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Décision du Commissaire no 1369

Commissioner’s Decision #1369

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O - 00

TOPIC : O - 00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,263,903

Application No. : 2,263,903

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 2,263,903, ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, a donc fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et par le Commissaire aux brevets, conformément aux dispositions de l'alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire suivent ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse :

 

Anthony de Fazekas

Norton Rose Fulbright Canada LLP

1, Place Ville Marie, bureau 2500

Montréal (Québec)

H3B 1R1

 

 

 

INTRODUCTION

 

[ 1 ]           La demande numéro 2,263,903 a été déposée le 31 juillet 1997 et est intitulée « SYSTÈME DE TRANSMISSION DE MISES À JOUR AUTOMATIQUES D'ÉTAT PAR LE COURRIER ÉLECTRONIQUE » (SYSTEM FOR SUPPLYING AUTOMATIC STATUS UPDATES USING ELECTRONIC MAIL). La demanderesse est EBAY INC. et les inventeurs sont Alan Fisher et Samuel Jerrold Kaplan. La demanderesse a revendiqué la priorité sur la base de deux demandes ayant été déposées aux États-Unis le 8 août 1996 et le 8 octobre 1996.

 

[ 2 ]           La demande a été refusée dans une décision finale, parce que l'invention revendiquée était considérée comme évidente. Il a également été souligné dans la décision finale une irrégularité concernant la redondance des revendications.

 

[ 3 ]           Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons que le refus de cette demande soit infirmé. Nous recommandons aussi que certaines modifications soient apportées, lesquelles sont nécessaires pour assurer la conformité avec la Loi sur les brevets, aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

CONTEXTE

 

Invention

 


[ 4 ]           Il s'agit d'un système permettant de mettre automatiquement à jour l'état des commandes et des livraisons des clients par courrier électronique sans avoir recours à un opérateur pour créer et envoyer les messages par courriel. Le système de mise à jour permet à un grand nombre de clients de demeurer périodiquement informés par courriel, à l'aide d'un réseau informatique ou de communication. Le système comprend une base de données pour y enregistrer l'état des commandes et des livraisons ainsi que d'autres renseignements pertinents.

 

[ 5 ]           La demande décrit la réalisation de l'invention à l'aide d'un ordinateur hôte sur un serveur central relié à un réseau étendu, accessible par de nombreux clients potentiels à partir de terminaux à distance. L'information sur les clients et leurs commandes respectives est conservée dans une base de données sur l'état des commandes, qui peut être conservée dans l'ordinateur hôte sur un serveur central. Une requête d'état est périodiquement envoyée à un autre ordinateur hôte sur le réseau étendu puis, l'information actualisée concernant l'état des commandes est transférée à la base de données sur l'état des commandes. Lorsque l’état d’un dossier particulier est mis à jour, un marqueur est associé à ce dossier dans la base de données, indiquant un changement d'état. Un dispositif de messagerie électronique vérifie périodiquement la base de données sur l'état des commandes pour voir si l'état d'un dossier a été modifié et, le cas échéant, il compose et transmet un message électronique au client en fonction de la nouvelle information provenant de la base de données sur l'état des commandes.

 

Historique du traitement de la demande et révision initiale

 

[ 6 ]           La requête d’examen  a été déposée le 22 novembre 2000 et six rapports ont été publiés, le premier ayant paru le 15 septembre 2003. L'examinateur a rendu une décision finale le 27 mars 2012. Le 26 septembre 2012, de nouvelles revendications ont été soumises en réponse à la décision finale, mais selon l'examinateur, la demande n'était pas pour autant acceptable. Par la suite, l'examinateur a transmis, de pair avec un résumé des motifs, la demande à la Commission d'appel des brevets (CAB). Dans le résumé des motifs, qui a été transmis à la demanderesse, on soutient que les nouvelles revendications sont également évidentes, mais on note que l'irrégularité relative à la redondance a été traitée dans les revendications soumises en réponse à la décision finale (les revendications « actuellement au dossier »).

 

[ 7 ]           La demanderesse a répondu au résumé des motifs le 10 juillet 2013 et a contesté l'allégation d'évidence. Ce faisant, la demanderesse a exprimé son désaccord avec la manière dont la personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes de cette dernière avaient été définies par l'examinateur. 

 

[ 8 ]           Les trois membres de la Commission (« le comité ») ont examiné le dossier écrit. Dans une lettre datée du 10 décembre 2013 (« révision initiale »), le comité a invité la demanderesse à aborder certaines observations initiales et à préciser sa compréhension des revendications. Cette lettre contenait également une preuve supplémentaire des connaissances générales courantes,  fournie par l'examinateur à la demande du comité. 

 

[ 9 ]           Le 23 janvier 2014, la demanderesse a produit une observation écrite ainsi qu'un ensemble de revendications proposées (« les revendications proposées »). Une audience a été tenue le 24 janvier 2014.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[ 10 ]       Comme il a été mentionné précédemment, il ne reste qu'une question à aborder dans le cadre de cet examen :

 

(1)    les revendications sont-elles évidentes?

 

[ 11 ]       Nous commencerons par une interprétation téléologique des revendications avant de procéder à notre analyse de la question de l'évidence. Au vu des observations et des plaidoyers présentés à l'audience, l'interprétation téléologique abordera les questions en suspens suivantes : 

 

                    l'identification de la personne versée dans l'art, particulièrement en tant qu'« équipe »;

                     les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art;

                     le problème et la solution visés par l'invention;

                     les revendications au dossier, les précisions demandées et l'acceptabilité des changements proposés;

                     les revendications proposées et les précisions supplémentaires requises;

                     les éléments essentiels des revendications proposées.

 

INTERPRÉTATION TÉLÉOLOGIQUE

 

[ 12 ]       Pendant l'interprétation téléologique, on définit le libellé des revendications et on détermine si les éléments de l'invention revendiquée sont essentiels ou non essentiels : Free World Trust c. Electro Sante Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]. Voir aussi l'énoncé de pratique 2013-02 intitulé Pratique d’examen au sujet de l'interprétation téléologique daté du 8 mars 2013 [PN2013-02], lequel présente les grandes lignes de la pratique que suit le Bureau pour faire une interprétation téléologique des revendications. Pour qu’un élément soit jugé « non essentiel », « [Traduction] il faut établir que i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que ii), à la date de la publication du brevet, les destinataires versés dans l’art auraient constaté qu’un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention » (Free World Trust, para. 55). 

 

[ 13 ]       L'interprétation téléologique est faite selon une démarche équilibrée et éclairée, en tenant compte du mémoire descriptif dans son ensemble en regard du contexte des connaissances générales courantes, y compris une compréhension de la signification des termes utilisés dans les revendications, ainsi que du problème et de la solution abordés dans la demande. Une fois établie, la solution permet par la suite de déterminer de façon éclairée les éléments qui sont essentiels à l'invention revendiquée. Bien que certains éléments d'une revendication puissent avoir une incidence importante sur le fonctionnement d'un mode de réalisation défini par la revendication, il est possible qu'ils ne soient pas essentiels (c.-à.-d. qu'ils peuvent être omis ou variables) au fonctionnement de l'invention pour l'application de la solution au problème. 

 

[ 14 ]       Nous déterminerons d'abord qui est la personne versée dans l'art et quelles sont les connaissances générales courantes.

 

La personne versée dans l’art

 

[ 15 ]       Bien que la personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes soient définies dans la décision finale relativement à l'analyse de l'évidence, leurs définitions s'appliquent également à l'interprétation de la revendication. Dans la décision finale, la personne versée dans l’art est définie comme suit :

 

En l'espèce, la personne versée dans l'art est une équipe de spécialistes du commerce électronique, qui comprend non seulement des professionnels des technologies de l'information, mais aussi des gens d'affaires qui sont familiers avec la vente par correspondance et les pratiques du commerce électronique.

