Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Décision du commissaire no 1397

Commissioner’s Decision #1397

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :         O00     Évidence

                              H00     Juxtaposition

                              B00     Caractère ambigu

                              G00     Utilité

TOPICS:          O00     Obviousness

                              H00     Aggregation

                              B00     Ambiguity

                              G00     Utility

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 453 221

Application No: 2,453,221


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], la demande de brevet numéro 2 453 221 a subséquemment fait l'objet d'une révision, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission, le commissaire rejette la demande.

 

 

 

Agent du demandeur

 

GIERCZAK, EUGENE J.A.

a/s de Miller Thomson LLP 

Scotia Plaza

5800 – 40 rue King Street Ouest

C.P. 1011

TORONTO, Ontario

M5H 3S1

INTRODUCTION

 

[1]          La présente recommandation fait suite à une révision du refus, en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, de la demande de brevet no 2 453 221 ayant pour titre « BRAS DE LEVIER AVEC CONTOUR TACTILE » (LEVER ARM WITH TACTILE CONTOUR), déposée au Canada le 16 décembre 2003. Le demandeur est ERGO-INDUSTRIAL SEATING SYSTEMS INC.

 

[2]          La présente demande concerne des leviers de commande destinés à être utilisés en conjugaison avec un dispositif d'appui tel une chaise de bureau ou un lit, et des méthodes d'utilisation de ces derniers. Ces leviers sont généralement utilisés pour régler la position de diverses parties des chaises de bureau tels le dossier et l'assise. Lorsque des chaises de bureau sont pourvues de tels leviers, ces derniers sont généralement situés sous l'assise et disposés de façon à ce qu'une personne puisse les atteindre sous le bord de l'assise pour les actionner et ainsi régler l'ajustement de la partie correspondante de la chaise.

 

[3]          La présente demande est axée sur l'amélioration de la capacité d'un utilisateur à associer correctement un levier de commande donné à un réglage donné d'une partie d'un dispositif d'appui tel qu'une chaise de bureau. La Figure 2 de la demande (reproduite ci-dessous) montre comment l'invention permet d'obtenir ce résultat. À la Figure 2, les extrémités libres des leviers de commande 53, 55 et 57 ont des formes géométriques distinctes qui permettent à l'utilisateur de les distinguer plus facilement les unes des autres. La chaise s'accompagne également d'un guide qui indique à quel réglage de la chaise chaque levier est associé. Le guide peut fournir cette information sous une forme visuelle au moyen d’un imprimé (67) ou d'un dispositif d'affichage électronique (65), ou encore, sous une forme sonore au moyen, par exemple, d'un interrupteur (33) et d'un haut-parleur (70).

 

[4]          Grâce au guide, l'utilisateur peut plus facilement associer un réglage désiré avec un levier précis. Par exemple, si le guide indique que le dossier s'incline lorsque le levier de commande à extrémité carrée est actionné, l'utilisateur peut porter sa main sous l'assise et, sans regarder, trouver le levier de commande à extrémité carrée, car sa forme est suffisamment distincte des autres pour permettre une reconnaissance tactile rapide.

 

                               

 

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

 

[5]          La présente demande a été refusée par l'examinateur dans une décision finale en date du 21 novembre 2013 au motif que les revendications définissent un objet qui aurait été évident et contreviennent, de ce fait, aux exigences de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4 (« Loi sur les brevets ») et que les revendications visent une juxtaposition non brevetable d'éléments qui n'interagissent pas entre eux de manière à former une véritable combinaison. Dans la décision finale, l'examinateur a également signalé, au titre du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, plusieurs irrégularités liées au libellé des revendications.

 

[6]          En réponse à la décision finale, le demandeur a présenté les revendications modifiées 1 à 32 au dossier (les « revendications au dossier ») et des arguments à l'appui de la brevetabilité de ces revendications.

 

[7]          La demande a été transférée à la Commission d'appel des brevets (CAB) le 21 octobre 2014, accompagnée d'un résumé des motifs (RM) exposant les raisons pour lesquelles l'examinateur a jugé que les revendications au dossier sont irrégulières.

