Brevets

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                  BUREAU CANADIEN DES BREVETS

                               

                               

                               

             DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

                               

                                

                               

                               

                               

                               

La demande de brevet no 2510557 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur

les brevets, elle a fait l'objet d'un réexamen conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les

brevets par la Commission d'appel des brevets et la commissaire aux brevets. Les

recommandations de la Commission et la décision du commissaire suivent.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

Smart & Biggar

Case postale 2999, Succursale D

Ottawa, Ontario

K1P 5Y6

 


 


Introduction

 

[1] La présente décision aborde l'examen du rejet de la demande de brevet no 2510557

    intitulée « Plants de tomate présentant une résistance à la Botrytis cinerea »

    déposée le 22 avril 2003 par les codemandeurs Seminis Vegetable Seeds, Inc. et Cornell

    Research Foundation, Inc.

 

[2] Un résumé des motifs a été transmis à la Commission d'appel des brevets (la Commission)

    le 5 mai 2011; ce résumé énumère les motifs de rejet suivants :

 

       Toutes les revendications violent l'interdiction visant le double brevet à caractère

       évident;

       Certaines revendications ne sont pas suffisamment étayées, car elles ne permettent pas

       de déterminer si le fondement factuel étaye la prédiction pour l'ensemble de la portée

       des revendications;

       Le mémoire descriptif ne permet pas de déterminer si l'utilité fait l'objet d'une

       prédiction valable;

       Certaines revendications manquent de nouveauté;

       Certaines revendications visent des objets non brevetables, car elles abordent des

       méthodes de croisement ou de sélection de plants qui n'exigent pas une intervention

       significative d'ordre technique de l'être humain;

       Certaines revendications ont un caractère indéfini.

 

[3]  Pour les raisons données par la suite, nous recommandons que la demande soit modifiée,

     puis accueillie.

 

Contexte

 

[4]  La présente demande vise la production, la reconnaissance et la sélection de plants de

     tomates qui sont résistants au pathogène végétal Botrytis cineria [Botrytis] à l'aide de

     techniques de dépistage génétique.

 

[5]  Botrytis est un pathogène végétal qui cause une moisissure grise sur les tiges, les feuilles et

     le fruit des plants de tomates. Même si Botrytis peut infecter les tomates cultivées en serre

     et dans les champs, il s'agit d'un problème qui affecte principalement les tomates de serre,

     puisque l'environnement de la serre présente des conditions de croissance idéales pour la

     moisissure.   la date de production de la présente demande, aucune des variétés de plants

     de tomate offertes sur le marché ne présentait une résistance à Botrytis; toutefois, cette

     résistance est un trait que possèdent certaines variétés de tomates sauvages.

 

[6]  La présente description s'attarde à une méthode de production de plants de tomates

     résistants à Botrytis basée sur la sélection à l'aide d'un marqueur permettant de déceler les

     plants qui ont le trait désiré. Cette méthode prévoit le croisement d'une variété

     commerciale de plants de tomates, soit la Lycopersicon esculentum [L. esculentum ], avec

     une variété sauvage, la Lycopersicon hirsutum [L. hirsutum ]. L'objectif est de créer un

     plant qui conserve les qualités commerciales désirables tout en acquérant la résistance à la

     maladie que possède la variété sauvage. La divulgation vise plus précisément la production

     de plants de tomates hybrides résistants à Botrytis créés par l'introgression d'une région

     provenant du chromosome 10 de la L. hirsutum dans le génome de la L. esculentum. Plus

     important encore, cette région a été définie par des marqueurs moléculaires précis qui

     peuvent être utilisés pour reconnaître et choisir des plants de tomates qui ont de fortes

     chances de posséder cette résistance à Botrytis.

