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Décision du commissaire no 1389

Commissioner’s Decision #1389

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : B00, F00, O00

TOPIC: B00, F00, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 398 030

Application No: 2,398,030

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 398 030 a fait l'objet d'une révision, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA LLP

1, Place Ville Marie, bureau 2500

Montréal (Québec)

H3B 1R1

 



INTRODUCTION

[1]          La présente décision concerne une révision de la demande de brevet numéro 2 398 030 intitulée « Agents thérapeutiques contre l'achondroplasie » [« la demande 030 »]. Cette demande a été déposée au Canada le 14 août 2002 au nom de Kazuwa Nakao en tant que demandeur et inventeur. Le demandeur a d'abord présenté une demande de priorité sur la base de deux demandes de brevets japonais antérieures; cependant, le demandeur n’a été en mesure de produire qu’une seule de ces demandes, soit la demande JP 310322/2001 déposée le 5 octobre 2001.

[2]          Pour les raisons énoncées ci-dessous, nous recommandons que le demandeur soit avisé que les modifications proposées sont requises afin d'assurer le respect de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets.

HISTORIQUE DU TRAITEMENT DE LA DEMANDE

[3]          Le 25 avril 2013, une décision finale a été rendue refusant la demande, parce que l'invention revendiquée était considérée comme évidente eu égard à deux publications antérieures. En réponse à cette décision finale, le demandeur a présenté des arguments dans une lettre datée du 25 octobre 2013. L'examinateur n'a pas été convaincu par ces arguments et a préparé un résumé des motifs le 29 janvier 2014, concluant que l'invention revendiquée est évidente.

[4]          Le 28 février 2014, la demande a été transmise à la Commission d'appel des brevets aux fins de révision, et le comité actuel de révision a été créé. À la suite de l'examen initial de la demande, nous avons soulevé deux autres questions dans une lettre datée du 3 février 2015 : l'antériorité et le libellé des revendications qui ne définit pas clairement et en des termes explicites l'objet de l'invention. Dans notre lettre, d'autres questions sont également précisées et nous avons invité le demandeur à assister à une audience. Le demandeur a répondu en produisant des observations écrites dans une lettre datée du 7 avril 2015, qui contient des revendications proposées 1 à 4 [les « revendications proposées »]. Il a également assisté à une audience devant le comité de révision, tenue par vidéoconférence le 10 avril 2015.

[5]          La révision actuelle est fondée sur les revendications 1 à 4 au dossier et tient compte des revendications proposées soumises dans la lettre du demandeur du 7 avril 2015.

CONTEXTE

[6]          La « dysplasie squelettique » est un terme générique qui englobe plusieurs troubles affectant la croissance des os et du cartilage, y compris différents types de nanisme. L'achondroplasie est la forme de nanisme d'origine génétique la plus commune; elle touche un nouveau-né sur environ 15 000 naissances vivantes. Elle est causée par des mutations particulières du gène pour le facteur de croissance des fibroblastes 3 (« FGFR3 »), lesquelles activent anormalement la fonction du FGFR3 et nuisent à l'ossification endochondrale, un processus qui comprend la formation de tissus osseux à partir d'une matrice de cartilage.

[7]          Les mutations particulières du FGFR3 associées à l'achondroplasie réduisent la taille ou l'épaisseur de la couche de cellules cartilagineuses (chondrocytes) dans le cartilage de conjugaison servant à la croissance des os des membres en diminuant la prolifération des chondrocytes et en retardant ainsi la maturation de ces derniers. La matrice de cartilage servant à l'ossification se trouve donc réduite, donnant lieu à des os plus petits au niveau des membres, ce qui cause le nanisme. D'autres mutations du FGFR3 peuvent entraîner des types de dysplasie squelettique différents de l'achondroplasie.

[8]          La description présentée par le demandeur démontre qu'un traitement à base de peptide natriurétique type C [« CNP »] permet de corriger l'achondroplasie, une forme particulière de nanisme. Le CNP est un membre de la famille des peptides natriurétiques [« NP »], laquelle contient aussi des peptides natriurétiques auriculaires (« ANP ») et des peptides natriurétiques cérébraux (« BNP »). Selon la description fournie par le demandeur, les NP étaient connus pour leur rôle en tant que facteurs de croissance des os (paragraphe débutant à la page 2 et se terminant à la page 3). Il est indiqué dans la description qu'il a déjà été démontré que les CNP favorisent la croissance longitudinale des os et l'épaississement de la couche de cartilage de conjugaison (page 3).

[9]          Les revendications au dossier portent sur l'utilisation du CNP-22 ou du CNP-53, deux peptides CNP particuliers ayant respectivement 22 et 53 acides aminés, pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3.

QUESTIONS

[10]      Cette révision porte sur les trois questions suivantes :

(1)     Les revendications sont-elles évidentes eu égard aux antériorités citées?

(2)     Les revendications sont-elles antériorisées par une demande déposée antérieurement?

(3)     Les revendications définissent-elles distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention?

