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Décision du commissaire no 1388

Commissioner’s Decision #1388

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS : A11, K11, F01, O00

TOPICS: A11, K11, F01, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2 579 611

Application No.: 2,579,611

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 579 611 a fait l'objet d'une révision, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

Demandeur

 

Igor Stukanov

405-66 Oakmount Road

Toronto (Ontario)

M6P 2M8


INTRODUCTION

 

[1]               La présente affaire a trait à une révision de la demande de brevet no 2 579 611 [ci-après « la demande 611 »] intitulée « Méthode d'administration orale d'une substance curative visant une cible dans le tractus gastro-intestinal des humains ou d'animaux ». Le demandeur est M. Igor Stukanov. La demande concerne un système et une méthode d'administration d'une substance curative visant une cible dans le tractus gastro-intestinal.

 

[2]               Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons que cette demande soit rejetée.

 

HISTORIQUE DU TRAITEMENT DE LA DEMANDE

 

[3]               La demande 611 a été déposée le 21 février 2007.

 

[4]               La décision finale (DF), datée du 3 octobre 2013, indique que la revendication 1, les revendications 3 à 5 et la description ne sont pas conformes à l'article 38.2 de la Loi sur les brevets parce qu'elles incluent de la nouvelle matière. Il est également indiqué dans la DF que les revendications au dossier (les revendications 1 à 8) revendiquent un objet non brevetable qui n'est pas conforme à la définition d'« invention » énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets. En outre, il est affirmé dans la DF que les revendications 1 à 8 ne sont pas conformes à l'alinéa 28.2(1)b) et à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, car elles contiennent un objet antériorisé et évident, respectivement.

 

[5]               Dans une lettre en réponse à la DF, datée du 19 juin 2014, le demandeur a fait valoir que les revendications et la description au dossier n'étaient pas irrégulières.

 

[6]               Après qu'il a été déterminé que les arguments du demandeur ne rendaient pas la demande acceptable, conformément aux dispositions du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, le dossier a été transféré à la Commission d'appel des brevets (ci-après « la Commission »). Le dossier contenait un résumé des motifs (RM) énonçant les raisons pour lesquelles la demande était toujours considérée comme non conforme à la Loi sur les brevets. Il était affirmé dans le RM que la demande avait été rejetée pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans la DF.

 

[7]               Dans une lettre datée du 31 octobre 2014, la Commission a offert au demandeur l'occasion de présenter d'autres observations écrites et/ou d'assister à une audience. Une copie du RM a été transmise avec la lettre.

 

[8]               Dans une lettre datée du 24 novembre, le demandeur a présenté des observations écrites concernant chacune des irrégularités soulevées dans la DF et le RM. Le demandeur a décliné l'invitation à une audience.

 

QUESTIONS

 

[9]               Les questions à trancher sont celles énoncées dans la décision finale et le résumé des motifs, à savoir :

 

         La revendication 1, les revendications 3 à 5 et la description contreviennent-elles à l'article 38.2 de la Loi sur les brevets parce qu'elles incluent de la nouvelle matière?

                     Les revendications 1 à 8 contreviennent-elles à l’article 2 de la Loi sur les brevets parce qu’elles visent une méthode de traitement médical (MTM) non prévue par la loi?

         Les revendications 1 à 8 contreviennent-elles à l'alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets parce qu'elle comprend de la matière qui ne satisfait pas au critère de la nouveauté à la lumière de la référence D1 citée?

         Les revendications 1 à 8 contreviennent-elles à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, parce qu'elle comprend de la matière qui aurait été évidente pour la personne versée dans l'art à la lumière de D1?

 

PRINCIPES JURIDIQUES

 

Interprétation téléologique

 

[10]           L'interprétation téléologique est un exercice d'interprétation visant à déterminer la signification et la portée des revendications. L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de validité : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, par.  43 [« Whirlpool »]. L'interprétation téléologique nécessite aussi que les revendications soient interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art, laquelle possède les connaissances générales courantes associées à cet art : Whirlpool au paragraphe 53. Pendant l'interprétation téléologique, on détermine si les éléments de l'invention revendiquée sont indiqués comme essentiels ou non essentiels : Free World Trust c Electro Sante Inc, 2000 CSC 66, para  31 [« Free World Trust »]. Un élément est considéré comme non essentiel si, suivant une interprétation téléologique, le destinataire versé dans l'art concevait l'élément de la revendication comme pouvant être omis ou substitué sans avoir d'incidence importante sur le fonctionnement de l'invention (Free World Trust, para  55). Selon les directives énoncées dans la Note PN Pratique d'examen au sujet de l'interprétation téléologique – PN2013-02, les éléments essentiels d'une revendication sont ceux qui contribuent à la solution proposée au problème exposé dans la demande.

 

[11]           Le paragraphe 27(5) de la Loi sur les brevets précise la manière dont une revendication qui définit un objet selon une variante doit être interprétée en ce qui a trait aux questions relatives à l'antériorité, à l'évidence ou à l'utilité :

 

Il est entendu que, pour l’application des articles 2, 28.1 à 28.3 et 78.3, si une revendication définit, par variantes, l’objet de l’invention, chacune d’elles constitue une revendication distincte.

 

[12]           Dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1332 [« Abbott »], au para 52, Phelan J a déclaré ce qui suit concernant le paragraphe 27(5) :

 

[traduction] Le paragraphe 27(5) fait partie des dispositions comprises dans la partie « Demandes de brevets » de la Loi. Suivant cette disposition, s'il y a des variantes, chaque variante doit satisfaire au critère de brevetabilité – nouveauté, utilité et inventivité. L'omission d'établir que chaque variante est brevetable entraînerait l'invalidité de la variante et, par le fait même, l'invalidité de toute la revendication.

