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Décision du commissaire no 1361

Commissioner's Decision # 1361

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS : A-50, H-00, O-00

TOPICS: A-50, H-00, O-00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2,408,456

Application No: 2,408,456

 


 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2,408,456, ayant été refusée par l'examinateur conformément au paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, a fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et par le commissaire aux brevets. Voici la recommandation de la Commission et la décision du commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

 

SMART & BIGGAR

55, rue Metcalfe, bureau 900

C. P. 2999, succursale D

Ottawa (Ontario) K1P 5Y6


 

Introduction

 

[1]          La présente décision porte sur une révision des conclusions de l'examinateur à l'égard de la demande canadienne de brevet no 2,408,456, intitulée « Lit interactif avec affichage de données », déposée le 17 octobre 2002 et actuellement inscrite au nom de Tempur World, Inc.

 

[2]          L'objet de la demande concerne de façon générale des présentoirs publicitaires utilisés dans le commerce de détail pour la promotion et la vente de matelas. L'invention décrite est un lit interactif (matelas) avec affichage de données composé d'une unité audio/vidéo autonome placée près d'une personne allongée sur un lit, laquelle unité comporte un écran tactile et de multiples segments audio/vidéo stockés renfermant de l'information à propos d'un matelas.

 

[3]          L'examinateur chargé de l'examen de la demande a rendu une décision finale de rejet pour cause d'évidence le 7 avril 2009 (comprenant une irrégularité reliée à une juxtaposition). Ayant conclu que la réponse de la demanderesse ne corrigeait pas les irrégularités, l'examinateur a transmis un résumé des motifs à la Commission d'appel des brevets (« la Commission ») le 23 novembre 2012, maintenant le rejet de la demande pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision finale. Le résumé des motifs a été transmis à la demanderesse, accompagné d'une invitation à participer à une audience.

 

[4]          En juin 2013, un comité formé de trois membres de laCommission a été mis sur pied pour se pencher sur le rejet (« le comité »). Suivant un examen initial de la demande, le comité a demandé une analyse supplémentaire à l'examinateur en vue d'examiner et de revoir les motifs du rejet à la lumière de trois pièces d’art antérieursupplémentaires. L'analyse supplémentaire a été transmise à la demanderesse le 8 juillet 2013, accompagnée d'une invitation à répondre à l'analyse supplémentaire par écrit et/ou lors d'une audience.

 

[5]          La demanderesse a demandé que la décision finale soit retirée compte tenu des nouveaux motifs présentés dans l'analyse supplémentaire. La Commission a informé la demanderesse le 18 septembre 2013 que la décision finale n'avait pas été rendue par erreur et ne serait par conséquent pas retirée. À la lumière de l'analyse supplémentaire, la Commission a fourni à la demanderesse une nouvelle date d'audience et la possibilité de soumettre une série de revendications, si désiré.

 

[6]          La demanderesse a répondu le 18 novembre 2013 en présentant des observations écrites et en proposant une série de revendications avant l'audience (tenue le 4 décembre 2013). En plus de répondre aux motifs de rejet en vertu de l'article 28.3, les observations de la demanderesse comprenaient les raisons pour lesquelles l'analyse supplémentaire ne pouvait permettre de soulever une nouvelle irrégularité à la suite d'une décision finale. Pour ces raisons, la demanderesse a proposé que le comité ne tienne pas compte des trois antériorités supplémentaires.

 


Questions

 

[7]          Le comité doit trancher trois questions dans cette recommandation :

 

·        La Commission peut-elle soulever une nouvelle irrégularité d'après les trois documents supplémentaires cités après que l'examinateur a rendu sa décision finale?

 

·        Les revendications 1 à 21 ont-elles trait à une juxtaposition non brevetable?

 

·        Les revendications 1 à 21 au dossier sont-elles évidentes et par conséquent non conformes aux exigences de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

[8]          Pour les motifs exposés ci-après, nous estimons qu'il était opportun pour la Commission de soulever la nouvelle irrégularité suivant la décision finale relative à cette demande, et le dépôt de l'analyse supplémentaire citant les trois documents n'était par conséquent pas injustifié. Le comité estime aussi que les revendications ont trait à une juxtaposition non brevetable et qu'elles auraient été évidentes.

 

Première question : La Commission peut-elle soulever une nouvelle irrégularité subséquemment à une décision finale?

 

Thèse de la demanderesse :

 

[9]          Dans la lettre de réponse du 18 novembre 2013 et dans les observations présentées à l'audience, la demanderesse soutient qu'il n'est pas légitime de soulever de nouvelles irrégularités d'après les trois antériorités supplémentaires (D5, D6 et D7, citées ci-après) suivant la décision finale de l'examinateur. En conséquence, la demanderesse soutient que l'évidence fondée sur les antériorités D5 à D7 ne doit pas être tenue en compte.

 

[10]      La demanderesse cite les décisions de la Cour fédérale dans Belzberg c. Canada (Commissaire aux brevets), 2009 CF 657 (Belzberg), para. 39 à 44, et RWB Trust c. Canada (Commissaire aux brevets), 2011 CF 873 (Bartley), para. 79 à 82, et mentionne l'orientation donnée dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), à la section 21.02.

 


[11]      La demanderesse soutient que la décision Belzberg établit qu'une décision finale doit porter sur tous les motifs de rejet non résolus, et qu'il n'est pas permis de soulever par la suite de nouveaux motifs qui ne sont pas énoncés dans une décision finale; agir autrement revient à priver la demanderesse du caractère définitif de l'instruction de la demande. En ce qui concerne la décision Bartley, la demanderesse fait valoir que la Cour a précisé que ce principe du caractère définitif s'applique autant aux questions déjà soulevées par l'examinateur mais non mentionnées dans une décision finale qu'aux nouvelles questions soulevées pour la première fois à la suite d'une décision finale. Dans le RPBB, les pratiques du Bureau énoncent qu'une décision finale doit être complète et qu'elle doit traiter en détail de tous les motifs pour lesquels la demande est considérée comme irrégulière. En outre, le RPBB énonce que le processus d'appel se limite aux questions abordées dans la décision finale et que l'examinateur n'a pas la possibilité de formuler des objections qu'il pourrait avoir omis d'indiquer.

 

[12]      Lors de l'audience, la demanderesse a repris ces considérations en affirmant qu'une décision finale est « finale » et qu'elle empêche de soulever toute autre question. La demanderesse maintient que l'affaire en l'espèce porte sur la production par le Bureau de nouvelles antériorités après que la décision finale a été rendue et qu'il n'y a donc pas de distinction avec les décisions citées.

 

Analyse :

 

[13]      De l'avis du comité, il existe des différences importantes qui distinguent la présente affaire de la situation de fait des deux décisions de la Cour citées.

 

[14]      Dans Belzberg, la Cour était saisie d'une affaire dans laquelle un examinateur a poursuivi l'instruction après la révision de la Commission et la délivrance d'une décision du commissaire, sans que soient indiquées les questions non résolues ou les éléments exigeant une enquête au cours de la révision menée par la CAB. Compte tenu des faits dans cette affaire, la Cour a déclaré (au para. 44) que, à l'issue d'une audience de la CAB, le commissaire doit rendre l'une des deux décisions suivantes : rejeter la demande de brevet ou accorder le brevet.

 

[15]      Dans Bartley, une décision finale à l'égard d'une seule question a été soumise à la Commission pour révision. À ce moment-là, la Commission a informé la demanderesse que d'autres irrégularités avaient été mises en suspens par l'examinateur. Le commissaire a annulé le rejet compte tenu de cette seule question et a retourné la demande à l'examinateur pour la poursuite de l'instruction en fonction des irrégularités retenues. La Cour a conclu qu'il n'était pas approprié de mettre certaines irrégularités en suspens : la décision finale doit être complète et la révision de la CAB doit tenir compte de toutes les irrégularités. En outre, la Cour a réitéré que le demandeur doit avoir la possibilité de se faire entendre en ce qui concerne les questions de procédures et avoir ainsi l'assurance que les procédures de la Commission sont transparentes.

 

[16]      Contrairement à la présente demande, ces décisions de la Cour n'ont pas abordé la détermination de nouvelles questions au cours de la révision menée par la Commission avant la délivrance d'une décision du commissaire. Les deux décisions portaient sur l'instruction ultérieure à une révision menée par la Commission et le commissaire. Les décisions soulignent que la poursuite de l'instruction n'est pas légitime suivant une décision du commissaire; la seule option qui reste à cette étape est le rejet de la demande de brevet ou l'octroi du brevet. En l'espèce, aucune décision n'a été rendue, et le comité est en voie de s'assurer que toutes les irrégularités font l'objet d'une révision complète.

