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Décision du commissaire no 1413

Commissioner’s Decision #1413

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O-00 Évidence

 

TOPIC: O-00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 584 375

Application No: 2,584,375


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], la demande de brevet numéro 2 584 375 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

Ottawa (Ontario)  K1P 1J9

 

 

INTRODUCTION

 

[1]          La présente recommandation fait suite à une révision du refus, en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, de la demande de brevet numéro 2 584 375 ayant pour titre [Traduction] « Procédé de contrôle d’une pluralité d’antennes internes dans un dispositif de communication mobile ». Le demandeur est Research in Motion Limited.

 

[2]          La demande concerne le domaine des communications mobiles et vise particulièrement la commande d’antennes multiples situées dans un même un appareil mobile individuel. La demande divulgue une méthode et un dispositif permettant de déterminer la force de signal reçu à partir d’une première et d’une deuxième antenne, et de générer un signal résultant selon lequel des deux signaux reçus est le plus fort.

 

[3]          Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

 

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

 

[4]          La demande a été déposée le 17 octobre 2005. À la suite de l’examen de la demande, une décision finale (DF) a été rendue le 29 octobre 2014, dans laquelle la demande est rejetée pour cause d’évidence et de caractère indéfini. Dans sa réponse à la DF, le demandeur a soumis des revendications proposées et des arguments en faveur leur brevetabilité.

 

[5]          La demande a été transférée à la Commission d’appel des brevets le 14 mai 2015, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) exposant les raisons pour lesquelles l’examinateur a jugé que les revendications 1 à 8 au dossier sont irrégulières pour cause d’évidence. Le RM a été transmis au demandeur le 7 juillet 2015.

 

[6]          Dans une lettre datée du 29 juin 2015, le demandeur a indiqué qu’il ne fournirait pas d’observations écrites en réponse au RM, et il a indiqué qu’il désirait participer à une audience.

 

[7]          Le présent comité de révision a été constitué dans le but de procéder à l’examen de la demande en vertu des dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Dans une lettre datée du 25 juillet 2016 [la « Lettre du comité »], nous présentons notre analyse préliminaire et les motifs pour lesquels, à la lumière du dossier dont nous sommes saisis, les revendications 1 à 8 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Dans la Lettre du comité, le demandeur se voit également offrir une occasion d’être entendu.

 

[8]          Dans une lettre du 1er septembre 2016, le demandeur a refusé de présenter d’autres observations en réponse à la Lettre du comité, et il a refusé l’offre d’assister à une audience.

 

QUESTION

 

[9]          La question abordée dans cette recommandation est celle de savoir si les revendications 1 à 8 sont évidentes, et donc non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

PRINCIPES JURIDIQUES

 

Évidence

 

[10]      La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi prévoit ce qui suit :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[11]      Dans l’arrête Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au par. 67, la Cour suprême du Canada a déclaré que, lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets suivante [Traduction] :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)      Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)       Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)       Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

ANALYSE

 

Étape 1a – Identifier la personne versée dans l’art

 

[12]      La Lettre du comité identifie la personne versée dans l’art comme étant une personne ou une équipe de conception composée d’au moins un ingénieur en électricité qui connaît la conception physique d’antennes d’émetteurs-récepteurs radio portatifs et le traitement des signaux radio.

 

Étape 1b) – Déterminer les connaissances générales courantes (CGC) pertinentes de cette personne

 

[13]      La Lettre du comité (page 4) présente les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art [Traduction] :

a)      Connaissance de la théorie élémentaire relative au traitement de signaux et aux antennes, y compris différents paramètres de conception d’antennes (p. ex. largeurs, longueurs, formes de cadre, polarisation, encoches, etc.) et des conceptions d’antennes mobiles internes courantes (p. ex. antennes à fente, à cadre, plane ou à plaques);

b)      Connaissance des limites des antennes d’appareils mobiles, comme l’utilisation courante d’antennes internes, l’effet des mains ou du corps de l’utilisateur sur la réception et la forme de l’appareil mobile, comme sa petite taille, une faible puissance, une forme compacte et la facilité de transport;

c)      Connaissance des techniques de diversité utilisées dans les systèmes de communication pour accroître la fiabilité, en fournissant des trajets de communication redondants pour bloquer les perturbations comme l’évanouissement du signal, les trajets multiples, le bruit, la perte de signal, les erreurs binaires, etc. Les techniques de diversité courantes pour les applications sans fil comprennent l’étalement spatial (utilisation de deux antennes ou plus), la polarisation, la fréquence et le temps;

d)     Connaissance de l’utilisation de la diversité des antennes dans un appareil sans fil par la sélection du meilleur signal, ou d’une combinaison de signaux, reçus de plusieurs antennes, pour accroître la performance des antennes dans des situations où la main ou le corps de l’utilisateur créent des zones d’ombre;

e)      Connaissance de l’utilisation de la diversité des antennes dans un téléphone mobile par la sélection de la meilleure qualité de signal selon la force du signal reçu à partir de deux antennes distinctes ou plus, ou de deux antennes de polarisation différente ou plus.

 

Étape (2) – Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.

 

[14]      Plus précisément, comme il est énoncé dans la Lettre du comité, le concept inventif de la revendication 1 est :

-          déterminer la force d’un premier signal reçu d’une première antenne essentiellement planaire et ayant une première polarité;

-          déterminer la force d’un deuxième signal reçu d’une deuxième antenne essentiellement coplanaire par rapport à la première antenne et ayant une deuxième polarité essentiellement orthogonale par rapport à la première polarité;

-          ayant déterminé que le plus fort du premier ou du deuxième signal, générer ainsi un signal reçu résultant de l’un du premier ou du deuxième signal.

