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Décision du commissaire no 1412

Commissioner’s Decision #1412

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : A20 – Double brevet

TOPIC: A20 – Double-patenting

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 505 524

Application No.: 2,505,524



BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 505 524 a fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire accepte la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

GOWLINGS WLG (CANADA) LLP

160, rue Elgin, bureau 2600

Ottawa (Ontario) K1P 1C3

 

 

 

 

 

 

 


Introduction

[1]          La demande de brevet no 2 505 524, intitulée « Utilisation de l’érythropoïétine dans des maladies cardiaques » et appartenant à F. Hoffman-La Roche AG, a été refusée pour cause de double brevet. Une révision de la demande refusée a été effectuée par la Commission d’appel des brevets conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons que le refus soit annulé et que la demande soit ensuite acceptée.

Contexte

La technologie

[2]          La demande en cause concerne une nouvelle utilisation thérapeutique d’un composé biochimique appelé « érythropoïétine », ou « EPO ». L’EPO est une hormone produite par l’organisme qui stimule la production de globules rouges. Elle est généralement utilisée comme agent thérapeutique pour le traitement de la carence en fer ou de faibles niveaux de globules rouges, c’est-à-dire l’anémie.

[3]          La demande en cause repose sur la découverte du fait que des patients atteints d’une maladie cardiaque, telle qu’une maladie coronarienne ou une insuffisance cardiaque congestive, peuvent présenter des perturbations de la distribution du fer dans leur organisme et qu’un traitement à l’EPO pourrait bénéficier à ces patients. À la différence des pathologies dans lesquelles les niveaux globaux de fer dans l’organisme sont trop faibles (anémie), ou trop élevés (hémochromatose), une perturbation de la distribution du fer ne modifie pas la concentration globale de fer dans l’organisme. Une perturbation de la distribution du fer peut cependant entraîner une accumulation localisée de niveaux dommageables de fer dans certains organes.

[4]          La demande enseigne que la concentration globale de fer dans l’organisme d’un patient atteint d’une maladie cardiaque peut être mesurée et que, si cette concentration s’avère normale, des perturbations de la distribution du fer peuvent ensuite être décelées en mesurant les niveaux de deux marqueurs biochimiques : le récepteur de la transferrine soluble et la « protéine C-réactive ». Si des perturbations de la distribution du fer sont décelées, l’EPO peut être administrée à titre de mesure correctrice.

[5]          Le brevet délivré à l’origine de l’allégation de double brevet porte également sur l’utilisation de l’EPO pour le traitement des perturbations de la distribution du fer, mais pas chez un groupe de patients atteints d’une maladie cardiaque. Dans le brevet délivré, le groupe de patients se limite à des personnes atteintes d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, telle que la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse.

Historique du traitement de la demande

[6]          La demande en cause a été déposée au Canada le 17 novembre 2003. L’examen de la demande s’est soldé par la délivrance, le 18 avril 2013, d’une décision finale (« DF ») dans laquelle toutes les revendications alors au dossier ont été rejetées pour cause d’évidence, d’absence de nouveauté et de double brevet « relatif à une évidence ». En ce qui concerne le motif du double brevet « relatif à une évidence », l’examinateur a cité deux demandes en co-instance déposées ultérieurement, inscrites au nom du même demandeur, et indiqué qu’elles ne visaient pas des éléments brevetables distincts de celui visé par la demande en cause :

         la demande no 2 496 581, déposée le 20 août 2003, ayant pour titre « Utilisation de l’érythropoïétine dans le traitement de perturbations de la distribution du fer chez les personnes atteintes du diabète »;

         la demande no 2 549 486, déposée le 10 décembre 2004, ayant pour titre « Utilisation de l’érythropoïétine pour traiter les perturbations de la distribution du fer dans les maladies intestinales inflammatoires chroniques ».[1]

[7]          Le demandeur a répondu à la DF le 3 octobre 2014 et a présenté des revendications modifiées qui introduisent une limitation que l’examinateur a jugé suffisante pour remédier aux irrégularités liées à l’évidence et à la nouveauté. L’examinateur a également jugé que les revendications modifiées visaient un objet brevetable distinct de l’objet visé par les revendications de la demande 2 496 581, mais pas de l’objet visé par les revendications de la demande 2 549 486. Un Résumé des motifs (« RM ») a donc été préparé et la demande a été déférée à la Commission d’appel des brevets pour révision. Après avoir été informé que la demande était en attente de révision, le 26 octobre 2015, le demandeur a présenté des observations écrites en réponse au RM.