PRINCIPES JURIDIQUES

Interprétation téléologique

[11]      L'interprétation téléologique est un exercice d'interprétation visant à déterminer la signification et la portée des revendications. L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de validité : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 au par. 43 [« Whirlpool »]. L'interprétation téléologique nécessite aussi que les revendications soient interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art, laquelle possède les connaissances générales courantes associées à cet art : Whirlpool au par. 53. L'interprétation est fondée sur le mémoire descriptif du brevet lui-même, sans recourir à des preuves extrinsèques : Free World Trust c Electro Sante Inc, 2000 CSC au par. 66 [« Free World Trust »]. De plus, il y a lieu de recourir à la description pour avoir un aperçu de la signification d’un terme ou d’une expression. Sinon, la portée de la revendication ou des revendications telles qu'elles sont libellées ne peut être ni restreinte ni élargie : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2009 CF 726 au par 13. Pendant l'interprétation téléologique, on détermine si les éléments de l'invention revendiquée sont indiqués comme essentiels ou non essentiels : Free World Trust au par. 31. Un élément est considéré comme non essentiel si, suivant une interprétation téléologique, le destinataire versé dans l'art concevrait l'élément de la revendication comme pouvant être omis ou substitué sans avoir d'incidence importante sur le fonctionnement de l'invention : Free World Trust au par. 55. Selon l'énoncé de pratique intitulé « Pratique d’examen au sujet de l'interprétation téléologique » (PN2013-02), les éléments essentiels d'une revendication sont ceux qui contribuent à la solution proposée au problème défini dans la demande.

[12]      Le paragraphe 27(5) de la Loi sur les brevets précise la manière dont une revendication qui définit un objet selon une variante doit être interprétée en ce qui a trait aux questions relatives à l'antériorité ou à l'évidence :

Il est entendu que, pour l’application des articles 2, 28.1 à 28.3 et 78.3, si une revendication définit, par variantes, l’objet de l’invention, chacune d’elles constitue une revendication distincte.

[13]      Dans Abbott Laboratories c Canada (ministre de la Santé), 2005 CF 1332 [« Abbott »], au par. 52, Phelan J a déclaré ce qui suit concernant le paragraphe 27(5) :

 

[traduction] Le paragraphe 27(5) fait partie des dispositions comprises dans la partie « Demandes de brevets » de la Loi. Suivant cette disposition, s'il y a des variantes, chaque variante doit satisfaire au critère de brevetabilité – nouveauté, utilité et inventivité. L'omission d'établir que chaque variante est brevetable entraînerait l'invalidité de la variante et, par le fait même, l'invalidité de toute la revendication.

Évidence

[14]      L'article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l'information qui peut être prise en compte au moment de déterminer si l'objet d'une revendication est évident :

          L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

          (b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[15]      Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au par. 67 [« Sanofi »], la Cour suprême du Canada a déclaré que, lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets suivante :
[Traduction]

                     (1)a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

                     b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

(2)    Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.

(3)    Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)    Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

          La Cour suprême a également indiqué que d'autres facteurs peuvent être pris en considération dans le cadre du quatrième volet de l'examen relatif à l'évidence (Sanofi, au par. 69.

Antériorité

[16]      Selon, l'alinéa 28.2(1)d) de la Loi sur les brevets, une revendication ne doit pas définir un objet divulgué dans une demande canadienne en coinstance, laquelle est fondée sur une demande antérieurement déposée avant la date de revendication de la demande en instance :

28.2(1) L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas :

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a) si :

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas :

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l'objet que définit la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relativement aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa a),

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s'est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

(iv) cette personne a présenté, à l'égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

[17]      Lorsqu'une demande canadienne en coinstance est citée en vertu du paragraphe 28.2(1)d) de la Loi sur les brevets, la « date de revendication » est « la date de production de la première demande de priorité où figure l'objet de la revendication : article 15.03 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets. Si la demande en coinstance [traduction] « contient des documents relatifs à un objet inventé après la date de priorité, cet objet ne peut recevoir cette date » : Dans Apotex Inc c Merk & Co Inc, 2006 CAF 323 au par. 55. Même si l’invention n’est pas divulguée explicitement, [traduction] « il peut se révéler possible d’inférer l’objet revendiqué dans le brevet canadien du libellé du document de priorité » : Pfizer Canada Inc c Ratiopharm Inc, 2010 CF 612 au par. 87, en référence à AstraZeneca Canada c Apotex Inc, 2007 CF 688. aux par. 62 à 65.

[18]      Si une seule publication de l'art antérieur divulgue l'ensemble des éléments essentiels de l'invention revendiquée de manière réalisable, il y a anticipation : Free World Trust au par. 25. En outre, la Cour suprême du Canada a accepté d'utiliser une démarche à deux volets pour l'examen relatif à l'antériorité, dans laquelle « la divulgation antérieure » et « le caractère réalisable » étaient considérés séparément : Sanofi au par. 28.