 

[7]  Même si la résistance à Botrytis peut être évaluée à l'aide de méthodes traditionnelles pour

     le dépistage de la maladie, ces méthodes comportent un grand nombre de facteurs

     indésirables. Plus précisément, elles demandent beaucoup de temps et de travail, elles sont

     coûteuses et peuvent ne pas être entièrement dignes de confiance en raison de facteurs

     environnementaux. Elles exigent de soumettre des plantes ou des parties de plantes au

     champignon Botrytis pour noter les plantes en fonction de leur résistance ou de leur

     susceptibilité à la maladie. Les plantes présentant un phénotype de résistance à Botrytis et

     possédant les caractéristiques désirables du point de vue du commerce sont alors

     sélectionnées; elles se pollinisent les unes les autres durant plusieurs générations afin que

     la résistance et les caractéristiques désirables soient maintenues. Cette méthode

     d'évaluation des plantes lors d'essais sur le terrain nécessite beaucoup de temps et de

     travail, en plus de monopoliser d'énormes parcelles de terrain ou de grandes parties de

     serres pour la croissance d'une population importante de plants. En outre, ces types

     d'essais sur le terrain peuvent également être influencés par des facteurs

     environnementaux, ce qui pourrait entraîner des résultats erronés.

 

[8]  Dans le présent cas, le Demandeur affirme que l'emploi de la sélection à l'aide d'un

     marqueur présente de nombreux avantages par rapport aux programmes de croisement

     conventionnels qui se fient aux tests de dépistage de la maladie. Plus particulièrement, les

     marqueurs moléculaires sont relativement simples à détecter, ils surviennent

     indépendamment des conditions environnementales et peuvent être détectés dès le stade de

     plantules, ce qui permet d'éliminer les plants indésirables rapidement. Ces avantages se

     traduisent par un programme de sélection beaucoup plus court, réduisant la durée de

     plusieurs années à quelques mois ou même à quelques semaines, et donc d'énormes

     économies financières. Par ailleurs, le Demandeur affirme que les méthodes revendiquées

     pour la production de plants de tomates résistants à Botrytis à l'aide du programme de

     sélection à l'aide d'un marqueur nécessitent une intervention humaine importante.

 

 

Procédure de délivrance

 

[9]    la suite de plusieurs rapports du Bureau des brevets, la demande a été repoussée dans

     une procédure de décision finale datée du 11 décembre 2009. La demande était jugée

     déficiente pour les raisons suivantes : certaines revendications manquent de nouveauté,

     certaines revendications enfreignent l'interdiction visant le double brevet à caractère

     évident, certaines revendications visent des objets non brevetables et certaines

     revendications n'étaient pas étayées par la description. L'analyse portant sur l'absence de

     soutien était accompagnée d'une objection à l'égard du mémoire descriptif, car celui-ci ne

     fournissait pas une divulgation suffisante.

 

[10] En réponse à la procédure de décision finale, le demandeur a choisi de remplacer les

     revendications au dossier par un ensemble de 37 revendications modifiées, et de maintenir

     ses allégations au fait que les revendications sont brevetables.

 

[11] L'examinateur a maintenu le rejet et souligné dans un résumé des motifs soumis à la

     Commission que le Demandeur n'était pas parvenu à corriger les défauts soulevés dans la

     procédure de décision finale. L'examinateur a également cerné un nouveau motif de rejet,

     c'est-à-dire le caractère indéfini.

 

[12] Un comité composé de trois membres de la Commission a été mis sur pied; après une

     revue initiale, le comité a transmis par lettre au demandeur d'autres observations. Plus

     particulièrement, il a souligné que le problème relié au double brevet n'était plus considéré

     comme un enjeu en suspens, puisque la demande de brevet parallèle 2444536 avait été

     abandonnée et ne pouvait plus être rétablie aux termes du paragraphe 73(3) de la Loi sur

     les brevets (la Loi). Le comité a également tenu compte du fait que, puisque les

     conclusions relatives à l'étaiement et au caractère réalisable sont fondées sur l'absence

     d'une prédiction valable quant à l'utilité de l'invention, ce défaut devrait être abordé aux

     termes de l'article 2 de la Loi. Finalement, le comité a demandé au Demandeur de

     différencier certaines revendications qui semblaient redondantes les unes par rapport aux

     autres.