 

[8]          Le présent comité a été constitué dans le but de procéder à une révision de la demande en vertu des dispositions de l'alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets. Nous avons transmis le RM au demandeur le 31 octobre 2014.

 

[9]          Dans notre lettre subséquente en date du 11 septembre 2015, nous avons proposé une date d'audience et exposé notre analyse préliminaire des questions concernant les revendications au dossier, à savoir l'utilité, l'évidence, la juxtaposition et le caractère ambigu du libellé de certaines des revendications. Nous avons également invité le demandeur à présenter des observations écrites préalablement à l'audience.

 

[10]      Le 10 novembre 2015, le demandeur a présenté des observations écrites qui comprenaient les revendications modifiées proposées 1 à 32 (les « revendications proposées »).

 

[11]      Le demandeur a présenté des observations verbales à l'audience qui s'est tenue par vidéoconférence le 17 novembre 2015.

[12]      Nous sommes d'avis que les revendications sont évidentes et, de ce fait, non conformes à l'article 28.3 de la Loi, et nous recommandons que la demande soit rejetée.   

 

QUESTIONS

 

[13]      La principale question en l'espèce est celle de savoir si les revendications 1 à 32 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art.

 

PRINCIPES JURIDIQUES

 

Interprétation des revendications

 

[14]      Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont identifiés au moyen d'une interprétation téléologique des revendications à la lumière de l'ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. (Voir également Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, alinéas 49f) et g) et paragraphe 52.) Tel qu'il est indiqué au chapitre 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (juin 2015), accessible sur le site Web de l'OPIC, la première étape de l'interprétation téléologique d'une revendication consiste à identifier la personne versée dans l'art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L'étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s'agit de ceux qui sont indispensables à l'obtention de la solution divulguée, tel qu'elle est revendiquée.

 

Évidence

 

[15]      La Loi sur les brevets exige que l'objet d'une revendication ne soit pas évident. L'article 28.3 de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

 

28.3  L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[16]      Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Inc, 2008 CSC 61 [« Sanofi »], la Cour suprême du Canada a indiqué, au paragraphe [67] qu'il était utile, pour évaluer l'évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivantes [Traduction] :

 

(1) a)     Identifier la « personne versée dans l’art »;

      b)    Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)         Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)         Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait               partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend                la revendication ou son interprétation;

(4)         Abstraction faite de toute connaissance de l’invention                revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles      quelque inventivité?

 

ANALYSE

 

Interprétation des revendications

 

[17]      Le demandeur n'a pas contesté la façon dont le comité a caractérisé la personne versée dans l'art, les connaissances générales courantes pertinentes, le problème à résoudre, la solution proposée dans la demande et les éléments essentiels de la revendication 1, lesquels sont exposés ci-dessous. 

 

La personne versée dans l'art

 

[18]      La personne versée dans l'art est [Traduction] « un groupe formé de concepteurs, de fabricants et de techniciens spécialisés dans les dispositifs d'appui et familiers avec les mécanismes de commande et les guides de fonctionnement correspondants ».

 

Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[19]      Les connaissances générales courantes pertinentes comprennent les suivantes :

 

      Connaissance des dispositifs d'appui ainsi que de leurs utilisations et de leurs fonctionnalités, et des moyens de commande associés aux différents réglages du dispositif et, plus précisément, de la conception des types de leviers de commande et de l'utilisation de guides de fonctionnement accessibles à partir du dispositif pour fournir des instructions sous forme visuelle ou sonore quant à la façon adéquate d'utiliser le dispositif

      Connaissance de l'intégration de mécanismes de réglage dans des dispositifs d'appui tels que des chaises ou des lits

      Connaissance du fait que les chaises de bureau sont généralement pourvues d'un dossier et d'une assise réglables séparément au moyen de bras de commande

      Connaissance du fait que les bras de commande sont généralement situés sous l'assise de la chaise ou sous le lit (lorsqu'il s'agit de bras commandant un lit)

      Connaissance des problèmes que présentent de tels systèmes, notamment le fait que les bras de commande ne sont pas visibles d'emblée et que les commandes sont généralement comprises uniquement après un certain nombre d'essais et d'erreurs, ce qui donne parfois lieu à des mouvements brusques et imprévus de certaines parties de la chaise

      Connaissance du fait que les tentatives antérieures entreprises dans le but de résoudre ce problème comprennent le montage d'un guide de fonctionnement illustré à même la chaise, l'ajout d'un bord dentelé sur un des côtés de l'extrémité du bras de commande et l'ajout d'indications en Braille sur la surface supérieure du bras de commande

      Connaissance du fait que le fonctionnement des bras de commande est compris à l'aide d'un manuel d'instructions ou d'une carte présentant un résumé des instructions, lesquels peuvent pivoter vers l'extérieur à partir du bras de la chaise.