 

[ 16 ]       Dans son observation du 10 juillet 2013, la demanderesse n'était pas d'accord avec cette définition, soulignant que dans Sanofi-Synthelabo Canada Inc. v. Apotex Inc., 2008 SCC 61, [Sanofi], il est indiqué que la personne fictive est un individu et que, « [Traduction] si le terme équipe était normalement employé, les connaissances générales courantes de telles équipes pourraient, en effet, être définies comme comprenant la somme totale des connaissances humaines ». En réponse à notre lettre de révision  initiale, la demanderesse a expliqué que le terme équipe ne convenait que dans certaines situations de la jurisprudence où « la Cour est tenue d'interpréter des revendications de brevets », par exemple, lorsque l'invention décrite dans un brevet a été mise au point par une équipe dont les antécédents ou les compétences sont différents. La demanderesse a indiqué que, contrairement à l'interprétation de la Cour, en vertu du critère Sanofi, la personne versée dans l'art n'est pas censée posséder une vaste connaissance ou inventivité, c.-à-d. les connaissances dont disposerait une équipe. Par conséquent, la demanderesse est d'avis que la personne versée dans l'art doit être un individu pour que l'on puisse procéder à l'évaluation de l'évidence.

 

[ 17 ]       Nous estimons que l'identification de la personne versée dans l'art en tant qu'équipe peut se faire pour l'interprétation de la revendication ainsi que pour l'évaluation de l'évidence. Dans Sanofi, il n'est pas exigé que la personne versée dans l'art soit un « individu » pour que l'on puisse procéder à l'analyse de l'évidence. Comme il est expliqué dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67 [2000], « [Traduction] la méthode de l’interprétation téléologique est adoptée à la fois pour les questions de validité et pour les questions de contrefaçon ». Par conséquent, une personne moyennement versée dans son art doit être la même que pour l'évaluation de l'ensemble des questions de validité et de contrefaçon. On ne peut pas s'appuyer sur une personne versée dans l'art pour l'interprétation de la revendication, puis sur une autre pour l'évaluation de l'évidence. Par exemple, dans Merck & Co. c. Pharmascience Inc., 2010 CF 510 [Merck], au paragraphe 41, la Cour considère que la personne versée dans l'art est « un chercheur ou un clinicien, ou les deux » (p. ex. une équipe) et la Cour s'est appuyée sur la même personne versée dans l'art pour son examen de l'évidence (à partir du paragraphe 178).

 

[ 18 ]       Quant à la question de savoir si la personne versée dans l'art peut être une équipe ou un individu, la Cour note dans Merck, aux paragraphes 32 et 39, que la définition d'une personne versée dans l'art « doit généralement définir la personne ou le groupe auquel s’adresse le brevet. Il peut arriver que le brevet puisse être lu par diverses personnes, ayant chacune un intérêt différent. Il faudra peut-être prendre en compte chacune d’elles ». Par conséquent, la personne versée dans l'art peut être un groupe ou une équipe.

 

[ 19 ]       La demanderesse a proposé que la personne versée dans l'art soit versée dans le domaine du commerce électronique et qu'elle soit familière avec les pratiques relatives aux ventes par correspondance. La définition proposée par la demanderesse n'est pas très différente de celle de l'examinateur, à l'exception du fait que ce dernier précise explicitement que la personne versée dans l'art est une équipe composée de « ... spécialistes du commerce électronique ... professionnels des technologies de l'information ... gens d'affaires qui sont familiers avec les pratiques de vente par correspondance ». Nous considérons que la personne versée dans l'art proposée par la demanderesse détiendrait ces compétences également (p. ex. des compétences relatives aux pratiques de vente par correspondance et de commerce électronique et des compétences en technologie de l'information). À l'audience, nous avons noté la similitude entre la définition de la demanderesse et celle de l'examinateur, et la demanderesse a indiqué que son point de vue relativement à la non-évidence ne dépend pas de la définition de la personne versée dans l'art. 

 

[ 20 ]       Nous concluons que la définition de la personne versée dans l'art donnée par l'examinateur au paragraphe [ 15 ], laquelle comprend une équipe, est exacte; nous l'adopterons donc pour ces motifs.

 

Connaissances générales courantes pertinentes

 

Références

 

[ 21 ]       Dans la décision finale, on fait référence aux documents suivants comme étant liés aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art : 

 

Towle, H:  On The Fast Track with TotalTrack: UPS Deploys Mobile Data Service, Document Delivery World (avril/mai 1993) 30

 

Ralston, A:  Edwin D. Reilly et David Hemmendinger, éd., Encyclopedia of Computer Science, 4e édition. (London: Nature Publishing Group, juillet 2000)

 

Connaissances générales courantes selon Towle

 

[ 22 ]       Dans la décision finale, il est mentionné que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art comprennent la connaissance de la manière de créer, de mettre en place et de faire fonctionner des systèmes de communication électronique (à l'aide de courriels, de sites Web, etc.) pour tenir informés les clients et les participants à un processus opérationnel, y compris des systèmes contrôlés manuellement et des systèmes automatiques. Plus particulièrement, l'examinateur considère que le système décrit dans Towle est un exemple d'un tel système. L'examinateur a noté la « [Traduction] numérisation intelligente » dont il est question dans Towle, selon laquelle une technologie de codes à barres est utilisée pour déterminer l'endroit où le colis est censé être et où il se trouve réellement. Towle explique que UPS TotalTrack peut fournir de l'information détaillée sur l'état de livraison d'un colis, lorsqu'un client compose un numéro de téléphone sans frais. 

 

[ 23 ]       La demanderesse n'a pas contesté le fait que la personne versée dans l'art connaîtrait le système de Towle, mais a donné une mise en garde selon laquelle on ne peut pas regarder la chose en rétrospective, puisque les systèmes de commerce électronique et de ventes par correspondance ont connu de rapides progrès depuis la date de revendication. Nous estimons que Towle illustre généralement la personne versée dans l'art comme une personne qui connaîtrait la manière de créer, de mettre en place et de faire fonctionner des systèmes de communication électronique (à l'aide de courriels, de sites Web, etc.) pour tenir informés les clients et les participants à un processus opérationnel.

 

Connaissances générales courantes selon Ralston

 

[ 24 ]       D'après le résumé des motifs, Ralston décrit « la technologie du pousser », qui est le nom généralement donné au type de technologie que représente la présente invention. Dans ses observations, la demanderesse a contesté l'admissibilité de la référence Ralston, puisque la date de revendication de la présente demande précède la référence Ralston de plus de trois ans. Nous estimons que Ralston ne démontre pas que la technologie du pousser s'inscrivait dans les connaissances générales courantes avant la date de revendication. 

 

[ 25 ]       Comme la demanderesse n'est pas d'accord avec la référence Ralston présentée par l'examinateur pendant la révision initiale, nous avons demandé à l'examinateur de trouver une autre référence qui démontre que la « technologie du pousser » aurait fait partie des connaissances générales courantes avant la date de revendication. D'après les conclusions de l'examinateur, la lettre de notre révision initiale invitait la demanderesse à aborder un extrait portant sur ce qui était connu avant février 1996 (ce qui précède la date de revendication indiquée dans la présente demande), tiré du document suivant :

 

Franklin, M: Data In Your Face: Push Technology in Perspective, 1.1 The Push Phenomenon, (31 décembre 1998)

 

[ 26 ]       Bien que le document Franklin soit ultérieur à la date de revendication indiquée dans la présente demande, on y mentionne qu'avant février 1996, PointCast proposait d'utiliser la technologie du pousser sur Internet pour afficher les gros titres, les prévisions météorologiques, le cours des actions, etc., et pour fournir des mises à jour en temps réel de cette information pendant que celle-ci est affichée à l'écran d'un ordinateur. Dans la lettre de la révision initiale, la demanderesse était invitée à aborder notre compréhension de Franklin, à savoir qu'il démontre qu'avant la date de revendication, il était bien connu que la technologie du pousser pour la prestation d'information mise à jour est automatiquement amorcée (ou « poussée ») par un serveur d'information vers un ordinateur.

