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Commissioner’s Decision #1335

Décision du Commissaire no 1335

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPICS: B00, B20, B22, G00

SUJETS : B00, B20, B22, G00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 558 106

Demande no : 558 106

 

 


 

 

 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

 

 

D. C. 1335, demande no 558 106

 

La demande en question concerne des compositions supraconductrices d'oxyde métallique cristallin en couches de type céramique ayant des températures de transition supraconductrice élevées.

 

La demande en question a été rejetée par l'examinateur au motif que l'usage impropre de divers termes visant à définir la supraconductivité rendait les revendications imprécises, qu'il y avait absence d'utilité de l'objet des revendications et que l'objet des revendications n'était pas adéquatement fondé, étant donné que la température de transition supérieure maximale n'était pas précisée.

 

Le commissaire des brevets est d'accord avec les recommandations de la Commission d'accueillir la demande dans la mesure où une modification précise est apportée et après examen des conflits potentiels en vertu de l'article 43 de la Loi sur les brevets, selon sa version d'avant le 1er octobre 1989.


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 558 106 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a été révisée conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets par la Commission d'appel des brevets et le commissaire des brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire :

 

 

 

 

 

Représentant du demandeur

 

Bill W.K. Chan

IBM Canada Ltd

Service de la propriété intellectuelle B4/U59

3600 Steeles Ave East

MARKHAM, Ontario

L3R 9Z7


Introduction

 

[1]   La présente décision concerne la révision d'une décision finale du 15 août 2006 au sujet de la demande 558 106. La demande a été déposée le 4 février 1988. Elle s'intitule « Composés supraconducteurs ayant une température de transition élevée et leurs méthodes d'utilisation et de préparation ». Les inventeurs sont Johannes G. Bednorz et Carl A. Mueller, et le propriétaire actuel est IBM Canada Ltd.

 

 

Antécédents

 

[2]   L'invention concerne une nouvelle classe de compositions supraconductrices ayant des températures de transition supraconductrice élevées. Les compositions sont des oxydes métalliques supraconducteurs à une température de 26 K ou plus. Elles ont une structure cristalline en couches de type céramique, souvent pérovskite, et comprennent un métal de transition, de l'oxygène et un élément terre rare ou alcalino-terreux. Le prix Nobel de physique de 1987 fut décerné aux inventeurs ci-dessus pour la découverte de ces matières céramiques supraconductrices.

 

[3]   Les compositions sont représentées par la formule générale RE-AE-TM-O, dans laquelle RE représente l'élément terre rare ou quasi terre rare (c.-à-d. un élément du groupe III B), AE représente l'élément alcalino-terreux (c.-à-d. un élément du groupe II A), TM représente un métal de transition non magnétique, et O représente l'oxygène. L'élément terre rare peut être partiellement ou entièrement remplacé par l'élément alcalino-terreux. Le ratio (AE,RE):TM est en général d'environ 1:1, mais il peut varier. La quantité d'oxygène présente dans la composition finale est telle que les conditions de valence du système sont remplies.

 

[4]   La composition peut consister en de multiples « phases », c'est-à-dire différentes régions dont la composition chimique et l'état physique sont uniformes, mais diffèrent de ceux des autres régions. Il est possible que certaines de ces phases ne contribuent pas à la supraconductivité de la composition, mais soient au contraire isolantes. La composition sera néanmoins supraconductrice dans la mesure où les phases supraconductrices sont suffisantes pour transmettre cette qualité à la matière dans son ensemble.

 


[5]   Le domaine des supraconducteurs à température de transition élevée est complexe et spécialisé. Il y a une température critique (Tc) à laquelle la qualité de supraconduction s'active. On peut le constater à la baisse soudaine et aiguë de la résistance électrique de la matière supraconductrice quand on la refroidit en deçà de sa température critique (Tc). Lorsqu'une matière passe de son état normal à l'état supraconducteur, elle évacue activement son champ magnétique interne (l'effet Meissner). Aux fins de la présente décision, c'est la température de déclenchement de la supraconductivité, et non la température à laquelle la matière atteint réellement une résistance électrique de zéro, qui doit servir à caractériser les matières comme supraconductrices.

 

 

Historique de traitement

 

[6]   La demande en question a été déposée le 4 février 1988 en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 (ci-après désignée comme la Loi sur les brevets). L'examinateur responsable de la demande a rendu une décision finale le 15 août 2006, dans laquelle il rejetait la demande :

 

– les revendications 1-64, 66-72 et 75-89 furent considérées comme déficientes en raison d'une absence de nouveauté en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur les brevets;

– les revendications 1-89 furent considérées comme déficientes en vertu de l'article 2 de la Loi sur les brevets en raison d'une absence d'utilité;

– les revendications 1-89 furent considérées comme déficientes en vertu du paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets en raison d'une absence de fondement;

– les revendications 1-32, 55, 56, 58, 59, 64, 65, 66-72, 77-80 et 83-89 furent considérées comme déficientes en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, car selon les conclusions de l'examinateur, la supraconductivité au-dessus de 26 °K n'était pas fondée par la description fournie;

– les revendications 1, 12, 24, 27, 55, 64-66, 69, 77, 83, 85 et 87 furent considérées comme déficientes en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets en raison de l'usage impropre de divers termes;

– la revendication 1 fut considérée comme déficiente en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, car elle définissait l'invention en fonction d'un résultat recherché.

 


[7]   Le 15 février 2007, le demandeur a répondu à la décision finale et présenté un nouvel ensemble de 171 revendications. La présentation des nouvelles revendications a entraîné l'annulation des revendications 1 à 89. Le demandeur soutenait que les nouvelles revendications présentées éliminaient toutes les irrégularités définies dans la décision finale et que la demande en l'espèce remplissait donc les conditions nécessaires à son acceptation.

 

[8]   Dans son résumé des motifs présenté à la Commission d'appel des brevets, dont un exemplaire a été envoyé au demandeur le 17 octobre 2007, l'examinateur indiquait que les problèmes relatifs à la nouveauté et au résultat recherché étaient résolus. Cependant, l'examinateur considérait que les autres problèmes n'avaient pas été résolus. L'examinateur a également trouvé onze nouvelles irrégularités dans les revendications introduites en réponse à la décision finale.

 

[9]   Par conséquent, le demandeur a demandé une audience devant la Commission d'appel des brevets. Avant l'audience, le demandeur a proposé un ensemble de revendications modifiées. L'audience eut lieu le 27 octobre 2010, mais elle fut rapidement ajournée et reportée au 9 novembre 2010, car le demandeur souhaitait du temps supplémentaire pour analyser en profondeur certaines questions. Il fut convenu de ne pas tenir compte des nouvelles revendications modifiées, mais uniquement des revendications modifiées en réponse à la décision finale. Les observations au sujet des onze nouvelles irrégularités définies dans le résumé des motifs et les questions soulevées par la Commission furent aussi présentées à l'audience ou sous forme d'observations écrites. Au cours des deux audiences, le demandeur était représenté, par le biais de la téléconférence, par Bill Chan, Peter Wang et Daniel Morris du service de la Propriété intellectuelle d'IBM Canada Ltd.

 

[10]        Par la suite, on invita le demandeur à proposer des modifications de ses revendications, conformément aux observations. En cas d'acceptation, les modifications devaient former la base d'une directive officielle du commissaire en vertu de l'article 31 des Règles sur les brevets. Le demandeur a proposé un ensemble modifié de revendications le 14 janvier 2013.

