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Décision du commissaire no 1419

Commissioner’s Decision #1419

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 SUJET : O00 (Évidence); C00 (Caractère adéquat ou inadéquat de la description)

 

TOPIC: O00 (Obviousness); C00 (Adequacy or Deficiency of Description)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 604 913

Application No.: 2,604,913

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 604 913 a fait l’objet d’une révision conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire accepte la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

SMART & BIGGAR

55, rue Metcalfe, Bureau 900

C.P. 2999, succursale D

Ottawa (Ontario)

K1P 5Y6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 604 913 intitulée « PROCÉDÉ ET SYSTÈME DESTINÉS À LA GESTION DES RISQUES DANS UNE TRANSACTION », qui est inscrite au nom de PayPal PTE LTD. Les irrégularités qui subsistent sont liées aux questions de savoir si l’objet revendiqué est évident et si le mémoire descriptif est suffisant. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit acceptée.

 

Contexte

La demande

 

[2]          La demande de brevet 2 604 913 (« la présente demande ») a été déposée au Canada le 4 avril 2006 et publiée le 19 octobre 2006.

[3]          La présente demande a trait à la gestion du risque ainsi qu’à la prévention et à la minimisation de la fraude lors de transactions entre un consommateur (ou client) et un commerçant (ou émetteur de crédit). La présente demande propose des systèmes et des méthodes de gestion de risque qui appliquent aux données de transaction un ensemble de règles de risque à deux niveaux afin d’autoriser des transactions entre un consommateur et un commerçant. Les ensembles de règles de risque à deux niveaux sont modifiables, dynamiques et configurables en ce que l’ensemble de règles de premier niveau peut être complété par l’ajout de nouvelles règles issues de l’ensemble de règles de second niveau.

Historique du traitement de la demande

 

[4]          Le 24 juillet 2014, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la présente demande est irrégulière pour les motifs suivants :

1.      les revendications 1 à 25 (les « revendications au dossier ») visent un objet non prévu par la loi qui est exclu de la définition d’« invention » et, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

2.      les revendications au dossier sont évidentes et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

3.      le mémoire descriptif est insuffisant et, par conséquent, n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[5]          Dans une réponse à la décision finale (« R-DF ») en date du 26 janvier 2015, le demandeur a fait valoir que les revendications visent un objet prévu par la loi, que les revendications sont inventives et que la description fournit suffisamment d’information à la personne versée dans l’art pour lui permettre de réaliser l’invention. Le demandeur a proposé des modifications aux revendications (« Ensemble de revendications proposées 1 ») et des modifications à plusieurs pages de la description.

[6]          L’examinateur ayant jugé la présente demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 13 avril 2015, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la présente demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets (« la Commission ») pour révision, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM »).

[7]          Dans une lettre en date du 30 juin 2015, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et de participer à une audience.

[8]          Le demandeur a sollicité la tenue d’une audience dans une lettre en date du 25 septembre 2015, et a présenté des observations écrites en guise de réponse au RM (« R-RM ») dans une lettre en date du 10 mai 2016. Le demandeur a également proposé des modifications supplémentaires aux revendications (« Ensemble de revendications proposées 2 »).

[9]          Le présent comité (« le Comité ») a alors été formé et chargé de procéder à la révision de la présente demande. Après examen de la présente demande et du dossier dans sa forme actuelle, nous recommandons que la présente demande soit acceptée tel qu’elle était constituée au moment de la rédaction de la DF. Par conséquent, la tenue d’une audience n’est pas requise et il n’est pas nécessaire que le Comité présente des recommandations quant à l’acceptabilité de l’Ensemble de revendications proposées 1 ou de l’Ensemble de revendications proposées 2.

Questions

[10]      Dans le RM, l’examinateur a maintenu les irrégularités liées à l’évidence et au caractère suffisant. Il a cependant retiré l’irrégularité liée à l’objet non prévu par la loi (RM, page 2). Étant donné que l’irrégularité liée à l’objet non prévu par la loi a été examinée en détail dans la DF conformément, semble-t-il, à l’approche de l’interprétation téléologique énoncée à la section 13.05 du Manuel des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015; « RPBB »], et qu’elle a, par la suite, été retirée à la lumière des observations du demandeur, nous ne nous attarderons pas davantage à cette question.