 

Nouvelle matière

 

[13]           Les conditions auxquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif et aux dessins faisant partie d'une demande de brevet sont énoncées à l'article 38.2 de la Loi sur les brevets, lequel est libellé comme suit :

 

38.2(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

 

Limite

(2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

 

Idem

(3) Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de ceux-ci ou du mémoire descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

 

[14]           La question de savoir si la matière ajoutée au mémoire descriptif par voie de modification est conforme aux dispositions de l'article 38.2 de la Loi sur les brevets doit être envisagée du point de vue de la personne versée dans l'art au moment où la demande a été déposée : Re Uni-Charm Corp (2013), 119 CPR (4th) 462, RC No 1353 et les décisions du commissaire citées aux présentes.

 

[15]           Pour déterminer s'il y a présence de nouvelle matière, il faut donc comparer le mémoire descriptif et les dessins à l'étude avec le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande déposée originalement, et déterminer si la matière introduite par les modifications est de celle qu'une personne versée dans l'art, à la date du dépôt, aurait pu raisonnablement inférer du mémoire descriptif ou des dessins déposés originalement.

 

Objet prévu par la loi

 

[16]           La définition pertinente du terme « invention » est énoncée comme suit à l'article 2 de la Loi sur les brevets :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou

composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[17]           La jurisprudence canadienne a déterminé que certains types d'objets sont exclus de la brevetabilité parce qu'ils ne s'inscrivent pas dans cette définition. Dans le cas particulier des méthodes de traitement médical, dans Tennessee Eastman Co v Commissioner of Patents (1972), [1974] SCR 111, la Cour a conclu ceci, à la p. 119 :

 

[traduction] Étant arrivé à la conclusion que les méthodes de traitement médical ne sont pas visées comme « procédés » par la définition d’« invention », le même raisonnement doit, pour les mêmes motifs, s’appliquer aux méthodes de traitement chirurgical. [soulignement ajouté]

 

Nouveauté

 

[18]           La disposition législative pertinente pour l'analyse de l'antériorité est le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets. Ce paragraphe porte, entre autres, que :

 

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a)         plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

(b)        avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[19]           Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [« Sanofi »], la Cour suprême du Canada a revu les principes relatifs à la nouveauté. La Cour a statué que deux critères devaient être remplis pour que l'on puisse conclure à l'absence de nouveauté ou à l'antériorité : la divulgation antérieure et le caractère réalisable. En d'autres termes, une divulgation soi-disant antériorisante ne doit pas seulement décrire les caractéristiques de l'invention revendiquée, elle doit également permettre à la personne versée dans l'art de réaliser l'invention revendiquée.

 

Évidence

 

[20]           L'objet visé par une revendication ne doit pas être évident, à la date de revendication, pour les personnes versées dans l'art ou la science. L'article 28.3 de la Loi sur les brevets porte que :

 

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[21]           Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a indiqué qu'il était utile, pour évaluer l'évidence, de suivre une la démarche en quatre étapes suivantes :

 

[traduction] (1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

      b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

L'INVENTION REVENDIQUÉE

 

Interprétation téléologique

 

[22]           Étant donné que les revendications doivent être considérées du point de vue de la personne versée dans l'art à la lumière de ses connaissances générales courantes, il convient en premier lieu d'établir le profil de cette personne et de déterminer ses connaissances.

 

La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes de cette personne

 

[23]           L'identification de la personne versée dans l'art et ses connaissances générales courantes n'a été abordée dans aucun de ces documents : la DF, le RM, la réponse du demandeur à la DF et la réponse du demandeur au RM. Nous fondons donc notre identification sur le mémoire descriptif et sur le document d’art antérieur cité.

 

[24]           La personne versée dans l'art est spécialiste de l'administration par voie orale de substances thérapeutiques, y compris des médicaments, dans le corps par le tube digestif. La personne versée dans l'art connaîtrait les méthodes et dispositifs conventionnels pour une telle forme d'administration de substances thérapeutiques, y compris l'utilisation des systèmes de capsules présentant les caractéristiques suivantes : des capteurs imageurs sur la capsule, un moyen d'ouvrir la capsule, un moyen d'orienter une substance thérapeutique vers un endroit ciblé du tube digestif et une unité de commande externe qui communique sans fil avec la capsule (voir la discussion approfondie sur les dispositifs connus dans le contexte (pages 1 à 14) de la référence D1 citée).

 

Le problème exposé dans la demande

 

[25]           La description de la présente demande indique que [traduction] « la présente invention concerne une méthode d'administration orale de nouveaux médicaments, de grosses molécules, de protéines, de rayonnement électromagnétique, d'ultrasons et d'autres substances curatives vers une région ciblée du corps, par le tube digestif, à l'aide de technologies actuellement accessibles que sont les capsules mobiles commandées sans fil munies de capteurs » (p. 1, par.  1).

 

[26]           Le problème abordé par l'inventeur est le suivant : fournir une méthode d'administration de substances curatives à une région ciblée du corps en évitant [traduction] « le problème du ciblage de haute précision des régions atteintes et en évitant l'exposition des régions non atteintes aux substances curatives » (p. 1, par.  4).