 


[17]      En outre, l'article 27(1) de la Loi sur les brevets confère au commissaire le pouvoir d'accorder un brevet lorsqu'une demande « est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle-ci sont remplies ». S'il existe une condition qui sème le doute quant à savoir si les autres conditions de la Loi sont remplies, la Commission doit examiner cette condition dans le cadre de sa révision et aviser le commissaire dans la recommandation du comité, s'il y a lieu.

 

[18]      En l'espèce, le comité a identifié des antériorités qui semblaient être liées à l'objet de la présente demande et dont l'examinateur n'a pas tenu compte. Le comité a présenté les antériorités à l'examinateur pour révision et a fourni à la demanderesse les documents et l'analyse de l'examinateur dans une analyse supplémentaire. Le fait d'ignorer les antériorités serait contraire à l'obligation du commissaire de s'assurer que toutes les exigences de la Loi sur les brevets ont été respectées; dans l'intérêt de la justice naturelle, la demanderesse a été avisée des nouvelles antériorités et a eu l'occasion d'y répondre.

 

[19]      En ce qui concerne le RPBB, le recueil énonce qu'une décision finale rendue par un examinateur doit être complète, qu'un examinateur ne doit pas soulever de nouvelles objections qu'il aurait pu manquer et que le processus de révision se limite aux questions signalées dans la décision finale. Cependant, tel que mentionné dans l'avant-propos du Recueil, le RPBB est un guide sur les pratiques de l'Office et non un texte législatif dont l'application est obligatoire. Il ne peut pas nier la nécessité que toutes les exigences de la Loi et des Règles soient remplies avant l'octroi d'un brevet. En procédant à la révision d'une demande refusée, la Commission doit en tout temps vérifier si ces exigences sont remplies, avant de formuler toute recommandation au commissaire.

 

[20]      Nous soulignons aussi qu'une nouvelle version du RPBB a été publiée en décembre 2013. Cette nouvelle version ne témoigne plus de l'orientation sur laquelle s'appuie la défenderesse en l'espèce.

 

Modifications aux Règles sur les brevets

 

[21]      En décembre 2013, les Règles sur les brevets se rapportant à la révision des demandes refusées ont subi d'importantes modifications. L'article 30(6.1) des Règles sur les brevets confère maintenant explicitement au commissaire le pouvoir de déceler des irrégularités autres que celles qui sont indiquées dans l'avis de décision finale et prévoit que le demandeur soit en conséquence invité à présenter des observations. Comme mentionné précédemment (para. 4 et 5), la demanderesse a été avisée dans ce processus de révision des nouvelles irrégularités et a eu l'occasion de présenter des observations. La présente révision est donc conforme aux Règles sur les brevets précédentes ainsi qu'aux Règles sur les brevets actuelles.

 

Conclusion relative à la première question :

 


[22]      Les faits exposés dans la présente demande sont différents des faits portés à la connaissance de la Cour dans Belzberg et Bartley et, également, le RPBB est un guide qui ne nie pas les responsabilités du comité dans sa révision de la présente affaire. Par conséquent, nous estimons que le dépôt d'une analyse supplémentaire (notamment trois pièces d’art antérieur supplémentaires) n'est pas injustifié.

 

[23]      Nous menons par conséquent notre révision de la demande et prenons une décision relativement aux deux autres questions, qui comprennent la prise en compte des trois pièces d’art antérieur analysés dans l'analyse supplémentaire.

 

 

Deuxième question : Interprétées de manière téléologique, les revendications 1 à 21 portent-elles sur une juxtaposition non brevetable?

 

Principes juridiques

 

[24]      La relation entre les juxtapositions et les autres questions relatives à la validité a été examinée dans plusieurs décisions de justice. D'abord, la nécessité qu'une invention combinée admissible comporte des éléments constitutifs de la combinaison qui interagissent pour produire un résultat « unitaire » ou « synergique » est bien établie en droit canadien. Tel que l'énonce le président Thorson dans R. c. American Optical Co., [1950] R.C. de l'E. 344, p. 355, 13 C.P.R. 87 :

 

[traduction]
Outre la nouveauté et l'activité inventive, il est essentiel à la validité du brevet d'une invention combinée que la combinaison mène à un résultat unitaire plutôt qu'à une succession de résultats, que ce résultat diffère de la somme des résultats des éléments et qu'il soit simple et non complexe.

 

[25]      Le juge Collier a précisé ce qui suit dans Domtar Ltd. c. MacMillan Bloedel Packaging Ltd. (1977), 33 C.P.R. (2d) 182, para. 28 et 33 :

 

[traduction]
La simple juxtaposition de pièces diverses ne suffit pas à leur conférer un caractère brevetable. Les éléments doivent s'unir pour produire un résultat unitaire. Si un élément de l'agencement produit son propre résultat, sans que la combinaison elle-même donne un résultat, alors il ne peut y avoir invention.

.....

[Les éléments] ne s'assemblent pas pour produire un résultat nouveau mais commun. Si l'un d'entre eux est retiré, les autres continueraient à mon sens à remplir leur propre fonction individuelle. Nous avons là une juxtaposition, et non pas une combinaison.

 

[26]      Les déclarations du juge Collier ont été confirmées dans Crila Plastic Industries Ltd. c. Ninety-Eight Plastic Trim Ltd. (1987), 18 C.P.R. (3d) 1 (CAF). S'exprimant au nom de la Cour, le juge Urie a cité la décision J.O. Ross Engineering Corp. c. Paper Machinery Ltd., [1932] R. C. de l'E. 238, p. 244, dans laquelle le juge MacLean a conclu ce qui suit :


 

[traduction]
Comme l'a fait valoir l'avocat des demanderesses, chaque élément fonctionne en combinaison avec tous les autres dans le but d'atteindre le résultat, et si un élément est retiré de la combinaison, l'utilité de tous les autres disparaîtrait, tandis que dans une simple juxtaposition, si l'un ou l'autre des éléments est retiré, les autres éléments continueraient de fonctionner.

 

[27]      Une combinaison valable doit par conséquent se composer d'éléments qui fonctionnent en combinaison en vue de produire un résultat unitaire ou synergique. Autrement dit, les éléments doivent entretenir une relation fonctionnelle. Si un élément ou un ensemble d'éléments n'impose pas de limitation fonctionnelle à un autre compris dans la même revendication, alors les deux ne forment pas une combinaison admissible, mais définissent plutôt une juxtaposition. Dans un tel cas, le retrait d'un élément n'aurait aucun effet sur le fonctionnement (ou la poursuite du fonctionnement) des autres éléments.

 

[28]      En pareil cas, ce n'est pas la brevetabilité de la combinaison qui doit être évaluée, comme il n'y a pas de combinaison valable. L'on se retrouve plutôt devant une revendication définissant deux ou plusieurs inventions rassemblées mais distinctes, dont la validité doit être évaluée de manière individuelle. Bien que non contraignante pour la pratique canadienne, cette coexistence des éléments d'une juxtaposition a été résumée succinctement par lord Hoffman dans Sabaf SpA c. MFI Furniture Centres Ltd., [2004] UKHL 45, para. 24 :

 

[traduction]
Mais avant de pouvoir... vous demander si l'invention comporte une activité inventive, vous devez d'abord déterminer quelle est l'invention. En particulier, vous devez décider s'il s'agit d'une seule invention, ou de deux inventions ou plus. Deux inventions n'en deviennent pas une seule du fait qu'elles sont incorporées dans la même structure matérielle. Une automobile compacte peut comprendre bon nombre d'inventions indépendantes les unes des autres, mais toutes conçues pour atteindre l'objectif global qui est d'avoir une voiture compacte. Cela ne fait pas de l'automobile une seule invention.

 

[29]      Nous soulignons cependant que si l'une des inventions revendiquées est jugée brevetable, l'ajout des autres éléments à la revendication ne porterait pas atteinte à la brevetabilité. Dans le pire des cas, les éléments supplémentaires limiteraient inutilement ou de façon superflue la portée de l'invention revendiquée.

 

[30]      Rendant compte de cette jurisprudence, notre lettre du 8 juillet 2013 a indiqué que, si le comité détermine que les éléments revendiqués ne définissent pas une combinaison valable (lorsque les éléments des revendications entretiennent une relation fonctionnelle), mais plutôt une juxtaposition (deux ou plusieurs inventions comprises dans une revendication unique), chacune des inventions serait alors examinée séparément pour assurer le respect de chacun des articles de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets.

