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Décision du commissaire no 1396

Commissioner’s Decision #1396

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :

B00 : Revendications — Caractère ambigu ou indéfini (incomplet)

G00 : Utilité

 

TOPICS:

B00: Claims — Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

G00: Utility

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 385 395

Application No: 2,385,395

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], la demande de brevet numéro 2 385 395 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision du commissaire suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

Demandeur

 

MARKS & CLERK

Case 957, Succursale B

OTTAWA (Ontario) K1P 5S7


INTRODUCTION

 

[1]               La présente recommandation fait suite à une révision de la demande de brevet no 2 385 395, déposée le 19 septembre 2000 et revendiquant la priorité sur la base d’une demande américaine déposée le 24 septembre 1999. La demande est intitulée « Système et procédé permettant d’apparier des fournisseurs et des clients de biens et de services en ligne ». Le demandeur est In-Development, LLC.

 

[2]               La présente demande concerne un système et un procédé en ligne permettant d’apparier, ou de faire correspondre, des utilisateurs d’un réseau de communication mondial et des fournisseurs de biens et de services, à l’aide d’une demande de nom de domaine unique et d’un service de liaison, ainsi qu’un système de comparaison et d’appariement d’utilisateurs et de fournisseurs de tels produits et services, facilitant ultimement les transactions commerciales entre l’utilisateur et le fournisseur.

 

[3]               Pour les motifs exposés ci-dessous, nous recommandons que les revendications soient modifiées comme proposé dans la lettre du demandeur datée du 25 mai 2015 et que la demande soit par la suite accueillie.

 

HISTORIQUE DU TRAITEMENT DE LA DEMANDE

 

[4]               Le 3 avril 2014, l’examinateur a rédigé une décision finale conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. Dans sa décision finale, l’examinateur a indiqué que la demande contenait des irrégularités pour les motifs suivants :

 

                     les revendications 1 et 24 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets parce qu’elles sont imprécises (ne définissent pas l’objet en des termes clairs);

                     les revendications 1 et 24 ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, car elles comprennent un objet dépourvu d’utilité, en ce sens qu’il n’est pas fonctionnel; plus précisément, l’objet revendiqué ne comporte pas de caractéristique essentielle sans laquelle il ne fonctionnera pas de manière à réaliser la promesse de l’invention.

 

[5]               Dans sa réponse à la décision finale, datée du 3 octobre 2014, le demandeur a soumis des observations écrites concernant les irrégularités soulevées dans la décision finale.

 

[6]               L’examinateur ayant jugé la demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 24 décembre 2014, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets [la « Commission »], accompagnée d’un résumé des motifs maintenant les explications énoncées dans la décision finale.

 

[7]               Dans une lettre en date du 25 février 2015, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs et a offert à ce dernier la possibilité de se faire entendre, ainsi que la possibilité de présenter des observations écrites en réponse au résumé des motifs. Dans sa réponse datée du 25 mai 2015, le demandeur a décliné l’offre d’une audience, mais a soumis des observations écrites.

 

[8]               Dans la lettre du 25 mai 2015, le demandeur a réitéré ses arguments précédents et a proposé des modifications aux revendications 1 et 24, aux fins d’examen par la Commission, dans l’éventualité où cette dernière ne serait pas d’accord avec la position du demandeur.

 

QUESTIONS

 

[9]               Les questions à trancher sont les suivantes :

 

                     Les revendications 1 et 24 sont-elles imprécises?

                     Les revendications 1 et 24 sont-elles dépourvues d’utilité?

 

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUES DU BUREAU

 

Interprétation

 

[10]           Conformément à l’arrêt Free World Trust, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont désignés dans une interprétation téléologique des revendications par un examen de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué au chapitre 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

 

Caractère indéfini des revendications

 

[11]           Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets porte que :

 

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[12]           Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] R.C. de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la p. 146 [« Minerals Separation »], la Cour a insisté sur le fait que l’étendue du monopole que le demandeur cherche à obtenir doit apparaître clairement à la lecture de ses revendications et que les termes employés dans les revendications doivent être clairs et précis :

[Traduction]
En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

Utilité

 

[13]           Le fondement légal du critère de l’utilité est l’article 2 de la Loi sur les brevets, qui se lit comme suit :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité [non souligné dans l’original].

 

[14]           Le critère de l’utilité a été décrit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd, [1981] RCS 504, à la p. 525 :

[Traduction]
Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens d'« inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [Traduction] « que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera ». [Non souligné dans l’original.]

