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Commissioner’s Decision #1356

Décision du Commissaire n1356

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPICS: O00

SUJETS : O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No: 2,632,425

Demande no : 2,632,425

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 2,632,425, ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, a fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et le commissaire aux brevets, conformément au paragraphe 30(6) des mêmes Règles. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire s'énoncent ainsi :

 

 

 

 

Agent de la Requérante :

SMART & BIGGAR                                 

Case postale 2999

Station D

Ottawa (Ontario)

K1P 5Y6

 


INTRODUCTION

 

[1]               La présente décision concerne la révision de la demande de brevet no 2,632,425 intitulée « PROCÉDÉS ET CONFIGURATIONS DE COMPRESSEUR/UNITÉ DE SUPPRESSION INTÉGRÉS » par le commissaire aux brevets. La Requérante est FLUOR TECHNOLOGIES CORPORATION et les inventeurs sont Satish Reddy, John Gilmartin et Valerie Francuz.

 

[2]               À la suite de modifications apportées par la Requérante en réponse à la décision finale de l'examinateur, le dossier de la présente affaire a été transmis à la Commission d'appel des brevets (« la Commission »). Un résumé des motifs (« RDM ») préparé par l'examinateur a souligné les irrégularités qui, selon l'examinateur, rendaient la demande non conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la seule irrégularité non corrigée étant que les revendications auraient été évidentes.

 

[3]               Une autre question d'absence d'utilité/caractère inopérant a été soulevée par la Commission à l'étape de la révision. Toutefois, nous estimons, compte tenu des observations orales et écrites de la Requérante, qu'il n'y a pas lieu de trancher cette question; par conséquent, nous ne l'abordons pas dans la présente recommandation.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci-après, la Commission recommande que la demande soit refusée au motif qu'elle est évidente et donc non conforme au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

CONTEXTE

 


[5]               La présente demande porte sur une méthode et un système servant à la régénération de solvants utilisés dans un système d'élimination des gaz acides. Dans une configuration typique de l'état antérieur de la technique, un gaz d'alimentation devant être traité passe par un absorbeur utilisant un solvant pauvre (c.-à-d. un solvant essentiellement exempt de gaz acide). Le gaz acide, tel que le dioxyde de carbone, est absorbé par le solvant; le gaz purifié quitte l'absorbeur pour ensuite être éjecté. Le solvant, maintenant riche, contenant le dioxyde de carbone est acheminé jusqu'à un régénérateur ou colonne de « rectification » (stripage) où de la vapeur est employée pour extraire le gaz acide du solvant lequel devient alors approprié à une réutilisation dans l'absorbeur. Dans certains cas, la vapeur employée pour la rectification provient d'une source externe et devra être générée de manière continue par une source telle qu'un rebouilleur. Dans le passé, il avait été tenté d'améliorer l'efficacité et/ou les économies de coûts de tels systèmes au moyen de méthodes telles que celles utilisant des colonnes de rectification auxiliaires alimentées par la vapeur de vaporisation émanant du processus. On a également employé des colonnes de rectification multipression au sein desquelles les vapeurs de chaque étape sont supprimées et acheminées vers une étape en amont en vue de réduire les besoins de chauffage.

 

[6]               D'autres systèmes récupèrent de la vapeur de la vaporisation du solvant pauvre, laquelle vapeur contribue au stripage dans la colonne de rectification. Selon la Requérante, cette vapeur vaporisée du solvant pauvre est habituellement réinjectée dans le processus par l'emploi de vapeur motrice additionnelle, ce qui comporte des désavantages. Ces désavantages incluent une rupture de l'équilibre hydrique dans le régénérateur (c.-à-d. une plus grande quantité de vapeur que celle nécessaire au processus de régénération), ce qui exige le retrait de l'excédent d'eau engendré par la vapeur motrice et a également pour effet d'accroître la demande de refroidissement pour permettre le rejet de l'excédent hydrique.

 


[7]               Dans la présente demande, la Requérante propose d'améliorer les systèmes connus de traitement des gaz de carneau (qui emploient également des unités absorbeur/ régénérateur) en fournissant, par vaporisation du solvant pauvre, une partie de la vapeur requise par la colonne de rectification. Cette vapeur est alors réintroduite dans la colonne de rectification par voie d'un compresseur. De cette manière, une quantité moindre de vapeur additionnelle est requise grâce à la recapture depuis le solvant pauvre tandis que le compresseur élimine le besoin de réinjecter de la vapeur motrice dans la vapeur vaporisée.

 

HISORIQUE DE LA PROCÉDURE D'EXAMEN

 

[8]               La présente demande a été déposée le 14 décembre 2006 en vertu du Traité de coopération en matière de brevets et revendique la priorité par rapport à une demande de brevet américain déposée antérieurement.

 

[9]               Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté la demande pour deux motifs : d'une part, les revendications auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art et, par conséquent, seraient non conformes au paragraphe 27(3) de la Loi. À la suite des modifications apportées en réponse à la décision finale et de discussions avec la Requérante, le défaut au titre du paragraphe 27(3) de la Loi ne constitue plus une objection en soi, comme cela a été mentionné dans la décision finale transmise à la Requérante le 18 octobre 2012.

