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                  BUREAU CANADIEN DES BREVETS

                             

 

              DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

                             

                        

 

 

 

 

Ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet

numéro 2,313,707 a fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et le

commissaire aux brevets, conformément au paragraphe 30(6) des mêmes Règles. Les conclusions

de la Commission et la décision du Commissaire s'énoncent ainsi :

 

 

 

         

 

 

Agent de la Demanderesse :

NORTON ROSE FULBRIGHTCANADA LLP             

1, Place Ville-Marie, bureau 2500

Montréal (Québec)  H3B 1R1

 

INTRODUCTION

 

[1]  La présente décision concerne la révision de la demande de brevet no 2,313,707 intitulée

     « FEUILLE COMPOSITE ÉLASTIQUE ÉTIRABLE » par le commissaire aux brevets.

     La Demanderesse est UNI-CHARM CORPORATION et Toshio Kobayashi,

     Satoru Tange et Koichi Yamaki sont les inventeurs.

 

[2]    la suite des modifications apportées à la demande par la Demanderesse en réponse à la

     décision finale de l'examinateur, le dossier de la présente affaire a été transmis à la

     Commission d'appel des brevets (« la Commission ») au motif que l'examinateur avait

     conclu que la demande n'était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les

     brevets en raison des déficiences suivantes :

         

          -    les revendications 1 à 12 auraient été évidentes;

          -    telles que modifiées, les revendications 1 et 7 visent un objet inacceptable;

          et

          -    les revendications 7 et 12 sont vagues.

 

[3]    l'étape de la révision, la Commission a également soulevé une question d'absence

     d'étayage des revendications 4 et 10, question qui a été abordée par la Demanderesse dans

     ses observations écrites datées du 20 juin 2013.

 

[4]    la lumière de l'analyse ci-dessous, la Commission recommande que la demande soit

     modifiée de la manière proposée par la Demanderesse dans ses observations écrites du

     20 juin 2013 et, par la suite, acceptée.

    

CONTEXTE

 

[5]  La demande faisant l'objet de la présente révision porte sur une feuille composite élastique

     étirable et sur la méthode de formation d'une telle feuille, plus précisément celle formée

     d'une feuille élastique et d'un ensemble fibreux mince. De telles feuilles composites servent

     dans des applications telles des enveloppes de couches jetables dans lesquelles une feuille

     élastique imperméable peut être liée à un textile élastique étirable non tissé. De cette

     manière, la surface d'allure caoutchoutée de la feuille élastique est recouverte d'une couche

     d'un matériel plus confortable ayant la texture d'une étoffe.

 

[6]  En l'espèce, la Demanderesse tente d'améliorer une feuille composite classique en

     recourant à des caractéristiques telles que de longues fibres continues s'étendant sur toute

     la longueur de l'ensemble fibreux ce qui, selon la Demanderesse, élimine les problèmes de

     la technique antérieure liés au fait que les fibres plus courtes se dissociaient les unes des

     autres et créaient ainsi une surface pelucheuse indésirable. Une telle structure élimine

     également le besoin d'avoir des zones de liaison plus denses entre les couches. La plus

     grande densité de la liaison était nécessaire avec les fibres plus courtes de la technique

     antérieure afin de prévenir la formation d'une surface pelucheuse causée par le démêlement

     des fibres ce qui, malencontreusement, entraînait un problème supplémentaire de réduction

     de l'extensibilité.

 

HISTORIQUE DE LA DEMANDE

 

[7]  La présente demande a été déposée le 11 juillet 2000 sur la base de deux demandes

     antérieures de brevets japonais à partir desquelles la Demanderesse revendique la priorité.

 

[8]  Au moment de la décision finale, datée du 29 novembre 2010, les revendications au

     dossier étaient considérées comme étant défectueuses au seul motif qu'elles étaient

     évidentes.   la suite des modifications apportées par la Demanderesse en réponse à la

     décision finale, l'examinateur a relevé, dans un résumé des motifs soumis à la Commission

     et remis à la Demanderesse le 20 février 2012, des irrégularités supplémentaires relatives à

     la présence de nouveaux éléments et à l'imprécision.

 

[9]  La Demanderesse a refusé l'invitation de la Commission qui lui offrait la possibilité de se

     faire entendre, mais a soumis des observations écrites abordant les irrégularités non

     corrigées ainsi qu'un problème d'étayage des revendications 4 et 10, une question qui avait

     été soulevée par la Commission au cours du processus de révision et communiquée à la

     demanderesse le 22 avril 2013.

 

[10] En conséquence, la présente recommandation est fondée sur le dossier écrit élaboré depuis

     le dépôt de la demande et incluant les observations écrites soumises le 20 juin 2013 par la

     Demanderesse.

 

QUESTIONS

 

[11] Compte tenu de ce qui précède, il convient de trancher quatre questions, dont celle du

     possible ajout aux revendications de nouveaux éléments inacceptables. Puisque la décision

     à l'égard de l'acceptabilité des nouveaux éléments a une incidence sur la portée des

     revendications devant être évaluées, la Commission abordera en premier lieu la question

     des nouveaux éléments. Les questions sont donc traitées de la manière suivante :

 

     1. Est-ce que les revendications 1 et 7 modifiées visent un nouvel objet inacceptable?

     2.   Est-ce que les revendications 1 à 12 auraient été évidentes à la lumière des documents

          d'antériorité? 

     3. Les revendications 7 à 12 sont-elles vagues?

     4. Est-ce les revendications 4 et 10 sont étayées par la description?

 

QUESTION 1 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 1 ET 7 MODIFIÉES VISENT

UN NOUVEL OBJET INACCEPTABLE?