[19]      La première considération, celle de savoir s'il y a « divulgation antérieure », est « évaluée du point de vue de la personne versée dans l'art, qui doit être en mesure de comprendre l'invention à partir de la description, sans avoir à faire des essais ou des expériences » : Bell Helicopter c Eurocopter, 2013 CAF 219 au par. 107 [« Bell Helicopter »], citant Sanofi aux par. 24 et 25. À cet égard, la Cour fédérale du Canada a déclaré qu'il [traduction] n’est pas obligatoire que la divulgation soit une description exacte de l’invention revendiquée » : Eli Lilly c Mylan, 2015 CF 125, au par. 145.

[20]      En ce qui concerne la deuxième considération, qui consiste à déterminer s'il y a « caractère réalisable », [traduction] « il ne s'agit plus de ce que la personne versée dans l'art comprend de la description, mais de la capacité de cette personne à réaliser l'invention sans difficulté excessive » : Bell Helicopter, au par. 108, citant Sanofi, aux par. 26 et 37.

L'objet doit être défini distinctement et en des termes explicites

[21]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que, pour établir les limites de la revendication, l'objet doit être défini « distinctement et en des termes explicites » :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

INTERPRÉTATION TÉLÉOLOGIQUE

La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes

[22]      Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons proposé de caractériser la personne versée dans l'art comme une personne ayant des intérêts pour la recherche dans le domaine de la dysplasie squelettique, détenant une connaissance vaste et approfondie de la médecine expérimentale et des possibilités de traitement pour diverses formes de nanisme, y compris l'achondroplasie. Dans la lettre du 7 avril 2015, le demandeur a essentiellement accepté la caractérisation que nous avons proposée, ajoutant que la personne versée dans l'art détiendrait aussi des connaissances dans le domaine des diagnostics de dysplasie squelettique, y compris des tests génétiques pour la détection de la dysplasie squelettique. À la lumière des enseignements contenus dans la description, nous sommes d'accord avec cette caractérisation.

[23]      Par conséquent, la personne versée dans l'art aurait des intérêts de recherche dans le domaine de la dysplasie squelettique, y compris l'achondroplasie, une connaissance du diagnostic de dysplasie squelettique, y compris le dépistage à l'aide de tests génétiques, de même qu'une connaissance des possibilités de traitement, notamment les traitements expérimentaux.

[24]      Pour faciliter notre compréhension de l'état des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, le comité de révision s'est penché sur deux articles de synthèse qui ont été publiés en 1995, soit ceux de Hagiwara[1] et de McDowell[2]. Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons avancé que plusieurs enseignements issus de ces articles de synthèse faisaient partie des connaissances générales courantes. Le demandeur a convenu, dans la lettre du 7 avril 2015, que les connaissances générales courantes comprendraient au moins ces points d'Hagiwara et de McDowell (page 2). Ces points considérés comme des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art sont donc les suivants :

  l'achondroplasie est causée par des mutations du gène FGFR3 occasionnant un gain de fonction;

  les peptides natriurétiques, y compris le CNP, jouent un rôle dans le développement des os; on sait que le CNP et son récepteur GC-B (NPR-B) sont exprimés dans les chondrocytes;

  le gène CNP produit un polypeptide précurseur du CNP ayant 126 résidus acides aminés (appelé « pre-pro-CNP »), qui est transformé de manière à produire un CNP précurseur de 103 résidus (appelé « pro-CNP ») qui est à son tour transformé pour produire deux formes de peptides : CNP-53 et CNP-22;

  CNP-53 et CNP-22 sont identiques, à l'exception d'une extension de 31 acides aminés à l'extrémité amino-terminale du CNP53;

  l'abréviation « CNP » est généralement comprise par la personne versée dans l'art comme désignant le CNP-22.

Le problème et la solution apportée par la demande 030

[25]      Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons avancé que le problème à résoudre consistait à [traduction] « trouver un agent thérapeutique pour le traitement de l'achondroplasie » (page 2).

[26]      Dans la lettre du 7 avril 2015, le demandeur a répondu que [traduction] « dans l'art, surtout dans les publications scientifiques, le terme "achondroplasie" est parfois employé librement et ne fait pas nécessairement référence à une dysplasie squelettique causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du (FGFR3) » (page 3). Par conséquent, le demandeur a fait valoir que pour une clarté optimale, le problème à résoudre doit refléter la recherche d'un traitement contre l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3 précisément. À l'appui de cet argument, le demandeur a cité un article de Horton et coll.[3], dans lequel on dit que la chondrodysplasie, y compris l'achondroplasie, [traduction] « constitue un groupe diversifié et génétiquement hétérogène de troubles associés au développement squelettique » (page 3).

[27]      À notre avis, la personne versée dans l'art comprendrait, à la lumière des enseignements contenus dans la description du demandeur, que ce qu'on recherchait, c'est un traitement contre l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3. Donc, la personne versée dans l'art considérerait ce qui suit comme le problème à résoudre :

Trouver un traitement pour l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3.

[28]      De la même façon, au vu des enseignements contenus dans la description du demandeur, la personne versée dans l'art considérerait ce qui suit comme la solution au problème :

Utiliser le CNP-22 ou le CNP-53 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3.

Les revendications interprétées de manière téléologique

[29]     Les revendications 1 à 4 au dossier contiennent deux revendications indépendantes : les revendications 1 et 3. La revendication 1 se lit comme suit :

Un agent thérapeutique contre l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du (FGFR3), comprenant un peptide natriurétique de type C (CNP)-22 ou CNP-53.