[11]      Les deux questions restant à trancher sont celles de savoir si les revendications qui figuraient au dossier au moment où la DF a été rédigée sont évidentes et si le mémoire descriptif est suffisant. Plus précisément :

1.      L’objet défini par les revendications 1 à 25 aurait-il été évident pour une personne versée dans l’art à la date de revendication de la présente demande et, par conséquent, non conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

2.      Le mémoire descriptif est-il conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, c’est-à-dire, décrit-il l’objet des revendications au dossier d’une façon exacte et complète conférant à ce dernier un caractère réalisable?

Législation et principes juridiques

Interprétation téléologique

 

[12]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux par. 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du RPBB, la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

Évidence

 

[13]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[14]      Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au par. 67[Sanofi], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche à quatre volets suivante :

(1)a)        Identifier la « personne versée dans l’art »;

                   b)        Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)            Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)            Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4)            Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Description suffisante

 

[15]      Les passages pertinents du paragraphe 27(3) de la Loi sont libellés comme suit :

Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention; . . .            

 

[16]      Les tribunaux ont indiqué que le caractère suffisant de la divulgation est lié principalement à deux questions, lesquelles sont pertinentes pour l’application des alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi sur les brevets : i) En quoi consiste l’invention? et ii) Comment fonctionne-t-elle? (Consolboard c. MacMillan Bloedel, [1981] 1 RCS 504, à la p 526, 56 CPR (2d) 145, à la p 157). La description doit fournir une réponse exacte et complète à chacune de ces questions afin qu’une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en ne disposant que du mémoire descriptif, mettre en pratique l’invention pour pouvoir l’utiliser avec le même succès que l’inventeur au moment du dépôt de la demande, sans avoir à faire preuve d’esprit inventif ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

Analyse

Interprétation téléologique

 

[17]      Une interprétation des revendications n’est pas présentée explicitement, car aucune question n’est liée à la signification d’un ou plusieurs termes employés dans les revendications, et la façon dont l’examinateur a défini les éléments essentiels concorde avec le problème et la solution identifiés à la lumière du mémoire descriptif (voir la DF aux pages 2 à 4).

Évidence

 

[18]      Dans la DF et dans le RM, l’examinateur a indiqué que les revendications 1 à 25 au dossier auraient été évidentes eu égard à l’une ou l’autre des références D4 et D5 en vue de l’une ou l’autre des références D6 et D7 :

D4 : Demande de brevet US numéro 2003/0130919 A1, publiée le 10 juillet 2003;

D5 : Brevet CA numéro 1 252 566, délivré le 11 avril 1989;

D6 : Demande de brevet WO numéro 2005/025292 A2, publiée le 24 mars 2005;

D7 : Demande de brevet US numéro 2002/0194119 A1, publiée le 19 décembre 2002.

 

[19]      Les références D1 à D3, citées par l’examinateur aux premiers stades du traitement de la présente demande, et les références D8 à D10, identifiées comme des références d’intérêt dans la DF, ne semblent pas fournir d’enseignements supplémentaires pertinents pour l’analyse de l’évidence et, par conséquent, ne seront pas examinées plus avant.

Étape (1)a) de Sanofi – Identifier la « personne versée dans l’art »

[20]      À la page 4 de la DF, l’examinateur a indiqué que la personne versée dans l’art est [Traduction] « compétente dans le domaine des transactions financières ». La personne versée dans l’art connaît également les technologies informatiques d’usage général et les techniques de programmation de base. Le demandeur n’a pas contesté cette définition ni dans la R-DF ni dans la R-RM.

[21]      Puisqu’elle possède des connaissances dans ces deux domaines, la personne versée dans l’art est en réalité une équipe formée d’une personne compétente en transactions financières et d’une personne compétente en technologies informatiques, qui travaillent en collaboration.

Étape (1)b) de Sanofi – Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[22]      À la page 4 de la DF, les connaissances générales courantes (« CGC ») de la personne compétente en transactions financières sont décrites comme comprenant la connaissance des [Traduction] « diverses méthodes de paiement exposées dans la présente description et de leurs inconvénients (pages 1 à 5). La personne versée dans l’art connaît également la gestion des risques inhérents aux transactions ».