 

Principes juridiques

 

[12] Le paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets énonce les conditions auxquelles des

     modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif et aux dessins d'un brevet.

 

          Modification du mémoire descriptif et des dessins

          38.2 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le

          mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet

          peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

         

          Limite aux modifications du mémoire descriptif

          (2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments

          qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de celui-ci ou des dessins faisant

          partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le

          mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte antérieure.

 

          Limite aux modifications des dessins

          (3) (3) Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments

          qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de ceux-ci ou du mémoire

          descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est

          mentionné dans le mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte

          antérieure.

 

[13]   notre connaissance, la jurisprudence canadienne ne nous guide aucunement pour ce qui

     est de la question précise de l'ajout de nouveaux éléments dans une demande de brevet ou

     un brevet. La question a été récemment soulevée dans Demande no 2,159,968 (2009),

     D.C. 1293 (C.A.B. et Commissaire aux brevets). Dans cette décision, il est fait référence à

     une décision antérieure (Demande no 315,073 (1981), D.C. no 904 (C.A.B. et

     commissaire aux brevets)), il a été formulé ce qui suit en lien avec l'ancienne règle 52

     (maintenant le paragraphe 38.2) :

 

          Cette règle appelle la question suivante : dans quelles conditions la

          déduction raisonnable doit-elle être faite, et par qui doit-elle être faite?  Et

          l'on peut répondre clairement par ceci : la personne versée dans l'art dont

          relève l'invention au moment du dépôt de la demande.

 

[14] Puisque la protection conférée par un brevet commence à compter de la date de dépôt de

     la demande, nous estimons qu'il s'agit d'une date appropriée à partir de laquelle on peut

     évaluer le contenu de la demande, et que d'examiner l'objet divulgué du point de vue de la

     personne versée dans l'art concorde avec le critère bien connu présidant à l'interprétation

     d'un brevet. Par conséquent, nous appliquons l'évaluation ci-dessus dans notre analyse.

 

[15] Le paragraphe de la Loi cité plus haut au para. [12] exige que les modifications puissent

     « raisonnablement s'inférer » du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la

     demande originale. Puisque l'inférence est admissible, la personne versée dans l'art n'aurait

     besoin d'aucune référence explicite aux éléments supplémentaires.

 

[16] Avant d'évaluer les nouveaux éléments, parce que cela doit être fait du point de vue de la

     personne versée dans l'art, qui possède nécessairement les connaissances générales

     courantes de la technique pertinente, nous établirons d'abord qu'elle est cette personne et

     quelles connaissances générales courantes elles devraient posséder, eu égard au dossier

     dont nous sommes saisis.

 

La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes

 

[17] Dans la décision finale, l'examinateur a décrit la personne versée dans l'art comme étant

     [TRADUCTION] « un technicien versé dans l'art des composites élastiques

     multicouche ». La Demanderesse n'a pas contesté cette caractérisation; aussi, l'adoptons-

     nous aux fins de la présente recommandation.

 

[18] L'examinateur a aussi, dans la décision finale, délimité certains aspects des connaissances

     générales courantes que la Demanderesse n'a pas contestés, notamment des connaissances

     dans les domaines suivants :

 

          -    propriétés physiques, dont l'écoulement plastique des fibres polymériques non

               élastiques et des feuilles polymériques élastiques;

     -    méthodes de stratification/liaison;

     -    méthodes d'essai standard de la perméabilité à l'humidité et de résistance à l'eau.

 

[19]    cette énumération, il convient d'ajouter les connaissances générales courantes décrites

     dans la présente demande et soulignées par la Commission dans sa lettre du 20 juin 2013

     et que la demanderesse n'a pas non plus contestées :

 

     -    liaison de textiles élastiques étirables non tissés à des feuilles élastiques étirables

          faites d'élastomère plastique ou d'un matériau similaire (donnant une texture

          semblable à celle d'une étoffe au lieu d'une texture caoutchoutée);

     -    l'utilisation de fibres en bourre d'une longueur d'environ 50 mm;

     -    le problème que les fibres se dissocient à la suite de l'étirement répété des feuilles,

          ce qui a pour effet de rendre les feuilles composites pelucheuses;

     -    l'atténuation du problème décrit plus haut en augmentant la densité des zones de

          liaison ce qui, toutefois, réduit l'extensibilité.

 

[20] La Demanderesse, dans ses observations écrites du 20 juin 2013, mentionne un autre

     élément des connaissances générales courantes. En effet, la Demanderesse précise que la

     personne versée dans l'art sait bien qu'il se forme des « godets » (c.-à-d. des formations

     ondulatoires) dans les feuilles composites. Ce point concorde avec les divulgations

     contenues dans les documents d'antériorité cités par la Demanderesse et dans les

     renseignements généraux de chacun d'entre eux. Nous estimons donc que cela faisait

     partie des connaissances générales courantes. Dans ses observations écrites du

     20 juin 2013, la Demanderesse décrit les principaux aspects de la création de tels godets

     en lien avec la référence faite à Boich et al. (brevet canadien 2,150,366, désigné D1) cité

     par l'examinateur dans le cadre de sa discussion sur l'évidence : [TRADUCTION]

 

               (1)  les fibres de la couche de fibres non élastiques 10 subissent une contrainte de

                    traction suffisante pour entraîner une déformation non élastique, c'est-à-dire une

                    déformation qui n'est pas récupérée au moment du relâchement de la contrainte de

                    traction d'où une déformation ou un allongement permanent;

               (2)  l'espacement des points de liaison 14 détermine la forme et la grandeur des

                    ondulations ou godets qui s'étendent de façon transversale par rapport à

                    l'orientation de l'étirement. Dans D1, la Figure 3 montre que l'espacement égal des

                    points de liaison 14 entraîne des ondulations ou des godets de grandeur égale. Si

                    l'espacement des liaisons 14 avait été aléatoire, les ondulations formées ne

                    sauraient être d'égale grandeur; plutôt, la couche de fibres 10 (à la suite de

                    l'étirement non élastique des fibres) présenterait une surface supérieure

                    « pelucheuse » comportant des points d'indentation aléatoires à la hauteur des

                    points de liaison 14 et des crêtes aléatoirement étirées vers le haut entre les points

                    d'indentation.