      Connaissance du fait que les bras de commande de l'art antérieur peuvent être de forme identique

      Connaissance du fait qu'en règle générale, les bras de commande de l'art antérieur sont pourvus, à leur extrémité, d'une palette circulaire substantiellement plate et que ces dernières sont généralement disposées côte à côte selon une orientation substantiellement plane à proximité immédiate les uns des autres.

 

 

Le problème à résoudre et la solution fournie par l'invention

 

[20]      Le problème à résoudre est [Traduction] « que les mouvements associés aux bras de commande qui contrôlent les mouvements des dispositifs d'appui, tels que les chaises, ne sont pas facilement compris par l'utilisateur ».

 

[21]      La solution à ce problème, qui est exposée dans la demande, est décrite de la manière suivante [Traduction] :

 

installation sur un dispositif d'appui de bras de commande dont les extrémités ont des formes distinctives et fourniture d'un guide d'utilisation correspondant, l'ensemble permettant à l'utilisateur d'associer plus facilement chaque bras de commande au mouvement qu'il contrôle, grâce au contour tactile distinctif de la forme de l'extrémité de chacun des bras de commande et au guide d'utilisation qui indique, au moyen d'illustrations, les mouvements qui sont associés aux bras de commande.

 

Les éléments essentiels des revendications

 

[22]      Les éléments essentiels de la revendication représentative 1, qui vise un système de commande pour un dispositif d'appui sont les suivants :

 

a.   Bras de commande dont les extrémités présentent des contours tactiles distinctifs attribuables à leurs formes géométriques distinctives;

b.  Les contours tactiles sont disposés symétriquement autour de l'axe du bras de commande;

c.   Les contours tactiles s'étendent substantiellement dans le même plan; et

d.  Un guide d'utilisation du système de commande représentant les formes distinctives et les mouvements du dispositif d'appui qui sont associés à chacune d'elles.

 

[23]      Les autres caractéristiques que nous considérons comme essentielles parmi celles définies dans les autres revendications (qui s'ajoutent donc à la liste primaire des caractéristiques essentielles de la revendication 1) et qui n'ont fait l'objet d'aucune objection de la part de du demandeur, sont les suivantes :

 

e.   L'information fournie par le guide comprend une représentation visuelle des formes qui correspond à l'ordre dans lequel sont disposés au moins deux leviers de commande.

f.   Le guide présente les différentes formes dans la même séquence que les leviers (ce qui semble s'apparenter étroitement au point a).

g.   Le guide comprend un dispositif d'affichage à cristaux liquides qui affiche les formes et présente de l'information concernant les fonctions des leviers de commande.

h.   Le guide est situé sur la surface supérieure d'un bras de la chaise.

i.    Le guide comprend des boutons qui correspondent aux formes géométriques et qui peuvent être activés pour fournir de l'information correspondant aux fonctions des leviers de commande.

 

Points contestés de l'interprétation des revendications

 

[24]      Le seul point de désaccord en ce qui concerne les éléments essentiels des revendications, tel que le demandeur l'a expliqué dans ses observations écrites et l'a fait valoir à l'audience, tient à ce que, selon lui, une caractéristique essentielle est définie à la revendication 2, qui spécifie que le [Traduction] « rebord périphérique » du(des) levier(s) de la revendication 1 est disposé dans un plan. Le demandeur prétend que cette limitation signifie que les formes géométriques distinctives de la revendication 1 se limitent à celles qui sont essentiellement de forme plane et pourvues d'un mince rebord périphérique, telles que celles illustrées à la Figure 2 de la demande.

