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Commissioner’s Decision # 1367

Décision du commissaire # 1367

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: B20, B21, B22, C00

SUJET: B20, B21, B22, C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No.: 2,519,188

Demande no : 2,519,188


 


 


 

Résumé de la décision du commissaire

 

La présente révision vise, entre autres, à déterminer si, et à quelles conditions, il est acceptable de revendiquer une composition définie par des éléments connus et par une propriété physique souhaitée.

 

La demande en cause a été rejetée dans une décision finale du fait que certaines revendications ont été jugées comme: ne visant qu’un résultat « clairement convoité »; omettant une caractéristique essentielle; et revendiquant plus que ce qui a été inventé.

 

Le comité de révision a jugé que la question centrale permettant de trancher les questions de l’examinateur a trait au caractère réalisable des revendications dans toute leur portée. La décision se rapporte donc à cette question centrale.

 

Caractère réalisable des revendications 1-37 dans toute leur portée

 

Décision: les revendications 1-37 sont rejetées du fait qu’elles ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée.

 

Le mémoire descriptif ne comporte pas une divulgation habilitante touchant la portée globale de ces revendications. De plus, la personne versée dans l’art ne serait pas capable d’atteindre le résultat revendiqué (obtenir toutes les compositions catalytiques telles que définies et qui présentent les propriétés physiques indiquées dans les revendications) en se basant seulement sur le mémoire descriptif et sur ses connaissances générales courantes. Par conséquent, ces revendications sont considérées comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute leur portée.

 

Pour que les revendications 1-37 soient acceptables, les revendications indépendantes 1, 11 et 23 ainsi que les revendications dépendantes 19-21 et 32-34 doivent être modifiées de façon à englober les réalisations dans lesquelles les propriétés revendiquées correspondent à celles des compositions effectivement obtenues ou qui peuvent être obtenues en se basant sur le mémoire descriptif et sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art. Vu que les modifications ci-dessus entraînent des irrégularités (manque de clarté ou d’antécédence) dans les revendications 14, 22, 27 et 35, ces revendications doivent aussi être modifiées tel que recommandé par le comité de révision.

 

De la décision ci-dessus découle la décision suivante concernant le résultat souhaité:

 

·                Le refus des revendications 23-37 fondé sur ce motif est confirmé.

 

Pour les mêmes raisons que ci-dessus, nous avons conclu que ces revendications qui incluent, entre autres éléments, un énoncé de résultat souhaité, ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée. Par conséquent, elles ne visent pas un résultat atteint mais seulement un résultat souhaité.

 

Cependant, si les revendications sont modifiées, tel que recommandé par le comité de révision, elles seront considérées comme étant acceptables.


 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2,519,188 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire conformément à l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire :

 

 

 

 

                                                           

 

Agent pour la demanderesse :

 

Robic, S.E.N.C.R.L.,

1001, Square-Victoria, Bloc E - 8e étage

Montréal (Québec)

H2Z 2B7


 

Introduction

 

[1]               Conformément à l’alinéa 30(6)(c) des Règles sur les brevets, la présente décision statue sur une demande de révision de la demande de brevet refusée no 2,519,188.

 

[2]               On notera que la demande connexe de brevet no 2,519,192 (demande ‘192), qui appartient aussi à la demanderesse, a fait l’objet d’une révision en même temps que la présente espèce et ce en raison de la similitude de leurs faits et des questions en litige soulevées dans chacune d’elles. Aussi, pour éviter des réitérations, nous ferons référence à certains passages de la décision relative à la demande ‘192 (DC No 1359, rendue le 26 février 2014) lorsque requis. De plus, pour les questions ayant trait aux éléments communs aux deux demandes, nous considérerons les commentaires et arguments fournis par la demanderesse dans l’une des demandes comme étant valables pour l’autre.

 

[3]               La demanderesse est Rhodia Electronics and Catalysis et l’invention est intitulée « Composition à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium à température maximale de réductibilité réduite, son procédé de préparation et son utilisation comme catalyseur ». Les inventeurs sont Olivier Larcher et Emmanuel Rohart.

 

Historique de la demande

 

[4]               La demande en cause a été déposée le 17 mars 2004 et l’examinateur chargé de la demande a rendu une décision finale le 1 décembre 2010 dans laquelle les revendications 23-36 ont été rejetées en vertu de l’article 84 des Règles sur les brevets: 1) du fait que, en ne visant qu’un résultat « clairement convoité » (souhaité), elles ne sont qu’une réaffirmation du problème auquel faisaient face les inventeurs; 2) du fait qu’elles omettent une caractéristique essentielle; et 3) du fait qu’elles revendiquent plus que ce qui a été inventé. La revendication 1 a été rejetée en vertu du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets du fait que l’expression « élément précité » est vague puisqu’aucun «élément» n’est précité préalablement dans la revendication 1.

 

[5]               Le 30 mai 2011, la demanderesse a répondu à la décision finale et a présenté de nouvelles revendications. La présentation des nouvelles revendications a eu pour effet de supprimer les revendications 1-36 et de les remplacer par les nouvelles revendications 1 à 37. La demanderesse a fait valoir que la demande était maintenant en condition d’acceptation.

 

 

[6]               Alors que l’irrégularité en vertu du paragraphe 27(4) a été corrigée, tel qu’indiqué dans le résumé des motifs, l’examinateur a estimé que les irrégularités en vertu de l’article 84 des Règles sur les brevets ne l’ont pas été. Par conséquent, le refus de la demande a été déféré à la Commission d’appel des brevets et un comité a été désigné pour traiter la révision de la demande. La demanderesse a demandé une audience qui a eu lieu le 23 octobre 2013.

 

[7]               Avant la tenue de l’audience, en date du 15 octobre 2013, la demanderesse a soumis une lettre à la Commission accompagnée d’observations additionnelles portant sur les questions en suspens. Il sera tenu compte de ces observations lors de notre analyse.

 

[8]               À l’audience, la demanderesse était représentée par Mme Nathalie Jodoin, Mme Laurence Bourget-Merle et M. Jason Moscovici de la firme Robic ainsi que par M. Philippe Dubruc et M. Julien Hernandez de Rhodia. M. Pierre Cuerrier, l’examinateur chargé de la demande, était également présent à l’audience.

 

[9]               Pendant l’audience, l’examinateur a présenté ses arguments et a émis des commentaires auxquels la demanderesse n’était pas disposée à répondre à ce moment-là. En raison des conséquences que les réponses de la demanderesse pourraient avoir sur l’issue de la révision, il a été convenu que l’examinateur fournira ses commentaires par écrit et que la demanderesse y répondra par écrit. Une réponse aux commentaires de l’examinateur a été reçue par la Commission le 30 octobre 2013. Il sera également tenu compte des observations soumises dans cette réponse dans le cadre de notre analyse.