 

[ 27 ]       À l'audience, ainsi que dans son observation datée du 23 janvier 2014, la demanderesse suggère que l'explication des activités de Point Cast en février 1996 donnée par Franklin ne remontait pas assez loin dans le temps (par rapport à la date de priorité d'août 1996 indiquée dans la présente demande) pour être considérée comme une connaissance générale courante. La demanderesse a aussi noté qu'il n'y avait pas suffisamment d'information technique sur les solutions spécifiques de Franklin pour déterminer exactement comment fonctionnait cette technologie du pousser. 

 

[ 28 ]       Étant donné l'explication limitée de Franklin concernant les activités de PointCast en février 1996, nous estimons que la demanderesse a raison de dire que la technologie du pousser ne s'inscrivait pas dans les connaissances générales courantes. La manière dont la technologie du pousser est expliquée dans Franklin ne soutient pas l'idée selon laquelle la technologie du pousser faisait partie des connaissances générales courantes avant la date de revendication.  

 

[ 29 ]       Nous estimons que Franklin et Ralston ne démontrent pas que la technologie du pousser s'inscrivait dans les connaissances générales courantes avant la date de revendication. La demanderesse a également soutenu que la technologie du pousser ne s'appliquait pas particulièrement à l'invention, puisque « [Traduction] l'invention serait en réalité mieux décrite comme une architecture ou un système push-pull ». Nous aborderons cette question au paragraphe [ 85 ], sous l'étape 4 de l'analyse Sanofi, ci-dessous.

 

Autres connaissances générales courantes énoncées dans la décision finale

 

[ 30 ]       Dans la décision finale et le résumé des motifs, il est également suggéré que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art comprennent la connaissance des pratiques permettant de tenir les clients informés et la pratique courante associée aux ventes par correspondance qui consiste à fournir aux clients une mise à jour de l'état de leur commande ou de leur livraison. Dans ses observations, la demanderesse n'a pas contesté le fait que ces pratiques auraient fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, et nous estimons que ces pratiques s'inscrivaient dans les connaissances générales courantes avant la date de revendication.

 

Conclusions relatives aux connaissances générales courantes

 

[ 31 ]       Nous concluons que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprennent :

                     la connaissance de la manière de créer, de mettre en place et de faire fonctionner des systèmes de communication électronique (à l'aide de courriels, de sites Web, etc.) pour tenir informés les clients et les participants à un processus opérationnel, y compris des systèmes contrôlés manuellement et des systèmes automatiques, par exemple, comme l'illustre le système dans Towle;

                     la connaissance des pratiques permettant de tenir les clients informés et la pratique courante associée aux ventes par correspondance qui consiste à fournir aux clients une mise à jour de l'état de leur commande ou de leur livraison.

 

Le problème et la solution visés par l'invention

 

[ 32 ]       Dans son observation datée du 10 juillet 2013, la demanderesse souligne que « [Traduction] le problème avec les systèmes de l'art antérieur, c'est qu'ils dépendent largement de représentants humains du service à la clientèle et des clients pour l'envoi manuel d'avis sur l'état des commandes. Un autre problème concerne le manque d'information à jour sur les différents états de traitement d'une commande. Les méthodes connues s'avèrent problématiques puisqu'elles peuvent nécessiter beaucoup de temps, être sujettes à l'erreur et coûteuses et utiliser les ressources de manière inefficace ».

 

[ 33 ]       Afin de mieux comprendre le problème, la personne versée dans l'art considérerait qu'un objectif de l'invention, au vu du mémoire descriptif, consiste à fournir une méthode et un système permettant de fournir automatiquement au client l'état de sa commande, par courrier électronique, grâce à un réseau informatique, sans l'aide d'un représentant humain du service à la clientèle et sans qu'il soit nécessaire d'entrer l'information du profil de l'utilisateur. Par conséquent, le problème général qui est abordé concerne l'amélioration de la satisfaction de l'utilisateur face au processus de commande par l'offre sans heurts d'information à jour. Cela est conforme avec l'observation de la demanderesse. 

 

[ 34 ]       La personne versée dans l'art comprendrait que la solution (dans la présente demande, sous « Summary of the Invention » (sommaire de l'invention)) consiste à utiliser un logiciel pour permettre à un système informatique branché sur un réseau de recueillir automatiquement et périodiquement certains renseignements, de déterminer si ceux-ci sont plus récents que ceux qui sont déjà stockés et de mettre à jour en conséquence l'information stockée, s'il y a lieu. Or, le logiciel fait en sorte que le système génère et transmet des messages électroniques contenant l'information mise à jour à un client.

 

 

Les revendications au dossier, les précisions demandées et l'acceptabilité des changements proposés

 

[ 35 ]       Un nouvel ensemble de 12 revendications a été soumis en réponse à la décision finale. La revendication 1 décrit une mémoire lisible par ordinateur comme suit :

 

1.    Une mémoire lisible par ordinateur pour le stockage d'instructions programmables qu'un ordinateur peut exécuter afin d'appliquer une méthode permettant de recueillir de l'information sur l'état du traitement de commandes sur un réseau et de transmettre aux utilisateurs cette information sur l'état de traitement des commandes, ladite méthode comprenant :

(a)   le stockage de l'information concernant une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur, ladite information sur la commande contenant des renseignements sur l'état du traitement de la commande en question, celle-ci étant traitée par un fournisseur de service;

(b)   la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état de la commande auprès dudit fournisseur de service sur ledit réseau;

(c)   la détermination automatique du caractère nouveau de l'information sur l'état recueillie par rapport aux autres renseignements sur l'état associés à ladite information stockée;

(d)   la mise à jour automatique de ladite information sur l'état associée à ladite commande, en fonction de ladite information sur l'état reflétant l'état du traitement de la commande obtenu sur ledit réseau;

(e)   la génération automatique de messages, y compris ladite information sur l'état reflétant le traitement de la commande, en réponse à un changement dudit état de traitement de la commande;

(f)   la transmission desdits messages à l'ordinateur dudit l'utilisateur sur ledit réseau.

 

[ 36 ]       La revendication 7 est représentative du système visé par l'invention :

 

7.    Dans un réseau informatique qui permet la communication entre plusieurs ordinateurs, un système comprenant :


un moyen de stockage associé à un premier ordinateur pour le stockage d'information sur une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur;

une méthode de requête associée au premier ordinateur pour la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état du traitement de ladite commande depuis un deuxième ordinateur;

une méthode de traitement associée au premier ordinateur permettant de déterminer automatiquement le caractère nouveau de l'information sur l'état recueillie par rapport aux autres renseignements sur l'état associés à ladite information stockée;

une méthode de mise à jour associée au premier ordinateur pour recevoir ledit état de traitement de la commande depuis le deuxième ordinateur, et pour mettre à jour automatiquement ladite information sur l'état en fonction dudit état de traitement de la commande;

une méthode de génération automatique de messages, afin de produire un message contenant ladite information sur l'état de traitement de la commande, en réponse à un changement dudit traitement de la commande;

une méthode de transmission de messages pour l'acheminement automatique dudit message sur ledit réseau à l'ordinateur dudit utilisateur, sans que ce dernier ait à interagir.

 

[ 37 ]       Dans la lettre de notre révision initiale, nous avons demandé à la demanderesse de préciser certains aspects des revendications indépendantes 1 et 7. La demanderesse a été invitée à soumettre des modifications proposées, qui ont été produites avant l'audience. 

 

[ 38 ]       Dans notre lettre, nous avons demandé des précisions afin de savoir si « l'information sur l'état recueillie » (the collected status information) mentionnée dans les revendications 1 et 7 correspond à l'information reçue en réponse à « la demande [...] de renseignements sur l'état du traitement de ladite commande depuis un deuxième ordinateur » (requesting order processing status for said order from a second computer). Comme l'a expliqué la demanderesse à l'audience, les revendications proposées (voir les paragraphes [ 41 ] et [ 42 ] ci-dessous) précisent que l'information sur l'état recueillie correspond bien à l'information reçue. 

 

[ 39 ]       Dans la lettre de la révision initiale, nous demandons aussi des précisions quant à la nature des « autres renseignements sur l'état associés à ladite information stockée » (further status information pertaining to said stored information) dans les revendications 1 et 7. La revendication proposée 7 supprime les termes « autres renseignements sur l'état » (further status information) et précise que l'information sur l'état recueillie est vérifiée afin de déterminer le « caractère nouveau [...] par rapport à l'état de traitement de la commande associé à ladite information stockée » (new relative to said order processing status pertaining to said stored information). La revendication 1 a subi des modifications semblables. 

