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Décision du commissaire no 1381

Commissioner’s Decision #1381

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 SUJET : O00

TOPIC : O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 513 249

Application No : 2,513,249


 


 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 513 249 a fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

MBM INTELLECTUAL PROPERTY LAW LLP

Case postale 809, Succursale B

Ottawa (Ontario) K1P 5P9

CANADA

 


Introduction

[1]          Cette décision porte sur la révision du refus de la demande de brevet numéro 2 513 249 intitulée « Procédé de régulation in vivo de la contractilité du muscle cardiaque », déposée le 12 janvier 2004 par la Requérante, the Regents of the University of California. La demande a été refusée au motif que l’invention revendiquée est évidente, et n’est pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Contexte

[2]          La présente demande concerne une méthode de traitement de l’insuffisance cardiaque congestive (ICC), une maladie chronique et progressive chez les humains. Au fil du temps, chez les patients atteints d’ICC, la capacité du muscle du cœur à se contracter et à pomper le sang à un rythme suffisant pour répondre aux besoins de l’organisme diminue. L’invention revendiquée traite l’ICC par la restauration du taux d’une molécule associée à la maladie grâce à une altération génétique des cellules du muscle cardiaque, permettant ainsi d’accroître la contractilité et le rendement du cœur.

[3]          Avant le dépôt de la présente demande, les médicaments apparentés à l’adrénaline avaient déjà été employés pour traiter l’ICC par une stimulation de l’activité du muscle cardiaque, mais aucune thérapie à long terme n’avait été mise au point pour traiter l’état sous-jacent. 

[4]          La présente demande décrit une thérapie génique à long terme qui permet de restaurer le taux in vivo d’une enzyme appelée « Ca2+ ATPase du réticulum sarco/endoplasmique » (« sarco/endoplasmic reticulum Ca2+ ATPase ») (SERCA2) qui est associée à l’ICC. La thérapie utilise un vecteur viral synthétique, un « virus adéno-associé » (VAA), pour transporter une nouvelle copie d’un polynucléotide qui code pour l’enzyme SERCA2 jusqu’aux cellules endommagées du muscle cardiaque. Le vecteur viral peut infecter les cellules endommagées du muscle cardiaque, puis insérer le nouveau polynucléotide codant pour SERCA2 dans l’ADN des cellules endommagées; par contre, il ne peut pas se répliquer à l’intérieur. Lorsqu’un nombre suffisant de cellules endommagées du muscle cardiaque est « transduit » de cette manière, le taux d’enzymes SERCA2 est restauré et l’ensemble du cœur malade est à nouveau capable de se contracter selon une force adéquate.

Historique du dossier

[5]          Une chronologie des événements clés est présentée ci-dessous :

Date

 

Événement

12 janvier 2004

 

Dépôt de la demande

8 février 2013

 

Délivrance de la décision finale

11 juillet 2013

 

Réception de la réponse à la décision finale

 

20 décembre 2013

Transfert de la demande à la Commission d’appel des brevets (CAB)

 

27 juin 2014

 

Première lettre d’examen du Comité de révision

24 septembre 2014

 

Réponse du demandeur à la première lettre d’examen

8 octobre 2014

 

Audience

15 octobre 2014

 

Première observation post-audience du demandeur

15 décembre 2014

 

Lettre post-audience du Comité de révision

9 janvier 2015

 

Deuxième observation post-audience du demandeur

[6]          Comme il a été mentionné précédemment, la demande a été refusée dans une décision finale le 8 février 2013, parce que les quatre revendications au dossier étaient considérées comme évidentes eu égard à une publication de l’art antérieur. En réponse à la décision finale, le demandeur a modifié les revendications et a fait valoir que l’invention n’était pas évidente. Un résumé des motifs a été préparé et envoyé à la Commission, de pair avec la demande refusée, parce que l’examinateur a soutenu que l’invention était évidente.

[7]          Ce comité de révision a été mis sur pied et, pendant la révision initiale de la demande refusée, certaines questions nécessitant des précisions ont été soulevées. Le comité de révision a noté que la décision finale comportait une caractérisation limitée des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art et que les facteurs pertinents n’ont pas été entièrement pris en compte dans l’analyse de l’évidence (les soi-disant facteurs de l’« essai allant de soi » tels qu’énoncés dans la jurisprudence). La Requérante a été informée de ces questions dans une lettre datée du 27 juin 2014. Elle a aussi été avisée du fait que les revendications seraient interprétées selon les dernières directives de l’Office sur l’interprétation des revendications (Pratique d’examen au sujet de l’interprétation téléologique; PN2013-02). Une date d’audience a été fixée et le demandeur a eu l’occasion de fournir, avant cette date, une réponse écrite abordant les questions soulevées lors de la révision finale.

[8]          Le 24 septembre 2014, le demandeur a répondu à la première lettre d’examen et a fourni des observations écrites contenant des arguments corroborés d’une déclaration. La Requérante a également présenté un ensemble de revendications proposées pour aborder l’irrégularité liée à l’évidence en précisant davantage la portée des revendications.

[9]          L’audience a eu lieu le 8 octobre 2014, après quoi le demandeur a précisé sa position comme suit. Une première observation post-audience a été reçue du demandeur le 15 octobre 2014 et contenait une déclaration de l’un des inventeurs, ainsi que des articles scientifiques. Le comité de révision était d’avis que cette observation soulevait de nouvelles questions, y compris celle de savoir si une nouvelle pièce d’art antérieur s’appliquait à l’évaluation de l’évidence. Par conséquent, le comité de révision a envoyé une lettre le 15 décembre 2014. La deuxième observation post-audience du demandeur a été reçue le 9 janvier 2015. La Requérante a soutenu que l’invention n’était pas évidente et elle a fourni un nouvel ensemble de modifications proposées aux revendications afin de préciser davantage la portée des revendications.

Principes juridiques

Interprétation des revendications

[10]      Une interprétation téléologique des revendications précède les considérations liées à la brevetabilité. Elle permet de déterminer la signification et la portée des revendications du point de vue de la personne versée dans l’art qui possède les connaissances générales courantes dans le domaine pertinent : Free World Trust c Electro Sante Inc, 2000 CSC aux paragraphes 44 et 45 [Free World Trust]. Pendant l’interprétation téléologique, on détermine si les éléments de l’invention revendiquée sont indiqués comme essentiels ou non essentiels : Free World Trust au paragraphe 31. Selon l’énoncé de pratique intitulé « Pratique d’examen au sujet de l’interprétation téléologique – PN2013-02 », les éléments essentiels d’une revendication sont ceux qui contribuent à la solution proposée au problème exposé dans la demande.

