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Décision du Commissaire no 1362

Commissioner’s Decision #1362

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS : B00, F01, K11, O00

TOPICS : B00, F01, K11, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no  : 2,385,745

Application No. : 2,385,745


 


 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet no 2,385,745 a fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et le commissaire aux brevets, conformément à l'alinéa 30(6)c) des mêmes Règles. La recommandation de la Commission et la décision du commissaire s'énoncent ainsi :

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

TORYS LLP

3000 – 79, rue Wellington Ouest

Case postale 270, TD Centre

Toronto (Ontario)  M5K 1N2


Introduction

 

[1]           La présente décision porte sur une révision du refus de la demande de brevet no 2,385,745 intitulée « Méthodes pour administrer des anticorps anti-tnf.alpha. » produite le 10 mai 2002 par le demandeur, Abbott Laboratories (Bermuda) Ltd.

 

[2]           Le 5 octobre 2012, un résumé des motifs a été transmis à la Commission d'appel des brevets [la Commission], dans lequel les motifs de refus suivants de cette demande étaient invoqués :

 

•   certaines revendications sont antériorisées;

•   toutes les revendications sont évidentes;

•   Certaines revendications visent de la matière non prévue par la Loi, car elles abordent des méthodes de traitement médical.

 

[3]           Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons que cette demande soit rejetée.

 

Contexte

 

[4]           Cette demande concerne l'utilisation d'anticorps humains de recombinaison qui se fixent spécifiquement au facteur de nécrose tumorale alpha [TNFα] humain pour le traitement de troubles dans lesquels l'activité du TNFα est néfaste. Ces anticorps ont une affinité élevée pour le TNFα et ils neutralisent l'activité du TNFα.

 

[5]           Le TNFα est une cytokine produite par de nombreux types de cellules, y compris les monocytes et les macrophages. Le TNFα est un agent essentiel de régulation de l'inflammation, et il joue un rôle important dans la réaction normale à l'infection; cependant, une production excessive de ce facteur pourrait être néfaste. Plus particulièrement, on a observé que des niveaux élevés de TNFα sont en cause dans la pathophysiologie d'une variété de maladies et de troubles chez l'humain, y compris les sepsies, les infections, les maladies auto-immunes, le rejet de greffes et les troubles intestinaux. Cette observation a mené à l'hypothèse selon laquelle le traitement de ces troubles peut se faire à l'aide d'anticorps qui bloquent l'activité du TNFα. En effet, il a été démontré que les anticorps humains de recombinaison utilisés à des fins thérapeutiques précisément pour le TNFα, lesquels bloquent l'activité du TNFα, peuvent contrôler l'activité de la maladie dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde et d'autres maladies inflammatoires.

 

[6]           La présente description porte sur des méthodes améliorées de traitement de maladies dans lesquelles l'administration d'anticorps anti-TNFα neutralisant s'avère bénéfique. Les maladies  visées sont celles pour lesquelles on s'attend à ce que l'inhibition de l'activité du TNFα atténue les symptômes ou la progression. Plus précisément, le demandeur affirme qu'une dose administrée toutes les deux semaines par voie sous-cutanée offre de nombreux avantages par rapport aux protocoles administrant l'anticorps thérapeutique chaque semaine par voie intraveineuse.

 

Historique de la demande

 

[7]           Suite à plusieurs rapports du Bureau, la présente demande  a été refusée dans une décision finale [DF] rendue le 22 mars 2011. La demande a été considérée comme inadmissible, parce que certaines revendications étaient antériorisées et que toutes les revendications étaient considérées comme évidentes. De plus, certaines revendications visaient de la matière non prévue par la Loi, alors que certaines revendications manquaient de fondement et portaient sur de la matière nouvelle qui ne pouvait pas raisonnablement s'inférer des dessins ou du mémoire descriptif faisant partie de la demande originale. Finalement, certaines revendications étaient dépourvues d’utilité sur leur portée globale. L'analyse du manque d’utilité était aussi suivie d'une affirmation selon laquelle le mémoire descriptif ne contenait pas de divulgation suffisante quant à l'utilité promise.

 

[8]           Dans sa réponse à la DF, le demandeur a choisi de remplacer les revendications au dossier par un ensemble de revendications modifiées comportant 126 revendications et a maintenu ses arguments soutenant la brevetabilité des revendications.

 

[9]           L'examinateur a maintenu le refus et a indiqué dans le résumé des motifs que le demandeur n'avait pas éliminé l'ensemble des irrégularités relevées dans la DF. Plus particulièrement, il est indiqué dans le résumé des motifs que l'ensemble de revendications modifiées a permis de surmonter les motifs liés à l’insuffisance de fondement, à la nouvelle matière au manque d’utilité et à la divulgation insuffisante.

 

[10]       Un comité de trois membres de la Commission fût établi, pendant la période de notre révision, et a relevé certaines questions qui nécessitaient des précisions. Ces observations ont été soulevées directement auprès du demandeur dans une lettre datée du 20 août 2013. Plus particulièrement, le demandeur a été avisé des plus récentes directives concernant les revendications d'utilisations médicales qui prescrivent l'interprétation téléologique pour l'analyse des revendications. Le comité a aussi demandé que le demandeur établisse une distinction entre certaines revendications qui semblaient redondantes les unes par rapport aux autres.

 

[11]       Les autres motifs de refus sont les suivants :

 

•   les revendications 102 à 104 contreviennent aux alinéas 28.2(1)a) et b) de la Loi parce qu'elles sont antériorisées;

•   les revendications 1 à 126 contreviennent à l'article 28.3 de la Loi parce qu'elles sont évidentes;

•   les revendications 1 à 89 et 106 à 126 contreviennent à l'article 2 de la Loi parce qu'elles visent  de la matière non prévue par la Loi  (méthodes de traitement médical).           

 

[12]       En réponse au résumé des motifs et à la lettre du comité, le demandeur a fourni des observations écrites, servant de fondement à sa présentation lors d'une audience, laquelle a été tenue le 25 novembre 2013. Dans ses observations écrites, le demandeur a aussi demandé que soit étudié un ensemble de recommandations proposées. Celui-ci a été présenté afin de corriger les irrégularités relatives à l’antériorisation, à l'évidence, à l' la matière non prévue par la Loi  et au caractère indéfini.

 

[13]       Bien que cette révision soit réalisée sur la base des revendications soumises en réponse à la DF, comme il est indiqué ci-dessous, l'ensemble de revendications proposées est également pris en compte.

 

Questions en litige

 

[14]       À la lumière des motifs de refus cités par l'examinateur, nous devons aborder les trois questions suivantes :

(1)  Les seringues préalablement remplies revendiquées sont-elles évidentes?     

(2)  Les revendications sont-elles évidentes?

(3)  Est-ce que certaines revendications visent de  la matière non prévue par la Loi  , car elles abordent des méthodes de traitement médical?

 

Revendications

 

[15]       Les revendications 1 à 126 au dossier comprennent 31 revendications indépendantes, définissant l'utilisation d'anticorps anti TNFα pour bloquer l'activité du TNFα chez un sujet humain atteint d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, les seringues préalablement remplies contenant des anticorps TNFα et les trousses contenant lesdites seringues. Les revendications ci-dessous sont représentatives des revendications jugées irrégulières :

 

1.   Utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, dans la fabrication d'un médicament bloquant l'activité du TNFα humain chez un sujet humain atteint d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, où le médicament est adapté pour l'administration aux deux semaines d'une dose par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue, jusqu'à ce que la dose au corps entier soit atteinte, celle-ci correspondant à la même dose administrée tout au long des deux semaines, et ladite dose correspondant à environ 40 mg de l'anticorps anti-TNFα humain, où ledit anticorps neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

 

27.      Une composition pharmaceutique pour bloquer l'activité du TNFα humain chez un sujet humain atteint d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, comprenant un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, et un transporteur pharmaceutiquement acceptable, où l'anticorps anti-TNFα ou sa partie de liaison d'antigène est adapté pour l'administration aux deux semaines d'une dose par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue, jusqu'à ce que la dose au corps entier soit atteinte, celle-ci correspondant à la même dose administrée tout au long des deux semaines, et ladite dose correspondant à environ 40 mg, et ledit anticorps neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N°3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

 

48.  Un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, pour bloquer l'activité du TNFα humain chez un sujet humain atteint d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, selon une administration aux deux semaines d'une dose par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue, où l'anticorps anti-TNFα humain, ou sa partie de liaison antigène, est adapté à une administration sous-cutanée en tant que dose au corps entier, celle-ci correspondant à la même dose administrée tout au long des deux semaines, et ladite dose correspondant à environ 40 mg, et où ledit anticorps neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

 

69.      Utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou de sa partie de liaison antigène, pour traiter une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, où l'anticorps anti-TNFα, ou sa partie de liaison d'antigène, est adapté pour l'administration aux deux semaines d'une dose par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue, jusqu'à ce que la dose au corps entier soit atteinte, celle-ci correspondant à la même dose administrée tout au long des deux semaines, et ladite dose correspondant à environ 40 mg, et où ledit anticorps neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N°3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

90.      Une trousse incluant une seringue préalablement remplie d'une dose au corps entier d'environ 40 mg de l'un des anticorps anti-TNFα humain énoncés dans les revendications 48 à 54, ou leur partie de liaison d'antigène, et un excipient de qualité pharmaceutique; la trousse contient des instructions pour l'administration sous-cutanée aux deux semaines, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue, pour le traitement de maladies arthritiques ou de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.

 

102.    Une seringue préalablement remplie d'une composition pharmaceutique énoncée dans l'une des revendications 27 à 33, et où ladite seringue est adaptée pour l'auto-administration sous-cutanée aux deux semaines de la composition pharmaceutique, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue.

 

[16]       Dans le cadre de notre examen, le comité a noté que les revendications indépendantes 1, 27, 48 et 69 semblent toutes viser des utilisations médicales secondaires de portée semblable. Par exemple, la revendication 1 est présentée sous la forme d'une revendication d'utilisation thérapeutique de type « suisse »; la revendication 27 est une revendication de « composition aux fins d'utilisation »; la revendication 48 est une revendication « d'anticorps aux fins d'utilisation »; et la revendication 69 est une revendication d'utilisation directe. Cependant, chacune de ces revendications est reliée, en ce sens qu'elles font référence à un anticorps anti-TNFα humain isolé pour « [Traduction] bloquer l'activité du TNFα humain chez un patient atteint d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin » et à la posologie propre à l'administration sous-cutanée toutes les deux semaines, qui correspond à une dose d'environ 40 mg. Nous avons également noté une relation semblable entre les groupes de revendications suivants : revendications 2, 28, 49 et 70; revendications 3, 29, 50 et 71; revendications 4, 30, 51 et 72; revendications 5, 31, 52 et 73; revendications 6, 32, 53 et 74; revendications 7, 33, 54 et 75; revendications 8 et 34; revendications 9 et 55; revendications 10, 35, 56; revendications 11, 36, 57; revendications 12, 37, 58; revendications 13, 38, 59; revendications 14, 39, 60; revendications 15, 40, 61 et 76; revendications 17 et 87; revendications 19 et 88; revendications 41, 62 et 77; revendications 42, 63 et 78; revendications 43, 64 et 79; revendications 44, 65 et 80; revendications 45, 66 et 81; revendications 46, 67 et 82; revendications 47, 68 et 83; revendications 84, 117 et 122; revendications 85, 119 et 124; revendications 86, 118 et 123; revendications 116 et 121; revendications 120, 125 et 126.

 

Interprétation téléologique     

 

[17]       Il importe de procéder à une interprétation téléologique avant d'examiner les enjeux relatifs à la validité ou de contrefaçon. Pendant l'interprétation téléologique, on détermine si les éléments de l'invention revendiquée sont essentiels ou non essentiels : Free World Trust c. Electro Sante Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]. [Traduction] Pour qu'un élément soit considéré « non essentiel », « il faut établir que, suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que, à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué ou omis sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention » (Free World Trust, au para 55).   

 

[18]       En outre, l'interprétation téléologique des revendications exige que celles-ci soient interprétées en fonction de l'ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67. On s'attend aussi qu'il soit reconnu « qu'une invention brevetable est une solution ingénieuse à un problème concret » et « qu'une invention doit donc être divulguée (puis revendiquée) pour pouvoir être utilisée par la personne versée dans l'art » : Avis du Bureau des brevets publié le 8 mars 2013 intitulé « Directives sur la pratique à la suite de l’arrêt Amazon CAF » et la note PN2013-02 qui l'accompagne.