 


Interprétation des revendications

 

[31]      Bien qu'aucun différend au dossier n'opposait la demanderesse à l'examinateur quant à l'interprétation des revendications, la compréhension des caractéristiques et de la portée des revendications est essentielle avant d'examiner la question de l'juxtaposition. Cela exige la prise en compte du mémoire descriptif dans son ensemble, tel que lu par la personne versée dans l'art, à la lumière de ses connaissances générales courantes, comprenant la compréhension du problème et la solution préconisée dans la demande, de façon à dégager la signification des termes utilisés dans les revendications et les éléments essentiels des revendications.

 

La personne versée dans l'art

 

[32]      Le résumé des motifs (sous l'analyse de l'évidence) a caractérisé la personne versée dans l'art  comme un fabricant de lits ayant des connaissances en matière de commodités de la vie moderne; l'analyse supplémentaire a redéfini cette personne comme étant un professionnel du marketing d'entreprise ayant des connaissances en matière de commodités de la vie moderne, comme les appareils audio et vidéo. Les observations écrites de la demanderesse présentées le 18 novembre 2013 (page 8) qualifiaient la personne versée dans l'art de [traduction] « spécialiste de la commercialisation des matelas ». Nous admettrions que la personne versée dans l'art comprend un spécialiste de la commercialisation des matelas; cependant, notre lettre qui accompagnait l'analyse supplémentaire (8 juillet 2013) précisait que les [traduction] « connaissances en matière de commodités de la vie moderne » représenteraient les connaissances d'un technicien en audio-vidéo (question approfondie ci-après). Par conséquent, nous estimons que la personne versée dans l'art est une équipe formée d'un spécialiste de la commercialisation des matelas et d'un technicien en audio-vidéo.

 

Les connaissances générales courantes

 

[33]      À notre avis, un « spécialiste de la commercialisation des matelas » aurait nécessairement une connaissance des caractéristiques et des avantages d'un matelas et des méthodes, des techniques ou des systèmes d'affichage classiques qui sont utilisés pour la commercialisation ou la vente de matelas. Cela comprend l'utilisation de dispositifs d'affichage (panneaux, images fixes, vidéo ou audio, etc.) pour informer les clients à propos d'un matelas (voir le Contexte de l'invention, page 1).

 

[34]      En plus des compétences en matière de commercialisation des matelas, l'analyse supplémentaire énonçait que la personne versée dans l'art possède des [traduction] « connaissances en matière de commodités de la vie moderne ». Notre lettre a précisé que les « connaissances en matière de commodités de la vie moderne » seraient comprises comme étant des connaissances reliées aux unités audio/vidéo et à d'autres composantes des présentoirs publicitaires. La demande appuie également cette interprétation (Contexte, page 1), laquelle divulgue qu'avec les progrès de la technologie, de nouveaux médias viennent compléter les affichages fixes, notamment des médias comme les pistes sonores, les animations graphiques et les pistes vidéo stockées (sur cassette ou disque compact).

 


[35]      La lettre du comité signalait également que le Contexte de l'invention présenté dans la demande énonçait que l'invention était connue pour utiliser des dispositifs d'affichage en vue d'attirer des clients potentiels, au moyen d'un énoncé visuel, de façon à inciter un client à acheter un produit. La lettre du comité signalait également qu'un professionnel du marketing d'entreprise (matelas) était réputé savoir que les présentoirs publicitaires pour vendre des matelas pourraient comprendre un véritable matelas destiné à permettre à une personne de s'y allonger, comme on le voit couramment dans les magasins ou les présentoirs publicitaires de matelas. La lettre de la demanderesse datée du mois d'août 2012 a confirmé cette pratique courante dans les salles d'exposition de matelas.

 

[36]      Un point soulevé par la demanderesse était que l'analyse supplémentaire ne décrivait pas adéquatement la personne versée dans l'art confrontée au problème d'utiliser un système d'affichage vidéo connu à écran tactile monté sur un lit pour choisir un produit d'après le contenu présenté à partir d'une base de données. Nous convenons avec la demanderesse que, dans ce cas, il n'y a pas lieu de considérer la personne versée dans l'art être confrontée au problème tel qu'énoncé par l'examinateur. Si le problème énoncé faisait partie des connaissances générales courantes, on pourrait en conclure autrement, mais en l'espèce, la formulation du problème, qui renferme nécessairement une partie de la solution décrite dans les revendications, est faite a posteriori et peut influencer de façon inappropriée la définition de la personne versée dans l'art et des connaissances générales courantes.

 

[37]      Nous estimons que le problème tel qu'énoncé par l'examinateur dans l'analyse supplémentaire ne relève pas des connaissances générales courantes et nous avons mené notre analyse en conséquence.

 

Contexte de l'invention : problème et solution

 

[38]      Le Contexte de l'invention (page 1) énonce que les dispositifs d'affichage publicitaire visent à attirer l'attention, à diffuser de l'information et à encourager l'achat d'un produit. Les dispositifs d'affichage traditionnels utilisaient au départ seulement des images ou des éléments graphiques fixes pour présenter un énoncé visuel; avec les progrès technologiques, les dispositifs ont intégré des améliorations visuelles comme des pistes audio, des animations graphiques ou des pistes vidéo stockées. Cependant, même avec ces caractéristiques supplémentaires, la demande énonce que [traduction] « les capacités des dispositifs traditionnels demeurent quelque peu limitées ».

 

[39]      Une lecture de la demande révèle que le problème visé par l'invention est d'offrir un dispositif d'affichage amélioré qui attirera et mobilisera les clients en lien avec un produit (matelas), de sorte qu'ils puissent apprécier les avantages ou les caractéristiques du produit et finir par acheter le produit. La description (pages 7 et 8) mentionne également le souhait de maintenir une personne allongée en contact avec un matelas (c.-à-d. pendant un certain temps) de façon à ce qu'elle puisse être informée ou sensibilisée à propos des avantages reliés au matelas.

 


[40]      Pour préciser ce problème, la réponse de la demanderesse à l'analyse supplémentaire a indiqué qu'il était souvent reconnu que, dans les salles d'exposition de matelas, les clients ne s'allongeaient pas sur le présentoir de matelas disponible suffisamment longtemps pour être en mesure de bien faire l'expérience du matelas et d'évaluer ses caractéristiques. Ceci indique que le problème est au moins connu sur le marché de la vente de matelas.

 

[41]      Pour résoudre ce problème et dépasser les limites des dispositifs antérieurs, la demande propose d'améliorer les présentoirs de matelas en offrant un lit interactif avec affichage de données comprenant une unité audio/vidéo autonome avec écran tactile et de multiples segments audio/vidéo stockés, placée à la portée d'une personne allongée sur un matelas. En fonction de la rétroaction de l'usager, différents segments audio/vidéo stockés sont diffusés à l'usager pour décrire les caractéristiques ou afficher le contenu portant sur les caractéristiques du matelas. Ainsi, on cherche à ce qu'une personne demeure sur le matelas plus longtemps et fasse par conséquent mieux l'expérience de ses caractéristiques.

 

Revendications

 

[42]      Vingt et une (21) revendications figurent au dossier, dont quatre revendications indépendantes. Les revendications 1, 20 et 21 définissent un lit interactif avec affichage de données, tandis que la revendication 13 définit une méthode de présentation d'un matelas. La revendication 1 est représentative du lit interactif avec affichage de données proposé :

 

     [traduction]
Lit interactif avec affichage de données en vue de fournir de l'information à une personne composé de ce qui suit :

 

- un lit comprenant un matelas adapté pour soutenir la personne; et

 

- une unité audio/vidéo autonome placée à la portée de la personne qui est allongée sur le lit de sorte que la personne puisse être en mesure de faire l'expérience du matelas, laquelle unité audio/vidéo autonome comporte de multiples segments audio/vidéo stockés à propos du matelas et peut recevoir la rétroaction de la personne se trouvant sur le matelas grâce au contact de l'usager avec un écran de l'unité audio/vidéo autonome, et laquelle unité audio/vidéo autonome peut diffuser l'un ou l'autre des multiples segments audio/vidéo stockés à propos du matelas à la personne se trouvant sur le matelas en fonction de sa rétroaction.