    

[21] La figure 3 du mémoire descriptif de Boich et al., reproduite ci-dessous, montre les godets

     qui sont formés durant des processus tels que ceux décrits dans la présente demande.

         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[22] C'est avec ces connaissances en tête que nous procédons à l'examen des modifications

     apportées aux revendications 1 et 7 afin de décider s'il s'agit de nouveaux éléments

     inacceptables.

 

Analyse

 

[23] La revendication 1 est reproduite ci-dessous de manière à mettre en évidence les éléments

     nouveaux de la revendication modifiée. La revendication 7, qui est une méthode de

     production de la feuille composite décrite à la revendication 1, comprend une disposition

     très similaire.

 

               1.   Une feuille composite élastique étirable comportant :

               [TRADUCTION] une feuille élastique extensible dans les sens

          longitudinal et transversal;

          un ensemble fibreux, possédant une extensibilité non élastique dans lesdits

          sens longitudinal et transversal, lié à au moins une surface de ladite feuille

          élastique,

               où :

          ladite feuille et ledit ensemble fibreux sont de dimensions égales dans deux

          directions orthogonales l'une par rapport à l'autre, avant et après une étape

          d'étirement où l'ensemble fibreux est étiré de manière non élastique;

               les fibres à composantes dudit ensemble fibreux s'étendent dans

          ledit sens longitudinal, se recourbant de manière irrégulière par rapport à

          cedit sens longitudinal;

          ladite feuille élastique et ledit ensemble fibreux sont liés ensemble

          à des zones de liaison disposées de manière intermittente dans lesdits sens

          longitudinal et transversal;

         lesdites fibres à composantes dudit ensemble fibreux sont des

         fibres longues qui s'étendent continûment et décrivent des boucles dans une

         aire sans liaison délimitée entre chaque paire de zones de liaison adjacentes

         au sein desquelles lesdites fibres longues sont liées à ladite feuille

         plastique;

          lesdites fibres à composantes de l'ensemble fibreux se dissocient

          les unes des autres et se décollent de la feuille élastique dans ladite aire

          sans liaison entre lesdites zones de liaison au cours de l'étape d'étirement

          de l'ensemble fibreux et où le diamètre desdites fibres à composantes est

          diminué après l'étape de liaison de l'ensemble fibreux à la feuille élastique

          auxdites zones de liaison;

          ladite feuille élastique est composée d'une pellicule élastiquement

          étirable faite de polyester à copolymérisation par blocs comportant des

          ingrédients durs et souples, et affiche une perméabilité à l'humidité d'au

          moins 1000 g/m2/24 h, mesurée conformément à la norme JIS Z 0208 et

          une résistance à la pression d'eau d'au moins 1 m mesurée conformément à

          la norme JIS L 1092;

          ladite feuille élastique est utilisée dans les enveloppes

          imperméables d'articles absorbants jetables de liquides organiques.

 

[24] Les passages particuliers ont été ajoutés aux revendications en réponse à la décision finale

     de l'examinateur dans laquelle ce dernier arguait que les revendications étaient évidentes

     puisque, de son avis, et à l'instar de la technique antérieure appliquée, la feuille composite

     revendiquée dans la présente demande comporte des godets.

 

[25] Le passage contesté dans les revendications mentionne que les dimensions des deux

     couches sont égales dans les deux directions, aussi bien avant qu'après l'étape d'étirement,

     clarifiant ainsi que, comparativement à la technique antérieure, la présente invention

     n'entraîne pas de tels godets. Pour étayer l'ajout de cette caractéristique aux

     revendications, la Demanderesse fait état de la référence à la figure 2 (montrée ci-dessous)

     à la page 9 du présent mémoire descriptif et aux lignes 4 à 7 de la page 13 citées ci-après

     (les deux étaient présentes dans la teneur originale de la demande) :

 

          [TRADUCTION] Après avoir été étiré, le premier voile composite (43) se

          contracte élastiquement pour reprendre sa longueur initiale entre la

          seconde paire de rouleaux (37 - 38) pour former un second voile

          composite (44).

    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[26] Le passage de la page 13 précise que la longueur du voile composite avant et après l'étape

     d'étirement est la même (c.-à-d. qu'il n'y a pas de modification permanente de la longueur

     contrairement à la situation où des godets sont formés). Cela signifierait également que la

     largeur n'est pas modifiée, puisque le matériau n'est pas étiré séparément dans le sens

     latéral lors de la fabrication. La réponse à la question de savoir si le maintien de la

     longueur initiale fait référence à la longueur totale du voile composite 44 dans son état lié

     tout en tolérant la formation de godets entre les zones de liaison à l'intérieur de cette

     longueur se trouve à la page 9, aux lignes 15 à 21, et dans la figure 2 (reproduite ci-

     dessous) ainsi qu'aux figures 1 et 3.

