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Décision du commissaire no 1423

Commissioner’s Decision #1423

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O00 (Évidence); B00 (Caractère ambigu ou indéfini)

 

TOPIC: O00 (Obviousness); B00 (Ambiguity or indefiniteness)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 477 870

Application No.: 2,477,870

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 477 870 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire entend rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

KIRBY EADES GALE BAKER

340, rue Elmview, bureau 1210

Ottawa (Ontario) K1R 7Y6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 477 870, qui est intitulée « Ensemble électrode pour l’électroporation à courant constant et utilisation » et inscrite au nom d’Advisys, Inc. Les irrégularités qui subsistent sont liées aux questions de savoir si l’invention revendiquée est évidente et si l’objet des revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 a un caractère indéfini. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que le demandeur soit avisé que les revendications 1 à 61 proposées dans la lettre du 20 juillet 2015 constituent des modifications « nécessaires » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

Contexte

 

La demande

 

[2]          La demande de brevet 2 477 870 a été déposée au Canada le 6 mars 2003 et publiée le 18 septembre 2003.

 

[3]          La demande porte sur un système d’électroporation et son utilisation pour faciliter l’introduction d’une macromolécule dans les cellules d’un tissu sélectionné d’un corps ou d’une plante. L’électroporation, qui est également appelée électroperméabilisation, est une technique qui permet d’appliquer un champ électrique à des cellules ou des tissus afin d’accroître la perméabilité de la membrane cellulaire. L’application d’impulsions électriques contrôlées aux cellules crée des pores temporaires dans la membrane cellulaire que des polynucléotides et d’autres macromolécules d’intérêt peuvent traverser pour pénétrer à l’intérieur de la cellule. Avec le temps, les pores se referment, ce qui a pour effet d’emprisonner les molécules qui peuvent alors exercer un effet biologique.

 

 

 

Historique

 

[4]          Le 19 janvier 2015, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que les revendications au dossier sont évidentes, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, et que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 ont un caractère indéfini, en contravention du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[5]          Dans une réponse à la DF (« R-DF ») en date du 20 juillet 2015, le demandeur a présenté un ensemble de revendications modifiées (les « Revendications proposées ») et a fait valoir que l’invention n’aurait pas été évidente pour la personne versée dans l’art à la date de la revendication et que les Revendications proposées remédient à l’irrégularité liée au caractère indéfini.

 

[6]          Ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et n’étant pas convaincu que les Revendications proposées soumises par le demandeur dans la R-DF rendraient la demande acceptable, l’examinateur a transmis la demande à la Commission d’appel des brevets (« la Commission ») pour révision, accompagnée d’un Résumé des motifs (« RM ») dans lequel il a maintenu que la demande était entachée d’irrégularités. En ce qui concerne les modifications proposées présentées dans la R-DF, l’examinateur explique dans le RM que l’irrégularité liée au caractère indéfini aurait été corrigée par les modifications proposées si les Revendications proposées avaient été jugées non évidentes à la lumière de l’art antérieur cité et par ailleurs conformes à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Or, le RM indique que les Revendications proposées sont évidentes à la lumière de l’art antérieur cité.

 

[7]          Dans une lettre en date du 20 octobre 2015 (la « Lettre d’accusé de réception »), la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a offert à ce dernier la possibilité de présenter des observations écrites supplémentaires et/ou de participer à une audience. Dans une lettre en date du 19 janvier 2016 (« R-RM »), le demandeur a présenté des observations écrites en réponse au RM et a exprimé le souhait de participer à une audience dans l’éventualité où le refus de l’examinateur, tel qu’il est formulé dans le RM, serait maintenu.

 

[8]          Le présent comité a été constitué dans le but de réviser la demande conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

 

[9]          Nous sommes d’avis qu’une audience n’est pas nécessaire à ce stade-ci, car, après révision de la demande et du dossier dans sa forme actuelle, nous recommandons au commissaire d’aviser le demandeur que les Revendications proposées constituent des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

Questions

[10]      Il y a deux questions à trancher dans le cadre de la présente révision, soit les suivantes :

1.      L’objet défini par les revendications au dossier est-il évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

2.      Les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ont-elles un caractère indéfini, en contravention du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets?

 

 

Législation et principes juridiques

Interprétation téléologique

[11]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB; révisé en juin 2015], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art (« PVA ») et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

 

 

Évidence

 

[12]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets établit l’exigence selon laquelle l’objet revendiqué ne doit pas être évident pour la PVA :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[13]      Dans Apotex Inc c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 (« Sanofi »), au par. 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante :

 

(1)          a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2)      Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)       Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

 

(4)       Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

 

Caractère indéfini

 

[14]       Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[15]      Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] R.C. de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la p. 146, la Cour a insisté sur l’obligation faite au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

 

Analyse

 

Interprétation téléologique

[16]      Nous soulignons que la DF ne présente pas d’interprétation téléologique détaillée des revendications au dossier et que l’interprétation des revendications au dossier ne semble pas être en cause en l’espèce.

 

[17]      En outre, nous considérons que la terminologie des revendications serait dénuée d’ambiguïté pour la PVA (définie ci-dessous dans la section relative à l’analyse de l’évidence) et que la portée des revendications apparaîtrait d’emblée à la PVA.

 

 

Évidence des revendications au dossier (article 28.3 de la Loi sur les brevets)

 

Identifier la PVA et ses CGC pertinentes

[18]      À la page 3 de la DF, l’examinateur définit la PVA comme étant un [Traduction] « ingénieur connaissant les systèmes d’électroporation et, de manière plus générale, les procédés électriques impliquant un contrôle et une rétroaction ». Cette définition n’ayant pas été contestée par le demandeur, nous l’avons adoptée aux fins de notre analyse.

