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Décision du commissaire no 1411

Commissioner's Decision #1411

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET/TOPIC:

J60 (Imprimés/Printed Matter)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 761 560

Application No.: 2,761,560

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 761 560 a fait l’objet d’une révision conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation du Comité et la décision de rejeter la demande si elle n’est pas modifiée comme prescrit suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

GOWLING, LAFLEUR HENDERSON LLP

2600-160, rue Elgin

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

 

 

 


INTRODUCTION

[1]          La demande de brevet numéro 2 761 560, intitulée « PRÉSENTATION DE TEXTE ET D’ÉLÉMENTS GRAPHIQUES DE PAGE WEB PAR SUJET » appartient à Target Brands, Inc. Elle a été refusée parce que la réponse du demandeur à la décision finale ne renversait pas les motifs de refus. Un examen de la demande refusée a donc été réalisé par la Commission d’appel des brevets, en vertu des dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Pour les motifs énoncés ci-après, nous recommandons que le demandeur soit informé que la suppression des revendications 1 à 8 et la renumérotation des revendications 9 à 20 sont nécessaires, puisque les revendications 1 à 8 portent sur un objet non prévu par la Loi.

[2]          La présente demande concerne [Traduction] « la présentation d’information relative à un produit, sur une page Web, selon une disposition particulière qui comprend plusieurs sections et options de défilement »; voir la décision finale à la page 2, au par. 1. Plus précisément, l’invention concerne une disposition optimale comprenant une section graphique dans la partie supérieure, une autre au centre et d’autres dans la partie inférieure. Le dossier de la demande compte 20 revendications; les revendications 1 à 8 visent une méthode de transmission d’une page Web et les revendications 9 à 20 visent un système informatique pour un environnement de commerce au détail qui comprend une [Traduction] « barre de widgets », laquelle contient « une ou plusieurs évaluations d’utilisateurs provenant d’au moins un réseau social... et un ou plusieurs ensembles d’évaluations de clients ».

 

[3]          Nous sommes d’avis que les revendications 1 à 8 ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, puisqu’elles visent un objet non prévu par la Loi. Nous recommandons que la demande soit rejetée, à moins que les revendications 1 à 8 soient supprimées du mémoire descriptif et que la numérotation des revendications 9 à 20 soit modifiée en conséquence.

 

HISTORIQUE DE LA DEMANDE

[4]          Le 9 juillet 2014, l’examinateur a rédigé une décision finale (DF) conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, dans laquelle l’examinateur soutient que les revendications 1 à 20 visent un objet qui ne s’inscrit pas dans les catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[5]          Dans une lettre en réponse à la DF, datée du 9 janvier 2015, le demandeur a fourni des représentations expliquant pourquoi, à son avis, les revendications 1 à 20 visaient un objet brevetable selon la définition du terme « invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[6]          L’examinateur ayant jugé la demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 2 avril 2014, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision, accompagnée d’une explication énoncée dans le résumé des motifs [« RM »]. Bien que le RM maintienne que les revendications 1 à 8 visent un objet non prévu par la Loi, il indique que les revendications 9 à 20 sont désormais jugées acceptables.

 

[7]          Dans une lettre datée du 30 juin 2015 (la « Lettre d’accusé de réception »), la Commission a remis au demandeur une copie du RM et lui a offert l’occasion de présenter d’autres observations écrites et/ou d’assister à une audience.

 

[8]          Le demandeur a répondu le 30 septembre 2015 (la « Réponse à la Lettre d’accusé de réception »), indiquant, dans un passage pertinent, ce qui suit :

 

Le demandeur serait disposé à retirer les revendications 1 à 8 contestées afin que sa demande soit acceptable. Le Recueil des pratiques du Bureau des brevets ne décrit aucun processus pour procéder dans de telles circonstances. Cependant le demandeur suppose qu’il relève de la Commission d’appel des brevets de renvoyer le cas à l’examinateur afin que les revendications soient modifiées comme requis et que la demande passe à l’étape de l’acceptation. Le demandeur saurait gré que la Commission d’appel des brevets établisse une règle à cet égard.

 

[9]          Bien que, dans sa réponse au RM, le demandeur ne conteste pas la brevetabilité des revendications 1 à 8, la Réponse à la Lettre d’accusé réception a pour effet de confirmer que le demandeur ne présentera aucune autre observation à l’appui de ces revendications si sa demande peut passer à l’étape de l’acceptation avec seulement les revendications 9 à 20.

 

[10]      Le présent comité de révision de la Commission a été constitué pour effectuer la révision de cette demande.

 

QUESTIONS

[11]      La seule question à trancher dans le cadre de cette révision est celle de savoir si les revendications visent un objet prévu par la Loi.

 

PRINCIPES JURIDIQUES

 

Interprétation des revendications

[12]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67 aux par. 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05, Examen des revendications à l’aide de l’interprétation téléologique, du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (juin 2015), accessible sur le site Web de l’OPIC, la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution proposée, tel qu’elle est revendiquée.