 

[10]           En réponse à une lettre à la Requérante datée du 11 juin 2013, par laquelle la Commission l'invitait à une audience, la Requérante a transmis des observations écrites le 16 septembre 2013 et a participé à une audience tenue le 4 octobre 2013.

 

[11]           La Requérante, dans une lettre à la Commission datée du 3 octobre 2013 et à l'occasion de l'audience, a également clarifié un élément relatif à l'un des documents cités pour étayer le caractère évident. La Requérante a clarifié son point de vue antérieur voulant que l'une des antériorités citées par l'examinateur en ce qui a trait au caractère évident ne divulguait pas un des éléments des revendications, soit la vaporisation instantanée d'un solvant pauvre.

 


[12]           Nous notons également que, du fait du dépôt  d'un document par l'examinateur au moment de l'audience, lequel document expose les points soulevés par l'examinateur à l'audience, il a été offert à la Requérante d'y répondre par d'autres observations, invitation que la Requérante a refusée dans une lettre datée du 11 octobre 2013.

 

[13]           La présente recommandation tient compte de la documentation versée au dossier à ce jour.

QUESTIONS

 

[14]           La seule question devant être tranchée est celle relative au caractère évident, soit :

 

Est-ce que, à la lumière des documents d'antériorité cités par l'examinateur, les revendications 1 à 17 auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art à la date du dépôt de la demande?

 

QUESTION : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 1 À 17 AURAIENT ÉTÉ ÉVIDENTES?

 

[15]           Le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une revendication peut être considérée comme étant évidente :

28.3  L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :          

(a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[16]           Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (Sanofi), la Cour suprême a énoncé une démarche à quatre volets pour l'examen relatif à l'évidence, démarche que nous suivons dans notre examen présenté ci-après :

 


1)   a) identifier la « personne versée dans l'art »;

      b) déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2) définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

3) recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

4) Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[17]           Dans Sanofi, la Cour suprême considère que les termes « aller de soi » sont synonymes de « très clair » (Sanofi au para. 65).

 

Analyse

 

1)a) La personne versée dans l'art

 

[18]           Dans la décision finale, l'examinateur a identifié la personne versée dans l'art comme étant [traduction] « l'ingénieur qui fait fonctionner une unité de régénération de solvant et veille à son bon fonctionnement ». À l'audience et dans ses observations écrites soumises à la Commission, la Requérante n'a pas contesté cette caractérisation; aussi procédons-nous suivant cette interprétation.

 

1)b) Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[19]           Dans ses observations écrites du 16 septembre 2013, la Requérante a exprimé son accord avec la caractérisation des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art telle qu'énoncée dans la décision finale :

 


[traduction] Cette personne aurait une connaissance spécialisée de l'écoulement des fluides, des phénomènes de transport, du fonctionnement d'unités, des propriétés matérielles, du contrôle des processus, des technologies de séparation, etc. Cette personne posséderait

aussi les connaissances nécessaires pour coupler fluidiquement le fonctionnement d'unités selon les besoins.

 

[20]           Toutefois, la Requérante y aurait ajouté ce qui suit :

 

[traduction] la personne versée dans l'art doit connaître les exigences particulières au fonctionnement d'un système à basse pression, tel qu'un système de traitement d'un gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine (voir les observations écrites de la Requérante du 16 septembre 2013 à la page 12).

 

[21]           La Requérante soutient que la personne versée dans l'art comprendrait les questions touchant le fonctionnement de tels systèmes à basse pression. À titre d'exemple, la Requérante a mentionné la présente invention revendiquée où l'absorbeur et la colonne de rectification fonctionnent à une pression presque égale (+/- 10 lb/po²) en raison du traitement d'un gaz à basse pression. La Requérante a également soumis un affidavit de John Y. Mak de la société Fluor des États-Unis qui explique le traitement classique du gaz de carneau et les paramètres de fonctionnement qui y sont associés.

 

[22]           Nous sommes d'accord avec les arguments de la Requérante présentés plus haut. Selon nous, ils concordent avec les renseignements généraux de la présente demande où sont décrites diverses configurations connues de systèmes d'élimination de gaz acides, y compris celles qui traitent un gaz de carneau (p. ex. les systèmes Econamine FGMC et Econamine FG PlusMC, à la page 1 du mémoire descriptif). Nous considérons que ces énoncés qui se trouvent dans les renseignements généraux de la demande comme ayant fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art (Merck & Co., Inc. c. Pharmascience Inc., 2010 CF 510 au para. 8).


 

[23]           Étant donné que de tels systèmes étaient connus de la personne versée dans l'art, les exigences opérationnelles de tels systèmes auraient également fait partie des connaissances de la personne versée dans l'art comme le prétend la Requérante.

