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Décision du commissaire no 1422

Commissioner’s Decision #1422

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET/TOPIC :

J50 (Simple plan/Mere Plan)

J60 (Imprimés/Printed Matter)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 223 791

Application No.: 2,223,791


 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 223 791 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

OYEN WIGGS GREEN & MUTALA LLP

480 – The Station, 601 West Cordova Street

Vancouver (Colombie-Britannique)

V6B 1G1

Introduction

 

[1]          Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée portant le numéro 2 223 791, intitulée « Système bancaire complet et intégré et système et procédé d’ouverture d’un compte » et appartenant à CITIBANK. L’irrégularité qui subsiste est liée à la question de savoir si les revendications au dossier visent un objet prévu par la loi. La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets.

 

[2]          Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier, à savoir les revendications 1 à 23, ne visent pas un objet prévu par la loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Contexte

 

La demande

 

[3]          La demande de brevet 2 223 791 a été déposée le 6 juin 1996 et publiée le 19 décembre 1996.

 

[4]          La demande concerne des méthodes et des systèmes permettant l’ouverture d’un compte bancaire. Plus particulièrement, la demande concerne des méthodes et des systèmes permettant d’ouvrir un compte unique et intégré, offrant aux clients la possibilité d’accéder à un éventail complet de services financiers mondiaux grâce à divers points d’accès; voir les lignes 21 à 26 à la page 1 de la demande.

 

Historique du traitement de la demande

 

[5]          Le 24 juillet 2014, l’examinateur a rédigé une décision finale [« DF »] conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. Il est indiqué dans la DF que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 23 visent un objet ne s’inscrivant pas dans les catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets [objet non prévu par la loi]. Deux autres irrégularités ont été relevées : la description était insuffisante et l’invention manque d’utilité.

 

[6]          Le 9 octobre 2014, en réponse à la décision finale [« R-DF »], le demandeur n’a pas modifié ses revendications et a soutenu que les revendications étaient conformes à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

[7]          L’examinateur ayant jugé la demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 5 janvier 2015, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets [« la Commission »] aux fins d’examen, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs [« RM »], conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Dans le RM, l’examinateur a maintenu les motifs énoncés dans la décision finale.

 

[8]          Dans une lettre en date du 12 février 2015, [la « Lettre d’accusé de réception »], la Commission a remis au demandeur une copie du RM et lui a offert l’occasion de présenter des observations écrites supplémentaires et de prendre part à une audience.

 

[9]          Le demandeur a répondu à la Lettre d’accusé réception le 15 mai 2015 et a informé la Commission qu’il [Traduction] « ne souhaitait pas prendre part à une audience », mais qu’il désirait soumettre d’autres observations écrites en réponse au RM. Le demandeur a fourni une réponse au RM [« R-RM »] dans une lettre en date du 19 mai 2015, maintenant l’opinion qu’il avait présentée dans la R-DF. Le demandeur a conclu comme suit [Traduction] : [s]i le premier examen de la Commission révèle d’autres questions, ou des questions qui, de l’avis de la Commission, n’ont pas été entièrement résolues dans le dossier écrit actuel, le demandeur demande respectueusement une autre occasion de présenter d’autres observations écrites aux fins d’examen par la Commission ».

 

[10]      Le présent comité de révision de la Commission a été constitué pour effectuer l’examen de cette demande. Ayant procédé à un examen préliminaire, le comité de révision a présenté ses premières appréciations au demandeur dans une lettre en date du 12 décembre 2016. Le demandeur s’est vu accorder jusqu’au 19 janvier 2017 pour fournir au comité de révision toute nouvelle observation. Le demandeur a répondu le 17 janvier 2017, indiquant [Traduction] « ... qu’aucune autre observation ne sera fournie à cet égard ».

 

[11]      Par conséquent, le comité de révision soumet les recommandations suivantes au Commissaire, sur la base de ses premières appréciations fournies au demandeur.

 

Questions

 

[12]      Suivant notre interprétation de la DF, du RM, de la R-DF et de la R-RM, la principale question à trancher soulevée dans la DF et le RM est celle de savoir si les revendications 1 à 23 visent un objet non prévu par la loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Législation et principes juridiques

 

Interprétation téléologique

 

[13]      Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [« Free World Trust »], les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux para. 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] [révisé en juin 2015], la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes [« CGC »] pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée.