Objet prévu par la Loi

[13]      La définition du terme « invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[14]      Suivant l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Attorney General) c Amazon.com Inc, 2011 CAF 328 [Amazon CAF], le Bureau des brevets a publié deux énoncés de pratique (PN 2013-02 Pratique d’examen au sujet de l’interprétation téléologique et PN 2013-03 Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur) qui précisent l’approche adoptée par le Bureau des brevets pour interpréter les revendications et les inventions mises en œuvre par ordinateur, respectivement.

 

[15]      Comme il est indiqué à la section 12.06.01 du RPBB, « [d]ans le cas où une revendication comporte une caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique et où aucune caractéristique de la revendication prévue par la Loi ne semble faire partie de la contribution, la revendication peut être attaquée en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets du fait que la caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique n’est pas, en soi, une invention prévue par la Loi ». La phrase « aucune caractéristique de la revendication prévue par la Loi ne semble faire partie de la contribution » [soulignement ajouté] reflète l’ancien cadre que le Bureau des brevets ne suit plus. Comme noté dans l’énoncé de pratique PN 2013-03, « PN 2013-02 (Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur) prescrit l’interprétation téléologique par rapport à d’autres approches pour l’analyse des revendications. En particulier, "l’approche de la contribution" ... ne doit pas être utilisée. » Cependant, mis à part cette référence à « l’approche de contribution », la section 12.06.01 du RPBB reflète toujours l’actuelle pratique du Bureau des brevets selon laquelle les caractéristiques présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique sont exclues de la définition d’invention. Il est également précisé ceci à la section 12.06.01 :

L’expression « caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique » s’applique à certaines caractéristiques qui ne peuvent pas, sur le plan pratique, influencer le fonctionnement de l’invention. Cette caractéristique ne peut donc pas modifier le mode de fonctionnement de la forme pratique de l’invention qui constitue la solution du problème et, par conséquent, ne peut jamais être un élément essentiel d’une invention prévue par la Loi.

[16]      Un imprimé ayant un intérêt exclusivement intellectuel, par exemple une œuvre littéraire, est visé par cette exclusion. Voir en particulier la section 12.06.04 du RPBB, qui se lit comme suit :

 

12.06.04 Imprimés

Une application très évidente du principe exposé à la section 12.06.01 concerne les imprimés. Dans le cas où l’imprimé ne confère pas une nouvelle fonctionnalité au support d’imprimerie, il n’y a pas de contribution prévue par la Loi. Pour que l’imprimé et le support soient ensemble la forme pratique d’une invention, ils doivent apporter une solution à un problème concret relié à l’utilisation de l’imprimé en général, qui ne soit pas fondée sur le seul contenu intellectuel ou esthétique de l’imprimé lui-même.

 

[17]      Enfin, cette section du RPBB précise que « le terme "imprimé" ne devrait pas être restreint au procédé classique d’imprimerie "encre sur papier". Tout affichage d’information où la seule contribution est l’information elle-même n’est pas une invention prévue par la Loi ».

 

[18]      Gardant à l’esprit l’énoncé de pratique PN 2013-02, les éléments essentiels des revendications, suivant leur interprétation téléologique, sont évalués sur le plan de l’objet.

ANALYSE

Revendications 1 à 8

 

[19]      L’examinateur a appliqué l’actuelle pratique du Bureau des brevets pour interpréter les revendications 1 à 8. Selon la décision finale, le problème à résoudre à l’aide de la présente demande concerne [Traduction] « la façon de présenter de l’information pertinente ou d’actualité selon une disposition optimale ». Les éléments essentiels pour résoudre ce problème « concernent la présentation d’information sur un produit dans différentes sections, placées comme des tuiles ».

 

[20]      Les éléments essentiels ont été jugés liés à la [Traduction] « présentation d’information, définie selon leur signification intellectuelle et leur apparence » après quoi il est ajouté [Traduction] « les aspects essentiels des revendications ne concernent que la disposition de l’information (p. ex. une section graphique dans la partie supérieure, une autre au centre et une dernière dans la partie inférieure) »; voir la DF à la page 3 aux par. 5 et 6.

 

[21]      Dans sa réponse à la DF, le demandeur a indiqué qu’il [Traduction] « serait disposé à retirer les revendications 1 à -8 contestées afin que sa demande soit acceptable ».

 

[22]      Suivant sa révision de la poursuite, de la demande et des principes susmentionnés aux paragraphes 12 à 18, le comité de révision est d’accord avec les conclusions énoncées dans la décision finale relativement aux revendications 1 à 8, à savoir qu’elles visent une forme d’imprimé non fonctionnel (voir les paragraphes 16 et 17 ci-dessus).

 

Revendications 9 à 20 contenant une barre de widgets

[23]      Il est dit ceci au sujet des revendications 9 à 20 dans la décision finale :

 

[Traduction] « ... il apparaît clairement dans le mémoire descriptif que toute technologie ou tout équipement spécifique nécessaire à l’exploitation du site Web n’affecte pas de façon importante la solution proposée et donc, n’est pas essentiel à l’invention... Les revendications ne sont pas automatiquement visées par la Loi, parce qu’elles font référence à l’utilisation d’un système information ou d’un autre outil physique. Les ordinateurs et les infrastructures de réseau peuvent contribuer à façonner le contexte ou l’environnement de la véritable invention, mais ne font pas partie de l’amélioration proposée elle-même.

