BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
Ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet
numéro 2,313,707 a fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et le
commissaire aux brevets, conformément au paragraphe 30(6) des mêmes Règles. Les conclusions
de la Commission et la décision du Commissaire s'énoncent ainsi :
Agent de la Demanderesse :
NORTON ROSE FULBRIGHTCANADA LLP
1, Place Ville-Marie, bureau 2500
Montréal (Québec) H3B 1R1
INTRODUCTION
[1] La présente décision concerne la révision de la demande de brevet no 2,313,707 intitulée
« FEUILLE COMPOSITE ÉLASTIQUE ÉTIRABLE » par le commissaire aux brevets.
La Demanderesse est UNI-CHARM CORPORATION et Toshio Kobayashi,
Satoru Tange et Koichi Yamaki sont les inventeurs.
[2] la suite des modifications apportées à la demande par la Demanderesse en réponse à la
décision finale de l'examinateur, le dossier de la présente affaire a été transmis à la
Commission d'appel des brevets (« la Commission ») au motif que l'examinateur avait
conclu que la demande n'était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les
brevets en raison des déficiences suivantes :
- les revendications 1 à 12 auraient été évidentes;
- telles que modifiées, les revendications 1 et 7 visent un objet inacceptable;
et
- les revendications 7 et 12 sont vagues.
[3] l'étape de la révision, la Commission a également soulevé une question d'absence
d'étayage des revendications 4 et 10, question qui a été abordée par la Demanderesse dans
ses observations écrites datées du 20 juin 2013.
[4] la lumière de l'analyse ci-dessous, la Commission recommande que la demande soit
modifiée de la manière proposée par la Demanderesse dans ses observations écrites du
20 juin 2013 et, par la suite, acceptée.
CONTEXTE
[5] La demande faisant l'objet de la présente révision porte sur une feuille composite élastique
étirable et sur la méthode de formation d'une telle feuille, plus précisément celle formée
d'une feuille élastique et d'un ensemble fibreux mince. De telles feuilles composites servent
dans des applications telles des enveloppes de couches jetables dans lesquelles une feuille
élastique imperméable peut être liée à un textile élastique étirable non tissé. De cette
manière, la surface d'allure caoutchoutée de la feuille élastique est recouverte d'une couche
d'un matériel plus confortable ayant la texture d'une étoffe.
[6] En l'espèce, la Demanderesse tente d'améliorer une feuille composite classique en
recourant à des caractéristiques telles que de longues fibres continues s'étendant sur toute
la longueur de l'ensemble fibreux ce qui, selon la Demanderesse, élimine les problèmes de
la technique antérieure liés au fait que les fibres plus courtes se dissociaient les unes des
autres et créaient ainsi une surface pelucheuse indésirable. Une telle structure élimine
également le besoin d'avoir des zones de liaison plus denses entre les couches. La plus
grande densité de la liaison était nécessaire avec les fibres plus courtes de la technique
antérieure afin de prévenir la formation d'une surface pelucheuse causée par le démêlement
des fibres ce qui, malencontreusement, entraînait un problème supplémentaire de réduction
de l'extensibilité.
HISTORIQUE DE LA DEMANDE
[7] La présente demande a été déposée le 11 juillet 2000 sur la base de deux demandes
antérieures de brevets japonais à partir desquelles la Demanderesse revendique la priorité.
[8] Au moment de la décision finale, datée du 29 novembre 2010, les revendications au
dossier étaient considérées comme étant défectueuses au seul motif qu'elles étaient
évidentes. la suite des modifications apportées par la Demanderesse en réponse à la
décision finale, l'examinateur a relevé, dans un résumé des motifs soumis à la Commission
et remis à la Demanderesse le 20 février 2012, des irrégularités supplémentaires relatives à
la présence de nouveaux éléments et à l'imprécision.
[9] La Demanderesse a refusé l'invitation de la Commission qui lui offrait la possibilité de se
faire entendre, mais a soumis des observations écrites abordant les irrégularités non
corrigées ainsi qu'un problème d'étayage des revendications 4 et 10, une question qui avait
été soulevée par la Commission au cours du processus de révision et communiquée à la
demanderesse le 22 avril 2013.
[10] En conséquence, la présente recommandation est fondée sur le dossier écrit élaboré depuis
le dépôt de la demande et incluant les observations écrites soumises le 20 juin 2013 par la
Demanderesse.
QUESTIONS
[11] Compte tenu de ce qui précède, il convient de trancher quatre questions, dont celle du
possible ajout aux revendications de nouveaux éléments inacceptables. Puisque la décision
à l'égard de l'acceptabilité des nouveaux éléments a une incidence sur la portée des
revendications devant être évaluées, la Commission abordera en premier lieu la question
des nouveaux éléments. Les questions sont donc traitées de la manière suivante :
1. Est-ce que les revendications 1 et 7 modifiées visent un nouvel objet inacceptable?
2. Est-ce que les revendications 1 à 12 auraient été évidentes à la lumière des documents
d'antériorité?
3. Les revendications 7 à 12 sont-elles vagues?
4. Est-ce les revendications 4 et 10 sont étayées par la description?
QUESTION 1 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 1 ET 7 MODIFIÉES VISENT
UN NOUVEL OBJET INACCEPTABLE?
Principes juridiques
[12] Le paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets énonce les conditions auxquelles des
modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif et aux dessins d'un brevet.