[23]      Les CGC définies par le demandeur semblent concorder avec les CGC énumérées dans la DF, à la différence près qu’elles sont plus étoffées. Selon la définition que le demandeur donne des CGC à la page 7 de la R-RM [Traduction] :

…la personne versée dans l’art à laquelle s’adresse le présent mémoire descriptif possèdera au moins une connaissance des systèmes de transaction, de la gestion du risque à l’intérieur des systèmes de transaction et des techniques de pointe permettant de prévenir et de minimiser la fraude entre un consommateur (ou client) et un commerçant (ou émetteur de crédit) à l’intérieur des systèmes de transaction.

[24]      À la page 4 de la DF, l’examinateur a également indiqué que les CGC de la personne compétente en technologies informatiques comprennent la connaissance de ce qui suit [Traduction] :

… les divers systèmes informatiques utilisés pour exécuter des transactions financières, tels que ceux présentés dans la section « Contexte de l’invention », y compris les systèmes informatiques constitués d’une unité centrale de traitement et d’une mémoire (base de données) couplée à une unité centrale de traitement, ainsi que les techniques de programmation informatique.

[25]      Le demandeur n’a pas contesté cette définition ni dans la R-DF ni dans la R-RM.

[26]      L’ensemble des CGC équivaut à la somme des CGC que possède chacun des membres de l’équipe susmentionnée. Par conséquent, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art possèderait une connaissance des transactions financières, des méthodes de paiement, des questions de sécurité transactionnelle, des systèmes de transaction financière, de la gestion du risque à l’intérieur des systèmes de transaction financière, y compris les techniques généralement connues de prévention et de minimisation de la fraude, ainsi que des technologies informatiques d’usage général et des techniques de programmation de base.

Étape (2) de Sanofi – Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[27]      À la page 5 de la DF, l’examinateur a identifié deux concepts inventifs distincts pour les revendications indépendantes [Traduction] :

1.      Dans le cas des revendications indépendantes 1 et 15, le concept inventif est constitué de ce qui suit :

         l’ensemble de données de transaction comportant une pluralité de champs de données reçus de l’entité;

         l’ensemble de règles de refus comportant une pluralité de règles; les données sur le risque relatives à la transaction étant émises en fonction du résultat de l’application d’au moins une règle de la pluralité de règles à au moins un champ de données de la pluralité de champs de données de l’ensemble de données de transaction;

         l’ensemble de règles d’analyse du risque comportant une pluralité de règles; les données sur le risque étant émises en fonction du résultat de l’application d’au moins une règle de la pluralité de règles à au moins un champ de données de la pluralité de champs de données de l’ensemble de données de transaction;

         le système étant, en outre, configuré pour :

i)        établir une nouvelle règle si les données sur le risque provenant du système en ligne de refus d’autorisation indiquent que la transaction ne devrait pas être refusée, alors que les données sur le risque découlant de l’application d’une règle de l’ensemble de règles d’analyse du risque à au moins un champ de données de l’ensemble de données de transaction indiquent que la transaction devrait être refusée, la nouvelle règle étant la règle de l’ensemble de règles d’analyse du risque qui entraîne le refus de la transaction;

ii)      la nouvelle règle étant ajoutée à l’ensemble de règles de refus pour utilisation lors d’une analyse de transaction subséquente.

 

2.      Dans le cas de la revendication indépendante 24, le concept inventif est constitué de ce qui suit :

         un ensemble de données de transaction comprenant une pluralité de champs de données;

         l’application d’un ensemble de règles de refus comportant une pluralité de règles à au moins un des champs de données de l’ensemble de données de transaction afin de produire des données sur le risque;

         une instruction de refus si les données sur le risque produites indiquent que la transaction devrait être refusée selon la règle appliquée;

         la réception d’une nouvelle règle si les données sur le risque produites indiquent que la transaction ne devrait pas être refusée selon la règle appliquée, alors que le système d’analyse du risque appliquant la nouvelle règle à au moins un des champs de données de l’ensemble de données de transaction aurait abouti au refus de la transaction;

         l’ajout de la nouvelle règle à l’ensemble de règles de refus pour utilisation lors d’une transaction subséquente.

 

[28]      Nous considérons que les revendications dépendantes et les précisions supplémentaires qu’elles contiennent constituent des perfectionnements des concepts inventifs des revendications indépendantes.

