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Décision du commissaire no 1377

Commissioner’s Decision #1377

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O00, B00, G00

TOPIC: O00, B00, G00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande n: 2,491,151

Application No: 2,491,151


 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2,491,151 a fait l'objet d'une révision par un comité de la Commission d'appel des brevets et par le commissaire aux brevets, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission et la décision du commissaire suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

SMART & BIGGAR                                                

55, rue Metcalfe, bureau 900

C. P. 2999, succursale D

K1P 5Y6

INTRODUCTION

 

[1]          La présente recommandation fait suite à une révision du refus, en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, de la demande de brevet no 2,491,151 ayant pour titre « PANIERS PUBLICITAIRES POUR CONTRÔLES DE SÉCURITÉ », déposée le 2 juillet 2003. Le demandeur est SECURITY POINT MEDIA et l'inventeur est Joseph T. Ambrefe.

 

[2]          La présente demande a trait à une méthode pour déplacer des paniers contenant des effets personnels d'un bout à l'autre d'un point de contrôle de sécurité, tel que ceux qu'on retrouve dans les aéroports.

 

[3]          Pour les motifs exposés ci-dessous, nous recommandons que les revendications proposées par le demandeur soient remplacées par celles qui figurent au dossier et que la demande soit par la suite acceptée.

 

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

 

[4]          La présente demande, qui a été déposée en vertu des dispositions du Traité de coopération en matière de brevets (« PCT »), comporte une revendication de priorité fondée sur une demande déposée aux États-Unis le 3 juillet 2002, cette date étant la date de la revendication qui s'applique pour l'appréciation de l'évidence aux termes de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[5]          La demande a été refusée dans une décision finale en date du 23 novembre 2012, aux motifs que les revendications en instance auraient été évidentes et qu'elles visent une juxtaposition non brevetable.

 

[6]          En réponse à la décision finale, le demandeur a soumis, le 27 mai 2013, des modifications à la description et aux revendications. Le demandeur a également présenté des arguments au soutien de la non-évidence des revendications, y compris des arguments concernant les facteurs à considérer aux fins de l'appréciation de l'évidence.

 

[7]          Le dossier a été transmis à la Commission d'appel des brevets (« CAB ») le 17 juillet 2013, accompagné d'un Résumé des motifs exposant les raisons pour lesquelles l'examinateur, à la lumière des arguments du demandeur et des modifications que cette dernière proposait d'apporter à la demande, considérait toujours les revendications comme évidentes. Le présent comité a été constitué dans le but d'effectuer une révision en vertu des dispositions de l'alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets.

 

[8]          Le Résumé des motifs a été transmis au demandeur le 8 août 2013, accompagné d'une invitation à participer à une audience.

 

[9]          Préalablement à l'audience, le comité, dans une lettre en date du 28 mai 2014 et conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.1) des Règles sur les brevets, a avisé le demandeur que des irrégularités supplémentaires concernant la clarté des revendications et leur utilité avaient été relevées dans la demande. Dans cette même lettre, nous avons également exposé les grandes lignes de notre analyse préliminaire de l'évidence réalisée conformément à la démarche en quatre étapes établie dans Apotex Inc. c. Sanofi Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] et invité le demandeur à présenter des observations supplémentaires, y compris tout document pertinent concernant les facteurs à évaluer en lien avec la question de l'évidence, qu'il avait mentionnés dans ses observations du 27 mai 2013.

 

[10]      En réponse, le demandeur, dans des observations en date du 17 septembre 2014, a proposé les nouvelles revendications 1 à 15 et suggéré d'apporter un changement à la page 6 de la description. Nous sommes d'avis que les revendications 1 à 15 proposées remédient aux deux irrégularités liées à la clarté et à l'utilité des revendications relevées par le comité. 

 

[11]      Le demandeur a également présenté, dans ses observations du 17 septembre 2014, des arguments supplémentaires destinés à démontrer la non-évidence des revendications et a joint des documents à l'appui. Ces documents comprenaient des déclarations de Joseph T. Ambrefe Jr., l'inventeur, et de Marcus Arroyo, une personne possédant une expérience des opérations de vérification de sécurité qui sont menées aux points de contrôle dans les aéroports. Ces déclarations étaient accompagnées de diverses pièces, telles que des lignes directrices sur la conception des points de contrôle de sécurité et des communications émanant de personnes travaillant dans le domaine des points de contrôle et de la vérification de sécurité. Ces documents avaient également été soumis dans le cadre d'une procédure antérieure de réexamen engagée aux États-Unis relativement au brevet américain correspondant. 

 

[12]      Le 22 septembre 2014, le demandeur a fourni certaines pièces qui étaient mentionnées dans ses observations du 17 septembre 2014, mais qui n'étaient pas jointes à ces dernières.

 

[13]      En ce qui concerne la question de la juxtaposition non brevetable, l'examinateur a porté la décision du commissaire no 1361 à l'attention du demandeur et du comité lors de l'audience qui a été tenue le 26 septembre 2014. Au final, le comité a jugé que la question de la juxtaposition était sans portée pratique.

