Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision du commissaire no 1385

Commissioner’s Decision #1385

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O00

TOPIC: O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 605 357

Application No: 2,605,357


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 605 357 a fait l'objet d'une révision, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BERESKIN & PARR LLP/S.E.N.C.R.L.,S.R.L.

Scotia Plaza

40 King Street West, 40th Floor

Toronto (Ontario)

M5H 3Y2


INTRODUCTION

[1]               La présente affaire a trait à une révision de la demande de brevet no 2605357 [« la demande ‘357 »] ayant pour titre « System and Method for Enhancing the Absorption and Retention of Advertising Material » [Système et méthode permettant d’améliorer la prise en charge et la conservation du matériel publicitaire]. Le demandeur est Crossroads Media Corporation. La demande est fondée sur une demande PCT déposée le 14 décembre 2006; c'est donc cette date qui lui tient lieu de date de dépôt. Le demandeur revendique la priorité sur la base d'une demande déposée aux États-Unis le 6 décembre 2006.

[2]               La demande concerne un système qui comprend une structure d'affichage positionnée à un endroit où circulent des piétons, la structure d'affichage présentant du matériel publicitaire primaire, un serveur publicitaire distant contenant du matériel publicitaire secondaire lié au matériel publicitaire primaire, et un terminal interactif, connecté au serveur publicitaire via un réseau de communication, situé à proximité de la structure d'affichage et servant à obtenir une entrée utilisateur et à présenter le matériel publicitaire secondaire en réponse à l'entrée utilisateur. La demande concerne également une méthode d'affichage et de fourniture d'information avec un tel système.

[3]               Pour les raisons exposées ci-après, nous recommandons que la demande soit rejetée.

HISTORIQUE DU TRAITEMENT DE LA DEMANDE

[4]               La décision finale, qui est en date du 15 juillet 2009, indique  que les revendications ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets parce qu'elles visent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication. La décision finale démontre également que les revendications visent un objet non brevetable qui n'entre pas dans la définition d'« invention » qui est énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans une réponse, en date du 15 janvier 2010, à la décision finale, le demandeur, en vertu du paragraphe 30(5) des Règles sur les brevets, a annulé les revendications qui figuraient dans la demande à ce moment-là et les a remplacées par les revendications 1 à 26, qui sont depuis lors considérées comme les « revendications au dossier ». Le demandeur a fait valoir que les revendications au dossier définissaient un objet non évident et brevetable.

[6]               Dans une réponse complémentaire en date du 29 novembre 2010, le demandeur a présenté des arguments supplémentaires pour étayer sa position selon laquelle les revendications au dossier visent un objet non évident et brevetable.

[7]               Ayant déterminé que les modifications et les arguments du demandeur ne rendaient pas la demande acceptable, l'examinateur a transféré le dossier à la Commission d'appel des brevets, conformément aux dispositions du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Le dossier contenait un Résumé des motifs exposant les raisons pour lesquelles la demande était considérée comme non conforme à la Loi sur les brevets. Le Résumé des motifs portait que l'objection pour cause d'objet non brevetable soulevée à l'encontre du précédent ensemble de revendications 1 à 24 ne s'appliquait pas aux revendications au dossier, mais que ces dernières demeuraient irrégulières pour cause d'évidence. Une copie du Résumé des motifs a été transmise au demandeur le 3 juillet 2013.

[8]               Dans une lettre en date du 16 décembre 2013, le demandeur a présenté des arguments en réponse au Résumé des motifs et soumis à la Commission les revendications proposées 27 à 30 [« les revendications proposées »].

[9]               Le présent comité de la Commission a passé l'affaire en revue puis, dans une lettre en date du 14 février 2014, a formulé des questions en lien avec la démarche pour évaluer l'évidence établie par la Cour suprême du Canada dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, [2008] 3 RCS 265, au par. 67 [« Sanofi »], et offert au demandeur la possibilité de présenter des observations. Le demandeur a répondu dans une lettre en date du 7 mai 2014.

[10]           Une audience a été tenue par vidéoconférence le 14 mai 2014. À l'audience, le demandeur a été informé que, dans l'éventualité où les revendications au dossier (revendications 1 à 26) étaient jugées non acceptables, le comité examinerait les revendications proposées (revendications 27 à 30).

QUESTIONS

[11]           Au vu des motifs de refus exposés dans le résumé des motifs, l'unique question à trancher est de savoir si les revendications visent ou non un objet évident.

PRINCIPES JURIDIQUES

Interprétation téléologique

[12]           L'interprétation téléologique est un exercice d'interprétation qui vise à déterminer la signification et la portée des revendications. L'interprétation des revendications précède l'examen de la validité : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, par. 43 [« Whirlpool »]. L'interprétation téléologique exige que les revendications soient interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art, qui possède les connaissances générales courantes relatives à l'art dont relève l'invention : Whirlpool, par. 53. L'interprétation téléologique a également pour fonction de déterminer quels éléments de l'invention revendiquée sont essentiels et quels éléments sont non essentiels : Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, par. 31 [« Free World Trust »]. Un élément est considéré comme non essentiel si, suivant une interprétation téléologique, le destinataire versé dans l'art constatait qu'il peut être omis ou substitué sans que cela n'ait d'effet substantiel sur le fonctionnement de l'invention (Free World Trust, par. 55). Selon l'énoncé de pratique PN2013-02 intitulé « Pratique d'examen au sujet de l'interprétation téléologique », les éléments essentiels d'une revendication sont ceux qui contribuent à la solution proposée au problème exposé dans la demande.