[29]      Le demandeur n’a pas contesté les concepts inventifs des revendications indépendantes qui ont été définis dans la DF.

[30]      Par conséquent, nous adoptons aux fins de notre analyse les concepts inventifs définis dans la DF. Les concepts inventifs étant similaires, un concept inventif global peut être établi aux fins de la présente analyse et défini comme se rapportant à un système de gestion du risque appliqué à des données de transaction associées à une transaction entre un consommateur/client et un commerçant/émetteur de crédit. Le système de gestion du risque applique aux données de transaction un ensemble de règles de risque à deux niveaux. Les règles du premier niveau (l’ensemble de règles de refus) agissent comme un filtre et fournissent des données sur le risque immédiat d’après un sous-ensemble de données transactionnelles, tandis que les règles du second niveau (l’ensemble de règles d’analyse du risque) permettent d’effectuer un examen plus détaillé d’un plus grand sous-ensemble de données de transaction. L’ensemble de règles de refus peut être complété par l’ajout d’une nouvelle règle issue de l’ensemble de règles d’analyse du risque si l’ensemble de règles de premier niveau indique que la transaction ne devrait pas être refusée alors que l’ensemble de règles de second niveau indique que la transaction devrait être refusée.

 

Étape 3 de Sanofi – Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[31]      À la page 5 de la DF, l’examinateur a indiqué que l’état de la technique correspondait à l’une ou l’autre des références D4 et D5. Le demandeur n’a pas contesté le fait que les références D4 ou D5 représentent l’état de la technique. Nous examinons ces références dans le cadre de l’étape 3 de Sanofi.

[32]      Aux pages 6 et 7 de la DF, l’examinateur a indiqué que l’une ou l’autre des références D6 et D7 comblent l’écart entre l’état de la technique et les concepts inventifs des revendications. Nous examinerons ces références dans le cadre de l’étape 4 de Sanofi.

[33]      La référence D4 porte sur des systèmes et des méthodes permettant de déterminer de façon sélective à quel moment et auprès de quelle source obtenir de l’information financière additionnelle lors de l’évaluation du risque lié à une transaction (D4, abrégé).

[34]      La référence D4 divulgue un calculateur de risque qui applique à des données de transaction un ensemble de règles de prépointage permettant d’obtenir une évaluation initiale du risque lié à une transaction (D4, FIG 2, par. [0070]). Les règles de prépointage permettent au système de gestion du risque de prendre une décision de type « autorisation/refus » sans que d’autres activités d’évaluation du risque soient nécessaires. Les règles de prépointage peuvent également dicter comment divers facteurs guideront les opérations supplémentaires d’évaluation du risque et de prise de décision (D4, par. [0071]). Le calculateur de risque comprend en outre une matrice de règles de pointage configurée pour calculer et fournir un score de risque indiquant le risque probable lié à une transaction et si la transaction doit être autorisée ou refusée ou doit faire l’objet d’une évaluation plus poussée. Les scores de risque limites déclenchent une analyse supplémentaire des données de transaction par un module de règles de post-pointage du calculateur de risque qui fournit une évaluation additionnelle (D4, par. [0072] à [0074] et [0113]).

[35]      La portée de la référence D4, telle qu’elle est décrite à la page 5 de la DF, concorde avec la façon dont le demandeur conçoit la portée de la référence D4, tel qu’il l’explique à la page 18 de la R-DF, c’est-à-dire que la référence D4 divulgue un ensemble de règles de risque à deux niveaux, des règles de prépointage et des règles de postpointage qui sont utilisés pour évaluer le risque que présente une transaction par l’application de l’ensemble de règles de risque à deux niveaux aux données de transaction.

[36]      À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que la différence entre l’état de la technique, représenté par la référence D4, et le concept inventif tient à ce que l’ensemble de règles de premier niveau peut être complété par l’ajout d’une nouvelle règle issue de l’ensemble de règles de second niveau, si l’ensemble de règles de premier niveau indique que la transaction ne devrait pas être refusée alors que l’ensemble de règles de second niveau indique que la transaction devrait être refusée.