 


[43]      La revendication 13 définit une méthode de présentation d'un matelas, comprenant les étapes de la méthode qui correspondent généralement aux caractéristiques de l'appareil décrit dans la revendication 1. Les revendications 20 et 21 définissent d'autres modes de réalisations du lit interactif avec affichage de données. La revendication 20 définit une installation semblable à celle de la revendication 1, mais présente les caractéristiques supplémentaires suivantes : l'unité audio/vidéo est placée de façon à inciter la personne à s'allonger sur le matelas; l'unité est placée au-dessus d'une personne; l'écran de l'unité audio/vidéo est positionné sensiblement en vis-à-vis de la surface supérieure du matelas; et les segments vidéo incitent de la même manière la personne à demeurer sur le matelas. La revendication 21 définit des caractéristiques semblables à celles de la revendication 1 sans différences importantes.

 

[44]      Des modifications supplémentaires proposées aux revendications ont été présentées au comité dans les observations écrites déposées avant l'audience. Nous examinerons ces modifications proposées à la fin de notre analyse des revendications au dossier.

 

Libellé des revendications

 

[45]      En général, à la lecture du mémoire descriptif dans son ensemble, la personne versée dans l'art comprend qu'un [traduction] « affichage publicitaire », ou lit avec affichage de données dans la présente demande, comprend un panneau, une image fixe, un élément graphique, une animation, des données audio ou une image vidéo, chacun pouvant être utilisé pour attirer l'attention des clients potentiels sur un produit. Ce sens particulier du terme « affichage » sera employé dans cette révision, par opposition à un moniteur/écran vidéo ou de télévision.

 

[46]      Dans la revendication 1, d'après la description, les multiples segments audio/vidéo stockés [traduction] « à propos du matelas » contiennent de l'information concernant les caractéristiques du matelas en particulier, y compris la technologie et les matériaux utilisés (description, p. 8).

 

[47]      De plus, les revendications caractérisent l'unité audio/vidéo comme étant autonome. Cela signifie d'après la description (page 6) que les segments audio/vidéo sont stockés localement dans l'unité audio/vidéo à écran tactile, par exemple sur une carte mémoire à semi-conducteurs, comme une carte mémoire CompactFlash, par opposition à une source externe.

 

[48]      Les revendications indépendantes définissent aussi que la personne est en mesure de [traduction] « faire l'expérience » du matelas. Nous interprétons « faire l'expérience » comme signifiant simplement que la personne peut s'allonger sur le matelas et avoir un contact physique et tactile avec le matelas. Cela concorde aussi avec les observations de la demanderesse présentées le 18 novembre 2013, à la page 4 [traduction] : « ...la perception qu'a la personne d'être allongée sur le matelas pour permettre à la personne d'avoir une expérience tactile du matelas ». Cette interprétation est conforme à la connaissance qu'a la personne versée dans l'art d'un client allongé sur un matelas et se trouvant dans une salle d'exposition pour faire l'expérience d'un matelas. Cependant, « faire l'expérience » du matelas n'est pas interprété de façon juste comme signifiant que la personne sentira ou percevra nécessairement les avantages et les caractéristiques du matelas exprimées en fonction du contenu des segments audio/vidéo visionnés. Qu'une personne puisse ou non sentir ou percevoir les avantages, la technologie ou les matériaux du matelas est une question subjective déterminée dans l'esprit de la personne allongée sur le matelas.

 


[49]      Dans la revendication 20, deux utilisations du verbe [traduction] « inciter » sont définies. D'une part, l'unité audio/vidéo est placée face au matelas et suffisamment près pour que la personne soit « incitée » à s'allonger sur le matelas, pour atteindre l'écran et interagir avec celui-ci. Nous estimons que cela signifie simplement que le positionnement physique de l'unité audio/vidéo est tel qu'une personne doit s'allonger sur le matelas pour pouvoir voir l'écran. Cela concorde avec l'autre limitation de la revendication 20 à l'effet que l'écran est positionné en vis-à-vis de la partie supérieure du matelas.

 

[50]      D'autre part, « inciter » est utilisé dans la revendication 20 dans le contexte du contenu d'au moins un segment stocké qui est tel qu'il « incite » la personne à demeurer sur le matelas. La description mentionne que le contenu est [traduction] « préenregistré » (description, page 7) afin d'intégrer divers segments visant à présenter une explication des matériaux et des avantages du matelas en vue d'inciter la personne à demeurer sur le lit. Cependant, le fait qu'une personne demeurera ou non sur le matelas pendant une longue période en fonction du contenu d'un segment dépend de l'interprétation du contenu dans l'esprit de la personne qui visionne le segment (par exemple, si elle souhaite ou choisit de continuer à regarder). Nous comprenons par conséquent que « inciter » en ce sens signifie simplement que le contenu se rapporte aux caractéristiques et aux avantages du matelas.

 

Éléments essentiels

 

[51]      Le processus d'interprétation des revendications exige de distinguer les éléments de l’invention revendiquée qui sont « essentiels » de ceux qui sont qui sont « non essentiels ». En l'espèce, l'analyse de l'interprétation se rapporte à la question de savoir si les revendications portent sur plus d'une invention (c.-à-d., est-on en présence d'une juxtaposition d'éléments qui ne définit pas une combinaison valable?). Si tel est le cas, chaque invention peut alors avoir son propre ensemble d'éléments essentiels qui doivent par la suite faire l'objet d'une évaluation visant à en déterminer la brevetabilité.

 

[52]      À première vue, la revendication représentative 1 vise un lit interactif avec affichage de données composé des éléments suivants :

 

- un lit comprenant un matelas; et

- une unité audio/vidéo autonome placée à la portée d'une personne allongée sur un lit, comprenant un écran tactile pour recueillir la rétroaction de l'usager et de multiples segments audio/vidéo stockés à propos d'un matelas diffusés en fonction de la rétroaction de l'usager.

 

[53]      Dans notre analyse de la deuxième question ci-dessous, nous déterminons si ces éléments doivent être considérés ensemble ou séparément aux fins de la brevetabilité.

 

Analyse

 


[54]      Le comité doit déterminer si les revendications définissent une combinaison valable ou définissent une juxtaposition de plus d'une invention dans une seule revendication, compte tenu des principes juridiques précités. Dans la revendication interprétée 1, deux éléments principaux sont définis : un lit/matelas et une unité audio/vidéo autonome. Les revendications indépendantes restantes définissent aussi des variantes de ces deux éléments principaux.

 

[55]      La question est donc de savoir si le lit et l'unité audio/vidéo entretiennent ou non une relation fonctionnelle qui produit un résultat unitaire et synergique en combinaison. Nous estimons que non.

 

[56]      Le lit fonctionne en vue de soutenir une personne qui s'y est allongée, indépendamment de l'unité audio/vidéo. Le fait de retirer de l'unité audio/vidéo de la revendication ne modifie pas ou n'influence pas comment le lit continue de fonctionner. L'unité audio/vidéo n'impose aucune limitation fonctionnelle au lit ou au matelas. De même, l'unité audio/vidéo fonctionne de façon à interagir avec un usager afin de lui présenter du contenu stocké sélectionné à propos d'un matelas. Le fait de retirer le lit de la revendication ne modifie pas le fonctionnement de l'unité audio/vidéo. Le lit n'impose aucune limitation fonctionnelle à l'unité audio/vidéo.

 

[57]      Il n'existe aucune synergie directe entre le lit et l'unité audio/vidéo. La seule relation définie entre le lit et l'unité audio/vidéo est que l'unité audio/vidéo doit être placée à la portée d'une personne allongée sur le lit. Il s'agit d'une relation de position qui dépend de la portée de la personne. Cependant, aucune limitation n'est imposée au matelas, et aucun lien synergique n'est établi entre le lit et l'unité audio/vidéo.

 

[58]      À notre avis, le seul lien unificateur ou synergique potentiel entre le lit/matelas et l'unité audio/vidéo est celui qui est fait dans l'esprit de la personne qui fait l'expérience du matelas. La personne allongée sur le matelas n'est pas un élément de l'invention revendiquée, pas plus qu'une relation fonctionnelle peut être établie dans l'esprit d'une personne. Une telle relation dépend entièrement de l'évaluation intellectuelle et de l'interprétation de la personne allongée sur le matelas. Tel que mentionné au cours de notre interprétation du verbe [traduction] « faire l'expérience », l'évaluation ou l'expérience que fait la personne du matelas dépend de sa perception subjective et est par conséquent incontrôlable. La personne est le seul élément reliant l'information abstraite du contenu stocké aux caractéristiques physiques du matelas. On ne peut considérer que cela crée une relation synergique, fonctionnelle entre ces éléments.

