Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commissioner’s Decision # 1359

Décision du commissaire # 1359

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: B20, B21, B22, C00

SUJET: B20, B21, B22, C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No.:2,519,192

Demande no :2,519,192



Résumé de la décision du commissaire

 

La présente révision vise, entre autres, à déterminer si, et à quelles conditions, il est acceptable de revendiquer une composition définie par des éléments connus et par une propriété physique souhaitée.

 

La demande en cause a été rejetée dans une décision finale du fait que certaines revendications ont été jugées comme: ne visant qu’un résultat « clairement convoité »; omettant une caractéristique essentielle; et revendiquant plus que ce qui a été inventé.

 

Le comité de révision a jugé que la question centrale permettant de trancher les questions de l’examinateur a trait au caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.  La décision se rapporte donc à cette question centrale.

 

Caractère réalisable des revendications 1-29 dans toute leur portée

Décision: les revendications 1-18 et 20-29 sont rejetées du fait qu’elles ne présentent pas un caractère réalisable dans toute leur portée.

 

Le mémoire descriptif ne comporte pas une divulgation habilitante permettant de préparer les compositions catalytiques telles que définies dans ces revendications. De plus, la personne versée dans l’art ne serait pas capable d’atteindre le résultat revendiqué en se basant seulement sur le mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes.  Par conséquent, ces revendications sont considérées comme ne présentant pas un caractère réalisable dans toute leur portée.

 

Pour être acceptables, les revendications 1-18, 20-22 et 24-29 doivent être modifiées de façon à ce que la surface spécifique indiquée soit celle qui pourrait être obtenue en se basant sur le mémoire descriptif et les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.  En l’espèce, cette surface spécifique est au plus égale à celle de la composition catalytique qui a été effectivement obtenue après calcination à la température indiquée et qui est décrite dans la description.  Les revendications 11 et 23 doivent être modifiées de façon à préciser que la proportion en masse en oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%.

 

Décision: la revendication 19 est acceptable du fait qu’elle présente un caractère réalisable dans toute sa portée.

 


Cette revendication englobe une composition catalytique définie par a) des éléments chimiques et de structure connus et b) une propriété physique [surface spécifique à une température élevée donnée] qui permet de distinguer cette composition des autres compositions. Le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la portée globale de cette revendication puisque cette revendication vise une composition qui présente une surface spécifique qui est bornée vers le bas et vers le haut et dont la valeur de la borne supérieure est au plus égale à la surface spécifique de la composition obtenue par les inventeurs et décrite dans la description et la valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et que la personne versée dans l’art pourrait l’obtenir.  Nous avons donc conclu que cette revendication présente le caractère réalisable dans toute sa portée.

 

Des décisions ci-dessus découlent les décisions suivantes concernant le résultat souhaité:

 

1) le refus de la revendication 19 fondé sur ce motif est infirmé.

 

Pour les mêmes raisons que ci-dessus, nous avons conclu que cette revendication présente un caractère réalisable dans toute sa portée. Par conséquent, cette revendication ne vise pas un résultat souhaité mais un résultat atteint puisque elle n’englobe que la composition catalytique que les inventeurs ont effectivement obtenue et décrite ou que la personne versée dans l’art peut obtenir en se basant sur le mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes.

 

2) le refus des revendications 20-29 fondé sur ce motif est confirmé.

 

Pour les mêmes raisons que ci-dessus, nous concluons que ces revendications qui incluent, entre autres éléments, un énoncé de résultat souhaité, ne présentent pas un caractère réalisable dans toute leur portée. Par conséquent, elles ne visent pas un résultat atteint mais un résultat souhaité. Cependant, si ces revendications sont modifiées tel que recommandé par le comité de révision, elles seraient acceptables.


 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2,519,192 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire conformément à l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent pour la demanderesse :

 

Robic, S.E.N.C.R.L.,

1001, Square-Victoria, Bloc E - 8e étage

Montréal (Québec)

H2Z 2B7


Introduction

 

[1]                              Conformément à l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets, la présente décision statue sur une demande de révision de la demande de brevet refusée no 2,519,192.

 

[2]                              La demanderesse est Rhodia Electronics and Catalysis et l’invention est intitulée «Compositions à base d’un oxyde de cérium, d’un oxyde de zirconium et, éventuellement d’un oxyde d’une autre terre rare, à surface spécifique élevée à 1100°C, leur procédé de préparation et leur utilisation comme catalyseur ». Les inventeurs sont Olivier Larcher et Emmanuel Rohart.

 

Historique de la demande

 

[3]                              La demande en cause a été déposée le 17 mars 2004 et l’examinateur chargé de la demande a rendu une décision finale le 3 décembre 2010 dans laquelle il refuse la demande du fait que les revendications 19-38 ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets pour les raisons suivantes: 1) en ne visant qu’un résultat « clairement convoité » (souhaité), elles ne sont qu’une réaffirmation du problème auquel faisaient face les inventeurs; 2) elles omettent une caractéristique essentielle; et 3) elles revendiquent plus que ce qui a été inventé.  Les revendications 21 et 28-29 sont jugées non conformes aux dispositions du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets vu qu’elles dépendent de revendications dont elles ne devraient pas dépendre.

 

[4]                              Le 30 mai 2011, la demanderesse a répondu à la décision finale et a présenté de nouvelles revendications.  La présentation des nouvelles revendications a eu pour effet de supprimer les revendications 19-38 et de les remplacer par les nouvelles revendications 19-29.  La demanderesse a fait valoir que la demande était maintenant en condition d’acceptation.

 

[5]                              Alors que les irrégularités en vertu du paragraphe 27(4) ont été corrigées, tel qu’indiqué dans le résumé des motifs, l’examinateur a estimé que les irrégularités en vertu de l’article 84 des Règles sur les brevets ne l’ont pas été.  Par conséquent, le refus de la demande a été déféré à la Commission d’appel des brevets et un comité a été désigné pour traiter la révision de la demande.  À l’issue d’une révision préliminaire de la demande, et dans une lettre datée du 23 juillet 2013, le comité a invité la demanderesse à apporter des clarifications concernant le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée. La demanderesse a demandé une audience qui a eu lieu le 23 octobre 2013.


[6]                              Avant la tenue de l'audience, en date du 15 octobre 2013, la demanderesse a soumis une lettre à la Commission accompagnée de propositions de modifications aux revendications ainsi que d’observations additionnelles portant sur les questions en suspens.  Ces observations et les nouvelles revendications proposées seront également examinées dans le cadre de notre analyse des revendications présentement au dossier.

 

[7]                              À l’audience, la demanderesse était représentée par Mme Nathalie Jodoin, Mme Laurence Bourget-Merle et M. Jason Moscovici de la firme Robic ainsi que par M. Philippe Dubruc et M. Julien Hernandez de Rhodia.  M. Pierre Cuerrier, l’examinateur chargé de la demande, était également présent à l’audience.

 

[8]                              Pendant l’audience, l’examinateur a présenté ses arguments et a émis des commentaires auxquels la demanderesse n’était pas disposée à répondre à ce moment-là.  En raison des conséquences que les réponses de la demanderesse pourraient avoir sur l’issue de la révision, il a été convenu que l’examinateur fournira ses commentaires par écrit et que la demanderesse y répondra par écrit. Une réponse aux commentaires de l’examinateur a été reçue par la Commission le 30 octobre 2013.  Il sera également tenu compte des observations soumises dans cette réponse dans le cadre de notre analyse.

 

Contexte de linvention

 

[9]                              Avant d’examiner les points que la décision finale soulève, il est important de comprendre la nature de l’invention et l’objectif visé pour sa conception.

 

[10]                          Les catalyseurs « trois voies » à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium étaient bien connus avant le dépôt de la demande en l’espèce.  En particulier, ce type de catalyseurs avait des propriétés utiles dans le traitement des gaz d’échappement des moteurs à combustion interne.

 

[11]                          Pour être efficaces, ces catalyseurs - compositions catalytiques - doivent avoir une grande stabilité de leur surface spécifique, autrement dit, ils doivent présenter une grande surface spécifique à des températures élevées.  Le problème auquel faisaient face les inventeurs était donc d’obtenir des catalyseurs qui présentent la plus grande surface spécifique possible à une température la plus élevée possible.

 


[12]                          En l’espèce, la demanderesse a mis au point un nouveau procédé de préparation permettant d’obtenir des compositions catalytiques à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium qui présentent, à une température élevée donnée, une surface spécifique plus grande que celle des compositions catalytiques de l’art antérieur.

 

[13]                          L’examinateur ne conteste pas le fait que la demanderesse a mis au point un procédé nouveau et inventif permettant d’obtenir de nouvelles compositions catalytiques ayant les caractéristiques recherchées mais plutôt le fait de revendiquer ces compositions catalytiques indépendamment de leur procédé de préparation.