 

La personne versée dans l'art et ses connaissances générales courantes pertinentes

 

[19]       Au cours de notre révision, le comité a revu les déclarations contenues dans la DF relativement à la personne versée dans l'art et aux connaissances générales courantes. Bien que ces définitions aient été fournies dans le contexte d'une analyse de l'évidence, elles s'appliquent à l'ensemble des analyses. Dans une lettre du 21 août 2013, le comité a noté que le demandeur n'avait pas donné de raisons pour réfuter la caractérisation faite par l'examinateur de la personne versée dans l'art et des connaissances générales courantes et a invité le demandeur à aborder ces points par écrit ou à l'audience. Dans les observations écrites soumises le 4 novembre 2013, le demandeur a indiqué que même s'il n'était pas nécessaire de prendre position sur la nature de la personne versée dans l'art, elle contestait la caractérisation qu'a faite l'examinateur du niveau d'expérience et des connaissances de la personne versée dans l'art.

 

[20]       Selon la DF : « [Traduction] la personne versée dans l'art est un immunologiste clinique compétent détenant une vaste expérience de la gestion d'essais cliniques et des connaissances approfondies dans le domaine de l'immunologie fondamentale ».

 

[21]       Comme il est indiqué ci-dessus, le demandeur n'était pas d'accord avec cette caractérisation du niveau d'expérience et des connaissances de la personne versée dans l'art. Le demandeur était d'avis qu'en décrivant la personne versée dans l'art comme détenant « une vaste expérience » et « des connaissances générales approfondies », on élevait le niveau de compétences et de connaissances de cette personne à une norme qui se situe bien au-delà du niveau « ordinaire » permis par la loi, citant Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289 à la page 294 [Beloit].

 

[22]       Malgré le fait que le demandeur n'est pas d'accord avec la caractérisation plus rigoureuse de l'examinateur quant au niveau de compétences de la personne versée dans l'art, le demandeur a quand même demandé à ses experts d'aborder les références à l'art antérieur énoncées dans la DF en fonction de cette caractérisation, mais dans une perspective selon laquelle cette personne manque d'imagination.

 

[23]       Nous soulignons que, même si le demandeur n'était pas d'accord avec l'examinateur en ce qui concerne le niveau d'expérience de la personne versée dans l'art, elle ne contexte pas la caractérisation de la personne versée dans l'art par l'examinateur comme étant un immunologiste clinique compétent. Nous considérons que cette définition est conforme au contexte énoncé dans la description, lequel fournit suffisamment d'information pour définir la ou les personnes visées par la demande de brevet. Comme il est mentionné ci-dessus (au paragraphe [6]), la présente demande concerne des méthodes améliorées de traitement des maladies selon lesquelles l'administration d'un anticorps anti-TNFα neutralisant s'avère bénéfique. À ce compte, la caractérisation de la personne versée dans l'art faite par l'examinateur désignant celle-ci comme étant un immunologiste clinique compétent est raisonnable. Nous sommes également d'accord avec le demandeur, conformément aux enseignements tirés de Beloit, pour dire que ladite personne manque d'imagination.

 

[24]       Bien que l'examinateur ait défini le niveau d'expérience et de connaissances générales de la personne versée dans l'art comme étant « vaste » et « approfondies », respectivement, nous remarquons que ces caractérisations sont corroborées par les connaissances générales telles qu'elles sont définies dans la DF. Par conséquent, nous aborderons ces qualificatifs dans le contexte des connaissances générales courantes pertinentes auxquelles on s'attend de la personne versée dans l'art.

 

[25]       Plus précisément, la DF caractérise les connaissances générales courantes de cette personne comme suit : « [Traduction] La personne versée dans l'art sait que les besoins en matière de posologie pour une médication donnée sont périodiquement évalués dans le cadre d'essais cliniques. La personne versée dans l'art connaît les avantages et les bénéfices associés à la réalisation d'analyses coûts-efficacité concernant la posologie d'une médication donnée. La personne versée dans l'art connaît les avantages et les inconvénients des différentes voies d'administration ou d'auto-administration possibles, comme par voie intraveineuse, sous-cutanée, orale ou topique. La personne versée dans l'art connaît les avantages des anticorps monoclonaux entièrement humains par rapport aux anticorps de souris ou chimériques en tant qu'agents thérapeutiques pour l'humain. La personne versée dans l'art connaît les rôles bénéfiques que joue la cytokine inflammatoire, soit le TNFα, dans la réaction immunitaire normale et les rôles néfastes que joue le TNFα dans les maladies inflammatoires comme les maladies arthritiques et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. La personne versée dans l'art connaît l'agent thérapeutique utilisé périodiquement pour le traitement des maladies arthritiques et des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ».

 

[26]       Cette caractérisation des connaissances générales courantes est conforme à la déclaration produite par la Dre Janet Pope, une experte qui travaille pour le demandeur, qui précise clairement que le recours par la personne versée dans l'art des essais cliniques pour déterminer une posologie adéquate, y compris l'intervalle posologique, relève de ses connaissances générales courantes. À l'instar de l'examinateur, la Dre Pope a aussi reconnu que le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d'autres maladies auto-immunes à l'aide d'agents thérapeutiques connus, comme l'anticorps anti-TNFα humain isolé D2E7 ou le méthotrexate, fait partie des connaissances générales courantes.

 

[27]       Le seul point à être contesté est que l'examinateur estime que l'établissement de la posologie d'une médication en fonction du rapport coût-efficacité relève des connaissances générales courantes. La Dre Pope a fait valoir que cette affirmation est manifestement fausse. En tant qu’immunologiste clinique compétente, la personne versée dans l'art serait principalement concernée par la sécurité et l'efficacité du médicament. Nous sommes d'accord avec le demandeur sur ce point. La personne versée dans l'art ne considérerait pas le rapport coût-efficacité comme un facteur au moment de déterminer une posologie thérapeutique adéquate.

 

[28]      Nous considérons que la personne versée dans l'art détiendrait les connaissances générales courantes définies par l'examinateur et reconnues par le demandeur. Cette affirmation est conforme au domaine dont relève l’invention, lequel nous indique que la personne versée dans l'art est raisonnablement bien informée quant à l'état de la technique quant aux stratégies thérapeutiques pour le traitement de maladies et de troubles, dans lesquelles des niveaux élevés de TNFα jouent un rôle; voir le Recueil des pratiques du Bureau des brevets à la section 9.02.02. Nous retenons aussi que la caractérisation des connaissances générales courantes telle qu’établie par l'examinateur, n'exige pas que la personne versée dans l'art détienne une « expertise particulière » de la gestion d'essais cliniques et des « connaissances approfondies » de l'immunologie fondamentale.

 

Le problème et la solution abordés par l'invention

 

[29]       D'après la description, le problème soulevé par l'invention telle que revendiquée s’intéresse aux améliorations de méthodes pour le traitement de troubles associés au TNFα. Tel que mentionné ci-dessus (au paragraphe [5]), la surproduction de TNFα a été associée à la pathophysiologie d'une variété de maladies et de troubles chez l'humain. Une des stratégies thérapeutiques pour bloquer ou empêcher l'activité du TNFα utilise les anticorps humains recombinants qui se lient et neutralisent le TNFα humain. Contrairement aux protocoles basés sur l'administration hebdomadaire d'anticorps thérapeutiques par voie intraveineuse, la solution proposée par la présente invention comporte une posologie auto-administrée aux deux semaines par voie sous-cutanée.

 

[30]       Plus précisément, la description indique que la posologie toutes les deux semaines comporte de nombreux avantages par rapport à la posologie hebdomadaire, dont un nombre inférieur d'injections, une diminution des réactions au niveau du site d'injection (p. ex. douleur et enflure localisées), une meilleure assiduité du patient en regard de son traitement (p. ex. parce que les injections sont moins fréquentes), et des frais moindres pour le patient et le fournisseur de soins de santé. L'administration sous-cutanée des doses est avantageuse pour le patient, car ce dernier s'administrer lui-même la substance thérapeutique, p. ex. un anticorps TNFα humain, ce qui est pratique autant pour le patient que pour le fournisseur de soins de santé.

 

Revendication 1, interprétation téléologique

 

[31]       Le libellé de la revendication 1 est conforme à la rédaction des revendications d'utilisation thérapeutique de type « suisse ». Ce format a été créé par le Swiss Federal Intellectual Property Office (office fédéral suisse de la propriété intellectuelle) afin de permettre une protection pour une deuxième utilisation thérapeutique ou une utilisation thérapeutique subséquente d'une composition ou d'un composé connu. En l'espèce, la revendication 1 définit l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, dans la fabrication d'un médicament, où le médicament ainsi fabriqué sert à bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Si l'on en fait une interprétation littérale, on pourrait penser que l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα définie dans la revendication 1 concerne simplement la fabrication d'un médicament. En effet, la revendication définit en outre le médicament comme étant « [Traduction] adapté à une administration aux deux semaines sous-cutanée continue, soit tous les 13 à 15 jours, en tant que dose au corps entier ». Cependant, l'interprétation téléologique de la revendication ne soutient pas une telle interprétation puisque, comme il a été indiqué plus tôt (au paragraphe [29]), l'actuelle invention concerne des méthodes améliorées pour le traitement de troubles associés au TNFα à l'aide d'une posologie aux deux semaines administrée par voie sous-cutanée. En outre, l'interprétation littérale serait incompatible avec l'observation faite par le demandeur lors de l’audience, à savoir qu'elle est d'avis que « [Traduction] les revendications d'utilisation et les revendications d'utilisation de type « suisse » sont toutes les mêmes quant à leur interprétation, et nous ne devrions pas établir de maigres distinctions sémantiques ».

 

[32]       De plus, les médicaments ne sont pas caractérisés dans la description comme étant « [Traduction] adaptés pour une administration aux deux semaines par voie sous-cutanée ». Un examen de l'historique de la demande révèle que l'expression a été introduite dans les revendications lors d'une modification datée du 16 janvier 2008, l'exemple 3 de la description étant cité à titre d'appui. C'est dans cet exemple que l'on décrit l'administration aux deux semaines sous-cutanée de l'anticorps anti-TNFα. Pendant notre examen, le comité a invité le demandeur à préciser la nature de l'adaptation revendiquée, et plus particulièrement, à indiquer si l'anticorps anti-TNFα, ou le médicament qui en contient, doit être adapté afin qu'il puisse être administré par voie sous-cutanée, toutes les deux semaines. À l'audience, le demandeur a reconnu que l'administration toutes les deux semaines n'est pas intrinsèque au produit et qu'aucun attribut de l'anticorps ou du médicament n'exige qu'il soit administré à cette fréquence – il peut être administré tous les deux jours ou tous les deux ans. Le demandeur a plutôt indiqué que la référence à l'adaptation ne servait qu'aux besoins de la revendication, qui, conformément au contexte, désigne une limite relative à l'utilisation.

 

[33]       À la lumière de ce qui précède, nous interprétons la revendication 1 comme suit : l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

 

[34]       Par conséquent, la revendication 1 est interprétée comme contenant les éléments essentiels suivants :

 

(i)    l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain, ou sa partie de liaison d'antigène, où ledit anticorps anti-TNFα humain neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8;

(ii)   pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin;

(iii)  pour une administration sous-cutanée;                    

(iv)  pour une administration toutes les deux semaines, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue;

(v)   où la dose est d'environ 40 mg.

 

Autres revendications indépendantes

 

[35]      Les autres revendications indépendantes définissent les autres modes de réalisation de l'invention et font l'objet d'une interprétation téléologique ci-dessous.

 

Revendications 16 et 18

 

[36]       Les revendications indépendantes 16 et 18 sont des revendications d'utilisation thérapeutique de type « suisse » semblables à la revendication 1, sauf que ces revendications imposent d'autres limites sur l'anticorps anti-TNFα et la maladie. Dans la revendication 16, l'anticorps anti-TNFα est défini comme un anticorps D2E7 et ne vise que les maladies arthritiques. Dans la revendication 18, l'anticorps anti-TNFα est défini comme un anticorps D2E7 et ne vise que les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.