 

Objet prévu par la loi

 

[14]      La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[15]      Suivant l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Attorney General) c Amazon.com Inc, 2011 CAF 328 [« Amazon CAF »], le Bureau des brevets a publié deux énoncés de pratique [PN 2013-02 Pratique d’examen au sujet de l’interprétation téléologique et PN 2013-03 Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur] qui précisent l’approche adoptée par le Bureau des brevets pour interpréter les revendications et les inventions mises en œuvre par ordinateur, respectivement.

 

[16]      Comme indiqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, la pratique du Bureau considère que « lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable… Lorsque, en contrepartie, il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent aux objets exclus de la définition du terme invention » – par exemple, les beaux-arts, les méthodes de traitement médical, les inventions sans présence physique, ou les inventions où l’objet revendiqué est simplement une idée, un projet, un plan ou une série de règles –, « la revendication ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets ».

 

[17]      En outre, il est indiqué à la section 12.06.01 du RPBB que : « [d]ans le cas où une revendication comporte une caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique et où aucune caractéristique de la revendication prévue par la loi ne semble faire partie de la contribution, la revendication peut être attaquée en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets du fait que la caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique n’est pas, en soi, une invention prévue par la loi ». La phrase « aucune caractéristique de la revendication prévue par la loi ne semble faire partie de la contribution » [soulignement ajouté] reflète l’ancien cadre que le Bureau des brevets ne suit plus. Tel qu’il est mentionné dans l’énoncé de pratique PN 2013-03, « la [Pratique d’examen au sujet de l’interprétation téléologique] PN 2013-02 rend obligatoire l’usage de l’interprétation téléologique plutôt que toute autre approche en matière d’analyse de revendications. Plus précisément, « l’approche en matière de contribution » ... ne doit pas être empruntée. Cependant, mis à part cette référence à « l’approche de contribution », la section 12.06.01 du RPBB reflète toujours l’actuelle pratique du Bureau des brevets selon laquelle les caractéristiques présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique sont exclues de la définition d’invention. Il est également précisé ceci à la section 12.06.01 :

L’expression « caractéristique présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique » s’applique à certaines caractéristiques qui ne peuvent pas, sur le plan pratique, influencer le fonctionnement de l’invention. Cette caractéristique ne peut donc pas modifier le mode de fonctionnement de la forme pratique de l’invention qui constitue la solution du problème et, par conséquent, ne peut jamais être un élément essentiel d’une invention prévue par la Loi.

 

[18]      Un imprimé ayant un intérêt exclusivement intellectuel, par exemple, une œuvre littéraire, est visé par cette exclusion. Voir en particulier la section 12.06.04 du RPBB, qui se lit comme suit :

12.06.04 Imprimés

Une application très évidente du principe exposé à la section 12.06.01 concerne les imprimés. Dans le cas où l’imprimé ne confère pas une nouvelle fonctionnalité au support d’imprimerie, il n’y a pas de contribution prévue par la Loi. Pour que l’imprimé et le support soient ensemble la forme pratique d’une invention, ils doivent apporter une solution à un problème concret relié à l’utilisation de l’imprimé en général, qui ne soit pas fondée sur le seul contenu intellectuel ou esthétique de l’imprimé lui-même.

 

[19]      Enfin, cette section du RPBB précise que « le terme "imprimé" ne devrait pas être restreint au procédé classique d’imprimerie "encre sur papier". Tout affichage d’information où la seule contribution est l’information elle-même n’est pas une invention prévue par la Loi ».

 

[20]      Gardant à l’esprit l’énoncé de pratique PN 2013-02, les revendications, suivant leur interprétation téléologique, sont évaluées sur le plan de l’objet.

 

Analyse

 

Interprétation des revendications

 

[21]      Dans la décision finale, l’examinateur a conclu que « l’ordinateur [sous-entendu dans les revendications relatives à la méthode, et représenté en tant que “moyen” dans les revendications relatives au système] et la base de données ne sont pas considérés comme des caractéristiques essentielles » dans les présentes revendications, selon leur interprétation téléologique, et a conclu que les revendications « visent un simple plan et non une catégorie d’invention brevetable ». Le demandeur soutient que l’ordinateur et la base de données sont des éléments essentiels et que les revendications sont conformes à la Loi.