 

[14]      Le demandeur a soulevé une autre question en réponse à la décision finale, à savoir que la délivrance de la décision finale était irrégulière; cette question a toutefois été ultérieurement abandonnée par le demandeur.

 

QUESTION

 

[15]      La seule question qu'il reste à trancher est celle de savoir si les revendications proposées auraient été évidentes. Toutefois, avant de procéder à une appréciation de la brevetabilité, nous devons d'abord interpréter les revendications (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, au para. 43). Nous exposons ci-dessous les principes que nous avons appliqués à l'interprétation des revendications et à l'analyse de l'évidence.

 

PRINCIPES JURIDIQUES

 

Interprétation des revendications

 

[16]      L'interprétation téléologique vise à déterminer quels éléments de l'invention revendiquée sont essentiels et quels éléments sont non essentiels (Whirlpool, précité, au para. 45). Cette détermination doit être effectuée du point de vue de la personne versée dans l'art, qui possède les connaissances générales courantes de l'art pertinent (Free Word Trust c. Électro-Santé Inc., 2000 CSC 66, au para. 31 [Free World Trust]).

 

[17]      La personne versée dans l'art du point de vue de laquelle les revendications doivent être interprétées est dépourvue d'imagination; elle est toutefois réputée être raisonnablement diligente dans ses efforts pour se tenir au courant des progrès réalisés dans le domaine dont relève l'invention. Cette personne normalement versée dans son art est réputée avoir une connaissance suffisante du domaine dont relève le brevet pour comprendre la nature de l'invention et connaître les brevets et les articles pertinents qu’une recherche raisonnable et diligente permettrait de découvrir (Newco Tank Corp c Canada (Procureur général), 2014 CF 287, au para. 28).

 

[18]      Pour qu’un élément soit considéré comme non essentiel, il doit être démontré que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, para. 55).

 

[19]      Dans l'avis de pratique PN 2013-02 du Bureau des brevets, il est spécifié que le caractère essentiel ou non essentiel des éléments doit être déterminé sur la base du problème et de la solution exposés, et donc, à la lumière de l'ensemble de la demande.

 

Évidence

 

[20]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une revendication peut être considérée comme évidente :

 

28.3  L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[21]      Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a établi une démarche en quatre étapes fort utile pour évaluer l'évidence :

 

(1) (a)   Identifier la « personne versée dans l’art »;

      (b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)          Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)          Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)          Abstraction faite de toute connaissance de l’invention                revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles      quelque inventivité?

 

[22]      Certains des facteurs susceptibles de se révéler pertinents à l'étape (4) de la démarche de Sanofi sont énoncés dans Novopharm Ltd. c. Janssen-Ortho Inc., 2007 CAF 217 au para. 25, dans Jay-Lor International Inc. c. Penta Farm Systems Ltd., 2007 CF 358 au para. 91, dans Diversified Products Co. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 CPR (3d) 350 (CAF) à 368, et dans Beloit Canada Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289 (CAF) à 296. Voir également Re Demande no 2,286,794 (2012), DC no 1325 (CAB et commissaire aux brevets) aux para. 51 à 57 (conf. par 2014 CF 861) et Re Demande no 2,269,368 (2014), DC no 1360 (CAB et commissaire aux brevets) aux para. 76 à 87.

 

ANALYSE

 

Interprétation des revendications

 

[23]      Dans notre lettre du 28 mai 2014, nous avons informé le demandeur que les revendications seraient interprétées, conformément aux directives contenues dans l'avis de pratique PN 2013-02 du Bureau des brevets. Dans ses observations du 17 septembre 2014, le demandeur n'a fait aucun commentaire à cet égard. À l'audience, le demandeur a indiqué qu'il était d'avis que tous les éléments des revendications étaient essentiels.

 

[24]      Nous commencerons par analyser la revendication 1 proposée, laquelle est la seule revendication indépendante.

 

[25]      La revendication 1 est ainsi formulée :

 

1.                      [traduction]
Une méthode comprenant les étapes suivantes :

 

                positionner un chariot à paniers contenant une pluralité de paniers à une extrémité proximale d'un dispositif de balayage dans lequel des objets peuvent être passés, ledit dispositif de balayage comprenant ladite extrémité proximale ainsi qu'une extrémité distale, et ledit dispositif de balayage étant situé à un point de contrôle de sécurité,

 

                retirer un panier dudit premier chariot à paniers,

 

                faire passer ledit panier retiré dans ledit dispositif de balayage à partir de ladite extrémité proximale jusqu'à ladite extrémité distale,

 

                prévoir un second chariot à paniers à ladite extrémité distale dudit dispositif de balayage pour recevoir ledit panier retiré,

 

                recevoir, d'une personne, ledit panier retiré ayant traversé ledit dispositif de balayage dans ledit second chariot à paniers, les paniers retirés qui ont traversé ledit dispositif de balayage étant emboîtés les uns avec les autres dans ledit second chariot à paniers, et déplacer ledit second chariot à paniers jusqu'à ladite extrémité proximale dudit dispositif de balayage afin que les paniers contenus dans ledit second chariot à paniers puissent être retirés et passés dans ledit dispositif de balayage à partir de ladite extrémité proximale,

 

                les paniers de la pluralité de paniers étant emboîtables et pourvus d'une

surface interne inférieure, lesdits paniers emboîtables comportant tous de l'information affichée sur ladite surface interne inférieure.