 

Revendication 27

 

[37]      Le libellé de la revendication indépendante 27 est conforme à celui d'une revendication « de composition aux fins d'utilisation » et est considéré comme un autre format pour revendiquer l'utilisation d'un composé ou d'une composition. Plus précisément, la revendication 27 définit une composition pharmaceutique servant à bloquer l'activité du TNFα humain chez les personnes atteintes de maladies arthritiques ou de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. Cette composition contient un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, ainsi qu'un excipient de qualité pharmaceutique. Un peu comme la revendication 1, cette revendication définit en outre l'anticorps anti-TNFα comme étant « [Traduction] adapté à une administration aux deux semaines sous-cutanée continue, soit tous les 13 à 15 jours, en tant que dose au corps entier ». Conformément à notre interprétation téléologique de la revendication 1, nous estimons que cette expression n'impose aucune limite à l'anticorps en soi, mais caractérise plutôt la façon et le moment d'utilisation de l'anticorps. Par conséquent, la revendication 27 est interprétée comme contenant les mêmes éléments essentiels que la revendication 1.

 

Revendication 48

 

[38]       La revendication indépendante 48 est une revendication « d'anticorps aux fins d'utilisation » qui définit un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, utilisé pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Un peu comme les revendications 1 et 27, cette revendication définit en outre l'anticorps anti-TNFα comme étant « [Traduction] adapté à une administration aux deux semaines sous-cutanée continue, soit tous les 13 à 15 jours, en tant que dose au corps entier ». Conformément à notre interprétation téléologique des revendications 1 et 27, nous estimons que cette expression n'impose aucune limite à l'anticorps en soi, mais caractérise plutôt la façon et le moment d'utilisation de l'anticorps. Par conséquent, la revendication 48 est interprétée comme contenant les mêmes éléments essentiels que les revendications 1 et 27.

 

Revendication 69

 

[39]       La revendication indépendante 69 est une revendication « d'utilisation directe » alléguant l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, pour traiter une maladie arthritique ou une maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Un peu comme les revendications 27 et 48, cette revendication définit, en outre, l'anticorps anti-TNFα comme étant « [Traduction] adapté à une administration aux deux semaines sous-cutanée continue, soit tous les 13 à 15 jours, en tant que dose au corps entier ». Conformément à notre interprétation téléologique des revendications 27 et 48, nous estimons que cette expression n'a pas pour but d'imposer une limite à l'anticorps en soi, mais caractérise plutôt la façon et le moment d'utilisation de l'anticorps.

 

[40]       Bien que la revendication 69 concerne l'utilisation de l'anticorps pour « [Traduction] traiter une maladie arthritique ou une maladie inflammatoire chronique de l'intestin », nous ne voyons aucune distinction pratique concernant l'utilisation telle qu'elle est définie dans les revendications 1, 27 et 48, à savoir « [Traduction] le blocage de l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin », puisque le blocage de l'activité du TNFα humain ne désigne que le mécanisme d'action par lequel on s'attend que l'anticorps anti-TNFα atténue les symptômes ou la progression de la maladie, c.-à-d. qu'il traite la maladie arthritique ou la maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Par conséquent, la revendication 69 est interprétée comme contenant les mêmes éléments essentiels que les revendications 1, 27 et 48.

 

Revendications 84 à 89, revendications 106 à 111 et revendications 121 à 126

 

[41]       Les revendications indépendantes 84 à 89, 106 à 111 et 121 à 126 sont des revendications d'utilisation directe semblables à la revendication 69, sauf que ces revendications imposent d'autres limites sur l'anticorps anti-TNFα et la maladie. Dans les revendications 84 à 86 et 121 à 126, l'anticorps anti-TNFα est défini comme ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 1, et une région variable de chaîne lourde (HCVR) comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 2; il ne vise que la polyarthrite rhumatoïde (revendications 84 et 122), la maladie de Crohn (revendications 85 et124), la spondylarthrite ankylosante (revendications 86 et 123) et la maladie arthritique (revendication 121) ou la colite ulcéreuse (revendications 125 et 126). Dans les revendications 87 à 89, l'anticorps anti-TNFα est défini comme un anticorps D2E7, et il vise seulement la polyarthrite rhumatoïde (revendication 87), la maladie de Crohn (revendication 88) ou la spondylarthrite ankylosante (revendication 89).

 

[42]       Dans les revendications 106 à 111, l'anticorps anti-TNFα est défini comme ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) et un domaine CDR3, comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8, et il vise seulement la polyarthrite rhumatoïde (revendication 106), la spondylarthrite ankylosante (revendication 107), l'arthrose (revendication 108), l'arthrite goutteuse (revendication 109), la maladie de Crohn (revendication 110) ou la colite ulcéreuse (revendication 111).

 

Revendication 90

 

[43]       La revendication indépendante 90 concerne une trousse contenant une seringue préalablement remplie d'une dose au corps entier d'environ 40 mg de l'un des anticorps anti-TNFα humains isolés décrits dans les revendications 48 à 54, ou de leur partie de liaison d'antigène, et d'un excipient de qualité pharmaceutique. Pendant l'instruction de la demande, la signification du terme « seringue préalablement remplie » a fait l'objet d'un différend entre l'examinateur et le demandeur. Dans la DF, l'examinateur a soutenu que l'administration sous-cutanée nécessite de manière inhérente une seringue préalablement remplie. L'examinateur a aussi expliqué dans le résumé des motifs que la personne versée dans l'art comprend qu'une seringue doit être remplie avant d'être utilisée (préalablement remplie). Dans ses observations au comité, le demandeur a soutenu que le terme « seringue préalablement remplie » est utilisé dans la technique; il signifie que le médecin ou le patient n'ont pas besoin de reconstituer ou de puiser la dose à partir d'un flacon, celle-ci est déjà prête à l'utilisation lorsqu'elle arrive du fabricant. Cette définition a été corroborée par les deux experts qui ont produit des déclarations au nom du demandeur. Nous sommes d'accord avec cette dernière pour dire qu'une « seringue préalablement remplie » est un terme de la technique que la personne versée dans l'art comprend comme excluant les seringues qui sont remplies juste avant l'administration par le patient, le soignant ou le professionnel de la santé.

 

[44]       Il est aussi indiqué que la trousse comprend des instructions pour l'administration sous-cutanée toutes les deux semaines, soit tous les 13 à 15 jours, de l'anticorps anti-TNFα humain de façon continue, pour le traitement des maladies arthritiques et des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. Même si le demandeur interprète les limites de l'utilisation énoncées dans les instructions comme étant essentielles, nous ne sommes pas d'accord. Puisque les instructions elles-mêmes ont une importance purement intellectuelle et n'affectent pas considérablement le fonctionnement du reste du contenu de la trousse, leur inclusion n'est pas considérée comme essentielle.

 

[45]       Toutefois, comme il est indiqué ci-dessous (au paragraphe [49]), le demandeur a précisé que la seringue préalablement remplie présente une limite intrinsèque quant à la voie d'administration, puisque ce ne sont pas toutes les seringues préalablement remplies qui peuvent être utilisées pour une administration par voie sous-cutanée.

 

[46]       Par conséquent, la revendication 90 a été interprétée comme définissant une trousse qui contient les éléments essentiels suivants :

 

(i)    une seringue préalablement remplie pour l'administration par voie sous-cutanée;

(ii)   contenant une dose au corps entier d'environ 40 mg;

(iii)  contenant l'un des anticorps anti-TNFα humains isolés décrits aux revendications 48 à 54, ou leur partie de liaison d'antigène, où ledit anticorps anti-TNFα humain neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

 

Revendication 102

 

[47]       La revendication indépendante 102 est une revendication de produit caractérisée comme comprenant une composition pharmaceutique définie dans l'une des revendications 27 à 33, dans une seringue préalablement remplie. Cette revendication ne contient aucune limite explicite selon laquelle la seringue préalablement remplie serait destinée à une utilisation thérapeutique particulière, p. ex. « [Traduction] pour le traitement des maladies arthritiques ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ».

 

[48]       Cependant, la seringue préalablement remplie est aussi caractérisée comme étant « [Traduction] adaptée pour l'administration aux deux semaines de la composition pharmaceutique par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue ». Dans le cadre de notre examen, le comité a invité le demandeur à préciser la nature de l'adaptation revendiquée quant à la seringue préalablement remplie. Dans ses observations à l'audience, le demandeur a interprété la revendication de la seringue préalablement remplie comme étant une revendication de produit comportant des limites sur le plan de son utilisation et de sa voie d'administration.

 

[49]       En ce qui concerne la voie d'administration, le demandeur a indiqué que cette limite était intrinsèque à la seringue préalablement remplie, puisque ce ne sont pas toutes les seringues de ce type qui peuvent être utilisées par voie sous-cutanée. Nous sommes d'accord avec le demandeur pour dire que dans le cas présent, la voie d'administration constitue une caractéristique intrinsèque de la seringue préalablement remplie. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord pour dire que l’administration aux deux semaines de la dose constitue un élément essentiel. Tel qu’établi ci-dessus pour les instructions comprises dans la revendication de la trousse, il n'a pas été démontré que cette limite affecte la structure ou le contenu de la seringue préalablement remplie. En effet, le demandeur a déjà reconnu que l'administration toutes les deux semaines n'était pas une caractéristique intrinsèque du produit et que celui-ci pouvait être administré tous les deux jours ou tous les deux ans [paragraphe 32].

 

[50]       Par conséquent, l'administration aux deux semaines ne limite pas la portée de la seringue. On interprète la revendication 102 de manière à définir une seringue préalablement remplie, comprenant une composition pharmaceutique décrite dans l'une quelconque des revendications 27 à 33, pour l’administration par voie sous-cutanée. Il s'ensuit que la revendication 102 contient les éléments essentiels suivants:

 

(i)    une seringue préalablement remplie pour administration par voie sous-cutanée;

(ii)   contenant un anticorps anti-TNFα humain, ou sa partie liant l’antigène, où ledit anticorps anti-TNFα humain neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai in vitro L929 standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, et comporte une région variable de chaîne légère (LCVR) comprenant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N°3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) comprenant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8;

(iii)  où la dose d'anticorps anti-TNFα, ou sa partie liant l’antigène, est d'environ 40 mg.

 

Revendications 116 à 120

 

[51]       Les revendications indépendantes 116 et -120 sont des revendications « d'anticorps aux fins d'utilisation » semblables à la revendication 48, sauf que ces revendications imposent d'autres limites sur l'anticorps anti-TNFα et la maladie. Dans chacune de ces revendications, l'anticorps anti-TNFα est défini comme ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 1, et une région variable de chaîne lourde (HCVR) comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 2; et il vise seulement la maladie arthritique (revendication 116), la polyarthrite rhumatoïde (revendication 117), la spondylarthrite ankylosante (revendication 118), la maladie de Crohn (revendication 119) ou la colite ulcéreuse (revendication 120).

 

Revendications dépendantes

 

[52]       Les revendications dépendantes ajoutent des caractéristiques comme la présence d'un agent thérapeutique supplémentaire, l'ajout de l'imites à l'anticorps anti-TNFα et des maladies arthritiques ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin spécifiques. L'historique de la demande ne révèle aucun différend entre le demandeur ou l'examinateur relativement à la signification ou à la compréhension de ces revendications.

 

Redondance des revendications

 

[53]       Comme il a été indiqué plus tôt, le comité a noté que plusieurs revendications énonçant des utilisations thérapeutiques secondaires de portée semblable figurent dans l'ensemble de revendications au dossier. Le demandeur n'a pas précisément abordé cette préoccupation dans le contexte des revendications au dossier, puisque les observations écrites qu'elle a soumises au comité contenaient un ensemble de revendications proposées. Cependant, à l'audience, le demandeur a reconnu que tous les éléments essentiels des revendications sont les mêmes.