 

[14]                         Comme il sera montré plus loin, la présente révision vise essentiellement à trancher les questions de l’examinateur en déterminant si les revendications présentent un caractère réalisable dans toute leur portée et sont, en conséquence, conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Les revendications en litige

 

[15]                          Les revendications 1-29 sont en litige.  Il est à noter que les revendications 1-18 qui n’étaient pas initialement en litige, sont ajoutées suite au point soulevé par le comité de révision concernant le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

[16]                          Afin de faciliter la lecture, nous avons choisi de présenter en détail les revendications 1-29 lors de l’analyse. Chacune de ces revendications englobe une composition catalytique définie par des éléments chimiques et de structure connus et par une propriété physique, à savoir sa surface spécifique à une température élevée donnée.  Les revendications 1-29 sont présentées brièvement comme suit:

 

      les revendications 1-5 visent un procédé de préparation de la composition catalytique;

 

      les revendications 6-16 visent la compositions catalytique obtenue selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1-5;

 

      les revendications 17 et 18 visent un système catalytique et un procédé de traitement de gaz d’échappement des moteurs à combustion interne, respectivement, et englobent la composition catalytique de l’une quelconque des revendications 11-16;

 


      les revendications 19-27 visent la compositions catalytique en tant que telle; et

 

      les revendications 28-29 visent un système catalytique et un procédé de traitement de gaz d’échappement des moteurs à combustion interne, respectivement, et englobent la composition catalytique de l’une quelconque des revendications 19-27.

 

Questions soulevées par lexaminateur

 

[6]                              L’examinateur a soulevé les trois questions suivantes:

 

      Les revendications 19-29 visent-elles un résultat « clairement convoité » et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

      Les revendications 19-29, omettent-elles une caractéristique essentielle de la présumée invention et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

      Les revendications 20, 21 et 24 revendiquent-elles plus que ce qui a été inventé et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

Question soulevée par le comité de révision

 

[10]                          La question soulevée par le comité de révision dans la lettre du 23 juillet 2013 est de savoir si les revendications 1-29 présentent le caractère réalisable dans toute leur portée.

 

Interprétation téléologique des revendications

 

[11]                          Tel que l’enseigne la jurisprudence, avant de considérer la question de validité, on doit interpréter les revendications en litige, d’un point de vue téléologique.  Cette interprétation permettra d’identifier les éléments essentiels et non essentiels des revendications et pour clarifier leur sens. Les principes en matière d’interprétation des revendications ont été établis dans plusieurs arrêts parmi lesquels on peut citer Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust] et Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool ] dans laquelle le juge Binnie a indiqué:


45                     Linterprétation téléologique repose donc sur lidentification par la cour, avec laide du lecteur versé dans lart, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon linventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

...

53 [] le mémoire descriptif du brevet sadresse non pas aux grammairiens, aux étymologistes ou au public en général, mais plutôt aux personnes suffisamment versées dans lart dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de linvention [].

 

[12]       Il convient de noter que nous avons procédé à l’interprétation téléologique de toutes les revendications avant l’analyse.  Cependant, dans le but de faciliter la lecture, l’interprétation téléologique des revendications sera présentée en détail lors de l’analyse.

 

[13]       Il est à noter qu’en l’espèce, ni la demanderesse ni l’examinateur n’ont fourni une définition de la personne versée dans l’art.  Il appert que cette personne est un chimiste ayant de l’expérience dans le domaine des céramiques, et en particulier des catalyseurs du type divulgué dans la présente demande.  En l’espèce, cette définition est suffisante pour nous permettre de trancher les questions en litige.  Le point de vue de la demanderesse en ce qui concerne ce qui était connu par la personne versée dans l’art, et qui est exprimé dans le mémoire descriptif et dans les commentaires et arguments de la demanderesse, n’est pas constesté dans notre analyse.

 

Question concernant lacceptabilité des revendications qui incluent un énoncé de résultat souhaité

 

Position de l’examinateur

 

[14]       La position de l’examinateur, exprimée aussi bien dans la décision finale, dans le résumé des motifs que pendant l’audience, peut se résumer comme suit :

 

      les revendications 19-29 visent une composition catalytique qui se distingue d’autres compositions exclusivement par le résultat que les inventeurs espéraient trouver au début de leur recherche;

 


      tout en reconnaissant qu’il est permis d’inclure un énoncé de résultat souhaité dans une revendication et de définir une composition par rapport à ses propriétés physiques ou chimiques, l’examinateur estime qu’il ne devrait pas être permis de revendiquer cette composition en la distinguant des autres compositions connues exclusivement en fonction du résultat souhaité;

 

      en faisant référence aux paragraphes en page 1 de la description - voir texte ci-dessous - l’examinateur rappelle que le résultat souhaité par les inventeurs était celui d’obtenir des compositions catalytiques - à base d’oxyde de cérium et d’oxyde de zirconium - qui présentent une grande surface spécifique à une température élevée.

 

À la page 1 de la description il est écrit :

 

On utilise à lheure actuelle pour le traitement des gaz déchappement des moteurs à combustion interne (catalyse postcombustion automobile) des catalyseurs dits multifonctionnels. Par multifonctionnels, on entend les catalyseurs capables dopérer non seulement loxydation en particulier du monoxyde de carbone et des hydrocarbures présents dans les gaz déchappement mais également la réduction en particulier des oxydes dazote également présents dans ces gaz (catalyseurs "trois voies"). Loxyde de zirconium et loxyde de cérium apparaissent aujourdhui comme deux constituants particulièrement importants et intéressants pour ce type de catalyseurs. Pour être efficaces, ces catalyseurs doivent présenter une surface spécifique importante même à température élevée.

 

Il existe un besoin en catalyseurs susceptibles de pouvoir être utilisés à des températures de plus en plus élevées et, pour cela, présentant une grande stabilité de leur surface spécifique.

 

Lobjet de linvention est donc la mise au point dune composition catalytique pouvant répondre à ce besoin. [soulignement ajouté]

 

      l’examinateur ne conteste pas le fait que la jurisprudence enseigne qu’il est permis d’inclure un énoncé de résultat souhaité dans une revendication.  Il fait remarquer que, dans Burton Parsons Chemicals Inc c Hewlett-Packard (Canada) Ltd (1974), [1976] 1 RCS 555 [Burton Parsons] et dans les autres décisions sur lesquelles la demanderesse a fondé ses arguments - voir plus bas - les revendications qui étaient en litige incluent la solution au problème tandis que l’énoncé du résultat souhaité ne fait que supplémenter la revendication;

 


      l’examinateur est d’avis que, en l’espèce, la surface spécifique de la composition catalytique - la propriété physique - ne représente pas la solution au problème auquel faisaient face les inventeurs.  Il soutient que « la solution » ou « l’aspect inventif », à savoir l’aspect qui différencie la composition de toute autre composition catalytique connue et qui lui permet d’obtenir le résultat souhaité, est absent de la revendication.

 

[3]           L’examinateur a conclu que les revendications ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets. Il a fondé ses arguments en faisant reférence au sous-paragraphe 9.02.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, décembre 2010 et à l’arrêt Free World Trust, précité, dans lequel le juge Binnie a dit:

 

32.  Je le répète, lingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination dun résultat souhaitable, mais bien à lenseignement dun moyen particulier dy parvenir.  La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté dexercer un monopole sur tout moyen dobtenir le résultat souhaité.  Il nest pas légitime, par exemple, de faire breveter un procédé permettant de faire repousser les cheveux dun homme atteint de calvitie et de prétendre ensuite que nimporte quel moyen dobtenir ce résultat emporte la contrefaçon du brevet.

 

[4]           L’examinateur a aussi basé sa conclusion sur l’affaire Pfizer Canada Inc c Novopharm Ltd, 2005 CF 1299, paragraphes 82 à 93 [Pfizer] dans laquelle la revendication 23, qui visait une forme posologique qui ne se distinguait que par sa fonction, a été jugée comme ayant une portée excessive englobant de façon abusive toute forme posologique d’azithromycine dotée de la fonction souhaitable.

 

[5]           Dans Pfizer, la revendication 23 lisait:

 

23. [traduction]         Lutilisation dune quantité thérapeutiquement efficace dazithromycine dans la préparation dune forme posologique pharmaceutique qui na aucune interaction avec les aliments lorsquelle est administrée, dans le cadre dun traitement contre une infection microbienne, à un patient qui a mangé.  [Non souligné dans loriginal]

 

La Cour a commenté au paragraphe 88:

 


La revendication 23 ne revendique pas de formulation particulière d'une forme posologique, elle revendique toute « préparation » d'une forme posologique orale qui peut n'avoir aucune interaction avec les aliments. En d'autres termes, la revendication 23 revendique le résultat souhaité. C'est le même résultat souhaité qui est exprimé différemment par les inventeurs dans la section « Historique de l'invention » dans l'exposé de l'invention : [traduction] « Il serait donc utile que l'azithromycine puisse être administrée à des patients qui ont mangé récemment et également que l'on dispose d'une forme posologique d'azithromycine qui pourrait être administrée à des patients ayant mangé de même qu'à des patients à jeun » (non souligné dans l'original).

 

[6]                             L’examinateur est d’avis que « la solution » ou « l’aspect inventif » réside dans les étapes du procédé dans la mesure où celles-ci permettent d’obtenir le résultat souhaité.

 

[7]                             Il a suggéré que pour que les irrégularités de portée excessive des revendications en litige soient corrigées, il fallait que les revendications définissent les compositions catalytiques selon la façon dont elles peuvent être obtenues, c’est‑à‑dire sous la forme dite de produits fabriqués selon le procédé.