 

La solution proposée au problème

 

[27]           La solution proposée par la description est une méthode d'administration d'une substance thérapeutique qui permet de résoudre le problème susmentionné et qui présente les avantages suivants :

 

•           [traduction] « libération dans le système circulatoire de peptides, de protéines et d'autres grandes structures moléculaires, qui sont         normalement décomposées dans le tube digestif lorsque pris pas voie orale, sans qu'ils soient exposés au mécanisme digestif et sans modification à leur structure            et à leur fonction » (p. 4, par.  3);

•           [traduction] « haute précision du ciblage des régions atteintes » (p. 4, par.  4);

•           [traduction] « méthode d'utilisation très sécuritaire » (p. 4, par.  5).

 

Éléments essentiels des revendications

 

Revendication 1

 

[28]           La revendication 1 se lit comme suit :

 

[traduction] 1. Une méthode permettant la libération d'une substance curative vers un endroit ciblé du tractus gastro-intestinal, comportant les étapes suivantes :

 

a) une substance curative ou une source de substance curative est placée dans une capsule mobile commandée sans fil munie de capteurs;

 

b) la capsule entre dans le tractus gastro-intestinal par la bouche du patient, avec de la nourriture ou de l'eau, et descend jusqu'à l'endroit ciblé;

 

c) la capsule est orientée vers l'endroit ciblé à l'aide de signaux de commande à partir d'une unité de commande sans fil;

 

d) la capsule envoie des signaux à partir de capteurs vers un écran connecté à l'unité de commande;

 

e) lorsque la capsule atteint l'endroit ciblé, l'unité de commande envoie un signal pour libérer la substance curative au moyen d'un dispositif de libération et ladite substance curative est libérée de la capsule et orientée à l'endroit ciblé grâce aux signaux provenant de l'unité de commande.

 

[29]           La personne versée dans l'art déterminerait que les éléments suivants font partie de la solution au problème énoncé au par. [26] et qu'ils sont donc des éléments essentiels de la revendication 1 :

 

a. placer une substance curative ou une source de substance curative dans une capsule mobile commandée sans fil munie de capteurs;

 

b. veiller à ce que le patient avale la capsule avec des aliments ou de l'eau, de sorte qu'elle entre dans son tractus GI et se rende à l'endroit ciblé;

 

d. recevoir les signaux sans fil émis par les capteurs de la capsule sur un écran connecté à une unité de commande;

 

e. lorsque la capsule atteint l'endroit ciblé, envoyer les signaux de l'unité de commande afin de libérer la substance curative de la capsule et l'orienter vers l'endroit ciblé au moyen du dispositif de libération.

 

[30]           En ce qui concerne l'étape « c » de la revendication, nous remarquons que la description n'appuie pas un mode de réalisation selon lequel la capsule est « orientée » vers l'endroit ciblé au moyen des signaux de commande émis par une unité de commande sans fil. La description est muette quant aux moyens qui permettent de déplacer la capsule le long du tractus GI. À la lecture de la description, la personne versée dans l'art comprendrait que l'invention s'appuie, comme c'est le cas pour les antériorités, sur la contraction naturelle du tractus GI pour propulser la capsule dans le tube digestif, à une vitesse semblable à tout autre objet ingéré comme de la nourriture ou un médicament. Plutôt que d'« orienter » la capsule vers la région ciblée, la description indique simplement que la capsule, une fois avalée, « voyage dans le tube digestif » (exemples 1 à 4), ce que la personne versée dans l'art comprendrait comme un déplacement par contraction naturelle du tractus GI. D'après la description, il serait évident pour la personne versée dans l'art que la portée de l'influence qu'a l'unité de commande sur la libération d'une substance curative dans un endroit ciblé se limite aux images de surveillance envoyées sans fil à l'aide des capteurs de la capsule, au fur et à mesure que la capsule s'approche de la zone ciblée, puis à l'envoi de signaux à la capsule pour libérer la substance curative et l'orienter vers la zone ciblée au moyen des dispositifs de libération (exemples 1 à 4).

 

[31]           Par conséquent, la personne versée dans l'art comprendrait que l'étape qui consiste à « orienter » la capsule ne fait pas référence à la définition qu'en donne le dictionnaire, mais plutôt à l'étape prévue dans la description qui consiste à surveiller la progression de la capsule à partir de l'unité de commande. L'étape « c » est donc interprétée comme suit :

 

c. surveiller la progression de la capsule le long du tractus GI à l'aide des signaux émis sans fil entre la capsule et l'unité de commande;

 

Revendication 2

 

[32]           La revendication 2 se lit comme suit :

 

[traduction] 2. La méthode telle qu'elle est énoncée dans la revendication 1, où la substance curative est une composition d'éléments chimiques de forme solide, liquide ou gazeuse.

 

[33]           Les éléments essentiels de la revendication 2 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle de la substance curative, qui est une composition chimique pouvant se présenter sous trois formes différentes : solide, liquide ou gazeuse.

 

Revendication 3

 

[34]           La revendication 3 se lit comme suit :

 

[traduction] 3. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où la substance curative est une source d'ondes électromagnétiques.

 

[35]           Les éléments essentiels de la revendication 3 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle de la substance curative, qui est une source d'ondes électromagnétiques.

 

Revendication 4

 

[36]           La revendication 4 se lit comme suit :

 

[traduction] 4. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où la substance curative est une source d'ondes mécaniques.

 

[37]           Les éléments essentiels de la revendication 4 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle de la substance curative, qui est une source d'ondes mécaniques. Il est indiqué dans la description que la source est « génératrice d'ondes mécaniques ou un vibreur » (p. 4, par.  1).

