signification des termes utilisés dans les revendications

[38]      La lettre du comité indique que la personne versée dans l’art, ayant lu le mémoire descriptif, n’aurait aucune difficulté à comprendre la plupart des termes contenus dans les revendications. Toutefois, nous avons souligné que l’expression [Traduction] « capacité probable à établir une connexion avec le client » qui est présente dans les revendications au dossier exigeait un examen plus approfondi, car cette expression était considérée comme comportant une irrégularité au motif qu’elle contenait de la nouvelle matière non acceptable (voir Question 1, paragraphe 42, ci-dessous). Dans sa réponse à la DF, le demandeur a reconnu le problème que posait cette nouvelle matière non fondée sur le mémoire descriptif et a proposé la nouvelle formulation suivante pour rendre compte de cette caractéristique [Traduction] : « … en fonction de l’efficacité antérieure dudit agent à persuader un client de changer d’avis ». Comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, nous avons déterminé que la formulation proposée pouvait s’inférer du mémoire descriptif tel qu’il a été déposé. Par conséquent, comme nous l’avons expliqué dans la Lettre du comité, aux fins de notre analyse des questions à l’étude, nous avons adopté l’expression [Traduction] « … en fonction de l’efficacité antérieure dudit agent à persuader un client de changer d’avis » en tant que caractéristique essentielle des revendications au dossier. Dans sa Lettre en réponse, le demandeur ne s’est pas opposé à l’utilisation de cette expression dans le cadre de l’analyse du comité.

 

Éléments essentiels

[39]      Conformément à l’analyse présentée dans la Lettre du comité, la personne versée dans l’art considérerait que les éléments de la revendication 1 qui sont essentiels à l’obtention de la solution sont les suivants :

-          Évaluer l’importance pour une organisation commanditaire d’un appel entrant d’un client;

-          Dans le cas des appels jugés importants, attribuer l’appel à un agent en fonction de l’efficacité antérieure dudit agent à persuader un client de changer d’avis et d’adopter plutôt une ligne de conduite qui est favorable à l’organisation commanditaire.

[40]      Comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité (page 5), les autres revendications indépendantes contiennent les mêmes éléments essentiels, en plus des caractéristiques supplémentaires suivantes :

-          Revendication 18 : établir un groupe d’un ou plusieurs agents parmi les plus efficaces et déterminer si l’appel doit être attribué à ce groupe d’après la valeur de l’appel;

-          Revendication 25 : établir un groupe d’un ou plusieurs agents parmi les moins efficaces et déterminer si l’appel doit être attribué à ce groupe d’après la valeur de l’appel;

-          Revendication 31 : attribuer des cotes d’efficacité à un premier, à un deuxième et à un troisième agent, puis affecter les agents à un premier, à un deuxième et à un troisième groupe respectivement et, enfin, attribuer l’appel à l’un des groupes d’après la valeur de l’appel;

-          Revendication 35 : comme la revendication 18, mais le terme « appel » est remplacé par le terme « correspondance »;

-          Revendication 37 : évaluer l’efficacité d’un premier et d’un second agent, affecter les agents à un premier et à un second groupe, attribuer le premier et le second appel aux groupes d’après la valeur de l’appel et, si le premier agent n’est pas disponible, attribuer le premier appel au second agent;

-          Revendication 39 : comme la revendication 37, avec en plus la caractéristique d’un [Traduction] « avantage estimé » associé à la tentative de persuader un client de ne pas annuler un service donné;

-          Revendications 46, 47, 48 et 50 : revendications de « système » présentant diverses combinaisons des revendications 18, 31, 37 et 39;

-          Revendications 65 : semblable à la revendication 1, à la différence que la valeur d’un appel est fondée sur une [Traduction] « valeur de priorité ».

[41]      Notre examen des revendications dépendantes au dossier a révélé des caractéristiques supplémentaires qui définissent les produits ou services offerts en vente, ou définissent la détermination de l’efficacité antérieure des agents, l’affectation des agents à certaines catégories (première, deuxième, troisième, etc.), et différentes combinaisons d’attribution des appels en fonction de la valeur de l’appel, de l’efficacité de l’agent et de la disponibilité de l’agent.

ANALYSE

1. Nouvelle matière

[42]      Comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, la personne versée dans l’art considérerait que l’expression [Traduction] « capacité probable d’établir une connexion avec le client » constitue de la nouvelle matière qui ne peut raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif original. Le demandeur n’a pas contesté cette détermination. Par conséquent, comme l’indique la Lettre du comité, les revendications 1 à 30 et 46 à 64 au dossier définissent de la nouvelle matière, en contravention de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets.