[15]           Dans l’arrêt Pfizer Canada Inc c. Apotex Inc (2014), 125 CPR (4th) 81, la Cour d’appel fédérale a discuté de l’effet qu’ont les promesses faites dans le mémoire descriptif sur le seuil d’utilité à respecter pour se conformer à l’article 2 de la Loi :
[Traduction]

 

[64] … le seuil à franchir pour établir l’utilité est en général peu élevé, puisqu’on dit que « la moindre parcelle d’utilité » suffit (Olanzapine) 405 N.R. 1).

 

[65] Les règles en matière de promesse constituent une exception aux exigences légales minimales susmentionnées. L’inventeur n’est pas tenu de décrire l’utilité particulière de son invention, mais celui qui promet expressément un résultat précis devra respecter cette promesse lorsqu’il devra établir l’utilité (Plavix CAF 447 N.R. 313 aux paragraphes 48 et 49). Le fait que l’invention ait respecté le seuil de la moindre parcelle d’utilité n’est d’aucun secours pour établir son utilité lorsqu’une promesse, une fois faite, ne peut être remplie (Plavix CAF, 447 N.R. 313 au paragraphe 54). [Aucun soulignement ni caractères gras dans l’original.]

 

[16]           Dans l’arrêt Wellcome Foundation Ltd c. Apotex Inc(1995), 60 CPR (3d) 135, à la p. 154, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la détermination de l’utilité promise d’un brevet est un exercice d’interprétation :
[Traduction] :

 

Comme l’utilité d’un brevet doit ultimement être jugée en regard de sa promesse, l’exercice nécessite une interprétation prudente du mémoire descriptif afin de déterminer exactement ce qu’est cette promesse.

 

ANALYSE

 

[17]           La revendication 1 est ainsi formulée :

 

[Traduction]
Une méthode comportant :

 

la tenue à jour d’une base de données de renseignements personnels sur un consommateur, ladite base de données comportant un système de serveurs associé à une pluralité de noms de domaine et les renseignements personnels comportant une liste de préférences indiquées par le consommateur ou fondées sur les choix antérieurs du consommateur;

 

la réception d’une demande formulée par un consommateur et transmise, au moyen d’un réseau de communication mondial, au système de serveurs associé à la pluralité de noms de domaine, où ladite demande comprend l’un de la pluralité de noms de domaine et où chaque nom de domaine comprend un élément de nom de domaine commun et un identificateur d’un sujet de la demande;

 

l’identification d’au moins un fournisseur en réponse à la demande reçue, en fonction de la demande reçue et des renseignements personnels concernant le consommateur dans la base de données;

 

l’envoi au consommateur d’information concernant chaque fournisseur repéré dans le système, où le consommateur est subséquemment en mesure de choisir un fournisseur parmi tous ceux repérés afin de communiquer avec lui et, éventuellement, faire affaire avec lui;

 

la mise à jour des renseignements personnels en fonction du choix de fournisseur par le consommateur, où les renseignements personnels mis à jour sont accessibles par le système de serveurs aux fins d’emploi en liaison avec une demande subséquente formulée par le consommateur et comportant un autre nom de domaine parmi la pluralité de noms de domaine, celui-ci étant inclus dans la demande subséquente et comportant un identificateur du sujet de la demande subséquente.

 

[18]           La revendication 24 est ainsi formulée :

 

[Traduction]
Un système comprenant :

 

une base de données utilisable pour stocker des renseignements personnels sur un consommateur, ladite base de données comportant un système de serveurs associé à une pluralité de noms de domaine et les renseignements personnels comportant une liste de préférences indiquées par le consommateur ou fondées sur les choix antérieurs du consommateur;

 

un serveur utilisable pour la réception d’une demande formulée par un consommateur et transmise, au moyen d’un réseau de communication mondial, au système de serveurs associé à la pluralité de noms de domaine, où ladite demande comprend un nom parmi la pluralité de noms de domaine et où chaque nom de domaine comprend un élément de nom de domaine commun et un identificateur d’un sujet de la demande, ledit serveur comportant également :

 

un module d’association de noms pouvant être utilisé pour l’identification d’au moins un fournisseur en réponse à la demande reçue, en fonction de la demande reçue et des renseignements personnels concernant le consommateur stockés dans la base de données;

 

un dispositif de commande pouvant être utilisé pour l’envoi au consommateur d’information concernant chaque fournisseur repéré dans le système, où le consommateur est subséquemment en mesure de choisir un fournisseur parmi tous ceux repérés afin de communiquer avec lui et, éventuellement, conclure une transaction avec lui;

 

le serveur peut aussi être utilisé pour la mise à jour des renseignements personnels en fonction du choix de fournisseur par le consommateur, où les renseignements personnels mis à jour sont accessibles par le serveur aux fins d’emploi en liaison avec une demande subséquente formulée par le consommateur et comportant un autre nom de domaine parmi la pluralité de noms de domaine, celui-ci étant inclus dans la demande subséquente et comportant un identificateur du sujet de la demande subséquente.