 

 

Revendications

 

[11]        Les revendications indépendantes à l'étude sont au nombre de 107. Plusieurs revendications représentatives sont reproduites ci-dessous :

 

1. Un appareil constitué d'une composition faisant preuve de supraconductivité à des températures de déclenchement de la supraconductivité supérieures ou égales à 26 K, ladite composition étant :


une matière de type céramique du système RE-AE-TM-O, dans lequel RE représente un élément terre rare ou quasi terre rare, TM représente un élément métallique de transition plurivalent ayant au moins deux états de valence dans ladite composition, et O est l'oxygène, le ratio de quantité dudit métal de transition dans lesdits états de valence étant déterminé par le ratio RE : AE;

une source de courant pour faire passer un courant électrique supraconducteur dans ledit oxyde métallique de transition;

un appareil de refroidissement servant à maintenir ledit oxyde métallique de transition en dessous de ladite température de déclenchement et à une température supérieure ou égale à 26 K.

 

2. Une combinaison se composant de ce qui suit :

une composition d'oxydes mixtes de cuivre comprenant un élément alcalino-terreux (AE) et un élément terre rare ou quasi terre rare (RE), ladite composition ayant une structure cristalline en couches et des états d'oxydation plurivalents, ladite composition faisant preuve d'une résistance d'à peu près zéro au flux de courant électrique qui y passe lorsqu'elle est refroidie à un état supraconducteur, c'est-à-dire à une température supérieure ou égale à 26 K, lesdits oxydes mixtes de cuivre ayant une température de déclenchement de la supraconductivité de 26 K ou plus;

une source de courant pour faire passer un courant électrique supraconducteur par ladite composition lorsque ladite composition fait preuve d'une résistance d'à peu près zéro à une température supérieure ou égale à 26 K et inférieure à ladite température de déclenchement.

 

7. Un appareil constitué de ce qui suit :

une composition comprenant un métal de transition, un élément terre rare ou quasi terre rare, un élément alcalino-terreux et de l'oxygène, lorsque ladite composition est un oxyde métallique de transition composite possédant une quantité non stœchiométrique d'oxygène et présentant une température d'activation de la supraconductivité supérieure ou égale à 26 K;

un thermorégulateur servant à maintenir ladite composition dans ledit état supraconducteur à une température supérieure ou égale à 26 K et inférieure à ladite température d'activation de la supraconductivité;

une source de courant pour faire passer un courant électrique à travers ladite composition au moment où ladite composition est dans ledit état supraconducteur.

 

9. Un appareil supraconducteur destiné à produire un flux de courant électrique à l'état supraconducteur à une température supérieure ou égale à 26 K, comprenant :

un élément supraconducteur fait d'une composition supraconductrice, la composition supraconductrice étant elle-même constituée d'un composé cuivre-oxyde ayant une structure cristalline pérovskite en couches, la composition ayant une température de transition supraconductrice Tc supérieure ou égale à 26 K;

une source de courant servant à maintenir l'élément supraconducteur à une température supérieure ou égale à 26 K et inférieure à la température de transition supraconductrice Tc de la composition supraconductrice;

un thermorégulateur servant à entraîner le flux de courant électrique dans l'élément supraconducteur.

 

19. Un dispositif comprenant une composition d'oxyde ayant une température d'activation de la supraconductivité supérieure ou égale à 26 K, ledit composé supraconducteur cuivre-oxyde étant à une température inférieure à ladite température d'activation de la supraconductivité et ayant un courant supraconducteur y circulant, ladite composition se composant d'au moins une terre rare, un alcalino-terreux et un élément cuivre.

 

53. Une structure comprenant :


une composition présentant un état supraconducteur à une température supérieure ou égale à 26 K;

un thermorégulateur maintenant ladite composition à une température supérieure ou égale à 26 K, température à laquelle ladite composition présente ledit état supraconducteur;

une source de courant faisant passer un courant électrique à travers ladite composition au moment où ladite composition est dans ledit état supraconducteur;

ladite composition incluant un composé cuivre-oxyde, un élément du groupe II A, au moins un élément provenant du groupe se composant de l'élément terre rare et de l'élément du groupe III B.

 

170. Un appareil comprenant un supraconducteur ayant une température d'activation de la supraconductivité supérieure ou égale à 26 K, ladite supraconductivité étant créée par une méthode consistant à :

préparer des poudres de composés oxygénés à partir d'un élément terre rare ou quasi terre rare, d'un élément alcalino-terreux et de cuivre;

mélanger lesdits composés et chauffer le mélange obtenu à une température de 500 à 1200 °C durant une à huit heures, afin de créer une composition cuivre-oxyde comprenant ledit élément alcalino-terreux et ledit élément terre rare ou quasi terre rare;

former des granules en pressant ladite composition cuivre-oxyde;

recuire lesdits granules formés de la composition cuivre-oxyde à une température de 500 à 950 °C durant environ une demi-heure à trois heures pour effectuer le frittage, dans une atmosphère oxygénée qui produira la composition supraconductrice ayant une phase cuivre-oxyde présentant une température d'activation de la supraconductivité supérieure ou égale à 26 K, ladite composition supraconductrice étant constituée d'une structure cristalline en couches après le recuit.

 

[12]        Bien que les revendications concernent un appareil, un dispositif ou une structure, l'analyse est axée sur les compositions mentionnées dans chaque revendication. Toutes les conclusions visant les revendications indépendantes ci-dessus peuvent être étendues aux autres revendications indépendantes plus restreintes et à toutes les revendications qui en dépendent.

 

 

Les problèmes abordés

 

[13]        En ce qui concerne les revendications présentées en réponse à la décision finale, la Commission doit aborder les trois problèmes suivants :

 

1.   L'imprécision : L'usage impropre de divers termes pour définir la supraconductivité est déroutant et par conséquent contraire au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets.

 

2.   L'absence d'utilité : L'utilité de l'invention ne peut pas être établie par prédiction valable pour l'ensemble des revendications, ce qui est contraire à l'article 2 de la Loi sur les brevets.


 

3.   L'absence de fondement : La description n'appuie pas entièrement les revendications, ce qui est contraire au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets, étant donné qu'aucune limite supérieure n'a été définie pour la Tc.