 

Position de la demanderesse

 

[8]                             La position de la demanderesse a été exprimée dans sa réponse à la décision finale ainsi que dans les observations et notes de commentaires soumises pendant et après l’audience.  Elle peut se résumer comme suit :

 

      la demanderesse est d’avis que les revendications ne visent pas seulement un résultat « clairement convoité »;

 

      les compositions catalytiques revendiquées ne sont pas définies uniquement en fonction de leur propriété physique [la surface spécifique qu’elles présentent après calcination à température élevée] mais par cette propriété en combinaison avec des éléments chimiques et de structure;

 

      les revendications ne font pas l’objet d’un rejet pour manque de nouveauté.  Cela signifie donc que la combinaison des éléments qui définissent la composition revendiquée est suffisante pour déterminer que cette composition est nouvelle;

 

      la surface spécifique (après calcination) est une propriété physique parfaitement mesurable selon les conditions établies dans l’art des compositions catalytiques. La valeur mesurée de la surface spécifique traduit des caractéristiques structurelles intrinsèques du produit [composition catalytique] et représente des propriétés physiques véritables, mesurables permettant de différencier la composition revendiquée de toutes les compositions catalytiques antérieures;

 


      il suffirait à une personne versée dans l’art de mesurer la surface spécifique selon les conditions établies dans la demande pour déterminer s’il y a anticipation et/ou contrefaçon de la revendication; et

 

      la demanderesse est d’avis que les faits dans Pfizer, précité, ne sont pas pertinents du fait que la caractéristique qui distinguait le produit dans la revendication 23 en litige était purement qualitative alors qu’en l’espèce la surface spécifique indiquée dans les revendications indépendantes (revendications 19 et 23) est une caractéristique quantitative mesurable, bornée vers le haut et vers le bas.

 

[15]       La demanderesse a également appuyé ses arguments en faisant référence aux décisions rendues dans Schering-Plough Canada Inc c Pharmascience Inc, 2009 CF 1128 [Schering-Plough] et dans Chu v University of Houston (2010), 112 CPR (4th) 41 (CAB et com’re brev) DC 1303 [Chu] où il a été plaidé que les revendications en litige avaient une portée excessive de manière à englober de façon abusive le résultat souhaité et où il a été décidé le contraire.

 

[16]       Par ailleurs, la demanderesse a fait valoir la prédiction valable et l’utilité de l’invention revendiquée.  Cependant, à notre avis il n’est pas nécessaire de considérer de tels arguments pour les raisons suivantes:

 

[17]  Le critère pour déterminer l’utilité des revendications qui englobent des variantes non testées est si la personne versée dans l’art est en mesure ou non de prédire de façon valable que toutes les variantes revendiquées auraient l’utilité souhaitée.  La question de l’utilité ne se pose pas dans la présente espèce.

 

[18]       La question qui se pose en l’espèce est si toutes les variantes revendiquées peuvent être obtenues par la personne versée dans l’art en se basant sur l’enseignement du mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes.  Donc la question en est une de mémoire descriptif qui renferme une divulgation habilitante touchant la portée globale des revendications.

 

Principes juridiques

 

[19]       Les revendications ont été refusées en vertu de l'article 84 des Règles sur les brevets qui édicte ce qui suit :

 


Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle‑ci. [soulignement ajouté]

 

[20]       Dans Re Geron Corp (2011), 93 CPR (4th) 384 (CAB et com’re brev), DC 1309 [Geron], la Commission d’appel a formulé ce qui suit concernant l’article 84:

 

[53]  Étant donné que l'article 84 des Règles est une forme de loi subalterne qui ne peut être appliqué hors du cadre de sa loi habilitante, il devrait être interprété en conjonction avec le paragraphe 27(3) de la Loi, dont les dispositions pertinentes édictent ce qui suit:

 

Le mémoire descriptif doit:

 

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

 

b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention; [...]

 

[54]  Les dispositions équivalentes à celles du paragraphe 27(3) ont été interprétées dans l'arrêt Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] R.C.S. 504, par. 27, 6 C.P.R. (2d) 146:

 

Le paragraphe 36(1) cherche à répondre aux questions suivantes: « En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne‑t‑elle? » Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l'exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited:

 

[TRADUCTION] [. . .] une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n'ayant que le mémoire descriptif, utiliser l'invention avec le même succès que l'inventeur, à l'époque de la demande. [à la p. 316]

 

[55]  Le respect des dispositions des sous‑alinéas 27(3)a) et b) exige donc que le mémoire descriptif décrive de façon exacte et complète l'invention et expose clairement comment l'invention a été mise en pratique, ou du moins comment elle peut l'être: elle doit être réalisable.

 


[21]       Outre les exigences susmentionnées, nous aimerions ajouter les indications données par la jurisprudence que nous considérons pertinentes aux questions soulevées en l’espèce.

 

[22]       Dans Minerals Separation North American Corp v Noranda Mines Ltd (1947), 12 CPR 99 (Ex Ct), le président Thorson a formulé, aux pp 112-113 :

 

[Texte original]           [W]hen it is said that a specification should be so written that after the period of monopoly has expired the public will be able, with only the specification, to put the invention to the same successful use as the inventor himself could do, it must be remembered that the public means persons skilled in the art to which the invention relates, for a patent specification is addressed to such persons. It should, therefore, be looked at through their eyes and read in the light of the common knowledge which they should possess. But it is important to note that such common knowledge must be limited to that which existed at the date of the specification.   [soulignement ajouté]

 

[23]       Dans Ernest Scragg & Sons Ltd v Leesona Corp (1964), 45 CPR 1 (Ex Ct), le président Thorson a considéré une fois de plus le caractère suffisant du mémoire descriptif. Le juge a énoncé en p 99:

 

[Texte original]           It is settled law that a patent specification is not insufficient by reason of the fact that a competent workman of ordinary skill in the art to which the invention relates may have to make trials or experiments in order to accomplish the result of the invention, if such trials or experiments are not themselves inventions and the competent workman can accomplish the desired result by following the teaching of the specification. The specification is sufficient if it enables him to put the invention into practice and sufficient directions are given to him to enable him to know what trials or experiments he may have to make and how to make them[soulignement ajouté]

 

et a constaté en p 101, eu égard aux faits et circonstances de cette affaire :

 

[Texte original]           The fact that he must make trials and experiments in order to accomplish the desired result does not set a problem for him that would invalidate the claims, for the specification prescribes the limits within which the trials and experiments may be made and contains sufficient instructions on how to make them.  [soulignement ajouté]

 

avant de conclure en p 103:


[Texte original]           By following the teachings of the specification the addressee of the patent can put the invention into practice as easily and effectively as the inventors could do themselves.

 

[24]       Finalement, dans Sanofi‑Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 676, aux paragraphes 223 et 227, la juge Snider a considéré que pour avoir un caractère suffisant, le mémoire descriptif doit comporter une divulgation habilitante touchant la portée globale de linvention revendiquée.

 

[25]       Tel que formulé par l’examinateur, les revendications ne sont pas acceptables du fait qu’elles visent un résultat « clairement convoité », à savoir des compositions catalytiques qui présentent, à une température élevée donnée, une plus grande surface spécifique que celle des catalyseurs connus.  Les questions qui se posent alors sont: est-ce que des revendications qui incluent un énoncé de résultat souhaité sont toujours non acceptables? et, sinon, à quelles conditions ces revendications sont-elles acceptables ?

 

[26]                         Nous n’avons trouvé ni dans la jurisprudence citée par l’examinateur ni dans nos propres recherches, qui indique qu’une revendication serait non acceptable du fait qu’elle inclut ce qui pourrait être considéré comme un énoncé de résultat souhaité.  Bien entendu, si une revendication définit seulement un résultat souhaité, autrement dit une revendication constituée seulement d'un énoncé de moyens sans aucune indication d’une réalisation pratique permettant d’atteindre le résultat souhaité, la revendication ne pourrait pas être considérée comme étant acceptable puisqu’elle ne sera qu’une réaffirmation du problème à résoudre.  Cependant, ce n’est pas le cas des revendications en l’espèce.

 

[27]                         Dans la présente espèce, nous devons trancher la question de savoir si des revendications qui incluent, parmi d’autres éléments, ce qui pourrait être considéré comme un énoncé de résultat souhaité (en l’espèce, une propriété physique) sont acceptables.  Le critère que nous considérons déterminant pour trancher les questions soulevées en l’espèce est le critère du caractère suffisant du mémoire descriptif.

 


[28]                         Conformément aux énoncés de la jurisprudence susmentionnés, nous considérons qu’une revendication qui inclut un énoncé de résultat souhaité sera acceptable (en admettant que tous les autres critères de brevetabilité sont remplis) pourvu que le mémoire descriptif fournisse à la personne versée dans l’art un moyen d’atteindre le résultat souhaité dans toute la portée de la revendication.  Si des essais et expériences sont nécessaires pour réaliser le résultat souhaité, le critère du caractère suffisant du mémoire descriptif est rempli si ces essais et expériences ne sont pas eux-mêmes des inventions et si le mémoire descriptif contient suffisamment de renseignements à partir desquels la personne versée dans l’art peut identifier les essais et expériences qu’elle doit avoir à réaliser et comment les exécuter.  Si le mémoire descriptif contient des lacunes et ne fournit pas les renseignements requis, il peut néanmoins être considéré comme présentant un caractère suffisant si la personne versée dans l’art peut faire appel à ses connaissances générales courantes pour combler ces lacunes.

 

Analyse

 

[29]                         Conformément avec ce qui précède et tel qu’indiqué par le comité de révision dans la lettre adressée à la demanderesse en date du 23 juillet 2013 ainsi que pendant l’audience, la question qui se pose pour toutes les revendications (1-29) est celle de savoir si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la portée globale de l’invention revendiquée.

 

[30]                         Dans ce qui suit, nous procéderons à l’interprétation téléologique de chacune des revendications avant de trancher la question portant sur le caractère suffisant du mémoire descriptif et le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

Revendications visant un procédé de préparation dune composition (revendications 1-5 )

 

[31]                         Les revendications 1-5 visent un procédé de préparation d’une composition catalytique binaire définie par des éléments chimiques et de structure connus et par une surface spécifique qui, après calcination 4 heures à 1100°C, est d’au moins 15 m2/g.