 

[54]       Pour faciliter notre analyse, les préambules des revendications 1, 27, 48 et 69 sont reproduits ci-dessous :

 

1. [Traduction] Utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, dans la fabrication d'un médicament servant à bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

 

27. [Traduction] Composition pharmaceutique pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

 

48. [Traduction] Anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, utilisé pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

 

69. [Traduction] Utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain isolé, ou sa partie de liaison d'antigène, pour traiter une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

 

[55]       Bien que les préambules de ces revendications ne soient pas identiques, nous avons déjà établi dans notre interprétation téléologique que ces revendications constituent d'autres formats qui définissent le même objet. Plus précisément, le corps des revendications définit la méthode particulière utilisée pour bloquer l'activité du TNFα chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Étant donné que chacune de ces revendications définit des méthodes identiques, nous ne voyons aucune distinction quant à leur portée, puisque ces revendications d'utilisation permettent l'atteinte du même résultat. S'il existe une différence dans leur portée, en fonction du mémoire descriptif dans son ensemble, elle n'est pas apparente. Par conséquent, les revendications 1, 27, 48 et 69 sont considérées comme redondantes les unes par rapport aux autres et peuvent être analysées collectivement. Des regroupements semblables peuvent être faits avec les revendications suivantes : revendications 2, 28, 49 et 70; revendications 3, 29, 50 et 71; revendications 4, 30, 51 et 72; revendications 5, 31, 52 et 73; revendications 6, 32, 53 et 74; revendications 7, 33, 54 et 75; revendications 8 et 34; revendications 9 et 55; revendications 10, 35, 56; revendications 11, 36, 57; revendications 12, 37, 58; revendications 13, 38, 59; revendications 14, 39, 60; revendications 15, 40, 61 et 76; revendications 17 et 87; revendications 19 et 88; revendications 41, 62 et 77; revendications 42, 63 et 78; revendications 43, 64 et 79; revendications 44, 65 et 80; revendications 45, 66 et 81; revendications 46, 67 et 82; revendications 47, 68 et 83; revendications 84, 117 et 122; revendications 85, 119 et 124; revendications 86, 118 et 123; revendications 116 et 121; revendications 120, 125 et 126.

 

[56]       En outre, le manque de clarté quant à la différence de portée entre les revendications mène à une ambiguïté évitable. Il s’ensuit que la différenciation vague entre les revendications 1, 27, 48 et 69 fait en sorte que ces revendications sont imprécises et donc non conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. De la même manière, la différenciation vague entre les revendications 2, 28, 49 et 70; revendications 3, 29, 50 et 71; revendications 4, 30, 51 et 72; revendications 5, 31, 52 et 73; revendications 6, 32, 53 et 74; revendications 7, 33, 54 et 75; revendications 8 et 34; revendications 9 et 55; revendications 10, 35, 56; revendications 11, 36, 57; revendications 12, 37, 58; revendications 13, 38, 59; revendications 14, 39, 60; revendications 15, 40, 61 et 76; revendications 17 et 87; revendications 19 et 88; revendications 41, 62 et 77; revendications 42, 63 et 78; revendications 43, 64 et 79; revendications 44, 65 et 80; revendications 45, 66 et 81; revendications 46, 67 et 82; revendications 47, 68 et 83; revendications 84, 117 et 122; revendications 85, 119 et 124; revendications 86, 118 et 123; revendications 116 et 121; revendications 120, 125 et 126; respectivement, fait en sorte que ces revendications ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[57]       En outre, les multiples revendications indépendantes qui ont été définies comme ayant toutes les mêmes caractéristiques sont aussi considérées comme irrégulières, car elles ne sont pas conformes au paragraphe 87(1) de la Loi sur les brevets.

 

[58]       Cependant, comme nous le verrons ci-dessous, étant donné nos conclusions relativement à la brevetabilité des revendications, il ne nous est pas nécessaire d'étudier ces irrégularités davantage.

 

Question 1 :        Les seringues préalablement remplies revendiquées sont-elles antériorisées?      

 

Cadre juridique

 

[59]       La disposition législative s'appliquant à l'évaluation de l’antériorisation est le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets. Voici un extrait de ce paragraphe :

 

Une demande publiée qui décrit la façon de fabriquer un produit quelconque, et qui prépare avec succès ledit produit, se trouve à avoir divulgué ledit produit même si celui-ci n'a pas été rendu accessible au public.

a) plus d'un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d'une autre personne, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[60]       Dans Free World Trust (au paragraphe 25), la Cour suprême a indiqué clairement que si une seule publication de l'art antérieur divulgue l'ensemble des éléments essentiels de l'invention revendiquée de manière réalisable, il y a antériorisation.

 

[61]       Dans Apotex Inc. c. SanofiSynthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], la Cour suprême a précisé davantage le critère de l’antériorisation en appuyant explicitement une démarche en deux étapes selon laquelle les exigences relatives à « la divulgation antérieure » et au « caractère réalisable » doivent être considérées séparément.

 

[62]       Pour satisfaire à l'exigence de divulgation pour l’antériorisation, il doit y avoir une description de l'objet qui, si appliquée, entraînerait nécessairement une violation de la ou des revendications. On considère que la personne versée dans l’art comprend ce que l'auteur de la description veut dire; l'expérimentation par essais et erreurs n'est pas permise au moment d'étudier le critère relatif à la description. Si ce critère est satisfait, il est nécessaire d'étudier le caractère réalisable.

 

[63]       À cette étape, la question qui se pose est celle de savoir si la personne versée dans l'art serait en mesure d'utiliser l'invention. Les expériences par essais et erreurs sont permises à cette étape, à condition qu'elles ne comprennent aucune activité inventive ni aucun fardeau inutile.

 

Position de l’examinateur

 

[64]       Dans la DF et le résumé des motifs, l'examinateur a soutenu que les seringues préalablement remplies revendiquées étaient antériorisées par deux études de l'art antérieur, lesquelles divulguent l'administration par voie sous-cutanée de l'anticorps anti-TNFα humain, D2E7, à des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde; voir Kempeni, Annals of the Rheumatic Diseases 1999: 58, Supplemental I70-I72 and Rau, Zeitschrift für Rheumatologie 1999: 58, Supplemental S51.

 

[65]       Bien qu'aucune seringue ne soit précisément décrite ni dans Kepeni ni dans Rau, l'examinateur a également observé que l'administration par voie sous-cutanée nécessite inévitablement une seringue préalablement remplie. Comme il est mentionné ci-dessus (au paragraphe [43]), l'examinateur interprète le terme « seringue préalablement remplie » comme englobant une seringue qui a déjà été remplie avant d'être utilisée. L'examinateur a aussi fait valoir qu'une « [Traduction] caractéristique inhérente de la seringue est qu'elle est adaptée à l'auto-administration ».

 

[66]       En ce qui concerne la dose d'environ 40 mg, celle-ci est comprise dans les enseignements tirés de Rau, qui décrit une étude clinique de phase 2 au cours de laquelle des patients ont reçu des doses de 20, 40 et 80 mg de D2E7 une fois par semaine, par voie sous-cutanée. De même, une dose de 40 mg est aussi comprise dans les enseignements tirés Kempeni, qui décrivent l'administration de toute dose variant de 0,5 mg/kg à 10 mg/kg, une plage qui englobe nécessairement 40 mg/80 kg (80 kg étant le poids moyen du sujet humain moyen).

 

Position du demandeur

 

[67]       Comme il est mentionné ci-dessus (au paragraphe [43]), le demandeur a fait valoir qu'une « seringue préalablement remplie » est un terme de la technique que le destinataire versé dans l’art ne comprendrait pas comme incluant les seringues qui sont remplies juste avant l'administration par le patient, le soignant ou le professionnel de la santé. Étant donné la formulation de l'expression « seringue préalablement remplie », le demandeur a maintenu sa position, selon laquelle une seringue préalablement remplie adaptée à l'auto-administration par voie sous-cutanée n'est décrite dans aucune des références.

 

[68]       Plus précisément, le demandeur a fait valoir que l'administration par voie sous-cutanée à laquelle font référence Kempeni et Rau aurait été comprise par la personne versée dans l’art, étant donné le format dans lequel l'agent expérimental a alors été distribué, comme signifiant que la personne qui administre la dose a d'abord reconstitué le médicament lyophilisé, puis a puisé le médicament pour l'insérer dans une seringue (vide). Il ne s'agit pas d'une « seringue préalablement remplie » telle que le comprennent les personnes versées dans l'art.

 

[69]       En réponse à la DF, le demandeur a aussi soutenu qu'en ce qui concerne une dose fixe d'environ 40 mg de l'anticorps indiqué, Kempeni décrit une posologie fondée sur le poids corporel qui s'éloigne de la dose fixe actuellement revendiquée. Le demandeur a aussi souligné qu'il n'existe aucune preuve confirmant qu'au moins un patient traité à l'aide d'injections hebdomadaires par voie sous-cutanée de 0,5 mg/kg de D2E7 avait effectivement un poids de 80 kg ou que la population de patients traités avait un poids moyen d'environ 80 kg.

 

[70]       En ce qui concerne l'étude de phase 2 décrite dans Rau, au cours de laquelle certains patients ont reçu une dose de 40 mg de D2E7 par voie sous-cutanée une fois par semaine, le demandeur a fait valoir qu'il n'existait pas de preuve suffisante pour conclure inévitablement qu'une seringue préalablement remplie contenant 40 mg de l'anticorps a été utilisée. Le demandeur a plutôt avancé que, du moins en théorie, une seringue de grande capacité pouvant contenir 200 mg (ou plus) d'anticorps pourrait être utilisée pour faciliter l'administration d'injections de 40 mg d'un médicament à un groupe de patients, seul l'embout de l'aiguille devant être remplacé entre chaque injection.

 

[71]       Enfin, le demandeur a soutenu qu'une personne versée dans l'art non inventive ne comprendrait pas, à la lecture des références à l'art antérieur, que toute seringue qui est remplie au préalable dans le cadre des enseignements tirés des références pourrait être adaptée à l'auto-administration. Plus particulièrement, les références ne mentionnent aucun des facteurs à considérer relativement à l'utilisation d'une seringue préalablement remplie destinée à l'auto-administration, comme « [Traduction] s'assurer que la seringue est correctement remplie de la bonne quantité de composition, veiller à ce que la composition apparaisse telle quelle ou soit agitée au besoin, déterminer ce qu'il faut faire en cas de présence de bulles d'air, déterminer la façon de ranger la seringue préalablement remplie et le moment auquel elle doit être rangée ».

 

Analyse selon la démarche en deux étapes énoncée dans l’affaire Sanofi

 

Divulgation

 

[72]       Nous sommes d'accord avec l'examinateur pour dire que la personne versée dans l'art comprendrait qu'une seringue doit être remplie avant d'être utilisée (c.-à-d. préalablement remplie). Cependant, nous sommes aussi d'accord avec le demandeur pour dire qu'il ne s'agit pas de l'interprétation qu'une personne versée dans l'art ferait d'une « seringue préalablement remplie ». Nous avons déjà établi (au paragraphe [43]) que le terme « seringue préalablement remplie » est utilisé dans la technique; il signifie que le médecin ou le patient n'ont pas besoin de reconstituer ou de puiser la dose à partir d'un flacon, celle-ci est déjà prête à l'utilisation lorsqu'elle arrive du fabricant. Par définition, cela exclut les seringues qui sont remplies juste avant l'administration par un patient, un soignant ou un professionnel de la santé.

 

[73]       Tel qu’ indiqué ci-dessus, pour satisfaire à l'exigence de divulgation pour antériorisation, il doit y avoir une description de la matière qui, si appliquée, entraînerait nécessairement un élément contenu dans les revendications. Dans ce contexte, il faut déterminer si la personne versée dans l’art comprendrait qu’une seringue préalablement remplie, prête à utiliser, sans qu'il soit nécessaire de reconstituer l'anticorps ou de prélever la dose pour l'insérer dans une seringue vide, peut être différenciée de la seringue présentée par Kempeni ou Rau.

 

[74]       Comme l'indique l'examinateur, Kempeni et Rau parlent de l'administration par voie sous-cutanée, ce qui nécessite inévitablement une seringue qui a été remplie avant d'être utilisée. Nous avons déjà établi dans notre analyse de la revendication 102 que la seringue préalablement remplie « adaptée pour l'auto-administration aux deux semaines de la composition pharmaceutique par voie sous-cutanée, soit tous les 13 à 15 jours, de façon continue » est ainsi caractérisée pour définir les limites quant à l'utilisation et la voie d'administration. L'adaptation ne suppose pas que des modifications aient été apportées à la structure de la seringue. Par conséquent, la seringue préalablement remplie telle que revendiquée ne peut être distinguée d'une seringue qui serait utilisée pour l'administration par voie sous-cutanée comme l'enseignent Kempeni ou Rau.

 

[75]       De même, en ce qui concerne le contenu de la seringue, rien ne prouve que les compositions pharmaceutiques que contiennent les seringues préalablement remplies telles que revendiquées peuvent être distinguées des doses sous-cutanées de l'anticorps D2E7, tel que décrites par Kempeni ou Rau. En effet, la description fait largement référence à des compositions pharmaceutiques formulées pour convenir au mode d'administration et à l'application thérapeutique prévue. Puisqu’on ne mentionne pas d'exigence particulière quant à la formulation d’une seringue préalablement remplie pour l'administration sous-cutanée, le contenu de ladite seringue ne peut pas être distingué des doses sous-cutanées de l'anticorps D2E7 utilisées par Kempeni ou Rau.