Évidence

[13]           L'objet visé par une revendication ne doit pas être évident, à la date pertinente, pour les personnes versées dans l'art ou la science. L'article 28.3 de la Loi sur les brevets prévoit que :

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[14]           Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a indiqué qu'il était utile, pour évaluer l'évidence, d'appliquer la démarche en quatre étapes suivante [traduction] :

(1)        a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

ANALYSE

[15]           Les revendications au dossier comprennent quatre revendications indépendantes : 1, 15, 25 et 26. À l'audience, le demandeur a concédé que les revendications dépendantes 2 à 14 et les revendications dépendantes 17 à 24 ne comportaient rien d'inventif en dehors de ce que le demandeur considérait comme inventif dans les revendications indépendantes 1 et 15, respectivement. Le demandeur a, toutefois, soutenu que la revendication dépendante 16 comprenait une caractéristique inventive supplémentaire. Ainsi, les seules revendications qu'il convient d'analyser aux fins de la présente révision sont les revendications 1, 15, 16, 25 et 26. Le demandeur a indiqué que si ces revendications se révélaient évidentes, elle reconnaîtrait que toutes les autres revendications au dossier sont également évidentes.

Revendication 1

[16]           En résumé, la revendication 1 vise un appareil qui permet d'afficher et de fournir du matériel publicitaire et qui est formé de la combinaison des éléments suivants : une structure d'affichage présentant du matériel publicitaire primaire; un serveur distant comprenant une base de données contenant du matériel publicitaire secondaire lié au matériel publicitaire primaire; et un terminal interactif, connecté au serveur distant via un réseau de communication, qui permet à un client potentiel d'effectuer une entrée utilisateur relativement à l'objet du matériel publicitaire primaire et de recevoir du matériel publicitaire secondaire sous une forme physique. La revendication 1 est ainsi formulée :

 

[traduction]
1.  Appareil pour afficher et fournir du matériel publicitaire comprenant :

 

a)  au moins une structure d'affichage configurée pour être positionnée dans ou à proximité d'une voie piétonnière où circulent des piétons, la structure d'affichage comprenant une présentation visuelle voyante et visuellement attrayante destinée à attirer l'attention des clients potentiels circulant à cet endroit, la présentation visuelle comprenant du matériel publicitaire primaire contenant de l'information sur un commerce, un produit ou un service, la structure d'affichage ne permettant pas d'interaction avec les clients potentiels;

 

b)  un serveur publicitaire situé à distance de la structure d'affichage, le serveur publicitaire étant constitué d'un serveur informatique comprenant une base de données, la base de données contenant du matériel publicitaire secondaire lié au matériel publicitaire primaire, le matériel publicitaire secondaire fournissant de l'information supplémentaire conçue pour aider les clients potentiels à décider s'ils choisissent ou non le commerce, le produit ou le service, et une interface réseau de serveur pour assurer la connexion à un réseau de communication; et

 

c)  au moins un terminal interactif séparé de la structure d'affichage, mais positionné à proximité de cette dernière, de façon à ce que la présentation visuelle ne soit ni obstruée ni dérangée par un utilisateur du terminal interactif, le terminal interactif comprenant une interface réseau de terminal connectée au réseau de communication, un module d'entrée utilisateur pour recevoir des entrées utilisateurs de la part de clients potentiels, un processeur pour traiter les entrées utilisateurs et pour extraire le matériel publicitaire secondaire du serveur via l'interface réseau du terminal, et un module de sortie utilisateur pour transmettre le matériel publicitaire secondaire aux clients potentiels;

 

d)  le module de sortie utilisateur comprenant un périphérique de sortie permettant de fournir le matériel publicitaire secondaire aux clients potentiels sous une forme physique afin que les clients potentiels puissent conserver le matériel publicitaire secondaire lorsqu'ils s'éloignent du terminal interactif et l'examiner à un moment ultérieur.


 

Revendication 1, interprétée téléologiquement

 

[17]           Étant donné que les revendications doivent être envisagées du point de vue de la personne versée dans l'art à la lumière de ses connaissances générales courantes, il convient en premier lieu d'identifier cette personne et de déterminer ses connaissances.

La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes pertinentes

[18]           Nous avons passé en revue les observations du demandeur, en particulier la lettre du demandeur en date du 7 mai 2014 et les arguments présentés par le demandeur à l'audience, et nous en retenons de ces derniers que la personne versée dans l'art posséderait une expérience dans la création d' [traduction] « affichages interactifs en réseau à des fins publicitaires », et que les connaissances générales courantes de cette personne comprendraient les suivantes :

•           bonne connaissance des concepts de base de la publicité;

•           aptitudes moyennes en programmation;

•          bonne connaissance des techniques de programmation d'interface utilisateur et de la programmation de base de données en réseau;

•           compréhension de profane de la psychologie du consommateur ou du marketing;

•           connaissance de l'affichage publicitaire classique, y compris l'affichage statique.

[19]           Nous acceptons la caractérisation de la personne versée dans l'art établie par le demandeur, ainsi que les connaissances générales courantes de cette personne, et les utilisons aux fins de notre analyse.

Signification de certains termes des revendications

[20]           Avant de déterminer les éléments essentiels de la revendication 1, nous préciserons le sens de deux termes employés dans les revendications : « matériel publicitaire » et « séparé ».

