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Décision du Commissaire no 1363

Commissioner’s Decision #1363

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS : A -20, F-01, O -00, C-00

TOPICS: A - 20, F-01, O -00, C-00

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,423,099

Application No. : 2,423,099

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

L’examinateur ayant refusé la demande de brevet no 2,423,099 en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont révisé ce refus. La recommandation de la Commission et la décision du commissaire sont les suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Représentant du demandeur

 

MARKS & CLERK 

C.P. 957

Succursale B

Ottawa (Ontario)  K1P 5S7

 

 


Introduction

 

1 ]         La demande numéro 2,423,099 a été déposée le 5 septembre 2001 et est intitulée « DIAMANT POLYCRISTALLIN À FORTE DENSITÉ VOLUMIQUE COMPORTANT UN MATÉRIAU CATALYSEUR À SURFACES DE TRAVAIL APPAUVRIES ». Le demandeur est CAMCO INTERNATIONAL (UK) LIMITED et les inventeurs sont Nigel Dennis Griffin et Peter Raymond Hughes.

 

2 ]         La demande a été refusée parce que certaines revendications ont été déclarées comme étant antériorisées ou évidentes, et parce qu'une revendication recoupait (double brevet relatif à une évidence) une revendication d'un brevet connexe appartenant aussi au demandeur.

 

3 ]         L'examen a été demandé le 17 juin 2005 et trois rapports ont été envoyés, le premier ayant été envoyé le 28 mai 2007. L'examinateur a rendu une décision finale le 12 janvier 2011. Le 9 juillet 2012, de nouvelles revendications ont été présentées en réponse à la décision finale, et l'examinateur a transmis la demande à la Commission d'appel des brevets (CAB), de pair avec un résumé des motifs. Les motifs de refus ont été maintenus dans le résumé des motifs et on y identifie une nouvelle irrégularité dans la description.

 

Invention

 


4 ]         L'invention concerne un diamant polycristallin (DPC) ou un élément de type diamant utilisé dans des outils de coupe ou de forage, offrant une résistance à l'usure améliorée avec maintien de la résistance aux chocs. Ces éléments sont formés à partir d'un matériau catalyseur de liant selon un processus haute température et haute pression (HTHP). L'élément DPC présente un corps comportant une pluralité de cristaux de diamant ou de type diamant liés, formant une matrice de diamant continue à densité volumique supérieure à 85 %. Les interstices des cristaux de diamant forment une matrice interstitielle continue contenant un matériau catalyseur. Le corps de la matrice de diamant est formé et intégralement lié à un substrat métallique contenant le matériau catalyseur pendant le processus HTHP. Le corps de la matrice de diamant présente une surface de travail. Une partie de la matrice interstitielle du corps adjacent à cette surface de travail ne contient sensiblement pas de matériau catalyseur, la matrice interstitielle restante contenant pour sa part un matériau catalyseur.

 

Questions de procédure et examen préalable à l'audience

 

5 ]         Le résumé des motifs a été transmis au demandeur, de pair avec une convocation à une audience ou à produire une observation écrite. En plus des irrégularités énoncées dans la décision finale, il est allégué dans le résumé des motifs que le mémoire descriptif ne décrit pas l'invention de manière exacte et complète, et n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Dans le résumé des motifs, il est expliqué qu'à la page 29, aux lignes 24 à 26, se trouve une déclaration inadmissible selon laquelle les revendications doivent être perçues comme étant plus générales que les enseignements tirés de la description. La présence de cette irrégularité signifie qu'il y a eu un changement de pratique au Bureau après l'envoi de la décision finale.

 

6 ]         Les membres de la Commission (« le comité ») ont examiné le dossier écrit. Le comité a demandé à l'examinateur de mettre à jour les motifs d'évidence à l'aide de la démarche d'examen des critères relatifs à l'évidence en quatre étapes énoncée dans SanofiSynthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 SCC 61 [Sanofi]. L'examinateur a fourni une analyse supplémentaire qui a été transmise au demandeur le 19 juillet 2013, de pair avec des questions du comité. Le demandeur a été invité à fournir une observation écrite, y compris un ensemble de revendications proposées.

 

7 ]         Le demandeur a soumis une observation écrite le 26 septembre 2013. Une audience a été tenue le 18 octobre 2013.

 

Interprétation de la revendication

 


8 ]         Nous amorçons notre analyse par une interprétation téléologique des revendications. Pendant l'interprétation téléologique, on détermine si les éléments de l'invention revendiquée sont essentiels ou non essentiels. Free World Trust c, Electro Sante Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]. Voir aussi l'énoncé de pratique 2013-02 intitulé « Examination Practice Respecting Purposive Construction » daté du 8 mars 2013 [PN2013-02], lequel présente les grandes lignes de la pratique que suit le Bureau pour faire une interprétation téléologique des revendications. Pour qu'un élément soit considéré « non essentiel », « il faut établir que, suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que, à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué ou omis sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention » [notre traduction] (Free World Trust, au para 55). L'interprétation téléologique est faite selon une démarche équilibrée et éclairée, en tenant compte du mémoire descriptif dans son ensemble en regard des connaissances générales courantes, y compris une compréhension de la signification des termes utilisés dans les revendications, ainsi que du problème et de la solution abordés dans la demande. Une fois établie, la solution permet d'éclairer la sélection des éléments qui sont essentiels à l'invention revendiquée. Bien que certains éléments d'une revendication puissent avoir une incidence sur le fonctionnement d'un mode de réalisation défini par la revendication, il est possible qu'ils ne soient pas essentiels (c.-à.-d. qu'ils peuvent être omis ou variables) au fonctionnement de l'invention pour l'application de la solution au problème. 

 

La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes pertinentes

 

9 ]         Dans le résumé des motifs, la personne versée dans l’art est définie comme suit :

 

une équipe de scientifiques, d'ingénieurs ou de technologues qui travaillent à la création ou à l'amélioration de diamants polycristallins utilisés pour l'excavation, l'extraction minière, la coupe, le travail ou le forage de la roche, de la pierre, du béton et autre matériau dur semblable à l'aide d'une variété d'outils.

 

10 ]     Le demandeur n'a exprimé aucun désaccord à cet égard, et nous sommes d'avis que cette définition de la personne versée dans l'art est correcte. Par conséquent, elle est adoptée pour les besoins de ces motifs.

 

11 ]     L'analyse supplémentaire énonce aussi les connaissances générales courantes que détient l'équipe compétente, lesquelles sont paraphrasées ci-dessous :

 


(a) un diamant polycristallin préformé (DPC) comprend un corps fait d'un matériau polycristallin extra dur comportant une pluralité de cristaux de diamant liés, formés intégralement d'un substrat métallique, comme du carbure de tungstène avec un liant du groupe fer, plusieurs régions interstitielles parmi les cristaux de diamant et un matériau catalyseur.

(b) les éléments DPC sont généralement connus pour leur utilisation dans les travaux de coupe, par exemple pour les outils de perçage fixes ou à trépans à molettes, lorsqu'ils sont insérés dans des culots de perceuse ou lorsqu'ils sont fixés à la tige d'une machine-outil pour l'usinage. Divers documents de brevet ont été cités pour illustrer ces utilisations, y compris une référence pertinente.

(c) la poudre de diamant dont les particules présentent des tailles différentes peut être utilisée dans la fabrication d'éléments DPC afin d'accroître les propriétés de résistance à l'usure (à la lumière de la page 2 de la présente demande où divers documents de brevet sont cités).