 

[76]       Le demandeur argue aussi que Kempeni enseigne une posologie fondée sur le poids corporel, qui évite la dose fixe revendiquée, et qu'il n'existe aucune preuve indiquant que la dose de 40 mg de D2E7 a effectivement été utilisée pour traiter un patient. Toutefois, Kempeni décrit des injections sous-cutanées hebdomadaires de 0,5 mg/kg de D2E7. Par conséquent, la personne versée dans l'art qui suivrait les enseignements de Kempeni prescrirait nécessairement à un patient de 80 kg une seringue contenant la dose revendiquée de 40 mg. Le fait que la dose a été calculée en fonction du poids corporel n'est pas pertinent, puisque le calcul de la dose ne s'inscrit pas dans la portée de la revendication.

 

[77]       En ce qui concerne la description faite par Rau, nous sommes d'accord avec l'examinateur pour dire que la personne versée dans l'art comprendrait qu'une seringue contient une dose unique de 40 mg de D2E7. Nous sommes d'avis que la suggestion du demandeur, selon laquelle une seringue à grande capacité pourrait être utilisées afin de faciliter des injections successives de 40 mg de médicament à un groupe de patients, seul l'embout de l'aiguille étant remplacé entre les injections, s'avère improbable étant donné les préoccupations en matière de sécurité pour les patients. D'après une interprétation juste et raisonnable de Rau, la personne versée dans l'art devrait s'attendre à ce que des seringues à doses uniques soient utilisées pour faciliter l'administration par voie sous-cutanée de l'anticorps D2E7.

 

[78]       Même si le demandeur a aussi soutenu qu'aucun des facteurs à prendre en considération relativement à une seringue préalablement remplie pour l'auto-administration n'est décrit dans les références, ces facteurs ne s'inscrivent pas dans la portée de la seringue préalablement remplie. En outre, la propre description du demandeur, laquelle concerne directement des seringues pour l'auto-administration, ne mentionne rien au sujet des facteurs qu'elle a soulignés au paragraphe [71]. Quoi qu'il en soit, la personne versée dans l'art reconnaîtrait que ces facteurs doivent nécessairement être pris en compte assurer l'administration réussie des injections sous-cutanées, peu importe que l'administration se fasse par un professionnel de la santé ou par le patient lui-même.

 

[79]       À la lumière de ce qui précède, la personne versée dans l'art considérerait que la seringue utilisée par Kempeni ou Rau, c.-à-d. une seringue pour l'administration par voie sous-cutanée qui est inévitablement remplie avant d'être utilisée, ne peut pas être distinguée des seringues actuellement revendiquées.

 

Caractère réalisable

 

[80]       Kempeni et Rau décrivent l'utilisation de la voie sous-cutanée pour l'administration de l'anticorps D2E7 aux patients qui sont atteints de polyarthrite rhumatoïde. Par conséquent, nous estimons que chacune de ces références fournit suffisamment d'information pour permettre à une personne versée dans l'art de remplir préalablement une seringue avec la dose d'anticorps D2E7 s'inscrivant dans la portée des revendications.

 

Conclusions

 

[81]       Nous concluons que les revendications 102 à 104 sont antériorisées par Kempeni et Rau, chacune prise de manière indépendante, car elles contiennent l'ensemble des caractéristiques essentielles des seringues préalablement remplies revendiquées.

 

Interprétation téléologique de la revendication 1 proposée

 

[82]       Comme il est indiqué ci-dessus, nous considérons les revendications 102 à 104 concernant des seringues préalablement remplies comme étant antériorisées et donc, nous évaluerons si l'ensemble de revendications proposées le 4 novembre 2013 l'emporte sur cette irrégularité. Une table de concordance fournie par le demandeur indique que les revendications 1 à 12 proposées correspondent aux revendications 102 à 104 au dossier.

 

[83]       Les revendications 1 à 12 proposées contiennent une revendication indépendante reproduite ci-dessous :

 

1.   [Traduction] Une seringue préalablement remplie, contenant un anticorps anti-TNFα humain isolé, où ledit anticorps

(a)comprend une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7];

(b)    comprend une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8, et au moins un excipient de qualité pharmaceutique, pour le traitement des maladies arthritiques et des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin chez un sujet humain, ladite seringue préalablement remplie étant (i) adaptée à l'administration par voie sous-cutanée de son contenu au sujet humain qui en a besoin et (ii) en vue d'une utilisation continue toutes les deux semaines, la posologie étant administrée selon un intervalle de 14 jours.

 

[84]       La revendication 102 au dossier, de même que la revendication 1 proposée, concerne des seringues préalablement remplies. Toutefois, contrairement à la revendication 102 au dossier, la revendication 1 proposée contient une limite explicite selon laquelle la seringue préalablement remplie serait destinée à une utilisation thérapeutique particulière, p. ex. « [Traduction] pour le traitement des maladies arthritiques ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ». Par conséquent, nous estimons que la revendication 1 proposée définit un « produit aux fins d'utilisation ». En l'espèce, cette utilisation est davantage définie par une posologie particulière.

 

[85]       Conformément à notre interprétation téléologique des revendications d'utilisation thérapeutique au dossier, nous considérons que les éléments essentiels de la revendication 1 proposée comprennent :

 

(i)    une seringue préalablement remplie pour l'administration par voie sous-cutanée;

(ii)   contenant une dose fixe de 40 mg;

(iii)  pour le traitement de maladies arthritiques ou de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin;

(iv)  en vue d'une utilisation continue, toutes les deux semaines, la posologie étant administrée selon un intervalle de 14 jours.

 

Divulgation

 

[86]       Nous avons déjà établi que Kempeni et Rau décrivent une seringue pour l'administration par voie sous-cutanée qui ne peut être distinguée de la seringue préalablement remplie décrite dans les revendications au dossier. Cependant, comme la revendication 1 proposée est une revendication de « produit aux fins d'utilisation », nous devons maintenant déterminer si les limites d'utilisation présentées sont aussi décrites par Kempeni ou Rau. Ces deux références concernent l'utilisation de l'anticorps D2E7 pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Toutefois, dans Kempeni, l'administration par voie sous-cutanée de l'anticorps D2E7 se limitait à des injections hebdomadaires de 0,5 mg/kg ou à des injections uniques de 1 mg/kg. De même, Rau décrit une administration par voie sous-cutanée de 40 mg de l'anticorps D2E7, selon une posologie hebdomadaire. Par conséquent, ni l'une ni l'autre des références citées ne décrivent la caractéristique supplémentaire selon laquelle la seringue préalablement remplie est utilisée de manière continue, toutes les deux semaines, selon une posologie administrée tous les 14 jours.

 

Caractère réalisable

 

[87]        Comme l'exigence liée à la description n'a pas été satisfaite, il n'est pas nécessaire d'évaluer le caractère réalisable.

 

Conclusions

 

[88]       La revendication 1 proposée n'est pas antériorisée par Kempeni ni par Rau et pourrait constituer le fondement des modifications à la revendication 102 au dossier, si la revendication 1 proposée est jugée conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

Question 2 : Les revendications sont-elles évidentes?

 

Cadre juridique

 

[89]       L'article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l'information qui peut être prise en compte au moment d'évaluer le caractère évident d'une revendication :

 

L'objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[90]        Une démarche en quatre étapes permettant d'évaluer l'évidence est énoncée comme suit dans Sanofi :

 

(1)  a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2)  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Analyse selon la démarche en quatre étapes énoncée dans Sanofi

 

Étape 1 : Identifier la « personne versée dans l'art » et relever les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[91]        Il en a été question ci-dessus aux paragraphes 20 à 28].

 

Étape 2 : Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

[92]        Selon la DF et le résumé des motifs, le concept inventif, lequel est commun à l'ensemble des revendications, à l'exception marquée de certaines revendications relatives aux seringues préalablement remplies, concerne l'utilisation d'un anticorps anti-TNFα humain pour bloquer l'activité du TNFα humain chez une personne atteinte d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, où l'anticorps anti-TNFα humain est adapté pour l'administration toutes les deux semaines d'une dose par voie sous-cutanée de façon continue, jusqu'à ce que la dose au corps entier soit atteinte, celle-ci correspondant à la même dose administrée tout au long des deux semaines, et ladite dose correspondant à environ 40 mg. En ce qui concerne les autres revendications, le concept inventif concerne une seringue préalablement remplie contenant un anticorps anti-TNFα, ladite seringue étant adaptée pour une administration par voie sous-cutanée de façon continue.

 

[93]        En revanche, le demandeur a soutenu dans ses observations au comité qu'il y a un concept inventif qui est commun à l'ensemble des revendications, à savoir la dose sous-cutanée de 40 mg de l'anticorps anti-TNFα humain D2E7, conformément à une administration continue toutes les deux semaines, soit tous les 13 à 15 jours. Cette caractérisation du concept inventif a été jugée applicable à l'ensemble des revendications, qu'il s'agisse de revendications d'utilisation, de revendications d'utilisation de type « suisse », de revendications de seringues préalablement remplies ou d'une trousse. Il est noté que cette définition du concept inventif est conforme à ce qu'a compris l'examinateur du concept inventif des revendications d'utilisation thérapeutique.

 

[94]        Même si le demandeur a soutenu que cette caractérisation du concept inventif devait s'appliquer à l'ensemble des revendications, nous ne sommes pas d'accord. En l'espèce, la limite liée à l'utilisation, à savoir la dose administrée à un intervalle de deux semaines, fait partie du concept inventif des revendications formulées en tant que revendications de produit proprement dites. En effet, cette interprétation est conforme à ce que le demandeur a déjà reconnu, soit que l'administration aux deux semaines n'était pas une caractéristique intrinsèque du produit et que celui-ci pouvait être administré tous les deux jours ou tous les deux ans [paragraphes 32 et 49]. Nous soulignons que cette interprétation est également conforme à notre interprétation téléologique des revendications relatives aux seringues préalablement remplies et aux trousses contenant lesdites seringues. Il s'ensuit que le concept inventif décrit dans les revendications de produit se limite à une seringue préalablement remplie pour l'administration par voie sous-cutanée d'une dose de 40 mg de l'anticorps anti-TNFα humain D2E7.

[95]        En l'espèce, les concepts inventifs décrits dans les revendications d'utilisation thérapeutique et les revendications de produit sont conformes aux éléments essentiels des revendications telles qu'elles sont interprétées. Par conséquent, pour les besoins des analyses subséquentes, les concepts inventifs décrits dans les revendications d'utilisation thérapeutique et les revendications de produit seront présentés en termes d'éléments essentiels.

 

[96]        En ce qui concerne les revendications d'utilisation thérapeutique représentatives 1, 27, 48 et 69, le concept inventif comprend les éléments essentiels suivants :

 

(i) un anticorps anti-TNFα humain, ou sa partie de liaison d'antigène, où ledit anticorps anti-TNFα humain neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8;

(iii)   pour une administration sous-cutanée;                   

(iv)   selon une fréquence d'administration aux deux semaines continue;

(v)    où la dose est d'environ 40 mg.

 

[97]        Les autres revendications d'utilisation thérapeutique ajoutent des caractéristiques comme la présence d'un agent thérapeutique supplémentaire ou l'ajout de l'imites à l'anticorps anti-TNFα et à des maladies arthritiques ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin spécifiques.

 

[98]        En ce qui concerne les revendications de produit représentatives 90 et 102, le concept inventif comprend les éléments essentiels suivants :

 

(i) une seringue préalablement remplie pour l'administration par voie sous-cutanée;

(ii)    contenant une dose au corps entier d'environ 40 mg;

(iii)   contenant l'un des anticorps anti-TNFα humains isolés décrits aux revendications 48 à 54, ou leur partie de liaison d'antigène, où ledit anticorps anti-TNFα humain neutralise la cytotoxicité du TNFα humain dans un essai à L929 in vitro standard avec une CI50 de 1 x 10-9M, ayant une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N°3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N°7, avec une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8.

 

[99]        Les autres revendications de produit ajoutent des caractéristiques comme la présence d'un agent thérapeutique supplémentaire ou l'ajout de l'imites à l'anticorps anti-TNFα.