Évidence

[11]      L’information qui peut être prise en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si une revendication est évidente est énoncée à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets :

             L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

             a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[12]      Une démarche en quatre étapes pour évaluer l’évidence a été établie par la Cour suprême dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi] :

                      (1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

               b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

         (2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

         (3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

 

         (4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[13]      Pour la quatrième étape, la Cour a de plus indiqué qu’un « essai allant de soi » pourrait être approprié dans des domaines de recherche où des avancées sont souvent réalisées par expérimentation, comme c’est le cas dans l’industrie pharmaceutique. Une liste non exhaustive des facteurs à prendre en considération est proposée aux paragraphes 69 et 70 de Sanofi :

(1)   Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?

Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

 

(2)   Quelles sont la nature et l’ampleur des efforts requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

(3)   L’antériorité fournit-elle un motif de rechercher la solution au problème auquel le brevet a répondu?

 

(4)   Quelle démarche a mené à

l’invention?

 

[14]      Dans Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2009 CAF 8 au paragraphe 29 [Pfizer], la Cour d’appel fédérale a rejeté le critère « vaut la peine d’être tenté » et a précisé que la méthode adéquate selon Sanofi est le critère de l’« essai allant de soi », où « allant de soi » signifie « très clair ». Dans Pfizer, la Cour a déclaré qu’une [Traduction] « invention n’est pas rendue évidente par le fait que l’état de la technique aurait éveillé la personne versée dans l’art à la possibilité que quelque chose valait d’être tenté. L’invention doit aller plus ou moins de soi. » Dans Pfizer Canada c Novopharm Inc, 2009 CF 638, au paragraphe  56, la Cour fédérale a indiqué [Traduction] « qu’il n’y a évidence que si la personne versée dans l’art est justifiée de rechercher des solutions “prévisibles” qui comportent “des chances raisonnables de succès” ».

[15]      Il faut se garder de s’engager dans une démarche rétrospective pour aborder la question de l’évidence parce que [Traduction] « il est par trop facile de voir comment il aurait été possible, même aisément, de parvenir à l’invention alléguée une fois qu’elle a été réalisée » : Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1234 au paragraphe 113, conf. dans 2007 CAF 217 [Janssen-Ortho] (voir aussi The King c Uhlemann Optical Co (1951) [1952] 1 SCR 143 au paragraphe 152 sur le même sujet).

[16]      Il convient de répéter que l’examen relatif à l’évidence doit être fait du point de vue de la personne moyennement versée dans l’art : Beloit Canada Ltd.c Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289 (CAF) [Beloit].

Question en litige

[17]      La question est celle de savoir si les revendications 1 à 4 sont évidentes.

Analyse

Interprétation des revendications

La personne versée dans l’art

[18]      Dans la décision finale, la personne versée dans l’art a été identifiée comme étant [Traduction] « un cardiologue en recherche clinique détenant une connaissance des modèles murins (souris) pour l’étude des maladies cardiaques chez l’humain ainsi qu’une connaissance des essais cliniques effectués sur des humains et fondés sur ces modèles murins ».

[19]      Dans les observations écrites du demandeur datées du 24 septembre 2014, il est allégué que cette identification est incomplète et que [Traduction] « la personne versée dans l’art connaîtrait aussi les protocoles de thérapie génique (y compris les différents vecteurs utilisés dans de tels protocoles) et comprendrait les difficultés associées à ces protocoles ». Nous sommes d’accord et nous caractériserons donc la personne versée dans l’art dans ces termes.

Connaissances générales courantes (CGC) pertinentes de la personne versée dans l’art

[20]      Les connaissances générales courantes (CGC) tiennent compte de l’historique de la demande, des énoncés contenus dans la description, les observations du demandeur et les déclarations fournies. Elles sont également fondées sur l’information décrite dans certaines publications scientifiques pertinentes qui semblent avoir acquis un important lectorat à la date pertinente, y compris :

         W.H. Dillmann, Changing the cardiac calcium transient: SERCA2 overexpression versus phospholamban inhibition, dans Molecular Approaches to Heart Failure Therapy, p. 69-75, G. Hasenfuss et coll. (éd.), Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2000 [article de synthèse de Dillman].

         D.C. White et W.J. Koch, Myocardial Gene Transfer, Current Cardiology Reports, 3 : 37-42, 2001 [White].

        J.M. Isner, Myocardial Gene Therapy, Nature, 415:234-239, 2002 [Isner].

        Svensson et coll., Efficient and Stable Transduction of Cardiomyocytes After Intramyocardial Injection or Intracoronary Perfusion With Recombinant Adeno-Associated Virus Vectors, Circulation 99 : 201-205, 1999 [Svensson].

[21]      Trois aspects des CGC doivent être pris en considération : 1) la nature de l’ICC; 2) les connaissances courantes sur la thérapie génique; et 3) la capacité des vecteurs de virus adéno-associé (VAA) à insérer, ou à « transduire », des gènes dans les cellules du muscle cardiaque.

La nature de l’ICC

[22]      En ce qui concerne la nature de l’ICC, les CGC comprennent les éléments suivants :

         L’ICC est une maladie chronique progressive pour laquelle on ne connaissait aucune solution à long terme (paragraphes 6 et 18 de la description).

         Il y avait au moins trois stratégies de traitement à long terme de l’ICC, dont l’une supposait l’utilisation de polynucléotides codant pour SERCA2, administrés à l’aide d’un vecteur viral (paragraphe 13 de la description; Isner p. 236; White p. 40; article de synthèse de Dillmann p. 69).

         L’association connue entre l’ICC et SERCA2 a mené à la théorie largement affirmée selon laquelle les anomalies de la contractilité du muscle cardiaque sont directement liées à une activité du SERCA2 perturbée (paragraphes 5 à 13 de la description; article de synthèse de Dillmann).

         Les études effectuées sur des cellules cardiaques néonatales ont révélé qu’un effet compensatoire pouvait être observé lorsqu’un polynucléotide codant pour SERCA2 est introduit dans les cellules in vitro (article de synthèse Dillmann p. 72).