 

[25]      À l'appui de cette prétention, le demandeur a cité certains passages de la page 9 de la demande, dans lesquels les formes planes sont dites [Traduction] « faciles à distinguer au toucher ou au contact ». Or, nous soulignons que la page 9 contient également, aux lignes 6 à 9, un passage selon lequel toute forme peut convenir, du moment que l'utilisateur peut distinguer les formes entre elles au toucher [Traduction] :

 

L'invention ne devrait pas se limiter aux formes appartenant à ce groupe, car ce groupe est mentionné à titre d'exemple seulement. Toute forme au contour tactile peut être utilisée du moment qu'une personne peut facilement et rapidement la reconnaître lorsqu'elle la touche avec ses doigts.

 

[26]      Nous soulignons également qu'à la revendication 1, le groupe des formes présentées comme pouvant être utilisées en conjugaison avec l'invention comprend des formes planes (p. ex. circulaire) et des formes tridimensionnelles (p. ex. sphérique).

 

[27]      Compte tenu de ce qui précède, nous ne sommes pas d'accord pour dire que le fait que la forme peut être plane est un élément essentiel des revendications.

 

[28]      S'agissant de l'interprétation du libellé des revendications, dans ses observations écrites et verbales, le demandeur a soulevé un point concernant la signification qu'il convient de donner au terme [Traduction] « levier » tel qu'il est employé dans les revendications. L'interprétation de ce terme est pertinente pour notre analyse de l'évidence ci-dessous, car le demandeur prétend que, comparativement aux dispositifs de l'art antérieur tel que celui du document de l'art antérieur D1 (dans lesquels des bras ou des leviers de commande similaires effectuaient, dans certains cas, un mouvement de rotation autour de l'axe du bras), les leviers des revendications au dossier fonctionnement davantage selon un mouvement vertical ascendant et descendant à leur extrémité libre, les leviers pivotant autour d'un axe perpendiculaire à eux-mêmes et essentiellement parallèle au plan de l'assise.

 

[29]      Après examen de la demande, nous estimons que cette dernière ne comporte aucune limitation quant aux mouvements particuliers que peuvent effectuer les extrémités des leviers de commande lorsque ces derniers sont actionnés par un utilisateur et, par conséquent, nous n'attribuons aucune signification particulière au terme « levier », tel qu'il est employé dans les revendications, autre que le fait qu'il désigne un bras de commande qui permet de régler l'ajustement d'une partie de la chaise.

 

Les revendications 1 à 32 auraient-elles été évidentes pour la personne versée dans l'art?

 

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »

 

[30]      La personne versée dans l'art est définie au paragraphe [19].

 

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[31]      Les connaissances générales courantes pertinentes sont exposées au paragraphe [20].

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

[32]      Comme nous l'avons indiqué dans notre lettre du 11 septembre 2015, nous ne voyons aucune raison en l'espèce de considérer que l'idée originale des revendications est autre chose que l'ensemble des éléments essentiels qui la définissent, ce que le demandeur  n'a pas contesté.

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

[33]      Dans notre lettre du 11 septembre 2015, nous avons cité les documents de l'art antérieur suivants :

 

D1 :       Brevet américain no                                      5 630 647                          Heidmann et coll.

D2 :       Brevet américain no                                      5 700 051                          Newhouse

D3 :       Demande de brevet américain no          2002/0065470                 Cassaday

 

[34]      Dans notre lettre, nous avons indiqué avoir d'abord évalué la revendication représentative 1 et être ensuite passés à l'évaluation des autres caractéristiques essentielles définies dans les autres revendications. Le demandeur n'a pas contesté cette approche.

 

[35]      Nous avons expliqué qu'à notre avis, la seule différence entre le document de l'art antérieur D1 et la revendication 1 est que D1 ne divulgue pas l'utilisation d'un guide fourni avec une chaise, lequel guide, en l'espèce, illustre la forme des extrémités des leviers de commande et indique à quels réglages des parties de la chaise chaque forme est associée. Dans ses observations écrites et verbales, le demandeur a fait valoir que la revendication 1 présentait trois autres différences par rapport au document de l'art antérieur D1, à savoir :

 

(1)   Les contours tactiles (sélectionnés parmi le groupe de formes géométriques) s'étendent substantiellement dans le même plan;

(2)   Les formes géométriques sont disposées dans un espace bidimensionnel et leur profondeur verticale définit ledit rebord périphérique [cette différence se rapporte à la limitation que constitue la forme plane examinée précédemment dans le contexte de la revendication 2]; et

(3)   Lesdits contours tactiles desdits leviers sont différents les uns des autres

 

[36]      Nous nous pencherons sur le point (2) à l'étape 4 de la démarche de Sanofi.