 

[19]      En ce qui concerne les CGC de la PVA, dans la DF, l’examinateur décrit les CGC comme incluant [Traduction] « la conception et l’utilisation de systèmes d’électroporation (contrôle de la tension et du courant), la physiologie générale et les effets de la stimulation électrique sur les patients ».

 

[20]      Le demandeur n’a exprimé aucun désaccord avec cette évaluation, ni dans la R-DF ni dans la R-RM. Bien que cette évaluation semble concorder de façon générale avec les renseignements généraux fournis aux pages 1 à 5 de la présente description, nous considérons qu’il y a lieu de clarifier les CGC se rapportant à l’utilisation de systèmes d’électroporation pour faciliter l’introduction d’une macromolécule à l’intérieur des cellules d’un tissu sélectionné. Après examen de la présente description et de l’article scientifique de synthèse de Somiari et coll. [« Theory and in vivo application of electroporative gene delivery », Mol. Ther., 2(3), p. 178 à 187, 2000], nous sommes d’avis que les CGC pertinentes comprennent les connaissances suivantes :

 

         Les protocoles d’électroporation les plus courants pour les tissus reposent sur l’utilisation d’impulsions de tension prédéterminée. Une impulsion de tension trop élevée provoque un flux de courant excessif qui produit de la chaleur et des dommages cellulaires irréversibles, ce qui peut réduire l’efficacité générale de l’électroporation. Le chauffage ohmique excessif des tissus et les dommages cellulaires qui en résultent ont un impact négatif sur l’efficacité de l’électroporation.

 

         Des expériences théoriques et empiriques indiquent que les paramètres critiques qui régissent l’efficacité de l’électroporation sont liés au champ électrique qui traverse une cellule donnée, lequel dépend de la tension appliquée, de la conductivité ou de la résistance des éléments tissulaires et des fluides extracellulaires environnants, et de la conception et de la configuration de l’électrode.

 

         La configuration de l’électrode influe sur les lignes de champ électrique locales et, par le fait même, sur la répartition des cellules électroperméabilisées. Même si une répartition homogène du champ électrique est souhaitable et que des modèles permettant de prédire la répartition du champ ont été mis au point, cette caractéristique recherchée n’est associée à aucun type particulier d’électrode ou de configuration. Les champs électriques sont généralement administrés à l’aide d’agencements d’électrodes à aiguille ou à plaque plate (pince) dans lesquels les électrodes sont disposées et mises sous tension en paires opposées.

 

         L’efficacité de l’électroporation varie en fonction des conditions d’expérimentation et des tissus ciblés. L’optimisation empirique des paramètres est une approche couramment utilisée pour obtenir une électroporation efficace dans différents types de tissus. Les paramètres d’électroporation (p. ex., la durée, la fréquence, la magnitude et le nombre d’impulsions de tension) doivent être optimisés pour chaque type de tissu afin de maximiser l’apport génique tout en minimisant les dommages cellulaires irréversibles.

 

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[21]      Nous considérons que la revendication indépendante 1 est représentative de l’objet revendiqué [Traduction]:

1.      Un système d’électrodes modulaire pour faciliter l’introduction d’une macromolécule dans une cellule d’un tissu sélectionné d’un corps ou d’une plante, comprenant :

 

(a)    une pluralité d’électrodes à aiguille pour pénétrer dans le tissu sélectionné, la pluralité d’électrodes à aiguille étant montée sur une structure de support et disposée selon une relation espacée dans laquelle la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée selon un agencement symétrique ne comportant pas de paires opposées, la structure de support comprend un conduit d’injection stérile adapté pour accueillir une aiguille de seringue, l’aiguille de seringue étant située dans une région délimitée par la pluralité d’électrodes à aiguille;

 

(b)   un sous-système générateur d’impulsions à courant constant en communication électrique avec la pluralité d’électrodes à aiguille, le sous-système générateur d’impulsions à courant constant étant conçu pour appliquer une impulsion à courant constant entre n’importe lesquelles des électrodes de la pluralité d’électrodes et pour maintenir un courant constant indépendamment de tout changement dans la résistance du tissu sélectionné pendant l’application de l’impulsion à courant constant;

 

(c)    un contrôleur d’impulsions à courant constant programmable en communication avec le sous-système générateur d’impulsions à courant constant pour gérer le système de manière à exposer le tissu sélectionné à un courant essentiellement constant indépendamment de tout changement dans la résistance du tissu sélectionné pendant l’application de l’impulsion à courant constant, le contrôleur étant conçu pour échantillonner, surveiller et enregistrer les formes d’onde de la tension et du courant, le contrôleur étant pourvu d’un impédancemètre en communication électrique avec la pluralité d’électrodes à aiguille et avec le sous-système générateur d’impulsions à courant constant et configuré pour relayer l’information relative à l’impédance entre la pluralité d’électrodes à aiguille et le contrôleur afin de mesure l’impédance du tissu.

 

[22]      Les revendications indépendantes 25 et 37 comportent essentiellement les mêmes éléments. La revendication indépendante 25 définit, en outre, la façon dont les électrodes sont mises en communication électrique avec le reste du système et comporte des éléments supplémentaires concernant le transfert d’une impulsion à courant constant à un sous-ensemble seulement (deux électrodes) de la pluralité d’électrodes à aiguille (c.-à-d. un mécanisme de commutation et un dispositif d’entrée pour la programmation d’une séquence logique d’instructions codées). La revendication indépendante 37 précise, en outre, que le système envisagé est portatif.