[43]      Cependant, comme nous l’avons indiqué au paragraphe 38 ci-dessus, aux fins de l’examen des autres questions, nous avons adopté l’expression [Traduction] « en fonction de l’efficacité antérieure dudit agent à persuader un client de changer d’avis » pour exprimer cette caractéristique essentielle, telle qu’elle a été proposée par le demandeur dans sa réponse à la DF. Nous soulignons que cette nouvelle expression est entièrement fondée sur le mémoire descriptif.

2. Objet prévu par la Loi

[44]      La DF indique que les revendications 1 à 30 et 46 à 64 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Cependant, comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, la personne versée dans l’art comprendrait que toutes les revendications au dossier définissent des pratiques d’affaires et des critères d’efficacité humaine qui servent à identifier l’agent le plus à même de persuader un client de prendre une mesure qui est dans l’intérêt d’une entreprise. Les étapes de l’évaluation de la valeur ou de l’importance d’un client, de l’évaluation de l’efficacité antérieure d’un agent d’après les ventes et la capacité de persuasion, du classement d’un agent d’après son efficacité antérieure évaluée et, enfin, de l’attribution d’un client à un agent d’après le classement de l’agent sont toutes des idées abstraites déterminées en fonction de certaines règles commerciales, de certains objectifs commerciaux et de certaines mesures de l’efficacité humaine. Aucune de ces caractéristiques n’est considérée comme définissant « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable » (Amazon, au paragraphe 66). Aucune caractéristique physique essentielle n’est définie dans les revendications.

[45]      De plus, la Lettre du comité indique que les caractéristiques que sont l’évaluation de l’importance d’un client et le classement d’un agent d’après son efficacité antérieure à persuader un client de changer d’avis et de prendre une mesure qui est favorable à l’organisation commanditaire peuvent être assimilées à un processus mental fondé sur des critères psychologiques et des règles commerciales. Dans leur forme la plus simple, les étapes de l’évaluation et de l’attribution pourraient être accomplies d’emblée sans l’aide d’un quelconque système informatisé, en utilisant un papier et un crayon, ou à titre d’exercice mental. Là encore, dans sa Lettre en réponse, le demandeur n’a présenté aucun argument à l’égard des points concernant la nature non prévue par la Loi de l’objet des revendications 1 à 65.

[46]      Par conséquent, comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, les revendications 1 à 65 au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

3. Utilité

[47]      La DF indique que les revendications 1 à 30 et 46 à 64 au dossier ne présentent pas le caractère de l’utilité parce qu’elles ne sont pas reproductibles en ce sens qu’elles dépendent de la compétence, du jugement ou du raisonnement d’une personne pour persuader un client de changer d’avis, d’après une certaine capacité établie à la lumière de l’efficacité antérieure.

[48]      Nous soulignons que ni la revendication 1 ni l’une quelconque des autres revendications indépendantes ne spécifie que l’agent réussira à persuader le client de changer d’avis; il est plutôt question d’attribuer un appel important à un agent qui a été désigné pour recevoir l’appel d’après son efficacité antérieure à persuader un client de changer d’avis. Bien que la manière dont lesdits agents sont classés et sélectionnés semble être fondée sur diverses mesures de l’efficacité ou règles commerciales (selon la divulgation faite, par exemple, aux lignes 13 à 31 de la page 19, et de la ligne 13 de la page 21 à la ligne 20 de la page 22 du mémoire descriptif), l’attribution de l’appel à l’un de ces agents serait considérée par la personne versée dans l’art comme une étape reproductible. Ainsi, nous considérons que les étapes des revendications indépendantes satisfont aux exigences minimales du critère de l’utilité, car elles sont reproductibles indépendamment du jugement ou du raisonnement de la personne versée dans l’art.