« matériel publicitaire »

[21]           En ce qui concerne le terme « matériel publicitaire », les réalisations exemplaires de l'invention qui sont divulguées dans la description ont trait à des produits et services offerts par des commerçants ou des fournisseurs. Il est fait mention dans la description d'un catalogue présentant des articles offerts en vente dans un magasin, ainsi que de produits tels que des vêtements, des livres, des téléphones cellulaires et des automobiles, et de services tels que des services de coiffure et des services consultatifs et professionnels. Or, la personne versée dans l'art donnerait au terme « matériel publicitaire » un sens plus large englobant toute information présentée au public, indépendamment de la question de savoir si l'information a pour but de générer des ventes ou des revenus. La personne versée dans l'art comprendrait que le fait que l'information se rapporte ou non à des produits et services offerts en vente n'aurait aucun effet sur le fonctionnement de l'invention.     

            « séparé »

[22]           Dans sa lettre du 14 février 2014, le comité a invité le demandeur à fournir des précisions quant à la façon d'interpréter le terme « séparé » dans l'expression [traduction] « un terminal interactif séparé de la structure d'affichage, mais positionné à proximité de cette dernière ». Dans sa réponse du 7 mai 2014, le demandeur a indiqué qu'il fallait donner à ce terme son sens ordinaire, c'est-à-dire de ne pas être rattaché à quelque chose, d'en être physiquement séparé. Le demandeur a également souligné que la description et les dessins concordaient avec cette signification. Plus particulièrement, dans sa lettre du 7 mai 2014, le demandeur insiste sur le fait qu'il est indiqué au par. [0050] de la description que le terminal est situé [traduction] « près » de la structure d'affichage, et que cela suggère que le terminal interactif et la structure d'affichage ne sont pas physiquement solidaires. Le demandeur soutient également que la Figure 1 confirme cette interprétation.

[23]           À la lumière de ce qui précède, nous sommes d'avis que la personne versée dans l'art interpréterait le terme « séparé » comme signifiant « physiquement séparé ».

Les éléments essentiels de la revendication 1

            Le problème exposé dans la demande

[24]           Quelques exemples de systèmes et méthodes antérieurs d'affichage de matériel publicitaire sont donnés dans la section de la description sur le contexte de l'invention (pages 1 et 2). Il est également indiqué dans la description (aux par. [0002] à [0004]) que le problème des systèmes antérieurs tient au fait que ces derniers ne permettent pas de fournir de l'information personnalisée et détaillée présentant un intérêt pour un client potentiel.

            La solution proposée au problème

 

[25]           Dans la section sur le résumé de l'invention (par. [0005] à [0009]), la solution technique proposée par le demandeur pour remédier à ce problème est décrite, de façon générale, comme consistant en un système formé de la combinaison d'une structure d'affichage non interactive, d'un serveur contenant une base de données et d'un terminal interactif séparé connecté au serveur, le terminal interactif comportant un module d'entrée utilisateur, un processeur et un module de sortie utilisateur, et en une méthode exécutée à l'aide de ce système.

[26]           La personne versée dans l'art déterminerait que les éléments suivants font partie de la solution au problème mentionné au par. [24] et sont, de ce fait, des éléments essentiels de la revendication 1 :

           une structure d'affichage non interactive qui présente de l'information primaire;

           un serveur comportant une base de données contenant de l'information secondaire liée à l'information primaire;

           un terminal interactif séparé de la structure d'affichage, mais positionné à proximité de cette dernière, de façon à ce que la présentation visuelle de l’affichage ne soit ni obstruée ni dérangée par un utilisateur du terminal interactif;

           le terminal interactif connecté au serveur contenant l'information secondaire;

           le terminal interactif comportant un module d'entrée utilisateur qui reçoit des entrées utilisateurs de la part de clients potentiels, un processeur qui traite les entrées utilisateurs et extrait l'information secondaire du serveur, et un module de sortie utilisateur pour présenter l'information secondaire aux clients potentiels sous une forme physique.

[27]           En ce qui concerne les revendications au dossier, et compte tenu de l'énoncé de pratique PN 2013-03 intitulé « Pratique d'examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », on peut soutenir qu'au moins certains des éléments revendiqués remédient à des problèmes qui ne sont pas de nature informatique, p. ex., retenir l'intérêt de clients potentiels pendant un long laps de temps, et accroître les taux d'absorption et de rétention du message. S'il appert que tous les éléments des revendications sont destinés à corriger des problèmes non informatiques, les revendications pourraient être considérées comme visant un objet non brevetable. Toutefois, étant donné nos conclusions quant à la question de l'évidence, nous n'avons pas à disposer de cette question dans le cadre de notre révision de la présente affaire.

L'évidence, évaluée conformément à la démarche de Sanofi

(1)a)  Identifier la « personne versée dans l’art »

[28]           La personne versée dans l'art est identifiée au par. [18].

(1)b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[29]           Les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l'art sont énoncées au par. [18].

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[30]           Compte tenu du problème que le demandeur cherche à corriger et de la solution fournie par l'invention revendiquée, nous considérons que les éléments essentiels de la revendication 1, tels qu'ils sont énoncés au par. [26], sont représentatifs du concept inventif [idée originale] de la revendication. Cette interprétation concorde avec la façon dont le demandeur a caractérisé le concept inventif de la revendication 1 dans sa lettre du 16 décembre 2013, ainsi qu'avec le complément d'information qu'il a fourni à l'audience.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

[31]           Les références suivantes sont citées dans la décision finale et dans le résumé des motifs :

Demandes de brevet :

D1 : US 2002/0098001 A1     publiée le 25 juillet 2002         Dahl

D2 : US 2002/0124271 A1     publiée le 5 septembre 2002    Herrmann

D3 : US 2006/0059047 A1     publiée le 16 mars 2006          Cardone

 

[32]           Il est indiqué dans la décision finale que les revendications étaient évidentes eu égard aux documents D1, D2 et D3 à la lumière des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. Le demandeur, dans sa réponse à la décision finale, dans ses réponses aux questions du comité et dans le cadre des arguments qu'elle a présentés à l'audience, n'a cessé de plaider la non-évidence de ses revendications par rapport aux références, considérées aussi bien séparément que collectivement, et aux connaissances générales courantes. Nous sommes d'avis que le document D2, qui divulgue un terminal d'affichage média comprenant un grand écran à orientation verticale qui peut être divisé en plusieurs sections pour présenter différents contenus susceptibles d'intéresser différents groupes d'un auditoire, n'est pas particulièrement pertinent par rapport à l'objet revendiqué dans la présente demande. Par conséquent, notre analyse de l'évidence est fondée sur les documents D1 et D3, considérés du point de vue de la personne versée dans l'art à la lumière des connaissances générales courantes dans l'art.