         Aucun essai clinique fondé sur l’une des stratégies n’a été effectué sur des humains; tous les travaux relevaient d’expériences précliniques sur des modèles de rongeurs (paragraphe 13 de la description; Isner p. 236; White p. 40; article de synthèse Dillmann).

         Plusieurs modèles de rongeurs expérimentaux connus pouvant être reproduits ont été considérés comme suffisamment prédictifs des problèmes d’ICC chez l’humain (paragraphe 71 de la description).

La thérapie génique

[23]      En ce qui concerne la thérapie génique, les CGC comprennent les éléments suivants :

         La thérapie génique suppose l’introduction d’un polynucléotide thérapeutique dans les cellules à l’aide de divers moyens, dont l’un concerne l’infection de cellules avec un virus porteur du polynucléotide. C’est ce qu’on appelle la « transduction » (White p. 37).

         La thérapie génique est un art imprévisible (paragraphe 8 de la déclaration Jaski infra).

         Les méthodes non invasives (p. ex. l’infusion) utilisées pour l’introduction de vecteurs de thérapie génique dans les tissus ciblés sont privilégiées par rapport à l’injection directe dans le tissu ciblé pour la thérapie à long terme, car elles permettent d’éviter une réduction de l’expression des gènes et une inflammation dans la zone d’injection (paragraphe 11, 18 et 69 de la description).

         Les gènes codant pour des protéines ou des enzymes qui doivent demeurer à l’intérieur d’une cellule (comme SERCA2) pour avoir un effet biologique doivent être introduits dans une population cible de cellules relativement grande pour corriger l’anomalie pathogénique sous-jacente (Isner p. 234).

         Différents vecteurs viraux pour la thérapie génique étaient connus, y compris les vecteurs adénoviraux (ADV) et les vecteurs de virus adéno-associé (VAA). Chacun a ses avantages et ses inconvénients (paragraphes 45 à 50 de la description; White p. 37, Isner p. 236-237).

         Les vecteurs ADV peuvent transduire efficacement des cellules matures du muscle cardiaque et il est possible d’en produire sous une forme très concentrée. Cependant, leur valeur thérapeutique est restreinte puisque les patients développent une réponse immunitaire au virus et la durée de l’expression du gène est limitée (Isner p. 236; White p. 37).

         Les vecteurs de VAA peuvent transfecter de manière stable des cellules du muscle cardiaque, mais sont moins susceptibles de causer le développement d’une réaction immunitaire chez le patient (White p. 37).

         Les VAA ne peuvent pas se répliquer de façon autonome; certaines fonctions d’aide à la réplication doivent se trouver à l’intérieur de la cellule pour l’encapsidation thérapeutique des polynucléotides dans les particules virales infectieuses. La fonction d’aide à la réplication des VAA peut être fournie de diverses façons, y compris par le recours au virus assistant adénoviral, à certaines constructions géniques spécialisées et à l’utilisation de systèmes sans virus assistant adénoviral; cette dernière méthode évite la contamination des préparations de vecteurs de VAA par les adénovirus (paragraphes 48, 49 et 51 de la description).

La capacité des vecteurs VAA à transduire des gènes dans les cellules musculaires cardiaques

[24]      En ce qui concerne la capacité des vecteurs VAA à transduire des gènes dans les cellules musculaires cardiaques, les CGC comprennent les suivantes :

         Une transduction efficace (50 %) des cellules musculaires cardiaques in vitro est possible avec l’ajout d’une petite quantité d’adénovirus pour augmenter l’efficacité (Svensson  p. 202).

         L’efficacité de la transduction in vivo de VAA dans des cœurs de souris peut être de 25 % par rapport à ce qu’il est possible d’atteindre avec l’adénovirus (Svensson p. 204).

         Les cœurs de souris peuvent être transduits selon une efficacité de 50 % avec un transgène rapporteur s’ils ont été retirés du corps (p. ex. ex vivo plutôt qu’in vivo) et maintenus à des températures basses (Svensson p. 204). 

         Dans son article de synthèse (p. 37), White indique que [Traduction] « l’efficacité de la transfection [avec VAA] semble considérablement inférieure à celle faite avec l’adénovirus, et que l’efficacité la plus élevée était d’environ 25 % de celle obtenue avec une dose semblable d’adénovirus ». Pour sa part, Isner indique dans son article de synthèse (p. 237) qu’il a été démontré que le VAA était capable de générer une vaste transduction de cellules.

         L’efficacité de l’expression du VAA avec des transgènes cibles est stable et bien connue dans le domaine, ce qui donne lieu à l’expression du transgène dans près de 50 % des cellules du muscle cardiaque (paragraphe 122 de la description).

Le problème et la solution abordés par l’invention

[25]      Dans la première lettre d’examen, nous avons indiqué que le problème semblait toucher des méthodes améliorées pour réguler la contractilité du muscle cardiaque en vue du traitement et du contrôle de la progression de l’ICC. Cependant, le demandeur a fait valoir que problème proposé par le comité de révision était trop large, car il n’exclut pas la prophylaxie. En outre, à cet égard, l’examinateur et le demandeur ne s’entendent pas concernant la langue de la revendication.

[26]      Pendant l’instruction de la demande, le demandeur a fait valoir que l’expression [Traduction] « pour le traitement de l’insuffisance cardiaque chez l’humain associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2 » exclut toute utilisation de la prophylaxie d’un vecteur VAA codant pour SERCA2. En revanche, il est soutenu dans le résumé des motifs que l’invention comprend les traitements prophylactiques ainsi que les traitements restaurateurs.

[27]      Bien qu’une interprétation large du terme « traitement », fondée sur une définition du dictionnaire, puisse comprendre la prophylaxie, après avoir examiné le dossier en l’espèce, nous sommes d’accord avec le demandeur pour dire que la personne versée dans l’art ne percevrait pas la solution à un problème de prophylaxie comme étant nécessairement une solution qui restaure une fonction perdue en raison d’une maladie établie. En l’espèce, la solution proposée et l’invention revendiquée consistent à [Traduction] « remplacer l’activité endogène normale de SERCA2, afin qu’il y ait amélioration du rendement du cœur » (soulignement ajouté) par rapport à la prétransduction à long terme, c’est-à-dire [Traduction] « détectable à quatre semaines ou plus postadministration ». Le traitement prophylactique d’un cœur en santé ne s’inscrit donc pas dans la portée de la présente invention parce qu’il ne remplacerait pas l’activité perdue du SERCA2 ni n’améliorerait le rendement du cœur.