Modification du mémoire descriptif et des dessins
38.2 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le
mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet
peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.
Limite aux modifications du mémoire descriptif
(2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments
qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de celui-ci ou des dessins faisant
partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le
mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte antérieure.
Limite aux modifications des dessins
(3) (3) Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments
qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de ceux-ci ou du mémoire
descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est
mentionné dans le mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte
antérieure.
[13] notre connaissance, la jurisprudence canadienne ne nous guide aucunement pour ce qui
est de la question précise de l'ajout de nouveaux éléments dans une demande de brevet ou
un brevet. La question a été récemment soulevée dans Demande no 2,159,968 (2009),
D.C. 1293 (C.A.B. et Commissaire aux brevets). Dans cette décision, il est fait référence à
une décision antérieure (Demande no 315,073 (1981), D.C. no 904 (C.A.B. et
commissaire aux brevets)), il a été formulé ce qui suit en lien avec l'ancienne règle 52
(maintenant le paragraphe 38.2) :
Cette règle appelle la question suivante : dans quelles conditions la
déduction raisonnable doit-elle être faite, et par qui doit-elle être faite? Et
l'on peut répondre clairement par ceci : la personne versée dans l'art dont
relève l'invention au moment du dépôt de la demande.
[14] Puisque la protection conférée par un brevet commence à compter de la date de dépôt de
la demande, nous estimons qu'il s'agit d'une date appropriée à partir de laquelle on peut
évaluer le contenu de la demande, et que d'examiner l'objet divulgué du point de vue de la
personne versée dans l'art concorde avec le critère bien connu présidant à l'interprétation
d'un brevet. Par conséquent, nous appliquons l'évaluation ci-dessus dans notre analyse.
[15] Le paragraphe de la Loi cité plus haut au para. [12] exige que les modifications puissent
« raisonnablement s'inférer » du mémoire descriptif ou des dessins faisant partie de la
demande originale. Puisque l'inférence est admissible, la personne versée dans l'art n'aurait
besoin d'aucune référence explicite aux éléments supplémentaires.
[16] Avant d'évaluer les nouveaux éléments, parce que cela doit être fait du point de vue de la
personne versée dans l'art, qui possède nécessairement les connaissances générales
courantes de la technique pertinente, nous établirons d'abord qu'elle est cette personne et
quelles connaissances générales courantes elles devraient posséder, eu égard au dossier
dont nous sommes saisis.
La personne versée dans l'art et les connaissances générales courantes
[17] Dans la décision finale, l'examinateur a décrit la personne versée dans l'art comme étant
[TRADUCTION] « un technicien versé dans l'art des composites élastiques
multicouche ». La Demanderesse n'a pas contesté cette caractérisation; aussi, l'adoptons-
nous aux fins de la présente recommandation.
[18] L'examinateur a aussi, dans la décision finale, délimité certains aspects des connaissances
générales courantes que la Demanderesse n'a pas contestés, notamment des connaissances
dans les domaines suivants :
- propriétés physiques, dont l'écoulement plastique des fibres polymériques non
élastiques et des feuilles polymériques élastiques;
- méthodes de stratification/liaison;
- méthodes d'essai standard de la perméabilité à l'humidité et de résistance à l'eau.
[19] cette énumération, il convient d'ajouter les connaissances générales courantes décrites
dans la présente demande et soulignées par la Commission dans sa lettre du 20 juin 2013
et que la demanderesse n'a pas non plus contestées :
- liaison de textiles élastiques étirables non tissés à des feuilles élastiques étirables
faites d'élastomère plastique ou d'un matériau similaire (donnant une texture
semblable à celle d'une étoffe au lieu d'une texture caoutchoutée);
- l'utilisation de fibres en bourre d'une longueur d'environ 50 mm;
- le problème que les fibres se dissocient à la suite de l'étirement répété des feuilles,
ce qui a pour effet de rendre les feuilles composites pelucheuses;
- l'atténuation du problème décrit plus haut en augmentant la densité des zones de
liaison ce qui, toutefois, réduit l'extensibilité.
[20] La Demanderesse, dans ses observations écrites du 20 juin 2013, mentionne un autre
élément des connaissances générales courantes. En effet, la Demanderesse précise que la
personne versée dans l'art sait bien qu'il se forme des « godets » (c.-à-d. des formations
ondulatoires) dans les feuilles composites. Ce point concorde avec les divulgations
contenues dans les documents d'antériorité cités par la Demanderesse et dans les
renseignements généraux de chacun d'entre eux. Nous estimons donc que cela faisait
partie des connaissances générales courantes. Dans ses observations écrites du
20 juin 2013, la Demanderesse décrit les principaux aspects de la création de tels godets
en lien avec la référence faite à Boich et al. (brevet canadien 2,150,366, désigné D1) cité
par l'examinateur dans le cadre de sa discussion sur l'évidence : [TRADUCTION]
(1) les fibres de la couche de fibres non élastiques 10 subissent une contrainte de
traction suffisante pour entraîner une déformation non élastique, c'est-à-dire une
déformation qui n'est pas récupérée au moment du relâchement de la contrainte de
traction d'où une déformation ou un allongement permanent;
(2) l'espacement des points de liaison 14 détermine la forme et la grandeur des
ondulations ou godets qui s'étendent de façon transversale par rapport à
l'orientation de l'étirement. Dans D1, la Figure 3 montre que l'espacement égal des
points de liaison 14 entraîne des ondulations ou des godets de grandeur égale. Si
l'espacement des liaisons 14 avait été aléatoire, les ondulations formées ne
sauraient être d'égale grandeur; plutôt, la couche de fibres 10 (à la suite de
l'étirement non élastique des fibres) présenterait une surface supérieure
« pelucheuse » comportant des points d'indentation aléatoires à la hauteur des
points de liaison 14 et des crêtes aléatoirement étirées vers le haut entre les points
d'indentation.