 

[32]                         La revendication 1 est rédigée comme suit (les termes qui exigent une clarification sont soulignés) :

 

1.                       Procédé de préparation dune composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1, ladite composition présentant après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique dau moins 15 m2/g, le dit procédé comprenant les étapes suivantes:

 

(a)                     on forme un mélange comprenant des composés du cérium, du zirconium et, le cas échéant, des composés de terre rare;


(b)                     on met en présence ledit mélange avec un composé basique ce par quoi on obtient un précipité;

(c)                     on chauffe en milieux aqueux ledit précipité à une température dau moins 100°C;

(d)                     on ajoute au précipité obtenu à létape précédente un additif, choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, et les acides carboxyliques et leurs sels; et

(e)                     on calcine le précipité ainsi obtenu.

 

« une composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium »

 

[33]                         L’expression « une composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium » serait comprise par la personne versée dans l’art comme se rapportant à une composition catalytique binaire, comprenant deux constituants chimiques bien connus: l’oxyde de cérium et l’oxyde de zirconium.  En effet, la dernière phrase en page 2 de la description laisse sous-entendre que « consistant essentiellement » est utilisé dans cette expression pour indiquer que la composition ne contient pas d’autre oxyde d’un autre élément - sous forme d’une terre rare autre que le cérium - qui puisse être un stabilisant de la surface de la composition catalytique.

 

[34]                         Eu égard à ce qui précède, il semble que la revendication 1 manque de clarté du fait que le produit final du procédé est une composition catalytique binaire alors que l’étape (a) du procédé mentionne les composés de terre rare qui ne sont présents que dans les compositions à trois oxydes et plus. Ce problème sera réglé en modifiant les revendications tel qu’indiqué à la fin de l’analyse.  En particulier, il sera tenu compte des modifications proposées par la demanderesse dans la lettre datée du 15 octobre 2013 pour couvrir clairement le procédé pour obtenir des compositions binaires d'une part, et le procédé pour obtenir des compositions à trois oxydes et plus d'autre part.  Par conséquent, dans l’analyse qui suit, les revendications 1-10 seront considérées comme si elles englobent uniquement des compositions catalytiques binaires tandis que les revendications 11-16 seront considérées comme si elles englobent uniquement des compositions catalytiques à trois oxydes ou plus.

 

« un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1 »

 


[35]                         Le rapport atomique Ce/Zr d’au moins 1 est défini en pages 3 et 4 de la description.  En page 3, lignes 1 à 4, il est indiqué que le rapport atomique de Ce/Zr d’au moins un correspond à la proportion en masse en oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition (à savoir, l’oxyde de cérium et l’oxyde de zirconium - voir page 2, dernier paragraphe) est d’au moins 58%.

 

[36]                         Nous avons vérifié ceci en effectuant le calcul suivant pour déterminer la proportion en masse d’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition lorsque le rapport atomique Ce/Zr est égal à 1:

CeO2           

CeO2 + ZrO2

 

[37]                         En remplaçant les masses atomiques des éléments respectifs, nous obtenons:

 

140.116 + (2)(15.999)                                       = 0.583 = 58%

140.116 + (2)(15.999) + 91.224 + (2)(15.999)

 

En utilisant cette formule, le calcul de la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition lorsque le rapport atomique de Ce/Zr est égal à 2, 3 et 4 donne 74%, 81% et 85%, respectivement.

 

« calcination 4 heures à 1100°C »

 

[38]                         La calcination 4 heures à 1100°C indique que la composition catalytique obtenue est calcinée [chauffée] à haute température, sous air (comme mentionné par exemple à la page 2 de la description) pendant 4 heures à la température élevée de 1100°C.

 

« une surface spécifique dau moins 15 m2/g »

 

[39]                         La surface spécifique est définie en page 2, lignes 17-21 de la description, comme étant la surface B.E.T.  Cette surface est établie par la méthode Brunauer - Emmett - Teller, connue et utilisée depuis plus de 70 ans.  D’une manière générale, la personne versée dans l’art saurait que la surface spécifique d’un matériau est sa superficie par unité de masse - par exemple on peut l’exprimer en m²/g.  Par ailleurs, plus la surface spécifique d’un matériau poreux est grande et plus les pores sont fins.

 


[40]                         Ainsi, l’expression « composition...caractérisée en ce qu’elle présente après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique d’au moins 15 m2/g » serait interprétée comme se rapportant à une composition qui a été calcinée à une température de 1100°C, pendant une durée de temps de 4 heures et dont la surface spécifique est supérieure ou égale à 15 m2/g.  Telle que définie dans la revendication, cette surface spécifique n’a pas de limite supérieure précise.

 

« des composés du cérium, du zirconium »

 

[41]                         Tels que définis en page 5 de la description, les composés du cérium et du zirconium seraient compris par la personne versée dans l’art comme étant des nitrates, sulfates, acétates, chlorures ou nitrates céri-ammoniacaux de cérium et de zirconium.

 

« un additif, choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, et les acides carboxyliques et leurs sels »

 

[42]                         Le terme « additif » dans l’expression « un additif choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, et les acides carboxyliques et leurs sels » serait compris par la personne versée dans l’art comme étant un composé qui peut être choisi parmi un très grand nombre de composés possibles, à savoir les tensioactifs anioniques, tensioactifs non ioniques, polyéthylènes-glycols et acides carboxyliques et leurs sels indiqués en pages 7 à 9 de la description.

 

 « on calcine le précipité »

 

[43]                         L’expression « on calcine le précipité » serait comprise par la personne versée dans l’art comme étant le fait de calciner le précipité à une température entre 300°C et 1000°C et que cette calcination permet de développer la cristallinité du produit formé et peut être ajustée en fonction de la température d’utilisation ultérieure de la composition, en tenant compte du fait que la surface spécifique du produit est d’autant plus faible que la température de calcination est plus élevée.

 

[44]                         Étant donné que plusieurs des termes et éléments ci-dessus sont communs ou similaires à ceux des revendications 2-29, il ne sera pas nécessaire de les interpréter à nouveau.

 


[45]                         Hormis le manque de clarté du fait de l’utilisation d’une terre à l’étape (a) du procédé tel qu’indiqué plus haut, nous considérons que les termes et expressions employés dans la revendication 1 seraient compris par la personne versée dans l’art.  Ils définissent collectivement les limites de la revendication de telle manière que la personne versée dans l’art pourrait comprendre si une composition catalytique donnée se situerait ou non dans le cadre de la revendication.  En d’autres termes, la revendication est claire et concise, tel que l’exigent le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et l’article 84 des Règles sur les brevets.

 

[46]                         Tel qu’indiqué plus haut, afin de déterminer l’acceptabilité de cette revendication, nous devons déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la portée globale de cette revendication.  En l’espèce, il s’agit de déterminer si le procédé décrit permettrait d’obtenir une composition catalytique binaire qui présente, après calcination 4 heures à 1100°C, une surface spécifique égale ou supérieure à 15 m2/g.

 

[47]       Le mémoire descriptif divulgue seulement deux exemples permettant de préparer une composition catalytique qui présente une surface spécifique donnée à température élevée.  Le tableau ci-dessous résume les valeurs des surfaces spécifiques de la composition catalytique binaire de l’exemple 1 et de la composition catalytique à trois oxydes de l’exemple 2:

 

 

 

T°

 

surface spécifique*

 

Exemple 1

catalyseur binaire

 

 

catalyseur binaire

cacalcaca

 

Exemple 2

catalyseur à quatre oxydes

 

 

900°C

 

49 m2/g

 

65 m2/g

 

1000°C

 

31 m2/g

 

42 m2/g

 

1100°C

 

15 m2/g

 

23 m2/g

 

1200°C

 

4 m2/g

 

4 m2/g

 

*surface spécifique après calcination 4 heures à la température T°(10 heures si T° = 1200°C)

 

[48]       L’exemple 1 de la description est le seul exemple qui décrit un procédé qui permet d’obtenir une composition catalytique binaire telle que définie dans la revendication 1 mais dans laquelle le rapport atomique Ce/Zr est égal à 1.  Cette composition catalytique présente, après calcination 4 heures à 1100°C, une surface spécifique égale à 15 m2/g.

 


[49]       La description ne divulgue pas un exemple d’une composition catalytique binaire qui présente, après calcination 4 heures à 1100°C, une surface spécifique supérieure à 15 m2/g.  Nous en déduisons que la personne versée dans l’art doit effectuer des essais ou des expériences pour obtenir une telle composition catalytique.

 

[50]       Cependant, le mémoire descriptif ne divulgue pas suffisamment d’indications permettant à la personne versée dans l’art d’identifier les essais et expériences qu’elles aurait à effectuer pour obtenir cette composition catalytique et comment les exécuter.

 

[51]       Il n’y a rien dans la description qui indique comment la surface spécifique de la composition catalytique varie en fonction des paramètres variables du procédé de la revendication 1 tels que la température de chauffage de l’étape (c), le tensioactif de l’étape (d) ou le rapport atomique Ce/Zr.

 

[52]       Afin de déterminer si les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art permettraient de combler les lacunes du mémoire descriptif, le comité de révision a invité la demanderesse, dans la lettre datée du 23 juillet 2013 et pendant l’audience, à apporter des clarifications quant à la relation qui existe entre les paramètres variables du procédé, et en particulier la relation entre le rapport atomique Ce/Zr et la surface spécifique de la composition catalytique.