 

[24]           Nous notons également que les renseignements généraux décrivent diverses méthodes connues d'améliorer l'efficacité et/ou les économies de coûts des systèmes d'élimination des gaz acides, telles que l'emploi de régénérateurs secondaires, d'unités de stripage auxiliaires recourant à la vapeur vaporisée tirée du processus, de la vaporisation du solvant riche et d'unités de stripage à pression variable où la chaleur des vapeurs de chaque étape est utilisée pour chauffer les étapes en amont. Les problèmes connus de tels systèmes incluent les coûts accrus liés à la nécessaire recompression des gaz en vue de leur injection en amont dans des systèmes où la pression de l'absorbeur est considérablement plus élevée que celle du régénérateur.

 

[25]           La Requérante décrit également des systèmes où de la vapeur est récupérée par vaporisation du solvant pauvre, laquelle vapeur est ensuite réinjectée dans la colonne de rectification pour favoriser le processus de rectification (stripage). La vapeur est réinjectée par le truchement de vapeur motrice (pouvant être produite à partir du gaz d'alimentation), ladite vapeur motrice pouvant entraîner une rupture de l'équilibre hydrique dans le processus de régénération et augmenter les demandes de refroidissement et de traitement de l'eau puisqu'elle doit être extraite et traitée de manière appropriée avant d'être rejetée.

 

[26]           Dans son ensemble, les renseignements généraux montrent qu'il y a une volonté soutenue d'améliorer l'efficacité et/ou les économies de coûts des systèmes d'élimination des gaz acides tout en évitant les désavantages des systèmes de la technique antérieure.

 


[27]           La Commission, dans sa lettre du 11 juin 2013, mentionne un dernier élément des connaissances générales courantes. La Requérante, dans une communication datée du 31 août 2012, a divulgué et présenté deux documents provenant de la Requérante, le document Econamine FG PlusMC (2003) et une demande de brevet international portant le no WO 2004/005818 qui lui est associée. L'examinateur mentionne ces documents dans le résumé des motifs pour illustrer que l'utilisation de systèmes absorbeur/colonne de rectification dans des systèmes de traitement des gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine était déjà connue. Cette mention répondait à une prétention de la Requérante voulant qu'une partie de l'invention était la réalisation que de tels systèmes pouvaient être utilisés d'une telle manière même si les systèmes qui traitent les gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine sont plus sujets à des problèmes de contre-pression.

 

[28]           Les connaissances tirées de la demande WO 2004/005818 et du document Econamine FG PlusMC (2003) par l'examinateur ont été considérées par la Commission comme ayant fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art en raison de leur important usage, comme le montrent les 23 applications commerciales dans le monde mentionnées dans le document Econamine FG PlusMC (2003). En réponse, la Requérante a soutenu que le document susmentionné divulgue une méthode générale pour la régénération de solvants qui se [traduction] « distingue matériellement de l'invention revendiquée » et vise principalement la capture du CO2. Nous sommes d'accord avec l'affirmation de la Requérante selon laquelle le système est différent. Toutefois, la présente invention revendiquée vise également à être utilisée dans un système pour le traitement d'un gaz acide tel que le CO2. Par conséquent, la personne versée dans l'art aurait au moins su que les configurations absorbeur/colonne de rectification étaient applicables à des systèmes traitant des gaz d'alimentation à basse pression, tel le gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine. Ce point n'a pas été contesté et aussi le considérons-nous comme ayant fait partie des connaissances générales courantes. Nous notons également que le système Econamine FG PlusMC a été décrit comme étant des connaissances préalables dans la présente demande (page 1).

 


[29]           En gardant cette interprétation à l'esprit, nous nous pencherons maintenant sur la présente invention revendiquée.

 

(2) Définir l'idée originale ou interpréter les revendications

 

[30]           Dans la décision finale, l'examinateur a fait porter son examen sur les revendications indépendantes pour identifier les concepts inventifs, lesquels sont tous très similaires. La Requérante, dans ses observations écrites du 16 septembre 2013, a également centré l'attention sur les revendications indépendantes, recourant à une évaluation commune pour le groupe, mais en s'appuyant sur la prémisse selon laquelle elles n'étaient pas évidentes et que, par conséquent, il en était de même pour les revendications dépendantes.

 

[31]           Ci-après, nous focalisons d'abord sur les revendications indépendantes pour ensuite examiner les autres caractéristiques des revendications dépendantes.

 

Les éléments du concept inventif

 

[32]           Nous reprenons ci-dessous la revendication 1 comme étant représentative des revendications en litige :

 