 

 

1er problème :     L'imprécision

 

Cadre juridique

 

[14]        La disposition législative qui régit cette irrégularité est le paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets :

 

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[15]        La Cour de l'échiquier a donné des précisions sur le sens du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets dans la décision Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., [1947] R.C.É. 306, p. 352, 12 C.P.R. 99 (Minerals Separation) :

 

Les revendications constituent pour ainsi dire une barrière érigée autour du domaine visé par le monopole de l'inventeur afin d'en interdire l'accès au public. Cette barrière doit être posée dans un endroit bien en vue pour communiquer l'avertissement nécessaire. L'inventeur doit éviter de la placer sur une propriété qui n'est pas la sienne. La teneur d'une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

La position de l'examinateur

 

[16]        L'examinateur a trouvé deux irrégularités relatives à la terminologie des revendications en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets. Bien que l'une de ces deux irrégularités, selon l'examinateur, soit plutôt liée à la notion de « fondement », on aborde mieux le problème sous-jacent en se référant au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les deux irrégularités seront abordées ensemble. L'origine des irrégularités, selon l'examinateur, est que certains termes utilisés dans les revendications, tels que « supraconductivité » et « température critique », se « fondent » sur la description et concernent la perte totale de résistivité d'une matière (c.-à-d. la supraconductivité en bloc). La position de l'examinateur peut être résumée de la manière suivante :

 


– La caractéristique revendiquée de supraconductivité au-dessus de 26 K n'est pas « fondée » dans la présente description. Les données présentées dans les figures indiquent que la résistivité de zéro n'a pas été atteinte au-dessus de 13 K. (1re irrégularité)

– La définition acceptée de Tc (température critique ou de transition) dans le domaine est « la température en deçà de laquelle une matière perd sa résistance » (citation tirée d'une décision finale dont les sources sont : McGraw-Hill Encyclopedia of Science & Technology, 6e édition, copyright 1987, page 609 et Encyclopedia of Physical Science and Technology, vol. 13 (Academic Press Inc) copyright 1987, page 493). Les termes « supraconducteur », « température critique », « température de transition » et « supraconductivité » sont par conséquent employés abusivement, car ils sont utilisés pour désigner la température d'activation de la supraconductivité, plutôt que la température de résistance zéro, qui est le sens accepté dans le domaine. (2e irrégularité)

 

Les arguments du demandeur

 

[17]        En réponse à la décision finale, le demandeur a présenté, entre autres, ce qui suit :

 

[...] le fondement de l'invention revendiquée est présent dans la description au dossier. En particulier, à la page 18, sont énoncés les résultats obtenus de divers mélanges des composés formant la composition à la base de l'invention revendiquée. Plus précisément, on y apprend que « en présence d'un contenu de x = 0,15, la baisse de résistivité se produit à la Tc = 26 K ». Dans cet exemple, le ratio RE,AE : TM est de 2:1 alors que dans l'exemple précédent, la valeur x = 0,1 et le ratio RE,AE : TM de 1:1 ont produit des résultats différents. Dans l'exemple initial de la page 18, il est indiqué que la composition décrite n'est pas supraconductrice. Ces exemples associés à d'autres renseignements donnés dans la description fournissent l'information qui permet à une personne versée dans l'art de réaliser et d'utiliser l'invention revendiquée. Tel que le veut la description, la « baisse de résistivité » représente l'activation de la supraconductivité et indique la présence de propriétés supraconductrices; elle est conforme à l'énoncé en page 3 selon lequel « cette température est souvent appelée la température critique Tc et est la température au-dessus de laquelle la supraconductivité n'existe pas ». Par exemple, comme le veut l'explication approfondie de la page 22, « sa résistivité diminue d'au moins trois ordres de grandeur, démontrant que le bloc est supraconducteur en deçà de 13 K et que son activation se situe aux environs de 35 K... », ce qui indique que la transition à la supraconductivité se produit aux environs de 35 K, prouvant l'existence des caractéristiques supraconductrices revendiquées.

 

[...]

 


Le demandeur a fourni en pièce jointe des revendications modifiées qui revendiquent plus clairement l'objet de l'invention en l'espèce pour laquelle il demande une protection. Par exemple, dans la revendication modifiée 1, on revendique plus clairement « une composition présentant une supraconductivité à une température d'activation de la supraconductivité supérieure ou égale à 26 K [...] en maintenant ledit oxyde métallique de transition en deçà de ladite température d'activation et à une température supérieure ou égale à 26 K. » Un autre exemple se trouve dans la revendication modifiée 162, dans laquelle le terme « résistivité en bloc de zéro » clarifie la température désignée dans l'énoncé « la composition ayant une transition supraconductrice/résistante définissant une fourchette de températures de transition supraconductrices/résistantes allant d'une limite supérieure définie par une température d'activation de la transition Tc à une limite inférieure définie par une température d'interception de résistivité en bloc de zéro réelle Tp=0, la température d'activation de la transition Tc étant supérieure ou égale à 26 K ». Les revendications modifiées ci-jointes exposent clairement l'objet des revendications en l'espèce dans une langue claire, qui énonce les températures significatives; la lecture des revendications est donc simple, et celles-ci sont exemptes de termes superflus.

 

[18]        Le demandeur a aussi fourni les arguments suivants (tant au cours de l'audience que par des observations écrites) :

 

La thèse du demandeur est qu'il y a fondement des éléments revendiqués au sujet d'une composition présentant une supraconductivité/un état supraconducteur/une température d'activation de la transition/etc., à une température supérieure ou égale à 26 K. Les données indiquent que la Tc (température à l'activation de la supraconductivité) est égale ou supérieure à 26 K. L'exemple de données à la p. 22 du mémoire descriptif indique que la supraconductivité du bloc s'est produite en deçà de 13 K, mais indique toujours une activation de la supraconductivité à 35 K, ce qui est cohérent avec les aspects des revendications mentionnés plus haut. Ces données sont conformes à la température revendiquée comme présentant la supraconductivité/un état de supraconductivité/etc. Comme nous l'avons mentionné au cours de la discussion du 27 octobre 2010, la supraconductivité peut s'activer dans une région à une température particulière sans que la composition entière soit supraconductrice. Cela est cohérent avec les limites des revendications. Le demandeur suggère que même si les données indiquent que l'ensemble d'une substance n'est supraconducteur qu'en deçà de 26 K, des données appuient néanmoins l'aspect selon lequel l'activation de la supraconductivité/l'état supraconducteur/etc. se trouve à 26 K ou au-dessus. Le demandeur demande respectueusement que l'objection de l'examinateur soit retirée.

 

 

Analyse et conclusions

 

[19]        L'irrégularité d'imprécision en rapport avec l'usage impropre de divers termes visant à définir la « supraconductivité » est liée à l'irrégularité de manque de « fondement » (paragraphe 34(2) de la Loi). L'examinateur est d'avis que le demandeur a mal défini la supraconductivité, car contrairement à ce que soutient le demandeur, les termes « supraconducteur » et « température critique » sont utilisés pour désigner la supraconductivité complète (c.-à-d. en bloc), un état dans lequel aucune résistivité électrique n'est présente dans une matière. L'examinateur affirme de plus que le demandeur n'a jamais été en possession de l'invention.

 


[20]        Qui plus est, le demandeur définit la supraconductivité comme une baisse soudaine de la résistivité électrique dans une matière en deçà d'une soi-disant température de transition (Tc). À partir de la page 3 de la description, on peut voir que le demandeur avait l'intention d'utiliser cette température pour désigner l'activation de la supraconductivité.

 

Cette température est souvent appelée la température critique Tc et elle est la température au-dessus de laquelle la supraconductivité n'existera pas.

 

[21]        Le demandeur a aussi établi une distinction nette, à la page 22, entre l'activation de la supraconductivité et la résistivité en bloc de zéro/supraconductivité en bloc :

 

Sa résistivité baisse d'au moins trois ordres de grandeur, ce qui démontre la supraconductivité du bloc en deçà de 13 K, avec une activation aux environs de 35 K, comme on peut le voir à la FIG. 4, sur une échelle de température élargie. (nous soulignons)

 

[22]        La Commission est d'accord avec le demandeur. Rien dans la demande n'indique l'atteinte d'une supraconductivité complète à la température revendiquée de 26 K ou plus. Le seul cas de résistivité zéro/supraconductivité entière est illustré à la Figure 4 et se produit à 13 K. Nous estimons que la description définit clairement tous les termes qui seraient imprécis selon l'examinateur pour signifier l'activation de la supraconductivité et nous ne croyons pas que les revendications soient imprécises. La caractéristique de supraconductivité de la composition au-dessus de 26 K est fondée tout au long de la demande. La personne versée dans l'art comprendrait donc clairement les revendications, car la terminologie ne concerne pas la présentation par les compositions d'une supraconductivité en bloc.