 

[22]      Un désaccord est survenu pendant le traitement en ce qui concerne les principes qu’il convient d’appliquer lors de l’interprétation des revendications. L’examinateur a appliqué le principe prévu dans l’énoncé de pratique PN 2013-02, un principe qui, selon le demandeur, ne tient pas compte des principes directeurs énoncés dans Free World Trust.

 

Les revendications au dossier

 

[23]      Pour faciliter la consultation, la revendication indépendante 1 est reproduite ci-dessous :
[Traduction]

1. Une méthode permettant à un client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session et comprenant les étapes suivantes :

 

création d’une base de données contenant le profil du client, lequel comprend des données démographiques et des renseignements financiers concernant le client;

 

exécution d’une analyse des besoins fondée sur les renseignements recueillis; réception de la sélection d’au moins une composante du compte unique et intégré effectuée par le client;

 

recommandation d’un compte en fonction de l’analyse des besoins et présentation au client de renseignements à propos d’au moins un élément sélectionné du compte unique et intégré;

 

affichage d’une image d’un relevé bancaire;

 

mise à jour de la base de données afin de refléter la sélection faite par le client d’au moins un élément du compte unique et intégré;

 

affichage d’une deuxième image d’une représentation d’un relevé bancaire, ladite image ayant été ajustée de manière à refléter la sélection du client;

 

impression d’au moins un formulaire d’inscription.

 

[24]      La revendication 2 est une revendication relative au système et se lit comme suit :

2. Un système financier intégré comprenant :

 

un compte client unique et intégré qui permet au client d’effectuer diverses transactions financières, dont au moins des opérations bancaires et de courtage;

 

une interface utilisateur permettant au client d’accéder au compte unique et intégré à partir d’une pluralité de sources différentes, dont au moins un guichet automatique, un téléphone et une transaction au comptoir;

 

des moyens de collecte de renseignements auprès du client;

 

des moyens permettant de recevoir la sélection d’au moins une composante du compte unique et intégré effectuée par le client;

 

des moyens permettant d’effectuer une analyse des besoins en fonction des renseignements recueillis;

 

des moyens pour recommander un compte en fonction de l’analyse des besoins;

 

des moyens pour présenter au client des renseignements concernant au moins un élément du compte unique et intégré.

 

[25]      La demande contient également les revendications indépendantes 7, 19 et 21. Les autres revendications dépendent de l’une de ces cinq revendications indépendantes. Ayant examiné les revendications au dossier et compte tenu des observations présentées pendant le traitement, nous sommes d’avis que l’analyse de l’objet prévu par la loi peut être principalement centrée sur les revendications 1 et 2 [à l’exception des caractéristiques pertinentes des revendications 7 et 19, présentées ci-dessous] et que les conclusions relatives à ces revendications peuvent être appliquées aux autres revendications.

 

Principes établis dans Free World Trust

 

[26]      Les observations du demandeur dans la R-RM énoncent la position de ce dernier, à savoir que la pratique du Bureau des brevets exposée dans les énoncés de pratiques PN 2013-02 et PN-2013-03 [Traduction] « n’est pas conforme à la jurisprudence ». Plus particulièrement, le demandeur affirme que [Traduction] « [l]’analyse qu’il convient de mener pour évaluer le caractère essentiel d’un élément d’une revendication est énoncée... dans Free World Trust », voir la R-RM à la p. 2.

 

[27]      Le comité de révision souligne que l’énoncé de pratique PN 2015-02 cité par l’examinateur dans la décision finale prévoit que les principes établis dans Free World Trust « doivent tenir compte du rôle de l’examinateur de brevets ainsi que du but et du contexte de l’examen ». L’énoncé de pratique expose ensuite un cadre de travail pour l’interprétation dans le contexte de l’examen des demandes. Ayant examiné le traitement de la demande, nous estimons que l’interprétation téléologique a été menée conformément aux principes directeurs exposés dans l’énoncé de pratique PN 2013-02, lesquels tiennent compte des principes énoncés dans Free World Trust ainsi que du contexte de l’examen précédant l’octroi de tout brevet.

[28]      Nous nous pencherons maintenant sur l’application qui a été faite de ces principes directeurs dans l’interprétation des présentes revendications.

 

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

 

[29]      La caractérisation de la personne versée dans l’art et des connaissances générales courantes n’a pas été contestée dans le cadre du traitement de la demande, et il ne semble pas qu’elle soit essentielle aux appréciations de l’examinateur ou du demandeur en l’espèce. Le comité de révision considère la personne versée dans l’art comme étant un professionnel des services financiers et un professionnel des systèmes d’information dans l’industrie des services financiers.