 

La question

[8]    La question est de savoir si les revendications au dossier sont non brevetables pour cause de double brevet à la lumière des revendications du brevet délivré no 2 549 486.

Principes juridiques

Interprétation des revendications

[9]    Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux al. 49f) et g) et au par. 52, Whirlpool). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, comme elle est revendiquée.

Double brevet

[10]     Dans la décision finale et dans le résumé des motifs, l’examinateur a adopté la position selon laquelle les revendications au dossier ne pouvaient pas être acceptées parce qu’il y aurait double brevet lié à une évidence si un brevet était accordé relativement à la demande en cause.

[11]     La Loi sur les brevets ne comprend aucune disposition qui traite explicitement du double brevet. La Cour suprême du Canada a cependant indiqué que le fondement législatif du double brevet est le paragraphe 36(1) de la Loi, qui prévoit qu’un « brevet ne peut être accordé que pour une seule invention » (Whirlpool, au par. 63). Les tribunaux ont également estimé que le double brevet constituait, pour le commissaire aux brevets, un motif valable pour rejeter une demande : Bayer Schering Pharma Aktiengesellschaft c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 275, conf. 2009 CF 1249.

[12]     Dans Whirlpool, la Cour suprême a souligné que le critère à appliquer pour déterminer s’il y a double brevet comporte deux volets. Le premier volet concerne le double brevet [Traduction] « relatif à la même invention », qui survient lorsque les revendications d’un premier et d’un second brevet, tous deux détenus par la même partie, sont [Traduction] « identiques » ou « contiguës ». Dans le cas présent, la demande a été refusée au titre du second volet du critère en matière de double brevet, que l’on appelle « double brevet relatif à une évidence ». Ce second volet constitue un « critère plus souple et moins littéral » que le double brevet relatif à la même invention qui interdit la délivrance du second brevet si ses revendications ne visent pas un [Traduction] « élément brevetable distinct » ou ne présentent pas le caractère [Traduction] « de la nouveauté ou de l’ingéniosité » par rapport à celles du premier brevet (Whirlpool, par. 66 et 67).

[13]     Le double brevet relatif à une évidence et l’évidence au titre de l’article 28.3 de la Loi sont tous deux évalués du point de vue de la personne versée dans l’art, à la lumière des connaissances générales courantes de cette personne. Cependant, dans le cadre d’une analyse portant sur le double brevet relatif à une évidence, les revendications de la demande en cause sont comparées aux revendications du brevet délivré. En revanche, lorsque l’analyse porte sur l’évidence au titre de l’article 28.3 de la Loi, l’invention revendiquée est comparée à des éléments spécifiques de l’art antérieur (Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119 aux par. 28 et 29).

[14]     Dans Eli Lilly Canada Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 CF 17 aux par. 125 à 128 (« Lilly »), la Cour fédérale a reconnu que, dans le cadre d’une analyse portant sur le double brevet relatif à une évidence, [Traduction] « il faut pouvoir déterminer quelle invention est l’objet de chaque brevet, selon les allégations, afin de pouvoir les comparer ». Cela suppose que l’on tienne compte de la divulgation pour interpréter les revendications et [Traduction] « déterminer la vraie nature de l’invention ». De façon similaire, dans Re SmithKline Beecham Corp (2012), 104 CPR (4th) 106, DC 1328, au par. 45, il est indiqué que se reporter à la description est acceptable « du moment que c’est pour interpréter les revendications conformément aux principes de l’interprétation téléologique ».

Analyse

[15]     L’analyse relative au double brevet consiste à comparer les revendications contenues dans chaque document et à déterminer si elles visent respectivement des éléments brevetables distincts (Whirlpool, supra). Cette analyse requiert d’identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes, et de bien cerner l’invention alléguée dans chaque cas, d’après les problèmes et les solutions divulgués dans chaque document.