(d) il est généralement connu que la résistance à l'usure peut varier selon la répartition de la taille des particules et donc, la masse volumique apparente des particules de diamant; et que la taille des particules de diamant variant de 10 à 100 microns a été étudiée en profondeur. L'analyse supplémentaire cite à l'appui les demandes US5468268 et US5135061 (colonne 4, lignes 38 à 58, aussi citées dans la présente demande) et fait aussi référence à la page 2 de la présente demande, qui indique que « [Traduction] la résistance à l'usure peut être modifiée en changeant la taille moyenne des particules de diamant et qu'il existe un compromis inhérent entre la force d'impact et la résistance à l'usure dans ces modèles ».

(e) dans les modes de réalisations des DPC où le corps de diamant représente un volume de 85 à 95 % et le matériau liant catalyseur un volume de 5 à 15 % de l'élément de coupe, on sait que de tels éléments peuvent être affectés par la dégradation thermique en raison de : (i) l'expansion thermique différentielle entre le matériau liant catalyseur et la matrice de diamant à une température de 400 °C; et (ii) la présence du liant catalyseur, lequel favorise la transformation du diamant en graphite à une température de 750 °C.


(f) pour réduire la dégradation thermique, les éléments DPC thermiquement stables ont été produits dans la technique à l'aide d'une méthode de lixiviation acide (voir la page 4, aux lignes 16 à 24 de la présente description). L'analyse subséquente indique également que l'existence de deux enjeux issus des éléments DPC thermiquement stables était connue : (i) l'absence de résistance aux chocs; et (ii) l'absence d'un substrat collant convenable pour l'installation sur des outils.

 

12 ]     En réponse, le demandeur a indiqué qu'il n'acceptait pas que les enseignements tirés de brevets particuliers constituent nécessairement « des connaissances générales courantes ». Aucun raisonnement précis n'a été fourni pour définir ce en quoi consistent les connaissances générales courantes ou pour réfuter les déclarations de l'examinateur. Bien que nous soyons d'accord pour dire que certains brevets ne constituent pas nécessairement des connaissances générales courantes, les documents cités en référence nous semblent suffisamment bien connus et nous estimons qu'ils sont entrés dans les connaissances générales. On le remarque particulièrement dans la description de la technique connexe aux pages 1 à 8 de la présente demande, qui soutient les déclarations sur les connaissances générales courantes des points (a) à (f) ci-dessus. Comme l'a souligné Pelletier J. dans Illinois Tool Works Inc. c. Cobra Fixations Cie / Cobra Anchors Co., 2002 CFPI 829 aux paragraphes 97 à 100, « [Traduction] les connaissances générales courantes peuvent inclure la connaissance de certains brevets qui sont suffisamment connus pour être entré dans les connaissances générales, mais n'inclut pas la connaissance de l'ensemble des brevets dans le domaine de l'invention ». 

 

13 ]     Nous notons également qu'en réponse à notre question (dans notre lettre datée du 19 juillet 2013) à propos de la profondeur de 0,1 mm précisée dans la revendication 7 et de ce à quoi devrait correspondre la profondeur requise dans la revendication 1 (la profondeur qui ne contient pratiquement pas de matériau catalyseur), le demandeur a indiqué (à la page 10 de sa lettre) que « [Traduction] le mémoire descriptif contient suffisamment d'information pour qu'une personne versée dans l'art choisisse la profondeur appropriée selon l'application voulue ». À la page 12 de la réponse, le demandeur a expliqué l'interrelation avec la profondeur, le retrait du matériau catalyseur et la densité du volume, en ce sens que ces « [Traduction] divers paramètres doivent être choisis par la personne versée dans l'art ». Cela est conforme aux connaissances générales courantes (c) et (d) ci-dessus, et aux limites ou problèmes connus des connaissances générales courantes (e) et (f).

 

14 ]     À notre avis, la personne versée dans l'art à laquelle le demandeur fait référence détient nécessairement les connaissances générales courantes énoncées aux points (a) à (f) ci-dessus. Après avoir examiné le mémoire descriptif (et la description de la technique connexe aux pages 1 à 8), nous concluons que les déclarations sur les connaissances générales courantes sont exactes et correspondent aux besoins des présents motifs.

 


15 ]     Durant l'audience, on a demandé au demandeur de préciser comment la personne versée dans l'art qui lie Shuji et al. en viendrait à retirer le matériau catalyseur.  Dans le cas échéant, l’enseignement de Shuji et al. est-il différent de la présente demande? Le demandeur soutient que la méthode de base est la même, et que le retrait du matériau catalyseur par une personne versée dans l’art n’est qu’une question de temps et de soin. Par conséquent, nous considérons qu'à la date de la revendication, la personne versée dans l'art savait bien, qu’elle devait retirer tout le matériau catalyseur ou une portion de ce dernier. Puisque la présente demande ne spécifie ou ne privilégie aucune façon particulière de retirer ce matériau catalyseur, la méthode ou le mode de retrait à utiliser serait également bien connu de la personne versée dans l'art et figurerait parmi l'un des nombreux choix de modèles finis.

 

Le problème abordé

 

16 ]     Aux pages 1 à 8 de la présente demande, on définit plusieurs problèmes liés à la technique, qui mènent vers le besoin d'un DPC thermiquement stable muni d’une résistance suffisante aux chocs (résistance à l'usure) et d’un corps DPC contenant un substrat collant. 

 

17 ]     Tel qu’indiqué dans les connaissances générales courantes énoncées en (e) et (f), certaines questions (ou problèmes) liées à la technique auraient été connues de la personne versée dans l'art, à savoir : le problème relatif à (i) l'expansion thermique différentielle entre le matériau liant catalyseur et la matrice du diamant; et (ii) la présence d'un matériau liant catalyseur favorisant la transformation du diamant en graphite à une température de 750 °C. En outre, conformément aux connaissances générales courantes énoncées en (f) et à la présente demande, la personne versée dans l'art connaît certaines limites ou certains problèmes relativement aux éléments DPC thermiquement stables : (i) l'absence de résistance aux chocs; et (ii) l'absence d'un substrat collant convenable pour l'installation sur des outils.

 

18 ]     L'analyse subséquente souligne ces problèmes ou questions comme étant bien connus de la personne versée dans l'art. Le demandeur n'a produit aucune observation abordant la résolution du problème ou contestant les conclusions de l'examinateur relativement aux problèmes connus liés à la technique. 

 

 

 

 


Les revendications et les éléments essentiels

 

19 ]     Les revendications 1 à 11 soumises en réponse à la décision finale figurent au dossier et seront examinées. La revendication 1 est représentative de l'invention :

 

1.    Un élément de coupe en diamant polycristallin préformé comprenant :

un corps fait d'un matériau polycristallin extra dur comportant une pluralité de cristaux de diamant liés, formés intégralement d'un substrat métallique, plusieurs régions interstitielles parmi les cristaux de diamant et un matériau catalyseur; le corps du diamant présente une densité d'au moins 85 % par volume et une surface de travail sur laquelle une première région interstitielle adjacente à au moins une portion de la surface de travail est sensiblement exempte de matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur et une deuxième région interstitielle dans une portion du corps, en contact avec le substrat, contient le matériau catalyseur;

la première région interstitielle s'étend sous la surface de travail et la deuxième région interstitielle présente une épaisseur moyenne de plus de 0,15 mm; les cristaux de diamant liés ont une caractéristique thermique qui fait en sorte qu'à une température de 950 °C sur la surface de travail, on obtient une température de moins de 750 °C en profondeur.