 

[30]      L’examinateur a conclu que [Traduction] « l’accès à un compte, à l’aide d’au moins un des moyens que sont le guichet automatique, le téléphone et la transaction au comptoir, » relevait des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art; voir le RM à la p. 3. Le demandeur n’a pas contesté ce point.

 

Le problème à résoudre

 

[31]      Le problème, tel qu’il est énoncé dans la décision finale, est le suivant : « Dans le cadre de la vente croisée de nouveaux comptes, le client doit fournir à répétition les mêmes données à la banque... il est peu probable que les clients changent de compte en raison des efforts que cela nécessite ».

 

[32]      Le demandeur n’a pas présenté de perspective différente du problème à résoudre, bien qu’il ait fait valoir que différents principes d’interprétation doivent être appliqués, comme il est expliqué ci-dessus aux paragraphes 26 et 27. Le demandeur a toutefois ajouté [Traduction] « que les systèmes actuels ne sont pas aussi conviviaux qu’ils pourraient l’être, et même si les clients peuvent accéder au système de diverses façons, ils doivent détenir certaines habiletés pour le faire, comme des connaissances informatiques ou un certain niveau de compétences techniques que tous les clients potentiels ne possèdent pas nécessairement »; voir la R-DF à la p. 6.

 

[33]      De l’avis du comité de révision, le problème est tel qu’il est énoncé dans la décision finale, avec l’ajout du point de vue du demandeur concernant la réponse au besoin d’un système convivial. Cette description est conforme à l’interprétation qu’a faite le comité de révision de la description de la demande.

 

La solution proposée

 

[34]      Selon la section intitulée « Field of the Invention » [domaine de l’invention] de la demande, cette dernière vise [Traduction] « un service bancaire client complet intégré, ainsi qu’un système et une méthode permettant l’ouverture d’un compte unique offrant aux clients la possibilité d’accéder à une gamme complète de services financiers mondiaux à l’aide d’une variété de points d’accès ». La demande aborde ensuite les problèmes de l’art antérieur et indique ceci :

Pour surmonter ces obstacles, la présente invention est centrée sur le développement d’une relation avec le client plutôt que sur l’ouverture de comptes autonomes pour le client. Des études ont montré que plus la relation entre une banque et son client s’élargit, plus les soldes des comptes des clients augmentent. Les présents inventeurs ont conclu qu’une façon d’établir une relation à long terme avec un client suppose l’ouverture d’un compte unique à partir duquel le client a simultanément accès à une gamme complète de services.

 

[35]      Il est indiqué dans la décision finale que deux solutions sont proposées. Premièrement, [Traduction] « l’offre d’un compte unique comportant un large éventail de services ». C’est ce qui sera précisé plus loin comme étant « la solution permettant à un client d’ouvrir un compte unique et intégré pour un client dans le cadre d’une seule session »; voir la décision finale à la p. 5. Deuxièmement, l’invention revendiquée propose une solution additionnelle, soit [Traduction] « présenter à l’utilisateur une première image d’un relevé bancaire, et une deuxième image d’un relevé bancaire qui est ajusté de manière à refléter la sélection qu’a faite le client ». Il est souligné dans la décision finale que la deuxième solution ne s’applique qu’aux revendications indépendantes 1 et 21, et non aux autres revendications indépendantes.

 

[36]      Le demandeur, contestant à nouveau la démarche d’interprétation des revendications adoptée par le Bureau des brevets ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, n’a offert aucune autre solution de rechange, à l’exception d’un point portant sur « la corrélation des données ». Ce point se limite à des revendications précises et est abordé ci-après aux paragraphes 48 à 51. Le demandeur a relié comme suit l’autre solution susmentionnée au problème de l’offre d’un système convivial :

L’utilisation d’un modèle de relevé bancaire permet d’atteindre l’objectif fonctionnel de présentation d’une interface uniforme aux clients, ce qui vient résoudre le problème souligné dans la section « Background » [Contexte] de l’invention, aux lignes 8 à 14 à la p. 7, c’est-à-dire que les systèmes actuels ne sont pas aussi conviviaux qu’ils pourraient l’être.