 

Conclusion – Paragraphe 34(2)

 

[23]        Étant donné ce qui précède, la Commission estime que les revendications au dossier sont précises et par conséquent conformes au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets.

2e problème :       L'absence d'utilité

 

Cadre juridique

 

[24]        L'article 2 de la Loi sur les brevets exige qu'une invention soit « utile » ou qu'elle ait une utilité. L'article 2 définit le terme « invention » comme suit :

 

« invention » : toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 


[25]        À la date de sa demande de brevet, l'inventeur doit pouvoir établir l'utilité de son invention, soit par démonstration, soit par prédiction valable : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, 29 C.P.R. (4th) 499 (Wellcome).

 

[26]        La justesse d'une prédiction d'utilité est une question de fait et doit réussir un test en trois parties établi par la Cour suprême dans la décision Wellcome. Les trois éléments du test sont les suivants :

 

1.   Il doit y avoir un fondement factuel à la prédiction;

 

2.   L'inventeur doit avoir, à la date de la demande de brevet, un raisonnement clair et « valable » qui permet de déduire le résultat souhaité du fondement factuel;

 

3.   Il doit y avoir divulgation appropriée.

 

[27]        Dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de mettre en doute le fait que les revendications reposent sur une prédiction. De plus, même si elle doit être valable, « une prédiction n'a pas à représenter une certitude » : Lundbeck Canada Inc. c. Ratiopharm Inc., 2009 CF 1102 (Lundbeck). Toutes les applications revendiquées pour une invention n'ont pas à être testées et éprouvées.

 

La position de l'examinateur

 

[28]        La position de l'examinateur peut être exposée de la manière suivante :

1.  Le mémoire descriptif n'indique pas clairement quelles compositions exactement ont été préparées et testées et lesquelles ne l'ont pas été.

2.  La description laisse supposer, sans l'énoncer, que certaines compositions ont été testées et constituent en partie le fondement factuel. Ces compositions seraient (i) celles contenant des terres rares, telles que La, Ce et Nd; (ii) celles contenant des métaux alcalino-terreux, tels que Ca, Sr et Ba; (iii) celles contenant des métaux de transition, tels que Cu, Ni et Cr.

3.  Des tests ont permis d'établir qu'une composition de la formule La5-xBaxCu5O5(3-y) a une résistance de zéro à environ 13 K et que sa supraconductivité s'active dans la fourchette qui va de 26 K à 35 K, selon les conditions de préparation.


4.  Il a été démontré que Ce, Nd, Ca, Sr, Cu et Ni, aux bons endroits et selon les bons ratios, présentaient le résultat explicitement mentionné, et cela forme le fondement factuel de la détermination d'utilité.

5.  Le fondement factuel de la prédiction des différentes classes d'éléments des compositions (c.-à-d. terres rares, métaux alcalino-terreux et métaux de transition) consiste en l'affirmation selon laquelle trois éléments de chaque classe sont utiles et que, par conséquent, les autres éléments de cette classe sont également utiles. Cependant, il n'y a pas raison de croire, en fonction des principes scientifiques acceptés, que ces autres éléments seraient également utiles. Les éléments testés dans chaque classe se trouvent dans le premier quartile; or, la différence de masse et de volume atomiques entre les éléments testés et non testés est suffisamment importante pour jeter le doute sur l'utilité de tous les éléments.

 

[29]        L'examinateur conclut, en partie, de la manière suivante :

 

L'examinateur est d'avis que non seulement les données de test ne sont pas suffisamment abondantes pour former un fondement factuel permettant de prédire l'utilité du groupe, mais que, en outre, il y a absence de raisonnement valable appuyant la prédiction.

 

La plage des volumes atomiques et des masses atomiques est plutôt vaste. Des données de test aux deux extrémités de ces plages auraient pu fournir le fondement factuel permettant de prédire l'utilité des éléments intermédiaires.

 

[...]

 

Les étapes et les variables utilisées dans la production de céramiques supraconductrices sont si nombreuses, et les plages utiles de chaque variable sont si différentes qu'une personne versée dans l'art qui ne ferait pas preuve d'imagination ne pourrait pas arriver, infailliblement et sans recours indu à l'expérimentation, à un résultat utile.

 


[30]        En résumé, l'examinateur est donc d'avis que l'utilité de l'ensemble des revendications n'a été établie ni par démonstration ni par prédiction valable. À la base de l'irrégularité d'absence de prédiction valable, il y a le point de vue de l'examinateur selon lequel : (i) le nombre d'éléments différents utilisés pour préparer les compositions supraconductrices de l'invention n'est pas suffisamment vaste, en particulier dans la mesure où les différents éléments testés dans chaque groupe ne sont pas représentatifs de l'ensemble, car ils font partie du quartile inférieur des groupes pertinents et ne rendent pas compte de la vaste plage de volumes et de masses atomiques de ces groupes; (ii) les étapes et les variables utilisées dans la production de céramiques supraconductrices sont si diverses qu'une personne versée dans l'art qui ne ferait pas preuve d'imagination ne pourrait pas faire fonctionner, sans recours indu à l'expérimentation, l'ensemble de l'invention revendiquée.

 

Les arguments du demandeur

 

[31]        Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a présenté les observations suivantes en ce qui concerne la différence de taille entre les éléments d'une extrémité à l'autre des groupes du tableau périodique :

 

[...] Le demandeur a abordé cette question à la page 25 de la description, où l'on apprend que : « Étant donné que le rayon ionique de Sr2+ a presque la même valeur que celui de La3+, il semble que l'augmentation de la taille n'ait pas d'effet sur la supraconductivité. Ce serait plutôt le contraire qui se produirait, comme l'indiquent les données au sujet de Ba2+ et Ca2+. » Le demandeur explique que de meilleurs résultats ont été obtenus en employant les petits éléments atomiques, mais n'affirme pas que les éléments plus volumineux ont échoué comme le suggère l'examinateur. Par conséquent, le demandeur fournit bien l'enseignement requis pour mettre en œuvre l'invention et indique en particulier la « meilleure méthode », afin d'orienter la personne versée dans l'art de la fabrication des céramiques vers des résultats « utiles ».

 

[32]        Le demandeur a aussi fourni des observations écrites avant l'audience au sujet de l'irrégularité d'absence d'utilité :

 

La thèse du demandeur est qu'il y a prédiction valable en ce qui concerne les aspects de l'invention, dans le cas où une matière est composée d'un élément terre rare ou quasi terre rare, d'un élément alcalino-terreux et d'un élément métallique de transition, ainsi que d'oxygène. Le mémoire descriptif comporte des données ou le fondement de deux éléments terre rares (le lanthane et le cérium), de trois éléments alcalino-terreux (le baryum, le calcium et le strontium) et de deux métaux de transition (le cuivre et le nickel). Les données présentées indiquent que diverses combinaisons de ces éléments présentent une supraconductivité à des températures supérieures ou égales à 26 K. Le mémoire descriptif indique que les métaux de transition plurivalents sont particulièrement appropriés (avec pour exemple le cuivre) et que les compositions de l'invention ont une structure cristalline en couches.