 


[59]      La demanderesse soutient que la combinaison particulière du lit, de l'usager et du type de contenu stocké et visionné par l'usager fonctionne de façon synergique pour résoudre le problème de maintenir une personne allongée sur un matelas pendant suffisamment de temps pour faire l'expérience des caractéristiques et des avantages du matelas. Cependant, une partie de la solution à ce problème dépend, tel que nous l'avons expliqué, de l'expérience et de l'évaluation subjectives de la personne. Aucune synergie ne découle directement des éléments de l'appareil ou des étapes de la méthode à l'exception de, ou en dehors de, la personne allongée sur le matelas. La solution de la demanderesse au problème tel qu'il est défini exige que la personne forme le lien synergique entre le lit et le contenu des segments audio/vidéo dans son esprit, ce qui, comme nous l'avons mentionné ci-dessus, ne produit pas un résultat unitaire découlant de l'appareil ou de la méthode de l'invention. Par conséquent, nous estimons que la revendication 1 définit une juxtaposition formée d'un lit/matelas et d'une unité audio/vidéo interactive renfermant des segments audio/vidéo stockés à propos d'un matelas.

 

[60]      Des considérations semblables s'appliquent aux autres revendications indépendantes, qui ne définissent pas elles non plus une relation fonctionnelle entre le lit/matelas et l'unité audio/vidéo. Aucune des revendications restantes ne définit un tel lien non plus. La revendication 2 définit quant à elle un bras de soutien d'interconnexion, qui couple l'unité audio/vidéo avec le lit et fournit la fonction de positionnement de l'unité audio/vidéo par rapport à la personne. Cependant, la simple connexion physique de l'unité audio/vidéo au lit ne produit pas un résultat synergique ou unitaire, qui dépasse les fonctions individuelles des éléments agrégés. Le bras de soutien ne fait que copositionner physiquement l'unité audio/vidéo et le lit.

 

Évaluation de chacune des inventions dans une juxtaposition

 

[61]      Par conséquent, nous nous retrouvons avec deux inventions distinctes qui doivent faire l'objet d'une évaluation individuelle en vue d'en déterminer la validité (aux para. 71 à 107, nous menons une analyse en supposant que les éléments forment une combinaison, comme l'examinateur l'a fait). À cette fin, comme pour toute question de l'évidence, nous examinons la question en fonction de la décision Sanofi. Nous avons déjà examiné la question de la personne versée dans l'art et de ses connaissances générales courantes.

 

[62]      À première vue, il n'y a rien d'inventif à propos de l'élément lit/matelas, comme cet élément est bien connu dans les connaissances générales courantes, tel qu'utilisé dans les salles d'exposition de vente au détail de matelas.

 

[63]      Il nous faut seulement évaluer la deuxième invention distincte. À cette fin, le concept inventif est une unité audio/vidéo autonome placée à la portée d'une personne allongée sur un lit, comprenant un écran tactile pour recueillir la rétroaction de l'usager et de multiples segments stockés à propos d'un matelas diffusés à l'usager en fonction de sa rétroaction. Aux fins de la présente évaluation, tel qu'indiqué ci-après, même en supposant que tous les éléments de cette invention sont essentiels, nous estimons néanmoins que celle-ci serait évidente.

 

[64]      Pour les motifs exposés aux para. 86 à 92, en particulier au para. 92, les différences à l'étape 3 sont les suivantes :

 

-          l'état de la technique ne définit pas l'utilisation d'une unité audio/vidéo en vue de la commercialisation de matelas, et ne fournirait donc pas nécessairement de contenu à propos d'un matelas; et

 

-          l'état de la technique ne fait pas état d'un système d'affichage vidéo interactif autonome.

 


[65]      À l'étape 4 de la décision Sanofi, nous estimons que ces différences ne sont pas inventives. Tel qu'indiqué en détail aux para. 93 à 99, le fait de promouvoir des matelas au moyen de contenu à propos des caractéristiques ou des avantages d'un matelas relevait des connaissances générales courantes. Les présentoirs de matelas antérieurs intégraient également des segments vidéo et audio, et les gens étaient incités à s'allonger sur un matelas pour faire l'expérience des caractéristiques du matelas dans une salle d'exposition de vente au détail. Par ailleurs, D5 fait état d'un dispositif d'affichage vidéo pouvant être placé près d'une personne allongée sur un lit et utilisé pour afficher tout type de contenu à cette personne. Le fait d'afficher du contenu sur un matelas n'exige aucune modification ou adaptation inventive du dispositif d'affichage vidéo en lui-même. Enfin, la caractéristique d'un dispositif d'affichage autonome utilisant des segments audio/vidéo stockés localement fait simplement partie d'un nombre déterminé de moyens techniques de stockage et de récupération de contenu, connus dans les connaissances générales courantes.

 

[66]      La personne versée dans l'art ne considérerait pas que les différences énoncées au para. 64 constitueraient, une fois combinées, une étape inventive se distinguant des antériorités. Nous concluons donc que l'unité audio/vidéo définie dans la revendication 1 n'est pas un dispositif inventif.

 

[67]      Par conséquent, nous estimons que ni l'une ni l'autre des inventions relevées au cours de l'interprétation de la revendication 1 n'est en elle-même inventive. Aucune des revendications dépendantes ne vient corriger la situation, car elles ne produisent de la même façon aucun résultat synergique, unitaire découlant de la combinaison du lit/matelas avec l'unité audio/vidéo.                                                   

 

Conclusion relative à la deuxième question

 

[68]      Nous estimons par conséquent que les revendications 1 à 21 sont évidentes et ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, car elles définissent une juxtaposition non brevetable. Cependant, bien que nous ayons déjà conclu que ces revendications définissent une juxtaposition, l'instruction de la demande qui oppose la demanderesse et l'examinateur quant à l'évidence a permis d'examiner les revendications comme si elles définissaient une combinaison du lit/matelas et de l'unité audio/vidéo. Bien qu'il ne soit pas nécessaire de le faire, nous menons également cette analyse dans la section qui suit.

 

Troisième question : Les revendications 1 à 21 sont-elles évidentes et par conséquent non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

Principes juridiques :

 

[69]      L'article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les renseignements dont il convient de tenir compte lorsqu'il s'agit d'évaluer l'évidence de l'objet d'une revendication :

 

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 


a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[70]      Une démarche en quatre étapes pour évaluer l'évidence a été établie comme suit par la Cour suprême dans Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] :

 

1)    a) Identifier la « personne versée dans l'art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2)    Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

3)    Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de l'« état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

4)    Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Analyse : Évidence compte tenu des antériorités

 

Étape 1 : Identifier la personne versée dans l'art et déterminer ses connaissances générales courantes pertinentes

 

[71]      La personne versée dans l'art et ses connaissances générales courantes ont déjà été identifiées (para. 32 à 37) au cours de notre interprétation des revendications.

 

Étape 2 : Définir le concept inventif

 

[72]      En considérant la revendication dans son ensemble, l'examinateur a proposé que le concept inventif de la revendication 1 comporte l'offre [traduction] « d'une unité audio/vidéo couplée à un lit/matelas, l'unité audio/vidéo affichant des segments audio/vidéo particuliers à propos du produit à l'usager en fonction de sa rétroaction ».

 

[73]      La réponse de la demanderesse à la décision finale et à l'analyse supplémentaire énonçait que la solution revendiquée est un lit combiné à une unité audio/vidéo autonome placée à la portée d'une personne allongée sur le lit et à des segments audio/vidéo stockés à propos du matelas. La demanderesse a également expliqué que l'ensemble incite la personne à demeurer sur le lit et à faire l'expérience des avantages du matelas.


 

[74]      Nous estimons qu'il n'y a pas de différence importante entre ces concepts inventifs, le concept inventif de la demanderesse correspondant davantage au libellé des revendications. Dans les deux cas, les concepts inventifs comprennent la combinaison des caractéristiques essentielles du lit/matelas et de l'unité audio/vidéo. Pour assurer l'uniformité de notre révision à la lumière de l'instruction de la demande qui oppose la demanderesse et l'examinateur, nous jugeons exact le concept inventif de la demanderesse.

 

[75]      Les concepts inventifs des revendications indépendantes et des revendications dépendantes restantes n'ont pas été énoncés explicitement par l'examinateur ou la demanderesse. Au para. 43 ci-dessus, nous avons relevé des différences mineures dans les autres revendications indépendantes. Nous estimons que les revendications 13 et 21 comportent le même concept inventif que la revendication 1. Pour la revendication 20, le concept inventif est le même que pour la revendication 1, avec l'ajout du positionnement explicite de l'unité audio/vidéo au-dessus d'une personne et en vis-à-vis de la surface supérieure du matelas, que nous examinerons.

