Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Décision du commissaire no 1380

Commissioner’s Decision #1380

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O -00

TOPIC: O -00

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,426,304

Application No.: 2,426,304

 

 

 

 


 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2,426,304 a fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets, conformément aux dispositions de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du commissaire suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP  

World Exchange Plaza

1100 - 100 Queen Street

Ottawa (Ontario)

 


 

Introduction

 

[ 1 ]           La demande de brevet no 2,426,304 a été déposée le 23 octobre 2001; elle a pour titre « Système informatique servant à calculer les coûts associés au dépôt de demandes de brevets nationales de traité de coopération en matière de brevet dans des pays choisis ». Le demandeur est INOVIA HOLDINGS PTY LTD et l’inventeur est Justin Ryan Simpson.   

 

[ 2 ]           La demande a été refusée dans une décision finale en date du 22 novembre 2012, parce que l’examinateur a jugé que toutes les revendications étaient antériorisées et évidentes, et que les revendications recoupaient celles d’une demande de brevet complémentaire également inscrite au nom du demandeur. Après avoir examiné la réponse du demandeur à la décision finale, l’examinateur a jugé que la demande n’était toujours pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. La demande a, par conséquent, été déférée à la Commission d’appel des brevets, le 21 juin 2013.

Contexte

 

L’invention

 


[ 3 ]           Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) est un traité international qui prévoit une procédure unifiée pour le dépôt de demandes de brevet dans chacun de ses états contractants. Les procédures de dépôt et les barèmes de taxes du PCT sont mis à la disposition du public par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et par les offices des brevets nationaux des états contractants du PCT.

 

[ 4 ]           Une demande de brevet déposée en vertu du PCT doit franchir deux phases avant qu’un brevet puisse être délivré dans un état contractant : une phase internationale coordonnée par l’OMPI; et une phase nationale subséquente administrée par l’office des brevets de chacun des états contractants dans lesquels un demandeur peut vouloir obtenir une protection. Les décisions relatives à l’entrée en phase nationale sont généralement supervisées par l’avocat en brevets, ou l’agent de brevets, mandaté par le demandeur, quidonne des instructions aux avocats locaux qui pratiquent devant les offices des brevets nationaux.

 

[ 5 ]           Les décisions à savoir dans quels pays entrer en phase nationale peuvent être complexes. Un facteur important à considérer est le calcul des « frais liés au dépôt », ou taxes, à payer lors de l’entrée nationale dans chaque pays. Les frais liés au dépôt varient et sont calculés en fonction des barèmes de taxes établis par chaque état contractant. Ces frais comprennent les honoraires professionnels, les taxes de dépôt exigées par le gouvernement lors de l’entrée en phase nationale et les taxes supplémentaires à acquitter selon le nombre de pages et de revendications que comporte la demande. Ces frais sont généralement communiqués à l’avocat mandataire par les avocats locaux, qui les calculent manuellement en fonction du barème de taxes en vigueur dans chaque pays.

 

[ 6 ]           Dans la présente demande, le demandeur revendique un système mis en œuvre par ordinateur qui calcule automatiquement les frais liés au dépôt qui seraient à payer à l’égard d’une demande PCT lors de son entrée en phase nationale dans deux états contractants ou plus. Le système permet d’entrer un identifiant de demande PCT (p. ex. le numéro de publication de l’OMPI) et les données d’identification d’au moins deux pays. Le système rassemble ensuite les données requises (les taxes d’entrée en phase nationale à payer dans chaque pays et les taxes supplémentaires à payer en fonction du nombre de pages et de revendications que comporte la demande) à partir d’une base de données de demandes PCT, puis envoie les calculs des frais directement à un avocat mandataire.

 

[ 7 ]           Le mémoire descriptif décrit certaines réalisations dans lesquelles l’invention revendiquée fait partie intégrante d’un système élargi accessible sur le Web qui offre à un avocat mandataire une série de services en ligne liés à l’entrée en phase nationale. En plus de calculer les frais liés au dépôt en phase nationale, le système élargi peut remplir des fonctions supplémentaires telles qu’envoyer des messages à des avocats mandataires et/ou des offices des brevets nationaux, et rendre automatiquement effective l’entrée en phase nationale d’une demande. Une [traduction] « interface de dépôt en phase nationale » est présentée à un avocat mandataire via Internet. Dans une section spécifique de l’interface, l’avocat mandataire peut entrer l’information relative à l’invention revendiquée et obtenir automatiquement le détail des frais de dépôt qui seraient à payer lors de l’entrée en phase nationale. Une autre section de l’interface permet ensuite à l’avocat mandataire de rendre automatiquement effective l’entrée de la demande en phase nationale, s’il le désire.

 

Historique du dossier

[ 8 ]           Une chronologie des événements clés est présentée ci-dessous :

Date

Événement

Commentaires

23 octobre 2001

Dépôt de la demande

 

22 novembre 2012

Délivrance de la décision finale

Les motifs du refus étaient l’antériorité, l’évidence et le double brevet.

22 février 2013

Réception de la réponse à la décision finale

De nouvelles revendications (celles qui sont actuellement au dossier) ont été soumises.

21 juin 2013

Transfert de la demande à la Commission d’appel des brevets (CAB), accompagnée d’un résumé des motifs

Dans le résumé des motifs, l’examinateur a maintenu les motifs de refus énoncés dans la décision finale et a signalé trois nouvelles irrégularités introduites par la réponse à la décision finale : nouvelle matière, fondement insuffisant, description insuffisante.

13 novembre 2013

Réception des premières observations écrites du demandeur

Les observations comprenaient une modification auxiliaire (« modification proposée ») à la description, à l’abrégé et aux revendications (« les revendications proposées »).

11 avril 2014

Envoi de la lettre faisant suite à l’examen initial de la CAB

La Commission a invité le demandeur à donner suite à certaines observations initiales et à clarifier certains points. 