 

[37]      S'agissant du point (1), il est vrai que les bras de commande dans D1 ne sont pas disposés exactement dans le même plan, comme le montrent, par exemple, les Figures 8 et 11 de ce document, mais les revendications en l'espèce exigent seulement que les leviers de commande s'étendent [Traduction] « substantiellement dans le même plan ». Comme nous l'avons souligné dans notre lettre, les Figures 1, 93, 95, 98 et 101 de D1 montrent toutes des réalisations d'une chaise dont les leviers de commande semblent fort bien être disposés [Traduction] « substantiellement dans le même plan ». Par conséquent, nous ne considérons pas qu'il s'agit là d'une différence entre le document de l'art antérieur D1 et la revendication 1.

 

[38]      En ce qui concerne le point (3), comme nous l'avons souligné dans notre lettre, les extrémités des leviers de commande dans D1 sont distinctives et présentent des contours tactiles différents, qui aident l'utilisateur à distinguer les leviers de commande et les fonctions associées à chacun d'eux. Par conséquent, comme dans le cas du point (1), nous ne considérons pas qu'il s'agit là d'une différence entre le document de l'art antérieur D1 et la revendication 1.

 

[39]      En résumé, la personne versée dans l'art considérerait que la seule différence entre le document de l'art antérieur D1 et la revendication 1 est que D1 n'inclut pas de guide (comme celui qui est fourni en l'espèce et qui représente les formes géométriques des extrémités des leviers de commande et les réglages du dispositif d'appui qui sont associés à chacune d'elles).

 

[40]      Quant aux caractéristiques essentielles des autres revendications, comme nous l'avons indiqué dans notre lettre, nous considérons que ces caractéristiques constituent des différences par rapport à l'art antérieur, car elles concernent des réalisations du guide.

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Le document D1 n'inclut pas de guide (comme celui qui est fourni en l'espèce et qui représente les formes géométriques des extrémités des leviers de commande et les réglages du dispositif d'appui qui sont associés à chacune d'elles).

 

[41]      Dans notre lettre du 11 septembre 2015, nous exposons notre raisonnement à savoir pourquoi, à notre avis, la personne versée dans l'art aurait considéré comme évident le fait de fournir un tel guide avec une chaise telle que celle de D1. Nos opinions à cet égard n'ont pas été contestées par le demandeur dans ses observations écrites ou verbales. Nous reproduisons ci-dessous les passages pertinents de notre lettre [Traduction] :

 

Comme nous l'avons souligné dans notre interprétation des revendications ci-dessus, il était connu de la personne versée dans l'art que des manuels d'instructions et des guides de fonctionnement illustrés avaient déjà été utilisés en conjugaison avec des dispositifs d'appui tels que des chaises pourvues d'un dossier et d'une assise réglables contrôlés par des bras de commande. Les connaissances générales courantes comprenaient également la connaissance du fait que ces guides peuvent pivoter vers l'extérieur à partir du bras de la chaise. Le document D2, qui est cité dans la décision finale, fournit un exemple de ce genre de guide. 

 

Un guide illustré représenterait les leviers et les mouvements associés à chacun d'eux, exactement comme dans D2. Étant donné que l'intégration d'un tel guide à des chaises pourvues d'un dossier et d'une assise réglables faisait partie des connaissances générales courantes, le fait de fournir un tel guide avec une chaise telle que celle de D1 aurait été évident pour la personne versée dans l'art. 