 

[37]      De l’avis du comité de révision, la demande fournit la solution permettant au client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session. Les revendications indépendantes 1 et 21 ajoutent l’autre solution qui consiste à présenter à l’utilisateur une première image d’un relevé bancaire, et une deuxième image d’un relevé bancaire qui est ajusté de manière à refléter la sélection qu’a faite le client. Ces solutions sont conformes à l’interprétation de la description qu’a faite le comité de révision ainsi qu’avec les solutions énoncées dans la décision finale. En outre, le demandeur n’a présenté aucun autre point de vue, mis à part son désaccord avec la démarche d’interprétation des revendications et le point portant sur « la corrélation des données » dont il est question ci-après.

 

Les éléments essentiels

 

[38]      Comme il a été souligné précédemment au paragraphe 25, les revendications 1 et 2 sont au cœur de cette analyse.

 

[39]      La décision finale identifie les éléments essentiels de la revendication 1 comme étant les suivants :

-          un profil du client, lequel comprend des données démographiques et des renseignements financiers concernant le client;

-          la réalisation d’une analyse des besoins en fonction des renseignements recueillis;

-          la réception de la sélection du client d’au moins une composante du compte unique et intégré;

-          la recommandation d’un compte en fonction de l’analyse des besoins et la présentation au client de renseignements à propos d’au moins un élément sélectionné du compte unique et intégré;

-          l’affichage d’une image d’un relevé bancaire;

-          l’affichage d’une deuxième image d’une représentation d’un relevé bancaire, ladite image ayant été ajustée de manière à refléter la sélection du client;

-          l’[impression] d’au moins un formulaire d’inscription.

 

[40]      Quant à la revendication 2, les éléments essentiels suivants sont énumérés dans la décision finale :

-          un compte client unique et intégré qui permet au client d’effectuer diverses transactions financières, dont au moins des opérations bancaires et de courtage;

-          la possibilité pour un client d’accéder au compte unique et intégré;

-          la collecte de renseignements auprès du client;

-          la réception de la sélection du client d’au moins une composante du compte unique et intégré;

-          la réalisation d’une analyse des besoins en fonction des renseignements recueillis;

-          la recommandation d’un compte en fonction de l’analyse des besoins;

-          la présentation au client des renseignements concernant au moins un élément du compte unique et intégré.

 

[41]      L’examinateur et le demandeur ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’ordinateur [soit sous-entendu dans la méthode, soit énoncé en tant que « moyen »] et la base de données sont essentiels. L’examinateur conclut qu’ils ne le sont pas. Selon la décision finale (à la p. 5), ces éléments sont les suivants :

Primordiales pour l’environnement d’exploitation de systèmes financiers conventionnels, ces caractéristiques ne sont pas essentielles à la solution qui consiste à permettre à un client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session. Ces caractéristiques définissent plutôt l’environnement de travail particulier pour l’invention.

 

[42]      Le demandeur soutient à la p. 3 de sa R-RM que l’ordinateur et la base de données sont des éléments essentiels, et ce, pour les raisons suivantes :

Sans base de données ni ordinateur, les renseignements recueillis auprès du client ne pourraient pas être organisés ni stockés de quelque manière que ce soit, et ne pourraient pas être transférés aux autres emplacements où ils sont requis.

...

En ce qui concerne [Traduction] « l’interface utilisateur permettant au client d’accéder au compte unique et intégré à partir d’une pluralité de sources différentes », il est souligné que l’utilisateur ne peut pas accéder au compte sans appareil physique concret pour le faire.

 

[43]      Dans la R-DF, le demandeur fait valoir ce qui suit [Traduction] :

... Le demandeur demande des précisions quant à la façon dont la deuxième caractéristique essentielle définie dans la décision finale, à savoir que la présentation à l’utilisateur d’une première image d’un relevé bancaire et d’une deuxième image d’un relevé bancaire ajusté pour refléter la sélection du client, est réalisée sans recourir à un ordinateur. Les étapes d’affichage nécessitent naturellement un appareil physique capable de générer et de modifier un tel affichage. Par conséquent, l’ordinateur et le dispositif d’affichage sont des éléments essentiels des revendications indépendantes 1 et 21.

...

En outre, il est respectueusement soutenu que la base de données et l’ordinateur sont des caractéristiques essentielles de toutes les revendications de la présente demande... L’invention revendiquée en l’espèce suppose également que les renseignements requis sont recueillis auprès du client une seule fois, par la corrélation des champs de données de chaque composante du compte, de sorte qu’une fois qu’un élément de données est recueilli, les données sont inscrites dans tous les champs de données pertinents; ainsi l’utilisateur peut déterminer si certains renseignements doivent être fournis dans le processus, car il lui est possible de passer outre un champ de données et de fournir ces données ultérieurement pendant la session [souligné dans l’original].