[49]      Cependant, comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, les revendications dépendantes 5 à 9 et 54 à 56 au dossier contiennent un résultat explicitement défini qui consiste à persuader un client de changer d’avis. La revendication 5, par exemple, définit le résultat suivant [Traduction] « le client étant persuadé par l’agent… ». De l’avis du comité, la personne versée dans l’art considérerait que ces résultats ne peuvent pas être reproduits par l’application de la méthode définie dans la revendication sans la compétence ou le jugement de la personne qui applique la méthode. Le demandeur n’a pas contesté cette détermination. Par conséquent, comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, les revendications 5 à 9 et 54 à 56 au dossier ne présentent pas le caractère de l’utilité et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

4. Évidence

[50]      Selon l’approche en quatre étapes pour évaluer l’évidence établie dans Apotex Inc. c. Sanofi Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], nous avons indiqué, dans la Lettre du comité, les raisons pour lesquelles la personne versée dans l’art considérerait que les revendications 1 à 65 au dossier sont évidentes. Là encore, dans sa Lettre en réponse, le demandeur n’a présenté aucun argument de fond relativement à notre analyse de l’évidence. Nous présentons donc un résumé de cette analyse ci-dessous.

             Étape 1 — Identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes

[51]      La personne versée dans l’art et ses CGC pertinentes sont présentées dans la section Interprétation téléologique, aux paragraphes 34 et 35 ci-dessus.

             Étape 2 — Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.

[52]      Comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, le concept inventif est constitué des éléments essentiels des revendications qui, dans la revendication 1, à titre d’exemple, sont les suivants :

-          Évaluer l’importance pour une organisation commanditaire d’un appel entrant d’un client;

-          Dans le cas des appels jugés importants, attribuer l’appel à un agent en fonction de l’efficacité antérieure dudit agent à persuader un client de changer d’avis et d’adopter plutôt une ligne de conduite qui est favorable à l’organisation commanditaire.

 

             Étape 3 — Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

[53]      Le document de brevet D1, soit le brevet américain 6 453 038, délivré le 7 septembre 2002 à McFarlane, et coll. est cité dans la DF. Ce document décrit un système de traitement des appels qui est utilisé pour attribuer des appels à des agents en fonction des différentes compétences de chaque agent à traiter avec les clients. Les agents sont également classés ou répartis dans divers groupes en fonction de leur niveau de compétence, de manière à ce que les attributions d’appels soient distribuées efficacement entre les agents. Plus précisément, le document D1 décrit l’utilisation de paramètres de mesure de l’efficacité fondés aussi bien sur les compétences acquises de l’agent que sur les compétences augmentées de l’agent, lesquelles correspondent à la capacité de l’agent d’utiliser diverses ressources automatisées. Le document D1 enseigne également l’identification des clients à valeur élevée pour déterminer à quel agent attribuer l’appel.

[54]      Comme nous l’avons expliqué dans la Lettre du comité, même si le document D1 divulgue l’évaluation de l’importance d’un appel, l’évaluation de l’efficacité d’un agent selon certains paramètres et l’attribution d’appels à un agent d’après l’efficacité évaluée de l’agent, la personne versée dans l’art ne considérerait pas que le document D1 divulgue l’évaluation de la capacité d’un agent d’après l’efficacité antérieure de cet agent à persuader un client de changer d’avis.

[55]      En ce qui concerne l’aspect supplémentaire du concept inventif, à savoir la caractéristique consistant à persuader un client « d’adopter plutôt une ligne de conduite qui est favorable à l’organisation commanditaire », la personne versée dans l’art ne verrait pas cette caractéristique comme une différence. Le document D1 divulgue que la compétence ou la capacité d’un agent est mesurée en partie d’après les ventes antérieures réalisées, ce qui inclurait les recettes de ventes générées. Il va de soi que, dans un contexte commercial, les « ventes réalisées » constituent un résultat qui est favorable à une entreprise ou à une organisation. Le système et la méthode divulgués dans le document D1, à l’instar d’autres systèmes de centre d’appels classiques, sont spécialement conçus pour servir les clients, en partie, à tout le moins, en réalisant ou en soutenant des ventes qui sont favorables à une organisation commanditaire et dont cette dernière tire profit.

[56]      Par conséquent, la personne versée dans l’art considérerait que la différence entre le concept inventif de la revendication 1 au dossier et le document D1 est l’attribution de l’appel à un agent d’après l’efficacité antérieure de cet agent à persuader un client de changer d’avis.

             Étape 4 : Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité ?

[57]      Comme nous l’avons fait dans la Lettre du comité, nous examinerons ici l’inventivité de la différence énoncée à l’étape 3 ci-dessus, au regard de la revendication 1 au dossier. Nous examinerons ensuite cette différence en la considérant conjointement avec les différentes caractéristiques ou réalisations supplémentaires définies dans les autres revendications.

Revendications indépendantes

[58]      En ce qui concerne la revendication 1 au dossier, le comité est d’avis que la personne versée dans l’art ne considérerait pas que le fait d’attribuer un appel à un agent en fonction de l’efficacité antérieure de l’agent à persuader un client de changer d’avis dénote une quelconque inventivité.