1.        [traduction] « Une méthode de régénération d'un solvant dans un processus par lequel un gaz d'alimentation comprenant un gaz acide est mis en contact avec un solvant pauvre afin de générer un solvant riche et un gaz d'alimentation traité, comprenant :

l'absorption, dans un absorbeur, de dioxyde de carbone extrait d'un gaz de carneau en vue de former un solvant riche;


où le gaz d'alimentation est un gaz de combustion provenant d'un bouilleur ou d'une turbine ayant une pression entre 15 lb/po² (abs.) et 50 lb/po² (abs.), et où l'absorbeur fonctionne à une pression entre 15 lb/po² (abs.) et 50 lb/po² (abs.), et où la température du gaz d'alimentation se situe entre 20 oC et 100 oC;

le pompage du solvant riche afin d'augmenter la pression dudit solvant riche;

la formation d'un solvant pauvre à partir du solvant riche dans une colonne de rectification fonctionnant à environ la même pression (+/- 10 psi) que l'absorbeur, employant une première vapeur d'alimentation et une seconde vapeur d'alimentation;

la vaporisation du solvant pauvre pour en baisser la pression et ainsi générer la première vapeur d'alimentation et un solvant vaporisé, où la première vapeur d'alimentation est amenée dans la colonne de rectification par voie d'un compresseur;

où la seconde vapeur d'alimentation est produite dans le milieu de rectification par un rebouilleur à vapeur d'eau et où le milieu de rectification est recyclé entre la colonne de rectification et le rebouilleur à vapeur d'eau. »

 

[33]          Dans la décision finale, après avoir examiné les problèmes de l'état antérieur de la technique et la solution proposée, l'examinateur était d'avis que le concept inventif était adéquatement reflété par l'objet revendiqué à l'exception de certaines caractéristiques telles que les températures et pressions spécifiques et l'étape du pompage, du fait qu'elles n'apportaient pas de solution à un problème décrit dans le mémoire descriptif. En ce qui a trait à l'étape du pompage, l'examinateur estimait que la présence d'une telle étape ajoutait de l'équipement au processus et en augmentait les coûts, contrairement à ce que, selon lui, l'invention tentait d'éviter.

 


[34]          La Requérante, dans ses observations écrites du 16 septembre 2013, soutenait qu'il n'était pas approprié d'y voir un « concept inventif  ». La Requérante estimait que le concept inventif ne pouvait être aisément déterminé (Sanofi au para. 67). Sa position était plutôt que les revendications doivent faire l'objet d'une interprétation téléologique en vue de déterminer les éléments essentiels et les éléments non essentiels (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024). Nous sommes d'accord avec l'affirmation de la Requérante voulant que les revendications doivent faire l'objet d'une interprétation téléologique avant de trancher les questions de validité (Whirlpool, précité). Toutefois, d'après Sanofi, il est possible d'évaluer l'évidence à la lumière du concept inventif si celui-ci peut être facilement identifié.

 

[35]          En l'espèce, notre avis sur le concept inventif diffère de celui de l'examinateur. Alors que la caractérisation du problème par l'examinateur était fondée sur son point de vue selon lequel tous les problèmes inhérents aux systèmes de l'état antérieur de la technique devaient être évités de manière distincte (voir décision finale, page 5), comme nous l'avons mentionné dans notre examen des connaissances générales courantes, nous considérons que le problème que vise à régler l'invention est de fournir un système d'élimination des gaz acides plus efficace et plus économique. Nous ne considérons pas que le mémoire descriptif établisse que chaque inconvénient associé à un système de la technique antérieure doit être évité. En fait, comme le montre le mémoire descriptif en l'espèce, bien que certains paramètres de fonctionnement soient moins avantageux lorsque le système revendiqué est utilisé, l'invention dans son ensemble réalise des gains nets sur les plans de l'efficacité et des coûts de fonctionnement.

 

[36]          Compte tenu de ce qui précède, et à la lumière de la focalisation des revendications et du mémoire descriptif sur l'utilisation du système de régénération des solvants pour traiter le gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine, nous considérons que les pressions et températures particulières des revendications indépendantes, ainsi que l'étape du pompage, comme faisant partie intégrante du concept inventif.

 

[37]          Du fait que la colonne de rectification fonctionne à basse pression, si un gaz d'alimentation à basse pression, tel un gaz de combustion, est traité dans l'absorbeur, la pression dans les colonnes serait à peu près la même, comme cela est revendiqué.

 


[38]          De même, les basses pressions et températures de l'absorbeur et du gaz d'alimentation qui sont mentionnées concordent avec celles du traitement d'un gaz de combustion. De plus, la présence d'une étape de pompage est cohérente avec l'utilisation d'un gaz d'alimentation à basse pression du fait que la pression dans l'absorbeur n'est pas suffisamment élevée pour permettre le flux spontané du solvant riche jusqu'à la colonne de rectification, rendant ainsi le pompage nécessaire afin de surmonter les pertes en ligne du système. En revanche, une telle étape ne serait pas requise dans un système de traitement de gaz à haute pression.

 

[39]          La Commission considère donc que les pressions et températures indiquées dans les revendications, ainsi que les étapes de pompage, sont représentatives du traitement d'un gaz de combustion à basse pression.

 

[40]          Aux fins de la présente révision, en ce qui a trait au concept inventif, il sera suffisant de dire que nous ajouterions au concept inventif déterminé par l'examinateur l'aspect du traitement d'un gaz de combustion à basse pression. D'autres caractéristiques, telles que les températures et pressions associées, découlent donc de cet aspect.