 

La personne versée dans l'art

 

[26]      Dans la décision finale, l'examinateur a caractérisé la personne versée dans l'art comme une équipe [traduction] « comprenant des agents de gestion et des agents des opérations travaillant au sein d'une industrie impliquant la manutention de marchandises et de bagages » et [traduction] « des personnes possédant une expérience dans le domaine du génie industriel connu sous le nom de "recherche opérationnelle" – qui vise à maximiser l'efficacité des actions intervenant dans l'accomplissement de tâches répétitives impliquant des personnes et du matériel ».

 

[27]      Dans ses observations du 27 mai 2013 ainsi qu'à l'audience, le demandeur a affirmé que la personne versée dans l'art qui est décrite dans la décision finale était d'un domaine très différent de celui de l'invention, et a fait valoir que la véritable personne versée dans l'art ne posséderait pas une connaissance des systèmes de manutention de marchandises et de bagages, pas plus qu'elle ne connaîtrait les méthodes mathématiques avancées qui sont utilisées pour maximiser l'efficacité opérationnelle, contrairement à une personne possédant une expérience en recherche opérationnelle.

 

[28]      Dans notre lettre du 28 mai 2014, nous avons indiqué que nous estimions approprié de caractériser la personne versée dans l'art comme [traduction] « une personne versée dans l'art de la vérification de sécurité, tel qu'elle se pratique dans les aéroports ».

 

[29]      À l'audience, qui s'est tenue le 26 septembre 2014, le demandeur a soutenu que la personne versée dans l'art était [traduction] « une personne possédant une expérience des opérations qui se déroulent aux points de contrôle de sécurité ». Étant donné le contexte dans lequel la méthode revendiquée est utilisée, nous acceptons cette caractérisation.

 

Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[30]      Dans notre lettre du 28 mai 2014, nous avons établi les connaissances générales courantes pertinentes qui, à notre avis, auraient été celles de la personne versée dans l'art à la date pertinente et avons invité le demandeur à présenter des observations relativement à ces connaissances. Dans ses observations du 17 septembre 2014, le demandeur n'a pas commenté ces connaissances, mais il s'est réservé le droit de présenter des observations supplémentaires à l'audience. Les connaissances générales courantes que nous avons établies sont les suivantes :

 

(a)    Connaissance des procédures et de l'équipement de sécurité qui sont généralement utilisés aux points de contrôle de sécurité, y compris les appareils de radiographie, les détecteurs de particules fines, les convoyeurs à courroie, etc.

(b)   Connaissance des objets que les voyageurs transportent généralement sur eux et déposent sur les paniers à des fins de vérification manuelle ou automatisée (c.-à-d. par le personnel ou au moyen d'un appareil de radiographie, etc.)

(c)    Connaissance du fait que les paniers qui sont utilisés peuvent ne pas être uniformes ou normalisés, que de plus petits paniers peuvent être utilisés pour les articles, tels que les portefeuilles, les clés, etc., et que de plus grands peuvent être utilisés pour les portables, les appareils-photo, etc.

(d)   Connaissance de l'utilisation des chariots ou des plateformes à roulettes en tant que structures sur roues pour le transport d'objets par une personne (et qui, de façon générale, peuvent être utilisés même par des personnes qui ne sont pas versées dans l'art pertinent)

(e)    Connaissance de la prévalence des éléments publicitaires dans les aires publiques telles que les aéroports

 

(f)    Connaissance de l'utilisation des paniers emboîtables aux points de contrôle de sécurité aux fins de la manutention des effets personnels à contrôler

 

[31]      À l'audience, le demandeur a contesté uniquement le point (f).

 

[32]      Après examen de la demande elle-même, il ne ressort pas clairement de la section Contexte contenue dans la description que l'utilisation de paniers emboîtables aux points de contrôle de sécurité faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. Le problème des paniers non normalisés est, toutefois, mentionné au para. [0004] de la description. Bien qu'au moins certains des paniers qui étaient utilisés antérieurement aux points de contrôle de sécurité aient pu être emboîtables, rien n'évoque l'utilisation de paniers emboîtables à un point de contrôle de sécurité, et une personne versée dans l'art comprendrait que les paniers utilisés à un tel endroit peuvent ou non être emboîtables.

 

[33]      Après examen du dossier, nous convenons qu'aucun des documents ne comporte d'indication explicite selon laquelle l'utilisation de paniers emboîtables à un point de contrôle de sécurité faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. Bien qu'il soit fait mention de l'utilisation de paniers dans un des documents soumis par le demandeur, il n'y a aucune indication selon laquelle ces paniers étaient emboîtables. 

 

[34]      Or, cela ne signifie pas pour autant que les paniers emboîtables n'étaient pas connus de façon plus générale à l'extérieur de ce domaine particulier. Nous concluons, par conséquent, que les connaissances générales courantes comprennent les points (a) à (e), ainsi que le point (f) modifié de la manière suivante :

 

(f) Connaissance de l'utilisation générale des paniers emboîtables, mais pas nécessairement aux points de contrôle de sécurité.