[30]     La revendication 3 se lit comme suit :

Utilisation d'un peptide natriurétique de type C (CNP)-22 ou CNP-53 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du (FGFR3).

[31]     Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons informé le demandeur que, selon nous, la personne versée dans l'art interpréterait « CNP-22 et CNP-53 » comme d'autres modes de réalisation possibles (page 3). Le demandeur n'a pas contesté cette déclaration et n'a formulé aucune observation indiquant le contraire. Donc, en vertu du paragraphe 27(5) de la Loi sur les brevets, le CNP-22 et le CNP-53 seront interprétés en tant qu'autres modes de réalisation possibles aux fins d'analyse en vertu de l'alinéa 28.2(1)(d) et de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets dans le cadre du présent examen.

[32]     Les deux revendications indépendantes au dossier sont des revendications d'utilisation. La revendication 1 définit un « peptide aux fins d'utilisation » et la revendication 3 définit « l'utilisation d'un peptide ». À notre avis, la personne versée dans l'art ne considérerait pas que la portée de ces revendications est différente. Par conséquent, nous considérerons ces revendications conjointement dans notre analyse.

« Agent thérapeutique »

[33]     Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons avisé le demandeur que nous estimions que la signification du terme « agent thérapeutique » dans la revendication 1 au dossier était ambiguë puisqu'on ne sait pas si l'agent thérapeutique est une composition comprenant un peptide CNP ou si cette expression concerne le peptide CNP lui-même : La revendication 2, qui dépend de la revendication 1, fait également référence à l'agent thérapeutique.

[34]     Sans contester ce qui précède, le demandeur a soumis, dans la lettre du 7 avril 2015, les revendications proposées 1 et 2 dans lesquelles les références à « l'agent thérapeutique » sont retirées, afin de préciser que les revendications proposées concernent bien le peptide CNP et non une composition. Comme nous le verrons plus loin, nous concluons que ces suppressions proposées sont nécessaires aux fins de la conformité avec le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, qui exige que l'objet soit défini distinctement et en des termes explicites. Quoi qu'il en soit, en l'espèce, que l'agent thérapeutique soit interprété comme un peptide CNP ou comme une composition contenant un peptide CNP ne changerait en rien le résultat des analyses relatives à l'antériorité ou à l'évidence. Pour les besoins de l'examen des revendications au dossier, nous adopterons l'interprétation selon laquelle l'« agent thérapeutique » qui figure dans les revendications 1 et 2 au dossier constitue une référence directe à un peptide CNP, CNP-22 ou CNP-53.

Éléments essentiels

[35]     Compte tenu de la discussion ci-dessus, la personne versée dans l'art présumerait que les revendications indépendantes 1 et 3 comportent les éléments suivants :

l'utilisation du peptide natriurétique de type C CNP-22 ou CNP-53;

afin de traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3.

[36]      À notre avis, la personne versée dans l'art considérerait que ces éléments sont essentiels à la solution au problème recensé ci-dessus au par. [28].

[37]      Nous examinerons la caractéristique additionnelle de chaque revendication dépendante correspondante dans le corps de notre analyse, dans les sections qui suivent.

LES REVENDICATIONS SONT-ELLES ÉVIDENTES EU ÉGARD AUX ANTÉRIORITÉS CITÉES?

Analyse des revendications au dossier

Étape 1 : Identifier la « personne versée dans l'art » et les connaissances générales courantes de cette personne

[38]      La personne versée dans l'art et ses connaissances générales courantes ont déjà été identifiées aux par. [23] et [24].

Étape 2 : Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[39]      Selon la décision finale, l'idée originale est l'utilisation du CNP-22 ou du CNP-53 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3. Le demandeur n'a pas contesté cette caractérisation de l'idée originale ni produit d'observations contraires. Particulièrement, cette idée originale est constituée des éléments essentiels définis pour les revendications indépendantes susmentionnées, ce que nous adoptons comme idée originale des revendications 1 et 3.

Étape 3 : Recenser les différences, s’il en est, entre la matière citée comme faisant partie de l’« état de la technique » et l'idée originale de la revendication ou la revendication telle qu'elle est interprétée

[40]      Les articles de périodiques suivants ont été cités à titre d'antériorités dans la décision finale et le résumé des motifs :

FEBS, 276, no 1, 2, pp. 209 à 213          Publié en 1990                              Kojima et coll.

PNAS, 98, no 7, pp. 4016 à 4021            Publié en mars 2001                     Chushoet coll.

Kojima et coll.

[41]      Kojima et coll. sont les auteurs d'un article de périodique publié en 1990. Kojima et coll. divulguent que l'ADNc codant pour le CNP produit un pré-pro-CNP – un peptide précurseur – qui est transformé en un pro-CNP, lequel est à son tour transformé pour produire un peptide CNP selon deux formes, soit CNP-22 et CNP-53. Le CNP-53 est une forme prolongée en N-terminal du peptide CNP-22 qui est plus court.

[42]      Nous remarquons que ces enseignements ont été désignés en tant que connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art au par. [24].