 

[41]          De même, dans le cadre de toute interprétation de la revendication, le traitement d'un gaz de combustion à basse pression serait une caractéristique essentielle devant être prise en compte dans la comparaison avec l'état antérieur de la technique. Toutefois, il ne serait pas nécessaire de trouver des mentions précises de températures et de pressions ni d'une étape de pompage puisque ce sont là des caractéristiques représentatives du traitement d'un tel gaz. Un tel point de vue concorde avec l'examen, présenté ci-après, des différences entre le concept inventif et l'état antérieur de la technique.

 

3) Différences entre l'« état de la technique » et le concept inventif

 


[42]          L'examinateur a estimé que les revendications 1 à 4, 6 à 9, 11 à 14 et 16-17 auraient été évidentes à la lumière de la demande de brevet britannique no 2,074,035 par Batteux et autres (D2) et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. L'examinateur a également estimé que les revendications 5, 10 et 15 auraient été évidentes à la lumière de D2 et, compte tenu du brevet américain no 4,160,810 à Benson et autres (D1) et, bien sûr, aussi à la lumière des connaissances générales courantes, bien que cela n'ait pas été explicitement mentionné. On trouvera une description détaillée des références susmentionnées à l'étape (4) de notre analyse.

 

[43]          Dans la décision finale, l'examinateur n'a signalé aucune différence entre l'état de lart et le concept inventif, parce qu'il n'a pas considéré que les pressions et températures particulières, ni l'étape du pompage, faisaient partie intégrante du concept inventif. Comme il est montré plus haut, la Commission considère ces caractéristiques comme étant représentatives de la fonction essentielle du traitement d'un gaz de combustion à basse pression tel celui d'un bouilleur ou d'une turbine.

 

[44]          La Requérante, dans ses observations écrites du 16 septembre 2013 et à l'audience, soutenait qu'au moins une des caractéristiques suivantes était absente dans chacun des documents cités :

 

(a) le gaz d'alimentation est un gaz de combustion d'un bouilleur ou d'une turbine ayant une pression entre 15 lb/po² (abs.) et 50 lb/po² (abs.);

(b) la colonne de rectification fonctionne à une pression similaire (+/- 10 lb/po²);

(c) le solvant riche produit dans l'absorbeur subit un pompage avant d'être acheminé à la colonne de rectification en vue d'augmenter la pression du solvant riche;

(d) la vaporisation du solvant pauvre pour en baisser la pression et ainsi générer la première vapeur d'alimentation et un solvant vaporisé, où la première vapeur d'alimentation est amenée dans la colonne de rectification par voie d'un compresseur.

 


[45]          Dans notre analyse du concept inventif présentée plus haut à l'étape (2), nous avons noté que les températures et pressions particulières, de même que l'étape du pompage, sont cohérentes avec le traitement d'un gaz de combustion à basse pression d'un bouilleur ou d'une turbine. Par conséquent, les caractéristiques (a) à (c) ci-dessus sont essentiellement un reflet du fait que le gaz d'alimentation est un tel gaz de combustion. Nous notons également que, à l'audience, la Requérante a reconnu que les différences (a) à (c) mentionnées plus haut sont, en fait, interreliées et reflètent l'idée du traitement d'un gaz de combustion à basse pression en provenance d'un bouilleur ou d'une turbine. Donc, la Requérante soutient essentiellement que la technique antérieure (en particulier D2 en ce qui a trait aux revendications indépendantes) diffère des revendications en ce que :

 

(1) elle ne divulgue pas le traitement d'un gaz de combustion à basse pression;

(2) elle ne divulgue pas, dans le traitement d'un tel gaz, la vaporisation du solvant pauvre à pression plus basse en vue de générer la première vapeur d'alimentation et un solvant pauvre vaporisé où la première vapeur d'alimentation est réintroduite par voie d'un compresseur.

 

[46]          Aux fins des présents motifs, nous considérons les points (1) et (2) ci-dessus comme étant des différences par rapport à l'état antérieur de la technique. Il n'est pas nécessaire en l'espèce de déterminer si ces caractéristiques sont en fait des différences par rapport à la technique antérieure parce que, pour les motifs exposés ci-après, nous estimons que l'invention aurait néanmoins été évidente.

 

(4) Est-ce que les différences constituent des étapes qui auraient été évidentes?

 


[47]          Comme cela a été discuté plus haut, relativement aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, divers systèmes d'élimination des acides étaient connus pour le traitement de divers types de gaz. En particulier, on connaissait bien le traitement des gaz de carneau tels que ceux provenant d'une turbine à gaz dans un système absorbeur/colonne de rectification, comme l'indique le propre système Econamine FG PlusMC de la Requérante, décrit dans la section des renseignements généraux de la présente demande, et le document Econamine FG PlusMC (2003) qui y est associé.

 

[48]          Nous avons également noté que, à la lumière des connaissances générales courantes, il y avait une volonté d'améliorer de tels systèmes de manière à en accroître l'efficacité et/ou l'économie des coûts. Selon nous, l'hypothétique personne versée dans l'art serait au fait de tout document aisément disponible abordant un tel problème et pourrait déterminer si leurs enseignements pourraient s'appliquer aux systèmes de traitement connus. Selon Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Ltée, 2012 CF 113, au para. 80, il est présumé que la personne versée dans l'art serait au fait de tout document qui pourrait être trouvé à la suite d'une recherche raisonnable et diligente. Comme nous le verrons plus bas, nous considérons que la référence D2 aurait été un des documents trouvés dans une telle recherche et un de ceux abordant les problèmes inhérents aux systèmes antérieurement connus.