 

[ 40 ]       Si les revendications au dossier devaient être publiées sans ces modifications, les revendications 1 et 7 ne définiraient pas l'objet de l'invention « distinctement et en des termes explicites » comme l'exige le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Les revendications 1 et 7 proposées par la demanderesse viennent adéquatement clarifier les revendications et sont donc requises aux fins de la conformité avec le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. En outre, ces modifications confirment notre compréhension des revendications 1 et 7 dans leur état actuel. Par conséquent, les changements proposés n'affectent pas l'analyse de l'évidence et ces revendications proposées seront prises en considération dans l'interprétation de la revendication et dans l'analyse de l'évidence ci-dessous. 

 

Les revendications proposées et les précisions supplémentaires requises

 

[ 41 ]       La revendication 1 comprise dans l'ensemble de revendications proposées décrit comme suit une mémoire lisible par ordinateur (le soulignement a été fait par la demanderesse, pour illustrer les changements proposés pour clarifier les revendications) :

 

1.  Une mémoire lisible par ordinateur pour le stockage d'instructions programmables qu'un ordinateur peut exécuter afin d'appliquer une méthode permettant de recueillir de l'information sur l'état du traitement de commandes sur un réseau et de transmettre aux utilisateurs cette information sur l'état de traitement des commandes, ladite méthode comprenant :

     (a)   le stockage de l'information concernant une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur, ladite information sur la commande contenant des renseignements sur l'état du traitement de la commande en question, celle-ci étant traitée par un fournisseur de service; 

     (b)   la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état de la commande auprès dudit fournisseur de service sur ledit réseau, et la réception en réponse de l'information sur l'état recueillie relativement à ladite commande;

     (c)   la vérification automatique de l'information pour déterminer si elle contient de nouveaux renseignements sur l'état par rapport audit état de traitement de la commande associé à ladite information stockée;

     (d)   la mise à jour automatique dudit état du traitement de ladite commande, en fonction de ladite information nouvelle sur l'état reflétant l'état du traitement de la commande obtenu sur ledit réseau;

     (e)   la génération automatique de messages, y compris ledit état de traitement de la commande mis à jour, en réponse à un changement dans ledit état de traitement de la commande obtenu dudit fournisseur de service;

     (f)   la transmission desdits messages à l'ordinateur dudit utilisateur sur ledit réseau.

 

[ 42 ]       La revendication 7 a également été précisée dans l'observation de la demanderesse (le soulignement ci-dessus indique les changements proposés par la demanderesse) :

 

7. Dans un réseau informatique qui permet la communication entre plusieurs ordinateurs, un système comprenant :

     un moyen de stockage associé à un premier ordinateur pour le stockage d'information sur une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur;

     une méthode de requête associée au premier ordinateur pour la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état du traitement de ladite commande depuis un deuxième ordinateur, et la réception en réponse de l'information sur l'état recueillie relativement à ladite commande;

     une méthode de traitement associée au premier ordinateur permettant de déterminer automatiquement le caractère nouveau de l'information sur l'état recueillie par rapport audit état de traitement de la commande associé à ladite information stockée;

     une méthode de mise à jour associée au premier ordinateur pour recevoir ladite information sur l'état recueillie depuis le deuxième ordinateur, et pour mettre à jour automatiquement ledit état de traitement en fonction de ladite nouvelle information sur l'état;

     une méthode de génération automatique de messages, afin de produire un message contenant ledit état de traitement de la commande mis à jour, en réponse à un changement dudit état de traitement de la commande recueilli concernant ladite commande depuis ledit deuxième ordinateur;

     une méthode de transmission de messages pour l'acheminement automatique dudit message sur ledit réseau à l'ordinateur dudit utilisateur, sans que ce dernier ait à interagir.

 

[ 43 ]       La revendication 1 dans son état actuel ainsi que la revendication 1 proposée précisent ceci : « Une mémoire lisible par ordinateur pour le stockage d'instructions programmables qu'un ordinateur peut exécuter afin d'appliquer une méthode » (A computer readable memory for storing programmable instructions for use in an execution by a computer to carry out a method). Ce libellé, notamment : « mémoire [...] pour le stockage d'instructions [...] peut exécuter » (memory for storing ... instructions for use), ne définit pas clairement une revendication qui revendique une fabrication au sens de la loi – Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), chapitre 16.08.04 et Pratique d'examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur, PN 2013-03. Pour qu'une revendication visant une mémoire ou un support lisible par ordinateur soit valide, elle doit indiquer que la mémoire lisible par ordinateur contient des instructions exécutables (p. ex. pouvant être exécutées par l'ordinateur) stockées sur celle-ci et faisant en sorte que l'ordinateur applique la méthode de l'invention. La demanderesse devra modifier la revendication 1 proposée en conséquence. Cette question sera abordée dans la recommandation suivant notre analyse.

 

[ 44 ]       Pendant l'audience, la clarté de la phrase « une méthode de traitement [...] audit état de traitement de la commande associé à ladite information stockée » (processing means ... said order processing status pertaining to said stored information) qui figure dans la revendication 7 proposée a fait l'objet de discussions et l'examinateur a noté qu'il n'existe aucun antécédent concernant cette information sur l'état dans la mesure où elle est associée à l'information stockée. La demanderesse a accepté de supprimer « audit » (said) de la revendication 7, si cette dernière est autrement considérée comme acceptable. Cette question sera également abordée dans la recommandation suivant notre analyse.   

 

Éléments essentiels (revendications proposées)

 

[ 45 ]       Comme nous l'avons indiqué précédemment, la personne versée dans l'art comprendrait que la solution énoncée dans la présente demande consiste à utiliser un logiciel pour permettre à un système informatique branché sur un réseau de recueillir automatiquement et périodiquement certains renseignements, de déterminer si ceux-ci sont plus récents que ceux qui sont déjà stockés et de mettre à jour en conséquence l'information stockée, s'il y a lieu. Par conséquent, les éléments essentiels de la revendication 1 sont les instructions exécutables par l'ordinateur faisant en sorte qu'un ordinateur branché sur un réseau puisse exécuter les fonctions suivantes : recueillir et stocker automatiquement et périodiquement de l'information obtenue auprès d'une entité différente sur le réseau; déterminer si cette information recueillie est plus récente que l'information précédemment stockée; mettre à jour l'information stockée s'il y a lieu, puis générer et transmettre à l'utilisateur des messages électroniques contenant l'information mise à jour. Bien que la revendication 1 stipule qu'un « fournisseur de services » (service provider) fournit de l'information sur l'état, la personne versée dans l'art comprendrait que la caractéristique essentielle de la machine programmée (ordinateur) constitue la capacité d'obtenir de l'information auprès d'une entité différente sur le réseau.

 

[ 46 ]       À l'audience, la demanderesse a mis l'accent sur le fait que la revendication 7 est différente de la revendication 1. La demanderesse a fait valoir que la revendication 7 n'est pas redondante par rapport à la revendication 1, parce que contrairement à cette dernière, la revendication 7 porte précisément sur la division des tâches entre le premier ordinateur et le deuxième ordinateur, un mode de réalisation qui constitue une application particulière de l'invention. La demanderesse a affirmé que, par exemple, un seul serveur pourrait accomplir la même chose : recueillir de l'information par interrogation; tenir une base de données contenant l'information stockée sur les commandes; repérer de nouveaux renseignements sur l'état; mettre à jour l'information stockée au besoin; et envoyer des messages. Par conséquent, certains modes de réalisation pourraient ne pas être fondés sur la présence d'un premier et d'un deuxième ordinateur.  