 

Le demandeur suggère qu'une personne versée dans l'art reconnaîtrait que les éléments terres rares et quasi terres rares rassemblés dans le tableau périodique l'ont été pour la raison que ces éléments présentent des propriétés semblables. De même, les éléments alcalino-terreux, les métaux de transition et les éléments du groupe III B ont été rassemblés en raison de la similarité de leurs propriétés. Ainsi, il existe un raisonnement valable selon lequel ces éléments peuvent être utilisés comme prévu.

 


La thèse du demandeur est qu'il y a un fondement factuel à la prédiction, formé des différentes compositions divulguées utilisant différents éléments terres rares, éléments alcalino-terreux et éléments métalliques de transition, ainsi que des données de résistivité (voir la fig. 4), selon lesquelles les compositions en question présentent une supraconductivité à des températures supérieures ou égales à 26 K. De plus, comme on l'a indiqué, il existe un raisonnement clair et valable au sujet du fait que les compositions en question ont une structure cristalline en couches, et il y a une similarité de propriété connue par les chimistes entre les éléments terres rares, les éléments alcalino-terreux et les métaux de transition, entre autres aspects. Enfin, on a adéquatement divulgué dans le mémoire descriptif une description entière, claire et précise de la nature de l'invention et de la manière dont elle peut être mise en œuvre. Ainsi, le demandeur suggère qu'il existe une prédiction valable en ce qui concerne l'utilisation dans la composition des métaux terres rares, des métaux alcalino-terreux et des métaux de transition autres que ceux précisément indiqués dans le mémoire descriptif.

 

Analyse et conclusions

 

[33]        Bien que nous acceptions le résumé de l'examinateur au sujet du fondement factuel fourni dans la description (voir les éléments de la position 2 à 5 ci-dessus), nous estimons que l'examinateur n'a pas tenu compte de toutes les données factuelles pertinentes. En raison de cela, nous nous devons de réévaluer les trois éléments du test Wellcome.

 

Fondement factuel

 

[34]        Le demandeur a préparé diverses compositions dont la formule générale est RE-AE-TM-O et a démontré l'utilité de formes précises en tant que supraconducteurs à des températures supérieures ou égales à 26 K. Les compositions de l'invention qui ont été préparées par le demandeur sont décrites dans le mémoire descriptif. Les compositions de formules La2-xBaxCuO4-y et La5-xBaxCu5O5(3-y) ont été préparées et testées pour différentes valeurs de x (Figure 2), diverses densités de courant (Figure 4) ou différentes conditions de recuit (c.-à-d. les conditions de traitement, voir Figure 3). Comme le veut l'exemple de la page 18 pour la formule La2-xBaxCuO4-y, où x = 0,15 et où le ratio de départ est de 2:1 ((RE-AE):TM), la baisse de résistivité (c.-à-d. l'activation de la supraconductivité) se produit à 26 K, alors qu'en cas de ratio de départ de 1:1 quand x = 0,1, la baisse de résistivité se produit à 35 K. L'activation de la supraconductivité pour La5-xBaxCu5O5(3-y) où x = 0,75 se produit à 35 K (page 22).

 

[35]        Les dessins fournissent des données supplémentaires sur l'activation de la supraconductivité des compositions de l'invention. La Figure 2 aborde la formule La5-xBaxCu5O5(3-y) où x = 1 et 0,75, et indique que la supraconductivité de la composition s'active entre 26 °K et 33 K. La Figure 3 indique que la supraconductivité de la composition La5-xBaxCu5O5(3-y) où x = 1 s'active entre 10 K et 30 K, selon les conditions expérimentales de préparation des compositions supraconductrices. La Figure 4 indique qu'en présence de différentes densités de courant, la supraconductivité de la composition La5-xBaxCu5O5(3-y) où x = 0,75 s'active entre 30 K et 35 K.

 


[36]        Le mémoire descriptif présente aussi des compositions ayant le cérium plutôt que le lanthane comme élément terre rare, le calcium et le strontium comme éléments alcalino-terreux à la place du baryum et le nickel à la place du cuivre comme élément métallique de transition. Les données présentées indiquent que les diverses combinaisons des éléments ci-dessus, réalisées selon l'invention, présentaient une supraconductivité à des températures supérieures ou égales à 26 K. Le demandeur a aussi souligné que la taille (c.-à-d. le volume atomique) des divers éléments de chaque groupe n'était pas à l'origine de la supraconductivité (page 25).

 

[37]        L'examinateur est d'avis que les données pertinentes ne sont pas suffisantes pour former le fondement factuel de toutes les compositions que recouvrent les revendications. Nous sommes en désaccord.

 

[38]        Le demandeur a en effet enseigné de nombreuses différentes compositions supraconductrices. Diverses combinaisons des trois groupes d'éléments (2 ou 3 différents éléments de chaque groupe ont été utilisés) de la composition se sont avérées supraconductrices à une température supérieure ou égale à 26 K. Ces compositions ont été préparées selon les principes connus de la fabrication de céramiques par le mélange de poudres contenant des éléments terres rares, des éléments alcalino-terreux et des éléments métalliques de transition, coprécipitant et chauffant dans l'oxygène ou l'air. Le « degré » de supraconductivité des compositions de l'invention a été modifié par l'utilisation de différentes densités de courant et/ou en changeant les conditions de réaction de leur préparation.

 

[39]        En fonction de ce qui précède, nous estimons que les données présentées dans la demande peuvent former le fondement factuel de la prédiction.

 

Raisonnement valable

 

[40]        Au moment du dépôt, il était avéré au sein du domaine que certains oxydes métalliques présentaient une supraconductivité, principalement en raison du fait que ces matières possèdent de multiples phases cristallographiques, dont l'une explique la Tc élevée (Johnston et al., Mat. Res. Bull. 1973, 8, 777). D'autres oxydes métalliques à structure pérovskite étaient réputés comme présentant une supraconductivité en raison d'un couplage électron-phonon élevé dans des composés plurivalents (Binnig et al., Phys. Rev. Lett. 1980, 45, 1352; et Sleight et al., Solid State Communications 1975, 17, 27).

 


[41]        Les matières supraconductrices de l'invention se définissent comme des oxydes métalliques de transition composites pouvant présenter un comportement plurivalent. Ces compositions ont une structure cristalline en couches, souvent pérovskite, et contiennent des éléments terres rares ou alcalino-terreux.

 

[42]        Les éléments utilisés dans les compositions du demandeur proviennent d'un groupe et de deux blocs du tableau périodique des éléments. Les éléments alcalino-terreux font partie du groupe 2 (ou groupe II A) du tableau. Les métaux de transition font partie du bloc d et comprennent des éléments des groupes 3 et 12, alors que les éléments terres rares ou lanthanes font partie du bloc f du tableau périodique.