 

[49]          La référence D2 citée par l'examinateur décrit un procédé de régénération d'une solution absorbante (solvant) similaire à la présente demande. La référence divulgue un procédé dans lequel des gaz acides, tels que CO2 et/ou H2S, sont extraits d'un gaz d'alimentation dans un absorbeur (1) et un gaz purifié est produit à l'extrémité supérieure. Dans l'exemple décrit dans le document D2, comme cela a été noté par la Requérante dans ses observations écrites et à l'audience, le solvant riche résultant passe par un ballon de dégazage ce qui réduit la pression du solvant riche. Cela s'explique par le fait que l'exemple est décrit en association avec un gaz d'alimentation à haute pression, tel que le gaz naturel, qui exige une baisse de pression avant de faire passer le solvant riche dans la colonne de régénération, laquelle colonne fonctionne à une basse pression telle que dans la présente demande et dans le système Econamine FG PlusMC de la Requérante.

 


[50]          Toutefois, comme l'a fait remarquer l'examinateur dans la décision finale et comme le montre l'analyse ci-dessous, les enseignements de D2 ne sont pas limités aux applications dans lesquelles le gaz d'alimentation à traiter est un gaz à haute pression.

 

[51]          Tout d'abord, le résumé du document D2 caractérise l'invention divulguée comme concernant :

 

[traduction] « un procédé pour la régénération d'une solution absorbante, une solution aqueuse d'alcanolamines, contenant des composés d'acide tels que CO2 et/ou H2S, dans lesquels lesdits composés sont relâchés par voie de chauffage et/ou supprimés. La solution absorbante générée, aspirée hors de la zone de régénération, est soumise à une succession d'expansions, chacune de ces expansions formant une phase gazeuse; les phases vapeur ainsi formées sont graduellement recompressées pour former une phase gazeuse compressée générale laquelle est introduite dans la zone de régénération. »

 

[52]          Par conséquent, à l'instar de la présente invention revendiquée, le procédé de D2 montre l'emploi de vaporisation ou d'« expansion » du solvant pauvre (c.-à-d. la solution absorbante régénérée) pour générer une phase gazeuse (c.à-d. vapeur) laquelle est ensuite recompressée et réintroduite dans la zone de régénération. Le résumé se poursuit ainsi :

 

[traduction] « Un tel processus de régénération mettant en présence une expansion de la solution régénérée est utilisée dans les procédés de régénération pour le lavage des gaz contenant des composés acides et permet d'appréciables économies d'énergie. »

 

[53]          Un tel document s'avérerait très pertinent pour une personne cherchant à améliorer l'efficacité énergétique d'un système d'absorption/régénération utilisé pour traiter un gaz d'alimentation tel un gaz de carneau contenant de tels composés acides.

 


[54]          Aux pages 1 et 2 du document D2, des problèmes de la technique antérieure similaires à ceux discutés dans la présente demande sont décrits comme, par exemple, l'utilisation d'une vapeur motrice pour réinjecter la vapeur vaporisée, ce qui aura pour effet de rompre l'équilibre hydrique dans le système.

 

[55]          L'invention décrite dans D2 proposait l'expansion du solvant pauvre (c.-à-d. un solvant à base d'amines) pour former une phase gazeuse (c.-à-d. vapeur) laquelle, après recompression (par ex. par voie d'un compresseur axial), est ensuite réinjectée dans la zone de régénération, [traduction] « ledit processus de régénération étant généralement applicable et comblant les lacunes du procédé de l'art antérieur mentionné plus haut en recourant à une expansion de la solution absorbante régénérée » (D2 à la page 2, lignes 26 à 28, non souligné dans l'original).

 

[56]          Comme cela est indiqué à la page 2, lignes 33 à 35, de la référence D2 :

 

[traduction] « la régénération, telle que le propose l'invention, permet une économie d'énergie qui s'avère importante par rapport à la régénération effectuée de la manière classique ».

 

[57]          La référence D2 vise donc les mêmes objectifs que la présente demande et les atteint en proposant une expansion du solvant pauvre, générant ainsi une source de vapeur destinée au processus de rectification, vapeur qui est ensuite recompressée et introduite dans l'unité de rectification. Comme c'est le cas dans les présentes revendications, cela produit deux sources de vapeur, l'une provenant de l'étape d'expansion (24, 27) et l'autre du chauffage dans un rebouilleur (14) de la solution en provenance de la colonne de rectification (voir figure 1 de la référence D2).