 

[76]      Rien au dossier provenant de la demanderesse et abordant toute caractéristique particulière des revendications dépendantes n'est considéré distinguer les revendications des antériorités.

 

Étape 3 : Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de l'« état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation

 

Références citées

 

[77]      Les antériorités suivantes sont citées dans le résumé des motifs :

 

Documents de brevet :

D1 : US 3,889,910      17 juin 1975            Walters

D2 :  US 6,327,982      11 décembre 2001       Jackson

D3 :  JP 6118880       28 avril 1994           Sanyo

D4 : JP2002010174          11 janvier 2002         Vires

 

[78]      Les antériorités supplémentaires suivantes sont citées dans l'analyse supplémentaire :

 

Documents de brevet :

D5 :  US 6,104,443      15 août 2000           Adcock, et coll.

D6 :  US 5,053,956      1er octobre 1991         Donald, et coll.

D7 :  EP 109,189       23 mai 1984           Bushnell, et coll.

 

[79]      Nous avons examiné tous les documents; nous estimons que les documents D5 à D7 sont les antériorités les plus proches et nous mettrons l'accent sur celles-ci dans cette analyse.

 


[80]      L'antériorité D5 fait état d'un écran de télévision et vidéo suspendu, présentant un écran tactile plat, dans un petit emballage léger pouvant être orienté dans toutes les positions, pour assurer le confort du téléspectateur. Au moyen de l'écran tactile, des menus interactifs peuvent être affichés tandis que le dispositif fonctionne comme un écran vidéo. En fonction de la rétroaction de l'usager, des chaînes de télévision ou vidéo sélectionnées s'affichent tandis que l'usager est allongé sur un lit. (Remarque : Par souci de clarté, nous désignerons l'écran de télévision/vidéo mentionné dans D5 [traduction] « dispositif d'affichage vidéo », pour le distinguer de l'utilisation de [traduction] « dispositif d'affichage » publicitaire dans la demande.)

 

[81]      L'antériorité D6 fait état d'un système interactif pour les transactions au détail, comprenant un écran vidéo pour l'affichage d'images et de renseignements sur un éventail de produits accessibles à partir d'un dispositif de stockage d'images, grâce à l'interaction de l'usager au moyen d'un clavier ou d'un écran tactile. En fonction de la rétroaction de l'usager, les images et les renseignements sont extraits du dispositif de stockage et affichés à l'usager. Les renseignements sur les produits se rapportent généralement au prix et à la disponibilité, bien que d'autres types de renseignements soient envisagés (p. ex., col. 8, renseignements sur les ventes pour présenter les caractéristiques du produit, comme les couleurs offertes pour un couvre-lit).

 

[82]      D7 décrit un autre système interactif pour la vente au détail comprenant un kiosque d'affichage autonome en vue de la présentation et de la vente de divers produits. Comme dans D6, de nombreuses images stockées sont récupérables en fonction de la rétroaction de l'usager au moyen d'un clavier ou encore d'un écran tactile (p. 19). Les renseignements affichés comprennent le prix, des images et une description du produit. Le consommateur peut alors commander le produit désiré. Le dispositif peut afficher des segments vidéo « alléchants » en boucle pour inciter le consommateur à utiliser le dispositif.

 

[83]      Pour résumer, nous estimons que D5 enseigne l'état de la technique pour l'affichage de renseignements au moyen d'une unité interactive d'affichage vidéo (comprenant un écran tactile) à une personne allongée sur un lit. Nous considérons que les antériorités D6 et D7, publiées respectivement 11 et 18 ans avant la date de la revendication, décrivent des exemples de systèmes de commercialisation ou d'affichage publicitaire interactifs autonomes, qui récupèrent des renseignements stockés sur des produits en fonction de la sélection de l'usager.

 

Principaux arguments de la demanderesse :

 

[84]      Dans ses observations écrites, la demanderesse fait valoir que les caractéristiques de D5 ne pourraient pas être modifiées par les enseignements de D6 ou de D7 pour obtenir les caractéristiques combinées des revendications indépendantes. Plus précisément, les principaux arguments de la demanderesse sont les suivants :

 

a) les références citées ne se rapportent pas à des présentoirs de matelas dans le commerce de détail;

b) les références ne font état d'aucune façon de faire l'expérience d'un produit de manière tactile;

c) il n'y a pas de relation précise entre l'expérience tactile et le contenu audio/vidéo affiché en fonction de la rétroaction de l'usager (synergie); et


d) la personne versée dans l'art n'a aucune raison de modifier D5 à la lumière de D6 ou de D7.

 

[85]      Lors de l'audience, la demanderesse a en outre soutenu que D5 ne vise pas une unité audio/vidéo autonome (c.-à-d. n'intégrant pas de segments audio/vidéo stockés). L'ordinateur renfermant la bande de base vidéo dans D5 ne fait pas partie de l'unité d'affichage vidéo. De plus, à la date de la revendication, [traduction] « autonome » n'était même pas envisagé par la personne versée dans l'art. Les observations présentées à l'audience ont aussi réitéré les points mentionnés ci-dessus.

 

Analyse des différences

 

[86]      D5 remédie au problème de confort en permettant de regarder des chaînes de télévision ou des émissions vidéo tout en étant allongé (dans une position couchée) sur un lit. L'aspect confort comporte la capacité d'atteindre le dispositif d'affichage vidéo et d'interagir avec celui-ci en position couchée. Un dispositif de montage flexible permet de positionner l'écran de manière à ce qu'il soit face au lit et à l'usager, à tous les angles ou dans toutes les positions. Grâce à un tel positionnement du dispositif d'affichage vidéo à écran tactile, le confort de l'usager est accru.

 

[87]      De plus, D5 est conçu en partie pour permettre à un usager d'écouter des émissions de télévision, qui ont généralement une durée de 30 minutes. En rendant possible le réglage de la position de l'écran et une utilisation interactive, D5 permet à une personne de demeurer confortablement allongée sur le lit pendant une période prolongée. Comme nous avons interprété [traduction] « inciter » plus tôt comme étant le positionnement du dispositif par rapport à l'usager et le visionnement de contenu particulier (engendrant le désir de demeurer allongé sur un lit dans l'esprit de l'usager), nous estimons que D5 démontre un dispositif d'affichage qui incite une personne à demeurer allongée sur le lit.

 

[88]      Par ailleurs, D5 enseigne une manière de faire l'expérience d'un lit/matelas (au sens tactile), comme l'écran dans D5 est placé à la portée d'un usager pour permettre à l'usager de faire l'expérience du matelas (s'y allonger). De plus, le dispositif d'affichage vidéo de D5 est interactif et utilise un écran tactile placé à la portée d'un usager, alors que des vidéos stockées peuvent s'afficher sur l'écran en fonction de la rétroaction de l'usager. Ces caractéristiques combinées autorisent le positionnement d'une unité d'affichage vidéo de façon à permettre à un usager de s'allonger et de demeurer allongé tout en écoutant des chaînes de télévision ou du contenu vidéo choisi. Par conséquent, l'idée d'utiliser un écran tactile interactif pour inciter une personne à demeurer allongée sur un lit pendant un certain temps tout en visionnant du contenu audio/vidéo sélectionné est démontrée dans D5.                       

 


[89]      Toutefois, D5 ne définit pas expressément l'utilisation d'une unité audio/vidéo pour la commercialisation ou la vente de matelas, et ne fournirait par conséquent pas nécessairement de renseignements commerciaux à propos d'un matelas. D5 ne définit pas non plus explicitement une relation entre le contenu vidéo visionné et l'expérience d'être allongé sur le lit. Nous convenons également avec la demanderesse dans ses observations (présentées à l'audience) que le dispositif d'affichage vidéo interactif de D5 n'est pas entièrement autonome : afin de sélectionner et de visionner des segments vidéo plutôt que d'écouter des chaînes de télévision au moyen du dispositif d'affichage vidéo de D5, le système nécessite qu'une source externe comme un ordinateur soit connectée, à partir de laquelle la bande de base vidéo est transmise au dispositif d'affichage vidéo à écran tactile.

 

[90]      D6 et D7 n'ajoutent pas de manière appréciable à l'état de la technique, à l'exception du fait que ces deux antériorités illustrent les connaissances générales courantes que possède la personne versée dans l'art en ce qui concerne l'utilisation de l'audio et du vidéo dans les dispositifs d'affichage commercial, comme nous l'avons souligné plus haut (para. 83). En particulier, les deux références décrivent toutes deux l'utilisation courante de l'information audio et vidéo stockée localement en mémoire (par exemple, sur des unités de disque dur ou des vidéodisques et ainsi de suite) dans une unité d'affichage elle-même.