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[16]     Pour les besoins de l’objection fondée sur l’évidence formulée dans la DF, la personne versée dans l’art a été définie comme [Traduction] « un clinicien possédant une expérience dans le traitement des troubles liés à la distribution du fer dans l’organisme ». En ce qui concerne les connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art a été décrite comme possédant [Traduction] « une connaissance vaste et approfondie de la médecine expérimentale et serait très au fait des options possibles pour le traitement desdits troubles ».

[17]     Le dossier n’indique pas que l’EPO était couramment connue de la personne versée dans l’art en tant qu’option pour le traitement des troubles liés à la distribution du fer dans l’organisme.

[18]     Nous sommes d’avis que ces définitions conviennent également pour l’analyse portant sur le double brevet relatif à une évidence.

Les problèmes abordés dans la demande en cause et dans le brevet délivré sont différents

[19]      En ce qui concerne la demande en cause, rien dans la description n’indique que les inventeurs envisagent, de façon générale, de traiter tous les troubles médicaux pouvant être associés à des perturbations de la distribution du fer, ou qu’ils sont préoccupés par des problèmes autres que les maladies cardiaques.

[20]      Ainsi, selon la description de la demande en cause, [Traduction] « Le problème qui sous-tend la présente invention consiste, par conséquent, à fournir un traitement pour remédier aux perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies cardiaques afin d’atténuer ou d’éliminer les inconvénients susmentionnés » (page 1, lignes 27 à 29) – les « inconvénients susmentionnés » étant des dommages au cœur.

[21]      Quant à la description du brevet délivré, elle se limite aux problèmes des perturbations de la distribution du fer dans le seul contexte de leur association aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin; il n’est pas fait mention des maladies cardiaques.

[22]      Le problème qui sous-tend l’invention dans le brevet délivré est donc différent : il consiste à [Traduction] « fournir un traitement pour remédier aux perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin afin d’atténuer ou d’éliminer les inconvénients susmentionnés » (page 2, lignes 7 et 10) – les « inconvénients susmentionnés » étant, dans ce cas, des dommages aux intestins.

Les solutions présentées dans la demande en cause et dans le brevet délivré sont différentes

[23]      La description de la demande en cause ne contient aucune indication selon laquelle l’EPO est destinée à être utilisée pour le traitement des perturbations de la distribution du fer en général, ou que l’EPO est destinée à être utilisée pour traiter des patients atteints de troubles autres que les maladies cardiaques.

[24]      La description du brevet délivré se limite au traitement, à l’aide d’EPO, de patients qui présentent des perturbations dans la distribution du fer et sont atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin – il n’est pas fait mention des maladies cardiaques.

[25]      Nous soulignons que, aussi bien dans la demande en cause que dans le brevet délivré, les deux types de maladies associées à des perturbations de la distribution du fer sont décrites comme de nouvelles associations qui ont été découvertes à environ un an d’intervalle [Traduction] :

   Jusqu’à maintenant [c.-à-d. le 17 novembre 2003], on ne savait pas que les patients souffrant de maladies cardiaques sont fortement susceptibles de présenter des perturbations de la distribution du fer (page 1, demande en cause).

   Jusqu’à maintenant [c.-à-d. le 10 décembre 2004], on ne savait pas que les patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont fortement susceptibles de présenter des perturbations de la distribution du fer. (page 1, brevet délivré)

[26]      L’utilisation de l’EPO pour traiter les patients qui souffrent soit d’une maladie cardiaque soit d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin et présentant des perturbations de la distribution du fer est également décrite comme nouvelle dans la demande en cause et dans le brevet délivré, respectivement, et est fondée dans chaque cas sur un exemple faisant état de résultats cliniques favorables.