[33]           Le document D1 divulgue un affichage électronique grand format combiné à un terminal interactif sur un seul et même écran. Le système comprend deux modes d'affichage : un premier mode, actif lorsque personne n'utilise le terminal interactif et dans lequel la totalité de l'écran d'affichage électronique présente du matériel publicitaire; et un second mode, actif lorsqu'un passant utilise le terminal interactif et dans lequel les images du terminal interactif s'affichent dans la section inférieure de l'écran d'affichage électronique tandis que le matériel publicitaire continue de s'afficher dans la section supérieure de l'écran d'affichage. En situation d'emploi, l'affichage électronique grand format a pour but de présenter des images capables d'attirer l'attention des passants. Lorsqu'un passant se trouve à une courte distance du système, sa présence est décelée par un détecteur de mouvement, ce qui amène l'ordinateur à remplacer le matériel qui est affiché par un message invitant le passant à utiliser le terminal interactif. Lorsqu'un passant intéressé s'approche du terminal et touche un clavier, un pavé tactile ou un écran tactile intégré à la section inférieure de l'écran d'affichage, le second mode d'affichage est activé, et l'utilisateur peut accéder à de l'information stockée dans un périphérique connecté au terminal ou à de l'information contenue dans des sites Web grâce à une connexion Internet. Dans un exemple d'application du système, le système présente une image grand format d'un complexe immobilier visant à attirer l'attention des passants, tandis que le terminal interactif fournit un accès à de l'information plus détaillée au sujet du complexe, p. ex. de l'information sur les produits qui sont offerts en vente, l'emplacement des magasins de vente au détail, et de l'information sur les restaurants et les événements. Grâce à une connexion Internet, l'utilisateur peut consulter des sites Web commerciaux d'annonceurs et effectuer des transactions. Le système comprend également une imprimante, connectée au terminal, qui permet d'obtenir des copies des détails de chaque transaction effectuée.

[34]           Le document D3 divulgue un système d'affichage de communications grand format, qui diffuse du contenu média tel que des vidéos et des bannières publicitaires, et un module interactif séparé doté d'un écran de visualisation et d'un dispositif d'interface tel qu'un clavier, une souris ou un écran tactile, lequel module fournit sans frais un accès Internet à l'utilisateur. Le document D3 dévoile une réalisation dans laquelle une ou plusieurs organisations commerciales peuvent acheter un espace publicitaire par le truchement du module interactif et/ou du système d'affichage de communications, afin que leur publicité soit présentée aux utilisateurs.

[35]           Le demandeur a fait valoir à l'audience que trois des caractéristiques du concept inventif ne faisaient pas partie de l'état de la technique, et que la référence la plus pertinente à cet égard était le document D1 :

i           la structure d'affichage non interactive servant à présenter du matériel publicitaire primaire [information] est séparée du terminal interactif, mais située à proximité de ce dernier;

ii          le terminal interactif fournit du matériel publicitaire secondaire [information] qui procure de l'information supplémentaire concernant le matériel publicitaire primaire [information] en fonction des données entrées par l'utilisateur;

iii         le matériel publicitaire secondaire [information] peut être conservé par l'utilisateur sous une forme physique.

[36]           La caractéristique (i) constitue une différence, car elle n'est pas enseignée dans D1.

[37]           La caractéristique (ii) ne constitue pas une différence. Le document D1 fournit un exemple d'application du type de système divulgué, dans lequel une image grand format d'un complexe immobilier est présentée afin d'attirer l'attention des passants (par. [0030] et Fig. 3), tandis que le terminal interactif fournit un accès à de l'information plus détaillée au sujet du complexe, p. ex. de l'information sur les produits qui sont offerts en vente, l'emplacement des magasins de vente au détail, et de l'information sur les restaurants et les événements. (par. [0035] et Fig. 3) en fonction d'une entrée utilisateur (par. [0032]). Comme nous l'avons indiqué au par. [21], la personne versée dans l'art comprendrait que « matériel publicitaire » s'entend de toute information présentée au public. Il s'ensuit que la caractéristique (ii) ne constitue pas une différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 1. En outre, même si le terme « matériel publicitaire » était interprété de façon restrictive, c'est-à-dire comme désignant de l'information visant à générer des ventes ou des revenus, la caractéristique (ii) ne serait pas davantage considérée comme une différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 1, car la personne versée dans l'art comprendrait à la lecture de la section Contexte du document D1 (par. [0003] à [0006]) que l'information primaire inclut la publicité, et à la lecture de la Description détaillée présentée dans le document D1 (par. [0035]) que l'information secondaire comprend du contenu sur les produits 

[38]           La caractéristique (ii) ne constitue pas une différence. À l'audience, le demandeur a souligné que le document D1 divulgue une imprimante thermique (par. [0034]). Le demandeur a concédé que le fait que l'appareil soit pourvu d'une imprimante permettant d'obtenir une sortie de données à partir du terminal interactif ne constituait pas une différence entre l'état de la technique et le concept inventif.