[28]      La solution proposée par le demandeur concerne l’utilisation d’un vecteur VAA codant pour SERCA2 afin de restaurer la fonction cardiaque et ainsi traiter l’insuffisance cardiaque associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2 chez un sujet humain ayant une maladie préexistante. Le traitement prophylactique ne fait pas partie de la solution.

Revendication représentative

[29]      La revendication 1 est représentative des revendications 1 à 4 faisant l’objet de l’examen :

1.       Utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2 dans la préparation d’un médicament pour traiter l’insuffisance cardiaque chez l’humain associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2, où le médicament est adapté pour l’infusion dans le cœur du sujet et la transduction dans les cellules défaillantes de celui-ci à l’aide d’un vecteur viral adéno-associé (VAA) sans virus assistant adénoviral codant pour le polynucléotide SERCA2 pour l’expression d’une quantité thérapeutiquement efficace de SERCA2 où environ 50 % des cellules cardiaques touchées expriment SERCA2 pour remplacer l’activité endogène de SERCA2, comme le démontre l’augmentation à partir de niveaux de prétransduction dans la vitesse de la contraction systolique ou du relâchement diastolique dans le cœur du sujet détectable à 4 semaines ou plus postadministration, où une augmentation de l’une ou l’autre des vitesses ou des deux indique une amélioration du rendement du cœur.

Les revendications visent l’utilisation médicale

[30]      Le libellé de la revendication 1 est conforme à la rédaction des revendications d’utilisation médicale de type « suisse ». En l’espèce, la revendication 1 définit l’utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2 dans la préparation d’un médicament, celui-ci étant conçu pour traiter l’insuffisance cardiaque chez l’humain associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2. Si l’on en fait une interprétation littérale, on pourrait penser que l’utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2 définie dans la revendication 1 concerne simplement la fabrication d’un médicament. 

[31]      Dans Novartis Pharmaceuticals Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985, para. 101, la Cour fédérale a indiqué que dans ce cas, on ne devrait pas tenir compte de la « nature artificielle » d’une revendication de type suisse et se pencher sur « l’objet véritable de la revendication ».

[32]      En l’espèce, la personne versée dans l’art comprendrait également que l’objet véritable de la revendication 1 concerne l’utilisation médicale d’un polynucléotide et c’est ainsi que nous interprétons la revendication 1.

Les éléments essentiels de la revendication 1

[33]      Pour les raisons énoncées ci-après, l’interprétation téléologique de la revendication 1 indique que les éléments suivants sont essentiels :

(i)                 l’utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2;

(ii)               pour le traitement d’un sujet humain;

(iii)             atteint d’une insuffisance cardiaque associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2;

(iv)             par infusion;

(v)               à l’aide d’un vecteur viral adéno-associé (VAA);

(vi)             le vecteur VAA ne contient pas de virus assistant adénoviral;

(vii)           environ 50 % des cellules cardiaques touchées expriment SERCA2 pour remplacer l’activité endogène normale de SERCA2, comme le démontre une augmentation à partir de niveaux prétransduction dans la vitesse de la contraction systolique ou de la relaxation diastolique dans le cœur du sujet;

(viii)         qui est détectable à quatre semaines ou plus postadministration;

(ix)             dans laquelle une augmentation de la vitesse de l’un de ces mouvements, ou des deux, indique une amélioration du rendement du cœur.

[34]      L’utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2 est essentielle parce que la solution proposée est fondée sur l’utilisation d’un tel polynucléotide afin de permettre une restauration à long terme (c.-à-d. à quatre semaines ou plus postadministration) de SERCA2. À la fin, la thérapie proposée vise les humains.

[35]      Comme il est indiqué ci-dessus aux paragraphes 25 à 28, la solution proposée n’inclut pas la prophylaxie. Elle concerne le traitement des sujets atteint d’une ICC préexistante.

[36]      L’administration du polynucléotide codant pour SERCA2 par infusion est un élément essentiel de la revendication, car l’ICC et la description indiquent que cette voie d’administration évite de déclencher une inflammation dans la zone où le polynucléotide est administré, et qu’elle est nécessaire dans le contexte d’une thérapie à long terme (c.-à-d. à quatre semaines ou plus) pour transduire efficacement un nombre suffisant de cellules cardiaques selon un nombre limité d’administrations (paragraphes 11 et 18 de la description).

[37]      La description porte particulièrement sur les vecteurs VAA et sur un système de vecteurs VAA sans virus assistant adénoviral, ce qui indique que ces éléments sont essentiels. Les exemples indiquent également qu’un tel système de vecteurs permet effectivement de restaurer l’activité de SERCA2 à long terme dans un modèle murin (souris) d’ICC : des augmentations très importantes de tous les paramètres contractiles ont été obtenues dans le cœur des souris du modèle utilisé; les fonctions contractiles sont toutes revenues vers la plage normale (paragraphe 123).

[38]      Afin d’améliorer la contraction de la totalité de l’organe malade, un nombre relativement important de cellules du muscle cardiaque qui sont touchées, c.-à-d. environ 50 %, doit être transduit pour exprimer SERCA2 et donc rétablir l’activité enzymatique normale.

Revendication 2

[39]      La seule autre revendication indépendante, la revendication 2, n’est pas fondée sur une utilisation médicale de type « suisse »; il s’agit plutôt d’une revendication directe de l’utilisation d’un polynucléotide codant pour SERCA2. Mis à part la forme différente, l’utilisation revendiquée est la même que celle de la revendication 1 et est interprétée comme comportant les mêmes éléments essentiels.

Revendications dépendantes 3 et 4

[40]      Les revendications 3 et 4 dépendent respectivement des revendications 1 et 2. Chacune est liée à l’un des deux indicateurs possibles de l’amélioration du rendement du cœur qui sont mentionnés dans l’élément (vii) de la revendication 1, à savoir l’augmentation de la vitesse de la contraction systolique et l’augmentation de la vitesse du relâchement diastolique du muscle cardiaque du sujet. 