[23]      Selon la DF, l’idée originale est la suivante [Traduction] :

L’idée originale semble reposer sur l’utilisation d’un contrôleur de courant constant pour maintenir un courant constant entre les électrodes indépendamment de l’impédance électrique observée entre les électrodes, sachant que l’impédance électrique peut varier pendant l’utilisation du système d’électroporation et sachant également que les électrodes sont disposées selon un agencement symétrique ne comportant pas de paires opposées.

Par conséquent, le problème à résoudre concerne la façon de contrôler avec précision le courant qui traverse la zone cible tout en assurant une distribution uniforme de l’énergie (présente demande, par. [0016]).

 

[24]      Nous avons examiné la présente description et, plus particulièrement, les paragraphes [0015] à [0017] qui exposent différents problèmes et différentes contraintes associés aux systèmes et aux méthodes d’électroporation connus et qui limitent l’efficacité générale de la technique; à savoir le fait que l’utilisation de tensions prédéterminées peut produire une chaleur excessive dans certains tissus et que les réseaux d’électrodes à aiguille comportant des paires opposées distribuent un courant qui est dirigé vers le centre de l’ensemble d’électrodes [Traduction] :

[0015] Les brevets susmentionnés, à l’instar de bien d’autres, divulguent des électroporateurs et des méthodes fondées sur l’utilisation d’une tension prédéterminée entre les électrodes. Étant donné que l’impédance entre les électrodes qui sont insérées dans un tissu peut varier d’un cas à un autre, ou d’un tissu à un autre, l’utilisation d’une tension prédéterminée n’a pas pour effet de produire un courant prédéterminé. Ainsi, l’art antérieur ne fournit aucun moyen de déterminer la dose exacte de courant à laquelle les cellules sont exposées, ce qui limite l’utilité de la technique d’électroporation. Pour cette raison précise, les électroporateurs classiques génèrent dans les tissus d’énormes quantités de chaleur qui peuvent facilement provoquer la mort de cellules. À titre d’exemple, une impulsion électronique typique de 50 ms d’un courant moyen de 5 ampères qui traverse une impédance de charge de 25 ohms peut théoriquement faire augmenter la température du tissu de 7,5 °C, ce qui est suffisant pour provoquer la mort de cellules. En revanche, dans un système à courant constant, la dissipation d’énergie est moindre, ce qui prévient le chauffage des tissus, réduit les dommages tissulaires et contribue à la réussite générale de la procédure.

[0016] Les difficultés que présentent les électrodes de l’art antérieur découlent du fait que l’énergie de l’impulsion est concentrée au centre du réseau d’électrodes, à l’endroit où le matériel à transfecter est déposé.

Il s’ensuit que l’apport en énergie est spatialement distribué de façon très inégale. Par conséquent, seule une fraction des cellules contenues dans le volume ciblé par l’ensemble d’électrodes est soumise à l’électroporation.

[0017] Il s’avère donc nécessaire de remédier aux problèmes de l’art antérieur en fournissant un moyen de contrôler efficacement la quantité d’électricité transmise aux cellules dans l’espace interélectrodes en contrôlant avec précision le flux ionique qui empiète sur les conduits dans les membranes cellulaires.

 

[25]      Nous avons également tenu compte des passages suivants, qui se trouvent aux paragraphes [0054] à [0057] de la présente description et qui expliquent de façon générale comment l’invention décrite remédie aux faiblesses de l’art antérieur en maintenant la dose précise de courant en deçà d’un certain seuil et en distribuant le courant d’électroporation à tension prédéterminée à un volume de tissu donné sans provoquer une concentration excessive de courant cumulatif à un endroit en particulier [Traduction] :

[0054] Le fait de contrôler le flux de courant entre les électrodes permet de déterminer le chauffage relatif des cellules. Ainsi, c’est le courant qui détermine l’efficacité subséquente de tout protocole d’application d’impulsions, et non la tension entre les électrodes. Les tensions prédéterminées n’ont pas pour effet de produire des courants prédéterminés, et l’art antérieur ne fournit aucun moyen de déterminer la dose précise de courant, ce qui limite l’utilité de la technique. Ainsi, le fait de contrôler le courant qui parvient au tissu situé entre deux électrodes en maintenant ce dernier sous un certain seuil permettra de faire varier les conditions d’impulsion, de réduire le chauffage des cellules, de provoquer la mort d’un moins grand nombre de cellules et d’introduire plus efficacement les macromolécules dans les cellules, comparativement aux impulsions à tension prédéterminée.

[0055] L’une des réalisations de la présente invention permet de remédier au problème susmentionné en fournissant un moyen de contrôler efficacement la quantité d’électricité transmise aux cellules dans l’espace interélectrodes en contrôlant avec précision le flux ionique qui empiète sur les conduits dans les membranes cellulaires. Ainsi, la dose précise d’électricité transmise aux tissus correspond au produit du niveau de courant, de la durée de l’impulsion et du nombre d’impulsions transmises. Pour mettre en œuvre un tel système à courant constant, le recours à un appareil à électrodes (illustré aux Figures 3 et 4) relié à un circuit spécialement conçu (illustré à la Figure 5) doit être envisagé.