 


[58]          Revenant à l'examen des deux différences établies par la Requérante entre la référence D2 et les revendications (à savoir le fait que le gaz d'alimentation est un gaz de combustion à basse pression contrairement à un gaz à haute pression, et la présence d'une étape de vaporisation du solvant pauvre pour en abaisser la pression et ainsi générer une vapeur d'alimentation), nous estimons, à la lumière de l'analyse de la référence D2 présentée plus haut, que cette référence divulgue l'étape de vaporisation du solvant pauvre en vue de générer une vapeur d'alimentation qui est recompressée et réintroduite dans la colonne de rectification. Bien que dans D2, en ce qui a trait au modèle particulier qui y est décrit, l'expansion (c.-à-d. vaporisation) et la recompression s'effectuent en deux étapes, les présentes revendications indépendantes décrivent l'expansion et la recompression en termes généraux et, par conséquent, non limitées à un nombre donné d'étapes.

 

[59]          En ce qui a trait au traitement d'un gaz de combustion à basse pression par opposition à un gaz à haute pression, nous sommes d'accord avec la Requérante, lorsqu'elle affirme que l'exemple particulier décrit dans D2 concerne le traitement d'un gaz naturel qui affiche une haute pression (p. ex. 78 bars). Cependant, comme nous l'avons déjà mentionné, le document D2 décrit le principe qui est l'objet principal du document (c.-à-d. la vaporisation du solvant pauvre pour former une vapeur d'alimentation supplémentaire et la recompression subséquente) comme étant « généralement applicable ». De plus, dans sa description générale de l'invention,  par exemple à la page 2, le document D2 ne fixe aucune limite à son application autre que celle qu'elle est utile dans un système comportant un absorbeur et un régénérateur utilisés pour extraire des gaz acides, tels que CO2 et H2S.

 

[60]          De même, la référence D2 divulgue que l'invention peut s'appliquer au traitement de gaz dans un absorbeur à des pressions allant de 1 à 120 bars et à des températures se situant entre 30 oC et 110 oC. Les gaz de combustion à faible pression se trouveraient dans de telles plages de valeurs, comme cela serait le cas des plages précisées dans les présentes revendications, lesquelles sont fondées sur de tels gaz à combustion.

 


[61]          Dans ses observations écrites du 16 septembre 2013, la Requérante soutenait que, du fait que l'exemple particulier décrit dans la référence D2 portait sur le traitement d'un gaz naturel à haute pression et donc mettait en présence un ballon de dégazage, la personne versée dans l'art ne pourrait considérer le système divulgué comme pouvant s'appliquer au traitement d'un gaz de combustion à basse pression. De même, dans l'affidavit de John Y. Mak fourni avec les observations écrites susmentionnées, il est affirmé que le système décrit dans D2 ne convient pas au traitement d'un gaz de combustion affichant une basse pression atmosphérique. Dans la même veine, la Requérante a argué que D2 ne suggère ni le fonctionnement de l'absorbeur et de la colonne de régénération à la même pression ni le pompage du solvant riche pour en augmenter la pression en vue de son acheminement jusqu'au régénérateur.

 

[62]          Nous estimons que ces distinctions sont interreliées en ce qu'elles découlent du choix de traiter un gaz de combustion à basse pression, ce qui a été reconnu par la Requérante lors de l'audience. Comme nous en sommes arrivés à la conclusion que D2 suggère également que les fonctions de vaporisation et de recompression peuvent être appliquées à une grande diversité de pressions et de températures de gaz dans un ensemble absorbeur/régénérateur, y compris des gaz à basse pression, la décision d'appliquer un tel principe au traitement d'un tel gaz ne saurait être inventive. Une fois cette voie à suivre suggérée, alors, comme l'a noté la Requérante relativement aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, une telle personne aurait connu les exigences particulières du fonctionnement d'un système à basse pression comme, par exemple, le fait que l'absorbeur et le régénérateur fonctionneraient à des pressions similaires. Aussi, parce que le gaz de combustion est à basse pression, il n'y a pas de différence de pression importante entre l'absorbeur et le régénérateur qui pourraient entraîner le solvant de l'un vers l'autre, ce qui impose de pomper le solvant jusqu'au régénérateur. La nécessité d'une telle étape de pompage est illustrée par le système Econamine FG PlusMC de traitement des gaz de carneau décrit par la Requérante dans les renseignements généraux et tout particulièrement dans le document Econamine FG PlusMC (2003) déposé par la Requérante. De même, si le principe discuté dans D2 avait été appliqué à un système à basse pression, la personne versée dans l'art aurait su qu'un dispositif de réduction de la pression, tel que le ballon de dégazage dans D2, serait nécessaire.


 

[63]          La Requérante a également soutenu qu'il n'y avait aucune motivation à modifier le système dans D2 pour en arriver à l'invention et, en particulier, de prendre les mesures présentées comme étant des différences à l'étape (3). Toutefois, selon nous, du fait que la personne versée dans l'art était motivée à améliorer l'efficacité et/ou l'économie des coûts des systèmes courants connus, qu'ils soient à haute ou à basse pression, et que D2 suggère un principe généralement applicable aux portions de régénération de tels systèmes (un principe qui entraîne d'importantes économies d'énergie), on doit en tirer la conclusion que la personne versée dans l'art aurait immédiatement reconnu les avantages d'utiliser les modifications apportées au régénérateur dans un système traitant des gaz de combustion à basse pression.