...

Par conséquent, en l’absence d’une base de données, la méthode revendiquée ne permettrait pas de résoudre le problème énoncé dans la décision finale, et donc, la base de données est une caractéristique essentielle de la revendication 1.

...

il est impossible de concevoir comment l’utilisateur peut [Traduction] « accéder au compte unique et intégré » s’il ne dispose pas d’un quelconque appareil physique concret pour le faire. Par conséquent, la [Traduction] « pluralité de sources différentes, dont au moins un guichet automatique, un téléphone et une transaction au comptoir » sont des caractéristiques essentielles de la revendication 2.

 

[44]      Bien que la Commission convienne du fait qu’un ordinateur, une base de données, un guichet automatique, etc. seraient, en pratique, utilisés pour mettre en œuvre la présente invention, il ne s’agit pas d’éléments qui sont indispensables aux solutions présentées pour résoudre les problèmes susmentionnés.

 

[45]      Il convient de rappeler que, selon la pratique du Bureau des brevets, les éléments essentiels sont ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée, et que les deux solutions susmentionnées permettent [Traduction] « à un client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session » et, également pour les revendications 1 et 21, consistent en « la présentation à l’utilisateur d’une première image d’un relevé bancaire et d’une deuxième image d’un relevé bancaire ajusté pour refléter la sélection du client ». De l’avis du comité de révision, les ordinateurs, les bases de données, etc. ne fournissent pas de solutions aux problèmes; ce sont plutôt les caractéristiques d’un compte unique et intégré ouvert dans le cadre d’une seule session qui permettent au client d’éviter d’avoir à fournir à répétition les mêmes données et permettent d’attirer l’attention du client au moyen de produits supplémentaires alors qu’ils sont déjà engagés dans le processus d’ouverture d’un compte.

 

[46]      Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne la deuxième solution qui consiste à présenter une première et une deuxième image d’un relevé bancaire, c’est la sélection du modèle de relevé bancaire, peu importe la façon dont il est présenté, qui vient répondre au besoin exprimé pour un système convivial. L’énoncé de pratique PN 2013-02 indique que [Traduction] « [c]ertains éléments d’une revendication définissent simplement le contexte ou l’environnement d’une réalisation précise, mais ne modifient pas la nature de la solution au problème ». Il est de l’avis du comité de révision que l’ordinateur et la base de données définissent tous deux simplement le contexte ou l’environnement en l’espèce.

 

[47]      De la même façon, eu égard à l’aspect relatif à l’accès au compte unique et intégré à partir d’une pluralité de sources, ainsi qu’il est énoncé dans la revendication 2, il est indiqué dans la décision finale que cet accès ne constitue pas un élément essentiel, car il relève des connaissances générales courantes. Le demandeur fait valoir dans la R-DF que [Traduction] « [u]n élément ne peut pas cesser d’être essentiel parce qu’il est connu dans l’art antérieur ». Selon le comité de révision, l’accès au compte [Traduction] « à partir d’une pluralité de sources différentes, dont au moins un guichet automatique, un téléphone et une transaction au comptoir » ne constitue pas un élément essentiel puisqu’il s’inscrit seulement dans l’environnement d’exploitation et ne sert pas à résoudre le problème susmentionné.

 

Les revendications indépendantes 7 et 19

 

[48]      L’examinateur et le demandeur ne s’entendaient pas non plus sur le caractère essentiel d’un élément figurant dans les revendications 7 et 19 concernant la corrélation des champs de données.

 

[49]      Le demandeur fait valoir que [Traduction] « l’invention revendiquée en l’espèce suppose également que les renseignements requis sont recueillis auprès du client une seule fois, par la corrélation des champs de données de chaque composante du compte, de sorte qu’une fois qu’un élément de données est recueilli, les données sont inscrites dans tous les champs de données pertinents; ainsi l’utilisateur peut déterminer si certains renseignements doivent être fournis dans le processus, car il lui est possible de passer outre un champ de données et de fournir ces données ultérieurement pendant la session » [souligné dans l’original]; voir la R-DF aux p. 2 et 3.