[0056] L’un des buts de la présente invention est de fournir un moyen de distribuer le courant d’électroporation à un volume de tissu par une pluralité de trajets afin d’éviter la concentration excessive de courant cumulatif à un endroit particulier et, par le fait même, la mort cellulaire par surchauffe du tissu. À titre d’exemple, la distribution maximale de l’énergie provenant d’une impulsion donnée se produirait le long d’une ligne reliant deux électrodes. L’art antérieur enseigne que les électrodes sont agencées en paires et que les impulsions de tension sont transmises aux électrodes appariées de polarité opposée. Par conséquent, la distribution maximale de l’énergie provenant d’une impulsion donnée se produirait le long d’une ligne reliant deux électrodes. Un exemple de trajet de distribution de l’énergie dans un système d’électrodes de l’art antérieur, qui comporte trois paires d’électrodes radiales et une électrode centrale, est fourni ci-dessus et représenté à la Figure 1. L’énergie ainsi distribuée passe par le point central des électrodes, ce qui peut entraîner un chauffage inutile et abaisser le taux de survie des cellules.

[0057] Les électrodes d’une des réalisations de la présente invention sont disposées en un réseau radial et symétrique, mais, à la différence de l’art antérieur, sont en nombre impair et ne forment pas de paires opposées (Figure 2). La transmission d’une impulsion électrique à deux quelconques des électrodes à partir d’un générateur d’impulsions électriques engendre un schéma rappelant un polygone. En effet, si l’on reliait entre eux les points de ce schéma, on obtiendrait une étoile à cinq pointes présentant un tracé d’impulsions électriques de forme pentagonale au centre du réseau, c’est-à-dire dans la zone de tissu où la concentration de molécules à transfecter est la plus grande. Sans vouloir se limiter à la théorie, ce n’est pas le nombre impair d’électrodes en soi qui fait une différence, mais la direction des trajets effectués par le courant. Selon la configuration de l’art antérieur, toutes les impulsions génèrent un courant qui passe par le centre de l’ensemble. La dose cumulative, c.-à-d. l’effet de chauffage, est donc concentrée au centre et la dose administrée en périphérie s’estompe rapidement. Grâce à l’agencement en forme d’étoile à cinq pointes, la dose est répartie plus uniformément, sur un volume plus grand. À titre d’exemple, si les électrodes sont disposées en un réseau de cinq électrodes, les impulsions pourraient être appliquées séquentiellement aux électrodes 1 et 3, puis 3 et 5, puis 5 et 2, puis 2 et 4, puis 4 et 1. Cependant, parce que le tissu entre les électrodes est un volume conducteur, une certaine intensité de courant est présente le long des lignes parallèles et s’affaiblit à mesure que la distance par rapport à la ligne centrale augmente. L’effet cumulatif d’une séquence d’impulsions se traduit par une répartition plus uniforme de l’énergie transmise aux tissus, ce qui accroît la probabilité que les cellules qui ont été soumises à l’électroporation survivent à la procédure.

 

[26]      Compte tenu de l’objet revendiqué, des passages de la présente description qui sont reproduits ci-dessus et des CGC énumérées ci-dessus, nous sommes d’avis que l’idée originale commune aux revendications indépendantes est un système d’électrodes modulaire adapté pour accueillir une aiguille de seringue qui distribue le courant d’électroporation plus uniformément à un plus grand volume de tissu sans provoquer de concentration excessive de courant cumulatif, en particulier sur le pourtour immédiat du point d’injection où le matériel à transfecter est déposé, en combinant :

i)        une pluralité d’électrodes à aiguille qui sont disposées selon un agencement symétrique ne comportant pas de paires opposées;

ii)      un moyen permettant de maintenir un courant constant indépendamment de tout changement dans la résistance du tissu.

 

[27]      Selon la présente demande, cette idée originale représente un avantage par rapport aux systèmes d’électroporation classiques à tension prédéterminée et aux ensembles d’électrodes typiques comportant des paires opposées, parce que les impulsions à tension prédéterminée peuvent engendrer un courant cumulatif excessif lorsqu’elles sont appliquées à des tissus de résistance électrique variable et parce que les réseaux d’électrodes à aiguille typiques comportant des paires opposées peuvent provoquer une concentration excessive de courant cumulatif au centre du réseau d’électrodes.

 

 

Recenser les différences, s’il en est, entre la matière citée comme faisant partie de l’« état de la technique » et l’idée originale de la revendication ou la revendication telle qu’elle est interprétée

 

[28]      Deux principaux documents de référence sont cités dans la DF en ce qui a trait à l’évidence de la revendication 1 :

 

         Demande de brevet américain US 2002/0010415 A1 (« D1 »), publiée le 24 janvier 2002 (24-01-2002);

         Brevet américain 5 873 849 (« D2 »), publié le 23 février 1999 (23-02-1999).

 

[29]      Le document D1 divulgue l’importance de limiter le courant et la densité de charge correspondante dans le tissu, en utilisant des électrodes partiellement conductrices ou en administrant l’électrostimulation selon un mode à courant constant afin de permettre l’électroporation efficace d’un tissu sélectionné tout en minimisant les effets secondaires par ailleurs nocifs de l’application d’énergie électrique, tels que les mouvements musculaires involontaires et le chauffage par effet joule (voir les par. [0012], [0031], [0033] et [0040]).