 

[43]        Les éléments d'un groupe ont des propriétés très semblables, et des tendances claires distinguent l'ensemble du groupe. Les différentes régions du tableau périodique que l'on appelle les blocs prennent le nom de l'« enveloppe » (c.-à-d. l'orbitale électronique extérieure) dans laquelle réside le « dernier » électron, en l'occurrence l'électron f et l'électron d. Une personne versée dans l'art sait bien que le tableau périodique illustre des tendances récurrentes ou périodiques dans les propriétés des éléments, et elle s'attendrait raisonnablement, en l'absence de preuves du contraire, à ce que les éléments regroupés de façon connue, comme ci-dessus, se comportent de façon semblable. C'est la raison même pour laquelle on regroupe de tels éléments en groupes et en blocs.

 

[44]        La proximité de la structure physique des compositions de l'invention avec des supraconducteurs connus, et les similarités bien connues dans les propriétés des éléments qui forment les compositions, à savoir les terres rares, les métaux alcalino-terreux et les métaux de transition, sont des facteurs qui indiquent que le demandeur propose un raisonnement clair et valable. Étant donné la démonstration selon laquelle la taille des différents éléments d'un groupe/d'une période d'éléments n'a pas d'effet sur la supraconductivité, on ne peut pas accepter la position de l'examinateur selon laquelle les tests n'étaient pas suffisants sur l'ensemble des périodes. Cela renforce au contraire le caractère valable du raisonnement du demandeur. Le caractère valable du raisonnement serait donc évident pour une personne versée dans l'art compte tenu des connaissances générales courantes.

 

[45]        En fonction de ce qui précède, nous estimons que l'inventeur avait, à la date de la demande de brevet, un raisonnement clair et valable permettant de déduire le résultat souhaité du fondement factuel.

 

Divulgation appropriée


[46]        En ce qui concerne la divulgation appropriée, le test exige que le fondement factuel et le raisonnement valable se trouvent dans la description. En l'occurrence, toutes les compositions qui forment le fondement factuel ont été transmises, ainsi que l'information utilisée pour établir un raisonnement valable. Par conséquent, la Commission conclut que le critère de divulgation appropriée a été rempli.

 

Conclusion – Prédiction valable

 

[47]        Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime insuffisants les motifs qui mèneraient à conclure que la prédiction d'utilité n'est pas valable pour les compositions visées par les revendications en l'espèce. En raison de cela, nous ne pouvons pas nous rallier à l'évaluation de l'examinateur selon qui les revendications 1 à 20, 22 à 57, 59 à 68, 70 à 100, 102 à 123 et 125 à 171 ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

 

3e problème :       L'absence de fondement

 

Cadre juridique

 

[48]        La disposition législative qui régit l'irrégularité d'absence de fondement, le paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets, est rédigée comme suit :

 

Chaque revendication se fonde entièrement sur la description.

 

[49]        Le paragraphe 174(2) des Règles doit être lu en parallèle avec le paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets, qui est rédigé comme suit :

 

(1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur :

a) décrit d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur;

b) expose clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’objet de l’invention;

c) s’il s’agit d’une machine, en explique le principe et la meilleure manière dont il a conçu l’application de ce principe;


d) s’il s’agit d’un procédé, explique la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention d’autres inventions;

e) indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention.

 

[50]        Les tribunaux canadiens se sont peu prononcés sur l'interprétation du paragraphe 174(2) des Règles ou de toute autre disposition équivalente. Or, en l'affaire de la Demande Ciba (1974), décision du commissaire no 208, la Commission a statué, après avoir souligné qu'il était possible de divulguer suffisamment de matière en une seule phrase pour revendiquer avec succès certaines inventions, que le principe fondamental en droit des brevets était qu'un inventeur ne peut revendiquer avec succès ce qu'il n'a pas décrit (citant un passage de Radio Corporation of America c. Raytheon Manufacturing Co. (1957), [1956-1960] Ex. C.R. 98, par. 28, 27 C.P.R. 1 [R.C.A.]).

 

[51]        Une disposition équivalente du paragraphe 34(1) a été interprétée dans Minerals Separation (pp. 316-317) comme exigeant ce qui suit :

 

Deux choses doivent être décrites dans les mémoires descriptifs, l'une étant l'invention et l'autre l'application ou l'exploitation, telles que les a conçues l'inventeur, et chacune doit être décrite de façon exacte et complète. Le but de cette disposition est qu'à l'expiration de la période de monopole, le public puisse, à partir du seul mémoire, utiliser l'invention avec succès, de la même manière que le faisait l'inventeur au moment de sa demande. La description doit être correcte, ce qui signifie à la fois claire et précise. Elle doit être dénuée de toute obscurité ou ambiguïté évitable et doit être aussi simple et précise que la difficulté de la description le permet. Elle ne doit pas contenir d'affirmations erronées ou trompeuses visant à tromper ou induire en erreur les personnes auxquelles s'adresse le mémoire descriptif ni à leur rendre difficile, sans essais ou expérimentation, l'intelligence du mode de fonctionnement de l'invention. Elle ne doit pas, par exemple, enseigner l'utilisation d'autres méthodes de mise en pratique de l'invention alors qu'une seule est susceptible d'être mise en pratique, même si les personnes versées dans la technique choisissaient vraisemblablement la méthode susceptible d'être mise en pratique. La description de l'invention doit également être complète; cela signifie que sa portée doit être définie, car rien de ce qui n'a pas été décrit ne peut être revendiqué validement. La description doit également donner tous les renseignements qui sont nécessaires à l'application et à l'exploitation de l'invention, et si des avertissements doivent être donnés pour assurer le succès de l'entreprise, ils doivent être formulés. En outre, l'inventeur doit agir en toute bonne foi et communiquer la meilleure application possible de l'invention telle qu'il l'a conçue.

 

La position de l'examinateur

 

[52]        L'irrégularité d'absence de fondement est formulée dans la décision finale comme suit :


 

Les revendications 1 à 89 ne sont pas conformes au paragraphe 174(2) des RÈGLES SUR LES BREVETS. Ces revendications définissent un objet qui n'est pas entièrement appuyé par la description. Le demandeur revendique des produits et méthodes liés à des matières qui sont supraconductrices au-dessus de 26 K, alors qu'il ne divulgue aucune donnée indiquant des tendances supraconductrices pour ces matières au-dessus d'environ 40 K et encore moins démontrant la supraconductivité en soi au-dessus de cette température.

 

Le demandeur a revendiqué tous les composés des compositions définies comme étant supraconductrices au-dessus de 26 K. En appui à la portée de ses revendications, il nous renvoie au 2e paragraphe de la page 4 de sa lettre du 25 avril 2006, où l'on peut lire une description contenant des données ou des explications au sujet des compositions indiquées comme supraconductrices. Cependant, la plus haute température trouvée dans la description du demandeur est « environ 40+1 K », à la 11e ligne de la page 23, et il ne s'agit même pas de la température à laquelle la composition devient supraconductrice. Aucune température plus élevée n'est mentionnée. Par conséquent, il n'y a pas de fondement pour les températures supérieures à environ 40 K.

 

Il n'y a pas de raisonnement valable pour une température au-dessus de celle-là. Le demandeur a inclus dans la portée de ses revendications des éléments qu'il n'a ni réalisés ni prévus de façon valable et qu'il n'a pas, par conséquent, inventés.

 

[53]        L'examinateur prétend donc essentiellement qu'il y a absence de fondement des revendications qui concernent les compositions présentant une supraconductivité au-dessus de 40 K. Le demandeur n'a présenté aucune composition présentant une supraconductivité au-dessus de 40 K.