Résumé des différences recensées :

 

[91]      Après avoir examiné les principaux arguments de la demanderesse relativement aux antériorités à la lumière des références citées, nous nous trouvons devant trois principales différences que nous examinerons à l'étape 4, présentées sous forme de liste pour en faciliter l'analyse.

 

i.    l'état de la technique ne traite pas expressément de l'utilisation d'une unité audio/vidéo interactive pour commercialiser des matelas, et n'informe par conséquent pas la personne « à propos du matelas »;

 

ii.    l'état de la technique ne démontre pas un dispositif d'affichage interactif « autonome »; et

 

iii.    l'état de la technique ne démontre pas une relation entre l'expérience d'être allongé sur le matelas et le contenu affiché ou visualisé.

 

[92]      Nous soulignons que les différences i. et ii. ci-dessus se rapportent à l'unité audio/vidéo seulement, tandis que la différence iii. se rapporte à la combinaison de l'unité audio/vidéo et du lit/matelas.

 

Étape 4 : Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

 

i.    Le fait d'utiliser une unité audio/vidéo interactive pour commercialiser des matelas et ainsi informer la personne « à propos du matelas » dénote-t-il quelque inventivité?

 


[93]      Comme nous l'avons signalé, la personne versée dans l'art est un spécialiste de la commercialisation des matelas, qui cherche à améliorer les présentoirs publicitaires de matelas actuels, de façon à amener les consommateurs à s'étendre sur un matelas pendant suffisamment de temps pour faire l'expérience du matelas. La technique qui consiste à utiliser des systèmes comprenant des dispositifs d'affichage de contenu audio et vidéo stocké pour faire la promotion de produits était déjà connue. La personne versée dans l'art saurait que toute une panoplie de dispositifs seraient capables d'afficher du contenu audio et vidéo. De plus, le contenu commercial concret (c.-à-d. les caractéristiques ou les avantages du matelas, ses matériaux, etc.) était déjà connu et utilisé par le spécialiste des matelas. Par conséquent, tout dispositif d'affichage relié à un tel environnement de détail utiliserait du contenu lié au matelas.

 

[94]      Par ailleurs, le système d'affichage fonctionne de la même façon peu importe le contenu qu'il récupère et affiche. Compte tenu que la présente demande ne divulgue aucune adaptation technique particulière de l'unité audio/vidéo pour manipuler des « renseignements sur le matelas » par rapport aux autres renseignements promotionnels ou publicitaires, nous estimons que le fait de visionner du contenu relié au « matelas » n'impose aucune limitation de caractère inventif à l'unité audio/vidéo elle-même.

 

[95]      Nous ne voyons aucune ingéniosité inventive qui découle du concept consistant à définir le contenu concernant le matelas et à informer ainsi la personne relativement au matelas. Ce contenu est déjà connu de la personne versée dans l'art et spécialiste de la commercialisation et peut être affiché par le système d'écran vidéo ou de télévision interactif démontré dans D5. De la même façon, il apparaîtrait évident à la personne versée dans l'art que l'unité d'affichage vidéo de D5 permet de stocker, de récupérer et d'afficher tout type de contenu stocké désiré. Par conséquent, le fait de préciser que l'unité audio/vidéo interactive fera la promotion de matelas et affichera du contenu à propos des matelas ne définit pas une différence inventive.

 

[96]      Que le contenu précis d'un fichier vidéo ou autre média puisse être suffisant ou non pour rendre une revendication inventive de façon générale dans toute demande n'est pas une question dont est saisi ce comité. Il n'était pas nécessaire de répondre à cette question pour notre analyse en l'espèce, comme le contenu relié aux matelas défini dans les présentes revendications est connu pour être utilisé dans un dispositif d'affichage publicitaire, et l'unité audio/vidéo ne peut donc renfermer d'éléments brevetables distincts en combinaison avec ledit contenu.

 

ii.    Le fait de définir un dispositif d'affichage interactif « autonome » dénote-t-il quelque inventivité?

 

[97]      D5 démontre l'utilisation d'un lien externe pour la bande de base vidéo provenant d'un ordinateur externe, mais ne dit rien sur l'utilisation d'un stockage local, interne comme le fait la présente demande pour réaliser la limitation « autonome ». Nous estimons que la personne versée dans l'art saurait que les segments pourraient être stockés et récupérés à l'aide de l'un ou l'autre d'un nombre déterminé de moyens techniques. Une solution considérée faire partie des connaissances générales courantes dans le Contexte de l'invention est le stockage sur vidéocassette ou sur disque compact. Une autre solution relevant des connaissances générales courantes illustrée dans D6 et D7 inclut les unités de disque dur et/ou les vidéodisques. L'utilisation de contenu stocké dans l'unité même permet aux dispositifs de D6 et de D7 de fonctionner comme des dispositifs d'affichage autonomes, indépendants.

 


[98]      D'autres solutions connues que la personne versée dans l'art utiliserait, à mesure que la technologie évolue naturellement, comprendraient les petites unités de disque dur ou les cartes mémoires intégrées au dispositif. Une autre solution pourrait être d'utiliser une connexion réseau. Cependant, le fait que les segments soient stockés dans l'unité audio/vidéo au moyen de l'une de ces solutions ou de manière externe et qu'ils soient acheminés à l'unité audio/vidéo ne constitue par une distinction marquée par l'inventivité; il s'agit simplement de possibilités connues à la disposition de la personne versée dans l'art.

 

[99]      Pour les deux différences mentionnées ci-dessus, nous concluons que l'unité audio/vidéo renfermant du contenu à propos du matelas ne constitue pas en soi une invention (d'où notre conclusion au para. 66). Nous nous penchons maintenant sur la troisième différence, qui se rapporte à la combinaison dans son ensemble.

 

 

iii.   Le fait de définir une relation entre l'expérience d'être allongé sur le matelas et le contenu affiché ou visionné dénote-t-il quelque inventivité?

 

[100]  L'idée de définir une relation entre l'expérience d'être allongé sur un lit/matelas et de visionner du contenu à propos du matelas est évidente compte tenu des connaissances générales courantes d'un spécialiste des matelas relativement au commerce de détail traditionnel. La demanderesse a déjà reconnu qu'un problème connu relié aux présentoirs de lit dans les salles d'exposition de vente au détail mentionné dans les antériorités citées est d'amener une personne à s'allonger sur un matelas pour faire l'expérience de ses avantages et de ses caractéristiques pendant suffisamment de temps. Nous estimons également que le fait que, dans de telles salles d'exposition, des renseignements sur le produit sont à la disposition de la personne allongée sur le lit, par l'entremise de brochures ou d'affiches à lire ou grâce à un vendeur accompagnant la personne, relève des connaissances générales courantes. Ainsi, l'idée d'amener une personne à s'allonger sur un lit pour faire l'expérience d'une sensation tactile d'un matelas tout en recevant des renseignements à propos du matelas et de ses caractéristiques est connue.

 

[101]  Compte tenu que les systèmes d'affichage audio et vidéo étaient connus dans le domaine de la publicité, il apparaîtrait logique pour la commercialisation d'un matelas dans le commerce de détail que le contenu à afficher dans tout système d'affichage audio ou vidéo sélectionné se rapporterait au produit commercialisé, exposé ou « expérimenté », comme dans le cas d'une personne allongée sur un matelas. La relation définie dans la revendication 1 entre une personne allongée sur le matelas et le contenu visionné sur l'unité audio/vidéo n'est par conséquent pas considérée comme une différence inventive, mais plutôt comme une utilisation évidente et analogue d'un dispositif d'affichage vidéo interactif connu, placé au-dessus d'un lit.

 


[102]  En conséquence, si l'on considère les trois différences dans leur ensemble, la personne versée dans l'art n'estimerait pas qu'elles dénotent quelque inventivité. Une personne recherchant une solution au problème d'offrir un lit avec affichage de données amélioré pour inciter un consommateur à s'allonger sur le lit pendant un certain temps de sorte qu'il puisse être informé des avantages reliés à un matelas reconnaîtrait immédiatement que le dispositif d'affichage vidéo de D5 offre une solution adéquate. Avec le dispositif démontré dans D5, une personne peut être incitée à s'allonger sur un lit grâce au positionnement du dispositif d'affichage vidéo interactif et à la sélection par l'usager du contenu vidéo ou télévisé désiré. Pour utiliser le dispositif dans un contexte de promotion des matelas, tel que revendiqué, la personne versée dans l'art n'a qu'à changer le contenu audio/vidéo affiché et à changer le moyen utilisé pour stocker et récupérer le contenu. Le choix du dispositif de stockage local est fait parmi un nombre déterminé bien connu d'options pour le stockage de fichiers audio/vidéo récupérables. La raison du choix du contenu audio/vidéo particulier revendiqué (qui intégrerait des segments à propos du matelas) provient de l'application désirée du dispositif.