 

[30]      Le document D1 divulgue que la tension et le courant transmis à la partie du corps sont mesurés à l’aide d’un système d’acquisition de données, enseigne que la résistance du tissu traité peut varier pendant le traitement d’électroporation et divulgue l’utilisation d’un dispositif de rétroaction qui est configuré pour assurer un courant constant de manière à ce que le générateur de signaux rajuste le niveau de sortie de la tension si le courant moyen devient supérieur ou inférieur à une valeur prédéterminée (voir le paragraphe [0063]).

 

[31]      En ce qui concerne la nature des électrodes et leurs configurations possibles, le document D1 enseigne l’utilisation de toute configuration d’électrodes comportant au moins deux paires opposées, y compris un réseau d’électrodes anodes et cathodes séparées ou couplées disposées en paires opposées. Les électrodes peuvent être subdivisées pour fournir un contact conducteur individuel ou réparti avec le tissu, de manière à créer des trajets de courants qui sous-tendent le volume de tissu dans lequel l’agent pharmaceutique à administrer a été infusé (voir le paragraphe [0038]). Le document D1 enseigne, en outre, qu’il faut tenir compte non seulement de l’étendue spatiale ou de la zone de distribution du courant, mais également de la nature et de l’orientation des électrodes de traitement par rapport aussi bien à l’anatomie macroscopique qu’à la structure microscopique du tissu hôte sous traitement (voir le paragraphe [0115]).

 

[32]      De plus, le document D1 divulgue que le système d’électroporation pourrait comprendre un support d’aiguille d’injection/d’électrode pour guider l’aiguille et les électrodes vers leur orientation adéquate par rapport à la partie du corps et par rapport aux électrodes, de manière à ce qu’une aiguille d’injection montée puisse libérer un agent pharmaceutique dans un espace se trouvant entre les électrodes ou au milieu du réseau d’électrodes (voir le paragraphe [0035]).

 

[33]      Le document D2 enseigne que pour réussir l’électroporation, les champs électriques propagés dans le tissu par la transmission de formes d’onde électrique précises doivent appliquer une tension transmembranaire suffisante et transmettre une impulsion d’une durée suffisante pour induire la perméabilité de la membrane cellulaire, mais ne pas non plus dépasser les limites supérieures inhérentes qui entraînent la mort des cellules, et qu’un système d’électrodes comportant deux paires opposées est mal adapté pour produire un champ électrique uniformément réparti (voir la colonne 1, lignes 59 à 64, et la colonne 2, lignes 25 à 29).

 

[34]      Le document D2 divulgue l’utilisation d’un réseau d’électrodes (« tricellulaire ») constitué d’au moins trois électrodes individuellement adressables disposées de manière à former un triangle dans un plan en intersection avec les électrodes afin d’obtenir une électroporation uniforme et ainsi permettre à l’agent thérapeutique de pénétrer dans les cellules du tissu traité tout en atténuant la lyse cellulaire induite par le champ électrique.

 

[35]      Dans le réseau tricellulaire d’électrodes à aiguille du document D2, la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée symétriquement selon une configuration circulaire ne comportant pas de paires opposées dans laquelle aucun point de chevauchement de l’électroporation n’apparaît et dans laquelle un schéma décentralisé de forme triangulaire est produit pendant l’électroporation (Figures 4 à 6). Le document D2 enseigne en outre que les réseaux d’électrodes de géométries différentes présentent des inconvénients comparativement aux réseaux tricellulaires d’électrodes à aiguille (voir les Figures 7 à 9 et la colonne 9, lignes 26 à 43).

 

[36]      En ce qui concerne les paramètres d’électroporation, le document D2 enseigne que la tension devrait être ajustée de manière à ce que le champ électrique généré soit d’une intensité suffisante pour rendre les membranes des cellules du tissu momentanément perméables (voir la colonne 7, lignes 5 à 22). Le document enseigne également que, pour atténuer la mort cellulaire associée aux champs électriques plus intenses dans certaines zones entourant les électrodes, des paramètres d’impulsion optimaux pourraient être obtenus par l’utilisation d’une séquence d’impulsions en cascade selon laquelle les tensions appliquées seraient d’abord de faible valeur pour être ensuite progressivement augmentées à chaque tour subséquent et finir par atteindre les paramètres d’impulsion thérapeutique optimaux lors du tour final d’impulsions (voir la colonne 10, lignes 33 à 51).

 

[37]      En somme, les différences entre les références citées, considérées individuellement, et l’idée originale des revendications indépendantes mentionnées ci-dessus sont les suivantes :

         Le système d’électroporation divulgué dans le document D1 n’est pas constitué d’une pluralité d’électrodes à aiguille disposées selon un agencement symétrique ne comportant pas de paires opposées;

 

         Le système d’électroporation divulgué dans le document D2 ne comprend pas de moyen pour maintenir un courant constant indépendamment de tout changement dans la résistance du tissu soumis à l’électroporation.

 

[38]      Nous sommes d’avis que, lorsque les références sont combinées, il n’existe plus de différences entre l’idée originale et l’état de la technique.

 

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[39]      Bien qu’il n’y ait pas de différence entre l’état de la technique et l’idée originale lorsque les références sont combinées, il faut tout de même déterminer si la PVA aurait été amenée à accomplir l’étape consistant à utiliser le réseau d’électrodes à aiguilles ne comportant pas de paires opposées divulgué dans le document D2 en remplacement des réseaux d’électrodes à aiguille comportant des paires opposées utilisés dans le cadre d’une méthode d’électroporation administrant l’électrostimulation selon un mode à courant constant qui sont divulgués dans le document D1.