 

[ 47 ]       À partir de cette explication et des détails contenus dans la description, la personne versée dans l'art comprendrait que le système informatique branché sur un réseau décrit dans la revendication 7 ne peut être modifié ni omis et donc, constitue une caractéristique essentielle de la revendication 7. Pareillement, dans la revendication 1, les instructions exécutables par ordinateur pour accéder à une entité (fournisseur de service) sur un réseau ne peuvent pas être modifiées ni omises. Cependant, des modes de réalisations particuliers selon lesquels un seul serveur exécuterait l'ensemble de ces fonctions, ou distribuerait certaines tâches entre un premier et un deuxième ordinateur, constituent des caractéristiques de conception qui seraient choisies ou modifiées sans avoir d'incidence importante sur le fonctionnement de l'invention. Pareillement, les instructions exécutables par ordinateur pour un seul serveur ou pour la distribution de tâches entre un premier et un deuxième ordinateur n'ont aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention. Par conséquent, les caractéristiques énoncées dans la revendication 7 ne sont pas essentielles : les fonctions particulières ou la répartition des fonctions entre « un premier ordinateur » (a first computer), « l'ordinateur d'un utilisateur » (a user computer) et « un deuxième ordinateur » (a second computer). Ce qui importe dans les revendications c'est de permettre au système informatique branché sur un réseau de demande de l'information auprès d'une entité différente, comme dans le cas des revendications 1 et 7.

 

[ 48 ]       Par conséquent, les éléments essentiels du système de réseau informatique décrit dans la revendication 7 sont : une méthode de requête permettant de recueillir automatiquement et périodiquement certains renseignements auprès d'une entité différente sur le réseau; une méthode de traitement permettant de déterminer si l'information recueillie est plus récente que l'information déjà stockée; une méthode de mise à jour permettant de mettre à jour l'information stockée s'il y a lieu; et une méthode de génération/transmission de messages pour produire et acheminer à une personne des messages électroniques contenant l'information mise à jour. Nous comprenons de ces énoncés de « méthodes » que celles-ci englobent un logiciel qui est stocké sur une mémoire physique et qui est exécuté par un processeur. Par conséquent, les éléments essentiels de la revendication 7 sont analogues à ceux de la revendication 1 – Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), chapitre 16.08.05.

 

[ 49 ]       Il n'y a aucun désaccord dans le traitement de la demande relativement aux revendications dépendantes 2 à 6 et 8 à 12. Ces revendications présentent des caractéristiques additionnelles comme : l'information sur l'état de la livraison; le lieu de stockage de l'information sur le premier et le deuxième ordinateur ou dans une base de données sur le premier ou le deuxième ordinateur; le format du message généré; et l'utilisation d'une adresse réseau pour identifier un utilisateur. Comme on le verra dans l'analyse de l'évidence ci-dessous, les revendications indépendantes 1 et 7 ne sont pas évidentes et, donc, il ne nous est pas nécessaire de traiter davantage de l'interprétation des revendications dépendantes.

 

ÉVIDENCE

 

[ 50 ]       Comme il a été indiqué précédemment, les motifs de refus de cette demande, énoncés dans le résumé des motifs, relèvent du fait que les revendications 1 à 12 ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, à la lumière de l'art antérieur cité. Nous avons indiqué plus tôt, au paragraphe [ 40 ], que notre évaluation est fondée sur les revendications proposées par la demanderesse en réponse à la lettre de la révision initiale, puisque ces revendications fournissent les précisions requises et correspondent à notre compréhension des revendications actuellement au dossier. 

 

[ 51 ]       En réponse à la décision finale, la demanderesse a contesté l'analyse de l'examinateur qui a mené à sa conclusion, à savoir que les revendications sont évidentes. Ces désaccords seront abordés plus loin, s'il y a lieu.

 

Principes de droit (caractère évident)

 

[ 52 ]       L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l'information en regard de laquelle une revendication peut être considérée comme évidente :

 

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[ 53 ]       Une démarche en quatre étapes permettant d'évaluer l'évidence est énoncée comme suit dans Sanofi, supra :

 

(1)   (a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

(b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)   Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)   Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)   Abstraction faite de toute connaissance de l’invention alléguée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Analyse

 

Étape 1 : La « personne versée dans l'art » et les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[ 54 ]       La première étape est commune à l'interprétation de la revendication ci-dessus – voir les paragraphes [ 15 ], [ 20 ] et [ 29 ].

 

Étape 2 : Concept inventif

 

[ 55 ]       Dans le résumé des motifs, l'ensemble de revendications proposées soumis en réponse à la décision finale est revu et le concept inventif y est décrit comme suit :

 

[...] le concept inventif des revendications proposées 1 à 12 concerne l'idée d'utiliser un logiciel pour permettre à un système informatique branché sur un réseau de recueillir automatiquement et périodiquement certains renseignements, de déterminer si ceux-ci sont plus récents que ceux qui sont déjà stockés et de mettre à jour en conséquence l'information stockée, s'il y a lieu. Or, le logiciel fait en sorte que le système génère et transmet des messages électroniques contenant l'information mise à jour à une personne.

 

[ 56 ]       Ce concept inventif, selon le résumé des motifs, reflète le changement apporté à la revendication indépendante 1, selon lequel les termes « automatically collecting status information [...] provided by said service provider » (collecte automatique d'information sur l'état ... fournie par ledit fournisseur de service) ont été remplacés par « automatically and periodically requesting status information from said service provider » (demande automatique et périodique de renseignements sur l'état auprès dudit fournisseur de services) dans les revendications actuellement au dossier (soumises en réponse à la décision finale).

 

[ 57 ]       Dans l'observation de la demanderesse datée du 10 juillet 2013, il est indiqué que l'invention revendiquée concerne une réalisation technique, mise en œuvre par une machine, correspondant au concept inventif défini par l'examinateur. La demanderesse a particulièrement souligné l'existence de signaux électroniques codés et configurés sur un réseau, indiquant que le concept inventif peut être une mémoire informatique physique, comportant des ensembles de signaux codés représentant l'information et les instructions qui permettent à l'ordinateur d'exécuter les processus.

 

[ 58 ]       Nous sommes d'accord avec la demanderesse pour dire que certaines caractéristiques techniques seront nécessaires pour mettre en place l'invention énoncée dans les revendications, mais cela ne signifie pas que toutes ces caractéristiques sont nécessairement comprises dans le concept inventif des revendications. 

 

[ 59 ]       Nous avons noté au paragraphe [ 48 ] que les éléments essentiels de la revendication 7 sont analogues à ceux de la revendication 1 et, donc, le concept inventif de ces revendications est le même. Selon ce que nous avons compris, le concept inventif est un ordinateur sur réseau qui a été adéquatement programmé pour recueillir automatiquement et périodiquement de l'information obtenue auprès d'une entité sur le réseau, déterminer si cette information recueillie est plus récente que l'information précédemment stockée, mettre à jour l'information stockée s'il y a lieu, puis générer et transmettre à l'utilisateur des messages électroniques contenant l'information mise à jour.

 

[ 60 ]       Comme nous l'avons observé plus tôt dans l'interprétation de la revendication au paragraphe [ 49 ], puisque notre analyse ci-dessous vient conclure que les revendications indépendantes 1 et 7 ne sont pas évidentes, il ne nous est pas nécessaire d'aborder le ou les concepts inventifs des revendications dépendantes 2 à 6 et 8 à 12.

 

Étape 3 : Les différences entre l’« état de la technique » (Kehnemuyi et al., Walden) et le concept inventif

 

[ 61 ]       Nos conclusions relatives à l'étape 3 (« les différences ») sont généralement conformes avec celles de la demanderesse – voir le paragraphe [ 69 ] ci-dessous. 

 

[ 62 ]       Dans la décision finale, l'examinateur présente les références suivantes en tant qu'art antérieur :

 

Brevet américain

4,975,841   4 décembre 1990   Kehnemuyi et al.

 

Demande de brevet canadien

2,156,907   29 septembre 1994  Walden

 

Kehnemuyi et al.