 

20 ]     La solution ou l'invention présentée dans la revendication 1 concerne les problèmes susmentionnés. Les caractéristiques énoncées dans la revendication 1, comme la densité du diamant de 85 % par volume, une première région interstitielle sensiblement exempte du matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur, une deuxième région contenant le matériau catalyseur et les cristaux de diamant liés présentant une caractéristique thermique faisant en sorte qu'une température de 950 °C sur la surface de travail donne une température de moins de 750 °C en profondeur, sont tous des éléments essentiels à la résolution des problèmes abordés dans la présente demande. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, ces problèmes concernent l'expansion thermique différentielle entre le matériau liant catalyseur et la matrice de diamant, la transformation du diamant et graphite à une température de 750 °C, et la possibilité d'éviter des problèmes comme l'absence de résistance aux chocs et l'absence d'un substrat collant convenable pour l'installation sur des outils.

 


21 ]     Par conséquent, la personne versée dans l'art estimerait que les éléments de la revendication 1 sont essentiels, puisque chacune de ces caractéristiques a un effet important sur le fonctionnement de l'invention et ne peut être substituée ou omise sans affecter le fonctionnement de l'invention.

 

22 ]     L'interprétation de la revendication ne soulève aucun désaccord dans l'instruction de la demande, sauf que le demandeur considère que le fait d'être « sensiblement exempte du matériau catalyseur » est distinctif de l'art antérieur. Avant l'audience, le comité a demandé au demandeur de préciser certains aspects des revendications, par exemple les caractéristiques suivantes énoncées dans la revendication 1 : « selon une certaine profondeur » (at a depth); « sensiblement exempte » (substantially free); et toute limite structurale particulière imposée par les caractéristiques thermiques présentées dans la revendication 1. Ces précisions et les réponses du demandeur seront abordées ci-dessous et dans le contexte des questions particulières, au besoin.

 

23 ]     À la page 20 de la présente demande, l'expression « sensiblement exempte » est définie en ces termes :

 

Dans ce mémoire descriptif, lorsque l'expression « sensiblement exempte » est utilisée pour faire référence au matériau catalyseur (64) dans les interstices (62), dans la matrice interstitielle (68) ou dans un volume du corps (8), il faut comprendre que de nombreuses surfaces des cristaux de diamant (60) adjacents, sinon toutes, peuvent encore être revêtues du matériau catalyseur (64). Pareillement, lorsque l'expression « sensiblement exempte » est utilisée pour faire référence au matériau catalyseur (64) sur les surfaces des cristaux de diamant (60) il peut rester encore du matériau catalyseur (64) dans les interstices adjacents (62) [je souligne].

 

24 ]     Dans le résumé des motifs, l'examinateur note cette information et souligne de plus que la correspondance du demandeur datée du 9 juillet 2008 définit l'expression « sensiblement exempte » comme désignant une surface « exempte de presque tout, mais pas tout », le matériau catalyseur. Nous sommes d'avis que la personne versée dans l'art lisant les revendications de la présente demande adopterait cette définition de l'expression « sensiblement exempte ». Les observations de la demandeur relativement à l'expression « sensiblement exempte » seront prises en considération dans l'examen des critères relatifs à l'évidence.

 


25 ]     En ce qui concerne la caractéristique suivante : « [Traduction] les cristaux de diamant liés ont une caractéristique thermique qui fait en sorte qu'à une température de 950 °C sur la surface de travail, on obtient une température de moins de 750 °C en profondeur », certaines limites structurales seraient imposées, par exemple concernant la profondeur dans la revendication 1. Comme il a été indiqué plus tôt en ce qui concerne les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, il existe une interrelation avec la profondeur, le retrait du matériau catalyseur et la densité volumique, et ces paramètres seraient sélectionnés par la personne versée dans l'art, sans effort déraisonnable ou capacité inventive, pour obtenir les caractéristiques thermiques énoncées dans la revendication 1.

 

26 ]     Les revendications 2 à 6, 8 et 9 sont ultimement liées à la revendication 1, mais comportent des éléments supplémentaires, comme :

➢    l'élément de coupe est fixé sur la face tranchante du trépan de forage rotatif d'un outil de perçage fixe;

➢    l'élément de coupe est fixé sur le corps d'un trépan de forage à molettes;

➢    l'élément de coupe dont la surface de coupe est adaptée pour être utilisée comme plaquette de coupe pour l'usinage;

➢    le substrat est du carbure de tungstène avec un liant du groupe fer;

➢    la première région interstitielle se prolonge sous la surface de travail jusqu'à une profondeur correspondant à au moins le diamètre moyen des cristaux de diamant;

➢    les particules des cristaux de diamant présentent une taille moyenne variant de 30 microns à environ 60 microns;

➢    la majeure partie du matériau catalyseur qui reste dans la deuxième région interstitielle du corps adhère aux surfaces des cristaux de diamant.

 

27 ]     La revendication 7 indique que « [Traduction] la première région interstitielle se prolonge sous la surface de travail jusqu'à une profondeur d'au moins 0,1 mm ». À la lumière de l'exigence en matière d'uniformité entre les revendications indépendantes et dépendantes, le comité a demandé au demandeur de préciser la profondeur requise de la première région interstitielle dans la revendication 1, étant donné cette limite. Le demandeur a répondu en indiquant qu'il doit y avoir une profondeur suffisante dans la deuxième région (corps principal) pour lier les cristaux, c.-à-d. que 0,15 mm suffit; dans le cas de la première région interstitielle, le minimum type est de 0,1 mm, bien que la profondeur peut être moindre si la densité du diamant dans la section du corps se rapproche de 99 %.

 

28 ]     En réponse à la décision finale, la revendication 10 a été définie comme étant dépendante de la revendication 1 seulement, comme suit :

 


10.   Un élément de coupe en diamant polycristallin préformé selon la revendication 1, où une quantité de matériau catalyseur dans la première région interstitielle du corps diminue continuellement en fonction de l'augmentation de la distance par rapport à la deuxième région interstitielle.

 

29 ]     Dans notre lettre au demandeur, nous avons demandé une explication concernant l'interprétation du terme « sensiblement » dans le contexte de la revendication 10, laquelle dépend de la revendication 1. C'est parce que, d'une part, la revendication 10 indique qu'« [Traduction] une quantité de matériau catalyseur dans la première région interstitielle du corps diminue continuellement en fonction de l'augmentation de la distance par rapport à la deuxième région interstitielle ». D'autre part, il est indiqué dans la revendication 1 que « [Traduction] la première région interstitielle est sensiblement exempte du matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur ». Les deux exigences ne sont pas compatibles. Dans sa réponse, le demandeur a reconnu cette divergence et a proposé de supprimer la revendication 10, puisqu'elle n'était pas conforme à l'interprétation exacte et prépondérante de la revendication 1. Par conséquent, la revendication 10 ne sera pas étudiée davantage dans le cadre de cet examen, puisqu'elle ne serait pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et parce que cette irrégularité sera résolue par la suppression de ladite revendication, comme l'a proposé le demandeur.