 

[40]      À cet égard, la DF indique que la PVA aurait été amenée directement et sans difficulté à combiner les documents D1 et D2, mais nous soulignons que ni la DF ni le RM ne fournit d’explications à savoir comment la PVA ne disposant que d’une seule des références aurait été amenée directement et sans difficulté à combiner cette référence avec l’autre pour en arriver à l’invention revendiquée (DF, page 5) [Traduction] :

Ainsi, il est clair que le document D1 prévoit la mise en œuvre de l’invention selon des réalisations dans lesquelles de multiples électrodes sont disposées en un réseau dans lequel au moins deux électrodes peuvent être mises sous tension à n’importe quel moment, alors que le document D2 divulgue clairement qu’elle peut être utilisée conjointement avec n’importe quel type d’électrodes. Par conséquent, une personne versée dans l’art aurait été amenée directement en sans difficulté à combiner les documents D1 et D2. En outre, utiliser les réseaux d’électrodes du document D2 conjointement avec le système d’électroporation du document D1 n’aurait nécessité aucune inventivité, car l’utilisation de réseaux d’électrodes était clairement envisagée dans le document D1. [soulignement ajouté]

 

[41]      Nous soulignons également que le passage reproduit ci-dessus donne à penser que la présente demande divulgue une invention par combinaison. Une combinaison donnée n’est pas nécessairement évidente du simple fait que chacune des parties de la combinaison est connue. À cet égard, dans Bridgeview Manufacturing Inc c. 931409 Alberta Ltd (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit au paragraphe 51 [Traduction] :

Je souscris à l’argument de Bridegeview selon lequel le brevet 334 expose une invention de combinaison. Il ne serait pas juste visàvis de la personne revendiquant une invention de combinaison de décomposer la combinaison en ses éléments pour conclure que, chacun de ceuxci étant bien connus, ladite combinaison est nécessairement évidente; voir par exemple Stiga Aktiebolag c. S.L.M. Canada Inc. (1990), 34 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), page 245, où l’on cite le passage suivant de Wood & Amcolite Ltd. c. Gowshall Ltd. (1936), 54 R.P.C. 37, page 40, de lord juge Greene :

 

La décomposition d’une combinaison en ses éléments constitutifs et l’examen de chacun de ceux-ci en vue d’établir si son utilisation est évidente ou non est, à nos yeux, une démarche qu’il faut appliquer avec de grandes précautions, puisqu’elle tend à masquer le fait que l’invention revendiquée est la combinaison. En outre, cette démarche tend aussi à occulter les faits que la conception de la combinaison détermine et précède normalement la sélection des éléments qui seront combinés, et que la question de l’évidence ou de la non-évidence de chaque acte de sélection doit, en général, être examinée en fonction de ce facteur. La vraie question, celle qu’il faut se poser en fin de compte, est la suivante : « La combinaison est-elle évidente ou non? ».

Voir aussi Omark Industries (1960) Ltd. c. Gouger Saw Chain Co. et coll. (1964), 45 C.P.R. 169 (C. de l’Éch.), et Canamould Extrusions Ltd. c. Driangle Inc., 2003 CFPI 244 (CanLII), confirmée par 2004 CAF 63 (CanLII). [soulignement ajouté]

 

[42]      Le climat qui régnait dans le domaine pertinent à l’époque où l’invention a été réalisée et la motivation, à la date de revendication, qui incitait à résoudre un problème reconnu constituent également des considérations pertinentes quant à la question de savoir si l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la PVA combine des éléments de l’art antérieur pour en arriver à la combinaison revendiquée (voir Novopharm Limited c. Janssen-Ortho Inc, 2007 CAF 217, au paragraphe 25).

 

[43]      À la lumière de la présente description et, en particulier, des paragraphes [0015] à [0017] et [0054] à [0057] reproduits ci-dessus, nous sommes d’avis que l’idée des inventeurs de combiner les éléments revendiqués découle du fait qu’ils ont fait les observations suivantes :

i)       la résistance électrique varie d’un tissu à un autre, ce qui provoque une surchauffe dans certains tissus lorsqu’une tension prédéterminée est appliquée;

 

ii)     l’énergie de l’impulsion est concentrée au centre du réseau d’électrodes lorsque des réseaux d’électrodes à aiguille typiques comportant des paires opposées sont utilisés, ce qui constitue une considération importante dans le contexte d’un système d’électrodes adapté pour accueillir une aiguille de seringue qui distribue les macromolécules au centre du réseau d’électrodes.

 

[44]      En ce qui concerne les CGC et le climat qui régnait dans le domaine de la conception et de l’utilisation de systèmes d’électroporation, nous sommes d’avis que les observations qui ont mené à la conception de l’invention par combinaison qui est revendiquée n’étaient généralement pas connues. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, il était généralement connu, à la date de revendication, qu’une répartition homogène du champ constitue une caractéristique souhaitable et qu’il existait des modèles permettant de prédire la force du champ traversant les tissus générée par différentes configurations d’électrodes. Certaines configurations d’électrodes couramment utilisées étaient connues pour produire un champ électrique plus homogène que d’autres, mais les quelques agencements d’électrodes qui avaient été testés comportaient des paires opposées. De ce fait, nous sommes d’avis que le problème observé, c’est-à-dire la répartition non uniforme du champ électrique dans un tissu donné, était généralement corrigé par l’utilisation de configurations d’électrodes différentes, comportant toutes des paires opposées, qui permettraient de produire un champ électrique d’une uniformité satisfaisante. Par conséquent, nous considérons que la concentration de l’énergie de l’impulsion au centre des agencements d’électrodes typiques comportant des paires opposées n’était généralement pas perçue comme un facteur critique en ce qui a trait à l’uniformité du champ électrique. De plus, nous sommes d’avis que la distribution potentiellement excessive de courant associée à une impulsion à tension prédéterminée et la variation de la résistance électrique du tissu n’étaient pas perçues comme des problèmes nécessitant une solution, car toute surchauffe observée dans un tissu cible provoquée par une impulsion à tension trop élevée ou par un changement de tissu cible était généralement corrigée en ajustant les paramètres d’impulsion électrique au moyen d’essais empiriques.