 

Le problème à résoudre et la solution proposée

 

[35]      Dans la section Contexte contenue dans la description, aux pages 1 à 3 de la demande, des zones de sécurité typiques sont présentées. Ces zones comprennent une entrée et une sortie, entre lesquelles sont aménagées une ou plusieurs zones de vérification. Les zones de vérification peuvent être pourvues de dispositifs de balayage, tels que des appareils de radiographie et/ou comprendre des zones d'inspection manuelle.

 

[36]      À l'époque du dépôt de la demande, les effets personnels transportés par les voyageurs qui traversaient de telles zones étaient habituellement déposés dans un type de panier, lequel était ensuite inspecté manuellement et/ou passé à travers un dispositif de balayage. Après le passage du panier à travers un dispositif, tel un détecteur de métal, la personne récupérait ses effets personnels du panier, lesquels avaient été inspectés séparément.

 

[37]      Ce procédé nécessitait un retour des paniers de l’une des extrémités de la zone vers l'autre, car les paniers finissaient par diminuer à l'entrée de la zone et par s'accumuler à la sortie.

 

[38]      Selon le para. [0004] de la demande, les paniers qui étaient utilisés dans un tel environnement étaient petits et non normalisés, ce qui occasionnait des problèmes liés au stockage et faisait en sorte que les paniers étaient mal adaptés pour contenir les divers articles transportés par les voyageurs qui traversaient ces zones.

 

[39]      De plus, selon le para. [0006] de la demande, il n'existait aucun système de transport, de stockage et de rangement pour ces paniers, ce qui les rendait encombrants. D'après le dossier[1], cette situation était souvent à l'origine de blessures chez les membres du personnel des points de contrôle de sécurité, car ces derniers devaient transporter des piles de paniers d'un bout à l'autre des zones de vérification.

 

[40]      Au para. [0008] de la description, le demandeur mentionne le besoin d'améliorer le mouvement des paniers autour des points de contrôle de sécurité, afin de rendre leur utilisation, leur collecte et leur stockage plus efficients. Au para. [0009] de la description, le demandeur indique aussi le besoin d'un mode de transport plus commode pour les paniers, ainsi que le désir d'instaurer une uniformité d'un aéroport à l'autre (para. [0010]), afin de favoriser une circulation efficiente des passagers.

 

[41]      À la lecture de ce qui précède, la personne versée dans l'art comprendrait que le problème à résoudre consiste à remédier aux difficultés relatives au déplacement des paniers à travers les points de contrôle de sécurité (y compris celles relatives au stockage, à l'utilisation et au taux de blessures) afin de rendre la circulation de ces paniers, et par conséquent celle des voyageurs à travers un point de contrôle de sécurité, plus efficiente.

 

[42]      La solution proposée au problème susmentionné est une méthode qui intègre des paniers emboîtables et un premier et un second chariot pour transporter les paniers autour du point de contrôle de sécurité.

 

Les éléments essentiels de la revendication 1 proposée

 

[43]      S'agissant de l'expression « lesdits paniers emboîtables comportant tous de l'information affichée sur ladite surface interne inférieure », bien que nous convenions avec le demandeur que si le processus est plus efficient, les passagers sont plus susceptibles de vivre une expérience positive et, donc, plus susceptibles de réagir positivement à l'information ou à la publicité affichée au fond des paniers (voir les observations du 27 mai 2013 à la page 7 et les observations du 10 octobre 2014), ce résultat n'a d'importance qu'à l'égard du marketing des produits qui sont représentés au fond des paniers. Le fait que de l'information soit affichée sur la surface interne inférieure des paniers n'a pas d'effet substantiel sur le procédé mécanique consistant à déplacer les paniers et à les transporter à l'aide des chariots. Les gains en efficacité que procure la méthode sont dus au fait que la méthode fait intervenir des chariots et des paniers, et non à l'affichage d'information au fond des paniers.

 

[44]      Nous concluons, par conséquent, que l'affichage d'information sur la surface interne inférieure des paniers est un élément non essentiel de la revendication 1 proposée. De ce fait, il n'est pas nécessaire que nous examinions la question, soulevée par l'examinateur dans la décision finale, à savoir si la revendication vise une juxtaposition non brevetable.

 

[45]      Les autres éléments de la revendication 1 se rapportent directement à l'utilisation de la méthode des paniers et chariots comme moyen d'accroître l'efficacité du processus de vérification à un point de contrôle de sécurité. Les éléments essentiels de la revendication 1 proposée, que nous résumons ici afin qu'il soit plus facile d'y référer, sont donc les suivants :

 

(a)   l'étape consistant à positionner un chariot à paniers contenant des paniers emboîtés à l'extrémité proximale d'un dispositif de balayage situé à un point de contrôle de sécurité;

(b)   l'étape consistant à faire passer dans le dispositif de balayage un panier pris dans le chariot à paniers;

(c)   l'étape subséquente consistant, une fois le balayage terminé, à emboîter les paniers sur le second chariot situé à l'extrémité distale du dispositif de balayage;

(d)  l'étape consistant à apporter le second chariot contenant les paniers emboîtés à l'extrémité proximale du dispositif de balayage afin de regarnir le stock de paniers.