[21] La figure 3 du mémoire descriptif de Boich et al., reproduite ci-dessous, montre les godets
qui sont formés durant des processus tels que ceux décrits dans la présente demande.
[22] C'est avec ces connaissances en tête que nous procédons à l'examen des modifications
apportées aux revendications 1 et 7 afin de décider s'il s'agit de nouveaux éléments
inacceptables.
Analyse
[23] La revendication 1 est reproduite ci-dessous de manière à mettre en évidence les éléments
nouveaux de la revendication modifiée. La revendication 7, qui est une méthode de
production de la feuille composite décrite à la revendication 1, comprend une disposition
très similaire.
1. Une feuille composite élastique étirable comportant :
[TRADUCTION] une feuille élastique extensible dans les sens
longitudinal et transversal;
un ensemble fibreux, possédant une extensibilité non élastique dans lesdits
sens longitudinal et transversal, lié à au moins une surface de ladite feuille
élastique,
où :
ladite feuille et ledit ensemble fibreux sont de dimensions égales dans deux
directions orthogonales l'une par rapport à l'autre, avant et après une étape
d'étirement où l'ensemble fibreux est étiré de manière non élastique;
les fibres à composantes dudit ensemble fibreux s'étendent dans
ledit sens longitudinal, se recourbant de manière irrégulière par rapport à
cedit sens longitudinal;
ladite feuille élastique et ledit ensemble fibreux sont liés ensemble
à des zones de liaison disposées de manière intermittente dans lesdits sens
longitudinal et transversal;
lesdites fibres à composantes dudit ensemble fibreux sont des
fibres longues qui s'étendent continûment et décrivent des boucles dans une
aire sans liaison délimitée entre chaque paire de zones de liaison adjacentes
au sein desquelles lesdites fibres longues sont liées à ladite feuille
plastique;
lesdites fibres à composantes de l'ensemble fibreux se dissocient
les unes des autres et se décollent de la feuille élastique dans ladite aire
sans liaison entre lesdites zones de liaison au cours de l'étape d'étirement
de l'ensemble fibreux et où le diamètre desdites fibres à composantes est
diminué après l'étape de liaison de l'ensemble fibreux à la feuille élastique
auxdites zones de liaison;
ladite feuille élastique est composée d'une pellicule élastiquement
étirable faite de polyester à copolymérisation par blocs comportant des
ingrédients durs et souples, et affiche une perméabilité à l'humidité d'au
moins 1000 g/m2/24 h, mesurée conformément à la norme JIS Z 0208 et
une résistance à la pression d'eau d'au moins 1 m mesurée conformément à
la norme JIS L 1092;
ladite feuille élastique est utilisée dans les enveloppes
imperméables d'articles absorbants jetables de liquides organiques.
[24] Les passages particuliers ont été ajoutés aux revendications en réponse à la décision finale
de l'examinateur dans laquelle ce dernier arguait que les revendications étaient évidentes
puisque, de son avis, et à l'instar de la technique antérieure appliquée, la feuille composite
revendiquée dans la présente demande comporte des godets.
[25] Le passage contesté dans les revendications mentionne que les dimensions des deux
couches sont égales dans les deux directions, aussi bien avant qu'après l'étape d'étirement,
clarifiant ainsi que, comparativement à la technique antérieure, la présente invention
n'entraîne pas de tels godets. Pour étayer l'ajout de cette caractéristique aux
revendications, la Demanderesse fait état de la référence à la figure 2 (montrée ci-dessous)
à la page 9 du présent mémoire descriptif et aux lignes 4 à 7 de la page 13 citées ci-après
(les deux étaient présentes dans la teneur originale de la demande) :
[TRADUCTION] Après avoir été étiré, le premier voile composite (43) se
contracte élastiquement pour reprendre sa longueur initiale entre la
seconde paire de rouleaux (37 - 38) pour former un second voile
composite (44).
[26] Le passage de la page 13 précise que la longueur du voile composite avant et après l'étape
d'étirement est la même (c.-à-d. qu'il n'y a pas de modification permanente de la longueur
contrairement à la situation où des godets sont formés). Cela signifierait également que la
largeur n'est pas modifiée, puisque le matériau n'est pas étiré séparément dans le sens
latéral lors de la fabrication. La réponse à la question de savoir si le maintien de la
longueur initiale fait référence à la longueur totale du voile composite 44 dans son état lié
tout en tolérant la formation de godets entre les zones de liaison à l'intérieur de cette
longueur se trouve à la page 9, aux lignes 15 à 21, et dans la figure 2 (reproduite ci-
dessous) ainsi qu'aux figures 1 et 3.