 

[45]      En ce qui concerne le document d’antériorité D1 et une possible motivation incitant à utiliser des réseaux d’électrodes à aiguille autres que les réseaux typiques comportant des paires opposées, l’enseignement le plus proche semble se trouver au paragraphe [0115]. Dans le contexte de la divulgation globale faite dans le document D1, ce passage enseigne que, bien que la densité globale de courant à laquelle un tissu donné est exposé constitue un paramètre important, la nature et l’orientation des électrodes de traitement doivent être prises en considération parce que, spatialement, le tissu dans lequel le courant est propagé n’est ni isotrope ni homogène. D’où le fait que les préoccupations soient axées sur la nature complexe et problématique de certains tissus plutôt que sur le type d’électrodes à utiliser. En outre, rien dans ce passage ne donne à penser qu’un réseau d’électrodes à aiguille permettrait de remédier aux problèmes d’ordre anatomique liés aux tissus. Qui plus est, nous croyons comprendre que le document D1 est surtout axé sur la nécessité de maintenir à un niveau minimal la densité globale du courant appliqué au tissu cible afin de prévenir ou de minimiser les mouvements musculaires involontaires et le chauffage par effet joule (voir les paragraphes [0012], [0031], [0033] et [0040]). Le document D1 propose de remédier à ces préoccupations en utilisant des électrodes partiellement isolantes et une tension constante ou en maintenant la densité globale de courant sous une valeur prédéterminée suffisante pour obtenir les effets d’amélioration biologique recherchés (voir le paragraphe [0122]). Nous sommes d’avis que, dans le document D1, le chauffage excessif par effet joule qui se produit au centre des réseaux d’électrodes comportant des paires opposées ou la répartition généralement non uniforme de l’énergie à l’intérieur des réseaux d’électrodes comportant des paires opposées ne sont pas reconnus comme des problèmes à résoudre. Le document D1 propose certes de nombreux choix de paires d’électrodes et de réseaux d’électrodes faisant partie des CGC, mais, à notre avis, un réseau d’électrodes ne comportant pas de paires opposées ne figurait pas parmi ces choix.

 

[46]      Le document D2 enseigne qu’un réseau tricellulaire d’électrodes à aiguille permet d’obtenir une électroporation uniforme dans la zone se trouvant entre les électrodes, ce qui constitue un avantage, mais le document D2 ne reconnaît pas le problème potentiel du courant excessif associé à l’utilisation d’une tension prédéterminée. Le document D2 enseigne que la tension devrait être ajustée de manière à ce que le champ électrique généré soit d’une intensité suffisante pour rendre les membranes des cellules du tissu momentanément perméables (voir la colonne 7, lignes 5 à 22), mais, à la différence de la présente demande, le document D2 ne divulgue pas ou ne suggère pas les avantages liés au fait d’utiliser, à cette fin, un courant constant plutôt qu’une tension prédéterminée.

 

[47]      À la lumière de ce qui précède et compte tenu des CGC à la date de revendication, de la nature des problèmes et des faiblesses des systèmes et des méthodes d’électroporation connus qui ont mené à la conception de la combinaison, et en l’absence d’une motivation évidente dans les documents d’antériorité cités incitant à corriger les mêmes problèmes que ceux auxquels le demandeur a été confronté, nous considérons qu’à la date de revendication, ni les références citées ni les CGC ne comportaient de motivation évidente incitant à combiner les références citées. En outre, nous ne sommes pas convaincus qu’à la date de la revendication, la PVA aurait été amenée directement et sans difficulté à combiner les documents D1 et D2, sans connaître l’idée des inventeurs de combiner les éléments revendiqués pour remédier à la fois au problème de la variation de la résistance électrique des tissus et au risque d’une accumulation excessive de courant, en particulier au centre des réseaux d’électrodes comportant des paires opposées.

 

[48]      En conséquence, nous sommes d’avis que l’objet revendiqué dans les revendications indépendantes 1, 25 et 37 n’est pas une combinaison qui aurait été évidente pour la PVA à la date de revendication, à la lumière des documents D1 et D2 et des CGC.

 

Conclusion quant à l’évidence

[49]      Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que l’objet défini par les revendications indépendantes au dossier n’aurait pas été évident pour la PVA à la lumière des documents D1 et D2 et des CGC et, par conséquent, les revendications au dossier sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

Caractère indéfini

[50]      La DF indique que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets [Traduction] :

Les revendications 7, 27 et 43 ont un caractère indéfini et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La limitation « la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée selon un agencement non symétrique autour d’un point central » est en contradiction directe avec les revendications dont elle dépend. Chacune des revendications indépendantes contient la limitation « la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée selon un agencement symétrique ». Il est impossible que « la pluralité d’électrodes à aiguille » soit simultanément disposée selon un agencement « non symétrique » et « symétrique ». Les revendications 7, 27 et 43 devraient être supprimées.