[37]      La référence D5 a trait à un système de transaction qui autorise les demandes de transaction. Des cartes de transaction sur lesquelles sont encodés des renseignements relatifs à l’évaluation du risque, tel un multiplicateur, associés à chaque détenteur de carte sont utilisées pour évaluer une transaction. Le terminal de transaction compare le montant de la transaction au montant maximal autorisé par le terminal de transaction, modifié par le multiplicateur. Si le montant de la transaction excède le montant maximal modifié autorisé par le terminal, la transaction n’est pas approuvée et le terminal transmet les renseignements relatifs à la transaction à l’émetteur de la carte aux fins d’évaluation (D5, abrégé, pages 6 et 7).

[38]      La personne versée dans l’art considérerait que la référence D5 divulgue une évaluation du risque lié à une transaction qui applique, à un premier niveau, un ensemble de règles (comparaison du montant de la transaction avec le montant maximal modifié autorisé par le terminal) aux données de transaction. Cependant, la référence D5 ne divulgue pas que [Traduction] « des règles » sont utilisées à un second niveau; elle divulgue simplement que l’émetteur de la carte évalue les renseignements relatifs à la transaction au second niveau.

[39]      À notre avis, la personne versée dans l’art conclurait que la référence D5 divulgue un ensemble de règles de gestion du risque à un niveau servant à évaluer le risque que présente une transaction et considérerait que la différence entre l’état de la technique, représenté par la référence D5, et le concept inventif tient à un ensemble de règles de risque à deux niveaux, utilisé pour évaluer le risque lié à une transaction par l’application de l’ensemble de règles de risque à deux niveaux aux données de transaction, et au fait que l’ensemble de règles de premier niveau peut être complété par l’ajout d’une nouvelle règle issu de l’ensemble de règles de second niveau.

[40]      À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que la référence D4 est plus proche du concept inventif des revendications que la référence D5.

[41]      À la page 6 de la DF, l’examinateur a décrit la différence entre l’état de la technique et le concept inventif des revendications au dossier comme étant [Traduction] « l’utilisation d’un ensemble de règles dynamiques ». Dans son évaluation des différences par rapport à l’art antérieur, conformément à l’étape 4 de Sanofi, l’examinateur, dans la DF, a assimilé le terme [Traduction] « dynamique » à la [Traduction] « création », l’« actualisation », la « modification » et l’« ajustement » des règles.

[42]      Bien que nous soyons d’accord avec la définition d’un [Traduction] « ensemble de règles dynamiques », nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art considérerait que la différence entre l’état de la technique, représenté par la référence D4, et le concept inventif des revendications au dossier prend, plus précisément, la forme d’un ensemble de règles de premier niveau qui peut être complété par l’ajout d’une nouvelle règle issue de l’ensemble de règles de second niveau, si l’ensemble de règles de premier niveau indique que la transaction ne devrait pas être refusée, alors que l’ensemble de règles du second niveau indique que la transaction devrait être refusée.

Étape (4) de Sanofi – Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[43]      Aux pages 6 et 7, l’examinateur a indiqué que les références D6 et D7 enseignent la modification dynamique de règles, un principe qui peut être assimilé à l’ensemble de règles de risque à deux niveaux de la référence D4 et qui, de ce fait, rend les revendications évidentes.

[44]      La référence D6 porte sur un système d’authentification des transactions en fonction du risque, qui établit un niveau de risque (D6, abrégé). Le niveau de risque détermine les renseignements additionnels relatifs à la sécurité ou à l’authentification qui peuvent être requis aux fins d’une évaluation plus poussée du risque (D6, pages 9, 11 et 13). L’évaluation du risque est effectuée selon un ensemble de règles (D6, pages 15 et 16). De nouvelles règles permettant de repérer les activités frauduleuses peuvent être créées à partir de diverses sources d’information (D6, page 17, lignes 1 à 4).

[45]      À la page 6 de la DF, l’examinateur a indiqué que la référence D6 divulgue que les règles sont modifiées de façon dynamique.

[46]      À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que la référence D6 divulgue un système d’analyse du risque qui repose sur un ensemble de règles à un seul niveau dont les règles sont actualisées en fonction des activités et des décisions antérieures, des renseignements reçus d’institutions financières telles les banques et de l’information transmise par les utilisateurs signalant des fraudes (D6, pages 16 et 17). Or, nous sommes d’avis que la référence D6 ne divulgue pas que les données de transaction sont analysées par des ensembles de règles à deux niveaux distincts et que, par conséquent, elle ne divulgue pas non plus l’ajout de nouvelles règles issues d’un ensemble de règles à un autre ensemble de règles.