 

Étape 3 : Relever, s’il y en a, les différences existant entre la matière citée comme faisant partie de l’état de la technique et le concept inventif de la revendication ou la revendication telle qu'elle est interprétée

 

[100]    En l'espèce, le principal différend entre l'examinateur et le demandeur concerne l'étape 3 du cadre énoncé dans Sanofi. Plus précisément, l'examinateur considère qu'il n'y a aucune différence entre l'objet revendiqué et les références citées comme correspondant à l'état de la technique. En revanche, le demandeur soutient que ni Kempeni ni Rau, seuls ou ensemble, ne fournissent à une personne moyenne versée dans l'art suffisamment d'information pour prévoir de façon fiable l'efficacité d'un anticorps anti-TNFα humain isolé pour le traitement des maladies arthritiques, selon une administration aux deux semaines par voie sous-cutanée selon une dose au corps entier de 40 mg de l'anticorps, comme il est actuellement expliqué dans les revendications.

 

[101]    Bien que l'examinateur ait cité d'autres références qui décrivent l'utilisation d'anticorps anti-TNFα humains, seuls ou en combinaison avec au moins un autre agent thérapeutique, pour le traitement de troubles pour lesquels l'activité du TNFα est néfaste, y compris les maladies arthritiques et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, le demandeur a considéré que ces références n'étaient pas pertinentes. Nous avons déjà établi que l'information fournie dans ces descriptions faisait partie des connaissances générales courantes (voir les paragraphes 24 à 28]).

 

[102]    Comme le demandeur n'établit aucune distinction entre l'anticorps D2E7 et d'autres anticorps anti-TNFα humains isolés, nous ne considérerons pas les anticorps anti-TNFα humains isolés définis par structure (CDR) ou par fonction comme constituant une différence. Notamment, les revendications indépendantes font référence aux anticorps anti-TNFα humains qui sont largement définis en fonction de caractéristiques structurales et fonctionnelles connues de l'anticorps D2E7. Plus particulièrement, la structure de ces anticorps se caractérise par les domaines CDR du D2E7 et par la même activité inhibitoire que l’anticorps D2E7.

 

[103]    Dans le même ordre d'idées, le demandeur n'établit pas de distinction entre la polyarthrite rhumatoïde et les autres maladies auto-immunes présentées dans les revendications; par conséquent, nous ne considérerons pas les maladies arthritiques et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin spécifiques comme constituant des différences. Enfin, pour des raisons semblables, nous ne considérerons pas non plus la présence d'un agent thérapeutique supplémentaire comme étant une différence. De plus, le demandeur ne semble pas considérer que les autres anticorps humains anti-TNFα, les maladies auto-immunes ou les agents thérapeutiques présentés dans les revendications puissent constituer des différences par rapport à l'état de la technique.

 

[104]    Donc, les différends qu’il faut résoudre en ce qui a trait aux revendications d'utilisations médicales 1, 27, 48, 69, 84 à 89, 106 à 111 et 116 à 120 (et les revendications qui en dépendent), portent sur les éléments suivants du concept inventif de même que sur les différences entre ceux-ci et la matière citée dans l’état de la technique : (iii) pour une administration par voie sous-cutanée, (iv) une administration aux deux semaines de façon continue, et (v) la dose administrée étant de 40 mg.

 

[105]    Afin de déterminer si l'une ou l'autre des caractéristiques du concept inventif constitue une différence par rapport à l'état de la technique, nous sommes d'accord avec le demandeur pour dire que seules les références de Kempeni et Rau doivent être prises en compte.

 

[106]    A la lumière de notre analyse sur l’antériorisation, quant aux revendications 90 et 102, il n'existe aucune différence entre le concept inventif de ces revendications et la matière citée dans l’état de la technique. Comme indiqué ci-dessus, nous avons déjà établi que Kempeni et Rau, chacun pris de manière indépendante, divulguent l'ensemble des caractéristiques essentielles des revendications 102 à 104 portant sur les seringues préalablement remplies. Étant donné que l’interprétation des revendications 90 et 102 révèle les mêmes éléments essentiels, celle-ci s'applique également aux revendications de trousse contenant lesdites seringues préalablement remplies. Bien que certaines revendications dépendantes mentionnent la présence d'un agent thérapeutique supplémentaire ou imposent certaines limites liées à l'anticorps anti-TNFα, comme il a été indiqué précédemment, le demandeur considère que ces caractéristiques font partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art et qu'elles ne constituent pas des différences par rapport à l'état de la technique.

 

Kempeni et les différences qui y sont liées

 

[107]    Kempeni décrit des données cliniques préliminaires permettant d'évaluer l'efficacité et l'innocuité associées à l'utilisation de l'anticorps anti-TNFα monoclonal entièrement humain D2E7 pour traiter des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Plus précisément, ce sont les résultats de trois essais cliniques qui sont décrits, essais au cours desquels les patients ont été traités à l'aide d'injections intraveineuses ou sous-cutanées uniques, multiples ou hebdomadaires de D2E7 seulement ou en combinaison avec du méthotrexate. Toutes les études présentaient une posologie établie en fonction du poids corporel, selon laquelle la dose administrée au patient variait de 0,5 à 10 mg/kg.

 

[108]    Le premier essai clinique était conçu pour évaluer la tolérabilité associée à l'augmentation des doses de D2E7. Ces études ont aussi déterminé que la demi-vie terminale moyenne estimée du D2E7 était de 11,6 à 13,7 jours et que des effets thérapeutiques soutenus ainsi qu'une certaine amélioration continue ont été obtenus après plusieurs perfusions de D2E7. En effet, des taux de réponse de plus de 80 % ont été atteints avec une dose moyenne administrée selon un intervalle de 2,5 semaines. Même si rien n'indique quel groupe de traitement a obtenu le taux de réponse de 80 %, cette étude démontre clairement que l'indice thérapeutique de l'anticorps D2E7 varie de 0,5 à 10 mg/kg et que des perfusions intraveineuses toutes les deux semaines procurent un avantage thérapeutique. Bien que l'on décrive dans cette étude une posologie aux deux semaines, la dose est calculée selon le poids du patient et la voie d'administration utilisée est la voie intraveineuse.

 

[109]    La prochaine étude a été conçue pour évaluer l'efficacité d'une posologie hebdomadaire de 0,5 mg/kg par voie sous-cutanée. De façon semblable à la première étude, la dose de D2E7 a été augmentée à 1 mg/kg chez les non-répondeurs ou à ceux qui perdaient leur statut de répondeur. Sur la base de la réussite de cet essai, les chercheurs ont conclu que l'auto-administration par voie sous-cutanée constituait une méthode prometteuse pour l'administration de l'anticorps D2E7. Même si la voie d'administration a été modifiée d'intraveineuse à sous-cutanée, la dose est quand même calculée en fonction du poids du patient. En outre, l'intervalle posologique est passé de toutes les deux semaines à hebdomadaire.

 

[110]    Enfin, le troisième essai clinique a démontré que l'utilisation d'injections uniques par voie intraveineuse ou sous-cutanée de 1 mg/kg du D2E7 en combinaison avec du méthotrexate, chez des patients pour qui une dose stable de méthotrexate ne suffisait pas pour contrôler les symptômes, permettait de réduire l'activité de la maladie. Même si l'on décrit dans cet essai des injections par voie sous-cutanée, celles-ci ont été administrées sous forme de dose unique, calculée en fonction du poids du patient.

 

[111]    Bien que chaque essai clinique présenté décrive l'un des éléments présents dans le concept inventif des revendications d'utilisation thérapeutique, aucun des essais ne mentionne une posologie contenant tous les éléments du concept inventif. La comparaison la plus étroite que l'on puisse faire concerne l'étude au cours de laquelle des injections sous-cutanées hebdomadaires de 0,5 mg/kg de D2E7 ont été évaluées.

 

[112]    Nous estimons donc que les éléments suivants du concept inventif énoncé dans les revendications d'utilisation thérapeutique 1, 27, 48, 69, 84 à 89, 106 à 111 et 116 à 120 (et les revendications qui en dépendent) constituent des différences par rapport aux enseignements tirés de Kempeni : (iv) une administration aux deux semaines de façon continue, et (v) la dose administrée étant de 40 mg.

 

Rau et les différences qui y sont liées

 

[113]    Rau présente les résultats d'une étude de phase 1 démontrant qu'une administration par voie intraveineuse de doses uniques de 0,5 à 10 mg/kg de D2E7 toutes les deux semaines, sur une période de un an et demi, a permis une réduction impressionnante, importante sur le plan statistique, et prolongée de l'activité de la maladie, et ce, pour toutes les doses supérieures à 1 (jusqu'à 3) mg/kg. Bien que l'on décrive dans cette étude une posologie aux deux semaines, la dose est calculée selon le poids du patient et la voie d'administration utilisée est la voie intraveineuse.

 

[114]    On décrit également les résultats d'une étude de phase 2 au cours de laquelle on a évalué l'effet de 20, 40 ou 80 mg de D2E7, administrée par voie sous-cutanée, chaque semaine. Même si la voie d'administration est passée d'intraveineuse à sous-cutanée, et qu'une dose fixe a été administrée, l'intervalle posologique a aussi été modifié, passant de aux deux semaines à hebdomadaire.

 

[115]    Enfin, la troisième étude décrit que chez les patients pour qui une dose stable de méthotrexate ne suffisait pas pour contrôler les symptômes, l'utilisation d'une dose unique de 1 mg de D2E7 administrée au moyen d'une injection unique par voie intraveineuse ou sous-cutanée de 1 mg/kg de D2E7 en combinaison avec le méthotrexate, permettait de réduire l'activité de la maladie. Même si l'on décrit dans cet essai des injections par voie sous-cutanée, celles-ci ont été administrées sous forme de dose unique, calculée en fonction du poids du patient.

 

[116]    Chaque essai clinique présenté décrit au moins l'un des éléments présents dans le concept inventif des revendications d'utilisation thérapeutique; toutefois, aucun des essais ne mentionne une posologie contenant tous les éléments du concept inventif. La comparaison la plus étroite que l'on puisse faire concerne l'étude au cours de laquelle des injections sous-cutanées hebdomadaires selon une dose fixe, 40 mg de D2E7, ont été évaluées.

 

[117]    Nous estimons donc que l'élément suivant du concept inventif énoncé dans les revendications d'utilisation thérapeutique 1, 27, 48, 69, 84 à 89, 106 à 111 et 116 à 120 (et les revendications qui en dépendent) constitue l'unique différence par rapport aux enseignements tirés de Rau : (iv) selon une fréquence d'administration aux deux semaines continue.

 

Résumé des différences

 

[118]    Nous estimons que l'état de la technique combiné ne décrit pas l'élément suivant du concept inventif énoncé dans les revendications d'utilisation thérapeutique 1, 27, 48, 69, 84-89, 106 à 111 et 116 à 120 (et les revendications qui en dépendent).

 

➢ Ni Kempeni ni Rau ne décrivent :

(iv) une fréquence d'administration aux deux semaines continue.        

 

Étape 4 : Ces différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art ou relèvent-elles absolument d'un certain degré d'invention?

 

[119]    Nous sommes d'accord avec le demandeur pour dire que la caractéristique relative à l'intervalle posologique aux deux semaines décrite dans le concept inventif des revendications d'utilisation thérapeutique 1, 27, 48, 69, 84-89, 106 à 111 et 116 à 120 (et des revendications qui en dépendent) constitue une différence sur le plan inventif par rapport aux descriptions de Kempeni et Rau, prises ensemble ou de manière indépendante, à la lumière des connaissances générales courantes.

 

[120]    En ce qui concerne Kempeni, un intervalle posologique aux deux semaines constituait une caractéristique du premier essai clinique présenté. En outre, les données de ce premier essai clinique ont permis de démontrer que la demi-vie terminale moyenne du D2E7 était de 11,6 à 13,7 jours. On pourrait donc dire que l'efficacité d'un intervalle posologique moyen de 2,5 semaines pourrait être attribuable à la demi-vie estimée du D2E7. En effet, l'examinateur s'appuie sur cette association, suggérant qu'une posologie aux deux semaines sera efficace. En réponse, le demandeur a fait valoir que la suggestion selon laquelle une posologie peut être raisonnablement prédite à l'aide de la demi-vie de l'anticorps est incorrecte, et a cité de multiples exemples où la demi-vie d'un anticorps utilisé à des fins thérapeutiques n'était pas corrélée à la fréquence d'administration. Étant donné la définition des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art [paragraphes 24 à 28], nous sommes d'accord avec le demandeur pour dire que la demi-vie d'un anticorps utilisé à des fins thérapeutiques ne constituerait pas le seul facteur utilisé pour déterminer la fréquence d'administration.