 

Les arguments du demandeur

 

[54]        En réponse à la décision finale, le demandeur a présenté, entre autres, ce qui suit au sujet de l'irrégularité d'absence de fondement :

 


Le demandeur suggère respectueusement que les revendications telles qu'il les a modifiées sont conformes à la Loi sur les brevets. Le demandeur a fourni dans la description et les dessins au dossier les données factuelles permettant de réaliser l'invention telle que revendiquée, à savoir de produire des oxydes céramiques présentant un comportement supraconducteur au-dessus de 26 K. Il semble qu'après communication de l'enseignement du demandeur, des recherches à grande échelle aient été mises en œuvre au sein de la communauté scientifique de référence et que celles-ci aient mené à la découverte de compositions supraconductrices à haute température supplémentaires. Selon l'habilitation qu'a entraînée son enseignement, le demandeur aurait été en possession de l'invention revendiquée, et des personnes pourraient après lui tirer avantage de son enseignement et l'ont d'ailleurs fait. Le demandeur n'a pas à faire l'essai de toutes les combinaisons possibles, mais il doit enseigner la manière de faire fonctionner l'invention revendiquée. Une personne versée dans l'art pourrait utiliser l'enseignement de l'invention pour fabriquer et utiliser des compositions supraconductrices à des températures supérieures à 26 K. En fait, aux pages 21 et 22, il est énoncé que les compositions recuites dans l'air « ont montré par une résistivité minimale aux environs de 80 K que celle-ci n'était pas très prononcée ». Cela fait référence aux affirmations du demandeur selon lesquelles le recuit est un facteur important dans le résultat et selon lesquelles des expériences supplémentaires pourraient confirmer des températures plus élevées. Ces expériences supplémentaires ont été menées par des « étudiants » des enseignements revendiqués par le demandeur. Les enseignements consignés par le demandeur indiquaient une prédiction valable de températures élevées. Si les enseignements du demandeur avaient été sans perspective, il n'y aurait pas eu débordement d'activités en vue de reproduire et d'étendre les travaux du demandeur au sein de la communauté scientifique de référence. Le demandeur suggère donc respectueusement qu'il y a suffisamment de fondement dans la description et les dessins au dossier pour appuyer les revendications modifiées et pour communiquer aux personnes versées dans l'art suffisamment de détails pour faire fonctionner l'invention revendiquée.

 

[55]        De plus, le demandeur a présenté, entre autres, les observations suivantes au sujet de l'irrégularité d'absence de fondement :

 

Selon la règle 174(2), chaque revendication se fonde entièrement sur la description. Les revendications montrent la caractéristique, par exemple, selon laquelle les températures d'activation de la supraconductivité sont supérieures ou égales à 26 K. La thèse du demandeur est que ses revendications sont appuyées par la description aux pages 18, 22 et 23.

 

Le demandeur n'a connaissance d'aucune jurisprudence ni d'aucune exigence des Règles ou de la Loi qui voudraient que l'on fournisse des données concernant une plage de points de température et que l'on délimite la limite supérieure dans le cas où les termes des revendications ne précisent pas de plage de températures. Le demandeur suggère respectueusement que les termes de ses revendications sont entièrement appuyés par son mémoire descriptif.

 

Analyse et conclusions

 

[56]        L'irrégularité d'absence de fondement relevée par l'examinateur provient du fait que le demandeur n'a jamais fabriqué de supraconducteur ayant une température d'activation supérieure à 40 K.

 

[57]        Le mémoire descriptif, aux lignes 5 à 11 de la page 1, décrit de façon générale l'invention du demandeur comme suit :

 

L'invention concerne une nouvelle classe de compositions supraconductrices ayant des températures de transition supraconductrice élevées, ainsi que des méthodes d'utilisation et de préparation de ces compositions, plus particulièrement de compositions supraconductrices comprenant du cuivre ou d'autres métaux de transition, les compositions se caractérisant par une phase supraconductrice et une structure en couches.

 

[58]        Sous le titre « Résumé de l'invention », le demandeur décrit les compositions comme pouvant transporter des courants électriques à un état de résistance d'à peu près zéro, à des températures supérieures ou égales à 26 K. Les compositions sont décrites aux pages 7 et 8 comme suit :

 


[p. 7] En général, les compositions se définissent comme des systèmes oxydes métalliques de transition composites dans lesquels les oxydes métalliques de transition peuvent présenter un comportement plurivalent. Ces compositions ont une structure cristalline en couches, souvent pérovskite, et peuvent contenir un élément terre rare ou quasi terre rare. [...] Un exemple [d'élément quasi terre rare] serait un élément du groupe III B du tableau périodique, tel que La. Des éléments de substitution peuvent être trouvés dans le site terre rare (ou quasi terre rare) ou dans les sites métalliques de transition des compositions. Par exemple, le site terre rare peut aussi comprendre des éléments alcalino-terreux du groupe II A du tableau périodique ou une combinaison d'éléments terres rares ou quasi terres rares et d'éléments alcalino-terreux. Parmi les éléments alcalino-terreux appropriés, il y a le Ca, le Sr et le Ba. Le site métallique de transition peut comprendre un métal ou plusieurs métaux de transition présentant un comportement plurivalent. Le cuivre représente un exemple de métal de transition particulièrement approprié.

 

[p. 8] Un exemple de composition supraconductrice ayant une Tc élevée est la composition représentée par la formule RE-TM-O, dans laquelle RE représente l'élément terre rare ou quasi terre rare, TM représente un métal de transition non magnétique, et O représente l'oxygène. [...] Si un élément alcalino-terreux (AE) était également présent, la composition serait représentée par la formule RE-AE-TM-O.

 

[59]        Il a déjà été question d'exemples précis de compositions supraconductrices dans les paragraphes [34] et [35] ci-dessus. Dans la section « Description des versions préférées » du mémoire descriptif, le demandeur a décrit en détail diverses compositions supraconductrices possédant i) des métaux de transition de divers états d'oxydation; ii) un élément alcalino-terreux en remplacement (partiel et selon un degré variable) de l'élément terre rare; iii) diverses stœchiométries des éléments, ainsi que l'effet de toutes ces variables sur les compositions supraconductrices de l'invention.

 

 

[60]        Le paragraphe du mémoire descriptif qui s'étend de la page 8 à la page 9 informe le lecteur que les principes connus de la fabrication des céramiques peuvent être utilisés dans la préparation des compositions supraconductrices inventives. Plus précisément encore, à la page 16, le mémoire descriptif divulgue les étapes de fabrications que voici :

 

– Préparer les solutions aqueuses des nitrates de baryum, de lanthane et de cuivre pertinents et effectuer la coprécipitation de ceux-ci selon les ratios appropriés;

– ajouter le coprécipité à de l'acide oxalique et former un mélange intime des oxalates obtenus;

– décomposer le précipité et causer une réaction de solidification en le chauffant à une température de 500 à 1200 °C durant une à huit heures;

– former des granules en pressant le produit obtenu à une pression d'environ 4 kbar;

– fritter les granules en les recuisant à une température de 500 à 900 °C durant une demi-heure à trois heures.