 

[10]           Suite à l’audience, le comité a invité la demanderesse à apporter des clarifications l’aidant à traiter la question portant sur le caractère réalisable des revendications 1-37 dans toute leur portée. En particulier, une lettre a été adressée à la demanderesse le 4 février 2014 et concernait les réalisations revendiquées dans lesquelles la composition est binaire, et une autre lettre a été adressée le 1 avril 2014 invitant la demanderesse à fournir un complément d’information concernant la température maximale de réductibilité (Tmax) des réalisations dans lesquelles la proportion d’oxyde de cérium se situe dans les limites de l’intervalle revendiqué. Une réponse à la première lettre, accompagnée de l’Annexe 1 indiquant les propriétés physiques d’une composition binaire, a été reçue le 4 mars 2014. Une réponse à la deuxième lettre, accompagnée d’une Annexe indiquant les Tmax d’une série de compositions dans lesquelles la proportion d’oxyde de cérium varie de 10% à 45%, a été reçue le 28 avril 2014. Il sera tenu compte de chacune de ces réponses dans le cadre de notre analyse.

 

Contexte de l’invention

 

[11]           Avant d’examiner les points que la décision finale soulève, il est important de comprendre la nature de l’invention et l’objectif visé pour sa conception.

 

[12]           Les catalyseurs « trois voies » à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium étaient bien connus avant le dépôt de la présente demande. En particulier, ce type de catalyseurs avait des propriétés utiles dans le traitement des gaz d’échappement des moteurs à combustion interne.

 

[13]           Pour être efficaces, ces catalyseurs doivent présenter une surface spécifique importante même à température élevée. Ils doivent aussi avoir la capacité à se réduire en atmosphère réductrice et à se réoxyder en atmosphère oxydante. Cette capacité, appelée réductibilité, est maximale à une température donnée (température de réductibilité maximale) qui est de l’ordre de 600°C pour les catalyseurs qui étaient connus. Le problème auquel faisaient face les inventeurs était d’obtenir des catalyseurs plus performants, c’est-à-dire présentant à la fois une température de réductibilité maximale la plus basse possible et une surface spécifique importante à température élevée.

 

[14]           En l’espèce, la demanderesse a mis au point un nouveau procédé de préparation permettant d’obtenir des catalyseurs à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium plus efficaces du fait qu’ils présentent une température de réductibilité maximale plus basse que celle des catalyseurs connus tout en présentant une surface spécifique importante à une température élevée donnée.

 

[15]           L’examinateur ne conteste pas le fait que la demanderesse soit venue à bout du problème, étant donné qu’elle a mis au point un procédé nouveau et inventif qui permet d’obtenir de compositions catalytiques ayant les caractéristiques recherchées, mais plutôt le fait de revendiquer ces compositions indépendamment de leur procédé de préparation.

 

[16]           Comme il sera montré plus loin, la présente révision vise essentiellement à trancher les questions de l’examinateur en déterminant si les revendications présentent le caractère réalisable dans toute leur portée et sont, en conséquence, conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Les revendications en litige

 

[17]           Dans notre analyse, nous considérerons toutes les revendications. Les revendications 1-22 qui n’étaient pas initialement en litige, sont ajoutées suite aux lettres que le comité a adressées à la demanderesse en dates du 4 février et 1 avril 2014. Le comité considère que la question centrale qui se pose pour chacune des revendications 1-37 porte sur le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

[18]           Afin de faciliter la lecture, nous avons choisi de présenter en détail les revendications 1-37 lors de l’analyse. Toutes ces revendications englobent une composition catalytique définie par des éléments chimiques et de structure connus et par ses propriétés physiques, à savoir sa température maximale de réductibilité (Tmax) et sa surface spécifique à une température élevée donnée. Les revendications 1-37 sont présentées brièvement comme suit:

 

         les revendications 1-10 visent un procédé de préparation de la composition catalytique;

 

         les revendications 11-22 visent la composition catalytique obtenue selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1-10;

 

         les revendications 23-35 visent la composition catalytique en tant que telle; et

 

         les revendications 36-37 visent un système catalytique et un procédé de traitement de gaz d’échappement des moteurs à combustion interne, respectivement, et englobent la composition catalytique de l’une quelconque des revendications 11-35.

 

Questions soulevées par l’examinateur

 

[19]           L’examinateur a soulevé les trois questions suivantes:

 

         Les revendications 23-37 visent-elles un résultat souhaité et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

         Les revendications 23-37, omettent-elles une caractéristique essentielle de la présumée invention et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

         Les revendications 23, 32, 33 et 34 revendiquent-elles plus que ce qui a été inventé et sont-elles, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets ?

 

Reformulation des questions de l’examinateur

 

[20]           Tel qu’exprimé dans ses lettres du 4 février et 1 avril 2014, le comité de révision estime que la question centrale qui permet de trancher les questions soulevées par l’examinateur a trait au caractère réalisable des revendications 1-37 dans toute leur portée.

 

Interprétation téléologique des revendications

 

[21]           L’interprétation téléologique des revendications 1-37 se fonde sur la jurisprudence mentionnée dans la décision connexe DC No 1359.

 

[22]           Il convient de noter que nous avons procédé à l’interprétation téléologique de toutes les revendications avant l’analyse. Cependant, dans le but de faciliter la lecture, l’interprétation téléologique des revendications sera présentée en détail lors de l’analyse.

 

Question concernant l’acceptabilité des revendications qui incluent un énoncé de résultat souhaité

 

Position de l’examinateur et de la demanderesse

 

[23]           La position de l’examinateur a été exprimée aussi bien dans la décision finale, dans le résumé des motifs que pendant l’audience. La demanderesse a exprimé sa position dans sa réponse à la décision finale ainsi que dans les observations et notes de commentaires soumises pendant et après l’audience. Puisque la position de l’examinateur et de la demanderesse sont pratiquement les mêmes que celles présentées dans la décision connexe DC No 1359, il n’est pas nécessaire de les présenter à nouveau. Nous ne mentionnerons que les points nouveaux et qui n’ont pas été traités dans la décision connexe.

 

 

Principes juridiques:

 

[24]           Notre analyse se fonde sur les mêmes principes juridiques mentionnés dans la décision connexe DC No 1359. Ces principes nous ont amenés à conclure qu’une revendication qui inclut un énoncé de résultat souhaité sera acceptable (en admettant que tous les autres critères de brevetabilité soient remplis) pourvu que le mémoire descriptif fournisse à la personne versée dans l’art un moyen d’atteindre le résultat souhaité dans toute la portée de la revendication. Si des essais et expériences sont nécessaires pour réaliser le résultat souhaité, le critère du caractère suffisant du mémoire descriptif est rempli si ces essais et expériences ne sont pas eux-mêmes des inventions et si le mémoire descriptif contient suffisamment de renseignements à partir desquels la personne versée dans l’art peut identifier les essais et expériences qu’elle doit avoir à réaliser et comment les exécuter. Si le mémoire descriptif contient des lacunes et ne fournit pas les renseignements requis, il peut néanmoins être considéré comme présentant un caractère suffisant si la personne versée dans l’art peut faire appel à ses connaissances générales courantes pour combler ces lacunes.

 

[25]           Par ailleurs, la demanderesse est au courant et reconnaît même que les revendications qui incluent un énoncé de résultat souhaité ne peuvent pas être acceptables si elles ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée. Dans sa réponse datée du 15 octobre 2013, la demanderesse a affirmé en page 10 :

 

[L]’inclusion, dans des revendications, de limitations fonctionnelles qui reprennent le résultat souhaité peut être acceptable, ou même nécessaire, afin de fournir un contexte à l’invention. Ce type de limitation « résultat/fonction » est acceptable tant qu’une personne versée dans l’art peut obtenir le résultat désiré et identifié, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité démesurée. De plus, il est admis qu’une personne versée dans l’art puisse utiliser, en plus de l’information décrite dans la description de la demande, ses connaissances générales courantes, ainsi que des techniques courantes dans le domaine si nécessaire, pour obtenir le résultat désiré.