[59]      À la lumière du document D1, la personne versée dans l’art saurait que les mesures de l’efficacité antérieure d’un agent lors de transactions avec un client comprendraient au moins les [Traduction] « ventes réalisées », la « gestion du contact à l’intérieur d’un délai prédéterminé » et la « satisfaction du client ». Ces mesures d’efficacité antérieure seraient prises à l’égard de différents types d’appels à des clients, y compris des [Traduction] « contacts pour raison de ventes », des « contacts problématiques » et des « contacts d’urgence » (D1, col. 11, lignes 40 à 46).

[60]      Bien que le demandeur affirme, à la page 9 de sa Réponse à la DF que le système divulgué dans le document D1 est [Traduction] « … destiné à des clients déjà désireux d’acheter un produit et qui ont tout simplement besoin de conseils… », nous sommes d’avis que les types d’appels traités (p. ex., les « contacts problématiques » mentionnés dans le document D1) comprendraient logiquement au moins quelques appels de clients mécontents qui peuvent souhaiter mettre fin à un service ou être, par ailleurs, enclins à prendre une mesure qui n’est pas favorable à l’organisation commanditaire. Il n’y a rien dans les enseignements du document D1 qui empêche les agents, ou le système de traitement des appels lui-même, de traiter également ces appels.

[61]      En outre, puisque dans le document D1, l’efficacité des agents est mesurée en fonction des [Traduction] « ventes réalisées », il serait logique que, peu importe le type d’appels, y compris les appels de [Traduction] « contacts problématiques », un agent tente de persuader l’appelant d’opter pour des produits ou des services supplémentaires, à la fois pour remédier aux difficultés du client et pour améliorer la mesure de son efficacité fondée sur les [Traduction] « ventes réalisées ». La personne versée dans l’art comprendrait, d’après ses CGC des « meilleures pratiques » de vente et d’affaires, telles que la fidélisation des clients, l’obtention de ventes à valeur ajoutée et l’optimisation des revenus, que les [Traduction] « ventes réalisées » comprennent les ventes réalisées par un agent qui offre des services ou des produits supplémentaires à un client lors d’un entretien téléphonique, y compris les appels de contacts problématiques.

[62]      La modification apportée au document D1 dans le but de gérer les clients mécontents ne requiert aucune inventivité, ni dans sa conception ni dans sa mise en œuvre. Sachant qu’un agent est naturellement enclin à réaliser plus de ventes, il est évident qu’un agent tenterait de persuader un client de changer d’avis dans certaines de ces circonstances. De la même manière, extrapoler les données de [Traduction] « ventes réalisées » du document D1 pour identifier davantage les [Traduction] « ventes réalisées » lorsqu’un client est content ou a tout simplement besoin de conseils, ainsi que pour identifier les [Traduction] « ventes réalisées » après avoir persuadé un client de changer d’avis (c.-à-d. les « rattrapages ») ne requiert aucune inventivité et ferait partie des compétences de la personne versée dans l’art. Par conséquent, nous considérons que la différence entre l’état de la technique et le concept inventif de la revendication 1 au dossier constitue une étape qui aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

[63]      Dans la Lettre du comité, nous avons également présenté une analyse détaillée de chacune des autres revendications indépendantes 18, 25, 31, 35, 37, 39, 46 à 48, 50 et 65 au dossier. Il est apparu qu’aucune des revendications indépendantes ne définissait une différence par rapport au document D1 qui aurait constitué une étape requérant de l’inventivité, que ces revendications soient considérées comme étant seules ou conjointement avec les autres caractéristiques revendiquées. Dans sa Lettre en réponse, le demandeur n’a présenté ni observations ni arguments au sujet des revendications indépendantes.

[64]      Par conséquent, les revendications indépendantes 1, 18, 25, 31, 35, 37, 39, 46 à 48, 50 et 65 sont considérées comme évidentes eu égard au document D1 et aux connaissances générales courantes dans l’art.