 

[ 63 ]       Kehnemuyi et al. enseignent le fonctionnement d'une méthode et d'un appareil permettant de communiquer automatiquement avec les clients et de produire des données sur l'état de la commande du client. Une mémoire est fournie, dans laquelle l'information sur l'état de la commande du client est reçue et stockée. Les données sur la commande du client comprennent des renseignements sur la commande de produits, les dates de livraison prévues et réelles ainsi que le numéro de téléphone du client. Un composeur automatique est fourni, et il compose de manière séquentielle les numéros de téléphone des clients; ensuite, un rapport connexe sur le client est transmis automatiquement par télécopieur à chaque client.

 

[ 64 ]       Comme il est expliqué à la colonne 2, aux lignes 35 à 39 de Kehnemuyi et al., le rapport transmis par télécopieur est rédigé par un ordinateur personnel qui est relié à un ordinateur central. L'ordinateur personnel traduit et stocke un fichier de données séparé contenant le rapport client et utilise les routines de conversion et de commande pour acheminer les fichiers séparés contenant le rapport client. La revendication 1 et les colonnes 3 et 4 expliquent les étapes à suivre pour déterminer si les dossiers de commande sont valides (vérifier la date de livraison de la commande) et faire correspondre les bons dossiers aux bons numéros de téléphone.

 

[ 65 ]       Quant au concept inventif, la caractéristique qui concerne la demande/collecte automatique et périodique d'information sur un réseau n'est pas décrite par Kehnemuyi et al.  Bien que Kehnemuyi et al, décrivent un ordinateur central qui communique avec un ordinateur personnel [voir (12) et (20) dans la figure 1], ces composantes ne sont pas utilisées pour demander ou recueillir de l'information sur l'état, à l'aide d'un réseau, depuis une entité différente. Dans la colonne 2, aux lignes 35 à 49, l'ordinateur personnel interagit avec l'ordinateur central pour exécuter la conversion du rapport client ainsi qu'un programme de contrôle. Par conséquent, la demande/collecte automatique et périodique d'information sur un réseau dont il est question dans le concept inventif constitue une différence par rapport aux travaux de Kehnemuyi et al.

 

[ 66 ]       Ces derniers ne font aucunement référence au fait que l'information sur l'état est tenue à jour automatiquement (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, mettre à jour cette information). En outre, l'information sur l'état n'est pas demandée auprès d'une entité différente, comme un deuxième ordinateur sur le réseau. Par conséquent, la tenue à jour automatique de l'information (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, mettre à jour cette information) constitue une différence par rapport aux travaux de Kehnemuyi et al. 

 

[ 67 ]       Le concept inventif prévoit également une caractéristique selon laquelle des messages électroniques contenant l'information mise à jour sont générés et transmis à un utilisateur. Dans les travaux de Kehnemuyi et al., le système informatique est programmé de manière à activer un composeur automatique et un module de communication pour transmettre de façon séquentielle un document par télécopieur pour chaque client, au moyen d'un lien de communication (voir la colonne 2 aux lignes 54 à 59). Le rapport télécopié contient seulement les renseignements courants, les données de plus de 5 jours étant supprimées (colonne 3, lignes 19 à 21). Cela suppose que le programme saisit des données à jour sur l'état de la commande (à condition qu'elles ne datent pas de plus de 5 jours), c'est-à-dire qu'un message électronique contenant l'information sur l'état est envoyé à l'utilisateur, et que ce message contient aussi nécessairement de l'information à jour (bien que mise à jour manuellement). Toutefois, le programme ne comprend pas une logique de la décision permettant de ne transmettre un rapport que lorsque des données sur l'état mises à jour sont accessibles. Donc, la génération de messages électroniques contenant de l'information mise à jour transmis à un utilisateur constitue une différence par rapport à Kehnemuyi et al. 

 

[ 68 ]       En résumé, le concept inventif est différent de celui de Kehnmuyi et al. à l'égard des points suivants :

 

(a)                l'information (nouvelle) est automatiquement et périodiquement demandée/recueillie auprès d'une entité distincte sur un réseau (plutôt que manuellement);

(b)               l'information sur l'état est tenue à jour automatiquement (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, mettre à jour cette information);

(c)                le système génère et transmet des messages électroniques contenant l'information mise à jour à un utilisateur. 

 

[ 69 ]       Les observations de la demanderesse soulignent les différences suivantes. À notre avis, ces différences sont les mêmes que celles susmentionnées et contiennent les mêmes éléments essentiels :

 

1.                  demande automatique et périodique d'information sur l'état à l'aide d'un réseau;

2.                  détermination automatique du caractère nouveau de l'information sur l'état recueillie par rapport aux renseignements sur l'état associés à l'information stockée;

3.                  mise à jour automatique de l'information sur l'état;

4.                  en réponse à un changement d'état du traitement de la commande, génération et transmission automatique de message contenant l'information sur l'état modifiée.

 

[ 70 ]       La décision finale (et le résumé des motifs dans lequel on y fait référence) présent les différences (b) et (c) sous un éclairage différent. On y soutient qu'il n'y a aucune différence, c'est-à-dire que ces différences sont « [Traduction] implicites dans les enseignements de Kehnemuyi et al. » puisque l'information sur l'état de la commande dans Kehnemuyi et al. est tenue à jour par ses opérateurs, qui ajusteront les dossiers avec l'information plus récente, dès que celle-ci sera accessible. En réponse aux points de vue de l'examinateur, la demanderesse a souligné la colonne 3, aux lignes 5 à 11, de Kehnemuyi et al. afin de montrer que Kehnemuyi et al. ne prévoient que l'« identification » des dossiers sur les commandes, ce qui n'est pas la même chose qu'une « requête ». En outre, la demanderesse a noté que dans les travaux de Kehnemuyi et al., l'état du traitement de la commande n'est pas demandé auprès d'une entité différente, par exemple un fournisseur de service ou un deuxième ordinateur. Nous sommes d'accord avec l'examinateur pour dire que dans les travaux de Kehnemuyi et al., il est implicite que l'information sur l'état de la commande est tenue à jour; cependant, cette procédure se fait manuellement. Il n'est donc pas exact de dire que la différence (b) n'est pas une différence pour la personne versée dans l'art qui lit Kehnemuyi et al.

 

[ 71 ]       En ce qui concerne la différence (c), comme nous l'avons précédemment mentionné, Kehnemuyi et al. ne décident pas de transmettre un rapport seulement lorsque des données mises à jour sur l'état sont accessibles, bien que l'examinateur soit en droit de dire qu'il faut une certaine logique dans Kehnemuyi et al. pour vérifier l'information stockée relativement aux dossiers modifiés (p. ex. le programme saisit les données sur l'état à condition qu'elles ne datent pas de plus de 5 jours). Donc, la génération de messages électroniques contenant de l'information mise à jour transmis à un utilisateur [différence (c)] constitue une différence par rapport à Kehnemuyi et al.

 

[ 72 ]       En conclusion, les différences entre le concept inventif et les travaux de Kehnemuyi et al. sont (b) et (c), telles qu'elles sont énoncées au paragraphe [ 68 ] ci-dessus.

 

Walden

 

[ 73 ]       Bien que nous présentions un bref aperçu de Walden ci-dessous, nous estimons que la description de Walden n'aiderait pas la personne versée dans l'art à combler les écarts par rapport aux travaux de Kehnemuyi et al

 

[ 74 ]       Walden explique un système facilitant les opérations informatiques d'une organisation. Le système comprend un dictionnaire des opérations de l'organisation, un organisateur pour classer l'information saisie depuis un premier dispositif d'entrée/sortie, et un émetteur pour transmettre l'information organisée vers un deuxième dispositif d'entrée/sortie. Walden fait référence à un environnement de fabrication où plusieurs départements interagissent entre eux, par exemple : Livraison-Réception, Contrôle de la qualité, Inventaire, Approvisionnement, Contrôle de la production, Production, Comptabilité, Comptes créditeurs, etc.