 

Évidence

 

[46]      Dans les paragraphes qui suivent, nous analysons la revendication 1 proposée conformément à la démarche établie dans Sanofi.

 

(1)(a) Identifier la « personne versée dans l’art »

 

[47]      La personne versée dans l'art est définie au para. [29].

 

(1)(b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[48]      Les connaissances générales courantes pertinentes sont énumérées au para. [30], et incluent la modification énoncée au para. [34].

 

(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

[49]      Compte tenu du problème à résoudre, de la solution au problème et de notre interprétation des éléments essentiels de la revendication 1 proposée, en l'espèce, nous ne voyons aucune raison pour laquelle le concept inventif correspondrait à quelque chose de plus vaste ou de plus restreint que les éléments essentiels. Nous considérons, par conséquent, que le concept inventif est constitué des éléments (a) à (d) énumérés au para. [45] ci-dessus.

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

[50]      Dans la décision finale, deux documents sont cités, conjointement avec les connaissances générales courantes, dans le but de démontrer que la revendication 1 est évidente, à savoir D1 (demande de brevet internationale WO02/29744 au nom de Brunetti, publiée le 11 avril 2002) et D2 (brevet américain no 5,388,049 au nom de Sansone et al., publié le 7 février 1995).

 

 

D1 (Brunetti)

 

[51]      Le document D1 a trait à un système de contrôle d'entrée et de sortie pour les points de contrôle de sécurité dans les aéroports. La zone décrite comprend une pluralité de portails ou d'arches que les passagers franchissent afin de se rendre dans une zone sécurisée qui précède une porte d'embarquement par laquelle ils doivent passer pour montrer à bord d'un avion. Chaque portail est pourvu d'un magnétomètre intégré et sa largeur est telle que seule une personne peut le franchir à la fois.

 

[52]      Chacune des zones de portail comprend également un convoyeur sur lequel les voyageurs déposent leurs bagages et autres articles pour une inspection radiographique par rayons x. Ce système prévoit l'utilisation de petits paniers 29 (voir la Figure 3 de D1) pour les articles de petite taille, tels que les clés et la monnaie. Ces paniers sont distribués au moyen de glissières adjacentes à chaque convoyeur et les glissières sont alimentées en paniers de façon continue par le personnel de vérification qui travaille à l'arrière (voir D1 à la page 10, ligne 27 à 30).

 

[53]      Comme l'a reconnu l'examinateur à la page 4 de la décision finale et comme l'a souligné le demandeur dans ses observations du 27 mai 2013, le document D1 ne divulgue pas, et ne suggère pas, l'utilisation de chariots pour déplacer les paniers entre l'entrée et la sortie du point de contrôle de sécurité et ne peut donc pas divulguer les étapes de la revendication 1 proposée qui prévoient l'utilisation de tels chariots. En outre, le document D1 ne divulgue pas et ne suggère pas d'emboîter les paniers aux fins de leur transport et de leur stockage sur les chariots. Le document D1 divulgue l'emploi d'une glissière qui est continuellement alimentée en petits paniers par le personnel de vérification. Il semble que les paniers soient introduits un à un dans la glissière, si l'on en juge par la façon dont ils sont représentés à la Figure 3 du document D1.

 

D2 (Sansone et al.)

 

[54]      Le document D2 a trait à un système et à une méthode de suivi du courrier de valeur, tel que le courrier se rapportant à l'envoi de cartes de crédit à des clients. Des paniers sont remplis de courrier de valeur à destination d'un lieu précis. Les paniers sont étiquetés et insérés dans une chemise, puis les paniers et la chemise sont pesés. Après qu'une étiquette de répartition et d'acheminement ait été apposée sur la chemise, les paniers enchemisés sont rassemblés dans des cages, puis les cages sont chargées dans un véhicule de transport, tel qu'un camion.

 

[55]      Les paniers et les cages ne sont pas illustrés dans le brevet. Les cages sont décrites de la manière suivante : [traduction] « tout type de conteneur portatif pouvant contenir un grand nombre de paniers à des fins de transport subséquent, le nombre maximum de paniers à mettre en cage s'élevant à trente-trois ». Les paniers et les cages sont utilisés pour expédier le courrier à un distributeur éloigné. Les paniers sont remplis de courrier et expédiés dans les cages.

 

[56]      Le document D2 ne divulgue pas les étapes de la revendication 1, dans laquelle les paniers circulent en boucle d'une extrémité proximale vers une extrémité distale d'un dispositif de balayage et sont réintroduits dans la boucle à l'aide d'un premier et d'un second chariot à paniers. La méthode décrite dans le document D2 prévoit uniquement un aller simple. En outre, aucun déplacement de paniers vides autour d'une zone de balayage, telle que celle d'un point de contrôle de sécurité, n'est divulgué. Le document D2 divulgue uniquement le déplacement de paniers pleins dans le contexte d'une méthode à sens unique. Qui plus est, il n'est pas question d'emboîter des paniers aux fins de leur utilisation, et puisque la configuration des paniers est inconnue, il est impossible de savoir si ces paniers pourraient ou non être emboîtés.