Revendications dépendantes

[65]      Dans la Lettre du comité, nous avons présenté une analyse détaillée de chacune des revendications expliquant pourquoi la personne versée dans l’art aurait considéré que les revendications dépendantes au dossier sont évidentes à la lumière du document D1 et des CGC de la personne versée dans l’art. Dans la Lettre du comité, nous avons indiqué qu’aucune des revendications dépendantes n’ajoutait de restriction inventive aux revendications indépendantes évidentes, qu’elles soient considérées comme étant seules ou conjointement avec les autres caractéristiques revendiquées. Le demandeur n’a fourni aucune indication, ni en réponse au RM ni dans sa Lettre en réponse, quant à une quelconque caractéristique précise des revendications dépendantes qui, considérée seule ou conjointement avec les autres caractéristiques revendiquées, rendrait les revendications non évidentes. Par conséquent, nous considérons que les revendications dépendantes auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[66]      En résumé, comme nous l’avions déjà indiqué dans la Lettre du comité, les revendications 1 à 65 au dossier sont évidentes, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

5. Caractère indéfini

[67]      Dans la Lettre du comité, nous avons indiqué que les revendications 1, 13, 14, 24, 30, 32, 33, 45, 50 et 54 à 65 au dossier avaient un caractère indéfini en raison de diverses erreurs typographiques contenues dans les revendications qui rendaient lesdites revendications équivoques pour la personne versée dans l’art. Toutefois, nous avons également souligné, dans la Lettre du comité, que ces erreurs typographiques mineures avaient été corrigées dans les ensembles de revendications proposées.

CONCLUSIONS QUANT AUX REVENDICATIONS AU DOSSIER

[68]      Tel qu’il est indiqué dans la Lettre du comité, en ce qui concerne les revendications au dossier, le comité a déterminé que :

1)      les revendications 1 à 30 et 46 à 64 contiennent de la nouvelle matière et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

2)      les revendications 1 à 65 comprennent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

3)      les revendications 5 à 9 et 54 à 56 ne présentent pas le caractère de l’utilité et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

4)      les revendications 1 à 65 sont évidentes et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

5)      Les revendications 1, 13, 14, 24, 30, 32, 33, 45, 50 et 54 à 65 ont un caractère indéfini et, par conséquent, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

REVENDICATIONS PROPOSÉES

[69]      L’Ensemble 2 de revendications proposées (qui est constitué des revendications 1 à 16) a été soumis par le demandeur en réponse au RM. Conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)b) des Règles sur les brevets, les revendications proposées sont considérées comme des modifications n’ayant jamais été apportées. Des modifications spécifiques peuvent être exigées si elles sont considérées comme nécessaires pour rendre la demande conforme au paragraphe 30(6.3) des Règles, c.-à-d. si elles remédient aux irrégularités présentes dans les revendications au dossier sans introduire de nouvelles irrégularités.

[70]      Les revendications proposées 1 à 16 correspondent respectivement aux revendications 31 à 34, 37 à 46 et 48 et 49 au dossier. La seule différence constatée est que les revendications proposées 14, 15 et 16 ont été modifiées afin de retirer l’expression [Traduction] « ... à établir une connexion avec le client... » antérieurement utilisée dans les revendications correspondantes 46, 48 et 49. L’objet des revendications proposées est, par ailleurs, identique à celui des revendications au dossier, au regard des questions dont nous sommes saisis dans le cadre de la présente révision, en particulier, de l’objet prévu par la Loi et de l’évidence.

[71]      Comme nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, compte tenu de la similarité avec les revendications au dossier, et pour les raisons déjà exposées dans notre analyse des revendications au dossier, le comité considère que la personne versée dans l’art conclurait que les revendications comprises dans l’Ensemble 2 de revendications proposées comportent des irrégularités au moins aux motifs qu’elles sont dénuées d’inventivité et qu’elles ne définissent pas un objet prévu par la Loi.

[72]      Par conséquent, le Comité ne considère pas que les revendications proposées (Ensemble 2 de revendications proposées) constituent une modification « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[73]      Pour les raisons exposées dans la présente recommandation, qui sont les mêmes que celles présentées au demandeur dans la Lettre du comité en date du 30 mai 2016, nous recommandons que la demande soit rejetée, à tout le moins, aux motifs que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets, et que les revendications au dossier sont évidentes en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[74]      En outre, les revendications proposées 1 à 16 ne remédient pas aux irrégularités présentes dans les revendications au dossier et, par conséquent, ne constituent pas une modification déterminée qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

Andrew Strong                                  Paul Fitzner                                      Nenad Jetvic

Membre                                                  Membre                                              Membre

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

[75]      Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande aux motifs que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets, et que les revendications au dossier sont évidentes en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[76]      Par conséquent, en application des dispositions de l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’octroyer un brevet relativement à cette demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, de demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 18e jour de mai 2017

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