 

[27] Les figures 1 et 3 illustrent des réalisations différentes de la feuille composite de

     l'invention. Aucune des figures ne montre des godets dans quelque direction que ce soit,

     ce qui suggère que la longueur des couches individuelles est modifiée durant l'étape

     d'étirement du processus de fabrication comme cela était connu par la personne versée

     dans l'art. Le but visé par l'étape d'étirement au cours de la fabrication de la présente

     invention est également présenté à la page 13 comme étant d'assurer que

     [TRADUCTION] « tout point lié ou mécaniquement emmêlé pouvant avoir été formé

     parmi les premières fibres continues 35 du premier voile 41 puisse être substantiellement

     desserré ou démêlé ». Le but de cet étirement est tout simplement de démêler les fibres

     continues et non pas de déformer la couche fibreuse de manière permanente.

 

[28] Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il serait évident à la personne versée dans l'art (et

     pourrait donc être raisonnablement inféré) à la lecture des passages de la page 13 du

     mémoire descriptif  faite de pair avec les dessins de l'invention présentés dans les figures,

     et à la lumière des connaissances générales courantes, que la demande au dossier divulgue

     une feuille composite qui ne contient pas de godets et, par conséquent, comporte une

     feuille élastique et un ensemble fibreux qui « sont de dimensions égales dans deux

     directions orthogonales l'une par rapport à l'autre, avant et après une étape d'étirement... ».

 

[29] Par conséquent, nous en arrivons à la conclusion que les éléments contestés ajoutés aux

     revendications 1 et 7 devaient raisonnablement s'inférer de la description et des dessins de

     la demande originale et sont conformes au paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets.

     Aussi, l'évaluation du caractère évident ou non de l'invention prend-elle en considération

     les nouveaux éléments ajoutés.

 

QUESTION 2 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 1   12 AURAIENT ÉTÉ

ÉVIDENTES?

 

[30] Le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une

     revendication peut être considérée comme étant évidente :

 

             28.3  L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à

             la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art

             ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :  

             (a)    qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la

                    demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui

                    l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de

                    manière telle qu'elle est devenue accessible au public au

                    Canada ou ailleurs;

             (b)    qui a été faite par toute autre personne avant la date de la

                    revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au

                    public au Canada ou ailleurs.

 

[31] Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (Sanofi), la Cour

     suprême a énoncé une démarche à quatre volets pour l'examen relatif à l'évidence,

     démarche que nous suivons dans notre examen présenté ci-après :

 

          1)   a) identifier la « personne versée dans l'art »;

                         b) déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de

                         cette personne;

           2)       définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par

                    voie d'interprétation;

           3)       recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de

                    « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous-tend la

                    revendication ou son interprétation;

            4)      abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée,

                    ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la

                    personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[32] Dans Sanofi, la Cour suprême considère que les termes « aller de soi » sont synonymes de

     « très clair » (Sanofi au para. 65).

 

Analyse

 

1)a) La personne versée dans l'art

 

[33] Comme nous l'avons déjà mentionné, il n'y a pas de désaccord avec la caractérisation que

     l'examinateur fait de la personne versée dans l'art comme étant « un technicien versé dans

     l'art des composites élastiques multicouche ».

 

1)b) Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[34] Nous avons déjà énoncé, aux para. [18] à [21], les connaissances générales courantes

     pertinentes de la personne versée dans l'art relativement à l'examen des nouveaux

     éléments; aussi, n'est-il pas nécessaire de les reprendre ici.

 

2) définir l'idée originale ou interpréter les revendications

    

[35] Il est entendu que l'examen relatif à l'évidence devrait, en règle générale, être effectué pour

     chacune des revendications en litige. Toutefois, comme nous le démontrons ci-après, les

     revendications indépendantes 1 et 7 sont non évidentes. Il s'ensuit que les autres

     revendications dépendantes seraient aussi non évidentes; il n'est donc pas nécessaire d'en

     faire un examen distinct.

 

[36] Avant d'examiner les concepts inventifs des revendications, nous procéderons à leur

     interprétation de manière à fournir un fondement à la détermination des concepts inventifs.

L'interprétation des revendications

 

[37] Avant d'évaluer la validité des revendications, il convient de procéder à leur interprétation

     téléologique avant de distinguer entre éléments essentiels et non essentiels (Free World

     Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 RCS 1024 [Free World] au para. 19; Whirlpool

     Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 RCS 1067 au para. 43).

 

[38] Selon l'arrêt Free World, pour qu'un élément d'une revendication soit jugé  non essentiel »,

     « il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la

     revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel, ou que (ii), à la

     date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un

     élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de

     l'invention » (Free World au para. 55).

 

[39] En l'espèce, il n'y a pas eu de différend entre l'examinateur et la Demanderesse quant à

     l'interprétation téléologique des revendications. Nous n'avons aucun motif pour conclure

     qu'un quelconque élément des revendications est non essentiel. Suivant le mémoire

     descriptif, la Demanderesse entend fournir une feuille composite élastique étirable

     améliorée qui élimine les problèmes des feuilles de l'état antérieur de la technique

     (utilisées, par exemple, comme enveloppes imperméables pour les couches jetables), tels

     que le démêlement des fibres courtes entraînant une perte de structure et la formation

     d'une indésirable surface pelucheuse.

 

[40] Afin d'atteindre l'objectif décrit plus haut, la Demanderesse a proposé une feuille

     composite comportant un certain nombre de caractéristiques, lesquelles sont décrites dans

     la revendication 1. La Demanderesse a également présenté une revendication

     correspondante portant sur une méthode de formation d'une telle feuille. Selon nous,

     chacune des caractéristiques des revendications indépendantes 1 et 7, par exemple,

     contribue à  l'atteinte de l'objectif de créer une feuille composite pouvant être utilisée en

     tant qu'enveloppe imperméable d'un produit, telles qu'une couche, une serviette hygiénique

     ou une blouse jetable.