 

[26]           Outre ce qui précède, nous aimerions ajouter quelques commentaires au sujet de la décision rendue récemment par la Cour fédérale dans l’affaire AbbVie Corp v Janssen Inc, 2014 FC 55 [AbbVie]. Les paragraphes 141-178 des motifs du jugement concernant la question de « portée et forme des revendications » présentent un intérêt particulier. Nous sommes frappés par la similarité entre la question formulée par les parties dans cette affaire et celle formulée par l’examinateur et la demanderesse dans la présente espèce. Dans cette affaire, la question a été traitée en déterminant si les revendications ont une portée excessive, si elles peuvent être formulées sous forme de revendications fonctionnelles, si elles sont plus larges que l’invention divulguée, si elles ne visent qu’un résultat souhaité, si elles omettent une caractéristique essentielle, et si elles présentent le caractère de l’utilité et le caractère valable de la prédiction. Les questions en litige dans AbbVie visent l’utilisation d’un anticorps humain qui se fixe au IL-12 humain, et possède un certain niveau minimum d’adhérence et d’activité et sont efficaces pour traiter le psoriasis. Bien que dans cette affaire les faits sont différents de ceux de la présente espèce, l’approche pour trancher les questions ci-dessus revêt un intérêt particulier.

 

[27]           Après avoir résumé la jurisprudence canadienne portant sur les questions à trancher concernant la portée excessive des revendications, du caractère suffisant du mémoire descriptif, de l’utilité et de la prédiction valable, le juge Hughes a appliqué les principes pertinents aux faits de cette affaire. Il a conclu que : les revendications en litige seraient comprises par la personne versée dans l’art; la personne versée dans l’art serait en mesure de déterminer les paramètres que présente les anticorps; il n’y avait aucune preuve qui indique que les anticorps qui présentent ces paramètres ne se fixeraient pas au IL-12 de façon à traiter le psoriasis; et il n’y avait aucune preuve que la personne versée dans l’art, en se basant sur le brevet, ne pourrait pas créer un anticorps présentant les paramètres définis dans les revendications. Par conséquent, il a été jugé que les revendications ne sont pas invalides au motif qu’elles ont une portée excessive.

 

Analyse

 

[28]           Conformément avec ce qui précède et tel qu’indiqué par le comité de révision dans les lettres adressées à la demanderesse en dates du 4 février et 1 avril 2014, la question qui se pose pour toutes les revendications (1-37) est celle de savoir si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la portée globale de l’invention revendiquée.

 

[29]           Dans ce qui suit, nous procéderons à l’interprétation téléologique de chacune des revendications avant de trancher la question portant sur le caractère suffisant du mémoire descriptif et le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

Revendications visant un procédé de préparation d’une composition (revendications 1-10)

 

[30]           Les revendications 1-10 visent un procédé de préparation d’une composition catalytique définie par des éléments chimiques et de structure connus et par sa température maximale de réductibilité comprise entre 350°C et 500°C et sa surface spécifique qui, après calcination 6 heures à 500°C, est comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g.

 

[31]           La revendication 1 est rédigée comme suit (les termes qui exigent une clarification sont soulignés) :

 

1.             Procédé de préparation d’une composition à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et optionnellement d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium, dans une proportion d’oxyde de zirconium d’au moins 50% en masse, caractérisée en ce qu’elle présente une température maximale de réductibilité comprise entre 350 °C et 500°C et une surface spécifique comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g après calcination 6 heures à 500°C, et en ce qu’elle est sous forme d’une phase tétragonale, le dit procédé étant caractérisé en ce qu’il comprend les étapes suivantes:

 

(a)           on forme un mélange comprenant des composés du cérium, du zirconium et, optionnellement d’au moins un de l’autre élément précité;

(b)           on met en présence ledit mélange avec un composé basique ce par quoi on obtient un précipité;

(c)           on chauffe en milieu aqueux ledit précipité; puis

(d)           soit on ajoute d’abord un additif, choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, les acides carboxyliques et leurs sels et les tensioactifs du type éthoxylats d’alcools gras carboxyméthylés au milieu issu de l’étape précédente et on sépare ensuite optionnellement ledit précipité;

(d')          soit on sépare d’abord ledit précipité et on ajoute ensuite ledit additif au précipité;

(e)           on soumet à un broyage le précipité obtenu à l’étape précédente; et


(f)            on calcine le précipité ainsi obtenu.

 

« composition à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et optionnellement d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium »

 

[32]           L’expression « composition à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et optionnellement d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium » serait comprise par la personne versée dans l’art comme englobant, dans une première réalisation, une composition catalytique binaire, c.‑à‑d. à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium et, dans une deuxième réalisation, une composition constituée, en plus de l’oxyde de zirconium et de l’oxyde de cérium, d’au moins un oxyde d’un élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium. Les « lanthanides » sont définis dans la description comme étant les éléments du groupe constitué par les éléments de la classification périodique de numéro atomique compris inclusivement entre 57 et 71. Les « lanthanides autres que le cérium » incluent le lanthane, le néodyme et le praséodyme.

 

« température maximale de réductibilité comprise entre 350°C et 500°C »

 

[33]           La « réductibilité » dans le contexte de l’expression « température maximale de réductibilité comprise entre 350°C et 500°C » est définie en pages 1, 3 et 4 de la description comme étant la capacité du catalyseur à se réduire en atmosphère réductrice et à se réoxyder en atmosphère oxydante. La réductibilité du catalyseur est due au cérium qui a la capacité de se réduire ou de s’oxyder et elle est déterminée par la mesure de sa capacité de captage de l’hydrogène en fonction de la température. La température maximale de réductibilité serait comprise par la personne versée dans l’art comme étant la température à laquelle le captage de l’hydrogène est maximal et où, en d’autres termes, la réduction du cérium IV en cérium III est maximale. La mesure de la « réductibilité » est décrite en page 18, lignes 12-22 de la description. En particulier, elle s’effectue sur un échantillon de 200 mg qui a été préalablement calciné 10 heures à 1000°C.

 

« surface spécifique comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g »

 

[34]           La surface spécifique est définie en page 2 de la description telle que déposée, comme étant la surface B.E.T. Cette surface est établie par la méthode Brunauer - Emmett - Teller, connue et utilisée depuis plus de 70 ans. D’une manière générale, la personne versée dans l’art saurait que la surface spécifique d’un matériau est sa superficie par unité de masse - par exemple on peut l’exprimer en m²/g. Par ailleurs, plus la surface spécifique d’un matériau poreux est grande et plus les pores sont fins.

 

[35]           Ainsi, l’expression: « composition...caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g après calcination 6 heures à 500°C » serait interprétée par la personne versée dans l’art comme se rapportant à une composition qui a été calcinée à une température de 500°C, pendant une durée de temps de 6 heures et dont la surface spécifique est supérieure ou égale à 40 m2/g et inférieure ou égale à 89 m2/g.