3 juin 2014

Réception des secondes observations écrites du demandeur

18 juin 2014

Audience

 

Dispositions législatives

 

[ 9 ]           Les dispositions législatives qui s’appliquent à la présente révision sont énoncées ci-dessous.

 

Décision finale et processus de révision

 

[ 10 ]       Le paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets prévoit qu’un examinateur peut refuser une demande s’il a des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas conforme à la Loi ou aux Règles :

 

Lorsque le demandeur a répondu de bonne foi à la demande de l’examinateur visée au paragraphe (2) dans le délai prévu, celui-ci peut refuser la demande s’il a des motifs raisonnables de croire qu’elle n’est toujours pas conforme à la Loi et aux présentes règles en raison des irrégularités signalées et que le demandeur ne la modifiera pas pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles.

 

[ 11 ]       Le paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets clarifie la procédure par laquelle l’examinateur avise un demandeur, dans une « décision finale », des raisons pour lesquelles il a refusé la demande :

 

En cas de refus, l’avis donné porte la mention « Décision finale » ou « Final Action », signale les irrégularités non corrigées et exige que le demandeur modifie la demande pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles ou fasse parvenir des arguments justifiant le contraire, dans les six mois qui suivent ou, sauf pour l’application de la partie V, dans le délai plus court déterminé par le commissaire en application de l’alinéa 73(1)a) de la Loi.

 

[ 12 ]       Le paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, qui était en vigueur au moment où la décision finale a été rédigée, prévoit que si la décision finale n'est pas annulée, le commissaire aux brevets doit réviser la demande refusée, y compris toute modification aux revendications apportées en réponse à la décision finale, et donner au demandeur la possibilité de se faire entendre.

 

Lorsque le refus n’est pas annulé selon le paragraphe (5), le commissaire en fait la révision et le demandeur se voit donner la possibilité de se faire entendre.

 

[ 13 ]       La Commission d'appel des brevets procède à une révision de la demande refusée, tient une audience et présente une recommandation écrite au commissaire aux brevets. La présente révision est fondée sur les revendications au dossier qui ont été soumises en réponse à la décision finale.

 

[ 14 ]       Lorsqu’il appert que la demande n’est toujours pas conforme à la Loi ou aux Règles, le commissaire peut, en vertu du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets (actuellement en vigueur) aviser le demandeur que des modifications précises sont nécessaires pour rendre la demande conforme :

 

Si, au terme de sa révision d’une demande refusée, le commissaire conclut qu’elle n’est pas conforme à la Loi ou aux présentes règles, mais que des modifications déterminées sont nécessaires, il avise le demandeur qu’il dispose de trois mois suivant la date de l’avis pour apporter ces modifications. Si le demandeur se conforme à cet avis, le commissaire avise le demandeur que sa demande a été jugée acceptable et lui demande de verser la taxe finale applicable prévue aux alinéas 6a) ou b) de l’annexe II dans les six mois suivant la date de l’avis.

 

[ 15 ]       La Commission d’appel des brevets peut considérer des revendications proposées que le demandeur a soumises de son propre chef comme le fondement d’une modification précise que le commissaire pourrait exiger. En l’espèce, le demandeur a présenté de telles revendications proposées dans ses premières observations écrites du 13 novembre 2013.

 

Principes de l’interprétation téléologique

 

[ 16 ]       Dans la foulée de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon], le Bureau a publié deux avis qui clarifient la pratique d’examen en ce qui a trait à l’interprétation téléologique (PN2013-02) et aux inventions mises en œuvre par ordinateur (PN2013-03), à la lumière de la jurisprudence canadienne pertinente. Ces avis sont tous deux cités dans le Résumé des motifs daté du 19 juin 2013 et dans notre lettre du 11 avril 2014 qui fait suite à notre examen initial.

 

[ 17 ]       L’interprétation téléologique d’une demande de brevet vise à déterminer la signification des termes employés dans les revendications et les éléments qui sont essentiels au fonctionnement de l’invention : Free World Trust c Electro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]. L’interprétation téléologique est réalisée du point de vue de la personne versée dans l’art et implique d’envisager le mémoire descriptif dans son ensemble à la lumière des connaissances générales courantes, y compris une compréhension du problème et de la solution exposés dans la demande. Ainsi qu’il est indiqué dans l’avis PN2013-02, il est admis également [traduction] « qu’une invention brevetable est une solution ingénieuse à un problème concret » et [traduction] « qu’une invention doit être divulguée (et ultimement revendiquée) de manière à fournir à la personne versée dans l’art une solution qui peut être mise en œuvre ». Une fois qu’elle a été établie, la solution éclaire la détermination des éléments ou des caractéristiques essentiels. Bien que l’interprétation téléologique soit ancrée dans le libellé des revendications, l’analyse ne peut reposer uniquement sur une interprétation littérale des revendications (Amazon, paragraphe 43).

 

Évidence

 

[ 18 ]       L’article 28.3 de la Loi sur les brevets indique que l’objet que définit une revendication ne doit pas être un objet qui aurait été évident, à la date de la revendication, pour une personne versée dans l’art ou la science dont il relève, eu égard à certaines informations :

 

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a)      qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b)      qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[ 19 ]       Une démarche en quatre étapes pour évaluer l’évidence est énoncée dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi] :

 

     (1)   a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

          b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

     (2)   Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

     (3)   Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

     (4)   Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Questions

 

[ 20 ]       Trois irrégularités sont signalées dans la décision finale. Ainsi qu’il est indiqué dans le Résumé des motifs, quatre nouvelles irrégularités ont subséquemment été décelées lors de l’examen de la réponse du demandeur à la décision finale. Dans le cas présent, la question déterminante est celle de l’évidence. Étant donné la conclusion à laquelle nous arrivons relativement à cette question, il n’est pas nécessaire que nous examinions les autres irrégularités.