 

[41] Par exemple, l'emploi de fibres continues s'étendant sur la longueur de la feuille dans la

     zone sans liaison s'attaque aux problèmes de l'état antérieur de la technique en recourant à

     des fibres courtes. Également, les propriétés et les matériaux particuliers font que la feuille

     convient à l'usage auquel elle est destinée, notamment l'enveloppe imperméable

     susmentionnée. De plus, les éléments ajoutés aux revendications indépendantes qui font

     référence aux composants de la feuille composite ayant les mêmes dimensions avant et

     après leur étirement (c.-à-d. l'absence de godets) concordent avec l'usage prévu en tant

     qu'enveloppe pour les produits mentionnés plus haut. Une autre particularité concorde

     avec l'absence de godets : il s'agit de l'étirement de la feuille composite jusqu'à un point où

     les fibres de l'ensemble fibreux deviennent dissociées et décollées les unes des autres et de

     la feuille élastique plutôt que de continuer à s'étirer  jusqu'au point où l'ensemble fibreux

     est déformé de manière permanente.

 

[42]   la lumière de ce qui précède, nous estimons que tous les éléments du produit et de la

     méthode revendiqués sont essentiels.

    

Le concept inventif

 

[43] Dans son résumé des motifs présenté à la Commission, l'examinateur a caractérisé le

     concept inventif des revendications comme suit :

 

               1.   une couche fibreuse ou pelliculaire élastique faite de polyester à

               copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et

               souples. L'ingrédient dur est obtenu à partir d'un composant acide

               dicarboxylique et d'un composant diol. L'ingrédient souple est fait

               de polyester aliphatique. La couche élastique possède une

               perméabilité à l'humidité d'au moins 1 000 g/m2/24 h (JIS Z 0208)

               et une résistance à la pression d'eau d'au moins 1 m (JIS L 1092);

               2.   une couche fibreuse inélastique comprenant de longues fibres

               continues à composantes. Les fibres à composantes se séparent

               les unes des autres dans les zones où les couches élastiques et

               inélastiques ne sont pas liées. Les fibres ont un diamètre de 0,1 à

               50 microns et la couche inélastique a une masse surfacique de 2 -

                100 g/m2.

 

[44] Outre les caractéristiques revendiquées de la feuille composite divulguée dans les

     revendications, la caractérisation du concept inventif des revendications énoncée par

     l'examinateur dans la décision finale incluait l'affirmation voulant que la feuille composite

     comporte des godets. De même, dans le résumé des motifs, l'examinateur a considéré la

     formation de godets comme étant un résultat inhérent de l'invention revendiquée.

 

[45] Comme cela été mentionné plus haut dans le cadre de l'examen de la question des

     nouveaux éléments, la formation de godets faisait partie des connaissances générales

     courantes. Toutefois, dans le cadre de notre examen de la question des nouveaux

     éléments, nous avons établi que la présente demande ne divulgue pas une feuille composite

     dans laquelle se forment des godets. En conséquence, nous concluons que le concept

     inventif n'inclut ni la présence ni la formation de godets.

 

[46] Nous remarquons aussi que les ingrédients polymères durs et souples (acide

     dicarboxylique et diol pour l'ingrédient dur et polyester aliphatique pour l'ingrédient

     souple) que l'examinateur a inclus dans sa caractérisation du concept inventif ne sont pas

     précisés dans les revendications ni ne constituent des propriétés, telles que des avantages

     inhérents découlant de l'objet revendiqué. Par conséquent, ils ne relèvent pas non plus du

     concept inventif.

 

[47] La Demanderesse n'a contesté aucun autre volet de l'analyse du concept inventif faite par

     l'examinateur, laquelle reflète globalement les éléments des revendications; aussi

     procédons-nous en nous fondant sur ces conclusions y compris, bien sûr, en ce qui a trait

     aux éléments ajoutés aux revendications 1 et 7 en réponse à la décision finale. Ces

     éléments, comme nous l'avons mentionné plus haut dans le cadre de l'examen des

     nouveaux éléments, clarifient le fait que la feuille composite revendiquée et sa méthode de

     fabrication n'incluent pas la formation de godets.

 

3) Différences entre l'« état de la technique » et le concept inventif

 

[48] L'examinateur a estimé que les revendications étaient évidentes en se fondant sur deux

     documents : le brevet canadien no 2,150,366 accordé à Boich et al. et la demande de

     brevet canadien no 2,248,575 de Mleziva et al.

 

[49] Dans la décision finale, l'examinateur a affirmé que les différences entre le concept inventif

     de la revendication 1 et celui de Boich et al. résidaient dans le fait que

 

          une couche fibreuse ou pelliculaire élastique est faite de polyester à

          copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et souples. La

          perméabilité aux liquides de la couche/pellicule élastomère de Boich et al.

          est obtenue par des perforations pratiquées dans couche/pellicule

          élastomère.

 

[50] L'examinateur n'a pas considéré que l'absence de godets dans la présente demande la

     distingue de l'invention de Boich et al. parce qu'il estimait que l'invention revendiquée

     incluait la formation de godets tout comme la feuille composite de Boich et al.

 

[51]   la lumière de notre analyse des nouveaux éléments présentée plus haut et de la

     caractérisation du concept inventif, cette propriété ne peut être rejetée au motif qu'elle ne

     serait pas différente. Comme nous l'expliquons ci-dessous, il s'agit en fait d'une autre

     différence entre le concept inventif de la revendication 1 et l'invention de Boich et al.