 

Revendication 5

 

[38]           La revendication 5 se lit comme suit :

 

[traduction] 5. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où la substance curative est une source d'ondes sonores ou d'ultrasons.

 

[39]           Les éléments essentiels de la revendication 5 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle de la substance curative, qui est une source d'ondes sonores ou d'ultrasons. Il est indiqué dans la description que la source est « génératrice d'ondes sonores ou d'ultrasons » (p. 4, par.  2).

 

Revendication 6

 

[40]           La revendication 6 se lit comme suit :

 

[traduction] 6. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où la substance curative est un flux de particules physiques.

 

[41]           Les éléments essentiels de la revendication 6 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle de la substance curative, qui est un flux de particules physiques. Cette caractéristique n’apparaît pas dans la description. Toutefois, plutôt que de conclure que la caractéristique n'est pas suffisamment décrite, nous considérons que la personne versée dans l'art, à la lecture de la revendication et au vu de ses connaissances générales courantes dans l'art, comprendrait qu'il s'agit du processus de retrait de matière des parois de l'intestin à l'aide de matières érosives.

 

Revendication 7

 

[42]           La revendication 7 se lit comme suit :

 

[traduction] 7. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où le signal de libération ou d'orientation de la substance curative est envoyé par un opérateur humain.

 

[43]           Les éléments essentiels de la revendication 7 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle des signaux émis par l'unité de commande pour libérer la substance curative de la capsule et l'orienter vers l'endroit ciblé à l'aide d'un dispositif de libération activé par un opérateur humain. Bien que la revendication 7 énonce l'expression « libération ou orientation », la personne versée dans l'art comprendrait, à la lecture de la revendication 1 dont dépend la revendication 7, et au vu des exemples 1 et 2, que le signal a pour but de libérer et d'orienter la substance curative.

 

Revendication 8

 

[44]           La revendication 8 se lit comme suit :

 

[traduction] 8. La méthode telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, où le signal de libération ou d'orientation de la substance curative est envoyé automatiquement par l'unité de commande.

 

[45]           Les éléments essentiels de la revendication 8 comprennent les éléments essentiels de la revendication 1 et à ceux-ci s'ajoute la caractéristique additionnelle des signaux émis automatiquement par l'unité de commande pour libérer la substance curative de la capsule et l'orienter vers l'endroit ciblé à l'aide d'un dispositif de libération. Bien que la revendication 8 énonce l'expression « libération ou orientation », la personne versée dans l'art comprendrait, à la lecture de la revendication 1 dont dépend la revendication 8, et au vu des exemples décrits, que le signal a pour but de libérer et d'orienter la substance curative.

 

LES REVENDICATIONS 1 ET 3 À 5 ET LA DESCRIPTION CONTIENNENT-ELLES DE LA NOUVELLE MATIÈRE?

 

Analyse

 

[46]           Il est indiqué dans la DF que les objets suivants ne sont pas conformes à l'article 38.2 de la Loi sur les brevets, puisqu'ils ne figurent pas dans le mémoire descriptif déposé originalement, ni ne peut être inféré de celui-ci, et doivent donc être retirés de la demande :

 

•          revendication 1 : [traduction] « ou source de substance curative »;

•          revendications 3 à 5 : [traduction] « une source »;

•          description p. 2, ligne 12 (de la version anglaise) : [traduction] « Dans cette capsule sont intégrés ... plusieurs dispositifs »;

•          description p. 3, dernière ligne (de la version anglaise) : [traduction] « Traitement avec ... vibrations »;

          description p. 4, lignes 2 et 6 (de la version anglaise) : [traduction] « vibreur »;

•          description p. 3 et 4 (de la version anglaise) : les exemples 3 et 4, y compris « une génératrice » et le signal/l'activation/la désactivation de la génératrice.

 

[47]           Comme il est énoncé au par. [15], nous devons, pour déterminer s'il y a présence de nouvelle matière, comparer le mémoire descriptif et les dessins à l'étude avec le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande déposée originalement et déterminer si la matière introduite par les modifications est de celle qu'une personne versée dans l'art, à la date du dépôt, aurait pu raisonnablement inférer du mémoire descriptif ou des dessins déposés originalement.

 

[48]           Les revendications 3 à 5, telles qu'elles ont été déposées à l'origine, énoncent les caractéristiques de la capsule, y compris un ensemble d'ondes électromagnétiques, un ensemble d'ondes mécaniques et un ensemble d'ondes sonores ou d'ondes ultrasons, respectivement.

 

[49]           La personne versée dans l'art déduirait d'une interprétation téléologique des revendications originales que pour chacun de ces modes de réalisation, la capsule ne comporterait pas seulement les ondes elles-mêmes, mais aurait aussi nécessairement besoin d'un moyen pour générer de telles ondes. Une source d'ondes, p. ex. une génératrice d'ondes ou un vibreur, bien que non énoncée précisément dans les revendications ou la description au dossier, constitue une caractéristique implicite d'une capsule qui comprend un ensemble d'ondes.

 

[50]           Par conséquent, la personne versée dans l'art comprendrait que les objets ajoutés aux revendications 1 et 3 à 5 ainsi qu'à la description (voir le par.  [46] ci-dessus) s'infèrent raisonnablement du mémoire descriptif tel qu'il a été déposé originalement et sont donc conformes à l'article 38.2 de la Loi sur les brevets.

 

LES RECOMMANDATIONS 1 À 8 COMPORTENT-ELLES UNE MTM QUI NE RÉPOND PAS AUX CRITÈRES LÉGAUX?