 

[ 75 ]       Aux pages 4, 5, 8, 9, 15, 25 à 28 de Walden, nous observons les caractéristiques suivantes : une usine de fabrication peut utiliser le système pour communiquer l'état d'une pièce endommagée au moyen de tâches affectées au personnel. Le système effectue automatiquement le suivi de toutes les activités entre les expéditeurs et les destinataires, en assignant des codes de relation, lesquels permettent d'identifier le type d'information transmise et toutes les parties concernées par son traitement. Grâce aux codes, le système peut assurer la surveillance des activités entre les utilisateurs, garantir l'exécution de celles-ci et diriger ou amorcer activement ces mêmes activités. En outre, le système peut effectuer une requête sur la somme d'activités au cours d'une période donnée et fournir des sommaires analytiques à la direction, puis stocker l'information dans une base de données. 

 

[ 76 ]       La demanderesse a fait valoir que les enseignements de Walden ne concernent pas des méthodes de requête automatique et périodique d'information sur l'état; Walden ne décrit pas la détermination automatique du caractère nouveau de l'information sur l'état par rapport à l'information sur l'état déjà stockée; Walden ne décrit pas la mise à jour automatique de l'information sur l'état; et les enseignements de Walden ne prévoient pas qu'en réponse à une modification de l'état de traitement d'une commande, des messages contenant l'information sur l'état modifiée seront automatiquement générés et transmis. Ces différences correspondent aux différences (a) à (c) énoncées au paragraphe [ 68 ] ci-dessus. La demanderesse a également souligné le texte de la page 20 des travaux de Walden pour énoncer d'autres différences. 

 

[ 77 ]       Dans la décision finale, il est reconnu que les enseignements de Walden ne concernent pas un système qui détermine automatiquement si l'information recueillie est plus récente que celle contenue dans les dossiers stockés avant de les mettre à jour en conséquence – différence (b) dans le paragraphe [ 68 ] ci-dessus.

 

[ 78 ]       Après avoir examiné ces arguments et la description de Walden, nous estimons que les travaux de Walden n'ajoutent rien à l'état de la technique pertinent du concept inventif. À notre avis, le fait qu'une usine de fabrication puisse utiliser le système décrit par Walden pour communiquer l'état d'une pièce endommagée n'est pas très utile pour la personne versée dans l'art qui cherche une solution au problème abordé dans la présente demande.

 

[ 79 ]       Par conséquent, nous concluons que les différences entre le concept inventif et l'état de la technique sont les mêmes que celles soulevées relativement aux travaux de Kehnemuyi et al., à savoir les différences (a) à (c) dans le paragraphe [ 68 ] ci-dessus.

 

Étape 4 : Ces différences « constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art?

 

[ 80 ]       Nous étudions ci-dessous chacune des différences (a) à (c) énoncées dans le paragraphe [ 68 ] ci-dessus, ainsi que les déclarations pertinentes de l'examinateur et de la demanderesse en ce qui concerne l'évidence. Chaque différence est considérée de manière individuelle pour l'évaluation du caractère inventif. Les différences seront aussi évaluées de manière combinée, subséquemment.    

 

Différence (a) – L'information (nouvelle) est automatiquement et périodiquement demandée/recueillie auprès d'une entité distincte sur un réseau (plutôt que manuellement)

 

[ 81 ]       L'un des arguments de l'examinateur concernant l'absence d'activité inventive va comme suit : « [Traduction] la collecte manuelle d'information mise à jour sur l'état de la commande dans le but de tenir les consommateurs informés relève des connaissances générales courantes ... et, en général, la notion ou l'idée d'automatiser ou d'informatiser une procédure administrative connue d'une manière connue est évidente ». L'examinateur mentionne que les travaux de Kehnemuyi et al. constituent un exemple de méthodes permettant d'appliquer cette notion : « [Traduction] un ordinateur personnel, dirigé par un logiciel, interroge automatiquement et périodiquement l'ordinateur central, au moyen du réseau du système, afin de recueillir de l'information sur l'état sous forme de dossiers contenant le rapport client ». Nous convenons qu'il relève des connaissances générales courantes de recueillir manuellement de l'information mise à jour sur l'état et à notre avis, la différence (a), c'est-à-dire la collecte automatique et périodique d'information sur l'état, aurait été une amélioration technique évidente à la date de revendication.

 

Différence (b) – L'information sur l'état est tenue à jour automatiquement (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, mettre à jour cette information)

 

[ 82 ]       Selon l'argument de l'Examinateur, cette différence est « [Traduction] inhérente au processus manuel permettant de tenir les clients informés des changements dans l'état de leurs commandes », à la lumière de l'invention de Kehnemuyi et al. Bien que la simple automatisation d'un processus manuelle puisse être évidente, elle ne s'applique pas lorsqu'une certaine innovation technique est présente dans ladite automatisation. À notre avis, la technologie que suppose la vérification de la nouvelle information pour savoir si l'ancienne information doit être remplacée puis mise à jour, peut s'avérer inventive. 

 

[ 83 ]       Nous faisons référence à notre constatation précédente selon laquelle la technologie du pousser ne relève pas des connaissances générales courantes (voir les paragraphes [ 28 ] et [ 29 ] – Franklin) avant la date de priorité du 8 août 1996. Même si l'on peut soutenir que la personne versée dans l'art aurait au moins été au courant de cette technologie du pousser, nous sommes d'avis que la différence (b) qui concerne la tenue à jour automatique de l'information sur l'état (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, mettre cette information à jour) n'aurait pas été évidente à la lumière de l'état de la technique, et ce, pour les raisons suivantes :  

 

[ 84 ]       Dans la technologie du pousser, la communication d'information mise à jour est automatiquement amorcée ou poussée par un serveur d'information vers un ordinateur, ce qui signifie que l'information est recueillie (p. ex. météo ou actualités) et qu'il est déterminé si celle-ci est plus récente avant qu'elle soit communiquée ou poussée à un utilisateur. Cependant, comme l'a noté la demanderesse à l'audience, Franklin n'explique pas clairement la manière dont ces opérations doivent se dérouler.

 

[ 85 ]       Par conséquent, nous considérons que la personne versée dans l'art qui lit les travaux de Franklin et de Kehnemuyi et al. doit avoir déployé un effort inventif pour adapter le nouveau concept du pousser pour en arriver au concept inventif énoncé dans les revendications. Dans ses observations, la demanderesse a également fait valoir que l'invention est fondée sur une architecture du pousser-tirer (push-pull) et intègre un aspect « pousser » dans l'utilisation d'avis automatisés et un aspect « tirer » dans « la demande automatique et périodique d'information sur l'état ». Selon la demanderesse, « [Traduction] la demande constitue une occurrence très précoce, voir le premier, d'un tel système push-pull ». Ce raisonnement est convaincant et étant donné la date de priorité avancée de la présente demande, nous considérons qu'il existe un certain degré d'ingéniosité dans la différence (b), peu importe que les travaux de Franklin aient été pris en compte par la personne versée dans l'art ou non.

 

[ 86 ]       Bien que les paragraphes qui précèdent suffisent pour que nous puissions conclure que les revendications 1 et 7 ne sont pas évidentes, nous évaluerons également la différence (c) et les différences de manière combinée, aux fins d'exhaustivité.

 

Différence (c) – Le système génère et transmet des messages électroniques contenant l'information mise à jour à un utilisateur

 

[ 87 ]       En ce qui concerne la différence (c), la description de la présente demande (voir les pages 4 et 5, numéros de références ci-dessous renvoient aux dessins) explique la réalisation :

 

[Traduction] lorsqu'un récepteur d'état (14) met à jour l'état d’un dossier dans la base de données sur l’état des commandes (16), il place un marqueur sur ce dossier dans la base de données, indiquant ainsi un changement d'état.

 

(...)

 

Périodiquement, le messager électronique (15) vérifie la base de données sur l’état des commandes (16) pour voir si l'état des dossiers a changé, en examinant les marqueurs d'état des dossiers. Si un dossier est associé à un marqueur, le messager électronique (15) compose un message électronique (12) en fonction de la nouvelle information sur l'état qui figure dans la base de données sur l’état des commandes (16). Ce message électronique (12) est transmis au client sur le réseau étendu (275).

 

[ 88 ]       Bien que la réalisation technique de la différence (c) ci-dessus puisse sembler simple, nous croyons qu'elle comporte un certain degré d'ingéniosité relativement à l'idée ou à la notion de conception d'un messager électronique qui pousse ou transmet un message seulement lorsqu'un dossier est marqué pour indiquer un changement d'état.