 

[ 21 ]       L’analyse de l’évidence doit porter en premier lieu sur les revendications qui figurent présentement au dossier. Selon le paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, qui est maintenant en vigueur, les revendications proposées qui ont été soumises le 13 novembre 2013 peuvent être évaluées dans la mesure où les revendications au dossier sont considérées comme étant évidentes et, donc, non conformes à l’article 28.3 de la Loi. Si les revendications proposées sont considérées comme étant conformes, la demande peut passer à l’étape de l’acceptation à la condition que, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles, le commissaire avise le demandeur que la modification est requise pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles et qu’il dispose d’un délai de trois mois pour apporter cette modification.

 

[ 22 ]       Nous commencerons notre analyse par une interprétation téléologique des revendications à la lumière des observations et des arguments que le demandeur a présentés à l’audience. 

Analyse

 

Interprétation des revendications

La personne versée dans l’art

 

[ 23 ]       Dans la décision finale, la personne versée dans l’art est définie comme suit [traduction] :

 

une équipe constituée non seulement de professionnels des technologies de l’information, mais d’agents de brevets ou d’autres professionnels du milieu juridique qui connaissent les pratiques relatives au dépôt de demandes de brevet.

 

[ 24 ]       Dans ses observations du 3 juin 2014, le demandeur s’est dit en désaccord avec cette caractérisation de la personne versée dans l’art au motif qu’elle est [traduction] « problématique et pourrait mener à des conclusions non fondées » lors de l’analyse de l’évidence selon la démarche établie dans Sanofi. Le demandeur a fait valoir que [traduction] « la caractérisation de [la personne moyennement versée dans l’art] comme un ensemble de personnes est problématique, car il est tout à fait possible qu’un ensemble de personnes détienne collectivement les connaissances relatives à chacun des éléments distincts d’une combinaison revendiquée, mais qu’il n’est pas possible qu’une de ces personnes arrive, à elle seule, directement et sans difficulté à la même combinaison ». Le demandeur n’a cité aucune décision antérieure à l’appui de ses propos.

 

[ 25 ]       Les tribunaux ont déterminé que la personne versée dans l’art peut prendre la forme d’un groupe ou d’une équipe : voir Merck & Co c Pharmascience Inc, 2010 CF 510, para. 32 à 39; et Bayer Aktiengesellschaft c Apotex Inc (1995), 60 CPR (3d) 58, p. 79.

 

[ 26 ]       Le demandeur a demandé avec insistance que la personne versée dans l’art soit redéfinie et, subsidiairement, a proposé que la personne versée dans l’art soit caractérisée [traduction] « comme un développeur ou un coordonnateur du domaine des technologies de l’information spécialisé dans les systèmes utilisés par les agences de brevets – en d’autres termes, une personne qui, à la date de la revendication, sélectionnait, fournissait et/ou développait couramment des systèmes destinés à être utilisés par les professionnels des agences de brevets ».

 

[ 27 ]       À notre avis, la personne versée dans l’art proposée par le demandeur, à savoir un développeur de technologies de l’information, aurait tout de même besoin de collaborer avec un professionnel des brevets pour arriver à mettre au point le type de système informatique requis, c’est-à-dire que ces deux personnes travailleraient en équipe. En somme, nous estimons que la personne versée dans l’art peut être caractérisée de la manière suivante :

 

une équipe constituée d’un professionnel des technologies de l’information qui sélectionne, fournit et développe des systèmes destinés à être utilisés aux fins du dépôt de demandes de brevet, et un agent de brevets ou un autre professionnel du milieu juridique qui connaît les pratiques et les procédés relatifs au dépôt de demandes de brevets.

Connaissances générales courantes (CGC)

 

[ 28 ]       Dans notre lettre du 11 avril 2014 faisant suite à notre examen initial, nous avons relevé les connaissances suivantes comme faisant partie des CGC :

 

a)                  connaissance des activités typiques qui sont exercées par les avocats mandataires et les avocats locaux dans le cadre du dépôt de demandes PCT en phase nationale, et de certaines des difficultés inhérentes au dépôt;

b)                  connaissance générale des brevets, et capacité à chercher et à lire des brevets;

c)                  connaissances des avantages qui peuvent être retirés de l’utilisation des ordinateurs, des infrastructures de communication modernes, de l’électronique moderne, etc. pour automatiser ou autrement faciliter de nombreuses étapes des procédures administratives;

d)                 connaissance du fait que les ordinateurs sont utiles pour exécuter divers calculs et que de tels systèmes existent et procurent certains avantages;

e)                  connaissance de la façon de calculer les frais et les taxes liés au dépôt en phase nationale en fonction, notamment, du nombre de pages et de revendications, et de la façon de donner des instructions quant au dépôt de demandes en phase nationale dans des pays sélectionnés; et

f)                   connaissance de la façon d’utiliser des formules, des règles ou des barèmes de taxes pour le compte d’avocats ou d’offices des brevets. 

 

[ 29 ]       S’agissant des connaissances énumérées aux points c) et d), nous avons indiqué dans notre lettre d’examen initial qu’une infrastructure de communication moderne existait déjà à la date de la revendication et comprenait les ordinateurs en réseau (p. ex. Internet) et permettait l’accès à des dossiers ou des supports lisibles par ordinateur. Dans notre lettre d’examen initial, nous avons cité l’ouvrage intitulé « Encyclopedia of Networking (Electronic Edition) », de Tom Sheldon, parue en 1998 (voir, par exemple, les pages 78, 152 à 158, 168 et 169, 176, 238 à 241, 280 et 281, 286 à 288, 502 à 504, 675 et 676, et 1069) [Sheldon]. 