 

Interprétation

 

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes de cette personne

 

[19]           La personne versée dans l’art est un concepteur des systèmes de commerce électronique. Ses connaissances générales courantes comprennent la connaissance des systèmes, outils et méthodes de commerce électronique conventionnels.

 

Le problème et la solution

 

[20]           Les problèmes associés aux systèmes déjà connus sont décrits dans la section portant sur la description du contexte et de l’art antérieur connexe de la description, de la page 1, ligne 22 à la page 3, ligne 9 :
[Traduction]

 

À l’heure actuelle, la situation est telle qu’un consommateur ou un consommateur potentiel en ligne de produits ou de services a déjà déterminé la source de ces produits ou services, et a donc seulement visité la page Web ou la présence en commerce électronique d’une telle source, ou a tenté de repérer des sources réputées ou fiables des produits ou services désirés en effectuant des recherches à l’aide de métamoteurs de recherche et autres outils semblables. La première méthode s’avère trop complexe, du fait que, malgré l’utilisation presque généralisée des localisateurs de ressources uniformes (URL) dans le matériel publicitaire et promotionnel, les sources connues des produits ou des services ne figurent pas toujours dans la version « .com » de leurs marques ou noms connus. Autrement dit, par exemple, l’accès au site « unitedairlines.com » peut ne pas générer le résultat souhaité puisque, pour différentes raisons, la présence en ligne de United Airlines pourrait en réalité se trouver aux adresses « united-airlines.com », « united_airlines.com », « unitedairlines.net », « ua.com » ou autres adresses semblables. Après plusieurs tentatives, le consommateur constatera que le site se trouve en fait à l’adresse « ual.com ». En outre, même une fois le bon URL déterminé, les présences sur le Web de nombreuses sources bien connues de produits et de services conventionnels ne sont guère plus que des annonces en ligne, souvent dépourvues de véritables fonctions de commerce électronique (p. ex., soldes en ligne). Par conséquent, le fait de dépendre de cette méthode d’identification des sources en ligne de produits et de services désirés est, au mieux, limité.

 

La dernière méthode, s’appuyant sur des moteurs de recherche et autres outils semblables pour repérer des sources de produits et de services, est pratiquement inutile aux consommateurs potentiels, en raison de l’imprécision et du fort volume de résultats générés par de tels outils. Par exemple, une récente recherche pour « airline reservations » [réservation de billets d’avion], le métamoteur de recherche populaire DogPile(R) (www.dogpile.com) a généré 27 976 résultats (« appels de fichiers »). Non seulement un tel exemple illustre le volume excessif d’information générée en réponse à presque toute requête, mais un examen rapide et plus détaillé des 20 premiers résultats environ (censés être classés en ordre de « pertinence » selon la requête) a également révélé qu’un bon nombre de ces résultats « pertinents » ne sont pas des sources de tels services, mais constituent en réalité de simples utilisations d’au moins un des deux mots clés de la requête dans d’autres contextes non liés. En outre, même si un consommateur potentiel réussit à repérer une source à partir des résultats de recherche générés par un moteur de recherche, la réputation et la fiabilité d’une telle source demeurent souvent incertaines. Par conséquent, l’utilisation de métamoteurs de recherche pour tenter de repérer les produits et les services désirés en ligne est d’autant plus frustrante que l’on n’obtient pas ultimement le résultat souhaité.