 

 

 

 

« calcination 6 heures à 500°C »

 

[36]           La calcination 6 heures à 500°C indique que la composition catalytique obtenue est calcinée [chauffée] à haute température, sous air (comme mentionné par exemple à la page 4, ligne 4 de la description), pendant 6 heures à la température élevée de 500°C.

 

« composition....sous forme d’une phase tétragonale »

 

[37]           L’expression « composition....sous forme d’une phase tétragonale » est définie dans les deux derniers paragraphes de la page 2 de la description telle que déposée. Elle indique que la composition est sous forme d’une phase tétragonale majoritaire, c.-à-d. que l’intensité du pic de diffraction correspondant à la face cristalline (111) de la phase tétragonale de l’oxyde mixte de la composition est au moins égale à 1 fois, et plus particulièrement à 4 fois, l’intensité de la raie principale de toute autre phase présente. Cette structure est déterminée par analyse par diffraction RX sur un produit qui a subi une calcination 6 heures à une température d’au moins 900°C.

 

« des composés du cérium, du zirconium et.... d’au moins un de l’autre élément précité »

 

[38]           Les composés du cérium, du zirconium et d’au moins un autre élément précité sont définis en page 5 de la description telle que déposée et seraient compris par la personne versée dans l’art comme étant des nitrates, sulfates, acétates, chlorures et nitrates céri-ammoniacaux de zirconium, de cérium et d’au moins un lanthanide autre que le cérium.

 

« additif, choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, les acides carboxyliques et leurs sels, et les tensioactifs du type éthoxylats d’alcools gras carboxyméthylés »

 

[39]           Le terme « additif » dans l’expression : « un additif choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, les acides carboxyliques et leurs sels, et les tensioactifs du type éthoxylats d’alcools gras carboxyméthylés » serait compris par la personne versée dans l’art comme étant un composé qui peut être choisi parmi un très grand nombre de composés possibles, à savoir les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylènes-glycols, les acides carboxyliques et leurs sels, et les tensioactifs du type éthoxylats d’alcools gras carboxyméthylés énumérés en pages 8 à 9 de la description.

 

« on calcine le précipité »

 

[40]           L’expression: « on calcine le précipité » est définie en page 10 de la description telle que déposée et serait comprise par la personne versée dans l’art comme étant le fait de calciner le précipité à une température entre 300°C et 1000°C, sous atmosphère oxydante (air) sur une durée d’au moins 30 minutes, ou sous balayage d’un gaz inerte (azote) pendant un premier temps (à une température entre 800°C et 1000°C) sur une durée d’au moins 1 heure puis dans un second temps (à une température entre 300°C et 700°C) sous atmosphère oxydante pendant au moins 30 minutes. Cette calcination permet de développer la cristallinité du produit formé et peut être ajustée en fonction de la température d’utilisation ultérieure de la composition, en tenant compte du fait que la surface spécifique du produit est d’autant plus faible que la température de calcination est plus élevée.

 

[41]           Étant donné que plusieurs des termes et éléments ci-dessus sont communs ou similaires à ceux des revendications 2-37, il ne sera pas nécessaire de les interpréter à nouveau.

 

[42]           On considère que les termes et expressions employés dans la revendication 1 seraient compris par la personne versée dans l’art. Ils définissent collectivement les limites de la revendication de telle manière que la personne versée dans l’art pourrait comprendre si une composition catalytique donnée se situerait ou non dans le cadre de la revendication. En d’autres termes, la revendication définit distinctement et en termes explicites l’objet de l’invention, tel que l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[43]           Tel qu’indiqué au paragraphe [24], afin de déterminer si cette revendication est acceptable, nous devons déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la portée globale de cette revendication. En l’espèce, il s’agit de déterminer si :

 

1)      en suivant les étapes du procédé décrit, on peut réaliser toute composition binaire dans laquelle la proportion d’oxyde de zirconium est comprise entre 50% et environ 99% et celle de l’oxyde de cérium est comprise entre environ 1% et 50% (en admettant que les limites indiquées permettent de couvrir tout le domaine revendiqué), présente une Tmax et une surface spécifique telles que définies dans la revendication 1; et

 

2)      en suivant les étapes du procédé décrit, on peut réaliser toute composition à trois oxydes et plus dans laquelle la proportion d’oxyde de zirconium est comprise entre 50% et environ 99%, celle de l’oxyde de cérium est comprise entre environ 1% et environ 49%, et celle du (ou des) lanthanide(s) autre(s) que le cérium est comprise entre environ 1% et environ 49% (en admettant que les limites indiquées permettent de couvrir tout le domaine revendiqué), présente une Tmax et une surface spécifique telles que définies dans la revendication 1.

 

[44]           Afin de faciliter la lecture, nous allons présenter les données du mémoire descriptif concernant les propriétés physiques (Tmax et surface spécifique) des compositions binaires d’une part et celles des compositions à trois oxydes et plus, d’autre part; ensuite nous déterminerons si le mémoire descriptif contient des lacunes concernant les valeurs de Tmax et de surface spécifique revendiquées et, le cas échéant, si les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art permettent de combler ces lacunes.

 

1)      Données pour les compositions binaires :

 

[45]           Telle que revendiquée, la revendication 1 englobe des compositions binaires (à base d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium seulement). Cependant, il n’y a aucun exemple de ce type de composition dans la description. Dans sa lettre du 4 février 2014, le comité a indiqué que pour être acceptables, les revendications 1-37 doivent présenter le caractère réalisable dans toute leur portée et, par conséquent, le mémoire descriptif doit renfermer une divulgation habilitante touchant la portée globale des revendications. En particulier, le comité a fait remarquer l’absence de données relatives à une composition binaire. Dans sa réponse du 4 mars 2014, la demanderesse a fourni un affidavit, signé par Isabella Ferri, qui décrit la préparation d’une composition binaire comprenant 80% d’oxyde de zirconium et 20% d’oxyde de cérium, en accord avec le procédé de la revendication 1 en instance. La composition est préparée selon la même procédure que celle de l’exemple 1 de la présente demande. Cette composition présente les propriétés (Tmax, surface spécifique et de structure) indiquées dans le tableau ci-dessous :

 

 

 

 

 

surface spécifique après calcination 6 heures à:

 

Tmax

 

 

Structure

 

 

500°C

 

-----

 

-----

 

Exemple

catalyseur binaire

 

94 m2/g

 

-----

 

-----

 

431°C

 

phase tétragonale à 100%

 

[46]           Nous notons que cette nouvelle donnée expérimentale est soumise après la date de dépôt de la présente demande et donc elle ne peut faire partie du mémoire descriptif puisqu’elle constituerait une nouvelle matière et il n’est pas permis de modifier le mémoire descriptif en y ajoutant de la nouvelle matière. Néanmoins, en tenant compte de la pratique du bureau démontrée dans les décisions telles que Re Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft (1976), (CAB et Com’re brev) DC 322, relative à la demande de brevet No 1,011,738, et Re Immunex Corp (2010), 89 CPR (4th) 34 (CAB et Com’re brev) DC 1302, relative à la demande de brevet No 593,988, nous estimons qu’il est possible de considérer une telle donnée expérimentale comme preuve documentaire confirmant que le mémoire descriptif renferme une divulgation habilitante touchant la portée globale d’une revendication. Donc, dans la présente espèce, nous allons tenir compte de cette preuve documentaire dans le cadre de notre analyse.