 

Nous n'avons pas identifié comme des différences les caractéristiques voulant que les extrémités des leviers de commande soient disposées symétriquement autour de l'axe des leviers et qu'elles s'étendent substantiellement dans le même plan, mais, même si nous l'avions fait, nous considérerions tout de même qu'elles auraient été évidentes à la lumière des connaissances générales courantes qui comprenaient la connaissance des leviers de commande présentant, à leur extrémité, des palettes circulaires plates généralement disposées côte à côte selon une orientation substantiellement plane. Nous ne voyons aucune raison pour laquelle de telles palettes circulaires plates situées à l'extrémité des leviers de commande n'auraient pas été disposées symétriquement autour de l'axe des leviers.

 

La présence d'au moins deux « leviers » dans le document de l'art antérieur D1

 

[42]      Le demandeur, s'appuyant sur son interprétation du terme « levier », a fait valoir dans ses observations tant écrites que verbales qu'il existait une autre différence entre le document de l'art antérieur D1 et les revendications; cette différence tenant à ce que D1 ne divulgue pas une chaise pourvue de plus d'un levier. Compte tenu de notre interprétation de ce terme ci-dessus, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une différence, mais même s'il s'agissait d'une différence, nous sommes d'avis qu'elle aurait été évidente pour la personne versée dans l'art.

 

[43]      La présente demande, aux pages 6 et 7 décrit, en relation avec la Figure 1, un exemple « typique » de chaise de bureau de l'art antérieur pourvue de bras de commande servant à contrôler les réglages de la chaise, lesquels bras sont décrits comme étant des leviers et représentés de la même manière que ceux de l'invention alléguée illustrée à la Figure 2 de la demande (sauf, bien sûr, en ce qui concerne la forme des extrémités des leviers). Cet exemple « typique » de l'art antérieur est considéré comme faisant partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. Il aurait été évident pour la personne versée dans l'art d'utiliser un groupe de « leviers », dont le mouvement correspond à la conception du demandeur, avec une chaise telle que celle du document de l'art antérieur D1. Il en est ainsi parce que la personne versée dans l'art, du fait de ses connaissances générales courantes, aurait été parfaitement au courant de la possibilité que ce groupe de leviers fonctionne de la manière dont le conçoit le demandeur. En outre, étant donné que la personne versée dans l'art était au courant, du fait de ses connaissances générales courantes, de la difficulté de distinguer entre eux les différents leviers (et, partant, les réglages correspondants) d'une chaise « typique », les formes tactiles distinctives de D1 lui auraient fourni la solution.

 

La réalisation « plane » présentant un mince rebord périphérique, tel que défini p. ex. à la revendication 2

 

[44]      Le demandeur a également fait valoir que la revendication 2 impose une limitation selon laquelle les formes géométriques de la revendication 1 doivent être des formes planes pourvues d'un mince rebord périphérique. Nous ne sommes pas d'accord avec le demandeur parce que nous avons établi ci-dessus que cette caractéristique est non essentielle, mais, même si elle l'était, nous sommes d'avis que l'utilisation de telles formes aurait été évidente pour la personne versée dans l'art.

 

[45]      Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art comprennent une connaissance de la chaise de bureau typique qui est décrite dans la demande et qui, elle-même, est pourvue de palettes plates et planes. Compte tenu des connaissances générales courantes, il aurait été évident pour la personne versée dans l'art, à la lumière du document de l'art antérieur D1, que l'emploi de diverses formes distinctives et de diverses dispositions de ces formes (substantiellement planes ou plus tridimensionnelles comme la sphère) aurait permis une différenciation tactile. À notre avis, la personne versée dans l'art n'aurait vu aucun avantage à opter pour un type de forme plutôt qu'un autre, l'important étant que les formes soient suffisamment distinctives pour permettre à l'utilisateur de les différencier facilement les unes des autres.

 

Les différences supplémentaires liées aux autres revendications au dossier

 

[46]      Dans notre lettre du 11 septembre 2015, nous avons exposé notre analyse préliminaire à savoir pourquoi nous considérons que les caractéristiques essentielles supplémentaires définies dans les autres revendications sont également évidentes. Le demandeur n'a pas contesté cette analyse. 