 

Même en supposant que le consommateur réussit à bien identifier et à localiser le fournisseur désiré, la conclusion d’une ou de plusieurs transactions commerciales entre un consommateur et un fournisseur s’avère souvent inutilement complexe, parfois au point où la transaction proposée est entièrement écartée, en raison, du moins en partie, de la fonctionnalité ou de l’apparence non familière du site du fournisseur ou du fait que le consommateur doit actuellement fournir des renseignements de base pour conclure une transaction (p. ex. instructions de paiement, information sur la livraison et l’expédition, préférences d’achat), et ce, manuellement et chaque fois sur le site de chaque fournisseur. On estime qu’actuellement, jusqu’à 40 % des transactions potentielles en ligne sont ultimement non conclues en raison de problèmes d’interactivité rencontrés par le consommateur sur le site du fournisseur. De plus, les systèmes de recherche automatisés actuels qui permettent de simplement localiser des fournisseurs de produits et de services (p. ex. Sherlock(TM) d’Apple Corp.) ne fournissent pas non plus au consommateur un comparatif de prix et de disponibilité ou d’autres renseignements comparatifs concernant ces produits et services. À titre d’exemple, il n’est pas très utile de savoir que les entreprises A, B et C offre un service de limousine à Manhattan. Il est beaucoup plus utile pour le consommateur potentiel de tels services de savoir d’emblée que les entreprises A et C, mais pas l’entreprise B, ont des limousines disponibles pendant la période demandée par le consommateur et que l’entreprise A offre ce service à un prix moins élevé que l’entreprise C [non souligné dans l’original].

 

[21]           Dans la même section, de la page 3, ligne 10 à la page 4, ligne 13, le demandeur décrit la nécessité d’un nouveau système et la méthode de résolution des problèmes soulevés :

 

[Traduction]
Le dilemme susmentionné offre l’occasion d’instaurer un système et une méthode uniques servant d’intermédiaire intelligent entre les consommateurs et les fournisseurs de produits et de services en ligne. Pour saisir cette occasion, il faut un système et une méthode qui, en réponse à une requête extrêmement simple et intuitive de l’utilisateur, peut : (1) choisir et identifier de façon intelligente au moins un, et de préférence plusieurs fournisseurs réputés et fiables de produits et de services désirés, parmi lesquels le consommateur potentiel peut choisir un ou plusieurs fournisseurs particuliers; et (2) fournir au consommateur potentiel une liste comparative de prix et de disponibilités (et autre, au besoin) au sujet des produits et des services offerts par les fournisseurs repérés, de manière à faciliter la prise d’une décision entièrement éclairée par le consommateur potentiel quant au fournisseur, ou aux fournisseurs, avec qui il désire faire affaire.

 

En outre, le consommateur potentiel a souvent besoin d’information concernant les fournisseurs de produits et de services logiquement liés. Par exemple, un consommateur qui réserve un hôtel à Los Angeles aura probablement besoin de trouver des fournisseurs de voitures de location, d’itinéraires dans Los Angeles, de réservations de billets d’avion et autres produits semblables.

 

Un tel système doit également comprendre une base de données commune d’information sur chaque consommateur. Cette base de données serait utilisée pour éliminer la saisie manuelle et répétée de renseignements de base nécessaires pour conclure une transaction en ligne. Il faut aussi un système et une méthode qui offrent une variété d’autres caractéristiques utiles accessoires au service principal d’appariement de consommateurs et de fournisseurs de produits et de services en ligne, comme une fonction préservant la confidentialité du consommateur lorsqu’il communique avec les fournisseurs et une fonction permettant de partager de manière sélective et confidentielle les renseignements personnels (p. ex. information sur le compte de carte de crédit) du consommateur avec un fournisseur approuvé afin de faciliter la conclusion de la transaction en ligne désirée. Encore ici, une base de données commune pourrait faciliter l’offre de tels services accessoires.

 

Idéalement, un tel système fonctionnerait non seulement avec les dispositifs informatiques et de télécommunications actuels (p. ex. téléavertisseurs, appareils portatifs de communication), mais aussi avec les futurs appareils compatibles avec Internet (p. ex. appareils télématiques installés dans les véhicules) pour l’accès à un réseau de communication mondial, offrant une expérience interactive uniforme et familière avec le consommateur, peu importe la manière et le moyen de communication utilisés pour accéder au système. De façon optimale, le système prendrait également en charge, et interagirait avec, des applications GPS, des dispositifs de sécurité conventionnels et biométriques et des systèmes d’activation et de reconnaissance vocale et de réponse audio. Présentés plus en détail ci-dessous, les besoins susmentionnés et autres besoins sont satisfaits grâce au système et à la méthode de la présente invention. [Aucun soulignement ni caractères gras dans l’original.]