 

[50]      Ce point a été abordé comme suit dans le RM :

Bien que ces caractéristiques informatisées soient essentielles à l’environnement d’exploitation du système financier conventionnel, elles ne sont pas essentielles à la solution permettant à un client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session. Ces caractéristiques définissent plutôt l’environnement de travail particulier pour l’invention.

 

[51]      Le comité de révision convient avec l’examinateur du fait que la caractéristique relative à la corrélation des champs de données n’est pas essentielle à la solution qui consiste à permettre à un client d’ouvrir un compte unique et intégré dans le cadre d’une seule session. Cette caractéristique fait partie de l’environnement d’exploitation de l’ordinateur pour le stockage et la récupération des données requises pour établir plusieurs composantes d’un compte unique et intégré.

 

Objet prévu par la loi

 

[52]      Comme l’ordinateur et la base de données ne sont pas des éléments essentiels, suivant les principes susmentionnés au paragraphe 15, le comité de révision estime que les revendications, ainsi qu’elles sont interprétées ci-dessus, sont liées à un schéma commercial.

 

[53]      Dans la R-RM, le demandeur a avisé le comité de révision de ses observations en date du 25 mai 2010, dans lesquelles il cite Shell Oil Co c Commissaire aux brevets, 1982, 2 RCS 536, 67 CPR (2e) 1 (« Shell Oil ») à l’appui de sa position à l’effet que les présentes revendications visent un objet brevetable. Cependant, l’énoncé de pratique PN 2013-03 cite Shell Oil à la p. 4 pour corroborer la position indiquant que les inventions visant un élément désincarné, comme les [Traduction] « inventions où l’objet revendiqué est simplement une idée, un schéma, un plan ou une série de règles » ne visent pas des objets prévus par la loi.

 

[54]      Les étapes comme l’analyse des besoins d’un client, la recommandation d’un compte, la sélection d’une composante de compte, l’affichage de relevés bancaires et la production d’un formulaire d’inscription, ainsi qu’elles sont détaillées ci-dessus dans la liste des éléments essentiels, [Traduction] « pour développer une relation avec le client plutôt que d’ouvrir des comptes autonomes pour le client » [demande, à la p. 3] se résument à un schéma. L’énoncé de pratique PN 2013-03 prévoit qu’une invention où l’objet revendiqué est [Traduction] « simplement une idée, un projet, un plan ou une série de règles » est exclue au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets et n’est donc pas un objet brevetable (prévu par la loi) (voir l’énoncé de pratique PN 2013-03 à la p. 2).

 

[55]      En ce qui concerne la deuxième solution, à savoir [Traduction] « le modèle de relevé bancaire », le demandeur fait valoir dans sa R-RM que [Traduction] « l’étape de l’affichage ne consiste pas simplement en la présentation de renseignements d’intérêt intellectuel. Comme il est énoncé dans le mémoire descriptif à la p. 32, à la ligne 31, jusqu’à la p. 33, à la ligne 17, l’utilisation du modèle de relevé bancaire permet plutôt la réalisation de l’objectif fonctionnel qui consiste à présenter une interface uniforme aux clients... » Le comité de révision est d’avis que l’offre d’une interface uniforme aux clients afin d’accroître la clarté ne constitue pas un élément fonctionnel, mais concerne plutôt l’intérêt intellectuel qu’ont les renseignements sur le compte pour le client. Le relevé bancaire communique au client ses choix, de sorte qu’il peut comprendre ce qui a été établi avec la banque. De l’avis du comité de révision, il n’existe aucune composante fonctionnelle dans cet affichage.

 

[56]      Par conséquent, les revendications telles qu’elles sont interprétées ne définissent pas un objet prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’art. 2 de la Loi sur les brevets.

 

Autres questions en litige

 

[57]      Étant donné notre conclusion susmentionnée, il n’est pas nécessaire d’aborder les deux autres irrégularités soulevées dans la décision finale.

 

Recommandation de la Commission

 

[58]      Compte tenu de ce qui précède, la Commission recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier, à savoir les revendications 1 à 23, ne définissent pas un objet prévu par la loi et sont, par conséquent, non conformes à l’art. 2 de la Loi sur les brevets.

 

 

Mark Couture                Andrew Strong                                   Mara Gravelle

Membre                         Membre                                               Membre

Décision

 

[59]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 23 ne définissent pas un objet prévu par la loi et sont, par conséquent, non conformes à l’art. 2 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 1er  jour de juillet 2017

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