...

[dispositifs de défilement, barre de widgets, etc.] ... font référence à la disposition (c.-à-d. la présentation) de l’information. Dans la mesure où toute composante fonctionnelle technique est présente dans cette disposition particulière d’information, ces caractéristiques ne sont pas essentielles à la résolution du problème. Les aspects essentiels des revendications ne concernent que la disposition de l’information (p. ex. une section graphique dans la partie supérieure, une autre au centre et une dernière dans la partie inférieure). »

[24]      Dans sa réponse, le demandeur a soutenu ce qui suit :

 

 [Traduction] « la revendication indépendante 9 qui reste énonce de nombreuses limites fonctionnelles comme "des dispositifs de défilement vertical" ... un "carrousel rotatif horizontal" ... et une "barre de widgets"... La revendication indépendante 9 énonce aussi des éléments "socialement réseautés"... Bien sûr, un réseau social comprend une infrastructure physique et la fonctionnalité d’un tel système de communication de l’information. Il s’agit tous d’éléments fonctionnels techniques que le Bureau des brevets a toujours reconnus comme révélant un objet acceptable. »

 

[25]      La réponse du demandeur a convaincu l’examinateur, qui a estimé que la barre de widgets était un objet visé par la Loi, affirmant ceci :

 

[Traduction] « Après un examen plus approfondi, l’examinateur considère que la barre de widgets et sa fonctionnalité revendiquée telle qu’exécutée par un système informatique sont des éléments essentiels à la résolution du problème énoncé dans la décision finale. Il s’agit d’un mécanisme de présentation de l’information pertinente qui est prévu par la Loi. Les revendications 9 à 20 sont donc jugées acceptables.

 

[26]      Par conséquent, il n’y a aucun désaccord entre le demandeur et l’examinateur relativement aux revendications 9 à 20.

[27]      Il est évident, selon le RM, que la réponse du demandeur à la décision finale était suffisante pour convaincre l’examinateur que la présence de la barre de widget conférait aux revendications 9 à 20 un caractère brevetable. Nous soulignons également que si cette conclusion avait été tirée plus tôt dans le cadre de la poursuite (c.-à-d. avant qu’une décision finale soit rendue en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets), le demandeur aurait été autorisé, en vertu des dispositions des Règles sur les brevets, à supprimer les revendications 1 à 8 et à ajuster la numérotation des revendications 9 à 20 et, selon toute vraisemblance, la demande aurait été acceptée. Étant donné les faits de l’espèce et considérant que le comité de révision est d’accord avec la conclusion tirée dans le RM portant que les revendications 1 à 8 ne visent pas un objet prévu par la Loi, tel qu’il a été indiqué précédemment, le comité de révision n’a aucune raison de trancher autrement. À ce titre, le comité de révision a des motifs raisonnables de croire que les revendications 9 à 20 sont conformes aux dispositions prévues dans la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

Conclusion

[28]      Conformément à cet examen, le comité de révision est convaincu que l’opinion énoncée dans le RM est adéquate en l’espèce. Plus particulièrement, étant donné la position adoptée par le demandeur dans sa réponse à la Lettre d’accusé de réception, le comité de révision est d’accord avec l’examinateur sur ceci :

         les revendications 1 à 8 visent un objet ne s’inscrivant pas dans les catégories d’invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         les revendications 9 à 20 sont conformes aux dispositions prévues dans la Loi sur les brevets et le Règlement sur les brevets.

[29]      Il en ressort donc que le comité de révision est d’avis que, même si la demande incluant les revendications 1 à 8 n’est pas conforme à la Loi sur les brevets ou aux Règles sur les brevets, des modifications particulières sont requises pour rendre la demande acceptable. Ces modifications consistent particulièrement à supprimer les revendications 1 à 8 actuellement au dossier, à modifier la numérotation actuelle des revendications 9 à 20 pour qu’elles deviennent les revendications 1 à 12 et à ajuster toute dépendance entre les revendications pertinentes.

 

RECOMMANDATION

[30]      Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que le demandeur soit informé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, qu’une modification particulière, à savoir la suppression des revendications 1 à 8 et l’ajustement de la numérotation des revendications 9 à 20 en conséquence, est nécessaire pour assurer la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

Mark Couture                T. Nessim Abu-Zahra              Kristina Bodnar

Membre                          Membre                                   Membre

 

DÉCISION

[31]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation du comité de révision. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que les modifications susmentionnées doivent être apportées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, sans quoi j’entends rejeter la demande.

 

[32]      Conformément à l’alinéa 31b) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et ces seules modifications, peuvent être apportées à la demande :

 

i)        supprimer les revendications 1 à 8 au dossier;

ii)      modifier la numérotation des revendications 9 à 20 pour qu’elles deviennent les revendications 1 à 12 et ajuster les dépendances entre les revendications en conséquence.

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

 

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 14e jour d’octobre 2016

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