[39]           En résumé, la seule différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 1 tient à la caractéristique (i) : dans l'appareil du demandeur, la structure d'affichage non interactive servant à présenter l'information primaire est séparée du terminal interactif, mais située à proximité de ce dernier, tandis que dans le document D1, l'affichage non interactif et l'affichage interactif ont lieu dans des zones distinctes d'un seul et même écran de visualisation.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[40]           À l'audience, le demandeur a fait valoir que dans le cadre du système du document D1, dans lequel l'affichage électronique grand format et l'affichage du terminal interactif ont lieu dans deux sections d'une même surface d'affichage, un utilisateur du terminal interactif masquerait physiquement une partie de l'affichage électronique grand format qui serait ainsi caché à la vue des passants, de sorte que ces derniers ne seraient pas attirés ou ne s'approcheraient pas du terminal interactif.

[41]           Bien qu'il soit concevable que pareille situation puisse se produire dans certains cas, tout dépendant de la hauteur à laquelle l'écran est installé, de la proportion de l'écran qui est consacrée à l'affichage interactif et de la hauteur totale de l'écran d'affichage, nous soulignons que, dans D1, l'écran d'affichage est conçu pour être vu facilement par les personnes se trouvant à une certaine distance du kiosque (par. [0008] et [0022]) ainsi que pour continuer à présenter une image dans sa section supérieure lorsque le terminal interactif est utilisé (par. [0031]) et, par conséquent, nous considérons qu'à la lumière de D1, la personne versée dans l'art serait portée à fournir, eu égard à ces dimensions, un appareil dans lequel un utilisateur du terminal interactif ne cacherait pas une partie substantielle de l'affichage électronique grand format à la vue des passants. Par conséquent, il ne nous semble pas que le système de D1 présentait un quelconque problème lié à la possibilité que des utilisateurs du terminal interactif puissent physiquement cacher une partie substantielle de l'affichage électronique grand format à la vue des passants, ainsi que l'allègue le demandeur.

[42]           Le demandeur a également fait valoir à l'audience que même si, dans D1, un utilisateur du terminal interactif ne cachait pas, par sa présence, l'affichage grand format à la vue des passants, le simple fait qu'un utilisateur se tienne immédiatement devant l'écran aurait l'effet d'une barrière psychologique sur les autres passants parce que ces derniers verraient bien que l'espace est déjà occupé et qu'en règle générale, les gens s'efforcent de respecter l'intimité des autres.

[43]           Or, même s'il est vrai que, dans un tel scénario, la présence d'un utilisateur au terminal interactif pourrait avoir l'effet d'une barrière psychologique sur les autres personnes s'approchant du terminal interactif (et ce principe s'applique aussi bien à l'invention revendiquée qu'au système divulgué dans D1), nous ne voyons pas en quoi la présence d'un utilisateur au terminal interactif empêcherait les autres passants se trouvant à distance de voir la section  plus imposante de l'écran fractionné, ainsi qu'il est prévu dans D1. Nous considérons que ce prétendu problème concernant le système de D1 n'était pas réellement un problème.

[44]           Compte tenu de la différence entre l'état de la technique et le concept inventif, à savoir la caractéristique (i), c'est-à-dire le fait que la structure d'affichage non interactive soit séparée du terminal interactif tout en étant située à proximité de ce dernier, la personne versée dans l'art aurait compris, à la lecture de D3, que l'utilisation de deux écrans distincts pour l'affichage grand format et le terminal interactif [voir la Fig. 2, et le par. [0026] de D3] demeurait une variante possible par rapport à une réalisation utilisant un seul écran fractionné, même après la publication de D1.

[45]           Il aurait été évident pour la personne versée dans l'art qu'il était possible de modifier l'appareil et la méthode de D1 en appliquant la variante de réalisation connue consistant à utiliser deux écrans distincts pour l'affichage grand format et le terminal interactif au lieu d'un seul écran fractionné remplissant les deux fonctions. La revendication 1 aurait, par conséquent, été évidente  pour la personne versée dans l'art à la lumière de D1, eu égard à D3.

Revendication 15

[46]           La revendication 15 vise une méthode d'affichage et de fourniture d'information qui peut être appliquée à l'aide de l'appareil de la revendication 1. En résumé, la revendication 15 comprend les étapes suivantes : placer une structure d'affichage dans un lieu public; présenter du matériel publicitaire primaire au moyen de la structure d'affichage; susciter une entrée utilisateur relativement à l'objet du matériel publicitaire primaire de la part d'un client potentiel via un terminal interactif; recevoir l'entrée utilisateur; générer du matériel publicitaire secondaire, lié au matériel publicitaire primaire, en réponse à l'entrée utilisateur; et fournir le matériel publicitaire secondaire au client potentiel sous une forme physique. La revendication 15 est ainsi formulée :

[traduction]
15.  Une méthode pour afficher et fournir de l'information, comprenant les étapes suivantes :

 

a)  placer une structure d'affichage comportant une présentation visuelle voyante et visuellement attrayante dans ou à proximité d'une voie piétonnière où circulent des piétons, la structure d'affichage ne permettant pas d'interaction avec les clients potentiels;

 

b)  présenter du matériel publicitaire primaire contenant de l'information sur un commerce, un produit ou un service aux clients potentiels par le truchement de la structure d'affichage;

 

c)  susciter des entrées utilisateurs de la part de clients potentiels par le truchement d'un terminal interactif séparé de la structure d'affichage, mais positionné à proximité de cette dernière, de façon à ce que la présentation visuelle ne soit ni obstruée ni dérangée par un utilisateur du terminal interactif;

 

d)  recevoir les entrées utilisateurs de clients potentiels au moyen d'un module d'entrée du terminal interactif;

 

e)  générer du matériel publicitaire secondaire lié au matériel publicitaire primaire en réponse à l'entrée utilisateur, le matériel publicitaire secondaire fournissant de l'information conçue pour aider les clients potentiels à décider s'ils choisissent ou non le commerce, le produit ou le service;

 

f)  fournir le matériel publicitaire secondaire aux clients potentiels sous une forme physique afin que les clients potentiels puissent conserver le matériel publicitaire secondaire lorsqu'ils s'éloignent du terminal interactif et l'examiner à un moment ultérieur.