 

[ 30 ]       Dans ses observations écrites du 3 juin 2014, le demandeur a indiqué qu’il considérait les connaissances énumérées aux points c) et d) comme inexactes. Le demandeur n’a formulé aucun commentaire sur l’ouvrage de Sheldon; il a plutôt fait valoir que les connaissances énumérées aux points c) et d) devraient se limiter à des connaissances générales, qu’elles étaient trop spécifiques ou particulières aux présentes circonstances [traduction] :

 

les CGC n’incluraient pas, en l’absence d’un enseignement spécifique, la connaissance d’un quelconque avantage spécifique tiré d’une utilisation particulière d’un ordinateur dans un contexte particulier. En d’autres termes, bien que nous admettions que les CGC peuvent inclure la connaissance du fait que l’utilisation des ordinateurs procure généralement certains avantages, nous croyons qu’en l’absence d’un enseignement spécifique, elles n’incluent pas la connaissance de l’avantage spécifique que procure l’utilisation particulière d’un ordinateur dans un contexte particulier. [italique présent dans l’original]

 

[ 31 ]       Nous convenons que, dans certains cas, l’utilisation d’un ordinateur peut procurer un avantage qui ne ferait pas partie des connaissances énumérées aux points c) et d). Néanmoins, il importe de se rappeler qu’à ce stade, ce ne sont pas les connaissances générales courantes qu’il faut établir. À cet égard, nous ne voyons aucune incompatibilité entre les points c) et d) et les observations du demandeur. Nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il était généralement connu que les ordinateurs permettent de réaliser des calculs et que l’informatisation de ces opérations mathématiques peut être avantageuse en termes d’efficacité, de rapidité et de précision. Cela ne signifie pas, cependant, que les avantages susceptibles de découler d’un enseignement spécifique ou d’une utilisation dans un contexte particulier n’ont pas à être pris en considération dans l’analyse de l’évidence.

 

[ 32 ]       Dans ses observations relatives aux CGC, le demandeur met également en garde contre [traduction] « la possibilité de déduire à tort des connaissances générales qu’une technologie informatique présente telles fonctions et tels avantages ». Le demandeur n’a fourni aucune précision quant à des connaissances ou à une technologie informatique particulière qui ne relèveraient pas des CGC et, par conséquent, nous ne nous souscrivons pas à la thèse du demandeur en ce qui concerne les connaissances énumérées aux points c) et d); nous estimons qu’il s’agit là de CGC.

 

[ 33 ]       S’agissant des connaissances énumérées aux points a), b), e) et f), nous estimons, ainsi que nous l’avons indiqué dans notre lettre d’examen initial, que ces connaissances se rapportent au fait que le PCT est un traité international et que les rôles exercés par l’OMPI et par les états contractants dans la transmission de ces connaissances sont bien connus des professionnels des brevets, c.-à-d. qu’il est bien connu que l’OMPI et les états contractants ont la responsabilité d’établir les procédures de dépôt et les barèmes des taxes relatives au dépôt, et de publier les documents s’y rapportant. 

 

[ 34 ]       En conséquence, nous sommes d’avis que les connaissances énumérées aux points a) à f) du paragraphe [ 28 ] sont des CGC.

Le problème et la solution proposée par l’invention

[ 35 ]       Après examen des observations du demandeur, nous estimons que le problème auquel les inventeurs sont confrontés peut être résumé comme suit :

 

Le problème auquel les inventeurs sont confrontés est de savoir comment améliorer le procédé manuel classique qui est utilisé pour calculer les frais liés au dépôt en phase nationale de demandes PCT dans une pluralité de pays.  

 

[ 36 ]       Ce problème est lié au fait que la méthode actuelle qui est utilisée pour calculer les frais liés au dépôt en phase nationale est peu pratique, chronophage et peut mener à des erreurs dans l’entrée des données, tel qu’il est indiqué dans les observations écrites du 3 juin 2014. Nous comprenons, d’après les observations verbales présentées à l’audience, que le demandeur estime que ces inconvénients ne devraient pas être considérés comme faisant partie de l’énoncé du problème. Même si ces inconvénients ne sont pas explicitement inclus dans l’énoncé du problème, nous estimons que la connaissance de ces inconvénients éclairerait la personne versée dans l’art qui est appelée à évaluer la solution proposée par l’invention revendiquée. 

 

[ 37 ]       Le demandeur a également indiqué que [traduction] « le résultat souhaitable produit par l’invention revendiquée comprend l’automatisation d’un des aspects du dépôt d’une demande PCT en phase nationale auprès d’un office des brevets – à savoir le calcul des frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT dans une pluralité de pays sélectionnables – ce qui, conséquemment, rend possible l’automatisation du procédé dans son ensemble ». Nous sommes d’accord. Ainsi, à la lecture du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait que la solution proposée est la suivante :

 

Un système informatique permettant d’automatiser le procédé classique essentiellement manuel qui est utilisé pour calculer les frais liés au dépôt en phase nationale en prévision du dépôt éventuel de demandes de brevet.

La revendication 1 et ses éléments essentiels

[ 38 ]       Les revendications au dossier ont été soumises en réponse à la décision finale. La revendication 1 est représentative de l’invention :

[traduction]
1.         Un système informatique permettant de calculer les frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT dans une pluralité de pays sélectionnables,

le système informatique comportant une unité centrale de traitement et une mémoire,

caractérisé par le fait que des instructions de programme sont stockées dans la mémoire et qu’à la réception d’un identifiant de demande PCT et d’une première et d’une seconde sélection de pays, ces instructions sont exécutées par l’unité centrale de traitement afin de :

i)          déterminer automatiquement le nombre de pages et le nombre de revendications que comporte le mémoire descriptif correspondant à l’identifiant de la demande PCT;

(ii)        calculer automatiquement, en fonction dudit nombre de pages et dudit nombre de revendications, les frais liés au dépôt en phase nationale dans lesdits premier et second pays sélectionnés.

[ 39 ]       Dans sa lettre du 3 juin 2014, le demandeur soutient que [traduction] :

« l’invention revendiquée comprend l’automatisation d’un des aspects du dépôt d’une demande PCT en phase nationale auprès d’un office des brevets – à savoir le calcul des frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT dans une pluralité de pays sélectionnables – ce qui, conséquemment, rend possible l’automatisation du procédé dans son ensemble ». 