 

30 ]     Donc, notre analyse tiendra compte de la revendication 1 telle qu'elle existe indépendamment des limites énoncées dans la revendication 10, à savoir : « [Traduction] une quantité de matériau catalyseur dans la première région interstitielle du corps diminue continuellement en fonction de l'augmentation de la distance par rapport à la deuxième région interstitielle ».

 

31 ]     La revendication 11 précise que dans tous les modes de réalisation énoncés dans les revendications 1 à 10, au moins 30 % du corps englobe la deuxième région interstitielle.

 

Références citées

 

32 ]     Dans sa décision finale, l’examinateur s'est appuyé sur les références suivantes :

 

Brevet canadien : double brevet relatif à une « évidence »

 

2 423 102 (ci-après 102)       28 mars 2002      Griffin et al.

 

publication des brevets japonais : antériorisation et évidence


59219500            10 décembre 1984       Shuji et al.

 

Examen du refus – Questions

 

33 ]    Comme il a été mentionné plus tôt, les motifs de refus de cette demande énoncés dans la décision finale concernent le double brevet relatif à une évidence, la non-conformité à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets et la non-conformité à l'alinéa 28.1(1)b) de la Loi sur les brevets (absence de nouveauté). De plus, il est allégué dans le résumé des motifs que le mémoire descriptif ne décrit pas l'invention de manière exacte et complète, et n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

34 ]     Le 26 septembre 2013, en réponse à l'analyse supplémentaire, le demandeur a proposé une revendication 1 modifiée et a fait valoir la question de l'inventivité à la lumière des revendications proposées.

 

35 ]     L'analyse qui suit se base sur l'ensemble des revendications 1 à 11 telles que soumises en réponse à la décision finale, comme l'exigent les Règles sur les brevets. Après en avoir  pris connaissance, nous les évaluerons au besoin. 

 

Double brevet

 

36 ]     La décision finale et le résumé des motifs indiquent que la revendication 10 de la présente demande définit un élément de coupe en diamant polycristallin qui ne revêt pas de caractère brevetable distinct par rapport aux des revendications 1, 4, 5 et 6 du brevet ’102.

 

37 ]     Comme nous l'avons déjà mentionné, dans notre lettre au demandeur, nous avons demandé de justifier l’emploi du terme « sensiblement » dans les contextes des revendications 1 et 10. Puisque le demandeur a reconnu que le contexte de la revendication 10 n'était pas le même que celui de la revendication 1, il a proposé de supprimer la revendication 10 – voir la section « Interprétation de la revendication ». Par conséquent, aucune évaluation n'est requise pour déterminer s'il y a matière à double brevet relatif à l'évidence entre la revendication 10 de la présente demande et les revendications 1, 4, 5 et 6 du brevet ’102.

 


38 ]     En tenant compte des arguments soulevés dans la décision finale, le comité a aussi demandé au demandeur d’aborder la question de double brevet relatif à l'évidence quant aux revendications 1 et 7 de la présente demande, et de la revendication 2 du brevet ’102. Notre analyse ci-dessous tient compte des revendications 1 et 7 à la lumière des revendications 1, 2 et 4 à 6 du brevet ’102.

 

Principes juridiques du double brevet relatif à une « évidence »

 

39 ]     La prohibition frappant le double brevet est une doctrine reconnue par les tribunaux. Elle a pour but d'empêcher l'octroi de plus d'un brevet à un même requérant pour une même invention ou pour des variations évidentes de cette même invention. Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 SCC 67, [Whirlpool] est considéré comme étant l'arrêt de principe en matière de double brevet. Dans cet arrêt, la Cour suprême a clairement expliqué les motifs qui sous-tendent la règle interdisant le double brevetage et a examiné les deux volets selon lesquels cette règle peut s'appliquer.

 

40 ]     Le premier volet est appelé double brevet relatif à la « même invention » et s'applique aux situations où les revendications sont identiques ou contiguës.

 

41 ]     Le deuxième volet est appelé double brevet relatif à une « évidence ». Il s'agit d'un critère plus souple et moins littéral qui s'applique aux situations où les revendications ne renferment pas « d'élément brevetable distinct » (Whirlpool au paragraphe 66). Afin d'éviter une décision de double brevet relatif à une évidence, la revendication doit présenter des aspects novateurs lorsqu'on la compare à la revendication de référence (Bayer Schering Pharma Aktiengesellschaft c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 275, au paragraphe 30). 

 

Les revendications 1 et 7 de la présente demande revêtent-elles un élément brevetable distinct de celui des revendications 1, 2, 4, 5 et 6 du brevet ’102?

 

42 ]     À la page 4 de la réponse du demandeur à la décision finale, il est souligné que les points (f), (k) et (l) de la revendication 1 contribuent à un élément brevetable distinct par rapport au brevet ’102. Cependant, nous n'avons qu'à tenir compte de l'observation du demandeur en réponse à notre lettre pour résoudre cette question.

 


43 ]     Comme nous en avons discuté dans l'interprétation de la revendication, la signification de l'expression « sensiblement exempte » dans la première région interstitielle de la revendication 1 ne dénote pas la même exigence que dans la revendication 1 du brevet ’102. Celui-ci indique que « [Traduction] le reste du matériau catalyseur dans le deuxième volume du corps diminue constamment en fonction de la distance par rapport au premier volume ». Cela correspond à la caractéristique énoncée dans la revendication 10 de la présente demande et constitue une caractéristique essentielle de la revendication 1 du brevet ’102.

 

44 ]     En réponse à notre lettre, et abordant l'ensemble de revendication proposées, le demandeur a fait valoir ce point, affirmant que « [Traduction] la revendication 1 du brevet ’102 inclut précisément la limite selon laquelle le deuxième volume (qui correspond à la première région interstitielle dans la présente demande) contient le reste du matériau catalyseur dont la quantité diminue avec la distance ». Comme il s'agit d'un élément essentiel de la revendication, il ne pouvait pas soulever la question du double brevet relatif à l'évidence, puisque la revendication 10 a été supprimée. Le comité est d'accord avec ce raisonnement, puisqu'il s'applique à la question du double brevet de la revendication 1 de la présente demande, à la lumière de la revendication 1 du brevet ’102. 

 

45 ]     Au vu de l'observation du demandeur et de la nécessité de supprimer la revendication 10, nous estimons qu'il n'y a pas de double brevet dans la revendication 1, à la lumière des revendications 1, 2 et 4 à 6 du brevet ’102. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de double brevet dans la revendication 7 à la lumière des revendications du brevet ’102. 

 

Évidence  

 

46 ]     L'examinateur est d'avis que les revendications 1 à 9 et 11 ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

Principes de droit (caractère évident)

 

47 ]     L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l'information en regard de laquelle une revendication peut être considérée comme évidente :

 

28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

 


a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

48 ]     Une démarche en quatre étapes permettant d'évaluer l'évidence est énoncée comme suit dans Sanofi :

 

(1)   (a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

(b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)   Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

93)   Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)   Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Analyse

 

Étape 1 : La « personne versée dans l'art » et les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

49 ]     La première étape est commune à l'interprétation de la revendication ci-dessus. Voir la section « Interprétation de la revendication » aux paragraphes 9 à 15.