 

[13] Le comité a réitéré les défauts suivants :

 

          les revendications 1-37 enfreignent les dispositions de l'article 2 de la Loi, car elles

          échouent au test relatif à la prédiction valable d'utilité;

          les revendications 25, 26, 28 et 29 enfreignent les dispositions de l'alinéa 28.2(1)a)

          de la Loi, car elles manquent de nouveauté;

          les revendications 1 à 5, 10 à 14, 27 et 30à 36 enfreignent les dispositions de

          l'article 2 de la Loi, car elles visent des méthodes de sélection des végétaux non

          brevetables;

          les revendications 1, 6, 10, 15, 20, 27, 28 et 31 enfreignent les dispositions du

          paragraphe 27(4) de la Loi, car elles sont indéfinies.

 

[14] En réponse au résumé des motifs et à la lettre du comité, le Demandeur a déposé des

     observations écrites auprès de la Commission, lesquelles ont servi de fondement à leur

     présentation lors de l'audience orale qui s'est tenue le 27 mai 2013. Dans ses observations,

     le Demandeur a suggéré l'examen de deux autres jeux de revendications, soit un ensemble

     de revendications principales et un ensemble de revendications auxiliaires. Ces jeux ont été

     soumis dans le but de corriger les défauts relatifs à l'absence d'une prédiction valable

     quant à l'utilité pour toutes les revendications, au manque de nouveauté et au caractère

     indéfini.

 

[15] Même si cet examen est réalisé en fonction des revendications déposées en réponse à la

     procédure de décision finalement, comme indiqué ci-dessous, les deux autres jeux, soit

     l'ensemble principal et l'ensemble de revendications auxiliaires, seront également abordés.

 

Les enjeux

 

[16] Étant donné les motifs de rejet cités par l'examinateur et les observations faites par le

     comité lors de l'examen initial, nous devons aborder les questions suivantes :

         (1) Peut-on faire une prédiction valable à l'effet que l'introgression de l'ADN de la

         L. hirsutum comprenant un des marqueurs énumérés dans les revendications dans le

         génome de la L. esculentum confère une résistance à Botrytis?   

         (2) Les cellules revendiquées manquent-elles de nouveauté?

         (3) Les méthodes revendiquées incluant des étapes de croisement conventionnelles

         peuvent-elles être brevetées?

         (4) Certaines revendications sont-elles indéfinies en raison de l'utilisation de termes

         redondants et de l'absence de différences clairement définies quant à leur portée

         relative les unes par rapport aux autres?

 

Les revendications

 

[17] Les revendications 1à 37 versées au dossier contient 10 revendications indépendantes

     définissant des méthodes pour la production, la reconnaissance de plants de tomates et des

     cellules résistants à Botrytis, ainsi que l'utilisation de marqueurs moléculaires précis du

     chromosome 10 afin de reconnaître les plants de tomates résistants à Botrytis. Les

     revendications suivantes sont représentatives des revendications jugées fautives :

 

      1.     Une méthode pour la production de plants de tomates qui, après être entrés en contact avec le

      champignon Botrytis, démontrent une résistance à ce pathogène, où le plant de tomates est produit par

      une méthode comprenant les étapes suivantes :

           a.    la reconnaissance d'un plant donneur Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis;

           b.    le croisement d'un plant résistant à Botrytis de l'étape a) avec un plant de tomates de type