 

Autres documents

 

[57]      D'autres documents ont été cités en référence dans la décision finale, mais uniquement en rapport avec l'objet des revendications dépendantes. Par conséquent, nous devrons considérer ces documents uniquement si nous concluons que la revendication 1 est évidente.

 

[58]      À l'audience, le demandeur a fait observer qu'un document supplémentaire avait été pris en considération dans le Résumé des motifs, à savoir la demande internationale WO9003140. Ce document avait été ajouté en réponse à une modification apportée à la revendication 13 au dossier, qui limitait à la seule information publicitaire l'information pouvant être affichée à un point de contrôle de sécurité d'aéroport. Cette question n'est pas pertinente du point de vue de la revendication 1 et, en tout état de cause, est sans portée pratique, compte tenu de notre interprétation de la revendication 1 proposée et du fait que nous avons déterminé que cette information est non essentielle.

 

Résumé des différences

 

[59]      Après examen des documents D1 et D2, nous concluons que les différences entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 1 proposée constituent l'ensemble des éléments essentiels de la revendication 1 proposée.

 

 (4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[60]      Lorsqu'il s'agit de déterminer si une invention est évidente ou dénote quelque inventivité, nous nous appuyons sur l'arrêt Canadian Gypsum Co. c. Gypsum, Lime & Alabastine, Canada Ltd., [1931] R. C. de l'Éch. 180 à 187 (voir également Shell Oil Co. c. Canada (Commissaire aux brevets) (1982), 67 C.P.R. (2d) 1 (CSC) à 12-13) relativement au principe voulant que l'inventivité puisse résider dans l'idée sous-jacente, ou dans la mise en œuvre concrète de cette idée, ou les deux. En l'espèce, la personne versée dans l'art aurait considéré qu'aucune inventivité n'est requise pour appliquer la méthode proposée une fois qu'elle a été conçue. Or, rien, dans le dossier dont nous disposons, n'indique que la conception de l'invention dont il est question en l'espèce aurait été évidente.

 

[61]      Nous reconnaissons qu'étant donné les inefficacités connues du processus de vérification, la nécessité de déplacer les paniers, et les blessures connues subies par le personnel de vérification en raison du transport manuel des paniers, on pourrait, en rétrospective, faire valoir qu'il aurait été logique pour la personne versée dans l'art d'appliquer une certaine méthode, telle que l'utilisation d'un chariot, pour déplacer les paniers et éliminer ces problèmes aux points de contrôle de sécurité. Les tribunaux nous ont, toutefois, mis en garde contre le recours à la connaissance rétrospective aux fins de l'appréciation du caractère inventif d'une invention (Beloit, précité, à 295).

 

[62]      En l'espèce, rien au dossier n'indique qu'il aurait été évident pour la personne versée dans l'art de concevoir la méthode des chariots et des paniers visée par la revendication 1. Au contraire, nous sommes d'avis qu'il aurait été nécessaire, vu l'état de la technique et les connaissances générales courantes, de faire preuve d'inventivité pour aboutir au concept inventif. Nous nous fondons sur notre examen de la documentation fournie par le demandeur et sur le fait que nous estimons que, dans la mesure où on peut les considérer comme pertinents dans les présentes circonstances, les facteurs relatifs à l'évidence appuient la conclusion que l'invention n'aurait pas été évidente.

 

[63]      Les documents soumis par le demandeur relativement aux facteurs qui peuvent s'avérer pertinents à l'étape (4) de la démarche de Sanofi comprennent des déclarations (accompagnées de pièces à l'appui) de Joseph T. Ambrefe, Jr., l'inventeur, et de Marcus Arroyo, une personne réputée posséder une vaste expérience de la sécurité dans les aéroports[2]. Étant donné les antécédents professionnels de M. Arroyo, nous considérons ses déclarations comme instructives en ce qui a trait à la personne versée dans l'art, eu égard à notre caractérisation de cette personne.

 

[64]      Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons les facteurs mentionnés au para. [22] à la lumière des déclarations de M. Ambrefe et de M. Arroyo et des pièces dont elles s'accompagnent.

 

Le climat qui prévalait dans le domaine pertinent à l'époque de l'invention

 

[65]      Après examen du dossier et, en particulier, des para. 21 à 23, 32 et 33, 35 et 63 à 65 de la déclaration de M. Arroyo et de la pièce B intitulée « Recommended Security Guidelines for Airport Planning, Design and Construction » [Ligne directrice en matière de sécurité pour la planification, la conception et la construction d'aéroports] datant de 2001 dont elle s'accompagne, nous concluons que le climat était tel, à l'époque de l'invention, que la personne versée dans l'art aurait été réticente à intégrer de l'équipement supplémentaire tel que des paniers et des chariots normalisés dans une opération de vérification se déroulant à un point de contrôle de sécurité, tel que ceux qu'on retrouve dans les aéroports. L'intégration d'un tel équipement aurait été contre-intuitive, car le fait de déplacer des chariots à paniers pleins d'un côté sécurisé vers un côté non sécurisé d'un point de contrôle aurait été « contraire à la circulation » habituelle et parce qu'il existait un désir de minimiser l'impact des opérations de sécurité sur les coûts d'exploitation des aéroports.