La méthode en 4 étapes pour établir l’évidence (Sanofi)

Étape 1 : Identifier la « personne versée dans l’art » et les connaissances générales courantes de cette personne

[41]      La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes ont déjà été établies aux paragraphes 18 à 24.

Étape 2 : Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[42]      Il est déclaré dans la décision finale que [Traduction] « le concept inventif des revendications est l’utilisation d’un vecteur de virus adéno-associé codant pour le polynucléotide SERCA2 dans un médicament adapté pour l’infusion dans le cœur d’un humain afin d’améliorer le rendement d’un cœur atteint d’insuffisance cardiaque, où 50 % des cellules cardiaques touchées expriment SERCA2 ».

[43]      Dans ses observations, le demandeur a également indiqué que [Traduction] « le concept inventif concerne l’utilisation d’un vecteur VAA codant pour SERCA2 pour restaurer la fonction cardiaque et ainsi traiter l’insuffisance cardiaque associée à une diminution de l’activité endogène de SERCA2 chez un sujet humain ayant déjà reçu un diagnostic de contractilité réduite, où le médicament est utilisé pour l’infusion dans le cœur du sujet et la transduction dans les cellules défaillantes pour l’expression d’une quantité thérapeutiquement efficace de SERCA2, où environ 50 % des cellules cardiaques touchées expriment SERCA2 ». 

[44]      À notre avis, il est évident qu’en l’espèce, à la lecture de l’ensemble du mémoire descriptif, le concept inventif de la revendication 1 et de la revendication 2 est la combinaison des éléments essentiels énoncés précédemment au paragraphe 33.

[45]      Aucun autre concept inventif concernant les revendications n’est mentionné dans la décision finale et aucune des observations présentées par le demandeur ne suggère la présence d’autres éléments distinctifs dans les revendications. Ce concept inventif s’applique aux revendications 1 et 2. Comme il a été mentionné précédemment, les revendications dépendantes 3 et 4 ont une portée plus étroite, puisqu’elles se limitent à chacune des deux mesures possibles d’amélioration du rendement du cœur énoncées dans les revendications 1 et 2.

Étape 3 : Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation

[46]      Il existe deux publications de l’art antérieur au dossier. La première est la pièce Fraley et coll. (Fraley) qui a été mentionnée dans la décision finale :

Fraley, et coll., Sustained Sarcoplasmic Reticulum Ca2+-ATPase 2A Transgene Expression Mediated by AAV Results in Improved Contractility in a Mouse Model of Decreased Cardiac Function, Circulation, vol. 106, 5 novembre 2002, Page II-31.

[47]      La deuxième publication de l’art antérieur au dossier a été portée à notre attention à la suite de la première observation post-audience du demandeur datée du 15 octobre 2014. Le comité de révision était d’avis que cette observation soulevait de nouvelles questions, y compris celle de savoir si une nouvelle pièce d’art antérieur s’appliquait à l’évaluation de l’évidence. La nouvelle pièce d’art antérieur est la pièce Miyamoto, et elle a été mise au dossier dans la lettre post-audience du comité de révision datée du 15 décembre 2014 :

Miyamoto et al., Adenoviral gene transfer of SERCA2a improves left-ventricular function in aortic-banded rats in transition to heart failure, Proc Natl Acad Sci, vol. 97: 793-798, 2000.

Fraley

[48]      La pièce Fraley est un résumé tiré des actes d’un congrès scientifique. Il a été coécrit par M. Dillmann, l’un des inventeurs de la présente invention. De façon générale, ce résumé décrit l’obtention de résultats prophylactiques favorables après qu’un vecteur VAA-SERCA2 a été administré à un modèle murin (souris) d’ICC et explique que ces souris ont ensuite été testées pour vérifier la protection contre le développement d’une contractilité réduite du cœur.

[49]      La pièce Fraley et les revendications 1 et 2 du concept inventif présentent une différence, soit le moment où le vecteur VAA codant pour SERCA2 est administré. Dans Fraley, le traitement est de nature prophylactique parce que le VAA-SERCA2 est administré avant que l’ICC ait été établi dans le modèle murin. Les effets sont évalués après que les symptômes de la maladie sont induits. En revanche, le concept inventif concerne le traitement de la maladie établie et nécessite l’administration du VAA-SERCA2 une fois la maladie développée. Comme Fraley ne décrit ni la transduction des cellules cardiaques « touchées » (et pas selon un niveau de 50 %), ni la restauration de l’activité de SERCA2 à des niveaux endogènes normaux, Fraley  n’enseigne pas une fonction cardiaque améliorée.

[50]      En outre, Fraley ne décrit aucun traitement chez les humains, ni administration par infusion ou utilisation d’un vecteur VAA sans virus assistant adénoviral.

[51]      En bref, les enseignements de Fraley diffèrent du concept inventif sur les points suivants :

(i)     il n’y a aucune description d’un traitement chez les humains;

(ii)   il n’y a aucune description d’un traitement d’une ICC existante;

(iii)  il n’y a aucune description d’une transduction des cellules cardiaques « touchées » selon un niveau de 50 % ni de restauration de l’activité SERCA2 à des niveaux endogènes normaux;

(iv)  le vecteur a été administré par injection et non par infusion;

(v)   il n’y a aucune description du fait que le système de vecteurs VAA correspond à un vecteur viral sans virus assistant adénoviral.

Miyamoto

[52]      Miyamoto décrit des études effectuées sur un modèle murin (rat) d’ICC dans lequel un polynucléotide codant pour SERCA2 est administré avec un vecteur adénoviral à des cellules d’un cœur en transition vers une ICC. Les auteurs concluent que [Traduction] « dans un modèle animal d’insuffisance cardiaque où les niveaux de protéines SERCA2a et l’activité sont diminués et où une importante dysfonction contractile est présente, la surexpression de SERCA2a in vivo restaure les fonctions systolique et diastolique à des niveaux normaux » (voir le résumé).

[53]      Les limites de l’étude sont notées et les auteurs reconnaissent que [Traduction] « les résultats obtenus dans ce modèle murin (rat) d’insuffisance cardiaque ne s’appliquent pas nécessairement aux cellules cardiaques humaines défaillantes et qu’il s’agissait d’une invention d’urgence, puisque l’expression SERCA2a était transitoire ».