 

2)      Données pour les compositions à trois oxydes et plus :

 

[47]           Telle que revendiquée, la revendication 1 englobe aussi des compositions à trois oxydes et plus. Le mémoire descriptif divulgue deux exemples (exemples 1 et 2) qui décrivent chacun un procédé qui permet d’obtenir une composition à quatre oxydes, à savoir ZrO2 (72%) : CeO2 (21%) : LaO2 (2%): NdO2 (5%), qui présente les propriétés (Tmax, surface spécifique et de structure) indiquées dans le tableau ci-dessous :

 

 

 

 

 

surface spécifique après calcination 6 heures à:

 

Tmax

 

 

Structure

 

 

500°C

 

900°C

 

1000°C

 

Exemple 1

catalyseur à quatre oxydes

 

83 m2/g

 

50 m2/g

 

38 m2/g

 

 

475°C

 

 

 

phase tétragonale à 100%

 

 

Exemple 2

catalyseur à quatre oxydes

 

84 m2/g

 

46 m2/g

 

37 m2/g

 

 

375°C

 

 

 

 

3)      Information additionnelle au dossier :

 

[48]           Tel qu’indiqué aux paragraphes [45] et [47], l’affidavit renferme un exemple de composition binaire (à base de ZrO2 (80%) et de CeO2 (20%)) et le mémoire descriptif renferme deux exemples de composition à quatre oxydes (à base de: ZrO2 (72%), CeO2 (21%), LaO2 (2%) et NdO2 (5%)) ayant des propriétés physiques (Tmax et surface spécifique) données. Le mémoire descriptif, tel que déposé, n’enseigne rien en ce qui concerne la relation entre les différentes proportions des éléments constitutifs des compositions et leurs propriétés physiques (Tmax et la surface spécifique). Cependant, comme indiqué au paragraphe [24] il est possible de combler ces lacunes en faisant appel aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art ou, dans l’alternative, comme indiqué au paragraphe [46], en soumettant des preuves documentaires permettant de confirmer le caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

a)      Relation entre la proportion des éléments constitutifs des compositions et leur Tmax :

 

[49]           En absence d’enseignement du mémoire descriptif quant à la relation qui existe entre la proportion des éléments constitutifs des compositions et Tmax, le comité a invité la demanderesse, dans une lettre datée du 1 avril 2014, à indiquer comment les connaissances générales de la personne versée dans l’art permettraient d’extrapoler Tmax des compositions revendiquées à partir des compositions obtenues dans les exemples 1 et 2, dans lesquelles la proportion d’oxyde de cérium est de 21%. Le comité a indiqué que, dans l’alternative, il considérerait des données relatives à Tmax pour des compositions, préparées selon les procédés décrits et revendiqués, dans lesquelles la proportion d’oxyde de cérium est proche des limites de l’intervalle revendiqué, c’est-à-dire proche de 1% et proche de 50%.

 

[50]           Dans sa réponse datée du 28 avril 2014, la demanderesse a fourni un document, signé par Isabella Ferri, reportant des valeurs de Tmax de compositions à trois oxydes et plus dans lesquelles la proportion d’oxyde de cérium varie entre 10% et 45%. Cependant, la demanderesse a indiqué que ces compositions sont obtenues selon un procédé différent de celui décrit et revendiqué dans le mémoire descriptif. Elle a aussi mentionné que même si les valeurs de Tmax sont en dehors de la gamme revendiquée, les résultats reportés informent la personne versée dans l’art que Tmax varie très peu en fonction du rapport Zr/Ce (et donc de la proportion d’oxyde de cérium dans la composition). Il est à noter que le document ne décrit pas le procédé de préparation de ces compositions.

[51]           Le comité estime que les données fournies dans la lettre du 28 avril 2014 ne peuvent pas être considérées comme des preuves documentaires acceptables pour trancher la question du caractère réalisable de la revendication 1 (et de toutes les autres revendications au dossier) du fait que : 1) les données fournies sont issues à partir d’un procédé, non connu, différent de celui décrit et revendiqué dans le mémoire descriptif et, en conséquence, elles ne permettent pas de confirmer que les valeurs de Tmax revendiquées peuvent être obtenues en procédant selon les procédés décrits; 2) il n’y a rien qui indique que l’information fournie (à savoir les points de données et les conclusions concernant la relation entre Tmax et la proportion des éléments constitutifs de la composition) fait partie des connaissances générales de la personne versée dans l’art; et 3) le document en question n’indique pas comment les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art permettent d’extrapoler la Tmax revendiquée à partir des exemples. Nous poursuivrons donc notre analyse sans tenir compte des données et des conclusions reçues en date du 28 avril 2014.

 

[52]           Eu égard à ce qui précède, nous concluons que la description ne comporte pas une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de la revendication 1, en particulier concernant les valeurs de Tmax revendiquées. Ainsi, la revendication 1 ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et donc elle n’est pas conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[53]           Cependant, en l’espèce, nous considérons qu’il est possible de remédier à cette irrégularité en indiquant, pour une composition binaire, une proportion en masse d’oxyde de zirconium par rapport à l’ensemble de la composition qui a une certaine relation avec la proportion utilisée dans l’exemple de l’affidavit (c.-à-d. 80%) et, pour une composition à trois oxydes et plus, des proportions en masse d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium - par rapport à l’ensemble de la composition - qui ont une certaine relation avec les proportions utilisées dans les exemples 1 et 2 (c.-à-d. 72% et 21%, respectivement). Le mémoire descriptif indique en page 3 de la description telle que déposée que la proportion d’oxyde de zirconium peut être plus particulièrement d’au moins 70% et que la teneur en cérium peut être plus particulièrement d’au plus 25%. En se basant sur le mémoire descriptif, nous estimons que si la composition binaire de cette revendication est définie de manière à inclure une limitation de la proportion d’oxyde de zirconium par rapport à l’ensemble de la composition comprise entre 75% et 80% (c’est-à-dire celle du cérium comprise entre 20% et 25%) et si la composition à trois oxydes et plus de cette revendication est définie de manière à inclure une limitation de la proportion d’oxyde de zirconium par rapport à l’ensemble de la composition d’au moins 70% et celle d’oxyde de cérium comprise entre 21% et 25%, cette revendication sera considérée comme étant acceptable.

 

[54]           En supposant que la revendication 1 soit modifiée tel qu’indiqué ci-dessus, en comparant les valeurs de Tmax de la composition de la revendication 1 par rapport à Tmax de la composition obtenue dans les exemples 1 et 2, nous constatons que Tmax de la composition de la revendication 1 est comprise entre 350°C et 500°C et la valeur de chacune des bornes de l’intervalle indiqué représente une variation de moins de 7% par rapport à Tmax de la composition obtenue dans les exemples 1 et 2 (475°C et 375°C, respectivement).  Nous constatons aussi que la valeur de Tmax de la composition de l’exemple de l’affidavit (431°C) se situe dans la l’intervalle revendiqué.

 

[55]           Dans sa lettre du 4 mars 2014, la demanderesse a indiqué qu’il est bien connu dans le domaine que les valeurs mesurées peuvent varier de l’ordre de 10% à cause de l’incertitude des instruments de mesure. Ceci nous semble raisonnable et nous l’acceptons. Dans la suite de notre analyse, il sera tenu compte de cette variation pour les valeurs de Tmax et de surface spécifique revendiquées par rapport aux valeurs obtenues dans les exemples.