[47]      La référence D7 a trait à l’évaluation du risque de fraude dans une transaction de commerce électronique (D7, abrégé). L’information relative à la transaction est analysée au moyen d’une série a de tests applicables à la transaction  courante (D7, FIG. 10B, par. [0180] à [0255]), équivalant aux règles de la présente demande, qui déterminent si l’information relative à la transaction représente une bonne transaction (D7, par. [0164]). Si l’information relative à la transaction franchit l’étape des tests applicables à la transaction courante, cette information est alors comparée à l’information historique, ce qui permet d’obtenir des valeurs de score individuelles (D7, FIG. 10B, par. [0165]). Les valeurs de score individuelles sont ensuite analysées au moyen de modèles statistiques et heuristiques (D7, par. [0166] à [0177]).

[48]      La référence D7 divulgue également des exemples de valeurs spécifiques aux commerçants utilisées dans les modèles heuristiques, y compris des valeurs de pondération (D7, par. [0168] à [0176]). En outre, la référence D7 enseigne que la modification dynamique des valeurs de pondération est utilisée pour augmenter la précision des modèles en ajustant l’importance relative de chacun des tests du modèle (D7, par. [0100]) de manière à minimiser le nombre de faux positifs et de transactions frauduleuses non repérées (D7, par. [0110]). À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que les valeurs de pondération du modèle spécifique aux commerçants équivalent à des « règles ».

[49]      À la page 6 de la DF, l’examinateur a indiqué que l’actualisation des valeurs de pondération du modèle dans la référence D7 divulgue la modification dynamique des règles.

[50]      À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que la référence D7 divulgue un système d’analyse du risque associé à des données transactionnelles faisant intervenir des règles de risque à deux niveaux, à savoir les tests applicables à la transaction  courante et les valeurs de pondération spécifiques aux commerçants obtenues à partir du modèle heuristique. Cependant, la personne versée dans l’art considérerait que la modification dynamique des valeurs de pondération divulgue, tout au plus, une actualisation des règles de gestion du risque à l’intérieur d’un même niveau et qu’elle ne divulgue pas l’ajout à un ensemble de règles de premier niveau d’une nouvelle règle issue d’un ensemble de règles de second niveau.

[51]      En résumé, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art considérerait que les références D6 et D7 divulguent toutes deux la modification dynamique de règles servant à évaluer le risque que présente une transaction financière. La personne versée dans l’art qui appliquerait à l’état de la technique, représenté par la référence D4, les enseignements contenus dans les références D6 ou D7 en arriverait à un système de gestion du risque comprenant un ensemble de règles de risque à deux niveaux, dans lequel les règles de chacun des niveaux de l’ensemble de règles de risque à deux niveaux peuvent être modifiées de façon dynamique.

[52]      Or, à notre avis, comme nous l’avons indiqué ci-dessus dans notre analyse relative à l’étape 3 de Sanofi, la différence entre le concept inventif des revendications et l’état de la technique ne tient pas simplement à la modification dynamique des règles à l’intérieur de l’un ou de l’autre des niveaux de l’ensemble de règles de risque à deux niveaux. Nous estimons plutôt que le concept inventif concerne la modification dynamique de règles par le transfert d’une règle d’un second niveau vers un premier niveau à l’intérieur d’un ensemble de règles de risque à deux niveaux.

[53]      Nous concluons que ni la référence D6 ni la référence D7 ne permettraient à la personne versée dans l’art de combler l’écart entre la référence D4 et le concept inventif des revendications au dossier, à savoir l’ajout à l’ensemble de règles de premier niveau d’une nouvelle règle issue de l’ensemble de règles de second niveau, si l’ensemble de règles de premier niveau indique que la transaction ne devrait pas être refusée alors que l’ensemble de règles de second niveau indique que la transaction devrait être refusée.

[54]      Notre analyse selon la démarche établie dans Sanofi étant fondée sur le concept inventif des revendications indépendantes, nous concluons que les revendications indépendantes 1, 15 et 24 ne sont pas évidentes. Les revendications dépendantes 2 à 14, 16 à 23 et 25 apportent des précisions supplémentaires et sont également non évidentes compte tenu de leur dépendance aux revendications indépendantes.