[54]      L’article conclut en mentionnant que les résultats indiquent qu’il est possible de sauver un cœur en insuffisance par l’expression de SERCA2, mais souligne que pour maintenir l’amélioration obtenue, il faudrait probablement cibler plusieurs anomalies moléculaires autres que SERCA2.

[55]      Nous remarquons qu’un commentaire dans l’article de Miyamoto  figure aussi dans l’article de synthèse de White; on y indique que [Traduction] « ces études sont encourageantes », mais qu’elles sont limitées en raison du manque de données portant sur le moment après la période d’urgence, suivant l’administration du polynucléotide codant pour SERCA2 (p. 40). En outre, [Traduction] « les effets à long terme (ou même des données plus significatives sur les effets à court terme) de cette démarche n’ont pas encore été documentés. Reste à savoir si cette stratégie cible une anomalie fondamentale de la dysfonction cardiaque et donc peut empêcher ou renverser l’insuffisance cardiaque, ou si elle améliore simplement la contractilité de manière transitoire ».

[56]      Miyamoto suggère en page 798 que d’autres vecteurs, y compris les vecteurs VAA, pourraient être utilisés à l’avenir pour remédier aux lacunes constatées avec les vecteurs adénoviraux qu’ils ont utilisés. En ce qui concerne l’utilisation possible de vecteurs VAA, nous remarquons que Miyamoto renvoie le lecteur à l’article de Svensson, dont il a été question précédemment au paragraphe 24. Nous notons aussi que l’article de Svensson ne mentionne pas l’utilisation de vecteurs VAA sans virus assistant adénoviral.

[57]      Les descriptions de Miyamoto diffèrent du concept inventif sur les points suivants :

a)      les traitements ont été exécutés sur un modèle murin (rats) et non sur des humains;

b)      Miyamoto utilise un vecteur adénoviral plutôt qu’un vecteur VAA;

c)      il n’y a aucune description d’une transduction d’environ 50 % des cellules cardiaques touchées avec un vecteur VAA;

d)     le vecteur a été administré par injection et non par infusion;

e)      il n’y a aucune description du fait que le système de vecteurs VAA correspond à un vecteur de virus sans virus assistant adénoviral;

f)       il n’y a aucune description du fait que les effets observés étaient détectables plus de 4 semaines après l’administration.

[58]      La pièce Miyamoto et le concept inventif présentent une autre différence, Miyamoto décrit un cœur en « transition » vers une insuffisance cardiaque, alors que le concept inventif décrit un cœur dont l’insuffisance a été établie.

[59]      Après avoir revu Miyamoto et les deuxièmes observations post-audience du demandeur à cet égard, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art reconnaîtrait la différence entre un cœur en transition vers une insuffisance et un cœur déjà malade; le premier étant un cœur « en transition d’une hypertrophie compensée vers une insuffisance cardiaque » (voir le résumé de Miyamoto) et le second étant un cœur dont l’insuffisance a été établie. Cependant, nous ne croyons pas que, comme l’a aussi fait valoir la Requérante, la personne versée dans l’art considérerait les travaux réalisés par Miyamoto comme étant de nature prophylactique. Il y a des indications qui montrent que la maladie avait commencé dans le modèle animal utilisé (voir le tableau 1, à titre d’exemple).

Résumé des différences entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif de la revendication

[60]      Il existe plusieurs différences entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif de la revendication. En voici un résumé :

(1)   Fraley et Miyamoto ont fait des expériences précliniques sur des modèles murins d’ICC, et non sur des humains.

(2)   Miyamoto a utilisé un modèle dans lequel les cœurs étaient en transition vers une insuffisance cardiaque, a administré un polynucléotide codant pour SERCA2 à l’aide d’un vecteur différent (un vecteur adénoviral plutôt qu’un vecteur VAA) et n’a pas atteint d’effet restaurateur à long terme comme celui détecté à 4 semaines ou plus postadministration.

(3)   Fraley a administré un polynucléotide codant pour SERCA2 à des cœurs en santé et a seulement observé l’effet prophylactique et non l’effet restaurateur.

(4)   Ni Fraley ni Miyamoto ne décrivent l’utilisation de système de vecteurs VAA sans virus assistant adénoviral.

(5)   Ni Fraley ni Miyamoto n’ont décrit la combinaison d’éléments qui figurent dans le concept inventif et qui nécessitent [Traduction] « qu’environ 50 % des cellules cardiaques touchées expriment le SERCA2 pour remplacer l’activité endogène normale de SERCA2... qui est détectable à 4 semaines ou plus postadministration ».

(6)   Ni Fraley ni Miyamoto ne décrivent l’administration d’un polynucléotide codant pour SERCA2 par infusion; les deux décrivent une administration par injection.

Étape 4 : Ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Observations et déclarations

[61]      Des observations et des déclarations ont été inscrites au dossier dans le cadre de l’instruction de la demande et de cette révision et elles s’avèrent utiles pour l’analyse de l’évidence. Elles comprennent :

         Une déclaration de M. Brian Jaski. La déclaration Jaski a été soumise à l’Office pendant l’instruction de la demande afin de corroborer la revendication du demandeur, et nous convenons avec l’examinateur et le demandeur qu’elle contient de l’information qui concerne le degré d’imprévisibilité de la technique.

         La première déclaration Dillmann. M. Wolfgang Dillmann est l’inventeur de la présente invention et d’autres brevets octroyés. La première déclaration Dillmann a été soumise à l’Office dans le cadre des observations écrites du demandeur précédant l’audience, datées du 24 septembre 2014. De façon générale, la première déclaration souligne l’actuelle démarche adoptée par les inventeurs pour développer la présente invention.

         La deuxième déclaration Dillmann. La deuxième déclaration Dillmann accompagnait les premières observations post-audience du demandeur, datées du 15 octobre 2014. Elle contient de l’information relative au degré d’imprévisibilité de la transfection de cellules du muscle cardiaques endommagées selon des nombres suffisants pour restaurer les niveaux de SERCA2.

         Un article scientifique de Suarez et coll., cité dans la deuxième déclaration Dillmann, a été coécrit par M. Dillmann et publié le 15 juillet 2004. Il contient de l’information s’appliquant au degré d’imprévisibilité de la technique après la date de revendication.

Facteurs relatifs à l’essai allant de soi

[62]      La question est celle de savoir si les différences entre le concept inventif et l’état de la technique constituent des étapes qui nécessitent un certain degré d’inventivité. L’évaluation des différences ne peut pas être fondée sur une analyse a posteriori (Janssen-Ortho).