Nous comprenons que le demandeur ne considère pas que l’invention tire son origine des calculs et des règles du PCT. Toutefois, la personne versée dans l’art constaterait que l’unité centrale de traitement (un ordinateur) et la mémoire semblent fonctionner de la manière dont ils sont censés fonctionner et, en particulier, que leur fonctionnement est analogue à celui d’un ordinateur universel qui effectue des calculs et traite des données. De ce fait, l’examinateur, dans la décision finale, a conclu que ces composantes sont des éléments essentiels; soulignant que [traduction] « Toutefois, si les calculs eux-mêmes (par opposition au système qui permet d’automatiser les calculs) avaient été considérés comme les éléments essentiels, l’invention aurait été à la fois non brevetable et évidente ». 

 

[ 40 ]       Nous convenons avec l’examinateur qu’il pourrait y avoir lieu de se questionner quant à l’objet prévu par la loi, même si cette irrégularité n’a pas été officiellement signalée dans la décision finale. Bien que l’unité centrale de traitement (un ordinateur) et la mémoire fournissent une architecture de soutien pratique (un environnement technique) pour l’automatisation des frais liés au dépôt en phase nationale, ces composantes pourraient ne pas avoir d’effet substantiel sur les calculs et les procédés du PCT, si ces calculs étaient considérés comme la solution. Dans un tel scénario, les composantes informatiques revendiquées auraient été considérées comme des caractéristiques non essentielles pour le calcul des frais liés au dépôt d’une demande PCT en phase nationale, et la présente demande aurait été considérée comme s’apparentant à la situation observée dans Schlumberger Canada Ltd. c Canada (Commissaires des brevets), [1982] 1 C.F. 845 (C.A.) [Schlumberger].  Schlumberger pourrait être décrite comme une affaire dans laquelle ce qui avait au départ l’apparence d’une revendication de méthode informatisée pour exécuter certains calculs s’est révélé n’être en réalité que la revendication d’un principe abstrait et d’un processus mental non brevetables. Ainsi qu’il est expliqué dans Amazon (para. 69), [traduction] « Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait

qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique ».

 

[ 41 ]       Comme nous l’avons mentionné au paragraphe [17], l’interprétation des revendications exige que la personne versée dans l’art lise la revendication en ayant à l’esprit le problème auquel les inventeurs sont confrontés et la solution qui est proposée. Lorsqu’on se livre à un tel exercice, il devient évident que non seulement la présente demande ne divulgue ni problème ni solution en ce qui a trait aux calculs du PCT eux-mêmes, mais qu’aucun problème informatique plausible n’est résolu par l’invention proposée. Ce qui est divulgué, en réalité, c’est l’automatisation des calculs du PCT à titre d’invention potentielle, et, par conséquent, nous poursuivrons notre analyse en considérant que les composantes informatiques sont des éléments essentiels — ainsi qu’il est expliqué dans la décision finale.

 

[ 42 ]       La décision finale indique que [traduction] « les éléments essentiels prennent la forme d’un ordinateur programmé pour accepter des entrées de données et effectuer des calculs à partir de certaines données ». La personne versée dans l’art comprendrait qu’une programmation de l’ordinateur est requise pour que ce dernier effectue les calculs; autrement, le flux de données nécessaires pour réaliser l’automatisation de l’invention serait impossible.  À notre avis, la personne versée dans l’art interpréterait les expressions « instructions de programme », « déterminer automatiquement » et « calculer automatiquement » comme sous-entendant la nécessité d’extraire (de lire) de l’information d’une base de données, entre autres opérations techniques requises pour effectuer le calcul. Ainsi, pour que le système revendiqué fonctionne, il est essentiel que des opérations techniques impliquant certaines bases de données aient lieu, afin qu’à la réception d’un identifiant approprié, les bonnes données soient extraites et les calculs exécutés.

 

[ 43 ]       Il est également indiqué dans la décision finale qu’il n’est pas essentiel que le système informatique calcule expressément les frais ou les taxes liés au dépôt en phase nationale, ou détermine le nombre de pages et de revendications. Le demandeur a contesté ce point, affirmant que la décision finale est [traduction] « incorrecte au moins dans la mesure où les éléments déterminés comme essentiels n’incluent pas la nature de l’information qui est utilisée par l’ordinateur défini, laquelle nous apparaît essentielle » et que [traduction] « le résultat souhaité n’est pas obtenu si la nature de l’information qui est utilisée par l’ordinateur est modifiée ».

 

[ 44 ]       Il n’est pas essentiel que le système informatique revendiqué reçoive un identifiant « PCT » ou une sélection de pays pour qu’il exécute un calcul — l’information « PCT » qui est véhiculée par les données revêt une signification pour l’utilisateur du système informatique, mais elle n’a pas d’effet sur le fonctionnement sous-jacent du système informatique. L’ordinateur doit être programmé pour recevoir un premier identifiant, puis extraire de la base de données l’information correspondant à ce premier identifiant; pour recevoir une deuxième et une troisième entrée de données, puis extraire des bases de données des variables supplémentaires; et pour exécuter les calculs mathématiques nécessaires. Lorsque des données appropriées (identifiant, sélection de pays) sont entrées, les éléments essentiels du système « coopèrent » pour exécuter les calculs requis; mais l’ordinateur qui est programmé pour exécuter ces calculs ne reconnaît pas les données comme des données « PCT » et ces dernières n’ont aucun effet sur son fonctionnement. Comme nous l’avons mentionné précédemment, certaines opérations techniques impliquant les bases de données sont cependant essentielles, notamment le fait que les instructions de programmation doivent prévoir un accès aux bases de données selon la bonne séquence.

