Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision du commissaire no 1395

Commissioner’s Decision #1395

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : G00 : Utilité

TOPIC: G00: Utility

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 654 413

Application No: 2,654,413

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 654 413 a fait l’objet d’une révision conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, le commissaire accepte la demande.

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

Smart & Biggar

C.P. 11115, Royal Centre

2300 – 1055, rue Georgia Ouest

Vancouver (Colombie-Britannique) V6E 3P3

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


INTRODUCTION

[1]          La demande 2 654 413, qui a pour titre « Utilisation de VEGF et d’homologues pour traiter des désordres du neurone », est inscrite au nom de Vlaams Interuniversitair Instituut Voor Biotechnologie VZW, et de D. Collen Research Foundation VZW. Elle a été refusée dans une décision finale au motif que l’objet revendiqué est dépourvu d’utilité, et donc non conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur fait valoir que l’utilité s’appuie sur un fondement suffisant, mais l’examinateur demeure d’avis que la demande est non conforme. La demande a donc été transférée à la Commission d’appel des brevets (la Commission) pour révision.

CONTEXTE

[2]          La présente invention concerne les membres d’une famille de facteurs de croissance biochimiques connus, appelés « facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire » (VEGF), qui sont utiles pour accroître la survie des motoneurones et traiter les troubles neurodégénératifs qui touchent les motoneurones, tels que la sclérose latérale amyotrophique (« SLA », aussi appelée « maladie de Lou-Gehrig »).

[3]          Avant le dépôt de la présente demande, les VEGF étaient connus pour leur rôle dans la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Aucun lien n’avait cependant été fait entre les VEGF et les troubles des motoneurones. L’invention concerne donc une nouvelle utilisation d’une molécule connue.

[4]          La famille des VEGF compte plusieurs membres, dont le VEGF-A et le VEGF-B. Bien que tous les membres aient la capacité de promouvoir la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse), et que tous exercent leurs effets en se liant aux molécules qui se trouvent à la surface des cellules et qu’on appelle « récepteurs », les VEGF peuvent différer quant à leur structure particulière et leur comportement de liaison aux récepteurs. Théoriquement, un VEGF donné agit comme une « clé » qui s’imbrique uniquement dans certaines « serrures » de récepteurs, dont il peut exister un nombre considérable. Dans le cas présent, seuls quelques VEGF sont concernés : deux formes du VEGF-A, appelées VEGF165 et VEGF121; et le VEGF-B. Les récepteurs de VEGF appelés « VEGF-R1 » et « VEGF-R2 », et la « neuropiline-1 » sont les récepteurs auxquels ces VEGF précis peuvent ou non se lier. Lors de la liaison avec le VEGF, les récepteurs VEGF-R1 ou VEGF-R2 peuvent déclencher une série de réactions biochimiques intracellulaires, et engendrer ultimement une réponse physiologique.

HISTORIQUE DU DOSSIER

[5]          La demande en cause est une demande complémentaire; elle est donc assortie des mêmes dates de dépôt et de publication que son brevet parent, soit le 12 avril 2011 et le 18 octobre 2011, respectivement.

[6]          Le brevet parent revendique l’utilisation d’un VEGF précis, le VEGF165, pour accroître la survie des motoneurones et traiter les troubles des motoneurones. La demande en cause revendique des utilisations similaires, mais décrit l’utilisation d’un autre membre de la famille des VEGF : le VEGF-B.

[7]          La demande en cause a été refusée dans une décision finale en date du 3 décembre 2013 pour non-conformité à l’article 2 de la Loi sur les brevets parce que l’examinateur n’était pas convaincu que le demandeur a fait une « prédiction valable » quant à l’utilité du VEGF-B aux fins prévues. Le paragraphe 27(3) de la Loi et l’article 84 des Règles sur les brevets ont également été cités à titre de dispositions législatives pertinentes.