 

[52] Comme l'a mentionné l'examinateur dans la décision finale, Boich et al. divulgue aussi une

     structure élastique multicouche mince comportant, comme c'est le cas dans la présente

     demande, une couche élastomère (feuille ou pellicule homogène) et au moins une couche

     inélastique de fibres ou de filaments reliée à la couche élastomère en des zones de liaison

     mutuellement espacées. Dans Boich et al. toutefois, la feuille composite est formée de

     manière que des godets sont formés dans la couche inélastique en étirant la couche

     jusqu'au voisinage de la limite d'allongement à la rupture des fibres ou des filaments.

     Comme cela a été mentionné dans Boich et al., la formation de plis ou de godets augmente

     le volume de la couche inélastique et crée une surface pelucheuse, laquelle s'avère très

     absorbante et donc appropriée à un usage comme surface de contact avec la peau dans des

     couches. La présence de godets dans le produit final est clairement illustrée à la figure 3 de

     Boich et al. (reproduite plus haut dans le cadre de l'examen des connaissances générales

     courantes).

 

[53] Ce qui précède se distingue de la présente demande où le produit final ne présente aucun

     godet et est simplement étiré jusqu'à une mesure suffisante pour démêler et dissocier les

     fibres de la couche inélastique les unes des autres et de la couche élastique plutôt qu'au

     point où l'ensemble fibreux est déformé de manière permanente.

 

[54] Nous sommes d'accord avec l'examinateur en ce qui a trait aux autres différences,

     notamment la description à la revendication 1 indiquant que la couche élastique est formée

     de polyester à copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et souples, et

     que la perméabilité de la couche élastique dans Boich et al. est obtenue en pratiquant des

     perforations plutôt qu'en vertu de la perméabilité de la couche comme telle. Boich et al. ne

     précise pas un matériau spécifique pour la couche élastomère; quant aux perforations

     conférant de la perméabilité, cela est clairement énoncé à la page 5, lignes 7 à 12, et

     illustré à la figure 3 du document Boich et al.

 

[55] Aucune autre différence entre le concept inventif de la revendication 1 ou de la

     revendication 7 et Boich et al. n'a été évoquée, ni par l'examinateur ni par la

     Demanderesse.

 

[56] En ce qui a trait au document Mleziva et al., celui-ci divulgue également une feuille de

     matériau composite élastique. La feuille est utilisée notamment dans les coussinets à

     vêtement, les couches et les produits d'hygiène. La feuille se compose d'un voile élastique

     formé d'éléments élastomères plats (en forme de rubans) joints à une couche extensible. La

     couche extensible peut être une couche pouvant former des godets ou une couche

     élastomère et/ou une autre couche étirable jointe au voile élastique de manière continue ou

     à des endroits mutuellement espacés. Lorsque la couche extensible est une couche pouvant

     former des godets, le voile élastique est étiré avant liaison, le relâchement de la tension

     entraînant alors la formation de godets sur la couche extensible.

 

[57] La liaison entre le voile élastique et la ou les couches extensibles peut être soit par points

     soit continue.

 

[58] Dans la décision finale, l'examinateur a évoqué Mleziva et al. comme ayant divulgué

     l'utilisation d'un élastomère polyester comme matériau pour la couche élastomère, plus

     précisément un matériau appelé HytrelMC qui incorpore les ingrédients durs et souples

     mentionnés dans le  mémoire descriptif de la présente demande (voir à la page 7 de la

     demande). La demanderesse n'a pas contesté ce point de vue. Nous sommes en effet d'avis

     que l'utilisation d'un polyester à copolymérisation par blocs comportant des ingrédients

     durs et souples est une différence entre le concept inventif de la revendication 1 et Mleziva

     et al.

 

[59] Il existe, toutefois, comme la Demanderesse l'a souligné dans ses observations écrites du

     20 juin 2013, une différence entre la configuration du segment élastique de la feuille

     composite dans Mleziva et al. et celle divulguée dans les revendications de la présente

     demande. Dans Mleziva et al., la couche élastique est formée d'éléments élastomères plats

     (en forme de rubans) contrairement aux filaments ou fibres classiques qui sont de section

     ronde. (Voir, à titre d'exemple, à la page 4, les lignes 14 à 17; à la page 5, la ligne 11,

     jusqu'à la page 6, la ligne 6, et la figure 2 de Mleziva et al.). Mleziva et al. divulgue

     également les avantages particuliers d'une telle configuration.

 

[60]   la lumière de ce qui précède, Mleziva et al. est différent du concept inventif de la

     réclamation 1 et de la réclamation 7 en ce qu'il y est mentionné l'utilisation d'un matériau

     pouvant former des godets pour la couche absorbante extensible et du fait que la

     configuration de la couche élastique est celle d'un ensemble d'éléments plats par opposition

     à une fibre ou à des fibres continues.

 

[61] En somme, l'état antérieur de la technique ne montre pas une feuille composite ou une

     méthode de la façonner comme les divulguent les revendications 1 et 7 où la feuille est

     formée d'une couche extensible lisse et ne comportant aucun godet, en combinaison avec

     une couche élastique formée d'un polyester à copolymérisation par blocs comportant des

     ingrédients durs et souples, la couche élastique assurant par elle-même la perméabilité

     voulue.

    

4) Est-ce que les différences constituent des étapes qui auraient été évidentes?