[47]           La personne versée dans l'art déterminerait que les étapes suivantes font partie de la solution au problème décelé au par. [24] (c.-à-d. le fait que les systèmes antérieurs ne permettent pas de fournir de l'information personnalisée et détaillée présentant un intérêt pour un client potentiel) et sont, de ce fait, des éléments essentiels de la revendication 15 :

           placer une structure d'affichage dans un lieu public;

           présenter de l'information primaire au moyen de la structure d'affichage;

           susciter une entrée utilisateur relativement à l'objet de l'information primaire de la part de clients potentiels au moyen d'un terminal interactif situé à proximité de la structure d'affichage, mais séparé d'elle;

           recevoir les entrées utilisateurs de clients potentiels au moyen du terminal interactif;

           générer de l'information secondaire, liée à l'information primaire, en réponse à l'entrée utilisateur;

           fournir l'information secondaire aux clients potentiels sous une forme physique.

[48]           Nous ne voyons pas de raison pour laquelle le concept inventif de la revendication 15 correspondrait à quelque chose de plus vaste ou de plus restreint que les éléments essentiels de la revendication 15.

[49]           Le demandeur a indiqué que les différences entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 15 étaient les mêmes que celles de la revendication 1, mentionnées au par. [35] ci-dessus. Toutefois, étant donné que la revendication 15 définit une méthode, nous considérons que les différences alléguées correspondent aux caractéristiques mentionnées au par. [35], mais modifiées de façon à représenter des étapes de méthode, comme suit :

a          susciter une entrée utilisateur relativement à l'objet de l'information primaire de la part de clients potentiels au moyen d'un terminal interactif situé à proximité de la structure d'affichage, mais séparée d'elle;

b          générer de l'information secondaire, liée à l'information primaire, en réponse à l'entrée utilisateur;

c          fournir l'information secondaire aux clients potentiels sous une forme physique.

[50]           S'agissant de la caractéristique (a), l'étape consistant à susciter une entrée utilisateur de la part de clients potentiels relativement à l'objet de l'information primaire au moyen d'un terminal interactif est enseignée dans D1. Cependant, la caractéristique du terminal interactif qui est situé à proximité de la structure d'affichage, mais séparé d'elle n'est pas enseignée dans D1 et constitue une différence.

[51]           Quant à la caractéristique (b), pour les mêmes raisons que celles exposées au par. [37], il ne s'agit pas d'une différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 15.

[52]           Il en va de même pour la caractéristique (c) qui, pour les mêmes raisons que celles exposées au par. [38], ne constitue pas une différence entre l'état de la technique et le concept inventif.

[53]           En somme, la différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 15 est la même que dans le cas de la revendication 1, et est énoncée au par. [39].

[54]           Par conséquent, la revendication 15 aurait été évidente pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication, pour les mêmes raisons que celles exposées relativement à la revendication 1.

Revendication 16

[55]           La revendication 16, qui est dépendante de la revendication 15, comprend les mêmes étapes de méthode que dans la revendication 15, mais l'étape consistant à générer du matériel publicitaire secondaire, elle, comprend une étape supplémentaire consistant à extraire le matériel publicitaire secondaire d'un serveur distant via un réseau de communication.

[56]           Les éléments essentiels de la revendication 16 comprennent les éléments essentiels de la revendication 15 plus la caractéristique supplémentaire consistant à extraire le matériel publicitaire secondaire d'un serveur distant via un réseau de communication.

[57]           À l'audience, le demandeur a fait valoir que le concept inventif de la revendication 16 comprenait le concept inventif de la revendication 15 plus cette caractéristique supplémentaire.

[58]           Étant donné que cette caractéristique fait partie de la solution au problème identifié au par. [24], nous acceptons la façon dont le demandeur définit le concept inventif de la revendication 16.

[59]           Puisque cette caractéristique supplémentaire est divulguée dans D1 (voir le par. [0036], qui traite de la connexion à des sites Web via Internet) et qu'elle ne constitue pas, de ce fait, une différence, il s'ensuit que la différence entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 16 est la même que dans le cas de la revendication 15 (qui est la même que dans le cas de la revendication 1).

[60]           Par conséquent, la revendication 16 aurait été évidente pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication, pour les mêmes raisons que celles exposées relativement à la revendication 1.

Revendication 25

[61]           La revendication 25 est presque identique à la revendication 15, à la différence qu'elle comporte une limitation supplémentaire qui tient à ce que le matériel publicitaire secondaire est personnalisé en fonction de l'entrée utilisateur.