[8]          Dans une réponse à la décision finale, en date du 3 juin 2014, le demandeur a modifié les revendications et a fait valoir qu’il existe un fondement suffisant permettant de prédire valablement que le VEGF-B est utile pour accroître la survie des motoneurones et traiter la SLA. L’examinateur est demeuré d’avis que la demande n’était pas conforme et a, par conséquent, préparé un résumé des motifs et transféré la demande à la Commission pour révision. Le présent comité, qui est formé de trois membres de la Commission, a été constitué dans le but de procéder à cette révision.

[9]          Le 8 avril 2015, la Commission a reçu des observations écrites supplémentaires de la part du demandeur ainsi qu’un affidavit d’une personne qui s’y connaît en matière de VEGF.

[10]      La présente recommandation est fondée sur un examen de la demande et du dossier tel qu’il est constitué.

LA QUESTION EN LITIGE

[11]      Compte tenu des motifs de refus, nous devons nous pencher sur la question suivante : Les revendications 1 à 4 sont-elles fondées sur une prédiction valable de l’utilité et, par conséquent, conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets?

[12]      Outre l’article 2 de la Loi, le paragraphe 27(3) de la Loi et l’article 84 des Règles ont également été cités dans la décision finale à titre de dispositions pertinentes. Ces dispositions supplémentaires exigent, respectivement, que le mémoire descriptif divulgue l’invention de façon suffisante et que les revendications se fondent entièrement sur la description. Le raisonnement sous-jacent est le même pour toutes ces irrégularités. Aux fins de la présente révision, nous traiterons donc la question à résoudre uniquement comme une question concernant la prédiction valable de l’utilité au titre de l’article 2 de la Loi. Par conséquent, si la demande est jugée conforme à l’article 2 de la Loi, elle sera également considérée comme étant conforme au paragraphe 27(3) de la Loi et à l’article 84 des Règles.

DISPOSITIONS ET PRINCIPES JURIDIQUES

Interprétation des revendications

[13]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 SCC 67 aux al. 49f) et g) et au par. 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [révisé en juin 2015; RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique d’une revendication consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Connaissances générales courantes

[14]      La personne versée dans l’art [Traduction] « est tenue pour raisonnablement diligente lorsqu’il s’agit de tenir à jour sa connaissance des progrès réalisés dans le domaine dont relève le brevet » : Whirlpool au par. 74.

[15]      On considère qu’une connaissance précise est devenue une connaissance générale courante [Traduction] « lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art » : British Acoustic Films Ltd et al c. Nettlefold Productions, (1936) 53 RPC 221, à la p. 250 citée avec approbation dans General Tire & Rubber Co c. Firestone Tyre & Rubber Co Ltd, [1972] RPC 457, [1971] FSR 417 ((CA du R.-U.), citée à son tour avec approbation dans Eli Lilly and Company c. Apotex Inc, 2009 CF 991 au par. 97.

Utilité

[16]      L’article 2 de la Loi exige d’une invention qu’elle soit utile. À la date du dépôt de la demande, il doit y avoir soit une démonstration soit une prédiction valable de l’utilité de l’objet de la revendication : Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 (« AZT »).

[17]      Dans un cas, comme le présent cas, où un demandeur revendique une nouvelle utilisation d’une molécule connue et se fonde sur une prédiction valable pour établir l’utilité, il doit être satisfait à un critère en trois éléments (AZT, par. 70) :              

(1)   la prédiction doit avoir un fondement factuel;

(2)   à la date de demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permet d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité;

(3)   il doit y avoir divulgation suffisante.

[18]      Un fondement factuel peut prendre la forme de renseignements divulgués dans le mémoire descriptif ou de renseignements faisant partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art; dans ce dernier cas, il n’est pas nécessaire que les renseignements soient explicitement divulgués dans le mémoire descriptif : Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 219 aux par. 153 à 155 [Bell Helicopter].

[19]      Les prédictions sont évaluées en tenant compte de toutes les « promesses » explicites faites dans le mémoire descriptif; cependant, [Traduction] « si aucun résultat spécifique n’est explicitement promis, la moindre parcelle d’utilité suffira » (voir Sanofi-Aventis c. Apotex Inc, 2013 CAF 186 au par. 50). Si une promesse est exprimée clairement et sans équivoque par l’inventeur dans les revendications, cette expression peut être considérée comme la promesse du brevet (voir Fournier Pharma Inc c. Canada (Santé), 2012 CF 741 au par. 126).