 

[62] Dans la décision finale, l'examinateur a allégué que la revendication 1 était évidente pour la

     raison suivante :

 

          la couche élastomère de Mleziva et al. pouvant être utilisée comme

          solution de rechange à la couche élastomère perforée de Boich et al. pour

          obtenir les propriétés désirées de perméabilité à l'humidité et aux liquides.

 

[63] Il est à noter que cet argument a été mis de l'avant, parce que l'examinateur souscrivait au

     point de vue voulant que la feuille composite des revendications incluait la présence de

     godets comme c'était le cas dans les documents de référence Boich et al. et Mleziva et al.

     Comme nous l'avons démontré plus haut, cela n'est pas le cas.

 

[64] De plus, à l'étape 3, nous avons conclu que la couche élastique de la feuille composite de

     Mleziva et al. est formée d'une pluralité d'éléments plats (en forme de rubans) plutôt que

     d'une pellicule solide ou de fibres continues comme cela est divulgué aux revendications 1

     et 7. Nous sommes donc d'accord avec les observations écrites que la demanderesse a

     soumises le 20 juin 2013 voulant que, même si la portion élastique de la feuille composite

     dans Mleziva et al. était remplacée par la couche élastique perforée de Boich et al., il n'en

     résulterait pas la feuille composite divulguée dans la présente demande.

 

[65] Le document de Boich et al. visait principalement le développement d'une feuille

     composite convenant à l'utilisation dans des couches et possédant des propriétés telles

     qu'une [TRADUCTION] « surface pelucheuse douce » et une [TRADUCTION] « grande

     capacité d'absorption et de rétention de liquides » (voir la page 4 de Boich et al.).

 

[66] En revanche, la présente demande porte sur une feuille composte pour utilisation en tant

     que matériau de base pour des vêtements, tels que couches jetables, serviettes hygiéniques

     ou blouses jetables. Plus précisément, et comme cela est indiqué dans les revendications 1

     et 7, la demande porte sur une feuille composite devant être utilisée comme enveloppe

     imperméable pour des articles absorbants jetables de liquides organiques. Par conséquent,

     les mêmes considérations que celles de l'état antérieur de la technique ne s'appliquent pas,

     telle la création d'une surface pelucheuse, que la présente demande cherchait à éviter en ne

     formant pas de godets dans la portion d'ensemble fibreux de la feuille composite.

 

[67] Nous ne trouvons rien dans l'état antérieur de la technique décrivant la formation d'une

     feuille composite avec une combinaison de caractéristiques telles que celles divulguées

     dans les revendications 1 ou 7, à savoir une feuille comportant une couche élastique et des

     couches fibreuses avec des propriétés telles que l'absence de godets sur la couche fibreuse,

     contrairement à l'état antérieur de la technique, et où la couche élastique procure elle-

     même la perméabilité à l'humidité voulue.

 

[68] Le document Boich et al. met l'accent sur la formation de godets dans le but de former une

     surface pelucheuse absorbante devant être utilisée comme revêtement intérieur d'une

     couche, lequel revêtement procure une perméabilité par le truchement de perforations, en

     opposition à la perméabilité inhérente à la couche élastique telle que divulguée dans la

     présente demande. Mleziva et al. est un exemple d'une autre feuille composite, exemple

     qui propose l'utilisation d'une couche plissée (avec formation de godets) ou d'une couche

     étirable liée à une couche élastique formée de plusieurs éléments plats (en forme de

     rubans). Dans Mleziva et al. l'accent, qui est mis sur une application plus générale de la

     feuille composite, et donc sur la variabilité de la couche extensible, nous amène à conclure

     que, compte tenu des orientations différentes des documents Boich et al. et Mleziva et al.

     et sans une connaissance préalable du concept inventif de la Demanderesse, la personne

     versée dans l'art n'avait aucune raison de combiner leurs enseignements. Cela dit, même si

     les deux documents étaient considérés de pair, la Commission est d'avis qu'on ne pourrait

     pour autant réaliser l'invention des revendications 1 et 7.

 

[69] Bien que la personne versée dans l'art pourrait choisir d'utiliser le matériau étirable sans

     godets de Mleziva et al. pour la couche extensible, aucun des documents d'antériorité ne

     divulgue une couche élastique ayant les propriétés décrites dans les revendications 1 et 7.

     Boich et al. prévoit des perforations en vue de conférer de la perméabilité à la couche

     élastique. Bien que Mleziva et al. divulgue l'utilisation d'une couche élastique formée d'un

     matériau similaire à celui décrit dans les revendications, sa configuration est très différente

     en ce qu'elle est formée d'un ensemble d'éléments plats (en forme de rubans).

 

[70] Pour les motifs exposés ci-dessus, nous en arrivons à la conclusion que les revendications

     indépendantes 1 et 7 et, par conséquent, les revendications dépendantes 2 à 6 et 8 à 12

     n'auraient pas été évidentes et sont donc conformes aux dispositions du paragraphe 28.3

     de la Loi sur les brevets.

 

QUESTION 3 : LES REVENDICATIONS 7   12 SONT-ELLES VAGUES?

 

Principes juridiques

 

[71] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets énonce l'exigence voulant que les

     revendications définissent l'invention de manière distincte et explicite :

 

          27(4)  Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs

          revendications définissant distinctement et en des termes explicites l'objet

          de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège

          exclusif.

 

[72] La signification pratique de cette disposition a été examinée dans le passage désormais

     classique de la décision Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines

     Ltd.[1947] Ex.C.R. 306, à la page 352 (Minerals Separation) eu égard à l'ancien

     paragraphe 14(1) équivalent :

                    

          [TRADUCTION] En formulant ses revendications, l'inventeur érige une

          clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde

          contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin

          de donner l'avertissement nécessaire, et seule la propriété de l'inventeur

          doit être clôturée. La teneur d'une revendication doit être exempte de toute

          ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être

          flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir

          non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer

          sans risque. Si une revendication ne remplit pas ces conditions, elle ne

          peut être valide.