 

[53]       La demanderesse ne nous a pas fourni des preuves documentaires ou des affidavits qui montrent comment la personne versée dans l’art, en se basant sur ses connaissances générales courantes, pourrait identifier parmi les paramètres variables du procédé tels que la température du chauffage de l’étape (c) ou le tensioactif de l’étape (d) ceux qui permettraient d’obtenir une composition catalytique qui présente une surface spécifique à la température élevée indiquée différente de celle des exemples décrits dans la description et encore moins ceux qui permettraient d’obtenir une surface spécifique plus grande que celle obtenue dans ces exemples.

 

[54]       Cela nous amène à conclure que, en se basant sur le mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art ne pourrait pas déterminer comment varier la température du chauffage de l’étape (c) ou le tensioactif de l’étape (d) du procédé de la revendication 1 de manière à obtenir une composition catalytique binaire qui présente une surface spécifique supérieure à 15 m2/g.

 


[55]       La seule indication dont nous disposons concerne la relation entre le rapport atomique Ce/Zr et la surface spécifique de la composition.  Dans sa lettre du 20 mars 2008, la demanderesse a affirmé qu’il est bien connu dans l’art que l'augmentation de la teneur en cérium entraîne une diminution de la stabilité de la surface de la composition. Elle a confirmé cela aussi lors de l’audience.  En l’absence de toute preuve du contraire, nous acceptons que cela fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

 

[56]       Sachant que la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que la surface spécifique diminue à mesure que la teneur en cérium augmente, nous déduisons que, toutes choses étant égales par ailleurs, la surface spécifique la plus haute, qui se situe dans la plage revendiquée correspondant à un rapport atomique Ce/Zr égal à un ou plus, devrait être celle de la composition catalytique dans laquelle ce rapport atomique Ce/Zr est égal à 1.  Or, cette composition catalytique est celle obtenue par le procédé décrit dans l’exemple 1 et sa surface spécifique, après calcination 4 heures à 1100°C, est égale à 15 m2/g.

 

[57]       À la lumière de ce qui précède, nous concluons que la description ne comporte pas une divulgation habilitante touchant la portée globale de la revendication 1.  Le mémoire descriptif contient des lacunes quant à l’information requise pour obtenir une composition catalytique qui présente une surface spécifique supérieure à 15 m2/g.  De plus, en l’absence de toute preuve du contraire, rien ne nous permet de conclure que ces lacunes peuvent être comblées par les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.  Ainsi, la revendication 1 ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et donc elle n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[58]       Les revendications dépendantes 2-5 présentent les mêmes irrégularités de la revendication 1 dont elles dépendent et les limitations qu’elles incluent ne permettent pas d’y remédier.

 

Revendications visant une composition catalytique obtenue selon son procédé de préparation (revendications 6-16)

 

[59]       Les revendications 6-16 visent une composition catalytique obtenue selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1-5.

 

[60]       La revendication indépendante 6 est rédigée comme suit :

 


6.                       Composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique dau moins 15 m2/g; ladite composition étant obtenue par le procédé tel que défini dans lune quelconques des revendications 1 à 5.

 

[61]       La revendication 6 vise une composition catalytique binaire, obtenue selon le procédé des revendications 1-5.  Étant donné que cette composition est définie comme dans la revendication 1, elle présente aussi les mêmes irrégularités et pour les mêmes raisons. Par conséquent, cette revendication n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[62]       La revendication indépendante 7 est rédigée comme suit :

 

7.                       Composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 900°C une surface spécifique dau moins 45 m2/g, dau moins 20 m2/g après calcination 4 heures à 1000°C et dau moins 9 m2/g après calcination 4 heures à 1100°C; ladite composition étant obtenue par le procédé tel que défini dans lune quelconques des revendications 1 à 5.

 

[63]        La revendication 7 vise une composition catalytique binaire, obtenue selon le procédé des revendications 1-5, et qui, après calcination à chacune des températures indiquées, présente une surface spécifique donnée, bornée seulement vers le bas.  Nous constatons que même si la valeur de la borne inférieure de cette surface spécifique est inférieure à la surface spécifique de la composition de l’exemple 1, elle est acceptable dans la mesure où elle pourrait être obtenue lorsque le rapport atomique Ce/Zr est supérieur à 1.  Par contre, l’absence de la borne supérieure implique que cette revendication englobe des compositions catalytiques qui présentent une surface spécifique plus grande que celle de l’exemple 1.  Par conséquent, et pour les mêmes raisons que pour la revendication 1, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et elle n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[64]       Les revendications 8-10 dépendent de l’une ou l’autre des revendications 6 et 7. Non seulement, chacune de ces revendications définit la surface spécifique de la composition à des températures différentes que celles indiquées dans les revendications 6 et 7 auxquelles elles renvoient mais aussi la valeur de ces surfaces spécifiques n’est pas bornée vers le haut.  Il est à noter que la personne versée dans l’art saurait que la surface spécifique de la composition catalytique diminue à mesure que la température de calcination augmente.


 

[65]       Par exemple, cette personne saurait que la surface spécifique de la composition calcinée 4 heures à 1100°C serait inférieure à la surface spécifique de la composition, après calcination 4 heures à 1000°C.  Néanmoins, puisque la borne vers le haut n’est pas spécifiée, elle inclut une valeur de surface spécifique supérieure à celle obtenue dans l’exemple 1.  Par conséquent, et pour les mêmes raisons mentionnées plus haut, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[66]       La revendication indépendante 11 est rédigée comme suit :

 

11.                    Composition à base dun oxyde de cérium, dun oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1 et dau moins un oxyde dune terre rare autre que le cérium, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique dau moins 19 m2/g; ladite composition étant obtenue par le procédé tel que défini dans lune quelconques des revendications 1 à 5.

 

[67]       Il est important de noter que bien que présentement cette revendication renvoie à des revendications qui, tel que mentionné plus haut, sont interprétées dans le cadre de notre analyse comme englobant une composition catalytique binaire seulement, puisque ce problème sera réglé en modifiant les revendications tel qu’indiqué à la fin de l’analyse, cette revendication sera considérée, dans l’analyse qui suit, comme renvoyant à des revendications de procédé pour obtenir une composition à trois oxydes et plus.

 

[68]       La revendication 11 contient, en plus des termes et éléments communs ou similaires à ceux de la revendication 1, les expressions ci-dessous qu’il convient d’interpréter.

 

« un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1 »

 

[69]       Nous avons interprété plus haut ce terme en ce qui concerne une composition qui comprend seulement l’oxyde de cérium et l’oxyde de zirconium.  Dans ce cas-là, nous étions en mesure de calculer la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition pour différents rapports atomiques Ce/Zr égaux ou supérieurs à 1.

 


[70]       Cependant, les limitations de la présente revendication, visant une composition constituée de, en plus de l’oxyde de cérium et l’oxyde de zirconium, au moins un autre oxyde de terre rare autre que le cérium, sont insuffisantes pour permettre de calculer pour un rapport atomique Ce/Zr d’au moins un, la proportion spécifique en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition.  En particulier, non seulement la revendication ne précise pas la nature de l’oxyde (ou des oxydes) de terre(s) rare(s) qui est/sont présent(s) dans la composition, mais aussi le rapport atomique entre cette (ou ces) terre(s) rare(s) et les autres éléments connus de la composition n’est pas indiqué.  Tel que rédigée, cette revendication est large au point d’englober des compositions dans lesquelles la proportion de l’oxyde (ou des oxydes) de terre(s) rare(s) constitue la plus grande partie de la composition tandis que la proportion de l’oxyde de cérium et de l’oxyde de zirconim constitue la plus petite.

 

[71]       L’exemple 2 de la description est le seul exemple décrivant une composition catalytique qui comprend trois oxydes et plus.  Ces compositions présentent, après 4 heures de calcination à 1100°C, une surface spécifique de 23 m2/g.  Cet exemple comprend quatre oxydes dont les proportions en masse par rapport à l’ensemble de la composition sont les suivantes:

 

CeO2 (60%) : ZrO2 (30%) : LaO2 (3%): PrO2 (7%)

 

[72]       Cette revendication définit une composition qui présente après 4 heures de calcination à 1100°C, une surface spécifique d’au moins 19 m2/g, sans préciser une borne supérieure.  Bien que cette revendication englobe des compositions qui présentent une surface spécifique inférieure ou égale à celle obtenue et décrite, à savoir une surface spécifique comprise entre 19 m2/g et 23 m2/g, le mémoire descriptif contient des lacunes quant à l’information requise pour obtenir une composition catalytique qui présente une surface spécifique supérieure à 23 m2/g, après calcination 4 heures à 1100°C.  De plus, en l’absence de toute preuve du contraire, rien ne nous permet de conclure que ces lacunes peuvent être comblées par les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.  Par ailleurs, il n’y a aucune indication au dossier qui permet de conclure que la personne versée dans l’art serait en mesure d’obtenir la surface spécifique indiquée dans cette revendication, y compris la surface dont la valeur se situe entre 19 m2/g et 23 m2/g, lorsque la proportion de l’oxyde de cérium et de l’oxyde de zirconium constitue une partie plus petite que celle de l’exemple 2.

 


[73]       Par conséquent, nous concluons que la description ne comporte pas une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de la revendication 11, en particulier concernant toutes les proportions en masse de l’oxyde de cérium et de l’oxyde de zirconium par rapport à l’ensemble de la composition.  Cette irrégularité se retrouve dans toutes les revendications qui englobent des compositions catalytiques à trois oxydes et plus.