 

Analyse

 

[51]           Il est indiqué à la p. 2 de la DF :

 

[traduction] Les revendications 1 à 8 visent un objet qui n'entre pas dans la définition d'« invention » et ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets. La méthode définie est une méthode de traitement médical et ne constitue donc pas une réalisation ou un procédé qui répond aux critères légaux (voir l'article 17.02.03 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBP]).

 

[52]           La réponse à la DF soutient (à la p. 1) que les revendications définissent une méthode de libération, et non une méthode de traitement, et ne visent donc pas un objet non prévu par la loi.

 

[53]           Cependant, selon l'interprétation téléologique des revendications, celles-ci visent une méthode de libération d'une substance curative à un endroit ciblé dans le tractus gastro-intestinal. L'intention claire de la méthode, issue de l'emploi du terme « curative » dans les revendications ainsi que du mémoire descriptif dans son ensemble, est le bienfait thérapeutique utile à un sujet. Il s'agit donc d'une méthode de traitement.

 

[54]           La réponse à la DF soutient aussi (à la p. 1) que, si l'article du RPBB cité est exact, [traduction] « rien ne peut être breveté dans le domaine médical parce que tout (toute action, voire toute pensée) peut avoir un effet thérapeutique ».

 

[55]           Cependant, il est à noter que le RPBB fait référence aux méthodes qui ont un effet thérapeutique, et non à quelque chose qui a un effet thérapeutique. Les revendications 1 à 8 font référence à des méthodes qui ont un effet thérapeutique.

 

[56]           La réponse à la DF (aux p. 1 et 2) fait référence à quelques brevets canadiens qui concernent des méthodes d'administration de médicaments qui ont été délivrés (1 188 260, 1 190 111, 1 229 019, 1 272 090, 2 104 699 et 2 5442 91) pour soutenir son point de vue, à savoir que les méthodes d'administration de médicaments comportent un objet prévu par la loi.

 

[57]           Cependant, l'octroi d'un brevet ne constitue pas une preuve de brevetabilité;  une fois le brevet délivré, il est présumé valide, en l'absence de toute preuve du contraire. Un brevet octroyé est susceptible d'examen, et d'éventuelle invalidation, par la Cour fédérale.

 

[58]           En outre, nous avons examiné les brevets cités par le demandeur et avons conclu que seul le premier de ces brevets contient des revendications de méthode. Ces revendications visent une méthode de combinaison sélective de deux composantes stockées séparément dans un système fermé, dans des conditions stériles, et non une méthode offrant un bienfait thérapeutique. Les autres revendications relatives aux brevets cités visent des systèmes, des dispositifs ou des utilisations, ne ressemblant aucunement aux revendications de méthodes de la présente demande.

 

[59]           La réponse à la DF soutient aussi ceci (à la p. 2) :

 

[traduction] Si une méthode qui n'offre pas toujours un bienfait thérapeutique pratique n'est pas prévue par la loi, elle est donc brevetable. Les méthodes d'administration d'un médicament ou d'une substance curative N'OFFRENT PAS TOUJOURS de bienfait thérapeutique utile, et sont donc brevetables. [caractères gras présents dans l'original]

 

[60]           Cependant, comme il a été mentionné précédemment, les revendications ayant fait l'objet d'une interprétation téléologique visent une méthode qui a pour but attendu un bienfait thérapeutique utile à un sujet. En ce qui a trait à l'argument du demandeur, selon lequel la méthode revendiquée d'administration d'un médicament ou d'une substance curative ne permet pas toujours la guérison du patient (autrement dit, la méthode, lorsqu'exécutée, ne produit pas toujours le résultat souhaité), il ne s'applique pas à la question relative à l'objet prévu par la loi.

 

[61]           Enfin, il est soutenu dans la DF (à la p. 2) que le demandeur a déjà fourni un contexte historique concernant l'article 17.02.03 du RPBB pour faciliter l'interprétation de cette exclusion, mais que ces renseignements n'ont pas été dûment pris en compte.

 

[62]           La référence au contexte historique par le demandeur concerne la lettre du demandeur datée du 5 octobre 2012, qui était une réponse à une action du Bureau datée du 21 septembre 2012. La portion pertinente de la lettre du demandeur (à la p. 7) est présentée ci-dessous :

 

[traduction] L'examinateur affirme ceci : « L'attention du demandeur porte sur l'article 17.02.03 Méthodes médicales et chirurgicales du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, dans lequel il est énoncé ceci : "une méthode qui procure un bienfait thérapeutique utile à un sujet, même si ce n'est pas son but premier ou attendu, est considérée comme une méthode de traitement médical et n'est pas brevetable" ».

 

D'abord, l'article 17.02.03 est en grande partie issu des décisions de la Cour suprême de 1972, par exemple Tennessee Eastman Co. et al. c Commissioner of Patents. Dans ces décisions, il est soutenu que :

 

a)         une méthode de traitement médical exige les compétences d'un médecin;

b)         les méthodes de traitement médical ne produisent pas un résultat en lien avec un métier, un commerce ou une industrie ni un résultat qui est essentiellement économique.

 

La méthode proposée par le demandeur n'exige pas les compétences d'un médecin, car elle utilise des parties naturelles du corps pour administrer une substance curative. La méthode proposée a effectivement un résultat économique, soit une réduction des coûts des soins de santé. »

 

[63]           En ce qui concerne l'argument du demandeur selon lequel seules les méthodes exigeant les compétences d'un médecin peuvent être considérées comme s'inscrivant dans une catégorie d'exclusions de brevetabilité des méthodes de traitement médical, nous notons d'abord que parmi les huit revendications au dossier, seule la revendication 8 qui définit une méthode automatisée, écarte la participation d'un médecin dans l'exécution de la méthode.