 

[ 45 ]       Les éléments de la revendication 1 qui sont essentiels pour automatiser le procédé manuel classique qui est utilisé pour calculer les frais liés au dépôt d’une demande PCT en phase nationale sont : un ordinateur comportant une mémoire; des instructions de programmation permettant de configurer l’ordinateur de manière à ce qu’il remplisse les fonctions suivantes : accepter trois entrées de données, extraire de l’information de certaines bases de données, et exécuter des calculs à partir des données extraites;

 

[ 46 ]       Après lecture de la description, la personne versée dans l’art comprendrait que les revendications dépendantes résolvent des problèmes plus étroits qui se rapportent à la nécessité de fournir à l’utilisateur des fonctionnalités supplémentaires telles que celles mentionnées au paragraphe [ 7 ] ci-dessus, en lien avec le système accessible sur le Web qui offre aux avocats une série de services en ligne liés à l’entrée en phase nationale. Le système accessible sur le Web peut remplir des fonctions supplémentaires telles qu’envoyer des messages à des avocats mandataires et/ou des offices des brevets nationaux, et rendre automatiquement effective l’entrée en phase nationale d’une demande. Ainsi, à la lecture des revendications 2 à 11, la personne versée dans l’art considérerait les éléments supplémentaires énumérés ci-dessous comme étant également essentiels au fonctionnement de l’invention revendiqué, en ce que l’ordinateur est programmé : 

         pour envoyer un message ou de l’information par l’entremise d’un réseau — revendications 4-11;

         afficher des données sur une interface utilisateur — revendications 7-11;

         afficher des données sur une interface utilisateur accessible par Internet — revendications 9-11;

Conclusion — les revendications 1 à 11 et leurs éléments essentiels

 

[ 47 ]       L’invention revendiquée repose sur la combinaison des éléments essentiels suivants :

         un ordinateur comportant une mémoire; et des instructions de programmation servant à configurer l’ordinateur de manière à ce qu’il accepte trois entrées de données, extraie de l’information de bases de données précises, et exécute des calculs à partir des données extraites;

         une programmation se traduisant par l’envoi d’un message ou d’information par l’entremise d’un réseau, l’affichage de données sur une interface utilisateur, et l’affichage de données sur une interface utilisateur accessible par Internet.

Évidence

Étape 1 : La « personne versée dans l’art » et les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[ 48 ]       La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes ont été définies aux paragraphes [ 27 ] et [ 34 ] ci-dessus.

Étape 2 : Le concept inventif

 

[ 49 ]       Dans la décision finale, l’examinateur s’est fondé sur les revendications interprétées téléologiquement, au lieu de définir leurs concepts inventifs. Le demandeur n’a pas contesté cette approche et a fait observer qu’une interprétation téléologique des revendications permettrait de définir le concept inventif. Nous soulignons que le demandeur a présenté des arguments selon lesquels les frais et les données liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT font partie intégrante des revendications interprétées téléologiquement et du concept inventif. Ainsi qu’il appert de l’interprétation exposée ci-dessus, le procédé, puisqu’il est automatisé, a été pris en considération et les éléments essentiels ont été déterminés.   

 

[ 50 ]       Nous poursuivons notre analyse en partant du principe que si une revendication dépendante est jugée évidente, la revendication dont elle dépend l’est également. Étant donné que la revendication 11 comprend tous les éléments essentiels des revendications 1 à 10, le concept inventif peut être défini par rapport à l’ensemble de ces éléments, de manière la suivante :

 

un ordinateur permettant d’automatiser un procédé manuel classique, à l’aide d’une mémoire, et d’instructions de programmation servant à configurer l’ordinateur de manière à ce qu’il accepte trois entrées de données, extraie de l’information de bases de données précises, et exécute des calculs à partir des données extraites, ainsi que des instructions de programmation se traduisant par l’envoi d’un message ou d’informations via un réseau, l’affichage de données sur une interface utilisateur, et l’affichage de données sur une interface utilisateur accessible par Internet.

Étape 3 : Les différences entre l’« état de la technique » et le concept inventif

 

[ 51 ]       Dans la décision finale, l’examinateur a indiqué qu’il considérait l’invention revendiquée comme évidente à la lumière des antériorités suivantes :

 

            Documents de brevet canadiens
            1 299 294                    21 avril 1992               lwai et al.
            2 370 021                    12 octobre 2000          Germeraad et al.
            Brevet américain
            5 960 412                    28 septembre 1999      Tackbary et al.

 

[ 52 ]       Le document de Germeraad et al. ne divulgue aucune information qui fait le pont entre Iwai et al. et Tackbary et al. et le concept inventif. Il n’apporte donc rien de plus à l’analyse et, pour cette raison, ne sera pas considéré plus avant.

lwai et al.

[ 53 ]       Iwai et al. divulguent un système informatisé qui permet de gérer la préparation et la poursuite de demandes de protection des droits de propriété industrielle (brevet) dans divers pays.  Le système comprend une mémoire de données dans laquelle sont stockées des données de règle qui servent à contrôler les entrées et les sorties, ainsi que les opérations internes du système.  Les données de règle comprennent de l’information relative aux actions requises à chacune des étapes de la poursuite des demandes dans chacun des pays où les demandes sont déposées.  Iwai et al. revendiquent une amélioration par rapport aux systèmes informatisés antérieurs qui tient à ce que leur système est programmé pour composer avec de multiples pays.  Des lettres sont préparées (pages 6 et 7) à l’aide d’un moyen de mémoire qui stocke des données et des variables de documents à imprimer, auxquelles le système accède pour créer la lettre.