 

[74]       Cependant, nous considérons qu’il est possible de remédier à cette irrégularité en spécifiant une proportion en masse d’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition qui a une certaine relation avec la proportion utilisée dans l’exemple 2.  En pages 3 et 4 de la description, il est indiqué que, concernant les compositions à trois oxydes et plus, la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%.  Si cette limitation est inclue dans les revendications qui englobent des compositions catalytiques à trois oxydes et plus, l’irrégularité mentionnée ci-dessus serait corrigée.

 

[75]       Nous poursuivrons notre analyse de la revendication 11 (et de toute les autres revendications englobant des compositions catalytiques à trois oxydes et plus) pour déterminer si cette revendication présente le caractère réalisable dans toute sa portée, en supposant que la modification ci-dessus a été apportée et que cette revendication inclut la limitation indiquée quant à la proportion en oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition.

 

« composition à base dun oxyde de cérium, dun oxyde de zirconium... et dau moins un oxyde dune terre rare autre que le cérium »

 

[76]       L’expression « composition à base dun oxyde de cérium, dun oxyde de zirconium..et dau moins un oxyde dune terre rare autre que le cérium » serait interprétée par la personne versée dans l’art comme étant une composition à trois oxydes ou plus, comprenant, en plus des oxydes de cérium et de zirconium, au moins un oxyde d’une autre terre rare.  La terre rare est définie en page 2, lignes 24-26 et en page 3, lignes 22-29 comme étant un des éléments du groupe constitué par l’yttrium et les éléments de la classification périodique de numéro atomique compris inclusivement entre 57 et 71, par exemple, le lanthane, le néodyme et le praséodyme.  La teneur en oxyde de terre rare est aussi clairement définie en page 3, lignes 30-35.

 


[77]       La revendication 11 vise une composition catalytique à trois oxydes ou plus, obtenue selon le procédé des revendications 1-5, et qui présente, après calcination à 1100°C, une surface spécifique donnée dont la valeur est bornée seulement vers le bas.  L’exemple 2 de la description décrit un procédé permettant d’obtenir ce type de composition catalytique.  Nous constatons que même si la valeur de la borne inférieure de cette surface spécifique est inférieure à la surface spécifique de la composition de l’exemple 2, elle est acceptable dans la mesure où elle pourrait être obtenue lorsque le rapport atomique Ce/Zr est supérieur à 1 (c.-à-d., lorsque la proportion en masse d’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est supérieur à 58%).  En revanche, l’absence de la borne supérieure implique que cette revendication englobe des compositions catalytiques qui présentent une surface spécifique plus grande que celle de l’exemple 2.  Par ailleurs, la composition de cette revendication contient au moins un autre oxyde d’une terre rare qui peut être choisie parmi plusieurs terres rares.  Étant donné qu’il n’y a rien dans le mémoire descriptif ou dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art qui indique un avantage à choisir une terre rare plutôt qu’une autre, la terre rare utilisée dans l’exemple 2 et les terres rares énumérées dans la description seront considérées comme étant équivalentes les unes aux autres.  Par conséquent, nous concluons que, pour les mêmes raisons que pour la revendication 1, cette revendication ne présente pas de caractère réalisable dans toute sa portée et n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 


[78]       Les revendications 12-16 incluent des limitations qui ne permettent pas de remédier aux irrégularités de la revendication 11 dont elles dépendent.  Par ailleurs, non seulement, chacune de ces revendications définit la surface spécifique de la composition à des températures différentes que celles indiquées dans la revendication 11 à laquelle elles renvoient mais aussi la valeur de ces surfaces spécifiques n’est pas bornée vers le haut.  Pour les mêmes raisons que mentionnées dans le cas des revendications 8-10 et puisque la borne vers le haut n’est pas spécifiée, elle inclut une valeur de surface spécifique supérieure à celle obtenue dans l’exemple 2.  Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.  De plus, en ce qui concerne la revendication 14, celle-ci définit une composition catalytique qui, après calcination 4 heures à 1200°C, présente une surface spécifique bornée vers le bas qui est supérieure à celle de l’exemple 2.  Dans l’exemple 2, la surface spécifique obtenue, après calcination 10 heures à 1200°C, est égale à 4 m2/g alors que la surface spécifique indiquée dans cette revendication est d’au moins 6 m2/g. Par conséquent, et pour les mêmes raisons mentionnées plus haut, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et est non conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications indépendantes 17-18 qui renvoient aux revendications 11-16

 

[79]       Les revendications 17 et 18 visent un système catalytique et un procédé de traitement de gaz d’échappement des moteurs à combustion interne et englobent la composition catalytique de l’une quelconque des revendications 11-16.

 

[80]       La revendication indépendante 17 est rédigée comme suit :

 

17.                    Système catalytique, caractérisé en ce quil comprend un revêtement à base dune composition selon lune quelconque des revendications 11-16, sur un substrat.

 

[81]       La revendication indépendante 18 est rédigée comme suit :

 

18.                    Procédé de traitement de gaz déchappement des moteurs à combustion interne, caractérisé en ce quon utilise à titre de catalyseur, un système catalytique selon la revendication 17 ou une composition selon lune quelconque des revendications 11-16.

 

[82]       Les revendications 17-18 présentent les mêmes irrégularités des revendications 11-16 auxquelles elles renvoient et les limitations qu’elles incluent ne permettent pas d’y remédier.  Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications visant une composition catalytique en tant que telle (revendications 19-27)

 

[83]       Les revendications 19-27 visent une composition catalytique définie par des éléments chimiques et de structure connus et par la surface spécifique qu’elle présente après calcination 4 heures à une température élevée donnée.

 

[84]       La revendication indépendante 19 est rédigée comme suit :

 


19.                    Composition consistant essentiellement en un oxyde de cérium et en un oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1000°C une surface spécifique comprise entre 20 m2/g et 31 m2/g.

 

[85]       En appliquant le critère du caractère suffisant de la description de la même manière que dans le cas de la revendication 1, nous concluons que cette revendication présente un caractère réalisable dans toute sa portée puisqu’elle vise une composition catalytique binaire qui présente une surface spécifique qui, après calcination 4 heures à 1000°C, est bornée vers le bas et vers le haut et la valeur de la borne supérieure de la surface spécifique est la même que celle dans l’exemple 1, à savoir 31 m2/g.  La valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et que la personne versée dans l’art pourrait obtenir cette valeur, en augmentant la teneur en cérium dans la composition, tel qu’indiqué plus haut.  Par conséquent, nous considérons que la revendication 19 est conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[86]       Les revendications 20-22 dépendent de la revendication 19 et se lisent comme suit:

 

20.                    Composition selon la revendication 19, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 900°C une surface dau moins 45 m2/g, et dau moins 9 m2/g après calcination 4 heures à 1100°C.

 

21.                    Composition selon la revendication 20, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique dau moins 15 m2/g.

 

22.                    Composition selon lune quelconque des revendications 19 à 21, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1200°C une surface spécifique comprise entre 2 m2/g et 4 m2/g.

 


[87]       Les revendications 20 et 21 dépendent, directement ou indirectement, de la revendication 19 que nous avons jugée acceptable.  Cependant, puisque ces revendications définissent de nouveaux points de données qui ne sont pas définis dans la revendication 19, on doit déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de ces revendications.  Les revendications 20 et 21 englobent des compositions catalytiques binaires qui présentent une surface spécifique qui, après calcination 4 heures à 900°C et à 1100°C, respectivement, ont une surface plus grande que celle obtenue dans l’exemple 1, après calcination à ces températures.  Or, la personne versée dans l’art, en se basant uniquement sur le mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes, ne saurait pas comment obtenir une composition catalytique binaire qui présente, après calcination à chacune des températures élevées indiquées, une surface spécifique plus grande que celle de la composition binaire obtenue dans l’exemple 1, après calcination à la même température.  Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[88]       La revendication 22 définit une composition catalytique qui, après calcination 4 heures à 1200°C, présente une surface spécifique bornée vers le bas et vers le haut et dont la borne supérieure est celle de l’exemple 1, à savoir 4 m2/g.  La valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et que, tel qu’indiqué plus haut, la personne versée dans l’art pourrait obtenir cette valeur, en augmentant la teneur en cérium dans la composition.  Cependant, du fait que cette revendication inclut les limitations des revendications 20 et 21 dont elle dépend, elle est considérée comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute sa portée et donc elle est non conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[89]       La revendication indépendante 23 est rédigée comme suit :

 

23.                    Composition à base dun oxyde de cérium, dun oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr dau moins 1 et dau moins un oxyde dune terre rare autre que le cérium, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1100°C une surface spécifique comprise entre 19 m2/g et 23 m2/g.