 

Revendications proposées 1 à 32

 

[47]      Les revendications proposées 1 à 32 ne remédient pas à l'irrégularité liée à l'évidence et, par conséquent, ne peuvent pas être considérées comme « nécessaires » aux termes du paragraphe 30(6.3). Même si les revendications proposées auraient mis un terme à nos préoccupations concernant la clarté et l'utilité des revendications, elles ne diffèrent des revendications au dossier que dans la mesure où elles établissent plus clairement une limitation à l'égard de la réalisation [Traduction] « plane » des leviers de commande, qui inclut un mince rebord périphérique (voir p. ex. les revendications proposées 2, 10 et 16 soumises avec les observations préalables à l'audience). Comme nous l'avons indiqué précédemment, nous sommes d'avis que, même avec cette limitation, les revendications auraient été évidentes.

 

[48]      À l'audience, le demandeur a souligné que la revendication proposée 16 limite l'emplacement des leviers de commande en ce qu'elle comprend l'expression [Traduction] « dans le même plan » par opposition à [Traduction] « substantiellement dans le même plan » (qui est l'expression employée dans les revendications au dossier et dans les autres revendications proposées). À notre avis, cela ne remédierait pas à l'irrégularité liée à l'évidence, car la chaise [Traduction] « typique », dont nous avons traité précédemment et qui fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, est représentée dans la demande comme étant pourvue de leviers de commande disposés dans le même plan. Cette configuration des leviers de commande d'une chaise est bien connue. Qui plus est, nous ne voyons aucun avantage à placer les leviers de commande exactement dans le même plan par opposition à « substantiellement dans le même plan » et le demandeur n'a mentionné aucun avantage lié à cette configuration ni dans le mémoire descriptif ni dans ses observations; l'aspect central de l'invention étant plutôt le recours à des formes géométriques distinctes comme moyen de différencier des leviers de commande au toucher.

 

[49]      À la lumière du dossier, des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art et des observations du demandeur, nous concluons que les revendications 1 à 32 au dossier auraient été évidentes et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

Juxtaposition

 

[50]      Dans notre lettre du 11 septembre 2015, aux pages 12 et 13, nous exposons notre opinion préliminaire selon laquelle les revendications au dossier visent une juxtaposition non brevetable. Nous sommes d'avis qu'il n'existe aucune relation fonctionnelle entre le dispositif d'appui pourvu de son système de leviers de commande et le guide, et que, lorsqu'on les considère séparément, aucun n'est brevetable parce que tous deux sont dénués de nouveauté et d'ingéniosité inventive. Dans ses observations écrites, le demandeur a proposé, dans le but de remédier à cette situation, de modifier la revendication 1 de manière à ce qu'elle spécifie que le guide est [Traduction] « connecté au dispositif d'appui ». Étant donné que nous sommes d'avis, comme nous l'avons indiqué dans notre lettre, que toutes les revendications visent une juxtaposition non brevetable, cette modification proposée n'aurait pas remédié à l'irrégularité liée à la juxtaposition, même en ce qui concerne les revendications qui prévoient de fixer le guide sur le bras de la chaise.

 

[51]      Même si nous avions conclu que les revendications, envisagées comme une combinaison comprenant le dispositif d'appui pourvu de son système de leviers de commande et le guide correspondant, sont non évidentes, il n'en resterait pas moins qu'elles visent une juxtaposition non brevetable car, lorsqu'on les considère individuellement, le dispositif d'appui pourvu de son système de leviers de commande et le guide sont, l'un comme l'autre, dénués de nouveauté et d'ingéniosité inventive. 

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[52]      Le comité recommande que la demande soit rejetée pour le motif suivant :

 

         Les revendications 1 à 32 au dossier auraient été évidentes et sont, par conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[53]      Les revendications proposées 1 à 32 ne remédient pas à l'irrégularité liée à l'évidence et, par conséquent, ne sont pas considérées comme « nécessaires » aux termes du para. 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

Stephen MacNeil                              Mark Couture                                  Christian Opris

Membre                                                  Membre                                              Membre


 

DÉCISION

 

[54]      Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets ainsi qu'à sa recommandation de rejeter la demande pour le motif suivant :

 

         Les revendications 1 à 32 au dossier auraient été évidentes et sont, par conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

[55]      En conséquence, conformément aux dispositions de l'article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’octroyer un brevet relativement à cette demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 29e jour d’avril 2016

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.