La revendication 33 a un caractère indéfini et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. On ignore comment le « dispositif d’entrée » peut « comprendre » les éléments énoncés. Il s’agit d’une ambiguïté importante au vu du contenu de la revendication 32. Il semble que la revendication 33 devait indiquer « les instructions codées comprenant ».

 

Les revendications 34 et 35 ont un caractère indéfini et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Le terme « contrôleur d’impulsions de courant programmable » est sans antécédent. Seul l’élément « circuit de contrôle d’impulsions de courant » est présent à la revendication 25.

 

 

[51]      Dans la R-DF, le demandeur n’a présenté aucun argument relativement à la question du caractère indéfini. Le demandeur a plutôt proposé un nouvel ensemble de revendications et fait valoir que les Revendications proposées remédiaient à l’irrégularité liée au caractère indéfini.

[52]      Comme l’indique la DF, nous sommes d’avis, pour les raisons suivantes, que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ne sont pas exemptes de toute ambiguïté ou tout passage obscur pouvant être évités :

         la formulation [Traduction] « la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée selon un agencement non symétrique autour d’un point central » rend les revendications 7, 27 et 43 ambiguës, sachant que ces dernières dépendent respectivement des revendications 1, 25 et 37 qui indiquent que [Traduction] « la pluralité d’électrodes à aiguille est disposée selon un arrangement symétrique »;

 

         On ignore comment le dispositif d’entrée mentionné dans la revendication 33 pourrait comprendre [Traduction] « un niveau de courant », « une durée d’impulsion » et « un compte d’impulsions »;

 

         l’élément [Traduction] « contrôleur d’impulsions de courant programmable » mentionné dans les revendications 34 et 35 n’a pas d’antécédent à la revendication 25.

 

[53]      Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Analyse des revendications proposées

[54]      Puisque nous sommes d’avis que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, nous allons examiner les Revendications proposées 1 à 61 qui ont été soumises dans la R-DF le 20 juillet 2015.

 

[55]      Exception faite de la suppression de l’objet des revendications 7, 27 et 43 des revendications au dossier, les seules différences significatives entre les Revendications proposées et les revendications correspondantes au dossier sont des modifications mineures apportées aux revendications 33 à 35 afin de remédier aux ambiguïtés recensées dans la DF. Plus précisément, la revendication 33 a été modifiée de manière à remplacer [Traduction] « le dispositif d’entrée pour la programmation comprenant » par [Traduction] « le dispositif d’entrée étant un dispositif d’entrée configurable par l’utilisateur qui comprend » et les revendications 34 et 35 ont été modifiées de manière à remplacer [Traduction] « contrôleur d’impulsions de courant » par [Traduction] « contrôleur d’impulsions ».

 

 

Évidence

[56]      Étant donné que les Revendications proposées ont une portée essentiellement identique à celle des revendications correspondantes au dossier, nous considérons que les Revendications proposées sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets pour les raisons exposées précédemment à l’égard des revendications au dossier.

 

Caractère indéfini

[57]      En ce qui concerne les Revendications proposées et la question du caractère indéfini, le RM indique que [Traduction] « [l]es irrégularités liées au caractère indéfini relevées dans les revendications 7, 27, 33 et 35 et 43 sont corrigées par le demandeur dans les revendications proposées 1 à 61 en date du 20 juillet 2015 ». Nous convenons que la suppression des revendications 7, 27 et 43 remédie à l’irrégularité liée au caractère indéfini signalée dans la DF. Nous convenons également que le dispositif d’entrée mentionné dans la revendication proposée 31 (qui correspond à la revendication 33 au dossier) peut comprendre [Traduction] « un niveau de courant », « une durée d’impulsion » et « un compte d’impulsion » sans que cela entraîne un manque de clarté. Enfin, nous convenons que [Traduction] « le contrôleur d’impulsions » mentionné dans les revendications proposées 32 et 33 (qui correspondent aux revendications 34 et 35 au dossier) a un antécédent dans la revendication proposée 24 (qui correspond à la revendication 25 au dossier). Pour ces raisons, nous avons des motifs raisonnables de croire que les Revendications proposées remédient aux irrégularités liées au caractère indéfini signalées dans la DF à l’égard des revendications au dossier.

 

Conclusions

[58]      Nous avons déterminé que les revendications au dossier sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Nous avons déterminé que les revendications 7, 27, 33 à 35 et 43 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[59]      Enfin, nous avons déterminé que les revendications 1 à 61 qui ont été proposées dans la lettre du 20 juillet 2015 remédient aux irrégularités restantes susmentionnées et n’introduisent pas de nouvelles irrégularités. Ainsi, les revendications proposées sont considérées comme « nécessaires » au titre du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

Recommandation à la Commission

 

[60]      Par conséquent, nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que la suppression des revendications au dossier et l’insertion des revendications 1 à 61 qui sont proposées dans la lettre du 20 juillet 2015 constituent des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Brisebois                                Ed MacLaurin                                 Lewis Robart

Membre                                                  Membre                                              Membre

 

 

 

 


 

Décision du commissaire

 

[61]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation du comité. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que les modifications susmentionnées doivent être apportées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande.

 

[62]      Conformément à l’alinéa 31 b) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et uniquement ces modifications, peuvent être apportées à la demande :

 

i)        supprimer les revendications 1 à 64 au dossier; et

ii)      insérer les revendications 1 à 61 qui sont proposées dans la lettre du 20 juillet 2015.

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 22e jour de juin 2017

 

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