Chusho et coll.

[43]      Chusho et coll. sont les auteurs d'un article de périodique publié le 27 mars 2001 par le demandeur. Chusho et coll. divulguent que les souris qui n'ont pas de CNP, après une rupture artificielle de leur gène CNP naturel, sont atteintes de nanisme grave en raison d'une anomalie de l'ossification endochondrale. Les anomalies squelettiques observables chez ces souris ressemblent à celles des patients atteints d'achondroplasie. Afin de déterminer si un traitement comprenant l'expression ciblée du CNP peut corriger le nanisme observé, les souris ont été croisées avec des souris transgéniques programmées pour exprimer le CNP dans le cartilage de conjugaison. Les souris nées de cette expérience, qui présentaient à la fois la rupture ciblée du gène CNP et l'expression ciblée du CNP dans le cartilage de conjugaison, semblaient d'apparence normale, leurs squelettes ne pouvant pas être distingué de celui des souris normales (sauvages). Chusho et coll. ont fait valoir que [traduction] le CNP peut être l'un des gênes qui cause de telles dysplasies squelettiques d'origine inconnue et pourrait être utile dans le traitement de l'achondroplasie » (page 4020).

Résumé des différences

[44]      La différence entre l'état de la technique et l'idée originale est que ni Kojima ni Chicho n'enseignent le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3. Chusho et coll. se penchent sur le traitement d'une forme différente de nanisme, une forme causée par l'absence de CNP.

[45]      Chusho et coll. étudient le nanisme à l'aide d'un transgène CNP au lieu de l'un des peptides CNP-22 et CNP-53. Cependant, la personne versée dans l'art ne considérerait pas que cela constitue une différence. La personne versée dans l'art comprendrait, d'après les enseignements de Kojima et coll., que le transgène CNP utilisé par Chusho et coll. produira le CNP-22 et le CNP-53 (par le pré-pro-CNP).

Étape 4 : Ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[46]      Nous sommes d'accord avec l'examinateur pour dire que Chusho et coll. laissent entendre à la personne versée dans l'art que le CNP pourrait être utilisé pour traiter l'achondroplasie. Cependant, cette affirmation est fondée exclusivement sur des similitudes visibles (p. ex. des phénotypes semblables) entre les anomalies squelettiques des souris naines n'ayant pas de CNP dans Chusho et coll. et les patients atteints d'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3. Une invention n’est pas rendue évidente par le fait que l’état de la technique laisserait entendre à la personne versée dans l’art qu'il est possible que quelque chose vaille la peine d’être tenté. Il doit être plus ou moins évident pour la personne versée dans l'art que l'utilisation du CNP pour traiter l'achondroplasie devrait fonctionner. À notre avis, la personne versée dans l'art ne s'attendrait pas à ce qu'un agent thérapeutique connu pour traiter un type de nanisme (causé par un gène CNP défectueux) puisse nécessairement traiter un autre type de nanisme (causé par des mutations du gène FGFR3) sur le seul fondement que les manifestations physiques des deux maladies se ressemblent.

[47]      La personne versée dans l'art œuvrant dans le domaine de la dysplasie squelettique, détenant des connaissances sur les essais génétiques liés à cette maladie, saurait que pour la complémentation ou la réparation d'une anomalie génique, le produit génique enrichi doit être soit en aval du produit génique défectueux dans la même voie, soit dans une voie fonctionnelle parallèle. Cependant, il n'y avait pas de lien connu entre le CNP et le FGFR3 permettant d'avancer que ceux-ci jouent un rôle dans une voie commune, dans une voie parallèle, ou que la voie de l'un affecte celle de l'autre. En outre, aucun lien définitif entre l'achondroplasie et le CNP ou le FGFR3 et le CNP n'a été enseigné dans l'un ou l'autre des documents cités, et aucun lien du genre n'a été établi dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. À notre avis, il n'aurait pas été évident pour la personne versée dans l'art de savoir que le CNP-22 ou le CNP-53 pourrait être utilisé pour traiter l'achondroplasie causée par des mutations du FGFR3, d'après les enseignements de Kojima et coll. et de Chusho et coll., au vu de ses connaissances générales courantes.

[48]      À la lumière de l'analyse qui précède, nous concluons que l'objet des revendications indépendantes 1 et 3 au dossier n'aurait pas été évident à la date de la revendication.

 

[49]      Les revendications dépendantes 2 et 4, qui dépendent directement des revendications 1 et 3, respectivement, ne sont donc pas évidentes non plus.

LES REVENDICATIONS SONT-ELLES ANTÉRIORISÉES PAR UNE DEMANDE  DÉPOSÉE ANTÉRIEUREMENT?

Analyse des revendications au dossier

[50]      Comme il a été mentionné précédemment à l'alinéa 28.2(1)d) de la Loi sur les brevets, une revendication ne doit pas définir un objet divulgué dans une demande canadienne en coinstance, laquelle est fondée sur une demande antérieurement déposée avant la date de revendication de la demande en instance.