 

Les différences en combinaison

 

[ 89 ]       Comme nous l'avons vu dans le paragraphe [ 87 ] ci-dessus, la mise à jour de l'information [différence (b)] déclenche la communication de renseignements supplémentaires [différence (c)]. Nous avons également noté que, vu les connaissances limitées sur la technologie du pousser qu'aurait détenu la personne versée dans l'art, un certain degré d'ingéniosité aurait été requis afin de tenir automatiquement à jour l'information sur l'état (c.-à-d. déterminer si l'information recueillie est plus récente et, le cas échéant, la mettre à jour), c.-à-d. (b). Au paragraphe [ 29 ], nous avons noté que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art comprend une connaissance de la manière de créer, de mettre en place et de faire fonctionner des systèmes de communication électronique (p. ex. à l'aide de courriels, de sites Web, etc.) pour tenir informés les clients ou tout autres participants à un processus opérationnel. Par conséquent, la personne versée dans l'art étant familière avec les systèmes de Towle et Kehnemuyi et al. aurait pu être incitée à considérer la collecte automatique d'information sur l'état des commandes sur un réseau, comme l'a noté l'examinateur [différence (a)]. Cependant, la personne versée dans l'art ne serait pas simultanément arrivée à la notion de conception d'un messager électronique qui pousse ou transmet un message seulement lorsqu'un dossier est marqué pour indiquer un changement d'état. 

 

[ 90 ]       Donc, il y a une activité inventive dans la combinaison des caractéristiques énoncées dans les différences (a), (b) et (c). Plus particulièrement, la demande/collecte de nouvelles informations auprès d'une entité différente sur un réseau, le maintien à jour automatique de l'information sur l'état, et la transmission automatique de messages contenant l'information sur l’état mise à jour constituent des caractéristiques qui, en combinaison, offrent une avance non évidente sur le plan du fonctionnement technique de l'invention, comparativement à l'état de la technique.

 

Conclusions: Évidence et modifications devant être apportées aux revendications

 

[ 91 ]       Notre analyse ci-dessus concerne les revendications proposées 1 et 7. Comme nous l'avons mentionné précédemment au paragraphe [ 40 ], les précisions proposées dans les revendications 1 et 7 sont conformes à notre compréhension des revendications actuellement au dossier. Par conséquent, nous estimons que les revendications 1 et 7 actuellement au dossier ainsi que les revendications 1 et 7 proposées sont conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Il s'ensuit que les revendications dépendantes 2 à 6 et 8 à 12, lesquelles comprennent l'ensemble des caractéristiques essentielles des revendications 1 et 7 respectivement, sont également non évidentes et sont conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets

 

[ 92 ]       Comme il a été expliqué au paragraphe [ 40 ], les revendications doivent être conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, la demanderesse sera tenue de soumettre les changements proposés aux revendications au dossier, en vertu du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, afin de préciser la revendication proposée 1, de sorte qu'elle revendique une fabrication au sens de la loi (voir le paragraphe [ 43 ]). Elle devra aussi modifier la revendication proposée 7 en modifiant les termes « said order processing status » (audit état de traitement de la commande) par « order processing status » (état de traitement de la commande) comme convenu à l'audience (voir le paragraphe [ 44 ]). Les changements proposés précisent les revendications et ont été pris en considération dans notre analyse.

 

RECOMMANDATION

 

[ 93 ]       Compte tenu des conclusions qui précèdent, la Commission recommande que : 

 

1.                  le refus de la demande soit infirmé, parce que les revendications 1 à 12 sont conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets

 

2.                  la demanderesse soit informée, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes sont nécessaires pour que la demande soit conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets : 

 

i)                    remplacer les revendications 1 et 7 actuellement au dossier par les revendications proposées 1 et 7 produites par la demanderesse (voir le paragraphe [ 40 ]);

ii)                  modifier la revendication 1 de l'ensemble de revendications proposées de sorte qu'elle revendique une fabrication au sens de la loi (voir le paragraphe [ 43 ]);

iii)                modifier la revendication 7 de l'ensemble de revendications proposées en modifiant les termes « said order processing status » (audit état de traitement de la commande) par « order processing status » (état de traitement de la commande), comme convenu à l'audience (voir le paragraphe [ 44 ]).

 

Les modifications proposées aux revendications 1 et 7 sont les suivantes [le soulignement et les ratures sont ajoutés pour illustrer les changements apportés relativement aux revendications proposées] :

 

1. Une mémoire lisible par ordinateur contenant des instructions enregistrées pouvant être exécutées par un ordinateur et dictant audit ordinateur pour le stockage d'instructions programmables qu'un ordinateur peut exécuter afin d'appliquer une méthode permettant de recueillir de l'information sur l'état du traitement de commandes sur un réseau et de transmettre aux utilisateurs cette information sur l'état de traitement des commandes, ladite méthode comprenant :

     (a)   le stockage de l'information concernant une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur, ladite information sur la commande contenant des renseignements sur l'état du traitement de la commande en question, celle-ci étant traitée par un fournisseur de service;

     (b)   la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état de la commande auprès dudit fournisseur de service sur ledit réseau, et la réception en réponse de l'information sur l'état recueillie relativement à ladite commande;

     (c)   la vérification automatique de l'information pour déterminer si elle contient de nouveaux renseignements sur l'état par rapport audit état de traitement de la commande associé à ladite information stockée;

     (d)   la mise à jour automatique dudit état du traitement de ladite commande, en fonction de ladite information nouvelle sur l'état reflétant l'état du traitement de la commande obtenu sur ledit réseau;

     (e)   la génération automatique de messages, y compris ledit état de traitement de la commande mis à jour, en réponse à un changement dans ledit état de traitement de la commande obtenu dudit fournisseur de service;

     (f)    la transmission desdits messages à l'ordinateur dudit l'utilisateur sur ledit réseau.

 

7. Dans un réseau informatique qui permet la communication entre plusieurs ordinateurs, un système comprenant :

     un moyen de stockage associé à un premier ordinateur pour le stockage d'information sur une commande soumise depuis l'ordinateur d'un utilisateur;

     une méthode de requête associée au premier ordinateur pour la demande automatique et périodique de renseignements sur l'état du traitement de ladite commande depuis un deuxième ordinateur, et la réception en réponse de l'information sur l'état recueillie relativement à ladite commande;

     une méthode de traitement associée au premier ordinateur permettant de déterminer automatiquement le caractère nouveau de l'information sur l'état recueillie par rapport audit état de traitement de la commande associé à ladite information stockée;

     une méthode de mise à jour associée au premier ordinateur pour recevoir ladite information sur l'état recueillie depuis le deuxième ordinateur, et pour mettre à jour automatiquement ledit état de traitement en fonction de ladite nouvelle information sur l'état;

     une méthode de génération automatique de messages, afin de produire un message contenant ledit état de traitement de la commande mis à jour, en réponse à un changement dudit état de traitement de la commande recueilli concernant ladite commande depuis ledit deuxième ordinateur;

     une méthode de transmission de messages pour l'acheminement automatique dudit message sur ledit réseau à l'ordinateur dudit utilisateur, sans que ce dernier ait à interagir.

 

3.                  la demanderesse soit informée que si les modifications susmentionnées, et ces seules modifications, ne sont pas effectuées dans le délai imparti, le commissaire entend rejeter la demande.

 

 

 

     Paul Sabharwal         Paul Fitzner            Andrew Strong

     Membre              Membre              Membre


 

DÉCISION

 

[ 94 ]       Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j'avise, par les présente, la demanderesse que les modifications énoncées au paragraphe [ 93 ] doivent être apportées dans les trois mois suivant la date de la présente décision, sans quoi j'entends rejeter la demande. Conformément à l'alinéa 31b) des Règles sur les brevets, ces modifications, et ces seules modifications, peuvent être apportées à la demande. 

 

 

 

             Sylvain Laporte

     Commissaire aux brevets

 

     Fait à Gatineau (Québec),

     En ce 18e jour de juillet 2014

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