 

Étape 2 : Concept inventif

 

50 ]     Au vu du dossier dont nous sommes saisis, nous acceptons le concept inventif défini dans le passage suivant de l'analyse supplémentaire :

 


. . accroître la résistance à la chaleur (c.-à-d. réduire la dégradation thermique) d'un élément de coupe en diamant polycristallin préformé comportant une densité volumique du diamant d'au moins 85 %, sans perte de résistance aux chocs, par le retrait du matériau catalyseur (sensiblement exempt) dans une première région interstitielle adjacente à la surface de travail jusqu'à une certaine profondeur, et par le maintien du matériau catalyseur dans une deuxième région interstitielle dans une portion du corps qui est en contact avec le substrat, où la deuxième région interstitielle a une épaisseur moyenne de plus de 0,15 mm et où les cristaux de diamant liés présentent une caractéristique thermique faisant en sorte qu'une température de 950 °C sur la surface de travail donne une température de moins de 750 °C en profondeur.

 

51 ]     Le concept inventif ci-dessus est une paraphrase de la revendication 1 et s'applique à l'ensemble des revendications. Toutes les caractéristiques additionnelles distinctives dans les revendications dépendantes alléguées par le demandeur seront abordées, au besoin. 

 

52 ]     Dans son observation, le demandeur n'a pas abordé le concept inventif. Toutefois, elle a mis l'accent sur le fait que le texte ajouté à la revendication 1 (une limite supplémentaire concernant la graphitisation catalytique) était inventif et distinctif par rapport à Shuji et al. Comme il a été mentionné précédemment, les revendications proposées seront abordées après l'analyse des revendications telles qu'elles ont été présentées.

 

Étape 3 :  Les différences entre l’« état de la technique » (Shuji et al.) et l’idée originale

 

53 ]     L'évaluation faite dans le cadre de l'analyse supplémentaire conclut que les différences entre le concept inventif et les enseignements tirés de Shuji et al. sont les suivantes :

 

I.    Les cristaux de diamant liés ont une caractéristique thermique qui fait en sorte qu'à une température de 950 °C sur la surface de travail, on obtient une température de moins de 750 °C en profondeur », comme il est expliqué dans la revendication 1.

II.    L'élément de coupe préformé de la revendication 1 est installé sur le corps d'un trépan de forage à molettes, comme il est expliqué dans la revendication dépendante 3.

III.   Les particules des cristaux de diamant énoncées dans la revendication 1 présentent une taille moyenne variant de 30 microns à environ 60 microns, comme il est expliqué dans la revendication 8;


IV.   La majeure partie du matériau catalyseur qui reste dans la deuxième région interstitielle du corps adhère aux surfaces des cristaux de diamant, comme il est expliqué dans la revendication 9.

 

54 ]     Notre évaluation tiendra au moins compte de ces différences, étant donné l'absence d'une observation concernant la question de savoir si ces différences sont complètes. Cependant, nous notons également les différences suivantes par rapport à Shuji et al. qui ont été soulevées par le demandeur en réponse à la décision finale, quoique sous forme d'antériorisation :

 

V.   Shuji et al. ne décrivent aucune diminution de quantité de matériau catalyseur dans la partie de l'élément adjacent à la surface de travail comme entraînant dans cette section l'élimination presque complète de ce matériau, faisant en sorte que la surface en devient « sensiblement exempte ».

VI.   Bien que Shuji et al. fassent référence au traitement d'une surface de la couche de diamant pour en retirer une partie du matériau catalyseur, Shuji et al. n'expliquent que le retrait d'une proportion du matériau catalyseur et, par conséquent, une portion importante de ce matériau demeure en place.

VII.  Shuji et al. font référence au retrait de « la majorité » ou de « la plupart » du catalyseur, et même si l'examinateur a relevé une référence au retrait de « presque tout » le catalyseur dans les enseignements tirés de Shuji et al., il est inexact de considérer les enseignements tirés de Shuji et al. comme une référence.

VIII. La technique expliquée dans Shuji et al. pour retirer le matériau catalyseur ne permet pas de retirer sensiblement tout le matériau catalyseur. L'utilisation d'une technique de gravure par étincelage décrite par Shuji et al. ne conviendrait pas à la coupe d'un élément duquel presque tout le matériau catalyseur a été retiré. Par conséquent, les techniques de gravure par étincelage en fonctionnent pas avec les éléments de coupe desquels tout ou presque tout le matériau catalyseur a été retiré. La référence Shuji et al. ne peut donc pas être perçue comme évidente, mais elle est plutôt incompatible.

 

55 ]     Les arguments V à VIII ci-dessus sont interreliés, en ce sens que l'examinateur et le demandeur ne s'entendent pas sur la question de savoir si l'expression « sensiblement exempte de matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur » dans le concept inventif est différente par rapport à Shuji et al., qui indique ceci :


« [Traduction] une couche de diamant fritté composite, de laquelle la phase liante a été retirée de la couche de surface ».    

« [Traduction] La majeure partie du métal ferreux liant est retirée d'une zone qui couvre au moins 0,2 mm de la couche en surface du diamant fritté ».

– « Mode de réalisation 1 : Retrait de presque toute la phase liante à base de cobalt sur un rayon de 0,5 mm à partir de la surface de l'objet en diamant fritté ».

« Mode de réalisation 2 : un objet fritté duquel la majeure partie de la phase liante à base de cobalt a été retirée.

 

56 ]     La personne versée dans l'art qui lie Shuji et al. et qui en comprend la signification  pourrait conclure qu'à partir des termessoulignés que presque tout le matériau catalyseur doit être retiré. Le fait que le matériau catalyseur dans Shuji et al. doit être retiré de la surface est la solution visant le problème résolu dans Shuji et al., à savoir une performance accrue des machines-outils à base de diamant offrant une résistance suffisante à l’usure tout en contrôlant ou en prévenant l'expansion thermique et la transformation du diamant en graphite.

 

57 ]     De plus, tel que noté dans l'interprétation d’une revendication, l'interprétation téléologique de l'expression « sensiblement exempte » dans la revendication 1 serait que la surface est « exempte de la quasi-totalité » du matériau catalyseur. Cela est conforme à la description de la page 20, laquelle indique qu'il peut rester « [Traduction] un revêtement de matériau catalyseur et que celui-ci peut être présent dans les interstices adjacents ». 

 

58 ]     Par conséquent, nous ne sommes pas d'accord avec la position du demandeur concernant l'expression « sensiblement exempte » aux points V à VIII ci-dessus, puisqu'une personne versée dans l'art comprendrait que le terme « sensiblement » dans la revendication 1 ne se distingue pas des termes « retiré », « la plupart » et « la majorité » employés par Shuji et al. 

 


59 ]     L'argument au point VIII concernant la technique de gravure par étincelage utilisée par Shuji et al. a été présenté pour expliquer que le retrait de presque tout le matériau catalyseur ne conviendrait pas à l'utilisation de la technique de gravure par étincelage pour la coupe des éléments décrits dans Shuji et al. Le demandeur a aussi produit le témoignage de l'expert M. Hall qui, à la page 17, explique que les dispositifs en diamant fritté présentés dans Shuji et al. et qui ont subi une lixiviation électrolytique ne peuvent pas être sensiblement exempts du matériau catalyseur parce que la gravure par étincelage nécessite un chemin conducteur; il indique aussi que cette information était connue à ce moment-là. 