 

[121]    Effectivement, cette conclusion semble corroborée par des essais cliniques subséquents, au cours desquels l'efficacité de l'administration posologique sous-cutanée hebdomadaire selon une dose de 0,5 mg/kg a été évaluée. Étant donné que dans des essais subséquents, l'administration sous-cutanée du D2E7 s'est faite de façon hebdomadaire, nous considérons que ces enseignements dissuaderaient en réalité la personne versée dans l'art de choisir un intervalle posologique aux deux semaines.

 

[122]    De la même façon, Rau décrit une étude de phase 1 au cours de laquelle un intervalle posologique aux deux semaines est utilisé. Dans cette étude, des doses uniques de 0,5 à 10 mg/kg du D2E7 ont été administrées toutes les deux semaines par voie intraveineuse sur une période de deux ans. Même si des doses aussi faibles que 0,5 mg/kg ont été données aux patients, les auteurs ne rapportent que l'administration de doses supérieures à 1 (jusqu'à 3) mg/kg ayant mené à une réduction impressionnante, importante sur le plan statistique, et prolongée de l'activité de la maladie. La personne versée dans l’art considérerait que la posologie aux deux semaines variant de 0,5 à 1 mg/kg pourrait ne pas être efficace puisqu'aucun résultat n'est fourni pour cette plage.

 

[123]    Cette conclusion semble corroborée par l'étude de phase 2 subséquente, laquelle évaluait l'efficacité de doses fixes de 20, 40 ou 80 mg de D2E7 administrées par voie sous-cutanée chaque semaine. Étant donné que dans des essais subséquents, l'administration sous-cutanée du D2E7 s'est faite de façon hebdomadaire, nous considérons que ces enseignements dissuaderaient en réalité la personne versée dans l'art de choisir un intervalle posologique aux deux semaines.

 

[124]    En outre, de manière semblable à l'étude de phase 1, les auteurs ne rapportent que l'efficacité significative qui a été observée avec des doses fixes de 40 mg et 80 mg de D2E7. Le demandeur a donc fait valoir que la personne versée dans l'art considérerait qu'une posologie hebdomadaire selon la plus faible dose de 20 mg n'est pas efficace et n'aurait pas d'attente raisonnable quant au fonctionnement d'une dose de 40 mg administrée toutes les deux semaines.

 

[125]    Le demandeur a aussi souligné que même si l'administration hebdomadaire par voie sous-cutanée de doses de 40 mg et de 80 mg a démontré des résultats thérapeutiques se situant au-delà du seuil de réponse arbitraire, puisque Rau n'a pas décrit les données réelles, la personne versée dans l'art n'aurait aucun moyen de choisir entre les deux doses. En outre, en l'absence de toute hypothèse selon laquelle une dose fixe de 40 mg serait aussi efficace qu'une dose de 80 mg, la personne versée dans l'art ne considérerait pas la possibilité de couper la fréquence posologique de moitié.

 

[126]    Nous soulignons également que, si une personne suppose que le poids moyen d'un humain est de 80 kg, des doses fixes de 40 mg et de 80 mg de D2E7 correspondent à la posologie fondée sur le poids de 0,5 et 1 mg/kg, respectivement. Comme il est mentionné ci-dessus (au paragraphe [122]), à la lumière de l'étude de phase 1 décrite par Rau, la personne versée dans l'art déduirait que la posologie aux deux semaines à l'intérieur de cette plage pourrait ne pas être efficace puisqu’aucune donnée sur cette plage n'est rapportée.

 

[127]    Au vu de ce qui précède, la personne versée dans l'art ne considérerait pas l'intervalle posologique aux deux semaines actuellement revendiqué comme étant évidente, étant donné les enseignements tirés de Kempeni ou de Rau, pris ensemble ou de manière indépendante.

 

Revendications proposées 1 à 26

 

[128]    Comme il a été indiqué ci-dessus, il n'y avait aucune différence concernant le concept inventif énoncé dans les revendications de seringues préalablement remplies et de trousses contenant lesdites seringues par rapport aux enseignements tirés de Kempeni ou de Rau (au paragraphe [106]). Un tableau de concordance a été fourni par le demandeur, indiquant que les revendications proposées 1 à 12 correspondent aux revendications 102 à 104 au dossier et que les revendications proposées 13 à 26 correspondent aux revendications 90 à 110 au dossier.

 

[129]    Dans notre analyse de l’, nous avons procédé à une interprétation téléologique de la revendication 1 proposée et nous avons établi que la caractéristique selon laquelle la seringue préalablement remplie « aux fins d'utilisation continue selon un intervalle posologique aux deux semaines, soit tous les 14 jours, » est un élément essentiel (paragraphe [85]). Il s'ensuit que la revendication 1 proposée est inventive par rapport aux enseignements tirés de Kempeni et de Rau, pris ensemble ou de manière indépendante.

 

[130]    Nous devons maintenant déterminer si les revendications 13 à 26 proposées relativement aux trousses contenant les seringues préalablement remplies permettent de résoudre l'irrégularité relative à l'évidence.

 

Interprétation téléologique de la revendication 13 proposée

 

[131]    Les revendications 13 à 26 proposées contiennent une revendication indépendante reproduite ci-dessous :

 

13.     [Traduction] Une seringue préalablement remplie, contenant un anticorps anti-TNFα humain isolé, où ledit anticorps

(a) comprend une région variable de chaîne légère (LCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 3, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 5, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 7, 7];

(b) comprend une région variable de chaîne lourde (HCVR) ayant un domaine CDR3 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 4, un domaine CDR2 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 6, et un domaine CDR1 comprenant la séquence d'acides aminés de SEQ ID N° 8,

et au moins un excipient de qualité pharmaceutique, pour le traitement des maladies arthritiques et des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin chez un sujet humain, associé à des instructions pour l'administration par voie sous-cutanée du contenu de dose unitaire, selon une administration bimensuelle continue de 14 jours.

 

[132]    La revendication 90 au dossier, de même que la revendication 13 proposée, concerne des trousses. Toutefois, contrairement à la revendication 90 au dossier, la revendication 13 proposée contient une limite explicite sur l'utilisation, selon laquelle la trousse comprend une dose unitaire destinée à une utilisation thérapeutique particulière, p. ex. « [Traduction] pour le traitement des maladies arthritiques ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin chez un sujet humain ». Par conséquent, nous estimons que la revendication 13 proposée définit une « trousse aux fins d'utilisation ». En l'espèce, cette utilisation est davantage définie dans les « instructions écrites connexes ». Plus particulièrement, l'intervalle posologique aux deux semaines est inscrit dans ces instructions. Conformément à notre interprétation téléologique de la revendication 90 au dossier, les instructions ne sont pas considérées comme essentielles, puisqu'elles n'ont aucun effet important sur le reste du contenu de la trousse. Par conséquent l’interprétation de la revendication 13 telle que proposée révèle les éléments essentiels suivants :

 

(i)    une dose unitaire;

(ii)   contenant 40 mg;

(iii)  d'un anticorps anti-TNFα humain isolé;

(iv)  pour le traitement d'une maladie arthritique ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin chez un sujet humain.  

 

[133]    Comme nous avons déjà établi que toutes ces caractéristiques sont connues, il s'ensuit que la revendication 13 proposée n'est pas inventive. En ce qui concerne les revendications dépendantes 14 à 26, elles définissent un agent thérapeutique supplémentaire ou l'ajout de limites à l'anticorps anti-TNFα. Cependant, comme il a été indiqué précédemment, le demandeur a considéré que ces caractéristiques faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art et qu'elles ne constituaient pas des différences par rapport à l'état de la technique.

 

Conclusions

 

[134]    Nous sommes d'avis que les revendications d'utilisation médicales 1, 27, 48, 69, 84 à 89, 106 à 111 et 116 à 120 (et les revendications qui en dépendent) n'auraient pas été évidentes pour la personne versée dans l'art, en vue des enseignements tirés de Kempeni ou de Rau, seuls ou en combinaison, et de pair avec les connaissances générales courantes.

 

[135]    En revanche, les revendications 90 et 102 (et les revendications qui en dépendent) concernant les seringues préalablement remplies et les trousses qui en contiennent auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art, en vue des enseignements tirés de Kempeni ou de Rau, chacun pris de manière indépendante.

 

[136]    En ce qui concerne la revendication 90 (et les revendications qui en dépendent) relativement aux trousses qui contiennent des seringues préalablement remplies, les revendications 13 à 26 telles que proposées ne fournissent aucune caractéristique supplémentaire inventive qui viendrait corriger cette irrégularité.

 

[137]    En ce qui a trait à la revendication 102 (et les revendications qui en dépendent) relativement aux seringues préalablement remplies, la revendication 1 telle que proposée  n'aurait pas été évidente pour la personne versée dans l'art, au vu des enseignements tirés de Kempeni ou de Rau, seuls ou en combinaison, de pair avec les connaissances générales courantes, et pourrait constituer le fondement des modifications à la revendication 102 au dossier, si la revendication 1 proposée s'avère conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

Question 3 :   Est-ce que certaines revendications visent de la matière non prévue par la loi, car elles abordent des méthodes de traitement médical?

 

Cadre juridique

 

[138]    L’article 2 de la Loi sur les brevets définit le terme « invention » comme suit :

 

Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[139]       Un avis du Bureau des brevets publié le 10 juin 2013, intitulé « Pratique d'examen concernant les utilisations médicales », de pair avec la note PN 2013-04 qui l'accompagne, fournit une orientation particulière sur la pratique du Bureau et son interprétation de la jurisprudence pertinente en matière de revendications d'utilisation thérapeutique.

 

[140]       Comme il est expliqué dans la partie A de la note, les revendications d'utilisation thérapeutique sont généralement permises, à condition qu'elles ne visent pas des méthodes médicales ou chirurgicales. Toutefois, les inventions qui empêchent les médecins de faire appel à leurs compétences et à leur jugement au moment d'utiliser un composé à une fin déterminée de manière efficace constituent des méthodes de traitement médical : Janssen Inc. et al. c. Mylan Pharmaceuticals et al., 2010 CF 1123 [Janssen]. Cette interprétation est conforme à l'exclusion sur la manière et le moment adoptée par la Cour suprême dans Apotex Inc. v Wellcome Foundation Ltd. 2002 CSC 77 [AZT] :

 

Le brevet pour l’AZT ne cherche pas à « circonscrire » un secteur de traitement médical. Il vise à obtenir le droit exclusif de commercialiser l’AZT. La question de savoir comment et quand, s’il y a lieu, employer l’AZT est laissée à la compétence et au jugement des membres de la profession médicale [paragraphe 50].

 

[141]       Il s'ensuit que s'il est déterminé, après une interprétation téléologique, qu'une posologie ou une gamme posologique constitue un élément essentiel d'une revendication, englobant l'utilisation d'un composé connu dans un traitement établi, la revendication couvre donc une méthode de traitement médical et donc, n'est pas conforme à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Position de l’examinateur

 

[142]       Dans la DF et le résumé des motifs, l'examinateur a soutenu que les revendications 1 à 89 et 106 à 126 couvrent une méthode de traitement médical, citant Janssen à l'appui. Plus précisément, l'examinateur a affirmé qu'en tentant de monopoliser une posologie efficace pour les anticorps monoclonaux anciens et connus, les revendications gênaient la capacité des médecins à exercer leur jugement dans l'administration des anticorps.

 

Position du demandeur

 

[143]       En réponse à la DF, le demandeur a fait valoir que les revendications de la présente demande sont entièrement différentes de celles examinées dans Janssen. L'interférence qui sous-tend Janssen se fait par voie de délimitation du territoire à l'intérieur duquel le médecin ou le chirurgien exerce ses compétences. Dans Janssen, les revendications concernent une posologie optimale pour le médicament galantamine. Plus précisément, il est question dans les revendications d'une augmentation graduelle de la quantité de médicament administré sur des périodes prédéfinies, afin de réduire la fréquence et la gravité des effets secondaires du médicament chez le patient. En revanche, dans les revendications en l'espèce, il est question d'une dose fixe de 40 mg, et non d'une vaste plage de doses nécessitant que le médecin fasse preuve de jugement et intervienne. Le médecin n'a pas à tenir compte du poids du patient, de ses antécédents, de sa tolérance aux médicaments, ni de sa réaction pour ajuster la dose – tous ces facteurs étant considérés par la Cour dans l'affaire Janssen.