 

Arguments supplémentaires

 

[103]  La demanderesse a soulevé la question de savoir s'il y a lieu de combiner D5 et D6 ou D7. La demanderesse fait valoir que l'examinateur a créé une mosaïque des antériorités D5, D6 et D7 et invoque la décision Laboratoires Servier c. Apotex Inc., 2008 CF 825 (Servier), para. 254, relativement à l'obligation qu'a l'examinateur de démontrer pourquoi la personne dotée de compétences ordinaires dans le domaine aurait été amenée à combiner les références. De plus, lors de l'audience, la demanderesse a fait valoir que l'antériorité D6 n'est pas pertinente car elle vise uniquement l'utilisation d'un dispositif d'affichage, alors que le produit n'est pas présenté pour être expérimenté.

 

[104]  Si l'examinateur a retenu les antériorités D5, D6 et D7 comme état de la technique, nous avons considéré que D5 enseigne l'état de la technique, tandis qu'il conviendrait davantage de qualifier D6 et D7 d'antériorités dignes d'intérêt, illustrant les connaissances générales courantes. D5 est considéré être la référence principale relativement à l'état de la technique en ce qui concerne le système d'affichage vidéo pour le visionnement de contenu audio ou vidéo à proximité d'une personne allongée sur un lit, comprenant une capacité interactive. Le contenu serait connu d'une personne versée dans l'art pour être récupérable ou stocké de différentes façons. D6 et D7 illustrent d'autres options de stockage de contenu audio et vidéo dans un contexte de commercialisation de produits. Par conséquent, il n'est pas question d'une mosaïque d'antériorités inappropriée.

 

Conclusion relative à la revendication 1

 

[105]  En conséquence, le comité estime qu'il n'y a aucune étape inventive qui est définie dans la combinaison proposée des caractéristiques de la revendication 1, comprenant l'unité audio/vidéo et le lit/matelas combinés.

Revendication 20 :

 

[106]  La revendication 20 définit le positionnement de l'écran au-dessus d'une personne allongée sur le lit, de sorte que l'unité audio/vidéo fait face à la partie supérieure d'un matelas. D5 démontre une unité audio/vidéo réglable, conçue spécialement pour assurer le confort d'une personne allongée sur un lit, et disposant d'une fonction interactive grâce à l'écran tactile. Par conséquent, le concept inventif de la revendication 20 ne définit aucune différence brevetable.

 


Revendications dépendantes :

 

[107]  Comme nous l'avons énoncé plus haut, rien au dossier provenant de la demanderesse et abordant toute caractéristique particulière des revendications dépendantes n'est considéré distinguer les revendications des antériorités. Pour assurer l'exhaustivité de notre révision, nous soulignons que les revendications dépendantes définissent des limitations surtout en ce qui concerne un bras de soutien et un écran tactile à cristaux liquides, un signal en fonction du toucher de l'écran par l'usager et un grand dossier de lit au signe lenticulaire. Nous considérons toutes ces caractéristiques comme étant connues du spécialiste de la commercialisation des matelas ou démontrées par les antériorités citées. En conséquence, aucune des revendications dépendantes ne semble définir des caractéristiques ou des étapes qui définiraient une différence inventive (seule ou en combinaison).

 

Revendications proposées :

 

[108]  Dans ses observations écrites, la demanderesse a proposé des modifications aux revendications indépendantes 1, 13, 20 et 21pour qu’elles soient examinées par le comité. Comme l'explique la page 5 des observations écrites, les modifications aux revendications précisent qu'au moins un des segments audio/vidéo stockés se rapporte au matériau utilisé dans le matelas et que les segments visent à informer la personne du matériau utilisé dans le matelas et des avantages du matériau. À l'audience, la demanderesse a expliqué que ces modifications visent le double objectif de permettre à l'usager de [traduction] « faire l'expérience » du matelas et d'être [traduction] « informé » de ses caractéristiques.

 

- au moins un segment se rapporte au matériau utilisé dans le matelas

 

[109]  Cette modification proposée aux revendications indépendantes n'est pas inventive. En premier lieu, compte tenu de notre interprétation des revendications, nous avons déjà considéré que le contenu « à propos du matelas » est interprété à partir de la description comme renfermant des renseignements concernant les caractéristiques du matelas en cause, y compris la technologie et les matériaux utilisés (description, p. 8).

 

[110]  En second lieu, si aucune des antériorités ne démontre explicitement un segment audio/vidéo à propos du « matériau » utilisé dans un matelas, nous estimons que, compte tenu des connaissances générales courantes reliées à la vente de matelas dans le commerce de détail, une caractéristique à intégrer aux segments stockés qui porterait sur le matériau utilisé dans la fabrication du matelas serait dépourvue d'inventivité. Comme souligné, la personne versée dans l'art est un spécialiste de la commercialisation des matelas, et il est donc raisonnable que, parmi les diverses caractéristiques d'un matelas, la personne connaîtrait les matériaux utilisés dans la fabrication du matelas et intégrerait ainsi ce renseignement au contenu des segments audio/vidéo.

 


[111]  Enfin, à l'instar de notre analyse précédente de la première différence (para. 93 à 96), il apparaîtrait évident à la personne versée dans l'art que l'unité audio/vidéo permettrait de stocker, de récupérer et d'afficher tout type de contenu stocké désiré. Par conséquent, dans notre examen des faits en l'espèce, le fait de préciser un type particulier de contenu (matériau du matelas) ne définirait pas une limitation brevetable des revendications relative à l'unité audio/vidéo et aux segments audio/vidéo stockés. Nous soulignons encore une fois que cette recommandation ne traite pas de la question de savoir si ou quand un média ou du contenu peut constituer un élément brevetable permettant de distinguer un dispositif en général.

 

- informer un usager des matériaux et des avantages qui s'y rattachent

 

[112]  Conformément à notre examen de la différence iii) ci-dessus, l'objectif d'informer une personne quant au matériau utilisé et aux avantages du matelas serait évident pour la personne versée dans l'art, et la personne versée dans l'art inclurait par conséquent l'information nécessaire dans les segments vidéo stockés ou tout autre matériel publicitaire. Il était connu que, dans la commercialisation d'un lit ou d'un matelas dans le commerce de détail, une personne serait informée (par un vendeur ou une brochure) quant aux avantages ou aux caractéristiques d'un matelas, et il serait raisonnable d'intégrer à cette information le type de matériau utilisé dans le matelas. Par conséquent, il n'y a aucune étape inventive dans la modification proposée aux revendications.

 

[113]  De plus, comme pour notre interprétation précédente de [traduction] « faire l'expérience » et de [traduction] « inciter », qu'un usager soit informé ou non des matériaux et des avantages du matelas dépendra à notre avis de ce qui se passe dans l'esprit de l'usager lorsqu'il visionne et interprète l'information précise à propos du matelas. Si le fait d'informer une personne peut constituer un objectif de commercialisation ou de publicité, nous ne voyons aucune limitation fonctionnelle qui distinguerait les caractéristiques évidentes de la revendication 1 au dossier.

 

[114]  La même analyse s'applique aux modifications identiques proposées aux revendications 13, 20 et 21. En conséquence, rien dans les modifications proposées aux revendications ne rendrait selon nous les revendications au dossier non évidentes.

 

Conclusion relative à la troisième question :

 

[115]  Après avoir conclu qu'il n'y a aucune étape inventive se distinguant des antériorités, le comité estime que les revendications 1 à 21 sont évidentes et donc non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 


 

Recommandation

 

[116]  Compte tenu des conclusions qui précèdent, la Commission recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 21 au dossier sont évidentes et par conséquent non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 


 

[117]  De plus, pour les motifs exposés, la Commission conclut que les modifications proposées aux revendications indépendantes 1, 13, 20 et 21 ne rendraient pas les revendications au dossier conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, aucune modification proposée ne rendrait la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

 

Andrew Strong         Stephen MacNeil        Paul Sabharwal

Membre              Membre              Membre

 


Décision

 

[118]  Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets ainsi qu'à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 21 sont évidentes et, par conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[119]  En conséquence, je refuse d'octroyer un brevet relativement la présente demande. Conformément aux dispositions de l'article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec)

le 26 mars 2014

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