 

60 ]     Aux pages 9a-10 et 18 de la présente demande, on explique qu'une méthode de retrait du matériau catalyseur consiste à le lixivier des interstices, et qu'une méthode de retrait du matériau catalyseur de la surface peut également se faire par décharge électrique ou autre processus électrique ou galvanique, ou encore par évaporation. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, ces techniques auraient été bien connues de la personne versée dans l'art avant la date de la revendication, et aucune technique en particulier n'est soulignée dans la présente demande pour veiller à ce que la zone soit « exempte de presque tout, mais pas de tout » le matériau catalyseur. Voir la section « Interprétation de la revendication ».

 

61 ]     Lors de l'audience, le demandeur a indiqué que l'explication relative à la gravure par étincelage donnée en réponse par l'expert serait admissible telle quelle, sans autre explication.

 

62 ]     Bien que l'utilisation de la gravure par étincelage par Shuji et al. constitue un élément distinctif, puisque la présente demande ne parle pas de la technique de coupe utilisée, nous estimons qu'il n'existe aucune différence concernant l'expression « sensiblement exempte » telle qu'elle a été revendiquée et qu'une telle distinction ne serait pas évidente pour une personne versée dans l'art. La personne versée dans l'art lisant la présente demande à la date de la revendication appliquerait ces connaissances générales courantes afin de s'assurer qu'une quantité suffisante de matériau catalyseur est retirée afin d'obtenir la solution revendiquée (une résistance suffisante à l'usure et le contrôle de l'expansion thermique et de la transformation du diamant en graphite). La personne versée dans l'art utiliserait des techniques de coupe appropriées et connues, au besoin. En outre, la personne versée dans l'art lisant Shujii et al. comprendrait les enseignements selon lesquels il faut retirer presque tout, mais pas tout (c.-à-d. « sensiblement » tout) le matériau catalyseur.

 

63 ]     À la lumière de l'analyse ci-dessus, nous ne considérons pas que les points V à VIII du demandeur énoncés au paragraphe 54 constituent des différences. Nous concluons que les points I à IV, tels qu'ils ont été identifiés au paragraphe 53 représente des différences entre le concept inventif et l'état de la technique, comme le comprendrait la personne versée dans l'art lisant Shuji et al.

 

Étape 4 – Revendication 1 : Ces différences « constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art (différence I ci-dessus)?

 


64 ]     La différence par rapport à l'état de la technique dans le cas de la revendication 1 est que les cristaux de diamant liés ont une caractéristique thermique qui fait en sorte qu'à une température de 950 °C sur la surface de travail, on obtient une température de moins de 750 °C en profondeur », comme il est expliqué dans la revendication 1 (Différence I).

 

Interprétation de l'examinateur relativement à l'évidence

 

65 ]     L'analyse supplémentaire indique que Shuji et al. ont reconnu les problèmes de dégradation associée aux cristaux de diamant liés soumis à une température de 750 °C et ont expressément indiqué que les éléments de coupe préformés divulgués aux présentes sont conçus pour surmonter ce problème. L'analyse supplémentaire indique que Shuji et al. présentent exactement le même problème que dans la présente demande, soit précisément qu'il faut améliorer la résistance à la chaleur de l'élément de coupe, sans en compromettre la solidité, et résolvent le problème exactement de la même façon.

 

Perspective du demandeur quant à la raison pour laquelle la différence n'est pas évidente

 

66 ]     Dans son observation, le demandeur n'a pas directement abordé les arguments de l'examinateur concernant la résolution du problème exactement de la même façon, mais les revendications proposées et les arguments mentionnent cette différence.

 

Y a-t-il une activité inventive dans la Différence I, à la lumière de Shuji et al.?

 

67 ]     Dans notre lettre au demandeur, nous avons demandé si la personne versée dans l'art comprendrait que la profondeur indiquée dans la revendication 1 pouvait être inférieure à 0,2 mm, moyennant un écart de température de 1 000 °C par mm (c.-à-d. la profondeur nécessaire pour une chute de 200 °C de la température depuis la surface de travail). Le demandeur a répondu qu'il y avait une action réciproque entre la profondeur, la densité du diamant et le retrait du matériau catalyseur choisis par la personne versée dans l'art. Il s'agit des connaissances générales courantes de l'équipe compétente qui ont été précisées dans la section sur l'interprétation de la revendication (et notées à l'étape 1) ci-dessus. 

 


68 ]     Conformément au mode de réalisation 1 décrit dans Shuji et al., presque toutes les phases liantes à base de métal dans une zone de 0,5 mm à l'écart de la surface de l'objet en diamant fritté sont retirées électrolytiquement. Le mode de réalisation décrit comprend une structure globale contenant un composite fritté fabriqué à partir de la combinaison d'un objet en diamant fritté d'une épaisseur de 1 mm et d'un matériau de base d'une épaisseur de 2,5 mm. Par conséquent, le retrait du liant à base de métal dans une zone de 0,5 mm à partir de la surface laisse l'autre 0,5 mm dans le diamant fritté, le liant à base de métal demeurant intact. 

 

69 ]     Nous avons noté précédemment que Shuji et al. ont reconnu le problème relatif au rendement inférieur de l'outil en raison de différents coefficients d'expansion thermique pouvant causer un stress thermique à une température de 750 °C et que la surface du diamant se transforme en graphite à des températures de 900 °C et plus. Puisque Shuji et al. expliquent que la résistance thermique de leur outil est telle que la conductivité thermique ne diminue pas, ce qui est efficace pour disperser la chaleur générée à l'extrémité de l'outil, la personne versée dans l'art lisant Shuji et al. comprendrait qu'ils expliquent qu'il faut retirer le matériau catalyseur dans une zone allant jusqu'à 0,5 mm à partir de la surface, afin d'atteindre une température de 750 °C à cette profondeur.

 

70 ]     Par conséquent, la personne versée dans l'art qui applique ces connaissances générales courantes et qui lit Shuji et al. ne verrait aucune activité inventive dans la présentation d'une caractéristique thermique selon laquelle une température de 950 °C sur la surface de travail entraîne une température de moins de 750 °C à une certaine profondeur.

 

71 ]     Nous avons revu le mémoire descriptif de la présente demande et on ne semble pas y présenter de base technique particulière pour atteindre cet objectif, à l'exception de ce que la personne versée dans l'art lisant Shuji et al. saurait déjà, et ce, avant la date de la revendication.

 

72 ]     Shuji et al. indiquent également que les métaux ferreux favorisent la transformation du diamant en graphite, ce qui fera l'objet d'une discussion relativement aux changements proposés pour la revendication 1.

 

Étape 4 – Revendications 3, 8 et 9 Est-ce que la différence « constituerait des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art » – Différences II (revendication 3), III (revendication 8) et IV (revendication 9)?

 


73 ]     Les autres caractéristiques dans les revendications 3, 8 et 9 s'inscriraient dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, à savoir : l'élément de coupe préformé de la revendication 1 est fixé sur le corps d'un trépan de forage à molettes (revendication 3); les particules des cristaux de diamant de la revendication 1 ont une taille qui varie d'environ 30 microns à environ 60 microns (revendication 8); et la majeure partie du matériau catalyseur restant dans la deuxième région interstitielle du corps adhère à la surface des cristaux de diamant (revendication 9).

 

74 ]     Le demandeur n'a pas fait valoir d'aspects inventifs particuliers relativement à ces revendications. Étant donné ces faits, les revendications 1 à 9 et 11 ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, à la lumière de Shuji et al.