 

[64]          Après avoir fait ce lien, la personne versée dans l'art, conformément aux connaissances générales courantes, aurait su comment appliquer de telles modifications à un système de traitement d'un gaz d'alimentation à basse pression (c.-à-d. pressions de fonctionnement, pompage ou non, etc.).

 

[65]          Nous constatons que la Requérante a également soumis des observations selon lesquelles l'invention n'aurait pas « inévitablement été essayée ». Toutefois, nous considérons qu'il n'y a aucune raison d'effectuer une telle analyse en l'espèce. Quoi qu'il en soit, les arguments concernant ce principe avancés par la Requérante sont les mêmes que ceux déjà mis de l'avant habituellement en ce qui a trait au caractère évident.

 


[66]          Dans ses observations écrites du 16 septembre 2013, la Requérante a également soutenu que l'ancienneté de D2, ce document ayant été publié environ 25 ans avant la date de dépôt de la présente demande, indique que l'invention revendiquée n'était pas évidente. Dans une situation où beaucoup de temps a passé et que l'invention, dès après sa divulgation, est universellement adoptée par les personnes œuvrant dans ce domaine, cela peut indiquer l'inventivité (Pope Appliance Corp. v. Spanish River Pulp & Paper Mills, Ltd., [1929] 1 D.L.R. 209). Toutefois, il n'y a aucune indication de cette nature en l'espèce et, par conséquent, la seule ancienneté de la référence ne suffit pas pour réfuter notre conclusion quant au caractère évident des revendications.

 

[67]          Enfin, bien que la forme des revendications indépendantes varie, à savoir la revendication 1 qui porte sur une [traduction] « une méthode de régénération d'un solvant », la revendication 7 qui vise une [traduction] « méthode pour améliorer une colonne de rectification existante » et la revendication 12 qui divulgue un [traduction] « système de régénération de solvants », nous considérons qu'elles partagent les mêmes éléments essentiels et le même concept inventif, et ce que de tels éléments soient un composant du système ou une fonction d'un tel composant. Cela concorde avec les observations écrites de la Requérante dans lesquelles il était affirmé que les autres revendications indépendantes 7 à 12 [traduction] « représentaient tout simplement d'autres aspects de l'invention et faisaient référence aux mêmes caractéristiques » (observations écrites du 16 septembre 2013, page 11).

 

[68]          Nous en arrivons donc à la conclusion que les revendications indépendantes 1, 7 et 12 auraient été évidentes.

 

Les revendications dépendantes

 


[69]          Ayant jugé que les revendications indépendantes auraient été évidentes, nous concluons que les revendications dépendantes 2 à 4, 6 à 9, 11, 13, 14, 16 et 17 auraient également été évidentes. Ces revendications ne font que préciser les paramètres de fonctionnement du système, tels que des plages de pression additionnelles et le type de solvant (p. ex. un solvant à base d'amines), lesquels sont tous décrits dans D2 ou font partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art en ce qui concerne le traitement d'un gaz de combustion à basse pression. La Requérante n'a pas prétendu que les caractéristiques supplémentaires de ces revendications mènent à d'autres progrès techniques.

 

[70]          L'examinateur a également allégué que les revendications dépendantes 5, 10 et 15 auraient été évidentes en regard de D2 à la lumière de D1. D1 divulgue une invention similaire à celle de D2 en ce sens qu'un gaz à haute pression est traité dans une combinaison absorbeur/régénérateur. La Requérante argue que D1 n'est pas applicable parce que le solvant pauvre n'est pas vaporisé en vue de générer de la vapeur devant être réinjectée dans le régénérateur. Bien que nous constatons que D1 ne décrit ni la vaporisation de vapeur du solvant pauvre dans un ballon de vaporisation (18) (voir figure 1 de D1) ni la décompression de la vapeur avant sa réinjection dans le régénérateur, le but que l'examinateur visait en citant D1 en l'espèce était de démontrer que l'utilisation des types particuliers de compresseurs décrits dans les revendications dépendantes 5, 10 et 15 n'aurait pas, en soi, rendu inventifs ni les composants ni la combinaison des étapes. D1, dans un agencement similaire à celui de D2, divulgue l'utilisation d'un turbocompresseur à vapeur en opposition au compresseur axial mécanique de D2. Ainsi, le choix du type de compresseur relèverait de la compétence ordinaire de la personne versée dans l'art.

 

[71]          Nous en arrivons donc à la conclusion que les revendications dépendantes 5, 10 et 15 auraient été évidentes.


RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[72]          Pour les motifs exposés ci-dessus, la Commission recommande que la demande soit refusée au motif qu'elle est évidente et donc non conforme au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Stephen MacNeil         Paul Sabharwal          Owen Terreau

Membre                  Membre                  Membre

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

[73]          Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d'appel des brevets à savoir que la demande soit refusée au motif qu'elle est évidente et donc non conforme au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[74]          En conséquence, je refuse d'accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l'article 41 de la Loi sur les brevets, la Requérante dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire des brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce 20e jour de décembre 2013

 

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