           Lycopersicon esculentum receveur qui ne possède pas ou ne possède qu'une résistance

           moyenne à Botrytis et qui possède des caractéristiques désirables du point de vue commercial;

           c.    l'isolation du matériel génétique de la descendance du croisement entre le plant donneur et le

           plant receveur susmentionnés;

           d.    la sélection moléculaire à l'aide d'un marqueur moléculaire du chromosome 10 associé à la

           résistance à Botrytis :

                i.   la reconnaissance d'une région introgressée d'un plant de type Lycopersicon hirsutum

                résistant à Botrytis comprenant un marqueur moléculaire sélectionné dans un groupe

                composé des éléments suivants : TG408, TG285, CT260C, CT112B, CT203, CT42, h,

                PGAL, TG420, CD34B et CT20;

                ii.  la reconnaissance d'une région supérieure comprenant un marqueur moléculaire

                homozygote Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des

                éléments suivants : CT113C, TG271, TG230, TG313, hy, TG399A, CT105B, CT41,

                TG122, CAB7, TG63, TG395, nor, CT16, CD77, TG303, CD56, CT125, CT60,

                TG540, CAB8, u, TG566, PTC1, CT234, TG148, CD38A, TG12, TG596, TG148,

                CD38A, TG12, CD45, TG11, TG560, CT91A, TG52, TG545, TG43, CT66 et

                CT126A;

                iii. la reconnaissance d'une région inférieure comprenant un marqueur moléculaire

                homozygote Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des

                éléments suivants : CD72, CD34A, CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229,

                TG403, CT95, TG663, HTS1C, TG63, TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et

                CD32B.

 

        6.   Une méthode pour reconnaître un plant de tomates de type Lycopersicon esculentum résistant à

        Botrytis, la méthode comprenant les étapes suivantes : 

            a.   l'isolation du matériel génétique d'un plant de tomates de type Lycopersicon esculentum;

            b.   la sélection moléculaire à l'aide de marqueurs dans le but de cerner des marqueurs

            moléculaires du chromosome 10 associés à la résistance à Botrytis :

                i.   la reconnaissance d'une région d'un plant de type Lycopersicon hirsutum résistant à

                Botrytis comprenant un marqueur moléculaire sélectionné dans un groupe composé

                des éléments suivants : TG408, TG285, CT260C, CT112B, CT203, CT42, h, PGAL,

                TG420, CD34B et CT20;

                ii.  la reconnaissance d'une région supérieure comprenant un marqueur moléculaire

                homozygote Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des

                éléments suivants : CT113C, TG271, TG230, TG313, hy, TG399A, CT105B, CT41,

                TG122, CAB7, TG63, TG395, nor, CT16, CD77, TG303, CD56, CT125, CT60,

                TG540, CAB8, u, TG566, PTC1, CT234, TG148, CD38A, TG12, TG596, TG148,

                CD38A, TG12, CD45, TG11, TG560, CT91A, TG52, TG545, TG43, CT66 et

                CT126A;

                iii. la reconnaissance d'une région inférieure comprenant un marqueur moléculaire

                Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des éléments suivants :

                CD72, CD34A, CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229, TG403, CT95,

                TG663, HTS1C, TG63, TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et CD32B.

 

      25. Une cellule d'un plant de tomates produite selon la revendication 1 ou la revendication 10, où ladite

      cellule comprend :

                 i.  une région d'un plant Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis à l'aide d'une

                 région du chromosome 10 comprenant un marqueur moléculaire sélectionné dans

                 un groupe composé des éléments suivants : TG408, TG285, CT260C, CT112B,

                 CT203, CT42, h, PGAL, TG420, CD34B et CT20;

                 ii. une région supérieure du chromosome 10 comprenant un marqueur moléculaire

                 homozygote Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des

                 éléments suivants : CT113C, TG271, TG230, TG313, hy, TG399A, CT105B,

                 CT41, TG122, CAB7, TG63, TG395, nor, CT16, CD77, TG303, CD56, CT125,

                 CT60, TG540, CAB8, u, TG566, PTC1, CT234, TG148, CD38A, TG12, TG596,

                 TG148, CD38A, TG12, CD45, TG11, TG560, CT91A, TG52, TG545, TG43, CT66

                 et CT126A;

                 iii.     une région inférieure du chromosome 10 comprenant un marqueur moléculaire

                 Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des éléments

                 suivants : CD72, CD34A, CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229,

                 TG403, CT95, TG663, HTS1C, TG63, TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et

                 CD32B.