[55]      Nous concluons que les revendications 1 à 25 sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Caractère suffisant

 

[56]      En ce qui concerne l’exigence du caractère suffisant, c’est-à-dire l’obligation de décrire l’invention d’une façon exacte et complète de manière à en permettre la réalisation, aux termes du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, nous devons déterminer si la personne versée dans l’art pourrait, en ne disposant que du mémoire descriptif, mettre en pratique l’invention pour pouvoir l’utiliser avec le même succès que l’inventeur au moment du dépôt de sa demande, sans avoir à faire preuve d’esprit inventif ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

[57]      À la page 7 de la DF, l’examinateur a indiqué ce qui suit (et a repris une formulation similaire à la page 2 du RM) [Traduction] :

La façon dont l’ensemble de règles est rendu dynamique et configurable n’apparaît pas clairement à la lecture de la description. La description n’indique pas comment il est déterminé qu’une nouvelle règle devrait être ajoutée, ni comment il est déterminé en quoi cette nouvelle règle devrait consister. Ni les règles, ni l’ensemble de règles, ni le tableau ne sont définis de façon détaillée, et le fonctionnement n’est pas davantage spécifié.

 

[58]      Le demandeur a répondu aux pages 19 et 20 de la R-DF et a fourni des précisions supplémentaires aux pages 5 à 10 de la R-RM, en citant divers passages de la présente demande qui, de l’avis du demandeur, fournissent la description et le niveau de détail requis pour permettre à la personne versée dans l’art de concevoir et réaliser l’invention.

[59]      Le demandeur a insisté plus particulièrement sur le par. [0035] de la description [Traduction] :

La communication entre le système d’analyse du risque 32 et le système de refus d’autorisation 18 prévoit la transmission d’une règle 38 issue de l’ensemble de règles d’analyse du risque 36, d’une nouvelle règle, d’une règle appliquée, de données relatives au refus de transaction, de données relatives au refus d’authentification et/ou de données relatives au refus d’autorisation entre les systèmes 18, 32. Selon une réalisation de l’invention, une nouvelle règle 42, telle une nouvelle règle sur la fraude, est transmise du système d’analyse du risque 32 au système de refus d’autorisation 18. La nouvelle règle 42 est ensuite ajoutée à l’ensemble de règles de refus pour utilisation lors d’une analyse de transaction subséquente. Ainsi, lorsque que le système d’analyse du risque 32 analyse une transaction et l’ensemble de données de transaction 22, il peut identifier de nouvelles tendances, règles ou données qui auraient mené à l’envoi d’une instruction de refus immédiat par le système de refus d’autorisation 18 si ce dernier avait eu accès à cette information. La nouvelle règle 42 permet donc d’actualiser adéquatement l’ensemble de règles de refus 26, ce qui confère au système de refus d’autorisation 18 une faculté d’autorégénération.

[60]      À notre avis, la personne versée dans l’art comprendrait à la lumière du mémoire descriptif, et en particulier du passage cité, en quoi consiste le processus qui sous-tend l’identification d’une nouvelle règle, les critères en fonction desquels une nouvelle règle est déterminée, le moyen pour transférer la nouvelle règle du système d’analyse du risque vers le système de refus d’autorisation, et le moyen pour inclure la nouvelle règle dans l’ensemble de règles de refus en vue du traitement d’une transaction subséquente. Des détails supplémentaires servant à déterminer des règles particulières à utiliser dépendraient du contexte de la transaction qui est analysée et ces détails feraient partie des CGC de la personne versée dans l’art. Le mémoire descriptif divulgue donc l’invention et son fonctionnement d’une manière suffisamment détaillée.

[61]      Nous concluons que le mémoire descriptif est conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Conclusion

[62]       Après examen des faits de la présente espèce, nous avons des motifs raisonnables de croire que la présente demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[63]      Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que le refus en raison des irrégularités indiquées dans l’avis de décision finale est injustifié, et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, que le refus de la demande est annulé et que la présente demande a été jugée acceptable.

 

Lewis Robart                                      Andrew Strong                               Stephen MacNeil

Membre                                                  Membre                                              Membre

 

Décision

[64]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que le refus de la demande est annulé, que la demande a été jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps voulu.

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 17e jour de mai 2017

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