[63]      C’est à cette étape de l’analyse de l’évidence que la Cour suprême, dans Sanofi, a établi plusieurs considérations d’« essai allant de soi », notées ci-dessus au paragraphe 13. La Requérante a été informée dans notre première lettre d’examen qu’un examen portant sur l’« essai allant de soi » était considéré comme pertinent en l’espèce.  

(1)   Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?

Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

[64]      Les connaissances générales courantes sous-entendent qu’une méthode de traitement de l’ICC suppose l’augmentation de l’activité de SERCA2 dans les cellules du muscle cardiaque (article de synthèse de Dillmann p. 69). Il existait aussi des modèles murins d’ICC considérés comme acceptables pour prédire les conditions d’ICC chez l’humain. Fraley a obtenu des résultats prophylactiques et d’expression durable de SERCA2 dans un modèle murin (souris) à l’aide d’un système de vecteurs VAA. Miyamoto a obtenu une restauration transitoire de la fonction cardiaque à l’aide d’un système de vecteurs adénoviraux dans un modèle murin (rat).

[65]      Cependant, la question ici est celle de savoir si l’invention, de manière plus ou moins évidente, devrait fonctionner pour le traitement durable d’une ICC établie, et non pour une prophylaxie comme le décrit Fraley  et comme il a été soutenu dans la décision finale et le résumé des motifs. En outre, il faut se demander si l’invention fonctionnera sur les humains à long terme, et non de manière transitoire comme l’a décrit Miyamoto. Après avoir examiné le dossier dans son ensemble, nous sommes d’avis qu’il n’est pas évident que l’essai de l’invention serait fructueux.

[66]      À l’encontre des résultats encourageants énoncés dans l’état de la technique, on note d’abord que la thérapie génique sur le cœur humain demeure, de façon générale, un domaine imprévisible (déclaration Jaski, paragraphe 8). Dans le domaine précis de la recherche sur l’ICC, des cibles moléculaires autres que SERCA2 ont été identifiées. Miyamoto avait travaillé avec SERCA2, mais il croyait qu’il serait probablement nécessaire de cibler d’autres anomalies moléculaires.

[67]      À notre avis, les avertissements que contiennent les documents au dossier indiquent également que l’état de la technique n’était pas si avancé pour que les personnes versées dans l’art connaissent un nombre fini de solutions prévisibles établies. Miyamoto a reconnu que les résultats obtenus à l’aide de son modèle murin (rat) pouvaient ne pas s’appliquer aux cellules cardiaques humaines défaillantes et que sa stratégie ne serait pas satisfaisante pour le traitement à long terme d’une ICC établie; les résultats étaient transitoires. Dans son article de synthèse, White se demande si cette stratégie [Traduction] « cible une anomalie fondamentale de la dysfonction cardiaque et donc peut empêcher ou renverser l’insuffisance cardiaque, ou si elle améliore simplement la contractilité de manière transitoire ».

[68]      Nonobstant la connaissance de résultats favorables pour la prophylaxie et le savoir obtenu de Miyamoto sur la restauration transitoire de la fonction cardiaque, l’article de Suarez confirme que le domaine est imprévisible (voir le résumé). Cet article indique que les chercheurs ne savent toujours pas s’il est possible d’obtenir un traitement durable pour une maladie établie, même après la date de production de la présente demande. 

[69]      Les documents au dossier indiquent aussi qu’on ne sait pas avec certitude s’il est possible d’obtenir des niveaux adéquats de transduction de cellules du muscle cardiaque endommagées à l’aide d’un vecteur VAA. Il y a eu litige sur ce point pendant l’instruction de la demande. Bien qu’au paragraphe 122 de la présente description il soit indiqué que l’efficacité généralement connue du VAA pour la transduction est d’environ 50 % des cellules du muscle cardiaque, après avoir revu l’ensemble des documents et observations au dossier, nous ne sommes pas convaincus qu’il a été établi que les cellules du muscle cardiaque endommagées pouvaient, de manière prévisible, être transduites selon le niveau requis pour l’obtention d’un traitement restaurateur de la totalité d’un cœur malade. 

[70]      À cet égard, la deuxième déclaration Dillmann (paragraphe 5) nous indique qu’il n’a pas la certitude qu’un nombre suffisant de cellules peut être altéré de manière à influer sur la contractilité de la totalité de l’organe (p. ex. au moins la moitié des cellules du cœur) et que des résultats favorables au moment où l’insuffisance cardiaque débute ne permettent pas de prévoir qu’il en serait de même bien après que des dommages soient survenus.

[71]      En outre, la pièce de Miyamoto et les articles de synthèse de White et d’Isner font tous référence à l’article de Svensson lorsqu’il est question de la transduction du VAA. Svensson ne fait pas mention d’une transduction efficace des cellules du muscle cardiaque endommagées. Il ne parle pas non plus de la restauration d’une fonction enzymatique perdue. Compte tenu de toute l’information au dossier, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art ne considérerait pas qu’il est évident qu’une transduction, à l’aide d’un système de VAA et selon le niveau d’efficacité requis de 50 %, dans les cellules cardiaques atteintes s’avérerait efficace.

[72]      Ce facteur s’applique en faveur de la non-évidence des revendications 1 et 2.

(2)   Quelles sont la nature et l’ampleur des efforts requis pour réaliser l’invention?
Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[73]      Gardant à l’esprit le fait que le deuxième facteur est tiré du point de vue de la personne versée dans l’art à la période pertinente sans rétrospection, nous sommes d’avis que l’information au dossier ne permet pas d’établir qu’il n’a suffi que d’une seule expérimentation de routine.

[74]      Ni Fraley ni Miyamoto n’indiquent clairement comment utiliser un système de vecteurs VAA sans virus assistant adénoviral comme le requiert le concept inventif. Comme il en a été question précédemment, cette différence représente une solution à un obstacle rencontré pendant l’actuelle démarche adoptée par les inventeurs : ils n’étaient pas capables d’incorporer des niveaux suffisants de SERCA2 dans les cellules du muscle cardiaque en raison de la contamination des compositions de vecteurs VAA par l’adénovirus (première déclaration Dillmann, paragraphes 9 et 10).