[51]      D'abord, la date de revendication des revendications au dossier de la demande 030 doit être vérifiée. Comme il est mentionné au par. [1], la présente demande revendiquait à l'origine une priorité sur la base de deux demandes de brevets japonais; cependant, le demandeur a seulement été en mesure de produire une seule de ces demandes, soit la demande JP 310322/2001 déposée le 5 octobre 2001.

[52]      Les revendications indépendantes 1 et 3 au dossier portent sur l'utilisation du CNP-22 ou du CNP-53 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3. Comme l'objet est explicitement divulgué dans le document de priorité japonais, la date de revendication s'appliquant à ces revendications est le 5 octobre 2001.

[53]      Ensuite, nous devons déterminer si l'objet est divulgué dans la demande en coinstance. Ce faisant, nous devons aussi déterminer si l'objet contenu dans la demande en coinstance a droit à une priorité, sur la base de la date de dépôt de sa demande précédemment déposée.

[54]      Conformément à la démarche en deux volets adoptée dans Sanofi (et soulignée ci-dessus aux par. [18] à [20]), si nous déterminons qu'il y a « divulgation antérieure » de l'objet dans la demande en coinstance, nous considérerons alors le caractère réalisable.

Divulgation : Les revendications indépendantes 1 et 3

[55]      Dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons cité la demande canadienne en coinstance suivante :

Demande de brevet canadien en coinstance (Golembo)

CA 2 441 815 A1                   Date de priorité : 20 mars 2001          Golembo[4]

Golembo est une demande de brevet canadien qui a été déposée le 20 mars 2002 et publiée le 26 septembre 2002[5]. La demande a été accueillie et un brevet canadien a été octroyé le 23 septembre 2014. Golembo revendique la priorité par rapport à deux demandes de brevet précédemment déposées le 20 mars 2001 selon la procédure habituelle en Israël et aux États-Unis. Ces deux documents contiennent la même information. Par souci de commodité, nous ne ferons référence qu'aux passages de la demande déposée en Israël [« le document de priorité »] dans notre analyse, même si les déclarations et l'objet sont les mêmes pour les deux documents de priorité.

[56]      Golembo divulgue l'utilisation du CNP pour le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3. Dans l'exemple 1, l'allongement des os est induit lorsque les os des jambes prélevés sur des souris atteintes d'achondroplasie sont mis en culture en présence de CNP. Fait important, les souris du modèle sont atteintes d'achondroplasie causée par des mutations du FGFR3 qui, selon la page 2, « affecte le processus d'ossification endochondrale par l'inhibition de la prolifération et le retard de la maturation des chondrocytes dans le cartilage de conjugaison des os longs, ce qui entraîne une élongation réduite » (lignes 22 à 25). L'exemple 2 divulgue qu'une analyse de la composition cellulaire du cartilage de conjugaison dans les échantillons traités avec des peptides natriurétiques révèle une augmentation de la taille de la région proliférative et de la taille de la zone hypertrophique (page 12, lignes 25 à 27). Golembo suggère qu'il s'agit [traduction] « d'une augmentation de la prolifération qui entraîne un cartilage de conjugaison plus grand » (paragraphe débutant à la page 17 et se terminant à la page 18). Dans l'exemple 4, des cellules encapsulées conçues pour secréter le CNP ont été implantées dans des souris atteintes d'achondroplasie afin de traiter cette maladie; les cellules encapsulées ont également été implantées dans des souris normales (sauvages). Les cellules encapsulées ont été préparées comme suit : premièrement, les fibroblastes sont infectés avec un rétrovirus exprimant le CNP de la souris; ensuite, la sécrétion du CNP depuis les cellules infectées est confirmée; puis les cellules infectées sont encapsulées.

[57]      Toute la matière présentée ci-dessus est divulguée dans le document de priorité. Par conséquent, au moins cet objet profite de la date de dépôt antérieure du document de priorité, soit le 20 mars 2001.

Golembo divulgue-t-il l'utilisation du CNP-22 pour le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3?

[58]      Une divergence importante entre Golembo et son document de priorité est que seul Golembo identifie explicitement le CNP comme étant le « CNP-22 », y faisant référence en tant que forme active du CNP (exemple 6). Golembo revendique aussi le CNP-22 (SEQ ID NO 1) pour l'utilisation dans le traitement de l'achondroplasie. En revanche, le document de priorité fait généralement référence au « CNP » sans mention du « CNP-22 » ou du « CNP-53 ». Cependant, nous avons établi au par. [24] que la personne versée dans l'art aurait compris qu'une référence générale au CNP fait implicitement référence au CNP-22.

[59]      Nous sommes convaincus que malgré l'absence d'une référence explicite au CNP-22, la personne versée dans l'art inférerait du document de priorité de Golembo l'utilisation du CNP-22 pour traiter l'achondroplasie, et que cet objet profite de la date de priorité antérieure, soit le 20 mars 2001.

[60]      En outre, nous sommes convaincus que la personne versée dans l'art comprendrait que la maladie traitée dans Golembo est l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3 (Golembo à la page 2, souligné ci-dessus au par. [56]).

Golembo divulgue-t-il l'utilisation du CNP-53 pour le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3?