INTERPRÉTATION DES REVENDICATIONS

La personne versée dans l’art

[20]      D’après le Contexte de l’invention, la personne versée dans l’art est considérée comme un amalgame formé d’un neurologue et d’un neuroscientifique spécialisé dans les essais.

Les connaissances générales courantes

[21]      Le profil de la personne versée dans l’art dans le cas présent et le Contexte de l’invention (page 1, lignes 22 à 30; page 3, lignes 7 à 10) indiquent que les connaissances générales courantes incluent une compréhension générale de la pathogenèse des troubles neurodégénératifs, du fait que les VEGF sont responsables de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse), que les VEGF jouent un rôle dans certaines affections neuropathologiques (telles que l’accident vasculaire cérébral, l’ischémie de la moelle épinière et la neuropathie diabétique), et que les VEGF étaient connus pour avoir une activité neurotrophique sur les neurones périphériques. Cela indique que les connaissances générales courantes incluent la connaissance des VEGF et de leurs récepteurs.

[22]      Il est important de préciser davantage les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, qui se rapportent aux VEGFs et à leurs récepteurs pour quatre raisons : i) parce qu’elles sont requises aux fins de l’interprétation téléologique; ii) parce qu’elles n’ont pas été entièrement établies dans la description; iii) parce qu’elles peuvent faire partie du fondement factuel duquel l’utilité peut être inférée par l’entremise d’un raisonnement valable (Bell Helicopter, supra); et iv) parce que le demandeur nous demande de tenir compte de ces connaissances.

[23]      Trois documents sont pertinents aux fins de notre appréciation des connaissances générales courantes se rapportant aux VEGF et à leurs récepteurs :

(1)   un article scientifique de Makinen[1] publié avant la date de dépôt de la demande et soumis par le demandeur à la Commission le 8 avril 2015 à l’appui de l’argument selon lequel il était bien connu dans l’art que le VEGF-B se lie à un récepteur appelé la neuropiline-1;

(2)   un affidavit du Dr Diether Lambrechts (l’affidavit Lambrechts) soumis par le demandeur à la Commission le 8 avril 2015 dans lequel l’auteur fait des déclarations qui appuient les arguments du demandeur concernant l’article de Makinen;

(3)   un article de synthèse scientifique de Robinson & Stringer[2] sélectionné de façon indépendante par le comité à titre de document qui corrobore les divulgations faites dans l’article de Makinen et l’affidavit Lambrechts, et qui est pertinent du point de vue des connaissances générales courantes.

[24]      Désireux d’apporter un complément au fondement factuel exposé dans la description en ce qui concerne le VEGF-B, le demandeur a soumis l’article de Makinen qui établit qu’il était bien connu que le VEGF-B se lie au récepteur neuropiline-1. À notre avis, les connaissances générales courantes ne sont pas adéquatement représentées dans l’article scientifique singulier de Makinen. Nous considérons également que l’article de synthèse scientifique de Robinson & Stringer est pertinent du point de vue des connaissances générales courantes parce qu’il est en rapport avec les observations du demandeur, a été publié avant la date de dépôt de la demande, et est complet et méthodique quant à ses divulgations.

[25]      Indépendamment des observations formulées par le demandeur, nous soulignons que l’article de synthèse de Robinson & Stringer divulgue le profil de liaison aux récepteurs du VEGF-B, y compris le fait qu’il se lie à la neuropiline-1 (page 856, colonne de gauche). L’affidavit Lambrechts (par. 8 et 11) est en accord avec ce qui a été décrit par Robinson & Springer, qui, eux-mêmes, citent l’article de Makinen. Nous sommes, par conséquent, convaincus que la personne versée dans l’art aurait su que le VEGF-B se lie à la neuropiline-1 parce que les trois documents concordent sur ce point.