 

Changements proposés à la revendication 1

 

75 ]     Nous allons maintenant étudier la revendication 1 proposée qui a été soumise par le demandeur en réponse à l'analyse supplémentaire. Nous devons déterminer si les changements apportés rendent la revendication 1 non évidente. La revendication 1 proposée par la demandeur en réponse à notre lettre se lit comme suit [soulignement ajouté pour illustrer le changement proposé] :

 

1.    Un élément de coupe en diamant polycristallin préformé comprenant :

un corps fait d'un matériau polycristallin extra dur comportant une pluralité de cristaux de diamant liés, formés intégralement d'un substrat métallique, plusieurs régions interstitielles parmi les cristaux de diamant et un matériau catalyseur;

le corps du diamant présente une densité d'au moins 85 % par volume et une surface de travail sur laquelle une première région interstitielle adjacente à au moins une portion de la surface de travail est sensiblement exempte de matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur et une deuxième région interstitielle dans une portion du corps, en contact avec le substrat, contient le matériau catalyseur;

où la première région interstitielle s'étend sous la surface de travail et la deuxième région interstitielle présente une épaisseur moyenne de plus de 0,15 mm; les cristaux de diamant liés ont une caractéristique thermique qui fait en sorte qu'à une température de 950 °C sur la surface de travail, on obtient une température de moins de 750 °C en profondeur, et la graphitisation catalytique dans la première région interstitielle à la suite de la capacité catalytique du matériau catalyseur ne survient pas puisque la température dépasse les 750 °C.


76 ]     D'après le demandeur, la caractéristique supplémentaire concernant la graphitisation catalytique est corroborée à la page 19 de la description et aborde un mode de dégradation thermique autre que l'expansion thermique différentielle, à savoir la graphitisation. Le demandeur considère qu'il s'agit d'un élément inventif par rapport à Shuji et al. parce que

a.                   cela suppose une limite supplémentaire concernant la quantité de matériau entre les cristaux qui sont retirés, à savoir ce qui est désigné par l'expression « sensiblement exempte » dans la revendication 1;

b.                  la dégradation thermique améliorée issue d'une graphitisation catalytique insuffisante permet l'atteinte d'un très grand écart de température dans la première région interstitielle et permet à la deuxième région (corps principal) de demeurer à une température où ce mode de dégradation thermique ne survient pas; 

c.                   cela permettrait une résistance à des écarts de température extrêmement élevés dans le matériau, pouvant atteindre jusqu'à 1 000 °C par mm ou plus, et permettrait à la surface de travail d'atteindre 950 °C sans causer de dégradation thermique importante, puisque les surfaces des cristaux de diamants adjacents à la surface de travail des cristaux de diamant sont sensiblement exemptes du matériau catalyseur jusqu'à une profondeur d'à peine 0,2 mm depuis la source de chaleur.

 

77 ]     Dans son observation, le demandeur indique que cette limite est corroborée dans la présente demande, dans laquelle il est expliqué que « [Traduction] même une couche de matériau catalyseur de quelques microns sur les surfaces des cristaux de diamant peut permettre ce mode de dégradation thermique » (page 19, lignes 11 à 13). Selon le demandeur, cette restriction ajoute une limite supplémentaire quant à la  la quantité de matériau qu’on retire des cristaux, à savoir ce qui est désigné par l'expression « sensiblement exempte ». 

 


78 ]     Il est intéressant de noter que la revendication 1 ne limite pas la profondeur à 0,2 mm comme le fait valoir le demandeur dans sa lettre. Tel que mentionné ci-haut, la personne versée dans l'art n'aurait pas l'impression que Shuji et al. retireraient moins « que sensiblement tout le matériau catalyseur ». Néanmoins, l’interprétation globale de la revendication 1 telle que proposée stipule « [Traduction] qu'une portion de la surface de travail est sensiblement exempte du matériau catalyseur jusqu'à une certaine profondeur » et que « [Traduction] la graphitisation catalytique des cristaux dans la première région interstitielle qui résulte de la propriété catalytique du matériau catalyseur ne survienne pas si la température dépasse 750 °C ». Shuji et al. ne revendiquent ni n'indiquent de façon explicite qu'il n'y a pas de graphitisation catalytique dans leur outil de coupe quand la température dépasse 750 °C. Par conséquent, il s'agit d'une différence par rapport à Shuji et al.

 

79 ]     Ainsi on comprend qu’une personne versée dans l'art qui désire résoudre le problème énoncé par Shuji et al. souhaiterait n'avoir aucune graphitisation catalytique des cristaux dans la première région interstitielle, à savoir que « [Traduction] les métaux ferreux favorisent la transformation du diamant en graphite ». Ce problème constitue une connaissance générale courante tel que noté (e) ci-dessus. Tel qu’indiqué par le demandeur, cette limite restreint davantage la quantité de matériau qu’on retire des cristaux.

 

80 ]     Cependant, la restriction relative au retrait du matériau fait en sorte que plus la quantité de matériau retiré est grande, plus la solidité ou la dureté de l'élément DPC ou de l'outil se dégrade, tel que noté au point (f) des connaissances générales courantes ainsi que dans Shuji et al. Tel que soulevé par le demandeur, et par les points (c) et (d) des connaissances générales courantes, les divers paramètres (profondeur, retrait du matériau catalyseur, densité volumique) doivent être sélectionnés par la personne versée dans l'art pour obtenir le rendement souhaité. Ce rendement souhaité se veut un compromis entre éviter la dégradation thermique et la graphitisation catalytique d'une part, et avoir une dureté acceptable de l'outil d'autre part.

 

81 ]     Nous considérons que ce compromis relatif à la conception aurait été bien connu de la personne versée dans l'art à la lecture de Shuji et al. et donc, l'évitement de la graphitisation catalytique des cristaux dans la première région interstitielle aurait été un choix de conception accessible à la personne versée dans l'art, moyennant le bon choix de paramètres. En effet, les avantages associés à l'évitement de la rétroconversion du diamant en graphite par rapport à la limite du rendement associée à une résistance insuffisante à la chaleur sont précisément reconnus dans Shuji et al. En outre, si une graphitisation importante devait survenir avec l'outil de Shuji et al., il y aurait un effet négatif sur l'outil et ce problème est soulevé dans Shuji et al. Par conséquent, la personne versée dans l'art comprendrait que pour que l'invention de Shuji et al. fonctionne, le retrait du matériau catalyseur éliminerait ou réduirait au minimum la graphitisation catalytique.

 


82 ]     À l'audience, le demandeur a fait valoir que la déclaration suivante de Shuji et al. ne reconnaît que le problème de l'expansion différentielle : « [Traduction] Pendant le chauffage, la quantité de stress thermique dans l'objet fritté augment et la structure se désagrège. En outre, les métaux ferreux favorisent la transformation du diamant en graphite ». La portion soulignée, affirme le demandeur, ne concerne pas le problème de la graphitisation dans le deuxième mode de dégradation thermique que seule le demandeur reconnaît. Et la nature critique des quelques microns de matériau restant sur la surface du diamant causant la dégradation lorsque la température dépasse les 750 °C n'est pas reconnue.