 

[90]       Nous avons déterminé plus haut que les revendications qui englobent des compositions catalytiques à trois oxydes et plus ont une portée trop large du fait qu’elles ne précisent pas que la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%.  Cette revendication n’est donc pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 


[91]       Cependant, en supposant que l’irrégularité ci-dessus est corrigée, en appliquant le critère du caractère suffisant de la description de la même manière que dans le cas de la revendication 19, nous concluons que cette revendication présenterait un caractère réalisable dans toute sa portée puisqu’elle vise une composition catalytique à trois oxydes ou plus qui, après calcination 4 heures à 1100°C, présente une surface spécifique bornée vers le bas et vers le haut et dont la valeur de la borne supérieure est la même que celle de la composition catalytique de l’exemple 2, à savoir 23 m2/g.  La valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et que, tel qu’indiqué plus haut, la personne versée dans l’art pourrait obtenir cette valeur, en augmentant la teneur en cérium dans la composition.  Par conséquent, si la revendication 23 est modifiée tel que mentionné plus haut, c.-à-d., pour inclure la limitation quant à la proportion en masse d’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition et qui est d’au moins 58%, nous considérons que cette revendication serait conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[92]       La revendication 24 dépend de la revendication 23 et est rédigée comme suit:

 

24.                    Composition selon la revendication 23, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 900°C une surface dau moins 60 m2/g et dau moins 35 m2/g après calcination 4 heures à 1000°C.

 

[93]       La revendication 24 dépend de la revendication 23 qui serait acceptable si l’irrégularité indiquée ci-dessus est corrigée.  Cependant, puisqu’elle définit de nouveaux points de données qui ne sont pas définis dans la revendication 23, on doit déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de cette revendication.  En suivant le même raisonnement que dans le cas des revendications 21 et 22, nous arrivons à la conclusion que la personne versée dans l’art ne saurait pas comment obtenir la composition catalytique à trois oxydes et plus de cette revendication.  Par conséquent, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et elle est donc non conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[94]       La revendication 25 dépend de la revendication 23 et est rédigée:

 

25.                    Composition selon la revendication 23 ou 24, caractérisée en ce quelle présente après calcination 4 heures à 1200°C une surface spécifique comprise entre 3 m2/g et 6 m2/g.

 


[95]       La revendication 25 définit une composition catalytique qui, après calcination 4 heures à 1200°C, présente une surface spécifique bornée vers le bas et vers le haut et dont la borne supérieure est plus grande que celle de la composition catalytique de l’exemple 2.  Dans l’exemple 2, la surface spécifique obtenue, après calcination 10 heures à 1200°C, est égale à 4 m2/g alors que la borne supérieure de surface spécifique indiquée dans cette revendication est égale à 6 m2/g. Par conséquent, et pour les mêmes raisons mentionnées plus haut, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et est non conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.  De plus, elle présente les mêmes irrégularités que les revendications 23 et 24 dont elle dépend et les limitations qu’elle inclut ne permettent pas de corriger ces irrégularités. Pour cette raison aussi, elle est considérée comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute sa portée et est, en conséquence, non conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[96]                         Les revendications 26-27 qui dépendent des revendications 23-25 ont les mêmes irrégularités que ces dernières et les limitations qu’elles incluent ne permettent pas de corriger ces irrégularités.  Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications indépendantes 28-29 qui renvoient aux revendications 19-27

 

[97]       Les revendications 28 et 29 sont des revendications indépendantes qui englobent la composition catalytique de l’une quelconque des revendications 19-27 et sont rédigées comme suit :

 

28.                    Système catalytique, caractérisé en ce quil comprend un revêtement à base dune composition selon lune quelconque des revendications 19 à 27, sur un substrat.

 

29.                    Procédé de traitement de gaz déchappement des moteurs à combustion interne, caractérisé en ce quon utilise à titre de catalyseur, un système catalytique selon la revendication 28 ou une composition selon lune quelconque des revendications 19 à 27.

 

[98]       Les revendications 28-29 incluent des limitations qui ne permettent pas de remédier aux irrégularités des revendications 20-27 auxquelles elles renvoient.  Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Modifications recommandées

 


[99]       Tel que nous l’avons interprétée plus haut, la revendication 1 de procédé manque de clarté du fait que son préambule indique que le produit final est une composition catalytique binaire alors que l’étape (a) du procédé mentionne les composés de terre rare qui ne sont présents que dans les compositions à trois oxydes et plus.  Ce manque de clarté entraîne aussi des problèmes de manque d’antécédent dans certaines revendications (celles qui englobent les compositions à trois oxydes et plus) qui renvoient à la revendication 1.  De plus, tel que nous l’avons mentionné plus haut, les revendications qui englobent une composition catalytique à trois oxydes et plus ont une portée trop large du fait qu’elles ne précisent pas la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition.

 

[100]   Nous avons examiné la lettre de la demanderesse du 15 octobre 2013 ainsi que ses propositions de modifications aux revendications qui y étaient jointes.

 

[101]   L’Annexe 5 de la lettre contient des propositions de modifications à des revendications qui n’ont pas été refusées dans la décision finale ou le résumé des motifs.  Ces modifications ont pour effet de couvrir clairement le procédé pour obtenir les compositions binaires d'une part, et le procédé pour obtenir les compositions à trois oxydes et plus d'autre part.  Elles ont aussi pour effet de modifier la valeur des surfaces spécifiques indiquées dans certaines revendications.  Hormis cela, le libellé des revendications proposées est le même ou très similaire à celui des revendications au dossier.

 

[102]                     Bien que les modifications proposées permettent de remédier aux problèmes d’antécédence et de manque de clarté de certaines revendications présentement au dossier, elles ne corrigent pas leur irrégularité portant sur le caractère réalisable.  En effet, pour les mêmes raisons présentées dans l’analyse, les revendications proposées ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée.  De plus, les modifications proposées ne permettent pas de remédier au problème des revendications qui englobent les compositions catalytiques à trois oxydes et plus qui ont une portée trop large du fait qu’elles ne précisent pas la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition.

 


[103]   Par conséquent, afin de remédier aux irrégularités des revendications 1-29 présentement au dossier, ces revendications devraient être remplacées par les revendications 1-32 proposées.  Les revendications indépendantes 7, 16, 17 et 27 doivent préciser que la proportion en oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%.  De plus, dans les revendications qui définissent des surfaces spécifiques à une température élevée donnée, la valeur de ces surfaces spécifiques devrait correspondre à la valeur des surfaces spécifiques correspondante indiquée dans le tableau ci-dessous.  Il est à noter que la valeur de la borne supérieure indiquée est acceptable du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et réalisée (dans ce cas, elle correspond à celle de la composition catalytique obtenue dans l’exemple 1 ou 2) et la valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et que, tel qu’indiqué plus haut, la personne versée dans l’art pourrait obtenir une composition catalytique qui présente une telle surface spécifique en augmentant la teneur en cérium dans la composition. Par ailleurs, il convient de noter que la valeur de la borne inférieure est indiquée dans les revendications au dossier, et la recherche des antériorités effectuée par l’examinateur n’a révélé aucun document pertinent qui divulgue ou rend évident l’objet revendiqué.

 

 

 

T°

 

catalyseurs binaires

 

catalyseurs à trois oxydes et plus

 

revendications

proposées

 

surface spécifique

comprise entre

 

revendications

proposées

 

surface spécifique

comprise entre

 

900°C

 

1, 6, 13, 14, 25

 

45 m2/g et 49 m2/g

 

18, 28

 

60 m2/g et 65 m2/g

 

1000°C

 

1, 6, 13, 14, 24

 

20 m2/g et 31 m2/g

 

18, 28

 

35 m2/g et 42 m2/g

 

1100°C

 

1, 6, 13, 14, 25

 

9 m2/g et 15 m2/g

 

7, 12, 16, 17, 27

 

19 m2/g et 23 m2/g

 

1200°C

 

15, 26

 

2 m2/g et 4 m2/g

 

19

 

3 m2/g et 4 m2/g

 

[104]   Il est à noter que la modification de ces revendications entraîne la redondance des revendications 6, 12, 14 et 17. Ces revendications devraient être soit supprimées, et dans ce cas les autres revendications devraient être renumérotées de façon appropriée, soit ces revendications devraient être modifiées de façon à définir la surface spécifique égale à celle de la borne supérieure et qui correspond à celle de l’exemple 1 ou 2.

 

Commentaires concernant la jurisprudence citée par lexaminateur et la demanderesse

 

[105]                     La question relative à la portée excessive des revendications qui visent un résultat souhaité a été traitée dans la jurisprudence mais il n’y a pas à notre connaissance une décision dont les faits sont semblables à ceux de la présente espèce.  En particulier, dans les décisions traitant de cette question, les revendications ne visaient pas un produit qui ne se distinguait des produit connus que par une propriété physique souhaitée.  Néanmoins, nous avons jugé utile d’apporter quelques commentaires concernant la jurisprudence citée par l’examinateur et la demanderesse.


 

[106]   Nous avons pris connaissance des faits dans l’affaire Burton Parsons, précitée, qui a été évoquée par l’examinateur et par la demanderesse pendant l’audience.  Nous estimons que les faits dans cette affaire sont bien différents de ceux de la présente espèce.  La question à trancher dans cette affaire portait sur l’utilité de l’objet visé par les revendications, à savoir l’utilité d’une crème pour électrocardiographes contenant un sel très ionisable pour assurer une bonne conductibilité électrique et qui est compatible avec une peau normale alors que dans la présente espèce, la question porte sur le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.  Il est à noter que dans cette affaire la Cour a jugé que la personne versée dans l’art posséderait les connaissances nécessaires pour déterminer parmi les sels indiqués ceux qui seraient utiles.