 

[56]           Nous poursuivrons notre analyse de la revendication 1 (et de toute les autres revendications) pour déterminer si cette revendication présente le caractère réalisable dans toute sa portée, en supposant que cette revendication inclut les limitations indiquées ci-dessus quant aux proportions d’oxyde de zirconium et d’oxyde de cérium par rapport à l’ensemble de la composition.

 

b)      Relation entre la proportion des éléments constitutifs des compositions et leur surface spécifique :

 

[57]           La seule donnée dont nous disposons concernant la relation entre les proportions en masse des éléments constitutifs de la composition et la surface spécifique revendiquée nous a été fournie par la demanderesse. Dans ses commentaires et arguments avant et pendant l’audience, la demanderesse a soumis qu’il est bien connu dans l’art que l’augmentation de la teneur en cérium entraîne une diminution de la stabilité de la surface de la composition. En absence de toute preuve du contraire, nous acceptons que cela fasse partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

 

[58]           Nous notons que la valeur de la borne supérieure de la surface spécifique  de la composition de cette revendication (89 m2/g, après calcination 6 heures à 500°C) correspond à celle de la composition à trois oxydes et plus obtenue dans les exemples 1 et 2 ( 83 m2/g et 84 m2/g), dans laquelle la proportion d’oxyde de cérium est de 21%, et à celle de la composition binaire de l’exemple de l’affidavit (94 m2/g), dans laquelle la proportion d’oxyde de cérium est de 20%. Par contre, le mémoire descriptif contient des lacunes quant à la borne inférieure de la surface spécifique (40 m2/g). Tel qu’indiqué au paragraphe ci-dessus, la personne versée dans l’art, basée sur ses connaissances générales courantes, s’attendrait à ce que la valeur de la surface spécifique diminue lorsque la proportion d’oxyde de cérium augmente. Dans ce cas, elle s’attendrait à ce que la surface spécifique de la composition dans laquelle la proportion d’oxyde de cérium est de 25% soit inférieure à celle de la composition dans laquelle cette proportion est de 20% ou 21%.

 

[59]           Ainsi, en admettant que la revendication 1 soit modifiée tel qu’indiqué au paragraphe [53], cette revendication englobe une composition qui présente une surface spécifique dont la borne supérieure, après calcination 6 heures à 500°C, correspond à celle obtenue dans les exemples 1 et 2 et dans l’exemple de l’affidavit (à 6% près). Bien que la description ne divulgue pas d’exemples d’une composition catalytique qui présente une surface spécifique égale ou proche de la valeur de la borne inférieure revendiquée, celle-ci peut être justifiée du fait qu’elle est décrite en page 4 de la description et que, tel qu’indiqué aux paragraphes [57] et [58], la personne versée dans l’art pourrait, en augmentant la teneur en cérium dans la composition, obtenir, selon le procédé décrit dans l’exemple 1, 2 et l’exemple de l’affidavit, une composition présentant une surface spécifique inférieure à celle obtenue dans ces exemples.

 

Conclusion concernant le caractère réalisable de la revendication 1 dans toute sa portée:

 

[60]           À la lumière de ce qui précède, nous concluons que la revendication 1 ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et donc elle n’est pas conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Si cette revendication est modifiée tel qu’indiqué au paragraphe [53], elle sera considérée comme étant acceptable.

 

[61]           Les revendications dépendantes 2-10 présentent les mêmes irrégularités que la revendication 1 et les limitations qu’elles incluent ne permettent pas d’y remédier. Par conséquent, et pour les mêmes raisons, nous concluons que ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications visant une composition catalytique obtenue selon son procédé de préparation (revendications 11-22)

 

[62]           Les revendications 11-22 visent une composition catalytique obtenue selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1-10.

 

[63]           La revendication indépendante 11 est rédigée comme suit :

 

11.          Composition à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et optionnellement d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium, dans une proportion d’oxyde de zirconium d’au moins 50% en masse, caractérisée en ce qu’elle présente une température maximale de réductibilité comprise entre 350°C et 500°C et une surface spécifique comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g après calcination 6 heures à 500°C, et en ce qu’elle est sous forme d’une phase tétragonale, ladite composition étant obtenue par le procédé tel que défini dans l’une quelconque des revendications 1 à 10.

 

[64]           La composition de cette revendication est définie de la même façon que la composition de la revendication 1. Nous avons conclu au paragraphe [60] que la revendication 1 n’est pas acceptable du fait qu’elle ne limite pas la proportion d’oxyde de zirconium et celle d’oxyde de cérium. Par conséquent, et pour les mêmes raisons, cette revendication est considérée comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute sa portée et n’est pas conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[65]           Cependant, si l’irrégularité de cette revendication est corrigée pour inclure les limitations quant à la proportion des éléments constitutifs de la composition, tel qu’indiqué au paragraphe [53] dans le cas de la revendication 1, cette revendication sera considérée comme étant conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[66]           Les revendications 12-18 sont irrégulières pour les mêmes raisons que la revendication 11 dont elles dépendent et les limitations qu’elles incluent ne permettent pas de remédier à ces irrégularités. Par conséquent, ces revendications sont considérées comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute leur portée et ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[67]           Les revendications 19-21 dépendent de la revendication 11 et sont rédigées comme suit :

 

19.          Composition selon l’une quelconque des revendications 11 à 18, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 30 m2/g après calcination 6 heures à 900°C.

 

20.          Composition selon la revendication 19, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 45 m2/g après calcination 6 heures à 900°C.

 

21.          Composition selon l’une quelconque des revendications 11 à 20, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 25 m2/g après calcination 6 heures à 1000°C.

 

[68]           Les revendications 19-21 dépendent directement ou indirectement de la revendication 11 et sont irrégulières pour les mêmes raisons étant donné que les limitations qu’elles incluent ne permettent pas de remédier à ces irrégularités. De plus, puisque ces revendications définissent de nouveaux points de données qui ne sont pas définis dans la revendication 11, on doit déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de ces revendications. Nous constatons que le mémoire descriptif contient des lacunes quant à la surface spécifique que présente la composition binaire, après calcination 6 heures à 900°C et à 1000°C. En effet, il n’y a aucune donnée dans le mémoire descriptif et l’exemple fourni dans l’affidavit concernant la surface spécifique de la composition binaire à ces températures. De plus les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art ne permettent pas de combler ces lacunes. Pour cette raison, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[69]           En ce qui concerne les réalisations dans lesquelles les compositions sont à trois oxydes ou plus, les revendications 19-21 indiquent que la valeur de la surface spécifique, après calcination 6 heures à 900°C et à 1000°C, est comprise dans un intervalle borné seulement vers le bas et la valeur de cette borne est inférieure ou égale à celle obtenue dans les exemples. Ceci est acceptable du fait que la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que la surface spécifique de la composition diminue à mesure que la température de calcination augmente et qu’une surface spécifique plus basse peut être obtenue. Par contre, du fait que la surface spécifique à ces températures n’est pas bornée vers le haut, les revendications 19-21 englobent aussi des compositions qui présentent une surface spécifique qui, après calcination 6 heures à 900°C et à 1000°C, est plus grande que la surface spécifique de la composition obtenue dans les exemples. Or, la composition des exemples 1 et 2 est celle dans laquelle la proportion d’oxyde de cérium est la plus basse dans l’intervalle revendiqué et donc la valeur de la surface spécifique correspondante devrait être la plus grande réalisable. Nous concluons donc que ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Cependant, il est possible de remédier aux irrégularités des revendications 19-21 mentionnées ci-dessus en définissant la composition comme étant à trois oxydes et plus et en incluant une limite supérieure des valeurs de la surface spécifique correspondant à la surface spécifique des compositions obtenues dans les exemples, c.-à-d. 50 m2/g après calcination à 900°C et 38 m2/g, après calcination à 1000°C. La borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite en page 4 de la description et que, tel qu’indiqué aux paragraphes [57] et [58], la personne versée dans l’art pourrait obtenir une composition qui présente une telle surface spécifique en augmentant la teneur en cérium dans la composition.