 

[61]        Il est mentionné que la température et la durée des étapes de la décomposition et du frittage (Figure 3), ainsi que le contenu en oxygène du composé final (pages 17 à 19) ont un effet sur la Tc. Bien que ces matières dépendent grandement des procédés, le mémoire descriptif explique comment procéder à la réaction afin de former le produit désiré.


 

[62]        Il est clair que ces matières ont fait l'objet d'un protocole synthétique bien défini, à suivre par la personne versée dans l'art. Cet enseignement signifie que le demandeur a habilité l'invention revendiquée. De plus, le demandeur n'a pas à faire l'essai de toutes les combinaisons possibles, mais il doit enseigner la manière de faire fonctionner l'invention revendiquée. Une personne versée dans l'art, disposant en plus de connaissances générales, aurait pu effectuer les expériences préalables habituelles, mais aurait été capable d'utiliser l'enseignement de l'invention pour fabriquer des compositions supraconductrices ayant une Tc supérieure ou égale à 26 K. Les compositions du demandeur sont, par conséquent, habilitées pour toute la portée des revendications.

 

[63]        Les présentes revendications concernent un vaste nombre de versions que l'on peut préparer et dont on peut valablement prédire qu'elles seront supraconductrices. Étant donné que chaque version a sa propre Tc, il y a nécessairement une plage de Tc. Cependant, il serait inapproprié de limiter la portée de la revendication en exigeant une limite supérieure, car la limite supérieure est efficacement dictée par la formule générique, c.-à-d. que la plus haute Tc possible est propre à chacune de nombreuses compositions possibles. Il serait aussi déraisonnable de s'attendre à ce que les présents inventeurs aient découvert la meilleure version (c.-à-d. à la Tc la plus élevée), et la loi ne l'exige d'ailleurs pas. Tout ce que promet la revendication est que les compositions énumérées seront supraconductrices à ou au-dessus de 26 K. C'est en effet ce que les inventeurs ont découvert. Rien n'exige que les compositions revendiquées soient extraordinairement supraconductrices, c.-à-d. à une température bien supérieure à 26 K.

 

[64]        Avant la découverte du demandeur, on ne connaissait aucun supraconducteur présentant une supraconductivité à une température supérieure ou égale à 26 K. Le demandeur a remplacé les anciennes matières par la famille revendiquée de céramiques, dont il a découvert qu'elles étaient supraconductrices. Bien que certains des composés supraconducteurs du demandeur qui sont du système général Ba-La-Cu-O eussent été décrits dans la littérature (Michel et al., Rev. Chim. Min. 1984, 21, 407 et Michel et al., Mat. Res. Bull. 1985, 20, 667), leur supraconductivité n'était ni découverte, ni connue, ni même soupçonnée.

 

[65]        Exiger une température critique supérieure restreindrait inutilement les revendications.

 


[66]        Toutes les compositions énumérées dans les revendications se définissent par les atomes/éléments présents dans les matières. De plus, la portée de ces revendications est limitée par la précision selon laquelle les compositions présentent une supraconductivité à une température supérieure ou égale à 26 K. Par conséquent, nous croyons que la description est suffisante pour appuyer les revendications.

 

Conclusion – Fondement

 

[67]        Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime que l'absence de précision d'une limite supérieure de température d'activation Tc ne constitue pas une absence de fondement des revendications. En raison de cela, nous ne sommes pas d'accord avec l'évaluation de l'examinateur selon laquelle les revendications 1 à 171 ne sont pas conformes au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets.

 

 

Irrégularités introduites dans la réponse à la décision finale

 

[68]        Dans le Résumé des motifs présenté à la Commission, l'examinateur a défini onze irrégularités qui auraient été introduites par le demandeur dans les revendications modifiées en réponse à la décision finale.

 

[69]        Le demandeur a mentionné qu'il était disposé à apporter des changements aux revendications déficientes, sauf concernant les revendications soi-disant déficientes au sujet desquelles il a fourni des arguments indiquant leur conformité qui ont été retenus. Par la suite, le demandeur a proposé, le 14 janvier 2013, un ensemble de revendications modifiées reflétant les changements convenus.

 

[70]        Nous allons maintenant examiner les modifications que le demandeur se propose d'apporter à ses revendications. L'ensemble modifié consiste en 170 revendications et se base sur l'ensemble de revendications actuellement au dossier, les revendications définies comme déficientes (nouvelles irrégularités 2 à 9) dans le Résumé des motifs étant désormais modifiées. Après avoir examiné l'ensemble de revendications, nous concluons que les modifications que propose le demandeur corrigeraient les irrégularités définies dans le Résumé des motifs.

 

 

Considérations relatives à la « vieille loi »

 


[71]        Étant donné que la demande en l'espèce relevait, au moment de son dépôt, de la Loi sur les brevets telle qu'elle était rédigée avant le 1er octobre 1989 (c.-à-d. la « vieille loi »), il demeure à évaluer, en vertu de l'article 43, les revendications autrement acceptables afin de déterminer si des procédures de collision sont nécessaires. Une telle évaluation doit être faite par un examinateur à qui l'on en confie la tâche. Les réalisations potentielles par des tiers et l'impact sur eux nécessitent une approche en deux étapes. La demande sera par conséquent renvoyée à l'examinateur, afin qu'il effectue cette détermination, à la suite des modifications requises par la règle 31(c) en accord avec la présente décision.

 

 

Recommandation et modifications relatives à la règle 31(c)

 

[72]        Compte tenu des conclusions qui précèdent, nous recommandons l'annulation du rejet de la demande.

 

[73]        Nous recommandons de plus que le commissaire invite le demandeur, conformément au paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets, à supprimer les revendications présentées en réponse à la décision finale et à accepter la déclaration officielle des modifications proposées le 14 janvier 2013 dans les trois mois de la date de la présente décision. Le manquement à cette obligation aurait pour résultat une non-conformité de la demande avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, car certaines revendications seraient de portée plus vaste que l'invention.

 

[74]        Enfin, nous recommandons que :

 

(i)    le demandeur soit invité à n'apporter que la modification ci-dessus dans les trois mois de la date de la décision du commissaire;

 

(ii)   le demandeur soit informé que s'il n'apporte pas la modification ci-dessus et seulement la modification ci-dessus dans le délai requis, le commissaire a l'intention de rejeter la demande;

 

(iii)  le demandeur soit informé que s'il apporte la modification ci-dessus et seulement la modification ci-dessus dans le délai requis, le commissaire a l'intention de renvoyer la demande à l'examinateur afin que celui-ci l'accepte, sauf si l'article 43 de la Loi sur les brevets exige des procédures.

 

 


 

 

Serge J. Meunier                          Mark Couture                              Ed MacLaurin

Membre                                        Membre                                        Membre

 

 

Décision du commissaire

 

[75]        Je suis d'accord avec les conclusions et la recommandation de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent,

 

(i)   J'invite le demandeur à apporter les modifications ci-dessus et seulement celles-ci dans les trois mois de la date de la présente décision, à défaut de quoi j'ai l'intention de rejeter sa demande;

 

(ii)  Si ces modifications et seulement celles-ci sont apportées dans le délai prévu, le rejet de l'examinateur sera considéré comme ayant été annulé. La demande sera alors renvoyée à l'examinateur pour d'éventuelles procédures en vertu de l'article 43 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire des brevets

 

 

Fait à Gatineau, Québec

ce 19e jour de février 2013

 

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