 

Analyse

         

[73] Dans le résumé des motifs soumis à la Commission, l'examinateur, à la suite des

     modifications apportées aux revendications en réponse à la décision finale, souligne qu'à la

     revendication 7, le terme [TRADUCTION] « ladite feuille composite » n'a pas

     d'antécédent. Dans ses observations écrites du 20 juin 2013, la Demanderesse propose de

     remplacer ce terme par « ladite feuille composite élastique étirable », ce qui fait

     directement référence à la terminologie utilisée dans le préambule de la revendication.

     Selon nous, cela prévient toute possible ambiguïté dans la revendication; une telle

     modification devrait donc être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les

     brevets.

 

[74] Dans le résumé des motifs, l'examinateur a également noté qu'à la suite des mêmes

     modifications indiquées plus haut, la revendication 12 est vague, puisqu'elle fait référence

     à [TRADUCTION] « La méthode selon la revendication 1 » alors que la revendication 1

     porte sur le produit, une feuille composite, et non pas sur une méthode. La Demanderesse,

     dans ses observations écrites du 20 juin 2013, a proposé de modifier la revendication 12

     de manière qu'elle fasse plutôt référence à la revendication 7. Comme cela éviterait une

     incompatibilité entre l'objet de la revendication dépendante 12 et la revendication

     indépendante à laquelle est fait référence, nous sommes d'avis que la modification

     proposée par la Demanderesse devrait être requise en vertu du paragraphe 31(c) des

     Règles sur les brevets.

 

[75] De même, en réponse à l'affirmation de l'examinateur voulant que la revendication 12 était

     également vague au motif que le terme « ensemble fibreux » ne faisait pas référence à son

     antécédent en raison de l'utilisation d'un article défini, la Demanderesse a proposé de

     modifier la revendication comme suit : « ledit ensemble fibreux ». Comme cela éviterait

     aussi toute ambiguïté, nous sommes d'avis que la modification proposée par la

     Demanderesse devrait être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets.

 

QUESTION 4 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 4 ET 10 SONT ÉTAYÉES PAR

LE MÉMOIRE DESCRIPTIF?

 

Principes juridiques

    

[76] L'article 84 des Règles sur les brevets stipule que chaque revendication doit être étayée

     par la description :

 

          84. Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement

          sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-

          ci.

 

Analyse

 

[77] Dans sa lettre du 22 avril 2013 à la Demanderesse, la Commission indiquait que les

     nouveaux éléments ajoutés aux revendications dépendantes 4 et 10 n'étaient pas étayés par

     le mémoire descriptif. Ces revendications dépendantes ont trait à la masse surfacique de

     l'ensemble fibreux décrit dans les revendications indépendantes 1 et 7. En réponse, la

     Demanderesse a proposé dans ses observations écrites du 20 juin 2013 de modifier le

     mémoire descriptif de manière à inclure la caractéristique divulguée dans ces

     revendications indépendantes. Du fait qu'une modification du mémoire descriptif en vue

     d'y inclure un objet pouvant être raisonnablement inféré du mémoire descriptif faisant

     partie de la demande est permise en vertu du paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets et

     que, en l'espèce, cet objet était présent dans les revendications de la demande originale,

     nous estimons que la modification proposée est acceptable et que, en conséquence, elle

     devrait être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[78] Nous recommandons que la demande ne soit pas rejetée pour les motifs énoncés dans la

     décision finale.

 

[79] De plus, nous recommandons que la Demanderesse soit informée qu'elle doit, afin de se

     conformer aux dispositions du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et du

     paragraphe 84 des Règles sur les brevets, déposer des modifications en vertu du

     paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets de manière que :

 

          -    la revendication 7 est modifiée pour remplacer « ladite

               feuille composite » par « ladite feuille composite élastique

               étirable »;

          -    la revendication 12 est modifiée pour faire référence à la

               revendication 7 et de sorte qu'il est fait référence à

               l'ensemble fibreux par les termes « ledit ensemble fibreux »;

          -    le mémoire descriptif est modifié pour inclure le poids

               surfacique de l'ensemble fibreux divulgué dans les

               revendications 4 et 10.

 

 

 

     Stephen MacNeil          Paul Fitzner             Ed MacLaurin

     Membre                         Membre                   Membre

 

 

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

    

[80] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Par la présente,

     j'informe la Demanderesse qu'elle doit, afin de se conformer aux dispositions du

     paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et du paragraphe 84 des Règles sur les brevets,

     déposer des modifications en vertu du paragraphe 31(c) de ces mêmes Règles de manière

     que :

 

          -    la revendication 7 est modifiée pour remplacer « ladite

               feuille composite » par « ladite feuille composite élastique

               étirable »;

          -    la revendication 12 est modifiée pour faire référence à la

               revendication 7 et de sorte qu'il est fait référence à

               l'ensemble fibreux par les termes « ledit ensemble fibreux »;

          -    le mémoire descriptif est modifié pour inclure le poids

               surfacique de l'ensemble fibreux divulgué dans les

               revendications 4 et 10.

                             

[81] Les modifications en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets doivent être

     déposées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi,

     j'entends rejeter la demande.

 

 

     Sylvain Laporte

     Commissaire des brevets

 

     Fait à Gatineau (Québec)

     ce 7e jour de novembre 2013

 

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