[27]      Ainsi, la description de la demande en cause indique que la solution au problème dans ce cas-ci est fondée sur la découverte du fait que l’EPO [Traduction] « a un effet bénéfique sur les perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies cardiaques » (page 2, lignes 1 et 2). Par conséquent, [Traduction] « Le problème est donc résolu, selon la présente invention, en fournissant de l’érythropoïétine pour utilisation dans le traitement des perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies cardiaques » (page 2, lignes 2 à 4).

[28]      Dans le brevet délivré, le problème est résolu à l’égard d’un groupe de patients différents, c.-à-d. en [Traduction] « fournissant de l’érythropoïétine pour utilisation dans le traitement des perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin » (page 2, lignes 12 et 13).

Comparaison des revendications

[29]     La revendication 2 de la demande en cause et la revendication 2 du brevet délivré 2,549,486 sont représentatives de l’invention revendiquée dans chaque document[2]. S’il est déterminé que la revendication 2 de la demande en cause vise un élément brevetable distinct de celui visé par la revendication 2 du brevet délivré, on pourra également considérer que les autres revendications au dossier de la demande en cause visent des éléments brevetables distincts, car elles sont d’une portée similaire ou comprennent des limitations supplémentaires.

 

Revendication 2 de la demande en cause

 

Revendication 2 du brevet délivré 2,549,486

Une utilisation de la protéine érythropoïétine pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez un patient souffrant d’une maladie cardiaque, où la perturbation de la distribution du fer est caractérisée par le fait que la concentration du récepteur de la transferrine soluble [mg/L] : (concentration log de ferritine [ug/L] est inférieure à 3,5 et par le fait que la concentration de protéine C-réactive est supérieure à 5 mg/L.

 

L’utilisation de la protéine érythropoïétine pour le traitement de perturbations de la distribution du fer dans le contexte des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, où la perturbation de la distribution du fer est caractérisée par le fait que la concentration du récepteur de la transferrine soluble [mg/L] : (concentration log de ferritine [ug/L] est inférieure à 3,5 et par le fait que la concentration de protéine C-réactive est supérieure à 5 mg/L.

Similitudes entre les revendications

[30]     Les revendications présentent deux similitudes : toutes deux revendiquent l’utilisation de l’EPO pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer; et toutes deux caractérisent la perturbation de la distribution du fer par des niveaux identiques de deux marqueurs biochimiques (le récepteur de la transferrine et la protéine C-réactive) qui peuvent être mesurés dans un échantillon de sang du patient.

Différence entre les revendications

[31]     La différence entre les revendications de la demande en cause et du brevet délivré est la maladie qui est associée à la perturbation de la distribution du fer : la demande en cause renvoie aux patients souffrant de maladies cardiaques, alors que le brevet délivré renvoie à un traitement dans le contexte de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

[32]     Dans la DF et dans le RM, l’examinateur s’est dit d’avis que cette différence ne faisait pas en sorte que les revendications visaient des éléments brevetables distincts, car les revendications visent toutes deux le traitement, à l’aide du même médicament (EPO), de perturbations de la distribution du fer caractérisées par les mêmes niveaux de marqueurs biochimiques [Traduction] :

   Indépendamment de toute autre maladie dont un patient peut être atteint (c.-à-d. maladie cardiaque, diabète ou maladie inflammatoire chronique de l’intestin), une perturbation de la distribution du fer chez ledit patient n’est pas considérée comme une pathologie distincte entre les populations desdits patients (page 6, DF; souligné dans l’original)

   . . .

   [l]'utilisation de la protéine EPO définie dans les revendications de la présente demande ou dans [le brevet délivré] n’est pas envisagée pour le traitement d’une maladie cardiaque ou d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, mais pour le traitement d’une perturbation de la distribution du fer chez des patients qui, incidemment, sont également atteints desdites maladies. (page 2, RM)

[33]     En réponse à la DF, le demandeur a fait valoir que [Traduction] « le concept inventif de la présente demande est fondé sur l’utilisation de l’EPO pour le traitement d’un groupe spécifique de patients. Dans le cadre des présentes revendications, il s’agit d’un groupe de patients souffrant d’une maladie cardiaque et d’un trouble de la distribution du fer ».