[27] Les figures 1 et 3 illustrent des réalisations différentes de la feuille composite de
l'invention. Aucune des figures ne montre des godets dans quelque direction que ce soit,
ce qui suggère que la longueur des couches individuelles est modifiée durant l'étape
d'étirement du processus de fabrication comme cela était connu par la personne versée
dans l'art. Le but visé par l'étape d'étirement au cours de la fabrication de la présente
invention est également présenté à la page 13 comme étant d'assurer que
[TRADUCTION] « tout point lié ou mécaniquement emmêlé pouvant avoir été formé
parmi les premières fibres continues 35 du premier voile 41 puisse être substantiellement
desserré ou démêlé ». Le but de cet étirement est tout simplement de démêler les fibres
continues et non pas de déformer la couche fibreuse de manière permanente.
[28] Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il serait évident à la personne versée dans l'art (et
pourrait donc être raisonnablement inféré) à la lecture des passages de la page 13 du
mémoire descriptif faite de pair avec les dessins de l'invention présentés dans les figures,
et à la lumière des connaissances générales courantes, que la demande au dossier divulgue
une feuille composite qui ne contient pas de godets et, par conséquent, comporte une
feuille élastique et un ensemble fibreux qui « sont de dimensions égales dans deux
directions orthogonales l'une par rapport à l'autre, avant et après une étape d'étirement... ».
[29] Par conséquent, nous en arrivons à la conclusion que les éléments contestés ajoutés aux
revendications 1 et 7 devaient raisonnablement s'inférer de la description et des dessins de
la demande originale et sont conformes au paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets.
Aussi, l'évaluation du caractère évident ou non de l'invention prend-elle en considération
les nouveaux éléments ajoutés.
QUESTION 2 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 1 12 AURAIENT ÉTÉ
ÉVIDENTES?
[30] Le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une
revendication peut être considérée comme étant évidente :
28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à
la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art
ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :
(a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la
demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui
l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de
manière telle qu'elle est devenue accessible au public au
Canada ou ailleurs;
(b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la
revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au
public au Canada ou ailleurs.
[31] Dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (Sanofi), la Cour
suprême a énoncé une démarche à quatre volets pour l'examen relatif à l'évidence,
démarche que nous suivons dans notre examen présenté ci-après :
1) a) identifier la « personne versée dans l'art »;
b) déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de
cette personne;
2) définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par
voie d'interprétation;
3) recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de
« l'état de la technique » et l'idée originale qui sous-tend la
revendication ou son interprétation;
4) abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée,
ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la
personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?
[32] Dans Sanofi, la Cour suprême considère que les termes « aller de soi » sont synonymes de
« très clair » (Sanofi au para. 65).
Analyse
1)a) La personne versée dans l'art
[33] Comme nous l'avons déjà mentionné, il n'y a pas de désaccord avec la caractérisation que
l'examinateur fait de la personne versée dans l'art comme étant « un technicien versé dans
l'art des composites élastiques multicouche ».
1)b) Les connaissances générales courantes pertinentes
[34] Nous avons déjà énoncé, aux para. [18] à [21], les connaissances générales courantes
pertinentes de la personne versée dans l'art relativement à l'examen des nouveaux
éléments; aussi, n'est-il pas nécessaire de les reprendre ici.
2) définir l'idée originale ou interpréter les revendications
[35] Il est entendu que l'examen relatif à l'évidence devrait, en règle générale, être effectué pour
chacune des revendications en litige. Toutefois, comme nous le démontrons ci-après, les
revendications indépendantes 1 et 7 sont non évidentes. Il s'ensuit que les autres
revendications dépendantes seraient aussi non évidentes; il n'est donc pas nécessaire d'en
faire un examen distinct.
[36] Avant d'examiner les concepts inventifs des revendications, nous procéderons à leur
interprétation de manière à fournir un fondement à la détermination des concepts inventifs.
L'interprétation des revendications
[37] Avant d'évaluer la validité des revendications, il convient de procéder à leur interprétation
téléologique avant de distinguer entre éléments essentiels et non essentiels (Free World
Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 RCS 1024 [Free World] au para. 19; Whirlpool
Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 RCS 1067 au para. 43).
[38] Selon l'arrêt Free World, pour qu'un élément d'une revendication soit jugé non essentiel »,
« il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la
revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel, ou que (ii), à la
date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un
élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de
l'invention » (Free World au para. 55).
[39] En l'espèce, il n'y a pas eu de différend entre l'examinateur et la Demanderesse quant à
l'interprétation téléologique des revendications. Nous n'avons aucun motif pour conclure
qu'un quelconque élément des revendications est non essentiel. Suivant le mémoire
descriptif, la Demanderesse entend fournir une feuille composite élastique étirable
améliorée qui élimine les problèmes des feuilles de l'état antérieur de la technique
(utilisées, par exemple, comme enveloppes imperméables pour les couches jetables), tels
que le démêlement des fibres courtes entraînant une perte de structure et la formation
d'une indésirable surface pelucheuse.
[40] Afin d'atteindre l'objectif décrit plus haut, la Demanderesse a proposé une feuille
composite comportant un certain nombre de caractéristiques, lesquelles sont décrites dans
la revendication 1. La Demanderesse a également présenté une revendication
correspondante portant sur une méthode de formation d'une telle feuille. Selon nous,
chacune des caractéristiques des revendications indépendantes 1 et 7, par exemple,
contribue à l'atteinte de l'objectif de créer une feuille composite pouvant être utilisée en
tant qu'enveloppe imperméable d'un produit, telles qu'une couche, une serviette hygiénique
ou une blouse jetable.