[26]      L’article de synthèse de Robinson & Springer indique que les éléments de connaissance énumérés ci-dessous faisaient également partie des connaissances générales courantes à la date de dépôt de la demande :

         il existe plusieurs formes de VEGF, dont le VEGF-A et le VEGF-B;

         le VEGF-A comprend lui-même plusieurs variantes de taille différente, dont le VEGF165 et le VEGF121;

         il y a plusieurs récepteurs à la surface des cellules par lesquels un VEGF donné peut médier son effet angiogénique, notamment le VEGF-R1, le VEGF-R2 et la neuropiline-1;

         chaque VEGF présente un profil spécifique de liaison aux récepteurs, et des paires spécifiques de récepteurs peuvent agir en coopération pour médier l’activité angiogénique d’un VEGF donné;

         le VEGF165 se lie au VEGF-R1, au VEGF-R2 et à la neuropiline-1;

         on ne s’attendrait pas à ce que la liaison du VEGF165 à la neuropiline-1 seule permette la médiation d’une activité angiogénique, car la neuropiline-1, à la différence du VEGF-R1 et du VEGF-R2, ne présente pas l’activité biochimique requise pour déclencher la série de réactions intracellulaires qui ultimement donne lieu à l’angiogenèse.

         la neuropiline-1 et le VEGF-R2 peuvent travailler en duo pour médier l’activité angiogénique du VEGF165;

         le VEGF121 se lie au VEGF-R1 et au VEGF-R2, mais ne se lie pas à la neuropiline-1;

         le VEGF-B se lie au VEGF-R1 et à la neuropiline-1, mais ne se lie pas au VEGF-R2.

[27]      Les éléments de connaissance générale courante susmentionnés viennent donc, eux aussi, compléter le fondement factuel exposé dans la description en ce qui a trait aux VEGF et à leurs récepteurs.

Les revendications et leur interprétation

[28]      Il y a quatre revendications au dossier. Les revendications 1 et 2 sont représentatives de l’invention revendiquée :

1.      [Traduction]
Utilisation d’une protéine VEGF-B pour accroître la survie des motoneurones.

2.      Utilisation d’une protéine VEGF-B pour accroître la survie des motoneurones dans le système nerveux central chez un sujet humain atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA).

[29]      La personne versée dans l’art comprend que les troubles neurodégénératifs qui touchent les motoneurones constituent un problème grave. La solution proposée par le demandeur est décrite de manière générale comme ayant trait à [Traduction] « l’implication des facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) et d’homologues dans l’étiologie des troubles des motoneurones » (page 1, lignes 5 et 6). On peut donc considérer que, dans son sens littéral, la description propose d’utiliser n’importe quel VEGF pour accroître la survie des motoneurones (page 10, ligne 23). Or, la description suggère également que ce ne sont pas tous les VEGF qui, dans les faits, peuvent accroître la survie des motoneurones, car un homologue, le VEGF121, a fait l’objet d’essais qui ont révélé qu’il n’avait aucun effet appréciable. Cela indique à la personne versée dans l’art que, selon une interprétation téléologique, l’utilisation de chaque homologue de VEGF peut représenter une solution différente.

[30]      Les revendications en cause sont des revendications d’« utilisation ». À la lecture de la revendication 1, la personne versée dans l’art comprendrait que l’utilisation vise à [Traduction] « accroître la survie des motoneurones », au moins dans une certaine mesure, peu importe l’emplacement des neurones et le trouble qui compromet leur survie. Dans la revendication 2, les motoneurones visés sont ceux qui se trouvent dans le système nerveux central d’un humain atteint de SLA. Dans les deux revendications, l’agent responsable d’accroître la survie des motoneurones est le VEGF-B.

PRÉDICTION VALABLE

L’utilité prédite

[31]      L’utilité prédite de l’invention trouve écho dans les revendications. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’utilité dans le cas de la revendication 1 est [Traduction] « d’accroître la survie des motoneurones ». Nous soulignons que ni la description ni la revendication ne font de promesse explicite quant à la survie maximale des motoneurones. Par conséquent, la personne versée dans l’art comprendrait que l’utilité prédite est l’accroissement de la survie des motoneurones, au moins dans une certaine mesure. Dans le cas de la revendication 2, l’utilité est extrapolée aux humains atteints de SLA.