 

[107]   Nous avons lu la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Free World Trust, précité, auquel l’examinateur a fait référence, et nous n’avons rien trouvé dans cette décision qui aide notre analyse de la question qui est devant nous, à savoir la question touchant le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.  En particulier, le paragraphe 32 de cette décision, auquel l’examinateur réfère, ne fait qu’énoncer que lorsqu’un breveté a obtenu un brevet revendiquant une méthode permettant de réaliser un résultat donné, on ne peut pas soutenir que toute méthode permettant de réaliser le même résultat est visée par les revendications.  Tel qu’énoncé par la Cour: « La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d’exercer un monopole sur tout moyen d’obtenir le résultat souhaité ».  La Cour a appliqué ce principe aux faits de cette affaire et a trouvé que l’objet revendiqué « le circuit » ne peut pas être extensible au point d’inclure le microcontrôleur de l’appareil commercialisé par la présumée contrefactrice Électro Santé.  Par conséquent, l’appareil de Électro Santé n’était pas visé par le monopole revendiqué.

 

[108]   La décision rendue dans Free World Trust n’indique rien quant à l’acceptabilité des revendications qui incluent un énoncé de résultat souhaité.  Tel que nous avons indiqué plus haut, à notre avis, si une revendication définit seulement un résultat souhaité, à savoir une revendication constituée seulement d'un énoncé de moyens sans aucune indication d’une réalisation pratique permettant d’atteindre le résultat souhaité, la revendication ne pourrait pas être considérée comme étant acceptable puisqu’elle ne sera qu’une réaffirmation du problème à résoudre. Cependant, tel que nous l’avons montré dans l’analyse, ce n’est pas le cas des revendications en l’espèce.

 


[109]   Dans Pfizer, précité, citée par l’examinateur, la revendication 23 en litige visait l’utilisation de l’azithromycine pour la préparation de la forme posologique orale qui peut n’avoir aucune intéraction avec les aliments.  Le résultat que les inventeurs espéraient obtenir était la forme posologique orale d’azithromycine qui aurait la fonction ou l’effet recherché. Cette forme posologique était le moyen permettant d’obtenir le résultat souhaité mais elle n’était pas définie de façon à indiquer une réalisation pratique permettant d’atteindre le résultat souhaité.  En d’autres termes, la revendication 23 ne revendiquait pas la forme qui a été effectivement obtenue mais englobait toute forme posologique orale dazithromycine possible pourvu quelle ait leffet recherché, à savoir, aucune intéraction avec les médicaments.  En revanche, ceci n’est pas le cas en l’espèce.  Cela aurait été le cas si par exemple la composition catalytique en l’espèce était définie par des éléments et de structure connus, à savoir l’oxyde de cérium, l’oxyde de zirconium dans un rapport atomique Ce/Zr d’au moins 1, et comme présentant une « grande stabilité de sa surface spécifique » à une température élevée donnée.

 

[110]   Dans l’affaire Schering-Plough, précitée, à laquelle l’examinateur et la demanderesse ont fait référence, la question de portée excessive des revendications a été traitée dans deux instances de brevets concernant une composition pharmaceutique dans laquelle la descarbonyléthoxyloratadine (DCL) est stable.  Dans l’un des brevets, la description indiquait que la stabilité de la DCL est due au caractère « anhydre » de la composition.  Cependant, l’interprétation du mot « anhydre », basée sur sa définition dans la description et sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, n’a pas permis d’établir une limite absolue du contenu en eau qui satisferait aux exigences relatives à la nature « anhydre » de la composition (voir paragraphes 54 et 55).  Ces revendications ont été jugées comme ayant une portée excessive puisqu’elles visent « toute composition stable de DCL...quelle que soit la raison de sa stabilité » (voir paragraphe 136).  À notre avis, ce cas est similaire au cas de Pfizer ci-dessus et donc se distingue de la présente espèce pour les même raisons.

 


[111]   Par contre, dans le cas du deuxième brevet de Schering-Plough, précitée, il a été plaidé que les revendications en litige étaient trop larges puisqu’elles englobaient toute quantité d’un sel basique pourvu que cette quantité protège la DCL contre la dégradation.  Cependant, ces revendications ont été jugées comme n’ayant pas une portée excessive du fait que le moyen trouvé pour réduire la dégradation de la DCL était l’utilisation (la présence) d’un sel basique couplée à la non‑utilisation d’excipients acides et ne portait pas sur la quantité précise du sel. De plus, dans ce cas, la juge a estimé que la personne versée dans l’art posséderait les connaissances nécessaires pour déterminer la stabilité de tout rapport du sel basique sur la DCL (voir paragraphe 213).

 

[112]                     Par ailleurs, en prenant connaissance des affaires susmentionnées, nous avons constaté que, de façon similaire à la présente espèce, dans chacune des affaires où la Cour a jugé que les revendications avaient une portée excessive (ne visant qu’un résultat souhaité) le mémoire descriptif ne comportait pas une divulgation habilitante touchant la portée globale de ces revendications.  De plus, les connaissances de la personne versée dans l’art ne permettaient pas de combler les lacunes du mémoire descriptif.

 

[113]   Nous aimerions aussi apporter quelques commentaires à propos de deux décisions de la commissaire aux brevets auxquelles la demanderesse a fait référence.

 

[114]   Dans la décision Chu, précitée, les revendications qui étaient en litige visaient un produit défini par une formule nominale M*aA*bOy et par une propriété souhaitée - sa supraconductivité à une température de 77°C.  Il semble que dans ce cas, la combinaison de la formule nominale et de sa propriété supraconductrice était suffisante pour distinguer le produit de tout autre produit connu.  Cependant cette décision, où il a été fait référence à Burton Parsons, précité, et jugé que les revendications en litige ne visaient pas un résultat souhaité, ne nous aide pas dans notre analyse puisque la question portant sur le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée n’a pas été traitée.

 

[115]   Enfin, l’analyse faite dans Geron, précité, est pertinente du faite que, de façon similaire à notre analyse dans la présente espèce, les revendications qui visaient un extrait de télomérase et incluaient un énoncé de résultat souhaité, à savoir le degré de pureté de la télomérase, ont été jugées acceptables à condition que la portée de chaque revendication ne soit pas excessive au point d’englober un extrait de télomérase ayant un degré de pureté qui dépasse celui qui pouvait être réalisé par la personne versée dans l’art en se basant sur le mémoire descriptif.

 

Autres questions soulevées par lexaminateur

 

[116]   L’examinateur a aussi soulevé les questions suivantes:

 

      les revendications 19-29 omettent-elles une caractéristique essentielle et doivent-elles être rédigées sous forme de produit-par-le procédé?


 

      les revendications 20, 21 et 24 revendiquent-elles plus que ce qui a été inventé?

 

[3]           Nous estimons que, dans la présente espèce, le critère déterminant pour trancher les questions ci-dessus est le critère du caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

[4]           La question de savoir si les revendications présentent un caractère réalisable dans toute leur portée a déjà été traitée précédemment, y compris pour les revendications ci-dessus et il n’est pas nécessaire de la traiter à nouveau. Nous avons déterminé précédemment que seule la revendication 19 présente le caractère réalisable dans toute sa portée.

 

[5]           Dans le cas d’une revendication qui présente un caractère réalisable dans toute sa portée, nous ne voyons pas de problème à ce qu’elle vise un produit en tant que tel, indépendamment de son procédé de préparation.

 

[6]           Pour les autres revendications, il suffit de les modifier tel qu’indiqué à la fin de l’analyse pour les rendre acceptables et conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.


Recommandations du comité

 

[7]           En résumé, nous recommandons que le commissaire informe la demanderesse que:

 

1)       les revendications 1-18 et 20-29 sont non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets;

 

2)       la revendication 19 est conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets,

 

et que le commissaire informe la demanderesse que les modifications suivantes sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles:

 

3)       remplacement des revendications 1-29 au dossier par les revendications 1-32 proposées en date du 15 octobre 2013 en s’assurant que:

 

      chacune des revendications 7, 16, 17 et 27 inclut une limitation spécifiant que la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%;

 

      dans les revendications qui définissent des surfaces spécifiques à une température élevée donnée, la valeur de ces surfaces spécifiques soit celle indiquée dans le tableau qui figure à la fin de l’analyse; et

 

      la redondance des revendications 6, 12, 14 et 17 qui résulte de ces modifications soit évitée en procédant tel qu’indiqué dans le dernier paragraphe de l’analyse.

 

 

 

 

 

 

Assia Semra

 

Mark Couture

 

Paul Fitzner

 

Membre

 

Membre

 

Membre

 


Décision du commissaire

 

[4]           Je souscris aux conclusions et recommandations de la Commission d’appel des brevets et informe la demanderesse que:

 

1)         les revendications 1-18 et 20-29 sont non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets;

 

2)         la revendication 19 est conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets;

 

et conformément à l’alinéa 31(b) des Règles sur les brevets, j’informe la demanderesse que les modifications suivantes sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles:

 

3)      remplacement des revendications 1-29 au dossier par les revendications 1-32 proposées en date du 15 octobre 2013 en s’assurant que: a) chacune des revendications 7, 16, 17 et 27 spécifie que la proportion en masse de l’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition est d’au moins 58%; b) dans les revendications qui définissent des surfaces spécifiques à une température élevée donnée, la valeur de ces surfaces spécifiques soit celle indiquée dans le tableau qui figure à la fin de l’analyse; et c) la redondance des revendications 6, 12, 14 et 17 qui résulte de ces modifications soit évitée en procédant tel qu’indiqué dans le dernier paragraphe de l’analyse.

 

[5]           J’invite la demanderesse à apporter les modifications ci-dessus, et seulement ces modifications, dans les trois mois de la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends refuser la demande. Si ces modifications sont effectuées dans les trois mois de la date de la présente décision, je considérerai les questions en litige comme ayant été tranchées.

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce 26e jour de février 2014

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.