[41] Par exemple, l'emploi de fibres continues s'étendant sur la longueur de la feuille dans la
zone sans liaison s'attaque aux problèmes de l'état antérieur de la technique en recourant à
des fibres courtes. Également, les propriétés et les matériaux particuliers font que la feuille
convient à l'usage auquel elle est destinée, notamment l'enveloppe imperméable
susmentionnée. De plus, les éléments ajoutés aux revendications indépendantes qui font
référence aux composants de la feuille composite ayant les mêmes dimensions avant et
après leur étirement (c.-à-d. l'absence de godets) concordent avec l'usage prévu en tant
qu'enveloppe pour les produits mentionnés plus haut. Une autre particularité concorde
avec l'absence de godets : il s'agit de l'étirement de la feuille composite jusqu'à un point où
les fibres de l'ensemble fibreux deviennent dissociées et décollées les unes des autres et de
la feuille élastique plutôt que de continuer à s'étirer jusqu'au point où l'ensemble fibreux
est déformé de manière permanente.
[42] la lumière de ce qui précède, nous estimons que tous les éléments du produit et de la
méthode revendiqués sont essentiels.
Le concept inventif
[43] Dans son résumé des motifs présenté à la Commission, l'examinateur a caractérisé le
concept inventif des revendications comme suit :
1. une couche fibreuse ou pelliculaire élastique faite de polyester à
copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et
souples. L'ingrédient dur est obtenu à partir d'un composant acide
dicarboxylique et d'un composant diol. L'ingrédient souple est fait
de polyester aliphatique. La couche élastique possède une
perméabilité à l'humidité d'au moins 1 000 g/m2/24 h (JIS Z 0208)
et une résistance à la pression d'eau d'au moins 1 m (JIS L 1092);
2. une couche fibreuse inélastique comprenant de longues fibres
continues à composantes. Les fibres à composantes se séparent
les unes des autres dans les zones où les couches élastiques et
inélastiques ne sont pas liées. Les fibres ont un diamètre de 0,1 à
50 microns et la couche inélastique a une masse surfacique de 2 -
100 g/m2.
[44] Outre les caractéristiques revendiquées de la feuille composite divulguée dans les
revendications, la caractérisation du concept inventif des revendications énoncée par
l'examinateur dans la décision finale incluait l'affirmation voulant que la feuille composite
comporte des godets. De même, dans le résumé des motifs, l'examinateur a considéré la
formation de godets comme étant un résultat inhérent de l'invention revendiquée.
[45] Comme cela été mentionné plus haut dans le cadre de l'examen de la question des
nouveaux éléments, la formation de godets faisait partie des connaissances générales
courantes. Toutefois, dans le cadre de notre examen de la question des nouveaux
éléments, nous avons établi que la présente demande ne divulgue pas une feuille composite
dans laquelle se forment des godets. En conséquence, nous concluons que le concept
inventif n'inclut ni la présence ni la formation de godets.
[46] Nous remarquons aussi que les ingrédients polymères durs et souples (acide
dicarboxylique et diol pour l'ingrédient dur et polyester aliphatique pour l'ingrédient
souple) que l'examinateur a inclus dans sa caractérisation du concept inventif ne sont pas
précisés dans les revendications ni ne constituent des propriétés, telles que des avantages
inhérents découlant de l'objet revendiqué. Par conséquent, ils ne relèvent pas non plus du
concept inventif.
[47] La Demanderesse n'a contesté aucun autre volet de l'analyse du concept inventif faite par
l'examinateur, laquelle reflète globalement les éléments des revendications; aussi
procédons-nous en nous fondant sur ces conclusions y compris, bien sûr, en ce qui a trait
aux éléments ajoutés aux revendications 1 et 7 en réponse à la décision finale. Ces
éléments, comme nous l'avons mentionné plus haut dans le cadre de l'examen des
nouveaux éléments, clarifient le fait que la feuille composite revendiquée et sa méthode de
fabrication n'incluent pas la formation de godets.
3) Différences entre l'« état de la technique » et le concept inventif
[48] L'examinateur a estimé que les revendications étaient évidentes en se fondant sur deux
documents : le brevet canadien no 2,150,366 accordé à Boich et al. et la demande de
brevet canadien no 2,248,575 de Mleziva et al.
[49] Dans la décision finale, l'examinateur a affirmé que les différences entre le concept inventif
de la revendication 1 et celui de Boich et al. résidaient dans le fait que
une couche fibreuse ou pelliculaire élastique est faite de polyester à
copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et souples. La
perméabilité aux liquides de la couche/pellicule élastomère de Boich et al.
est obtenue par des perforations pratiquées dans couche/pellicule
élastomère.
[50] L'examinateur n'a pas considéré que l'absence de godets dans la présente demande la
distingue de l'invention de Boich et al. parce qu'il estimait que l'invention revendiquée
incluait la formation de godets tout comme la feuille composite de Boich et al.
[51] la lumière de notre analyse des nouveaux éléments présentée plus haut et de la
caractérisation du concept inventif, cette propriété ne peut être rejetée au motif qu'elle ne
serait pas différente. Comme nous l'expliquons ci-dessous, il s'agit en fait d'une autre
différence entre le concept inventif de la revendication 1 et l'invention de Boich et al.