[61]      Il n'y a aucune divulgation explicite du CNP-53 dans Golembo ou son document de priorité. Comme il a été mentionné précédemment, la personne versée dans l'art comprendrait implicitement que les références générales au CNP dans Golembo et son document de priorité désignent le CNP-22. Le document de priorité fait exclusivement référence au CNP et aux variantes fonctionnelles ou dérivés du CNP. Bien qu'aucune définition ne soit fournie concernant les variantes ou les dérivés dans le document de priorité, Golembo définit ces termes comme désignant des versions modifiées de la séquence native (page 11). Plus précisément, la séquence d'acides aminés naturelle est altérée soit par une diminution de sa longueur, soit par une suppression ou une substitution des acides aminés (page 11). Comme le CNP-53 est une forme naturelle non modifiée du CNP, et qu'il est plus long que le CNP-22, la personne versée dans l'art ne l'aurait pas considéré parmi les variantes ou les dérivés.

[62]      À la lumière de ce qui précède, et à la lecture Golembo dans son ensemble, nous sommes convaincus que la personne versée dans l'art ne considérerait pas que le CNP-53 est compris dans le CNP, ou encore dans une variante fonctionnelle ou un dérivé de celui-ci.

[63]      La seule autre considération est la question de savoir si la personne versée dans l'art, à la lecture de l'exemple 4 de Golembo, où le « CNP de la souris » est secrété par des cellules encapsulées in vivo, considérerait ceci comme une divulgation de l'utilisation du CNP-53 pour traiter l'achondroplasie. Cela dépend de la manière dont la personne versée dans l'art interprète le « CNP de la souris » : comme un CNP-22 ou comme un pré-pro-CNP (qui sera transformé en un CNP-53 et un CNP-22, et comporterait donc de manière inhérente le CNP-53).

[64]      La question ci-dessus a été présentée au demandeur lors de l'audience. En réponse à cette question, le demandeur a fait valoir que la personne versée dans l'art n'aurait aucune raison de penser que le CNP de la souris secrété soit autre chose qu'un CNP-22. Le demandeur a soutenu que rien n'indique qu'une forme différente, comme le pré-pro-CNP, a été utilisée pour préparer les cellules. Le demandeur a fait valoir que, comme l'information fournie est limitée, et en l'absence de tout détail concernant le concept ayant servi à la création des cellules, la personne versée dans l'art conclurait, sur la base des enseignements de Golembo dans leur ensemble, que le « CNP de la souris »énoncé dans l'exemple 4 fait référence au CNP-22.

[65]      Nous estimons que cette interprétation est conforme aux enseignements généraux de Golembo et aux connaissances générales courantes qui indiquent que les références générales au CNP auraient été implicitement comprises par la personne versée dans l'art comme désignant le CNP-22. Nous sommes également d'avis que c'est ce que comprendrait une personne versée dans l'art qui lirait ou reproduirait l'exemple 4 de Golembo. Nous concluons que la personne versée dans l'art ne considérerait pas que l'utilisation du CNP-53 pour traiter l'achondroplasie est divulguée dans l'exemple 4 de Golembo.

[66]      À la lumière de ce qui précède, nous concluons que le CNP-53 n'est ni explicitement ni implicitement divulgué dans Golembo.

Divulgation : Les revendications dépendantes 2 et 4

[67]      Les revendications dépendantes 2 et 4, qui dépendent des revendications 1 et 3 respectivement, comprennent toutes deux la caractéristique selon laquelle le traitement de l'achondroplasie est possible si l'on remédie à l'inhibition de la croissance du cartilage par l'augmentation des chondrocytes hypertrophiques et de la matrice extracellulaire de la couche de chondrocytes proliférative. Golembo divulgue aussi cette caractéristique dans l'exemple 2, dans le traitement de l'achondroplasie à l'aide de peptides natriurétiques, lesquels comprennent le CNP (ci-dessus au par. [56]). En outre, ce mode d'action constitue une caractéristique inhérente de l'utilisation du CNP-22 pour traiter l'achondroplasie qui surviendra nécessairement lorsque les exemples 1 et 4 de Golembo seront réalisés. Nous sommes convaincus que l'objet des revendications dépendantes se rapportant au CNP-22 est divulgué dans Golembo. Toutefois, comme il a été indiqué précédemment, dans la mesure où les revendications dépendantes 2 et 4 concernent le CNP-53, l'objet n'est pas divulgué par Golembo.

Résumé relatif à la description

[68]      L'utilisation du CNP-22 pour le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3 est divulguée dans Golembo. En outre, l'augmentation des chondrocytes hypertrophiques et de la matrice extracellulaire de la couche de chondrocytes proliférative est également divulguée. L'utilisation du CNP-53 n'est pas divulguée.

Caractère réalisable

[69]      Les exemples 1 et 4 de Golembo permettent à la personne versée dans l'art d'utiliser le CNP-22 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3. L'augmentation des chondrocytes hypertrophiques et de la matrice extracellulaire de la couche de chondrocytes proliférative suivra inévitablement l'exécution de ces exemples. Golembo est une divulgation habilitante de l'objet des revendications 1 à 4, dans la mesure où les revendications concernent le CNP-22.