[32]      Un examen du traitement de la demande indique qu’aucune distinction n’a été établie entre l’utilité de l’invention revendiquée dans la revendication 1 et celle revendiquée dans la revendication 2. Le point litigieux tient à la nature de l’agent responsable de l’utilité, le VEGF-B, et à la question de savoir si le demandeur a valablement prédit son utilité pour accroître la survie des motoneurones.

Fondement factuel

[33]      Le fondement factuel comprend les résultats d’expériences menées par les inventeurs, y compris d’études sur la liaison aux récepteurs, qui donnent à penser que ce ne sont pas tous les VEGF qui, dans les faits, ont un effet neuroprotecteur. Les résultats démontrent que le VEGF165 protège les motoneurones contre la mort cellulaire (figure 2a; page 27, lignes 2 et 3), alors que le VEGF121 n’a pas d’effet appréciable. Le VEGF-B n’a fait l’objet d’aucun essai.

[34]      Le fondement factuel comprend également les connaissances générales courantes établies ci-dessus en ce qui a trait aux VEGF et à leurs récepteurs.

[35]      La connaissance du comportement de liaison aux récepteurs d’un VEGF et des résultats des expériences menées par les inventeurs est importante, car elle peut mettre en lumière le mécanisme par lequel le VEGF peut ou non exercer ses effets. Pris collectivement, ces renseignements forment le fondement factuel d’un raisonnement valable qui permet d’inférer l’utilité d’un VEGF.

Raisonnement valable

[36]      L’examinateur et le demandeur étaient en désaccord quant à ce que la personne versée dans l’art inférerait du fondement factuel et quant à l’existence d’un raisonnement valable menant à l’utilité prédite. Plus particulièrement, les comportements de liaison aux récepteurs des VEGF et la capacité ou l’incapacité de ces derniers à exercer un effet neuroprotecteur étaient au centre des discussions pendant le traitement de la demande.

[37]      Selon le raisonnement exposé dans la décision finale, si l’utilité du VEGF-B est valablement prédite, ce dernier doit exercer ses effets de la même manière que le VEGF165, lequel a fait l’objet d’essais qui ont démontré son effet neuroprotecteur. Étant donné que le libellé de la description (voir page 1, lignes 14 à 17; page 15, lignes 22 et 23) et les résultats d’expériences indiquent que le VEGF165 exerce son effet neuroprotecteur en se liant au VEGF-R2 et à la neuropiline-1, le VEGF-B doit, lui aussi, se lier à ces mêmes récepteurs pour avoir une utilité. Puisque le VEGF-B ne se lie pas au VEGF-R2, l’examinateur a conclu, dans la décision finale, que la prédiction n’est pas valable.

[38]      Le demandeur, en revanche, fait valoir qu’il n’est pas nécessaire qu’un VEGF se lie à la fois au VEGF-R2 et à la neuropiline-1 pour qu’il y ait un effet neuroprotecteur. Le demandeur affirme que [Traduction] « les résultats exposés dans la présente demande mettent en évidence que la capacité d’une protéine VEGF de se lier à la neuropiline-1 est un prédicteur fiable et raisonnable de la capacité de produire un effet neuroprotecteur » (réponse du demandeur à la décision finale, page 3). Cette affirmation est fondée sur l’observation indiquant que le VEGF121 ne se lie pas à la neuropiline-1 et ne procure pas un effet neuroprotecteur appréciable. Elle se fonde également sur les expériences de liaison aux récepteurs réalisées avec le VEGF165 qui indiquent que l’effet neuroprotecteur de ce dernier atteint son plus haut niveau lorsqu’il se lie à la fois au VEGF-R2 et à la neuropiline-1. Un effet partiel est observé lorsqu’il se lie soit au VEGF-R2 soit à la neuropiline-1 (figure 2c; page 27, lignes 5 à 7).