[52] Comme l'a mentionné l'examinateur dans la décision finale, Boich et al. divulgue aussi une
structure élastique multicouche mince comportant, comme c'est le cas dans la présente
demande, une couche élastomère (feuille ou pellicule homogène) et au moins une couche
inélastique de fibres ou de filaments reliée à la couche élastomère en des zones de liaison
mutuellement espacées. Dans Boich et al. toutefois, la feuille composite est formée de
manière que des godets sont formés dans la couche inélastique en étirant la couche
jusqu'au voisinage de la limite d'allongement à la rupture des fibres ou des filaments.
Comme cela a été mentionné dans Boich et al., la formation de plis ou de godets augmente
le volume de la couche inélastique et crée une surface pelucheuse, laquelle s'avère très
absorbante et donc appropriée à un usage comme surface de contact avec la peau dans des
couches. La présence de godets dans le produit final est clairement illustrée à la figure 3 de
Boich et al. (reproduite plus haut dans le cadre de l'examen des connaissances générales
courantes).
[53] Ce qui précède se distingue de la présente demande où le produit final ne présente aucun
godet et est simplement étiré jusqu'à une mesure suffisante pour démêler et dissocier les
fibres de la couche inélastique les unes des autres et de la couche élastique plutôt qu'au
point où l'ensemble fibreux est déformé de manière permanente.
[54] Nous sommes d'accord avec l'examinateur en ce qui a trait aux autres différences,
notamment la description à la revendication 1 indiquant que la couche élastique est formée
de polyester à copolymérisation par blocs comportant des ingrédients durs et souples, et
que la perméabilité de la couche élastique dans Boich et al. est obtenue en pratiquant des
perforations plutôt qu'en vertu de la perméabilité de la couche comme telle. Boich et al. ne
précise pas un matériau spécifique pour la couche élastomère; quant aux perforations
conférant de la perméabilité, cela est clairement énoncé à la page 5, lignes 7 à 12, et
illustré à la figure 3 du document Boich et al.
[55] Aucune autre différence entre le concept inventif de la revendication 1 ou de la
revendication 7 et Boich et al. n'a été évoquée, ni par l'examinateur ni par la
Demanderesse.
[56] En ce qui a trait au document Mleziva et al., celui-ci divulgue également une feuille de
matériau composite élastique. La feuille est utilisée notamment dans les coussinets à
vêtement, les couches et les produits d'hygiène. La feuille se compose d'un voile élastique
formé d'éléments élastomères plats (en forme de rubans) joints à une couche extensible. La
couche extensible peut être une couche pouvant former des godets ou une couche
élastomère et/ou une autre couche étirable jointe au voile élastique de manière continue ou
à des endroits mutuellement espacés. Lorsque la couche extensible est une couche pouvant
former des godets, le voile élastique est étiré avant liaison, le relâchement de la tension
entraînant alors la formation de godets sur la couche extensible.
[57] La liaison entre le voile élastique et la ou les couches extensibles peut être soit par points
soit continue.
[58] Dans la décision finale, l'examinateur a évoqué Mleziva et al. comme ayant divulgué
l'utilisation d'un élastomère polyester comme matériau pour la couche élastomère, plus
précisément un matériau appelé HytrelMC qui incorpore les ingrédients durs et souples
mentionnés dans le mémoire descriptif de la présente demande (voir à la page 7 de la
demande). La demanderesse n'a pas contesté ce point de vue. Nous sommes en effet d'avis
que l'utilisation d'un polyester à copolymérisation par blocs comportant des ingrédients
durs et souples est une différence entre le concept inventif de la revendication 1 et Mleziva
et al.
[59] Il existe, toutefois, comme la Demanderesse l'a souligné dans ses observations écrites du
20 juin 2013, une différence entre la configuration du segment élastique de la feuille
composite dans Mleziva et al. et celle divulguée dans les revendications de la présente
demande. Dans Mleziva et al., la couche élastique est formée d'éléments élastomères plats
(en forme de rubans) contrairement aux filaments ou fibres classiques qui sont de section
ronde. (Voir, à titre d'exemple, à la page 4, les lignes 14 à 17; à la page 5, la ligne 11,
jusqu'à la page 6, la ligne 6, et la figure 2 de Mleziva et al.). Mleziva et al. divulgue
également les avantages particuliers d'une telle configuration.
[60] la lumière de ce qui précède, Mleziva et al. est différent du concept inventif de la
réclamation 1 et de la réclamation 7 en ce qu'il y est mentionné l'utilisation d'un matériau
pouvant former des godets pour la couche absorbante extensible et du fait que la
configuration de la couche élastique est celle d'un ensemble d'éléments plats par opposition
à une fibre ou à des fibres continues.
[61] En somme, l'état antérieur de la technique ne montre pas une feuille composite ou une
méthode de la façonner comme les divulguent les revendications 1 et 7 où la feuille est
formée d'une couche extensible lisse et ne comportant aucun godet, en combinaison avec
une couche élastique formée d'un polyester à copolymérisation par blocs comportant des
ingrédients durs et souples, la couche élastique assurant par elle-même la perméabilité
voulue.
4) Est-ce que les différences constituent des étapes qui auraient été évidentes?