 

[64]           Ensuite, nous remarquons que, dans Tennessee Eastman Co c Commissioner of Patents (1972), [1974] SCR 111, la Cour n'a pas déclaré que seules les méthodes qui exigent les compétences d'un médecin sont considérées comme s'inscrivant dans une catégorie d'exclusions de brevetabilité des méthodes de traitement. La Cour n'a pas non plus présenté de définition explicite de ce en quoi consiste une méthode de traitement médical. La Cour a simplement indiqué que les méthodes de traitement médical et les méthodes de traitement chirurgical n'étaient pas visées par la définition d'« invention » en tant que types de procédés.

 

[65]           Toutefois, lors d'une discussion sur une décision du R.-U. qui a été portée à l'attention de la Cour, à savoir Re Schering AG’s Application, [1971] RPC 337 (Patents Appeal Tribunal) [« Schering »], la Cour a reproduit un extrait, tiré de la p. 345, faisant ressortir la phrase suivante en italique : [traduction] « les brevets concernant un traitement médical au sens strict doivent être exclus ». Dans Schering, le Tribunal a établi une distinction entre le traitement au sens large de tout traitement du corps humain (tel qu'employé dans le UK Manual of Office Practice) et le traitement au sens restreint, à savoir les méthodes de traitement médical d'êtres humains pour guérir ou prévenir les maladies, et a conclu que l'exclusion de la brevetabilité s'appliquait à ce dernier sens, soit le sens restreint du terme.

 

[66]           Cette caractérisation d'une méthode de traitement médical a depuis été appliquée par le Commissaire aux brevets à de nombreuses reprises (voir, à titre d'exemple, Re Application No 880,719 (Patent No 944,693) (1973), 18 CPR (2d) 114, CD 147; Re Application for Patent of Goldenberg (désormais Patent No 1,244,344) (1988), 22 CPR (3d) 159, CD 1119; Re Senentek plc Patent Application (1997), 77 CPR (3d) 321, CD 1213), et elle est reflété dans le RBPP à l'article 17.02.03, susmentionné.

 

[67]           Bien que je convienne qu'une revendication concernant une méthode de traitement médical qui, par sa nature, couvre un domaine pour lequel on s'attend à ce que les compétences et le jugement d'un médecin soient exercés n'est pas brevetable au Canada, cela ne veut pas dire qu'une revendication de méthode de traitement médical qui n'exige pas les compétences d'un médecin comprend nécessairement un objet brevetable : voir l'affaire Imperial Chemical Industries Ltd v Commissioner of Patents, [1986] 3 FC 40 (CA), dans laquelle la Cour d'appel fédérale a conclu qu'une méthode de nettoyage des dents humaines visant à enlever la plaque dentaire ou des taches, ladite méthode pouvant être appliquée sans la participation d'un médecin qualifié, était exclue de la brevetabilité parce qu'elle comprend une méthode de traitement médical.

 

[68]           Par conséquent, en ce qui concerne la présente demande, même si la méthode énoncée dans la revendication 8 est conçue pour être exécutée sans exiger les compétences ou le jugement d'un médecin, elle comprend néanmoins une méthode de traitement médical pour guérir ou prévenir des maladies, et elle est donc considérée comme non brevetable.

 

[69]           Quand à l'argument du demandeur au sujet du résultat essentiellement économique, à savoir la réduction des coûts des soins de santé, le demandeur ne fournit aucune preuve à l'appui de cette affirmation. Quoi qu'il en soit, nous considérons qu'un tel résultat pourrait aussi s'appliquer à la méthode revendiquée dans Tennessee Eastman. En outre, dans la décision de la Cour de l'Échiquier dans cette affaire ((1970), 62 CPR 117), le juge Kerr a déclaré ceci :

 

[traduction] À mon avis, la présente méthode n’entre pas dans le domaine des réalisations manuelles ou de production et, lorsqu’on l’applique au corps humain, elle ne produit pas un résultat qui se rattache aux affaires, au commerce ou à l’industrie, ni un résultat qui est essentiellement économique. L’adhésif lui-même peut faire l’objet d’un commerce, et le brevet pour le procédé, s’il est concédé, peut aussi être vendu et la licence de son emploi peut être vendue contre une rémunération en argent, mais il ne s’ensuit pas que la méthode et ses résultats se rattachent au commerce ou sont essentiellement économiques au sens dans lequel on a employé ces expressions dans des jugements en matière de brevets. [soulignement ajouté]

 

[70]           À la lumière de ce qui précède, la personne versée dans l'art interpréterait les revendications 1 à 8 comme visant une méthode de traitement médical. Par conséquent, les revendications 1 à 8 ne sont pas conformes à la définition du mot « invention » énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

LES REVENDICATIONS 1 À 8 SATISFONT-ELLES AU CRITÈRE DE NOUVEAUTÉ À LA LECTURE DE LA RÉFÉRENCE D1?

 

Analyse

 

[71]           Dans la décision finale et dans le résumé des motifs, la référence suivante a été citée comme faisant partie de l'état de la technique :

 

Demande de brevet

D1 : CA 2 514 392 A1           rendue publique le 12 août 2004                     Gross et al.

 

[72]           En réponse à la DF, le demandeur établit des différences entre la revendication 1 de la présente demande et la revendication 1 de D1. Toutefois, une évaluation du critère de nouveauté nécessite une comparaison des éléments essentiels des revendications à l'étude avec la divulgation complète de la référence à l'art antérieur citée, et nous procédons sur la base de cette comparaison.