 

[66]      Ce facteur fait pencher la balance en faveur de la non-évidence de la revendication 1 proposée.

 

La motivation de répondre à un besoin qui existait depuis longtemps à l'époque de l'invention supposée et les tentatives entreprises en ce sens

 

[67]      Après examen du dossier et, en particulier, des para. 57 à 60 de la déclaration de M. Arroyo et de la pièce 17 qui accompagne la déclaration de M. Ambrefe, nous concluons qu'il existait, à l'époque de l'invention, une motivation générale pour résoudre les problèmes, connus depuis longtemps, de l'efficacité déficiente des opérations de vérification menées aux points de contrôle de sécurité et de la distraction des agents de vérification occasionnée par l'absence d'un système assurant un mouvement efficient  des paniers d'un point à l'autre du processus de vérification de sécurité. Les agents de vérification devaient consacrer temps et efforts à l'organisation et au déplacement des paniers autour des points de contrôle, ce qui réduisait leur efficacité dans le cadre du processus de vérification.

 

[68]      Nous concluons également, à la lumière du para. 70 de la déclaration de M. Arroyo et de la pièce F qui l'accompagne, que les tentatives antérieures pour résoudre ces problèmes se sont avérées infructueuses. Ces tentatives ont pris différentes formes, soit les suivantes :

 

         un système suspendu de renvoi de paniers;

         un système à rouleaux;

         une méthode impliquant de pousser les paniers d'un bout à l'autre du plancher;

         un système mécanique de renvoi de paniers qui faisait passer les paniers sous l'appareil de radiographie;

         une méthode de soulèvement manuel des paniers (qui a occasionné des blessures au personnel de vérification ainsi que des inefficacités liées au fait que le personnel devait lui-même rassembler et transporter les paniers).

 

[69]      Ce facteur fait pencher la balance en faveur de la non-évidence de la revendication 1 proposée.

 

Étonnement manifesté par les personnes du domaine

 

[70]      Après examen du dossier et, en particulier, des para. 11 à 13 et 20 à 23 de la déclaration de M. Arroyo et des pièces 14 et 16 dont elle s'accompagne, nous concluons que les mérites de la méthode des chariots et des paniers n'ont pas été immédiatement reconnus par les personnes versées dans l'art, et que ce n'est qu'après qu'une démonstration eut été faite et qu'un programme pilote eut été mis en place ultérieurement (des années après que l'invention a été proposée pour la première fois aux personnes du domaine, un événement qui, lui-même, a eu lieu après la présente date de revendication) que les personnes versées dans l'art ont reconnu les avantages de la méthode. En fait, le taux de réduction des blessures subies par les travailleurs et l'accroissement de la vitesse de traitement aux points de contrôle se sont avérés surprenants. La pièce 16 de la déclaration de M. Ambrefe, qui est une lettre en date du 5 septembre 2006 du directeur fédéral de la sécurité de l'Aéroport de Los Angeles, Lawrence Fetters, à l'attention de Lydia Kennard, directrice exécutive de l'Aéroport de Los Angeles, contient une affirmation représentative des résultats inattendus engendrés par l'utilisation de la méthode des chariots et des paniers :

 

[traduction]
Le système est en place depuis près de deux mois et nous sommes enchantés de toutes les qualités du programme. En fait, il est difficile d'imaginer que nous pourrions revenir à la façon dont fonctionnaient les points de contrôle auparavant. Tous les commentaires que nous avons reçus de la part des voyageurs, des agents de la sécurité des transports et des transporteurs aériens sont positifs. En effet, ce programme est devenu un modèle pour les grands aéroports partout au pays.

 

[71]      Le caractère inattendu de l'important accroissement observé sur le plan de l'efficacité opérationnelle est également confirmé par M. Arroyo au para. 61 de sa déclaration.

 

[72]      Ce facteur fait pencher la balance en faveur de la non-évidence de la revendication 1 proposée.

 

Imitation et adoption de l'invention

 

[73]      Après examen du dossier et, en particulier, du para. 10 de la déclaration de M. Arroyo et des pièces B, C, D, E et F dont elle s'accompagne, ainsi que du para. 35 de la déclaration de M. Ambrefe et des pièces 12, 13 et 28 à 30 dont elle s'accompagne, nous concluons que la reconnaissance ultérieure des mérites de l'invention par les personnes versées dans l'art s'est manifestée par l'adoption et l'imitation subséquentes de l'invention par ces personnes.

 

[74]      Comme l'a souligné M. Arroyo, il suffit, pour retracer l'adoption aux États-Unis du système revendiqué de chariots et de paniers, d'examiner l'évolution des lignes directrices sur la conception des aéroports qui ont été publiées (pièces B à F susmentionnées), lesquelles indiquent que, ayant constaté les avantages de la méthode qui est l'objet de la présente invention dans le cadre d'essais et de programmes pilotes, les personnes versées dans l'art ont officiellement recommandé son adoption en 2009. Ce n'est qu'à ce stade que le transport manuel des bacs (c.-à-d. les paniers), connu pour occasionner des blessures aux travailleurs, a expressément [traduction] « cessé d'être approuvé ».[3]  

 

[75]      Ce facteur fait pencher la balance en faveur de la non-évidence de la revendication 1 proposée.