[62] Dans la décision finale, l'examinateur a allégué que la revendication 1 était évidente pour la
raison suivante :
la couche élastomère de Mleziva et al. pouvant être utilisée comme
solution de rechange à la couche élastomère perforée de Boich et al. pour
obtenir les propriétés désirées de perméabilité à l'humidité et aux liquides.
[63] Il est à noter que cet argument a été mis de l'avant, parce que l'examinateur souscrivait au
point de vue voulant que la feuille composite des revendications incluait la présence de
godets comme c'était le cas dans les documents de référence Boich et al. et Mleziva et al.
Comme nous l'avons démontré plus haut, cela n'est pas le cas.
[64] De plus, à l'étape 3, nous avons conclu que la couche élastique de la feuille composite de
Mleziva et al. est formée d'une pluralité d'éléments plats (en forme de rubans) plutôt que
d'une pellicule solide ou de fibres continues comme cela est divulgué aux revendications 1
et 7. Nous sommes donc d'accord avec les observations écrites que la demanderesse a
soumises le 20 juin 2013 voulant que, même si la portion élastique de la feuille composite
dans Mleziva et al. était remplacée par la couche élastique perforée de Boich et al., il n'en
résulterait pas la feuille composite divulguée dans la présente demande.
[65] Le document de Boich et al. visait principalement le développement d'une feuille
composite convenant à l'utilisation dans des couches et possédant des propriétés telles
qu'une [TRADUCTION] « surface pelucheuse douce » et une [TRADUCTION] « grande
capacité d'absorption et de rétention de liquides » (voir la page 4 de Boich et al.).
[66] En revanche, la présente demande porte sur une feuille composte pour utilisation en tant
que matériau de base pour des vêtements, tels que couches jetables, serviettes hygiéniques
ou blouses jetables. Plus précisément, et comme cela est indiqué dans les revendications 1
et 7, la demande porte sur une feuille composite devant être utilisée comme enveloppe
imperméable pour des articles absorbants jetables de liquides organiques. Par conséquent,
les mêmes considérations que celles de l'état antérieur de la technique ne s'appliquent pas,
telle la création d'une surface pelucheuse, que la présente demande cherchait à éviter en ne
formant pas de godets dans la portion d'ensemble fibreux de la feuille composite.
[67] Nous ne trouvons rien dans l'état antérieur de la technique décrivant la formation d'une
feuille composite avec une combinaison de caractéristiques telles que celles divulguées
dans les revendications 1 ou 7, à savoir une feuille comportant une couche élastique et des
couches fibreuses avec des propriétés telles que l'absence de godets sur la couche fibreuse,
contrairement à l'état antérieur de la technique, et où la couche élastique procure elle-
même la perméabilité à l'humidité voulue.
[68] Le document Boich et al. met l'accent sur la formation de godets dans le but de former une
surface pelucheuse absorbante devant être utilisée comme revêtement intérieur d'une
couche, lequel revêtement procure une perméabilité par le truchement de perforations, en
opposition à la perméabilité inhérente à la couche élastique telle que divulguée dans la
présente demande. Mleziva et al. est un exemple d'une autre feuille composite, exemple
qui propose l'utilisation d'une couche plissée (avec formation de godets) ou d'une couche
étirable liée à une couche élastique formée de plusieurs éléments plats (en forme de
rubans). Dans Mleziva et al. l'accent, qui est mis sur une application plus générale de la
feuille composite, et donc sur la variabilité de la couche extensible, nous amène à conclure
que, compte tenu des orientations différentes des documents Boich et al. et Mleziva et al.
et sans une connaissance préalable du concept inventif de la Demanderesse, la personne
versée dans l'art n'avait aucune raison de combiner leurs enseignements. Cela dit, même si
les deux documents étaient considérés de pair, la Commission est d'avis qu'on ne pourrait
pour autant réaliser l'invention des revendications 1 et 7.
[69] Bien que la personne versée dans l'art pourrait choisir d'utiliser le matériau étirable sans
godets de Mleziva et al. pour la couche extensible, aucun des documents d'antériorité ne
divulgue une couche élastique ayant les propriétés décrites dans les revendications 1 et 7.
Boich et al. prévoit des perforations en vue de conférer de la perméabilité à la couche
élastique. Bien que Mleziva et al. divulgue l'utilisation d'une couche élastique formée d'un
matériau similaire à celui décrit dans les revendications, sa configuration est très différente
en ce qu'elle est formée d'un ensemble d'éléments plats (en forme de rubans).
[70] Pour les motifs exposés ci-dessus, nous en arrivons à la conclusion que les revendications
indépendantes 1 et 7 et, par conséquent, les revendications dépendantes 2 à 6 et 8 à 12
n'auraient pas été évidentes et sont donc conformes aux dispositions du paragraphe 28.3
de la Loi sur les brevets.
QUESTION 3 : LES REVENDICATIONS 7 12 SONT-ELLES VAGUES?
Principes juridiques
[71] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets énonce l'exigence voulant que les
revendications définissent l'invention de manière distincte et explicite :
27(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs
revendications définissant distinctement et en des termes explicites l'objet
de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège
exclusif.
[72] La signification pratique de cette disposition a été examinée dans le passage désormais
classique de la décision Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines
Ltd.[1947] Ex.C.R. 306, à la page 352 (Minerals Separation) eu égard à l'ancien
paragraphe 14(1) équivalent :
[TRADUCTION] En formulant ses revendications, l'inventeur érige une
clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde
contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin
de donner l'avertissement nécessaire, et seule la propriété de l'inventeur
doit être clôturée. La teneur d'une revendication doit être exempte de toute
ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être
flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir
non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer
sans risque. Si une revendication ne remplit pas ces conditions, elle ne
peut être valide.