 

[70]           En résumé, nous considérons que les revendications 19-21 seront conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets si : 1) la revendication 11 est modifiée tel qu’indiqué au paragraphe [53]; et 2) si les revendications 19-21 sont modifiées de façon à englober seulement une composition à trois oxydes et plus et à ce que la borne supérieure de la surface spécifique soit limitée à 50 m2/g, après calcination à 900°C, et à 38 m2/g, après calcination à 1000°C.

 

[71]           La revendication 22 qui dépend des revendications 11-20 est rédigée comme suit :

 

22.          Composition selon l’une quelconque des revendications 11 à 21, caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec optionnellement l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium.

 

[72]           La revendication 22 renvoie à l’une ou l’autre des revendications 19 à 21 et est irrégulière pour les mêmes raisons étant donné que les limitations qu’elle inclut ne permettent pas de remédier à ces irrégularités. Par conséquent, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Revendications visant une composition catalytique en tant que telle (revendications 23-35)

 

[73]           Les revendications 23-35 visent une composition catalytique définie par des éléments chimiques et de structure connus et par des propriétés physiques, c.-à-d. par sa surface spécifique après calcination 6 heures à une température élevée donnée et par sa température maximale de réductibilité.

 

[74]           La revendication 23 est rédigée comme suit :

 

23.          Composition à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et optionnellement d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium, dans une proportion d’oxyde de zirconium d’au moins 50% en masse, caractérisée en ce qu’elle présente une température maximale de réductibilité comprise entre 350°C et 500°C et une surface spécifique comprise entre 40 m2/g et 89 m2/g après calcination 6 heures à 500°C, et en ce qu’elle est sous forme d’une phase tétragonale.

 

[75]           La revendication 23 vise une composition catalytique telle que définie dans la revendication 11. Par conséquent, et pour les mêmes raisons indiquées au paragraphe [64], cette revendication est considérée comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute sa portée et n’est pas conforme aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[76]           Cependant, si l’irrégularité ci-dessus est corrigée comme dans le cas de la revendication 11, c.-à-d., tel qu’indiqué au paragraphe [53], cette revendication sera considérée comme étant conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[77]           Les revendications 24 à 31 dépendent de la revendication 23 et présentent les mêmes irrégularités que cette revendication étant donné que les limitations qu’elles incluent ne permettent pas d’y remédier. Par conséquent, ces revendications sont considérées comme ne présentant pas le caractère réalisable dans toute leur portée et ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

[78]           Les revendications 32-35 dépendent de la revendication 23 et sont rédigées comme suit :

 

32.          Composition selon l’une quelconque des revendications 23 à 31, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 30 m2/g après calcination 6 heures à 900°C.

33.          Composition selon la revendication 32, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 45 m2/g après calcination 6 heures à 900°C.

 

34.          Composition selon l’une quelconque des revendications 23 à 33, caractérisée en ce qu’elle présente une surface spécifique d’au moins 25 m2/g après calcination 6 heures à 1000°C.

 

35.          Composition selon l’une quelconque des revendications 23 à 34, caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec optionnellement l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium.

 

[79]           Les revendications 32-34 dépendent directement ou indirectement de la revendication indépendante 23 et présentent les mêmes irrégularités que cette revendication étant donné que les limitations qu’elles incluent ne permettent pas d’y remédier. De plus, puisque ces revendications définissent de nouveaux points de données qui ne sont pas définis dans la revendication 23, on doit déterminer si le mémoire descriptif comporte une divulgation habilitante touchant la globalité de la portée de ces revendications. Il convient de noter que la composition visée par ces revendications est définie de la même façon que dans les revendications 19-21. Par conséquent, et pour les mêmes raisons, nous concluons que ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Pour être acceptables, ces revendications doivent être modifiées tel qu’indiqué au paragraphe [70] pour les revendications 19-21.

 

[80]           La revendication 35 renvoie à l’une ou l’autre des revendications 32 à 34 et est irrégulière pour les mêmes raisons étant donné que les limitations qu’elle inclut ne permettent pas de remédier à ces irrégularités. Par conséquent, cette revendication ne présente pas le caractère réalisable dans toute sa portée et n’est pas conforme à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications indépendantes 36-37 qui renvoient aux revendications 11-35

 

[81]           Les revendications indépendantes 36 et 37 sont rédigées comme suit :

 

36.          Système catalytique, caractérisé en ce il comprend une composition selon l’une quelconque des revendications 11 à 35.

 

37.          Procédé de traitement des gaz d’échappement des moteurs à combustion interne, caractérisé en ce qu’on utilise à titre de catalyseur un système catalytique selon la revendication 36 ou une composition selon l’une quelconque des revendications 11 à 35.

 

[82]           Les revendications 36 à 37 renvoient à l’une ou l’autre des revendications 11 à 35 et sont irrégulières pour les mêmes raisons étant donné que les limitations qu’elles incluent ne permettent pas de remédier à ces irrégularités. Par conséquent, ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et ne sont pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

Modifications recommandées

 

[83]           Afin de remédier aux irrégularités des revendications 1-37 présentement au dossier, les revendications indépendantes 1, 11 et 23 devraient préciser que, pour des réalisations dans lesquelles la composition catalytique est binaire, la proportion d’oxyde de zirconium est comprise entre 75% et 80%; et pour les réalisations dans lesquelles la composition est à trois oxydes et plus, préciser que la proportion d’oxyde de zirconium est d’au moins 70% et celle d’oxyde de cérium est comprise entre 21% et 25%. De plus, les revendications dépendantes19-21 et 32-34 devraient limiter la valeur des surfaces spécifiques aux valeurs indiquées dans le tableau ci-dessous. Il est à noter que la valeur de la borne supérieure indiquée est acceptable du fait qu’elle est décrite dans le mémoire descriptif et qu’elle est effectivement obtenue (dans ce cas, cette valeur correspond à la surface spécifique de la composition obtenue dans l’exemple 1 ou 2) et la valeur de la borne inférieure peut être justifiée du fait qu’elle est décrite dans la description et que, tel qu’indiqué aux paragraphes [57] et [58], la personne versée dans l’art pourrait obtenir une composition qui présente une telle surface spécifique en augmentant la teneur en cérium dans la composition. Par ailleurs, il convient de noter que la valeur de la borne inférieure est indiquée dans les revendications au dossier, et la recherche des antériorités effectuée par l’examinateur n’a révélé aucun document pertinent qui divulgue ou rend évident l’objet revendiqué. Enfin, les revendications 19-21 et 32-34 devraient être limitées aux compositions à trois oxydes et plus. Pour cela, l’expression « caractérisée en ce qu’elle présente » dans les revendications 19, 21, 32 et 34, devrait être remplacée par « caractérisée en ce qu’elle est à base d’oxyde zirconium, d’oxyde de cérium et d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium, et en ce qu’elle présente ». Il suffit de remédier aux irrégularités des revendications 19 et 32 pour rendre les revendications 20 et 33 acceptables.