[39]      Le demandeur va même jusqu’à prétendre que le fondement factuel dans la description [Traduction] « est en accord avec le fait que le VEGF165 est capable d’exercer un effet neuroprotecteur, au moins partiellement, au moyen de la neuropiline-1 ou du VEGFR-2 » (réponse du demandeur à la décision finale, page 2, soulignement présent dans l’original). Selon l’affidavit Lambrechts soumis par le demandeur, le fondement factuel [Traduction] « suggère en réalité que la liaison au VEGF-R2 pourrait même ne pas être nécessaire pour qu’il y ait un effet neuroprotecteur » (par. 20).

[40]      À notre avis, l’observation indiquant que le VEGF-B ne se lie pas au VEGF-R2 n’est pas une preuve d’inutilité et ne signifie pas, non plus, nécessairement qu’il ne peut pas, de façon plausible, exercer un effet neuroprotecteur. La personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’est pas nécessaire qu’un VEGF exerce son effet neuroprotecteur exactement de la même manière que le VEGF165 et considérerait qu’il existe un raisonnement valable. La personne versée dans l’art ne considérerait pas, cependant, que les arguments du demandeur sont en parfait accord avec le raisonnement.

[41]      La liaison à la neuropiline-1 joue un rôle dans la capacité d’un VEGF à accroître la survie des motoneurones. La personne versée dans l’art percevrait la capacité d’un VEGF à se lier à la neuropiline-1 comme un prédicteur valable d’utilité. Étant donné que la personne versée dans l’art sait, du fait de ses connaissances générales courantes, que le VEGF-B se lie à la neuropiline-1, le raisonnement du demandeur à cet égard tient la route dans une large mesure.

[42]      Toutefois, la personne versée dans l’art n’admettrait pas la prétention du demandeur voulant que la neuropiline-1 soit capable à elle seule de médier un effet neuroprotecteur, car cette prétention cadre difficilement avec les connaissances générales courantes. D’après les connaissances générales courantes, on ne s’attendrait pas à ce que la liaison d’un VEGF165 à la neuropiline-1 seule permette la médiation d’une activité, du moins en ce qui concerne l’angiogenèse. La neuropiline-1 ne présente pas l’activité biochimique requise pour ce faire. Par conséquent, la personne versée dans l’art s’attendrait à ce qu’un autre récepteur, biochimiquement actif, participe à la médiation d’un effet neuroprotecteur. Toute incohérence par rapport aux connaissances générales courantes à cet égard est résolue par le fait que le VEGF-B, à l’instar du VEGF165, a la capacité de se lier à un autre récepteur partenaire, le VEGF-R1, qui est biochimiquement actif et grâce auquel il pourrait de façon plausible exercer un nouvel effet.

[43]      Nous concluons, par conséquent, qu’il existe un raisonnement valable permettant d’inférer l’utilité du VEGF-B.

Divulgation suffisante

[44]      L’exigence de la divulgation suffisante du critère établi dans AZT, a été satisfaite dans le cas présent par la divulgation des données d’expériences sous-jacentes sur lesquelles repose le fondement factuel, par les connaissances générales courantes qui n’ont pas à être explicitement exposées, et par la divulgation d’un raisonnement valable permettant d’inférer l’utilité du VEGF-B.

CONCLUSION

[45]      Les revendications 1 à 4 sont fondées sur une prédiction valable de l’utilité et, par conséquent, sont conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. En conséquence, la demande est également conforme au paragraphe 27(3) de la Loi et à l’article 84 des Règles.

RECOMMANDATION

[46]      Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que le refus fondé sur les irrégularités indiquées dans l’avis de décision finale n’est pas justifié, et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous vous recommandons d’en aviser le demandeur conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets.

 

 

Ed MacLaurin                                    Mark Couture                                  Ian de Belle

Membre                                                  Membre                                              Membre

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[47]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, j’avise par les présentes le demandeur que le refus de la demande est annulé, que la demande a été jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps voulu.

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 15e jour d’avril 2016



[1] :        Makinen, T. et al., « Differential binding of vascular endothelial growth factor B splice and proteolytic isoforms of neuropilin-1 », J. Biol. Chem., 274: 21217-21222, 1999

[2] :        Robinson, C.J. and Stringer, S.E., « The splice variants of vascular endothelial growth factor (VEGF) and their receptors », J. Cell Sci., 114:853-865, 20 mars 2011

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.