 

[73]           Le tableau suivant présente une comparaison des éléments essentiels des revendications, définis plus tôt, avec les éléments divulgués par D1.

 

Revendication

Éléments essentiels de la revendication

Éléments divulgués par D1.

1

Une méthode permettant la libération d'une substance curative vers un endroit ciblé du tractus GI d'un patient, comportant les étapes suivantes :

 

 

a. placer une substance curative ou une source de substance curative dans une capsule mobile commandée sans fil munie de capteurs;

 

 

b. veiller à ce que le patient avale la capsule avec des aliments ou de l'eau, de sorte qu'elle entre dans son tractus GI et se rende à l'endroit ciblé;

 

 

c. surveiller la progression de la capsule le long du tractus GI à l'aide des signaux émis sans fil entre la capsule et l'unité de commande;

 

 

d. recevoir les signaux sans fil émis par les capteurs de la capsule sur un écran connecté à une unité de commande;

 

 

e. lorsque la capsule atteint l'endroit ciblé, envoyer les signaux de l'unité de commande afin de libérer la substance curative de la capsule et l'orienter vers l'endroit ciblé au moyen du dispositif de libération.

Une méthode permettant la libération d'un médicament [substance curative] vers un endroit ciblé du tractus GI d'un patient

(p. 14, lignes 16 et 17 [de la version anglaise])

 

a. placer un médicament dans une capsule mobile commandée sans fil munie de capteurs

(p. 14, lignes 16 et 17; p. 40, ligne 32 à p. 41, ligne 14; p. 53, lignes 16 à 20 [de la version anglaise]).

 

b. veiller à ce que le patient avale la capsule avec des aliments ou de l'eau, de sorte qu'elle entre dans son tractus GI et se rende à l'endroit ciblé

(p. 39, lignes 25 à 28; p. 52, lignes 29 et 30 [de la version anglaise])

 

c. surveiller la progression de la capsule le long du tractus GI à l'aide des signaux émis sans fil entre la capsule et l'unité de commande

(p. 39, ligne 28 à p. 40, ligne 1; p. 61, lignes 4 à 7 [de la version anglaise]).

 

d. recevoir les signaux sans fil émis par les capteurs de la capsule sur un écran connecté à une unité de commande

(p. 41, lignes 6 à 14; p. 61, lignes 4 à7 [de la version anglaise])

 

e. lorsque la capsule atteint l'endroit ciblé, envoyer les signaux de l'unité de commande afin de libérer la substance curative de la capsule et l'orienter vers l'endroit ciblé au moyen du dispositif de libération

(p. 61, lignes 8 à 12 [de la version anglaise]).

2

les éléments essentiels de la revendication 1, et

la substance curative est une composition chimique pouvant avoir l'une des trois formes suivantes : solide, liquide ou gazeuse

le médicament est une composition chimique pouvant avoir l'une des trois formes suivantes : solide, liquide ou gazeuse

(p. 53, lignes 16 à 20 [de la version anglaise]).

3

les éléments essentiels de la revendication 1, et

la substance curative est une source d'ondes électromagnétiques

le dispositif de libération (et non la substance curative) comprend une source d'ondes électromagnétiques

(p. 40, lignes 3 à 9 [de la version anglaise]).

4

les éléments essentiels de la revendication 1, et

la substance curative est une source d'ondes mécaniques (génératrice d'ondes mécaniques ou vibreur)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

5

les éléments essentiels de la revendication 1, et

la substance curative est une source d'ondes sonores ou d'ultrasons (génératrice d'ondes sonores et d'ultrasons)

le dispositif de libération (et non la substance curative) comprend une source d'ondes sonores ou d'ultrasons

(p. 40, lignes 10 à 16 [de la version anglaise]).

6

les éléments essentiels de la revendication 1, et

la substance curative est un flux de particules physiques permettant de décaper la paroi de l'intestin

le dispositif de libération (et non la substance curative) comprend un flux de particules physiques

(p. 53, lignes 25 à 27 [de la version anglaise]).

7

les éléments essentiels de la revendication 1, et

le signal de libération et d'orientation de la substance curative est envoyé par un opérateur humain

le signal de libération et d'orientation de la substance curative est envoyé par un opérateur humain

(p. 61, lignes 8 à 12 [de la version anglaise]).

8

les éléments essentiels de la revendication 1, et

le signal de libération et d'orientation de la substance curative est envoyé automatiquement par l'unité de commande

le signal de libération et d'orientation de la substance curative est envoyé automatiquement par l'unité de commande (p. 61; lignes 8 à 12)

 

[74]           D1 divulgue les éléments essentiels de la revendication 1. En ce qui concerne l'élément essentiel « a », même si nous remarquons que D1 ne divulgue pas de « source de substance curative », nous notons aussi que la revendication 1 fait référence à une substance curative ou à une source de substance curative. Compte tenu du raisonnement exposé dans Abbott (ci-dessus au par. [12]), si une revendication définit la matière, par variantes, et que l'une de ces variantes est antériorisée, la revendication est antériorisée. Puisqu'une substance curative et une source de substance curative sont énoncées en tant que variantes, et que D1 divulgue l'une des variantes ainsi que le reste des éléments essentiels de la revendication, la revendication 1 est antériorisée par D1.