 

      37.    L'emploi d'un marqueur moléculaire du chromosome 10 de plants de tomates présentant une

      résistance à Botrytis, où le marqueur moléculaire en question comprend une région introgressée d'un

      plant Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis sélectionnée dans un groupe composé des éléments

      suivants : TG408, TG285, CT260C, CT112B, CT203, CT42, h, PGAL, TG420, CD34B et CT20;

      pour la reconnaissance d'un plant de tomates qui, au contact du champignon Botrytis, démontre une

      résistance à ce pathogène.

 

Interprétation téléologique

   

[18] Il faut faire une interprétation téléologique avant d'examiner les enjeux relatifs à la validité

     ou à la violation de brevets. Lors de l'interprétation téléologique, les éléments de

     l'invention revendiquée sont jugés essentiels ou non essentiels : Free World Trust c.

     Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust]. Pour qu'un élément soit jugé non

     essentiel, « il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes

     employés dans la revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit

     essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art

     aurait constaté qu'un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le

     fonctionnement de l'invention » (Free World Trust, paragr. 55). 

 

[19] En outre, une interprétation téléologique des revendications [TRADUCTION] « nécessite

     leur interprétation à la lumière de la divulgation entière, incluant le mémoire descriptif ».

     Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67. On estime également que d'aucuns

     reconnaissent qu'« une invention brevetable est une solution ingénieuse à un problème

     concret » et « l'invention doit donc être divulguée (puis revendiquée) pour pouvoir être

     utilisée par la personne versée dans l'art. » : avis sur les brevets intitulé « Directives de

     pratique suite à l'arrêt Amazon CAF » publié le 8 mars 2013 et la note PN 2013-02

     afférente.

 

     La « personne versée dans l'art »

 

[20] La description et les revendications traitent de sélection des végétaux et de biologie

     moléculaire. Cela suggère que la personne versée dans l'art inclut un spécialiste de la

     sélection des végétaux et un biologique moléculaire. Ainsi, la personne versée dans l'art

     posséderait les compétences suivantes : expertise de la sélection des végétaux

     traditionnelle et expertise de l'application des techniques moléculaires pour la sélection à

     l'aide de marqueurs fondés sur l'ADN, afin de reconnaître et de choisir des traits désirés.

     Cette caractérisation de la personne versée dans l'art et de ses connaissances générales

     communes est cohérente avec le contexte général des deux scientifiques en recherche des

     traits caractéristiques génétiques qui ont déposé des déclarations au nom du Demandeur.

     Ces déclarations cernent des éléments plus précis, connexes aux connaissances générales

     communes, et seront abordées à un point ultérieur des motifs.

 

     Le problème et la solution abordés par l'invention

 

[21] Selon la description, l'invention qui est soumise traite de méthodes pour la création de

     nouveaux plants de tomates hybrides résistants à Botrytis et possédant des caractéristiques

     désirables du point de vue du commerce. Contrairement aux programmes de sélection

     conventionnels, lesquels recourent à des tests de dépistage de la maladie pour déterminer

     les plants hybrides possédant les traits recherchés, la présente invention met de l'avant des

     méthodes améliorées pour la production de plants de tomates résistant à Botrytis par

     l'inclusion de la sélection à l'aide de marqueurs pour sélectionner les plants résistants.