 

[22]           La solution proposée dans la demande pour résoudre les problèmes soulevés concernant les systèmes et les méthodes actuels et pour de répondre au besoin d’un nouveau système et d’une nouvelle méthode, est un système et une méthode utilisant les composantes suivantes : une base de données commune; un système de demande de noms et une politique d’établissement de liens avec les noms; un système de sélection et d’appariement; un système de renvoi intelligent; et un système de protection de l’information et de partage sélectif de l’information (description, de la page 4, ligne 30 à la page 5, ligne 2).

 

Les éléments essentiels des revendications

 

[23]           Après avoir examiné les problèmes susmentionnés et les besoins que le demandeur cherche à satisfaire avec l’invention revendiquée, la personne versée dans l’art déterminerait que les éléments essentiels de la méthode décrite dans la revendication 1 correspondent à la série d’étapes énoncées dans la revendication. C’est-à-dire que l’élimination de l’une des étapes énoncées aurait un effet important sur le fonctionnement de la méthode, de sorte qu’elle ne permettrait pas de résoudre les problèmes et de répondre aux besoins décrits dans le mémoire descriptif.

 

[24]           Pour les mêmes raisons, la personne versée dans l’art déterminerait que les éléments essentiels du système décrit dans la revendication 24 correspondent au groupe d’éléments énoncés dans la revendication.

 

[25]           Nous remarquons que la définition susmentionnée du caractère essentiel ne s’applique qu’aux éléments qui figurent dans les revendications. Quant à la caractéristique définie par l’examinateur comme étant essentielle au fonctionnement de l’invention, elle ne figure pas dans les revendications; nous en tiendrons compte au moment d’examiner la question de l’utilité.

 

Caractère imprécis des revendications

 

[26]           Dans la décision finale, il est affirmé que comme les revendications 1 et 24 ne mentionnent aucune façon d’identifier l’utilisateur, on ne sait pas comment le système peut obtenir les préférences de l’utilisateur à partir de la base de données. Cependant, après avoir examiné le mémoire descriptif, nous sommes d’avis que les revendications sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi, parce qu’elles sont formulées dans un langage précis et distinct, de sorte que la personne versée dans l’art sera en mesure de déterminer si ce qu’il propose de faire constitue ou non une contrefaçon, conformément au passage de Minerals Seperation cité précédemment.

 

Utilité

 

[27]           La décision finale comprend le passage suivant, à la page 3 :

 

[Traduction]
Comme il a été mentionné précédemment, les revendications ne décrivent pas la manière dont l’utilisateur est identifié. Cette identification est requise pour effectuer une requête dans la base de données et pour obtenir les préférences de l’utilisateur. Sans description de la manière dont l’utilisateur est identifié, ou du moins une indication que le système effectue en quelque sorte cette identification, le système ne peut pas fonctionner de la manière prédite. [Aucun soulignement ni caractères gras dans l’original.]

 

[28]           La réponse à la décision finale soutient ceci, aux pages 4 et 5 :

 

[Traduction]
Le demandeur souligne qu’il n’est pas d’avis que l’identification de l’utilisateur n’est pas nécessaire en pratique. Toutefois, le demandeur fait valoir que ce ne sont pas toutes les étapes ou tous les éléments requis en pratique qui doivent être énoncés dans les revendications. Plus particulièrement, le demandeur soutient qu’un énoncé explicite sur l’identification d’un utilisateur ou la manière d’identifier un utilisateur n’est pas nécessaire pour définir la présente invention. En outre, le demandeur fait valoir que l’absence d’un énoncé sur une étape précise dans la revendication ne signifie pas qu’une telle étape doit être exclue ...

. . .

En réponse, le demandeur fait valoir que les revendications sont utiles, puisque ce ne sont pas toutes les parties d’un système nécessaires à son fonctionnement qui doivent être énoncées dans les revendications. Par exemple, prenons une revendication concernant un nouveau type d’ordinateur (par exemple un ordinateur optique) qui utilise un cordon d’alimentation pour le branchement à une prise électrique. Le demandeur soutient qu’il serait absurde de conclure que la revendication n’est pas valide (absence d’utilité) pour l’omission d’un énoncé sur l’utilisation d’un cordon d’alimentation. Cela serait absurde parce que (i) il n’est pas nécessaire de définir le nouveau type d’ordinateur et (ii) il est évident pour toute personne normalement versée dans l’art que l’assemblage d’un ordinateur suppose un cordon d’alimentation. [Soulignement présent dans l’original]

 

[29]           Le résumé des motifs mentionne cet argument à la page 3, affirmant que l’étape de « tenue à jour d’une base de données » revendiquée suppose nécessairement pour la personne versée dans l’art l’inclusion dans la revendication de tous les aspects liés à la tenue à jour d’une base de données, y compris le cordon d’alimentation, mais que l’étape d’identification des préférences du fournisseur pour un utilisateur ne peut pas être déduite implicitement de l’une ou l’autre des caractéristiques revendiquées et ne peut pas objectivement s’inférer de la revendication.