 

[ 54 ]       Iwai et al. divulguent plusieurs caractéristiques du concept inventif, en particulier : un système capable d’accepter des entrées de données, d’exécuter des calculs à partir de données, et d’afficher des données sur une interface utilisateur [voir page 3, lignes 23 et 24; page 4, ligne 9; page 7, lignes 14 à 20; page 12, lignes 14 et 15; page 40, lignes 1 à 8].  En ce qui concerne les bases de données, Iwai et al. divulguent un moyen de mémoire qui stocke de l’information au sujet de chaque demande et un fichier de base de données qui contient l’identification de chaque demande, l’identification de chaque pays dans lequel déposer la demande, et les détails relatifs au dépôt. Ainsi qu’il est expliqué aux pages 35 et 36 du document d’Iwai et al., de l’information est extraite (« données de mise à la poste », « données de calcul de l’échéance », « données de calcul de la période de prolongation ») de bases de données (« fichier calendrier », « fichier de données de règle ») et utilisée pour exécuter des calculs. 

 

[ 55 ]       Dans le document d’Iwai et al., l’information extraite est utilisée pour exécuter des calculs; or, la personne versée dans l’art constaterait qu’une des différences tient à ce que, dans le cadre du présent concept inventif, les données sont entrées par un utilisateur et l’information est extraite automatiquement et séquentiellement de certaines bases de données afin que les calculs soient exécutés. En outre, Iwai et al. n’enseignent pas l’affichage de données sur une interface utilisateur accessible par Internet ni l’envoi d’un message ou d’information via un réseau.

 

[ 56 ]       Nous concluons que Iwai et al. n’enseignent pas ce qui suit :

         exécuter des calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de certaines bases de données en réponse à une opération d’entrée de données;  

         afficher des données sur une interface utilisateur accessible par Internet; et

         envoyer un message ou de l’information via un réseau;

Tackbary et al.

[ 57 ]       La décision finale indique que Tackbary et al. divulguent un système informatisé qui permet de créer et de commander des cartes de souhaits.  Entre autres fonctions, le système informatisé accepte de l’information entrée par un utilisateur, effectue des recherches dans des bases de données, affiche de l’information, calcule les coûts des commandes, et envoie un message par l’entremise d’un réseau.

 

[ 58 ]       Si l’on compare le document de Tackbary et al. avec le présent concept inventif, on constate que Tackbary et al. divulguent la capacité d’accepter des entrées de données, d’exécuter des calculs à partir de certaines données, d’envoyer un message ou de l’information via un réseau, d’afficher des données sur une interface utilisateur, et d’afficher des données sur une interface utilisateur accessible par Internet.

 

[ 59 ]       Cependant, les opérations qui sont exécutées par le système informatique, dans le document de Tackbary et al., pour extraire de l’information d’une base de données et l’utiliser sont différentes. Dans le document de Tackbary et al., un utilisateur peut choisir d’accéder à une base de données (« base de données de cartes »), puis sélectionner des articles à commander (« écran de récapitulation de la commande »). Le système accède ensuite à d’autres bases de données avant d’exécuter un calcul (« coûts détaillés de la commande par article »). Ce mode de fonctionnement diffère du concept inventif, selon lequel les données sont entrées par un utilisateur et l’information extraite automatiquement et séquentiellement de certaines bases de données afin que les calculs soient exécutés.  

 

[ 60 ]       La personne versée dans l’art considérerait que le document de Tackbary et al. divulgue toutes les caractéristiques du concept inventif, à l’exception de l’exécution de calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de certaines bases de données en réponse à une opération d’entrée de données. 

 

Résumé des différences

 

[ 61 ]       Iwai et al. et Tackbary et al. divulguent toutes les caractéristiques essentielles du concept inventif, à l’exception de l’exécution de calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de certaines bases de données en réponse à une opération d’entrée de données, ainsi que le prévoient les revendications 1 à 11 de la présente demande. L’état de la technique ne suggère pas non plus de combiner ces caractéristiques connues dans le but d’automatiser un procédé manuel classique (tel que le calcul des frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT). 

Étape 4 : Ces différences « constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art » ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[ 62 ]       La personne versée dans l’art n’aurait pas à faire preuve d’inventivité pour configurer un système informatique de manière à ce qu’il exécute des calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de certaines bases de données en réponse à une opération d’entrée de données et ainsi automatiser un procédé manuel classique (tel que le calcul des frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT) en combinant les caractéristiques revendiquées qui font partie de l’état de la technique. 

 

[ 63 ]       [traduction] « [L]’esprit inventif qui est nécessaire pour donner lieu à un brevet valide peut résider dans l’idée sous-jacente, ou dans l’application pratique de cette idée, ou dans les deux » : Canadian Gypsum Co Ltd v Gypsum, Lime & Alabastine Canada Ltd, [1931] Ex. C.R. 180 (Ex.Ct.). En l’espèce, l’idée sous-jacente, soit d’automatiser un procédé, ne présente aucune inventivité, et l’application de cette idée non plus. Exécuter des calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de bases de données précises en réponse à une opération d’entrée de données aurait été une option de mise en œuvre bien connue de la personne versée dans l’art désireuse d’automatiser un procédé manuel classique. 

 

[ 64 ]       Dans ses observations, le demandeur a attiré notre attention sur certaines caractéristiques qu’il dit être uniques à l’invention revendiquée, à savoir [traduction] :

a)      instructions de programme … exécutables … pour déterminer le nombre de pages et le nombre de revendications compris dans le mémoire descriptif;

b)      instructions de programme ... exécutables ... pour recevoir une première et une seconde sélection de pays;

c)      calculer automatiquement les frais liés au dépôt en phase nationale dans lesdits premier et second pays sélectionnés;

d)     le but différent de l’invention — calculer les frais liés au dépôt en phase nationale dans de multiples pays.

 

[ 65 ]       Ces caractéristiques ont été prises en considération à l’étape 3 ci-dessus, mais nous formulons tout de même, à leur égard, quelques observations supplémentaires. En ce qui concerne les caractéristiques a) à c), il est essentiel qu’un ordinateur puisse exécuter ces opérations; cependant, bien qu’elles revêtent une signification pour l’utilisateur du système, les données relatives au PCT, les données relatives aux taxes ou les données relatives aux frais ne sont pas essentielles — voir l’interprétation téléologique au paragraphe [ 44 ]. Qui plus est, ces caractéristiques constitueraient des modifications évidentes pour la personne versée dans l’art désireuse d’automatiser le procédé manuel classique.