 

83 ]     Le demandeur a précisé cette différence davantage et a proposé que soient apportées d'autres modifications relatives à cette différence. Le demandeur a noté qu'il serait souhaitable d'atteindre un écart de température très élevé et que l'expression « sensiblement exempte » faisait référence aux surfaces des cristaux de diamant et aux interstices. Le demandeur a mentionné la page 21, où il est indiqué ceci :

 

Dans ces essais, on a pris soin de veiller à ce que le processus de réduction permette de retirer le matériau catalyseur (64) des interstices (62) et des surfaces des cristaux de diamant (60).

 

84 ]     Bien que Shuji et al. n'indique pas explicitement que le retrait du matériau se fait depuis les deux interstices et les surfaces des cristaux de diamant, la personne versée dans l'art appliquant les techniques bien connues ou conventionnelles de retrait du matériau dans la zone de 0,5 mm saurait que ce résultat est inévitable. La personne versée dans l'art appliquant le processus d'avivage à l'acide, par exemple, estimerait que ces limites ne sont aucunement inventives. Les pages 9a-10 de la présente demande porte sur les méthodes de retrait du matériau catalyseur; aucune méthode particulière ou unique n'y est expliquée qui permettrait de veiller à ce que le matériau soit précisément retiré des deux interstices et des surfaces des cristaux de diamant. 

 


85 ]     Notre conclusion est corroborée par la description figurant dans le brevet américain 4,224,380, lequel est cité à la page 4 de la présente demande, dans la section « Contexte de l'invention ». Ce brevet concerne un élément DPC thermiquement stable duquel un liant à base de cobalt ou autre servant de matériau catalyseur dans un diamant polycristallin est lixivié de la matrice interstitielle continue après sa formation. La lixiviation acide est utilisée pour pénétrer la couche de diamant et y retirer la phase métallique à base de cobalt de manière sensiblement uniforme sur tout l'élément (voir les exemples 1 à 4). Comme il est démontré à l'aide d'un morceau de diamant fritté contenant du cobalt, le retrait d'au plus 99 %/poids de la phase à base de cobalt peut être atteint à l'aide de cette technique. Le morceau de diamant qui en découle peut résister à une exposition à des températures pouvant atteindre 1 200 à 1 300 °C sans dégradation thermique importante. La résistance thermique améliorée ainsi obtenue révèle clairement que le degré de phase métallique à base de cobalt restant ne suffisait pas pour catalyser la rétroconversion thermique ou causer une expansion thermique différentielle. 

 

86 ]     Comme nous l'avons mentionné précédemment, Shuji et al. ont non seulement reconnu que les métaux ferreux favorisent la transformation du diamant en graphite, mais ont aussi expressément déclaré que la dissolution de liants métalliques ferreux depuis le diamant « [Traduction] permettrait au diamant fritté de résister à des températures pouvant atteindre 1 200 °C ». À notre avis, les résultats obtenus dans Shuji et al. et dans le brevet américain 4,224,380 ne pourraient pas être atteints si les surfaces du diamant n'étaient pas « sensiblement exemptes » du matériau catalyseur.

 

87 ]     Par conséquent, la personne versée dans l'art lisant Shuji et al. comprendrait que le retrait du matériau dans une zone de 0,5 mm loin de la surface du diamant fritté comprendrait à la fois les interstices et les surfaces des cristaux de diamant. Bien que cela précise la caractéristique relative à l'absence de graphitisation catalytique des cristaux lorsque la température dépasse les 750 °C que propose le demandeur, la personne versée dans l'art lisant Shuji et al. comprendrait que ces limites ne sont pas suffisamment inventives, comme il est expliqué dans les paragraphes 84 à 86 ci-dessus. Par conséquent, les changements proposés à la revendication 1 ne rendraient pas celle-ci conforme à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets

 

88 ]     Les revendications 1 à 10 proposées ne sont pas acceptées et les présentes revendications 1, 9 et 11 ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, à la lumière de Shuji et al.

 

Conformité au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

89 ]     L'examinateur considère que la description ne décrit pas l'invention de manière exacte et complète, et n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Le résumé des motifs indique que les déclarations comme celles figurant à la page 29, lignes 24 à 26, lesquelles mentionnent que les revendications doivent être perçues comme étant plus générales que les enseignements tirés de la description, ne décrivent pas correctement l'invention et doivent être supprimées.


 

90 ]     Le résumé des motifs souligne que cette nouvelle irrégularité est due au récent changement dans la pratique du Bureau.

 

Pratique du Bureau

 

91 ]     Le 13 mai 2011, le Bureau a publié le document PN2011-02 intitulé « Pratique concernant certaines irrégularités dans la description ». Le passage qui suit est tiré de la page 2 de cet avis :

 

Comme l'a indiqué la Cour suprême dans Free World Trust c. Électro Santé Inc. (2000 SC 66), « la teneur des revendications définit le monopole [et on] ne peut s’en remettre à des notions imprécises comme l’esprit de l’invention pour en accroître l’étendue ».

 

Les énoncés dans la description qui indiquent que la portée des revendications peut aller au-delà de ce qui a été décrit laissent supposer que la description ne décrit pas d’une façon complète ce que le demandeur a défini dans les revendications. Par conséquent, ces énoncés donnent à penser que la description n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Analyse

 

92 ]     Page 29, lignes 24 à 26 : 

 

Dans la mesure où la présente invention a été décrite en lien avec les dessins ci-joints, il faut comprendre que des modifications supplémentaires, autres que celles présentées ou proposées, pourraient être apportées dans la portée et l'esprit de la présente invention.

 


93 ]     L'hypothèse selon laquelle l'invention pourrait comprendre des éléments « non présentés ou proposés » dans la description, mais s'inscrivant dans « la portée et l'esprit de la présente invention » suppose que la portée des revendications pourrait aller au-delà de ce qui a été décrit et que la description ne divulgue ou ne décrit pas pleinement ce que le demandeur souhaitait couvrir dans ses revendications. Par conséquent, la description ne divulgue  pas l'invention de manière exacte et complète, et n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

 

Antériorisation

 

94 ]     L'examinateur affirme que les revendications 1,2, 4, 7, 9 et 11 ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets, à la lumière de Shuji et al. Quant à nos conclusions relatives à l'évidence, il ne reste aucune revendication brevetable au dossier de la demande actuelle et donc, nous n'aborderons pas la question de l’antériorisation pour ces revendications. 

 

95 ]     Quant aux revendications proposées, elles ne corrigent pas l'irrégularité relative à l'évidence et donc ne sont pas considérées pour l'évaluation de l'antériorisation selon Shuji et al.


Recommandation de la Commission             

 

96 ]     À la lumière des conclusions susmentionnées, la Commission recommande que la demande soit rejetée aux motifs suivants : les revendications 1 à 9 et 11 ne sont pas conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, la revendication 10 est incompatible avec la revendication 1 et n'est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, et la description ne représente pas entièrement et correctement l'invention comme l'exige le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

 

97 ]     Les changements proposés à la revendication 1 ne rendent pas celle-ci conforme à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, il ne reste aucune modification proposée qui rendrait la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

Paul Sabharwal              Andrew Strong              Christine Teixeira

Membre                   Membre                   Membre

 

Décision du commissaire                     

 

98 ]     Je suis d'accord avec la Commission d'appel des brevets pour dire que la demande n'est pas conforme à l'article 28.3 et sa recommandation voulant que la demande soit rejetée conformément à l'article 40 de la Loi sur les brevets.

 

99 ]     Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour faire appel de ma décision auprès de la Cour fédérale du Canada.   

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 31e jour de mars 2014

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