 

[75]           D1 divulgue les éléments essentiels de la revendication 2. Même si nous remarquons que D1 ne divulgue pas de substance curative sous forme gazeuse, nous notons aussi que l'autre élément essentiel de la revendication 2 fait référence à une substance curative sous forme solide, liquide ou gazeuse. Puisqu'une les formes solides, liquides et gazeuses sont énoncées en tant que variantes, et que D1 divulgue deux des variantes ainsi que le reste des éléments essentiels de la revendication, la revendication 2 est antériorisée par D1.

 

[76]           D1 ne divulgue pas les éléments essentiels des revendications 3 à 6 (voir le tableau ci-dessus).

 

[77]           D1 divulgue les éléments essentiels des revendications 7 et 8 (voir le tableau ci-dessus).

 

[78]           En résumé, les revendications 1 et 2 ainsi que les revendications 7 et 8 sont antériorisées par D1, alors que les revendications 3 à 6 sont nouvelles à la lumière de D1.

 

LES REVENDICATIONS 1 À 8 SONT-ELLES ÉVIDENTES À LA LECTURE DES RÉFÉRENCES D1 À D3?

 

Analyse

 

[79]           Selon le cadre de quatre étapes établi dans Sanofi, nous considérerons les revendications pour lesquelles les différences relatives à la référence sur l'état de la technique ont été relevées à l'étape 3. Il n'est pas nécessaire de se pencher davantage sur l'évidence des revendications qui ont été jugées antériorisées, puisqu'il n'y a aucune différence et donc rien qui pourrait être associé à un esprit inventif. Par conséquent, les revendications 1, 2, 7 et 8 sont non seulement considérées comme étant antériorisées, mais aussi évidentes, et nous devons examiner davantage l'évidence en ce qui concerne les revendications 3 à 6.

 

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »

 

[80]           La personne versée dans l'art a été identifiée au par.  [24].

 

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[81]           Nos conclusions quant aux connaissances générales courantes de cette personne sont énoncées au par. [24].

 

(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

[82]           En l'espèce, les idées originales des revendications 3 à 6 comprennent les éléments essentiels de ces revendications, telles qu'identifiées aux par. [35], [37], [39] et [41], respectivement.

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif  qui sous-tend la revendication ou son interprétation

 

[83]           Les différences entre D1 et le concept inventif de chacune des revendications 3 à 6 comprennent les autres éléments essentiels de chacune de ces revendications (voir le tableau ci-dessus). C'est-à-dire que les différences relatives aux revendications 3, 4, 5 et 6 sont les suivantes : la substance curative comprend une source d'ondes électromagnétiques, une source d'ondes mécaniques, une source d'ondes sonores ou d'ultrasons et un flux de particules physiques pour décaper la paroi de l'intestin, respectivement.

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[84]           La personne versée dans l'art aurait été au courant, à la date de revendication de la présente demande, des dispositifs commandés à distance conçus pour être ingérés et descendre dans le tractus GI d'un sujet, lesdits dispositifs offrant un outil diagnostic pour la surveillance du tractus GI. Selon D1 (voir le document complet), la personne versée dans l'art apprendrait que ces dispositifs conviennent à l'administration de médicaments vers des zones ciblées du tractus GI.

 

[85]           Il aurait été évident pour la personne versée dans l'art de considérer que ces dispositifs bien connus conviendraient aussi à d'autres types de traitement bien connus du tractus GI, comme l'application d'ondes électromagnétiques, d'ondes mécaniques (vibrations), d'ondes sonores ou d'ultrasons et d'un flux de particules physiques pour décaper la paroi du tractus.

 

[86]           La personne versée dans l'art considérerait qu'il n'y a aucun esprit inventif dans l'idée d'utiliser de tels dispositifs de ces façons. En outre, la description insuffisante de ces modes de réalisation dans le mémoire descriptif indique qu'aucun esprit inventif n'est requis dans la mise en œuvre concrète de cette idée. Autrement, si l'esprit inventif avait été nécessaire pour mettre concrètement en œuvre cette idée, le mémoire descriptif aurait été considéré comme insuffisant parce qu'il ne divulgue pas les détails techniques d'une telle mise en œuvre.

 

[87]           Comme aucun esprit inventif n'est requis pour concevoir cette idée, ni pour réaliser la mise en œuvre concrète de ladite idée, les revendications 3 à 6 sont considérées comme évidentes.

 

[88]           En résumé, les revendications 1 à 8 sont évidentes et non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[89]           La Commission recommande que la demande soit rejetée, et ce, pour les motifs suivants : les revendications au dossier (revendications 1 à 8) comprennent une méthode de traitement médical et ne sont pas conformes à la définition d'« invention » énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets; les revendications 1 et 2 et les revendications 7 et 8 sont antériorisées et ne sont pas conformes à l'alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets et les revendications 1 à 8 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de revendication et ne sont donc pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Paul Fitzner                          Paul Sabharwal                                Andrew Strong

Membre                                Membre                                            Membre


 

DÉCISION

 

[90]           Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets et sa recommandation que la demande soit rejetée, et ce, pour les motifs suivants : les revendications au dossier (revendications 1 à 8) comprennent une méthode de traitement médical et ne sont pas conformes à la définition d'« invention » énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets; les revendications 1 et 2 et les revendications 7 et 8 sont antériorisées et ne sont pas conformes à l'alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets; et les revendications 1 à 8 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date de revendication et ne sont donc pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[91]           Par conséquent, en application des dispositions de l'article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d'octroyer un brevet pour cette demande. Conformément aux dispositions de l'article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

Agnès Lajoie

Sous-commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 5 août 2015

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