            Signification du terme « information personnalisée » employé dans la revendication

 

[62]           Un exemple d'« information personnalisée » est fourni au par. [0044] de la description :

[traduction]
Un exemple de personnalisation pourrait avoir lieu à un terminal où l'un des dispositifs d'entrée-sortie 50 est une caméra à image fixe, et où le matériel publicitaire secondaire 34 a trait à la mode. Il est possible de prendre une photo du visage du client à l'aide de la caméra à image fixe et de jumeler cette photo avec différentes tenues ou coiffure mode. Le client se sent ainsi beaucoup plus concerné que si seuls les vêtements étaient montrés.

 

[63]           À l'audience, le demandeur a fourni un autre exemple d'information personnalisée : le code postal d'un utilisateur. Nous soulignons que cet exemple trouve appui au par. [0037] de la description, où sont décrits les types de renseignements qui peuvent être entrés par un utilisateur :

[traduction]
Les exemples de renseignements clients requis comprennent le nom, l'adresse, le numéro de téléphone, l'adresse courriel, les renseignements de crédit, le numéro d'identification personnel (NIP), l'emplacement géographique, etc. Les renseignements démographiques sont un autre type de renseignements clients qui peut être utilisé, par exemple, si le matériel publicitaire secondaire contient des données pour présenter à un client des recommandations fondées sur des données démographiques.

 

[64]           Le code postal d'un utilisateur, que le demandeur a donné comme exemple d'information personnalisée, serait considéré par la personne versée dans l'art comme étant du même ordre que l'« adresse » et l'« emplacement géographique ».

[65]           À la lumière de ce qui précède, la personne versée dans l'art considérerait que « information personnalisée » s'entend de renseignements spécifiques à un utilisateur donné qui peuvent être utilisés pour adapter l'information secondaire qui est fournie à cet utilisateur.

[66]           Les éléments essentiels de la revendication 25 comprennent les éléments essentiels de la revendication 15 plus la caractéristique supplémentaire de l'information secondaire qui est personnalisée en fonction de l'entrée utilisateur.

[67]           Étant donné que cette caractéristique fait partie de la solution au problème identifié au par. [24], le concept inventif de la revendication 25 comprend le concept inventif de la revendication 15 plus cette caractéristique supplémentaire.

[68]           Cette caractéristique n'est pas enseignée dans D1 et constitue, de ce fait, une différence supplémentaire.

[69]           En résumé, les différences entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 25 tiennent à la différence comprise dans la revendication 15 (c.-à-d. le fait que dans l'appareil du demandeur, la structure d'affichage non interactive servant à présenter l'information primaire est séparée du terminal interactif, mais située à proximité de ce dernier, alors que dans le document D1, l'affichage non interactif et l'affichage interactif ont lieu dans des zones distinctes d'un seul et même écran d'affichage) et à la caractéristique supplémentaire (c.-à-d. le fait que l'information secondaire est personnalisée en fonction de l'entrée utilisateur).

[70]           La différence tenant au fait que la structure d'affichage non interactive est séparée du terminal interactif tout en étant située à proximité de ce dernier a déjà fait l'objet d'une analyse aux par. [40] à [45], ci-dessus, dans le cadre de l'étape 4 de la démarche de Sanofi.

[71]           Quant à la différence supplémentaire tenant au fait que l'information secondaire est personnalisée en fonction de l'entrée utilisateur, la personne versée dans l'art, possédant une connaissance des techniques de base de marketing, serait au fait de la technique de vente bien connue consistant à poser des questions aux clients potentiels dans le but de cerner leurs besoins, leur budget et leurs préférences, afin de les diriger vers des produits qui correspondent à leurs critères. À titre d'exemple, un vendeur de voitures n'accueillerait pas un client potentiel en lui montrant un à un tous les véhicules stationnés dans la cour, il lui poserait des questions et, en fonction des réponses obtenues, il sélectionnerait un plus petit nombre de véhicules susceptibles de répondre aux exigences du client, puis il montrerait les véhicules en question au client ainsi que toute documentation dont il dispose sur ces véhicules afin de permettre au client de faire un choix plus éclairé.

[72]           Ainsi, l'étape consistant à utiliser de l'information personnalisée obtenue d'un client potentiel pour adapter l'information qui est ensuite fournie à ce client fait partie des connaissances de la personne versée dans l'art.

[73]           Il aurait été évident pour la personne versée dans l'art qu'il est possible de modifier l'appareil et la méthode de D1 en : 1) optant pour la variante connue consistant à utiliser des écrans distincts pour l'affichage grand format et le terminal interactif au lieu d'un seul écran fractionné remplissant les deux fonctions, pour les raisons exposées aux par. [40] à [45]; et 2) en utilisant l'information personnalisée obtenue d'un client potentiel pour adapter l'information qui est fournie à ce client. La revendication 25 aurait donc été évidente pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication à la lumière de D1, eu égard à D3 et aux connaissances générales courantes.

Revendication 26

[74]           La revendication 26 est presque identique à la revendication 1, à la différence qu'elle comporte une limitation supplémentaire qui tient à ce que le matériel publicitaire secondaire est personnalisé en fonction de l'entrée utilisateur.

[75]           Les éléments essentiels de la revendication 26 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 plus la caractéristique supplémentaire de l'information secondaire qui est personnalisée en fonction de l'entrée utilisateur.

[76]           Étant donné que cette caractéristique fait partie de la solution au problème identifié au par. [24], le concept inventif de la revendication 26 comprend le concept inventif de la revendication 1 plus cette caractéristique supplémentaire.

[77]           La caractéristique supplémentaire de la revendication 26 est la même que la caractéristique supplémentaire de la revendication 25, laquelle, comme nous l'avons indiqué précédemment, n'est pas enseignée dans D1 et constitue, de ce fait, une différence.