 

[75]      Fraley ne dit rien à ce sujet. D’autres types de systèmes de VAA étaient connus, mais cela ne veut pas dire que le système de VAA de Fraley était nécessairement exempt d’un virus assistant adénoviral. Même si les systèmes de VAA sans virus assistant adénoviral étaient soi-disant connus, l’information au dossier ne permet pas d’établir qu’il était habituel d’utiliser un tel système dans le contexte précis de la présente invention, à savoir le traitement réparateur d’une ICC.

[76]      Au contraire, dans le contexte du traitement réparateur d’une ICC, Miyamoto renvoie la personne versée dans l’art au système de vecteurs VAA décrit dans l’article de Svensson. Cependant, l’article de Svensson ne décrit aucun système de vecteurs VAA sans virus assistant adénoviral ni ne renvoie la personne versée dans l’art à l’utilisation d’un tel système.

[77]      En ce qui concerne l’ampleur des efforts requis pour réaliser l’invention, la différence entre la date de publication de Fraley et la date de priorité de la présente demande est d’environ deux mois, ce qui pourrait laisser entendre que l’effort qui aurait été requis pour réaliser l’invention n’était pas fastidieux. Cependant, cela supposerait que la personne versée dans l’art et les inventeurs étaient sur un pied d’égalité. Si l’on se rappelle Beloit, [Traduction] « il ne s’agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour résoudre le problème. Un inventeur est par définition inventif ».

[78]      À notre avis, la personne versée dans l’art et les inventeurs n’auraient pas été sur un pied d’égalité au moment où l’invention a été réalisée. Dr Dillmann, étant coauteur du résumé de Fraley, connaissait la recherche de Fraley depuis plus longtemps et était familier avec ses principes. Dr Dillmann est un chercheur d’expérience qui compte des brevets octroyés à son actif. Ce sont lui et ses co-inventeurs, qui semblent posséder la faculté d’invention, qui avaient la main haute sur l’invention. Ce sont eux qui ont pour la première fois réussi à traiter à long terme une maladie établie dans un modèle animal, en s’appuyant sur leurs connaissances et leurs instincts. Nous ne caractériserions pas ce travail comme étant un effort habituel déployé par la personne versée dans l’art.

 

[79]      Miyamoto suggère une possible utilisation de vecteurs de VAA, entre autres, pour aborder les problèmes observés dans le cadre de ses études. Cependant, le fait que les connaissances liées au travail de Miyamoto étaient accessibles trois ans avant la date de priorité de la présente demande laisse entendre que d’autres chercheurs ne sont pas arrivés directement à l’invention, même si l’on peut soutenir qu’il aurait été logique de le faire suivant le prolongement des travaux de Miyamoto.

[80]      Ce facteur s’applique en faveur de la non-évidence des revendications 1 et 2.

(3)   L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème auquel le brevet a répondu?

[81]      L’art antérieur et les connaissances générales courantes pourraient décrire une certaine motivation à trouver la solution au problème auquel la demande répond, puisque Fraley et Miyamoto ont testé des hypothèses, fondées sur la transduction de SERCA2, qui ne sont pas incompatibles avec la solution abordée par la demande. Fraley s’attarde à la prophylaxie, alors que Miyamoto se penche sur la possibilité de récupérer un cycle calcium perturbé et d’améliorer la fonction cardiaque par la restauration de SERCA2. Cependant, comme il est indiqué précédemment, toute motivation serait atténuée par l’incertitude de l’état de la technique.

[82]      Dans le dossier dont nous sommes saisis, nous considérons donc que ce facteur ne s’applique ni en faveur ni à l’encontre d’une conclusion d’évidence relativement aux revendications 1 et 2.

(4)   Quelles sont les mesures concrètes ayant mené à l’invention?

[83]      Contrairement aux trois autres, le quatrième facteur est nécessairement pris en considération du point de vue des inventeurs.

[84]      Dans la première déclaration de M. Dillmann (paragraphes 9 et 10), il déclare que ses co-inventeurs et lui n’ont pas réussi à incorporer des niveaux suffisants de SERCA2 dans les cellules musculaires cardiaques parce que leurs premières compositions de vecteurs de VAA étaient contaminées par l’assistant adénoviral requis pour la production de VAA. Une fois ce problème résolu par l’identification d’un système de vecteurs de VAA sans virus assistant adénoviral, les inventeurs ont amorcé les essais in vivo sur des animaux ayant développé la maladie, comme il est indiqué dans l’exemple 1 du présent mémoire descriptif. Les résultats étaient favorables, indiquant pour la première fois une restauration à long terme de la contractilité dans un modèle animal (paragraphe 12). 

[85]      Ce facteur favorise une conclusion de non-évidence, car nous sommes convaincus qu’un effort inventif a réellement été déployé pour résoudre les problèmes rencontrés pendant la réalisation de l’invention. 

Conclusions

[86]      Eu égard aux facteurs liés à l’essai allant de soi, nous estimons que, selon la prépondérance des probabilités, ils corroborent une conclusion de non-évidence.

[87]      Utilisant la sagesse rétrospective interdite, on peut soutenir que l’invention « valait la peine d’être tentée », mais ce n’est pas la démarche appropriée. L’invention doit être un « essai allant de soi », où « allant de soi » signifie « très clair » (Pfizer). Après avoir lu attentivement le dossier, lequel contient des documents qui n’ont pas été soumis à l’examinateur, nous estimons que les différences entre l’idée originale des revendications et l’état de la technique constituent des étapes qui nécessiteraient un certain esprit inventif. 

[88]      En résumé, les revendications 1 et 2 n’auraient pas été évidentes pour la personne versée dans l’art à la date de revendication. Par conséquent, les revendications 3 et 4 n’auraient pas non plus été évidentes.

[89]      Comme il a été conclu que les revendications 1 à 4 au dossier ne sont pas évidentes et qu’elles sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, il n’est pas nécessaire de considérer toute modification proposée aux revendications.

Recommandation de la Commission

[90]      Nous recommandons que le refus soit annulé et que la demande passe à l’étape de l’acceptation, conformément au paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets.

Ed MacLaurin                                                    Paul Fitzner                                      Christine Teixeira

Membre                                                                  Membre                                              Membre

décision

[91]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, le refus de la demande est annulé, et la demande passera à l’étape de l’acceptation.

Agnès Lajoie

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 25e jour de juin 2015

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