 

[ 66 ]       S’agissant de la caractéristique d), indépendamment du but de l’invention, soit de calculer les frais liés au dépôt, la personne versée dans l’art n’aurait pas à faire preuve d’inventivité pour arriver au concept inventif des revendications, c.-à-d. combiner des caractéristiques connues afin d’automatiser le procédé manuel classique utilisé pour calculer les frais liés au dépôt de phase nationale. La personne versée dans l’art posséderait une connaissance générale courante du procédé classique, et saurait que les étapes consistant à relever une demande précise, à déterminer le nombre de pages et de revendications que comporte cette demande, et à recevoir une sélection de pays font partie du procédé classique utilisé pour calculer les frais liés au dépôt en phase nationale d’une demande PCT. La personne versée dans l’art posséderait également les capacités courantes requises pour apporter à un ordinateur universel classique toute modification permettant de mettre en œuvre l’idée consistant à automatiser le procédé de calcul classique — par exemple, fournir des bases de données précises desquelles extraire cette information.  

 

[ 67 ]       En outre, les antériorités citées démontrent que certains des aspects de la préparation et du dépôt des demandes de brevets avaient déjà été automatisés à l’aide d’ordinateurs (voir Iwai et al.).  La personne versée dans l’art connaîtrait également les fonctionnalités du système programmé de Tackbary et al. servant à commander des cartes de souhaits. Partant, la personne versée dans l’art comprendrait que Tackbary et al. enseigne l’utilisation d’un ordinateur pour accomplir les mêmes fonctions que celles qui sont requises pour automatiser le procédé classique de dépôt des demandes PCT, à savoir : accepter et recevoir des données, exécuter des calculs, extraire de l’information, envoyer et recevoir des messages via un réseau, afficher des données, et utiliser une interface utilisateur accessible par Internet. 

 

[ 68 ]       L’utilisation d’un ordinateur pour exécuter des calculs par extraction séquentielle et automatique d’information de bases de données précises en réponse à une entrée de données n’aurait nécessité aucune modification inventive par rapport aux antériorités citées. Certes, la séquence précise des opérations automatisées d’extraction de données dont il est question dans le document de Iwai et al. est différente de celle qui est revendiquée en l’espèce, mais ces opérations dépendent directement du type de calcul qui est exécuté et des bases de données connexes qui sont utilisées — dans le document de Iwai et al., les bases de données servent à calculer des dates. Ainsi, la personne versée dans l’art, sachant qu’il s’agit du procédé manuel qui a été automatisé, sélectionnerait les bases de données appropriées et configurerait l’ordinateur, au moyen des instructions de programmation requises, pour qu’il accepte les entrées de données, extraie de l’information de certaines bases de données, et exécute des calculs à partir des données extraites.

 

[ 69 ]       Forte des connaissances générales courantes énumérées aux points c) et d) du paragraphe [ 28 ], la personne versée dans l’art qui se fixerait comme objectif d’automatiser le procédé comprendrait qu’il suffit, pour y arriver, d’apporter des modifications courantes à l’art cité. Elle n’aurait pas à faire preuve d’inventivité pour en arriver aux caractéristiques du concept inventif, telles qu’elles sont énoncées dans les revendications 1 à 11. 

 

[ 70 ]       Il s’ensuit que les revendications 1 à 11 sont évidentes et, par conséquent, non conformes au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets

Les revendications proposées

 

[ 71 ]       Les revendications que le demandeur a proposées dans ses premières observations du novembre 2013 sont identiques aux revendications qui figurent au dossier, à l’exception des changements suivants : 1) la revendication 1 proposée incorpore la revendication 2 qui fait partie des revendications au dossier; 2) la revendication 2 est absente de l’ensemble de revendications proposé; et 3) le terme [traduction] « automatiquement » ne figure plus dans la revendication 1. Les changements que le demandeur a proposé d’apporter à la revendication 1 correspondent au passage raturé et au passage souligné dans l’extrait ci-dessous [traduction] : 

i)          déterminer automatiquement le nombre de pages et le nombre de revendications que comporte le mémoire descriptif correspondant à l’identifiant de la demande PCT en extrayant cette information du dossier de la demande PCT stocké dans une base de données de demandes PCT;

[ 72 ]       La personne versée dans l’art estimerait que les caractéristiques ou éléments essentiels des revendications proposées sont identiques à ceux des revendications au dossier; la seule différence étant que la caractéristique essentielle de la revendication 2 (« extraire de l’information d’une base de données ») fait explicitement partie de la revendication 1 proposée, et que cette caractéristique sert à déterminer le nombre de pages et de revendications — une caractéristique qui a déjà été déterminée comme un élément essentiel de la revendication 1 qui figure actuellement au dossier (voir le paragraphe 42). Le fait que le terme « automatiquement » ait été supprimé ne change rien à notre précédente analyse.

 

[ 73 ]       Par conséquent, les revendications proposées sont, elles aussi, considérées comme évidentes et, donc, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

RECOMMANDATION DU COMITÉ

 

[ 74 ]       Les revendications 1 à 11 sont évidentes et, donc, ne sont pas conformes au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets. Les revendications 1 à 10 proposées ne remédient pas à l’irrégularité liée à l’évidence. En conséquence, nous recommandons que la demande soit rejetée.

 

 

Paul Sabharwal              Ed MacLaurin               Cara Weir

Membre                   Membre                   Membre


 

Décision de la sous-commissaire

 

[ 75 ]       Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier sont évidentes, et que les revendications proposées ne remédient pas à cette irrégularité. 

 

[ 76 ]       En application des dispositions de l’article 40 de la Loi sur les brevets, je rejette l’octroi d’un brevet pour cette demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Agnès Lajoie

Sous-commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 25e jour de mai 2015

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.