 

[30]           Dans ce cas, notre interprétation est que le mémoire descriptif promet un certain degré d’utilité et, par conséquent, c’est en regard de ce seuil que les revendications doivent être comparées. Comme il a été mentionné précédemment, la description indique que l’un des besoins liés au nouveau système est une base de données commune contenant des renseignements sur chaque consommateur, qui fonctionnerait de manière à éliminer la saisie manuelle et répétitive de renseignements de base nécessaires pour conclure des transactions en ligne. Il est par la suite mentionné dans la description que [Traduction] « les besoins susmentionnés et autres besoins sont satisfaits grâce au système et à la méthode de la présente invention ». Ainsi, cette fonctionnalité, ou utilité – qui, selon ce que le demandeur suppose dans sa réponse à la décision finale, est nécessaire en pratique – est promise par voie du mémoire descriptif et donc, doit être fournie dans l’invention revendiquée pour que les revendications soient conformes à l’exigence relative à l’utilité. Et pour que cette fonctionnalité soit fournie, les revendications doivent comprendre la caractéristique relative à l’identification de l’utilisateur.

 

[31]           Comme la personne versée dans l’art comprendrait que cette caractéristique n’est pas explicitement ou implicitement énoncée dans les revendications 1 et 24, ces revendications sont donc dépourvues d’utilité, comme le promet le mémoire descriptif, et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[32]           Nous estimons que les revendications telles que présentées ont au moins une « parcelle » d’utilité – la description (page 8, lignes 13 à 29) enseigne un « mode de réalisation moins préférentiel » du système et de la méthode qui exclue la caractéristique relative à l’identification de l’utilisateur, ledit système et ladite méthode répondant à certains des besoins énumérés dans la section susmentionnée portant sur la description du contexte et de l’art antérieur connexe – nous rappelons qu’il ne s’agit pas du seuil d’utilité requis d’une revendication lorsque l’interprétation du mémoire descriptif révèle la promesse d’un degré d’utilité particulier, comme c’est le cas en l’espèce.

 

Modifications proposées aux revendications

 

[33]           Les revendications 1 et 24 proposées, soumises dans la lettre du demandeur datée du 25 mai 2015, comprennent la caractéristique relative à l’identification de l’utilisateur. Par conséquent, les revendications proposées annulent l’irrégularité relative à l’absence d’utilité des revendications 1 et 24 au dossier.

 

CONCLUSIONS

 

[34]           Nous avons déterminé que les revendications 1 et 24 au dossier étaient dépourvues d’utilité et n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, car elles n’énonçaient pas suffisamment de caractéristiques pour atteindre le degré d’utilité promis dans le mémoire descriptif.

 

[35]           Nous avons également déterminé que les revendications 1 et 24 telles que proposées dans la lettre du 25 mai 2015 annulaient cette irrégularité et n’introduisaient pas de nouvelles irrégularités. Le remplacement des revendications 1 et 24 au dossier par les revendications 1 et 24 telles que proposées dans la lettre susmentionnée constitue donc une modification particulière qui est nécessaire pour assurer la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

 

RECOMMANDATION DU COMITÉ DE RÉVISION

 

[36]           Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que le demandeur soit informé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que les modifications proposées dans la lettre du 25 mai 2015, à savoir la suppression des revendications 1 et 24 au dossier et l’insertion des revendications proposées 1 et 24, sont nécessaires pour assurer la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

 

 

 

Paul Fitzner                                                                                                     Mark Couture                          Liang Ji

Membre                                                                                                          Membre                                   Membre


DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

[37]           Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par les présentes le demandeur que les modifications susmentionnées doivent être apportées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, sans quoi j’entends refuser la demande.

 

[38]           Conformément à l’alinéa 31b) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et ces seules modifications, peuvent être apportées à la demande :

 

i) supprimer les revendications 1 et 24 au dossier;

ii) insérer les revendications 1 et 24 proposées dans la lettre du 25 mai 2015.

 

 

 

            Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 28e jour d’avril 2016

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