Analyse
[73] Dans le résumé des motifs soumis à la Commission, l'examinateur, à la suite des
modifications apportées aux revendications en réponse à la décision finale, souligne qu'à la
revendication 7, le terme [TRADUCTION] « ladite feuille composite » n'a pas
d'antécédent. Dans ses observations écrites du 20 juin 2013, la Demanderesse propose de
remplacer ce terme par « ladite feuille composite élastique étirable », ce qui fait
directement référence à la terminologie utilisée dans le préambule de la revendication.
Selon nous, cela prévient toute possible ambiguïté dans la revendication; une telle
modification devrait donc être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les
brevets.
[74] Dans le résumé des motifs, l'examinateur a également noté qu'à la suite des mêmes
modifications indiquées plus haut, la revendication 12 est vague, puisqu'elle fait référence
à [TRADUCTION] « La méthode selon la revendication 1 » alors que la revendication 1
porte sur le produit, une feuille composite, et non pas sur une méthode. La Demanderesse,
dans ses observations écrites du 20 juin 2013, a proposé de modifier la revendication 12
de manière qu'elle fasse plutôt référence à la revendication 7. Comme cela éviterait une
incompatibilité entre l'objet de la revendication dépendante 12 et la revendication
indépendante à laquelle est fait référence, nous sommes d'avis que la modification
proposée par la Demanderesse devrait être requise en vertu du paragraphe 31(c) des
Règles sur les brevets.
[75] De même, en réponse à l'affirmation de l'examinateur voulant que la revendication 12 était
également vague au motif que le terme « ensemble fibreux » ne faisait pas référence à son
antécédent en raison de l'utilisation d'un article défini, la Demanderesse a proposé de
modifier la revendication comme suit : « ledit ensemble fibreux ». Comme cela éviterait
aussi toute ambiguïté, nous sommes d'avis que la modification proposée par la
Demanderesse devrait être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets.
QUESTION 4 : EST-CE QUE LES REVENDICATIONS 4 ET 10 SONT ÉTAYÉES PAR
LE MÉMOIRE DESCRIPTIF?
Principes juridiques
[76] L'article 84 des Règles sur les brevets stipule que chaque revendication doit être étayée
par la description :
84. Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement
sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-
ci.
Analyse
[77] Dans sa lettre du 22 avril 2013 à la Demanderesse, la Commission indiquait que les
nouveaux éléments ajoutés aux revendications dépendantes 4 et 10 n'étaient pas étayés par
le mémoire descriptif. Ces revendications dépendantes ont trait à la masse surfacique de
l'ensemble fibreux décrit dans les revendications indépendantes 1 et 7. En réponse, la
Demanderesse a proposé dans ses observations écrites du 20 juin 2013 de modifier le
mémoire descriptif de manière à inclure la caractéristique divulguée dans ces
revendications indépendantes. Du fait qu'une modification du mémoire descriptif en vue
d'y inclure un objet pouvant être raisonnablement inféré du mémoire descriptif faisant
partie de la demande est permise en vertu du paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets et
que, en l'espèce, cet objet était présent dans les revendications de la demande originale,
nous estimons que la modification proposée est acceptable et que, en conséquence, elle
devrait être exigée en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets.
RECOMMANDATION DE LA COMMISSION
[78] Nous recommandons que la demande ne soit pas rejetée pour les motifs énoncés dans la
décision finale.
[79] De plus, nous recommandons que la Demanderesse soit informée qu'elle doit, afin de se
conformer aux dispositions du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et du
paragraphe 84 des Règles sur les brevets, déposer des modifications en vertu du
paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets de manière que :
- la revendication 7 est modifiée pour remplacer « ladite
feuille composite » par « ladite feuille composite élastique
étirable »;
- la revendication 12 est modifiée pour faire référence à la
revendication 7 et de sorte qu'il est fait référence à
l'ensemble fibreux par les termes « ledit ensemble fibreux »;
- le mémoire descriptif est modifié pour inclure le poids
surfacique de l'ensemble fibreux divulgué dans les
revendications 4 et 10.
Stephen MacNeil Paul Fitzner Ed MacLaurin
Membre Membre Membre
DÉCISION DU COMMISSAIRE
[80] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Par la présente,
j'informe la Demanderesse qu'elle doit, afin de se conformer aux dispositions du
paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et du paragraphe 84 des Règles sur les brevets,
déposer des modifications en vertu du paragraphe 31(c) de ces mêmes Règles de manière
que :
- la revendication 7 est modifiée pour remplacer « ladite
feuille composite » par « ladite feuille composite élastique
étirable »;
- la revendication 12 est modifiée pour faire référence à la
revendication 7 et de sorte qu'il est fait référence à
l'ensemble fibreux par les termes « ledit ensemble fibreux »;
- le mémoire descriptif est modifié pour inclure le poids
surfacique de l'ensemble fibreux divulgué dans les
revendications 4 et 10.
[81] Les modifications en vertu du paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets doivent être
déposées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi,
j'entends rejeter la demande.
Sylvain Laporte
Commissaire des brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 7e jour de novembre 2013