 

Succès commercial

 

[76]      Le succès commercial peut, dans certains cas, témoigner du caractère inventif, mais un tel effet peut aussi être attribuable à un marketing efficace ou à d'autres facteurs indépendants de l'invention. (Creations 2000 Inc. c. Canper Industrial Products Ltd. (1988), 22 CPR (3d) 389 à 404 (CF), conf. (1991) 34 CPR (3d) 178 à 183 (CAF)).

 

[77]      En l'espèce, le comité conclut que ce facteur n'est d'aucune aide pour l'appréciation de l'évidence.

 

[78]      Après examen du dossier et, en particulier, des para. 2 et 36 à 39 de la déclaration de M. Ambrefe, nous ne saurions pas dire si le succès commercial de l'invention est attribuable aux mérites de la méthode revendiquée. La raison de cette incertitude tient à ce que le plan d'affaires qui est associé à l'invention indique que le demandeur est disposé à fournir sans frais de l'équipement à un aéroport en échange de la possibilité de vendre des espaces publicitaires au fond des paniers. D'un côté, le succès commercial pourrait constituer un indicateur de la non-évidence de la revendication. De l'autre, au moins une partie du succès commercial pourrait être attribuable au marketing du procédé et au fait que l'équipement requis pouvait être fourni sans frais à l'utilisateur.

 

CONCLUSIONS

 

[79]      Il n'y a rien au dossier qui aurait pu aider la personne versée dans l'art à combler l'écart de connaissances entre l'état de la technique et le concept inventif de la revendication 1 proposée. Qui plus est, les facteurs analysés ci-dessus appuient collectivement la conclusion que l'invention revendiquée était non évidente pour la personne versée dans l'art.

 

[80]      D'après le dossier dont nous disposons, lequel comprend des documents et des arguments dont l'examinateur ne disposait pas pendant le traitement, à la date de la revendication, les personnes versées dans l'art étaient confrontées à plusieurs défis, notamment l'efficacité déficiente connue du processus de vérification de sécurité et le problème connu des blessures subies par les travailleurs contraints de transporter les paniers manuellement, mais, malgré leur motivation à résoudre ces problèmes, elles n'avaient pas conçu la méthode revendiquée. En outre, malgré les efforts déployés par le demandeur sous la forme de propositions, de démonstrations et d'un programme pilote, il s'est écoulé au moins six ans, à partir de la date de revendication de la présente demande, avant que les personnes versées dans l'art ne commencent à adopter un tel procédé.

 

[81]      Nous estimons que les propos du juge Hugessen dans Beloit, précité, résument bien nos conclusions en l'espèce :

 

[traduction]
Bien qu'aucun de ces facteurs pris séparément ne soit nécessairement déterminant quant à la question de l'évidence, chacun d'eux témoigne, de façon plus éloquente que ne le pourra jamais une analyse rétrospective, du caractère inventif de l'invention; cumulativement, leur effet est tout simplement inéluctable.

 

[82]      Nous concluons que la revendication 1 proposée n'aurait pas été évidente et qu'elle aurait nécessité de l'inventivité. Elle est, par conséquent, conforme à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[83]      Il s'ensuit que les revendications 2 à 15 proposées, qui dépendent toutes directement ou indirectement de la revendication 1, sont également conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.


 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[84]      À la lumière du dossier, compte tenu des faits de l'espèce, nous recommandons que le demandeur soit avisé, en vertu du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets :

 

         Suppression des revendications 1 à 14 au dossier

         Insertion des revendications 1 à 15 proposées dans les observations du 17 septembre 2014.

 

 

 

 

Stephen MacNeil                              Paul Fitzner                                      Michael O’Hare

Membre                                                  Membre                                              Membre

 


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

[85]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d'appel des brevets. Conformément aux dispositions du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j'avise par la présente le demandeur que pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, il doit apporter les modifications suivantes dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, sans quoi j'entends rejeter la demande :

 

         Suppression des revendications 1 à 14 au dossier;

         Insertion des revendications 1 à 15 proposées dans les observations du 17 septembre 2014.

 

[86]      En conséquence, j'invite le demandeur à apporter ces modifications, et seulement ces modifications, en vertu de l'alinéa 31(b) des Règles sur les brevets.

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 25e jour de février 2015



[1] Voir, p. ex., la déclaration de Marcus Arroyo, au para. 70, et la pièce F qui l'accompagne, à la page 26, de même que la pièce 16 de la déclaration de Joseph T. Ambrefe.

[2] Voir la déclaration de Marcus Arroyo soumise le 17 septembre 2014 et la pièce A « Career Biographical Summary » [Biographie et résumé de carrière].

[3] Voir la pièce F de la déclaration de Marcus Arroyo, à la section 2.3

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