[78]           En résumé, les différences entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 26 tiennent à la différence comprise dans la revendication 1 (c.-à-d. le fait que dans l'appareil du demandeur, la structure d'affichage non interactive servant à présenter l'information primaire est séparée du terminal interactif, mais située à proximité de ce dernier, alors que dans le document D1, l'affichage non interactif et l'affichage interactif ont lieu dans des zones distinctes d'un seul et même écran d'affichage) et à la caractéristique supplémentaire (c.-à-d. le fait que l'information secondaire est personnalisée en fonction de l'entrée utilisateur). Ces différences sont les mêmes que celles identifiées dans le cas de la revendication 25.

 

[79]           Il s'ensuit que la revendication 26 aurait été évidente pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication, pour les mêmes raisons que celles exposées relativement à la revendication 25.

Revendications dépendantes 2 à 14 et 17 à 24

[80]           Comme nous l'avons indiqué au par. [15], le demandeur a concédé que les revendications dépendantes 2 à 14 ne comportaient rien d'inventif en dehors de ce que le demandeur considérait comme inventif dans la revendication indépendante 1, et que les revendications dépendantes 17 à 24 ne comportaient rien d'inventif en dehors de ce que le demandeur considérait comme inventif dans la revendication indépendante 15. Après examen des revendications et des antériorités citées, nous sommes également de cet avis. Ainsi, puisque nous avons conclu que les revendications indépendantes 1 et 15 sont évidentes, il s'ensuit que les revendications dépendantes 2 à 14 et 17 à 24 sont également évidentes.

Résumé de nos conclusions quant aux revendications au dossier (1 à 26)

 

[81]           À la lumière de l'analyse qui précède, nous concluons que l'objet des revendications 1 à 26 aurait été évident pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication.

Revendications proposées 27 à 30  

 

[82]           Puisque nous avons conclu que les revendications au dossier sont évidentes et, donc, non acceptables, nous examinerons maintenant les revendications proposées 27 à 30.

Revendications 27 et 28

[83]           Outre les caractéristiques du concept inventif des revendications 25 et 26, la revendication de méthode 27 et la revendication de système 28 comprennent une première boucle de rétroaction qui détermine, en fonction de l'entrée utilisateur reçue, si l'entrée utilisateur reçue est suffisante pour générer l'information secondaire personnalisée et, si tel n'est pas le cas, suscite une entrée utilisateur supplémentaire pour compléter l'entrée utilisateur.

[84]           Or, cette caractéristique supplémentaire revendiquée est suffisamment large pour inclure une boucle qui permettrait de déceler l'information, telle qu'un nom ou une adresse, qui n'a pas été entrée correctement ou en totalité, et d'inviter l'utilisateur à fournir l'information correcte et complète. Une telle caractéristique aurait été connue dans le domaine de la programmation d'interfaces utilisateurs à la date pertinente, en plus de constituer une vérification logique à l'intérieur du système. La personne versée dans l'art ne considérerait pas cette caractéristique comme inventive, ni en elle-même ni en combinaison avec les autres caractéristiques des concepts inventifs des revendications 25 et 26. Par conséquent, les revendications 27 et 28 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication à la lumière de D1, eu égard à D3 et aux connaissances générales courantes.

Revendications 29 et 30

[85]           Outre les caractéristiques du concept inventif des revendications 25 et 26, la revendication de méthode 29 et la revendication de système 30 comprennent une seconde boucle de rétroaction qui détermine, en fonction de l'entrée utilisateur reçue, si l'information initiale [secondaire] est suffisante pour générer l'information secondaire personnalisée et, si tel n'est pas le cas, extrait de l'information secondaire supplémentaire du serveur.

[86]           Or, cette caractéristique supplémentaire revendiquée représente simplement une variante de réalisation dans laquelle de l'information secondaire supplémentaire est stockée dans le serveur en plus de celle qui a déjà été transmise au kiosque où se trouve l'utilisateur. Dans un tel cas, si la première information reçue du serveur est insuffisante, de l'information secondaire supplémentaire est extraite du serveur. Il s'agit là d'une pratique bien connue qui consiste à extraire des données supplémentaires d'un serveur distant pour ne pas avoir à stocker toute l'information localement. La personne versée dans l'art ne considérerait pas cette caractéristique comme inventive, ni en elle-même ni en combinaison avec les autres caractéristiques des concepts inventifs des revendications 25 et 26. Par conséquent, les revendications 29 et 30 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication à la lumière de D1, eu égard à D3 et aux connaissances générales courantes.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[87]           Le comité recommande que la demande soit rejetée parce que les revendications au dossier, à savoir les revendications 1 à 26, auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication et qu'elles contreviennent, de ce fait, à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Les revendications proposées 27 à 30 ne remédient pas à cette irrégularité et, par conséquent, ne sont pas considérées comme « nécessaires » aux termes du par. 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Paul Fitzner                             Stephen MacNeil                    Andrew Strong

Membre                                  Membre                                   Membre

DÉCISION

[88]           Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets ainsi qu'à sa recommandation de rejeter la demande, parce que les revendications au dossier, à savoir les revendications 1 à 26, auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de la revendication et qu'elles contreviennent, de ce fait, à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Je souscris également à la conclusion de la Commission selon laquelle les revendications proposées 27 à 30 ne remédient pas à cette irrégularité et, par conséquent, ne sont pas considérées comme « nécessaires » aux termes du par. 30(6.3) des Règles sur les brevets.

[89]           Par conséquent, en application de l'article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d'octroyer un brevet pour cette demande. Conformément aux dispositions de l'article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Agnès Lajoie

Sous-commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 30e jour de juillet 2015

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.