 

[144]       Dans ses observations au comité, le demandeur a fait valoir que selon l'état du droit au Canada concernant les revendications d'utilisation thérapeutique, les revendications qui intègrent des doses fixes ou des intervalles posologiques fixes ne revendiquent pas l'exercice d'une compétence professionnelle et constituent un objet brevetable. Par ailleurs, les revendications qui intègrent des plages de doses, des plages d'intervalles posologiques ou des titrages variables, ne constituent pas de la matière prévue par la Loibrevetables parce qu'elles revendiquent littéralement un choix et donc, l'exercice d'une compétence professionnelle.

 

[145]       À l'appui de sa position, le demandeur a mentionné plusieurs décisions de la Cour fédérale qui interprètent la décision AZT et a soutenu que les revendications de brevets intégrant en partie ou en totalité le concept inventif d'une dose fixe et d'un intervalle posologique fixe (c'est-à-dire, une posologie fixe) ont été considérées comme ne couvrant pas l'exercice des compétences et du jugement professionnels : Merck & Co. c. Apotex Inc. 2005 CF 755 [Merck1]; Merck & Co. c. Pharmascience Inc. 2010 CF 510 [Merck2]; Bayer Inc. c. Cobalt Pharmaceuticals Company 2013 CF 1061 [Bayer].

 

[146]       Le demandeur fait valoir que, conformément aux revendications examinées dans Merck1, Merck2 et Bayer, lesquelles lient le commissaire, les présentes revendications concernent aussi une dose fixe et un intervalle posologique fixe. Étant donné que dans chacune de ces décisions « les composantes de l'affaire AZT sur les plans de la méthode et du moment ont déjà été interprétées comme ne limitant pas une revendication à une dose administrée selon des intervalles », le demandeur conclut que les actuelles revendications d'utilisation thérapeutique sont dictées par la loi.

 

Analyse

 

[147]       Comme il est indiqué ci-dessus, il existe une distinction générale dans la jurisprudence entre les revendications de produits vendables d'une part et les revendications relatives aux compétences et au jugement professionnels de la profession médicale d'autre part. Les premières sont brevetables, mais pas les dernières. Le demandeur a soutenu que comme les présentes revendications portent sur une dose fixe et un intervalle posologique fixe, elles excluent l'exercice des compétences et du jugement professionnels et constituent un objet brevetable.

 

[148]       Plus particulièrement, le demandeur a cité plusieurs décisions de la Cour fédérale dans lesquelles les tribunaux ont interprété les revendications d'utilisation décrivant une dose fixe et un intervalle posologique fixe comme étant des produits vendables. Nous sommes d'accord avec le demandeur pour dire que dans chacune des décisions Merck1, Merck2 et Bayer, les tribunaux ont interprété les revendications décrivant une dose fixe et un intervalle posologique fixe comme étant des produits vendables. Cependant, la jurisprudence établit clairement que la simple présence de ces deux caractéristiques dans une revendication ne suffit pas toujours pour éviter la prohibition de méthode de traitement médical.

 

[149]       Cette question a d'abord été abordée dans Janssen, où la Cour a soutenu que les revendications couvrant un secteur pour lequel on s'attend à ce que les compétences ou le jugement du médecin soient exercés constituent des méthodes de traitement médical. Plus spécifiquement, l'une des revendications en cause était limitée à une posologie comportant une première dose de 8 mg/jour de galantamine pendant quatre semaines, suivie d'une dernière dose de 16 mg/jour, soit une dose fixe et une posologie fixe. Cependant, la Cour s'est appuyée sur une preuve d'expert pour établir que le régime de titration revendiqué ne pouvait être perçu que comme une recommandation aux médecins. Une gestion efficace du patient peut nécessiter une surveillance individualisée continue et des ajustements de dose concomitants. À cet égard, la Cour a conclu « [Traduction] que la revendication de brevet concernant l'administration d'un médicament, où le médecin, s'appuyant que les conseils du titulaire de brevet concernant le dosage, serait quand même tenu d'être alerte et réceptif au profil du patient et à sa réaction au composé » constitue une méthode de traitement médical non brevetable parce qu'elle « [Traduction] couvre un secteur pour lequel on s'attend à ce que les compétences ou le jugement du médecin soient exercés ».

 

[150]       Cette conclusion a récemment été confirmée par la Cour d’appel fédérale : Novartis Pharmaceuticals Inc. c. Cobalt Pharmaceuticals Company 2014 CAF 17 conf. Novartis Pharmaceuticals Inc. c. Cobalt Pharmaceuticals Company 2013 CF 985 [Novartis]. Dans ce cas, l'une des revendications en question concernait l'utilisation de 5 mg d'acide zolédronique administré par intraveineuse, une fois par année, pour le traitement de l'ostéoporose, c.-à-d. une dose fixe et une posologie fixe. Cependant, le seul témoin expert qui a abordé la question de la méthode de traitement médical a soutenu que le brevet en question établit clairement que le mode et le dosage varieront d'un patient à l'autre et que le médecin doit déterminer, selon ses compétences et son jugement professionnels, la dose et la posologie appropriées. À la lecture de l'ensemble du brevet, le témoin expert a aussi interprété l'intervalle « d'environ un an » comme désignant une plage d'intervalles posologiques variant entre une fois tous les 6 mois et une fois tous les 12 mois. En outre, les revendications en cause présentent aussi un traitement par doses intermittentes, certaines revendications précisant une plage de doses et d'autres indiquant des posologies précises, alors que quelques revendications allèguent des intervalles posologiques plus fréquents que d'autres. À cet égard, la Cour a simplifié la question en indiquant que les revendications englobant tout ce qui s'inscrit dans les compétences du médecin étaient toutes invalides.

 

[151]       En ce qui concerne la question de savoir si les revendications couvrent un secteur dans lequel on s'attendrait à ce que le médecin exerce ses compétences ou son jugement, nous avons demandé au demandeur, lors de l'audience, d'aborder certaines déclarations contenues dans la description, lesquelles semblaient indiquer que la détermination de la dose à administrer relèverait de la responsabilité du médecin :

 

une plage exemplaire, non limitative d'une quantité thérapeutiquement ou prophylactiquement efficace d'un anticorps ou d'une portion de celui-ci décrit dans l'invention est de 10 à 100 mg, de préférence de 20 à 80 mg, et idéalement environ 40 mg. Il est à noter que les valeurs des doses peuvent varier selon la gravité de l'état à corriger. Il faut aussi comprendre que pour tout sujet donné, les posologies particulières doivent être ajustées au fil du temps, selon les besoins du patient et le jugement professionnel de la personne qui administre ou supervise l'administration des compositions, et que les plages de doses établies aux présentes ne sont que des valeurs exemplaires et n'ont pas pour objet de limiter la portée ou la pratique de la composition revendiquée (paragraphe qui débute la page 27 et se termine à la page 28).

 

[152]       En réponse, le demandeur a fait valoir que contrairement à Janssen et à Novartis, où le libellé était [TRADUCTION] « contenu requis dans la description car ils revendiquent des étendues », dans la présente description, le libellé ne s'applique pas à l'invention telle qu'elle est revendiquée, [TRADUCTION] « ce n’est pas nécessaire, c’est superflu, c’est comme rédiger une clause standard ».

 

[153]       À cet égard, nous soulignons que la description fait largement référence aux méthodes de traitement de tout trouble pour lequel l'activité du TNFα est néfaste et c'est dans ce contexte général que les déclarations s'appliquent. En outre, d'après les données exemplaires, il est évident que le mode de réalisation idéal d'administration sous-cutanée toutes les deux semaines de 40 mg de D2E7 n'est pas pris en charge, mais qu'il a été démontré être plus efficace qu'une dose fixe de 20 mg et comparable à une dose fixe de 80 mg. Par conséquent, contrairement aux situations présentées dans Janssen et Novartis, rien n'indique dans la description ou les revendications qu'une posologie adéquate comprend une plage de doses ou une plage d'intervalles posologiques à partir desquels un médecin serait tenu de choisir.

 

[154]       Cependant, nous ne sommes pas d'accord avec le demandeur, pour dire que l'interférence avec la capacité des médecins à exercer leurs compétences et leur jugement que sous-tend Janssen se limite aux revendications qui couvrent une plage de doses ou une plage d'intervalles posologiques à partir desquelles un médecin serait tenu de faire un choix. Dans Janssen aux paragraphes [51]-[53], la Cour a aussi établi clairement que la « [Traduction] préoccupation relativement au brevetage d'une posologie concerne le fait que le médecin peut se voir empêcher d'exercer ses compétences et son jugement dans l'utilisation d'un composé à une fin établie, s'il n'a pas de licence d'un titulaire de brevet » et que « en tentant de monopoliser un régime de titration efficace pour la galantamine, le brevet 950 crée de l'interférence avec la capacité des médecins à exercer leur jugement pour l'administration des versions génériques du médicament » citant AZT et Tennessee Eastman Company et al. c. Commissioner of Patents (1972), 8 CPR (2d) 202 CSC à titre d'autorité. Comme il a été souligné dans Janssen, cette préoccupation est liée à l'idée selon laquelle « l'exécution du brevet 950 pourrait imposer aux médecins des limites sur leur pratique au moment de prescrire la galantamine (nous soulignons) ce qui s'inscrit carrément dans la portée de l'exclusion relative à la « méthode et au moment » énoncée dans AZT.

 

[155]       Par conséquent, conformément au raisonnement présenté dans Janssen, auquel nous sommes liés, l'octroi de droits de monopole sur une posologie portant sur l’administration bimensuelle sous-cutanée d'une dose de 40 mg imposerait des limites sur « le quand et le comment » d'administration d’anticorps monoclonaux anti-TNFα humains connus. Cela créerait une interférence avec la capacité des médecins à exercer leur jugement dans l'administration des versions génériques du médicament qui deviendront ultérieurement disponibles, ou dans l'administration de l'HumiraTM, en l'absence d'une licence pour la posologie en question.

 

Revendications proposées 1 à 12 et 27 à 51

 

[156]       Nous avons déjà établi dans notre interprétation téléologique que la revendication 1 telle que proposée définit la même posologie non brevetable désignant une administration par voie sous-cutanée d'une dose de 40 mg selon un intervalle posologique bimensuel continu tous les 14 jours (paragraphe [85]).

 

[157]       De la même façon, l'ensemble des revendications 27 à 51 définit aussi la même posologie non brevetable. Par conséquent, bien que le demandeur propose les revendications modifiées 27 à 51 au lieu des revendications actuelles 1 à 26, 69 à 89, 106 à 115 et 121 à 126, les revendications 27 à 51 telles que proposées ne contiennent aucune modification pouvant annuler la conclusion selon laquelle les revendications 1 à 26, 69 à 89, 106 à 115 et 121 à 126 couvrent une méthode de traitement médical.

 

Conclusions

 

[158]       Nous estimons que les revendications d'utilisation thérapeutique 1 à 89 et 106 à 126 et que les revendications 1 à 12 et 27 à 51 proposées, couvrent une méthode de traitement médical.


 

Recommandation de la Commission

 

[159]       À la lumière des conclusions susmentionnées, nous recommandons que la demande soit rejetée, parce que :

 

(1)     Les revendications 102 à 104 ne sont pas conformes aux alinéas 28.2(1)a) et b) de la Loi sur les brevets;

(2)     Les revendications 90 à 105 ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

(3)    Les revendications 1 à 89 et 106 à 126 concernent des méthodes de traitement médical et donc, ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets;

(4)     Les revendications 27 à 40, 48 à 83, 117 à 119 et 121 à 126 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Christine Teixeira                                Cara Weir                               Paul Sabharwal

Membre                                              Membre                                   Membre


 

Décision du commissaire

 

[160]   Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d’appel des brevets, à savoir que le refus de la demande est maintenu sur la base des motifs suivants :

 

(1)    Les revendications 102 à 104 ne sont pas conformes aux alinéas 28.2(1)a) et b) de la Loi sur les brevets;

(2)     Les revendications 90 à 105 ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

(3)    Les revendications 1 à 89 et 106 à 126 concernent des méthodes de traitement médical et donc, ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets;

(4)     Les revendications 27 à 40, 48 à 83, 117 à 119 et 121 à 126 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[161]       Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour faire appel de ma décision auprès de la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 27e jour de mars 2014

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