 

[15]      La Lettre du comité traite des caractéristiques des autres revendications. Nous avons souligné que les revendications indépendantes 6 et 8 définies dans différents modes de réalisation du concept inventif de la revendication 1, et que les revendications dépendantes 2 à 5 et 7 définissaient des techniques généralement connues dans l’art du traitement des signaux. Dans sa réponse à la DF, le demandeur n’a pas relevé de différences ni de caractéristiques inventives particulières dans les revendications 2 à 8.

 

[16]      Par conséquent, comme il est indiqué dans la Lettre du comité, toutes les revendications seront acceptées ou refusées ensemble, selon le résultat de l’analyse de la revendication 1.

 

Étape 3 – Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

[17]      La DF cite trois documents pertinents qui constituent l’état de la technique :

                D1 : US 2002/0106995              8 août 2002      Callaway

                D3 : US 2002/0085643              4 juillet 2002    Kitchener et coll.

                D6 : WO96/08089                        14 mars 1996   Mogensen

 

[18]      La Lettre du comité a accepté la définition qu’a faite le demandeur des différences entre le concept inventif de la revendication 1 et la combinaison des documents D1, D3 et D6 (l’« état de la technique ») comme suit :

Déterminer la force d’un premier signal reçu d’une première antenne et déterminer la force d’un deuxième signal reçu d’une deuxième antenne, et générer un signal reçu résultant à partir (au moins) de l’un du premier ou du deuxième signal, la génération étant fondée sur la détermination du plus fort signal entre le premier et le deuxième signal.

 

Étape 4 : Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[19]      Pour les raisons énoncées ci-après, et comme il a été précédemment indiqué dans la Lettre du comité, le comité de révision estime que les revendications au dossier sont évidentes pour la personne versée dans l’art.

 

[20]      Concernant la revendication 1, le comité de révision estime que la personne versée dans l’art verrait les différences comme étant une variation du principe issue des CGC portant que la diversité (spatiale) de l’antenne s’applique à un appareil mobile, où un signal, ou une combinaison de signaux, reçus de plusieurs antennes distinctes à l’intérieur de l’appareil, est sélectionné selon la force du signal reçu, et utilisé comme signal résultant. Comme il a été expliqué dans la Lettre du comité, les documents D1 et D6 divulguent tous deux ce principe comme s’inscrivant dans les CGC de la technique de communication mobile.

 

[21]      À notre avis, la personne versée dans l’art s’appuierait également sur ses propres CGC pour choisir le signal en fonction du signal le plus fort, puisqu’il s’agit là d’un objectif type et bien connu d’un système de diversité dans le domaine des fréquences radio, soit de choisir parmi au moins deux trajets de signaux redondants la puissance reçue ou la force de signal la plus élevée. Le signal le plus fort est généralement considéré comme étant le « meilleur » signal à utiliser.

 

[22]      Dans la réponse à la DF (pages 4 à 6), le demandeur a soutenu que les différences relevées à l’étape 3 ne seraient pas évidentes. Dans la Lettre du comité (pages 7 et 8), nous avons abordé ces préoccupations et déterminé que les différences seraient évidentes pour la personne versée dans l’art. Comme il a été souligné au début de cette recommandation (paragraphe 8 ci-dessus), le demandeur n’a pas fourni de réplique ni de réponse à la Lettre du comité ou au raisonnement qui y était présenté.

 

[23]      Concernant les revendications 2 à 8, comme la revendication 1 a été jugée évidente, nous considérons également que l’objet des revendications 2 à 8 serait aussi évident pour la personne versée dans l’art, puisque ces revendications ne définissent aucune autre limitation inventive par rapport à l’objet évident de la revendication 1, seul ou en combinaison.

 

[24]      Par conséquent, les revendications 1 à 8 au dossier sont évidentes et, de ce fait, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

Revendications proposées

 

[25]      Les revendications proposées 1 à 8 ont été soumises par le demandeur en réponse à la DF. Conformément à l’alinéa 30(6)b) des Règles sur les brevets, la modification proposée est « considérée comme n’ayant jamais été apportée ».

 

[26]      Les revendications proposées diffèrent principalement des revendications au dossier par l’ajout de l’expression « au moins » aux revendications indépendantes 1, 6 et 8.

 

[27]      Tel que nous l’avons indiqué dans la Lettre du comité, comme les revendications proposées ne définissent aucun concept inventif supplémentaire par rapport aux revendications au dossier, l’irrégularité des revendications au dossier sur le plan de l’évidence ne serait pas corrigée si les revendications proposées étaient adoptées. Par conséquent, le comité de révision n’estime pas que les revendications proposées constituent une modification « nécessaire » aux fins de la conformité avec le paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[28]      Pour les motifs énoncés dans la présente recommandation, et comme il a été précédemment indiqué au demandeur dans la Lettre du comité datée du 25 juillet 2016 (ce à quoi la réponse du demandeur du 1er septembre 2016 ne répond pas), nous recommandons que la demande soit rejetée parce que les revendications au dossier sont évidentes et donc non conformes à l’article 28,3 de la Loi sur les brevets.

 

[29]      En outre, nous ne sommes pas convaincus que les modifications particulières proposées par le demandeur sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

Andrew Strong                                  Ed MacLaurin                                 Tatjana Kremer

Membre                                                  Membre                                              Membre


 

DÉCISION

 

[30]      Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 8 sont évidentes, et ne sont donc pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[31]      Par conséquent, en application des dispositions de l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à cette demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 25e jour d’octobre 2016

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