[70]      Nous avons déterminé que le CNP-53 n'est pas divulgué; il n'est donc pas nécessaire de nous pencher sur son caractère réalisable.

Conclusion : Antériorité des revendications au dossier

[71]      L'objet des revendications au dossier, relativement à l'utilisation du CNP-22 dans le traitement de l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du FGFR3, est divulgué et réalisé dans Golembo. Selon le paragraphe 27(5) de la Loi sur les brevets, et à la lumière de l'interprétation juridique de cette loi dans Abbott (ci-dessus, au par. [13]), si une revendication définit l'objet, par variantes, et que l'une de ces variantes est antériorisée, la revendication est antériorisée. Les revendications au dossier ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.

[72]      Comme nous avons conclu que les revendications au dossier sont antériorisées, nous étudierons les revendications proposées, soumises le 7 avril 2015.

Analyse des revendications proposées

[73]      Les revendications proposées 1 à 4 sont identiques aux revendications au dossier, à l'exception du fait que la variante relative au CNP-22 a été supprimée, de même qu'une expression ambiguë (qui est abordée dans la section qui suit). Les revendications proposées portent seulement sur l'utilisation du CNP-53 pour traiter l'achondroplasie causée par l'inhibition de la croissance du cartilage découlant de mutations du gène FGFR3. Nous avons déjà établi au par. [68] que cet objet n'est pas divulgué dans Golembo.

[74]      De plus, les revendications proposées 1 à 4 ont une portée plus étroite que les revendications que nous avons jugées non évidentes et donc, elles sont également conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[75]      À notre avis, compte tenu de nos conclusions susmentionnées sur l'antériorité, la suppression proposée du CNP-22 des revendications au dossier vient corriger l'irrégularité relative à l'antériorité, n'introduit pas de nouvelles irrégularités, et constitue donc une modification particulière qui est « nécessaire » au sens du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

LES REVENDICATIONS DÉFINISSENT-ELLE DISTINCTEMENT ET EN DES TERMES EXPLICITES L'OBJET DE L'INVENTION?

[76]     Comme il est mentionné au par. [33], dans notre lettre du 3 février 2015, nous avons avisé le demandeur que nous estimions que la signification du terme « agent thérapeutique » dans la revendication 1 au dossier était ambiguë puisqu'on ne sait pas si l'agent thérapeutique est une composition comprenant un peptide CNP ou si cette expression concerne le peptide CNP lui-même. La revendication 2, qui dépend de la revendication 1, fait également référence à l'agent thérapeutique. Cette ambiguïté contrevient au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, qui exige que l'objet soit défini distinctement et en des termes explicites.

[77]     Le demandeur a répondu en proposant de supprimer les références à l'« agent thérapeutique » des revendications 1 et 2 afin d'indiquer plus clairement que les revendications concernent l'utilisation du peptide CNP pour traiter l'achondroplasie. À notre avis, les suppressions proposées viendraient clarifier le libellé. Ces modifications particulières sont nécessaires pour assurer la conformité au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[78]      Nous avons conclu que les revendications 1 à 4 au dossier ne sont pas conformes à l'alinéa 28.2(1)d) de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 et 2 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Nous avons également conclu que les revendications proposées 1 à 4 venaient corriger ces irrégularités et n'introduisaient pas de nouvelles irrégularités. Nous recommandons donc que le demandeur soit informé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que les modifications proposées dans la correspondance du 7 avril 2015, à savoir la suppression des revendications 1 à 4 au dossier et l'insertion des revendications proposées 1 à 4, sont nécessaires pour assurer la conformité à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

Cara Weir                                  Paul Fitzner                             Jacinth Abraham

Membre                                      Membre                                   Membre


 

DÉCISION

[79]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d'appel des brevets. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j'avise par les présentes le demandeur que les modifications susmentionnées doivent être apportées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, sans quoi j'entends rejeter la demande. Conformément à l'alinéa 31b) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et ces seules modifications, peuvent être apportées à la demande :

i)       supprimer les revendications 1 à 4 au dossier; et

ii)      insérer les revendications 1 à 4 proposées, soumises dans la correspondance du 7 avril 2015.

 

 

 

 

 

Agnès Lajoie

Sous-commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 24 août 2015.



[1] Hagiwara et coll., « Natriuretic Peptides and Their Receptors », Zool. Sci., 1995, vol. 12, no2, pages 141 à 149.

[2] McDowell et coll., « The natriuretic peptide family », Eur. J. Clin. Invest., 1995, vol. 25, no5, pages 291 à 298.

[3] Horton, « Progress in Human Chondrodysplasias: Molecular Genetics », Ann. NY Acad. Sci., juin 8, 1996, 785, pages 150 à 159.

[4] Ce document a d'abord été cité dans la décision de l'examinateur du 21 décembre 2009, mais il a ultérieurement été retiré.

[5] Ce document n'a pas été considéré dans l'analyse de l'évidence parce qu'il a été publié après la date de revendication de la demande 030. Pour être considéré au titre de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, l'objet doit avoir été divulgué avant la date de revendication.

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