 

 

 

 

T°

 

revendications au dossier

 

surface spécifique

comprise entre

 

 

900°C

 

19, 32

 

30 m2/g et 50 m2/g

 

20, 33

 

45 m2/g et 50 m2/g

 

1000°C

 

21, 34

 

25 m2/g et 38 m2/g

 

[84]           Il est à noter que la modification des revendications 19-21 et 32-34 indiquée ci-dessus entraînerait une irrégularité dans la revendication 22, qui englobe à la fois une composition binaire et une composition à trois oxydes et plus, et qui n’inclurait pas toutes les limitations des revendications 12-13 et 19-21, auxquelles elle renvoie, et qui englobent seulement une composition à trois oxydes et plus. La revendication 35 serait également irrégulière pour les mêmes raisons vu qu’elle n’inclurait pas toutes les limitations des revendications 25-27 et 32-34, auxquelles elle renvoie, et qui englobent seulement une composition à trois oxydes et plus. Afin de corriger cette irrégularité, il suffit de rédiger les revendications 22 et 35 de façon à supprimer le mot « optionnellement » dans l’expression « avec optionnellement l’autre élément précité » lorsque ces revendications renvoient aux revendications qui n’englobent que la composition à trois oxydes et plus. Enfin, la modification des revendications 1, 11 et 23, pour inclure une limitation quant à la proportion d’oxyde de zirconium (d’au moins 70% ou comprise entre 75% et 80%), a pour effet de rendre la portée des revendications dépendantes 14 et 27, qui indiquent une proportion en masse d’oxyde de zirconium d’au moins 65%, plus large que celle des revendications indépendantes dont elles dépendent. Ces revendications devraient être supprimées et toutes les revendications au dossier (15-37) devraient être renumérotées de façon appropriée en s’assurant, dans chacune d’elles, de renuméroter aussi de façon appropriée les revendications auxquelles elles renvoient.

 

Commentaires concernant la jurisprudence citée par l’examinateur et la demanderesse

 

[85]           La question relative à la portée excessive des revendications qui visent un résultat souhaité a été traitée dans la jurisprudence mais il n’y a pas à notre connaissance une décision dont les faits sont semblables à ceux en l’espèce. En particulier, dans les décisions traitant de cette question, les revendications ne visaient pas un produit qui ne se distinguait des produits connus que par une propriété physique désirée. Néanmoins, nous avons jugé utile d’apporter quelques commentaires concernant la jurisprudence citée par l’examinateur et la demanderesse. Ces commentaires se trouvent dans la décision DC No 1359.

Autres questions soulevées par l’examinateur

 

[86]           L’examinateur a aussi soulevé les questions suivantes :

 

·                      les revendications 23‑37 omettent-elles une caractéristique essentielle et doivent-elles être rédigées sous forme de produit-par-le procédé ?

 

·                      les revendications 23 et 32-34 revendiquent-elles plus que ce qui a été inventé ?

 

[87]           On estime que, dans la présente espèce, le critère déterminant pour trancher les questions ci-dessus est un critère lié au caractère réalisable des revendications dans toute leur portée.

 

[88]           La question de savoir si les revendications présentent un caractère réalisable dans toute leur portée a déjà été traitée précédemment, y compris pour les revendications ci-dessus et il n’est pas nécessaire de la traiter à nouveau. Nous avons déterminé précédemment que ces revendications ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée.

 

[89]           Il suffit de modifier ces revendications tel qu’indiqué à la fin de l’analyse pour les rendre acceptables et conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets.

 

[90]           Dans le cas d’une revendication qui présente un caractère réalisable dans toute sa portée, nous ne voyons pas de problème à ce qu’elle vise un produit en tant que tel, indépendamment de son procédé de préparation.

Recommandations du comité

 

[91]           En résumé, nous recommandons que le commissaire informe la demanderesse que :

 

1)   les revendications 1-37 ne présentent pas un caractère réalisable dans toute leur portée et sont, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets ;

 

et que le commissaire informe la demanderesse que :

 

2)   les modifications suivantes sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles :

 

         dans les revendications 1, 11 et 23, remplacer « dans une proportion d’oxyde de zirconium d’au moins 50% en masse » par « dans une proportion d’oxyde de zirconium comprise entre 75% et 80% en masse, lorsque ledit au moins un autre élément est absent, et dans une proportion d’oxyde de zirconium d’au moins 70% en masse et une proportion d’oxyde de cérium comprise entre 21% et 25% en masse lorsque ledit au moins un autre élément est présent »;

 

         dans les revendications 19, 21, 32 et 34, qui définissent des surfaces spécifiques à une température élevée donnée, s’assurer que la valeur de ces surfaces spécifiques soit celle indiquée dans le tableau qui figure au paragraphe [83];

 

         dans les revendications 19, 21, 32 et 34, ajouter une limitation, tel que mentionné à la fin de l’analyse, indiquant que la composition est à base d’oxyde de zirconium, d’oxyde de cérium et d’au moins un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium;

 

         remplacer le libellé de la revendication 22 par « Composition selon l’une quelconque des revendications 11 et 14-18, caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec optionnellement l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium et selon l’une quelconque des revendications 12-13 et 19-21 caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium »;

 

         remplacer le libellé de la revendication 35 par « Composition selon l’une quelconque des revendications 23-24 et 28-31, caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec optionnellement l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium et selon l’une quelconque des revendications 25-27 et 32-34 caractérisée en ce qu’elle se présente sous forme d’une solution solide du cérium, avec l’autre élément précité, dans l’oxyde de zirconium »; et

 

         supprimer les revendications 14 et 27 et renuméroter les revendications 15-37 au dossier et leurs dépendances de façon appropriée en s’assurant qu’elles renvoient aux revendications de façon appropriée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Assia Semra

 

Mark Couture

 

Paul Fitzner

 

Membre

 

Membre

 

Membre



 

Décision du commissaire

 

[92]           Je souscris aux conclusions et recommandations de la Commission d’appel des brevets et informe la demanderesse que :

 

        les revendications 1-37 ne présentent pas le caractère réalisable dans toute leur portée et sont, en conséquence, non conformes aux dispositions de l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets; et

 

         conformément à l’alinéa 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’informe la demanderesse que :

 

1)      les modifications indiquées au paragraphe [91] sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles; et

 

2)      la demanderesse dispose de trois mois suivant la date de cette décision pour apporter les modifications ci-dessus, à défaut de quoi j’entends refuser la demande. Par conséquent, sous l’alinéa 31(b) des Règles sur les brevets, j’invite la demanderesse à effectuer les modifications ci-dessus, et seules ces modifications.

 

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce   9me   jour de juin 2014

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