[34]     Dans les observations écrites qu’il a présentées en réponse au RM, le demandeur a souligné que la seconde maladie de la population de patients, qu’il s’agisse d’une maladie cardiaque ou d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, [Traduction] « a une incidence majeure sur les tableaux cliniques des patients de la population de patients et ne devrait pas être écartée » et qu’« une maladie cardiaque est une pathologie distincte d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin » (pages 2 et 3, observations écrites).

Les revendications visent des éléments brevetables distincts

[35]     Après avoir comparé les revendications contenues dans la demande en cause et dans le brevet délivré, avoir passé le dossier en revue et avoir déterminé en quoi consiste l’invention revendiquée dans chaque document, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art considérerait l’objet revendiqué comme un élément brevetable distinct. Même si les revendications présentent des caractéristiques communes, la personne versée dans l’art comprendrait que les groupes de patients définis dans les revendications de chaque document sont distincts et rendent les revendications nouvelles et inventives les unes par rapport aux autres.

[36]     Les revendications aussi bien de la demande en cause que du brevet délivré ne renvoient pas de façon générale à des perturbations de la distribution du fer, pas plus qu’elles ne mentionnent d’autres maladies pouvant être associées à ces perturbations. Bien que la personne versée dans l’art soit [Traduction] « un clinicien possédant une expérience dans le traitement des troubles liés à la distribution du fer dans l’organisme », le dossier n’établit pas que les patients présentant de telles perturbations seraient considérés par la personne versée dans l’art comme formant un groupe uniforme de patients ayant tous besoin des mêmes types de traitements, indépendamment de la présence d’autres maladies pouvant être associées à des perturbations dans la distribution du fer. Qui plus est, le dossier n’établit pas que la personne versée dans l’art saurait que l’EPO peut être utilisée pour traiter les perturbations de la distribution du fer, ou que des patients atteints de maladies cardiaques ou de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont fortement susceptibles de présenter des perturbations de la distribution du fer.

[37]     Ainsi, les patients de la revendication 2 de la demande en cause, et qui sont limités à ceux ayant une maladie cardiaque, ne seraient pas considérés par la personne versée dans l’art comme étant, de toute évidence, aptes à subir un traitement à l’EPO, au vu de la revendication 2 du brevet délivré, qui définit un groupe de patients souffrant d’une maladie différente, c.-à-d. une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Dans chaque cas, la maladie associée à la perturbation dans la distribution du fer, qu’il s’agisse d’une maladie cardiaque ou d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, avait apparemment été découverte, de façon empirique, uniquement à la suite de résultats cliniques favorables obtenus pour chaque groupe de patients. À notre avis, cela indique que la personne versée dans l’art devrait accomplir une étape inventive avant d’en arriver à utiliser l’EPO pour traiter les patients définis dans les revendications de la demande en cause.

Conclusion

 

[38]     Nous sommes d’avis que la revendication 2 de la demande en cause et la revendication 2 du brevet délivré visent des éléments brevetables distincts. Comme les autres revendications au dossier de la demande en cause sont d’une portée similaire ou comprennent des limitations supplémentaires, elles visent, elles aussi, des éléments brevetables distincts. Ainsi, il n’y aurait pas double brevet si un brevet était délivré relativement à la demande en cause.

Recommandation

 

[39]     Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que le refus est injustifié compte tenu de l’irrégularité indiquée dans la DF et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le demandeur soit avisé, conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, que le refus de la demande est annulé et que la demande a été jugée acceptable.

 

 

 

 

         Ed MacLaurin                            Andrew Strong                       Marcel Brisebois

Membre                                     Membre                                   Membre

 

Décision

[40]     Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, j’avise par les présentes le demandeur que le refus de la demande est annulé, que la demande a été jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps voulu.

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 20e jour d’octobre 2016



[1] : Un brevet a depuis été délivré relativement à la demande 2,549,486.

[2] : La revendication 1 de la demande en cause et la revendication 1 du brevet délivré pourraient également être considérées comme représentatives de l’invention revendiquée dans chaque document, mais elles n’ont pas été comparées, car elles sont formulées à la manière des revendications d’utilisation médicale « de type suisse ». L’analyse serait néanmoins la même.

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