 

[22] Plus précisément, la description divulgue la caractérisation moléculaire des plants de

     tomates résistants à Botrytis ou susceptibles d'être infectés par le champignon. Les plants

     de tomates présentant une résistance à Botrytis contiennent une région précise du

     chromosome 10 qui n'est pas présente dans les plants de tomates qui sont susceptibles

     d'être infectés par le champignon. La région a été identifiée comme étant une introgression

     d'ADN provenant d'une espèce de tomates sauvages, la L. hirsutum, dans le bagage

     génétique de la variété commerciale, la L. esculentum. Une carte de liaison génétique du

     chromosome 10 conçue en combinant les lignes d'un plant résistant à Botrytis et d'un

     plant susceptible d'être infecté a été utilisée pour cerner précisément les marqueurs

     moléculaires des plants L. hirsutum associés à une résistance à Botrytis. L'emploi de ces

     marqueurs pour déterminer les plants de tomates résistants à Botrytis se reflète dans la

     méthode décrite dans la revendication 1.

 

     Interprétation téléologique de la revendication 1

 

[23] Le préambule de la revendication souligne sa raison d'être : elle vise une « Une méthode

     pour la production de plants de tomates qui, après être entré en contact avec le

     champignon Botrytis, démontre une résistance à ce pathogène ». Une interprétation

     littérale de cette expression peut suggérer que le croisement de la variété commerciale de

     plants de tomates, la L. esculentum, avec une variété sauvage, la L. hirsutum, suffit pour

     obtenir ce résultat. Toutefois, l'interprétation téléologique de cette expression n'étaye pas

     une telle conclusion, car, comme indiqué plus haut (paragr. [21]), l'invention soumise

     traite de méthodes améliorées pour la production de plants de tomates résistant à Botrytis

     par l'inclusion de la sélection à l'aide de marqueurs pour sélectionner les plants résistants.

     Ainsi, nous interprétons le terme « production » utilisé dans le préambule comme signifiant

     non seulement le croisement des plantes, mais également le dépistage de la descendance et

     la sélection des plants qui présentent cette résistance à Botrytis.

 

[24] Le préambule est suivi d'une phrase de transition, « comprenant », qui caractérise les

     éléments énumérés par la suite. Les éléments cités dans la revendication définissent une

     série d'étapes qui doivent être réalisées pour obtenir le résultat désiré annoncé dans le

     préambule. Comme l'analyse ci-dessous l'explique, tous les éléments sont essentiels pour

     le fonctionnement l'invention revendiquée.

 

[25] Cette méthode est constituée d'une série de quatre étapes. Les deux premières étapes

     abordent le croisement entre un plant donneur et un plant receveur. Le plant donneur est

     défini comme étant un plant de tomates « Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis »,

     alors que le plant receveur est un « plant de tomates de type Lycopersicon esculentum qui

     ne possède pas ou ne possède qu'une résistance moyenne à Botrytis mais qui possède des

     caractéristiques désirables du point de vue commercial ». Le croisement de ces deux plants

     est essentiel, puisque la production d'un plant de tomates résistant à Botrytis, mais

     possédant les caractéristiques désirables du point de vue commercial nécessite le transfert

     de matériel génétique du plant donneur au plant receveur.

 

[26] Les deux dernières étapes abordent la reconnaissance et la sélection de plants spécifiques

     issus du croisement entre le plant donneur et le plant receveur. Ces étapes prévoient

     « l'isolation du matériel génétique de la descendance du croisement entre les plants

     donneur et receveur susmentionnés » et « la sélection moléculaire à l'aide d'un marqueur

     moléculaire du chromosome 10 associé à la résistance à Botrytis. » Il est évident, en se

     fondant sur la description, que la reconnaissance de la région du chromosome 10 associée

     à la résistance à Botrytis ne faisait pas partie des connaissances générales communes à la

     date de la revendication. Par conséquent, la sélection spécifique des plants descendants à

     l'aide de techniques moléculaires pour cerner cette région est distincte des méthodes de

     sélection des végétaux conventionnelles, lesquelles se fondent sur des tests de dépistage

     du pathogène pour la sélection phénotypique des descendants précis. La personne versée

     dans l'art n'aurait pas estimé que la reconnaissance par la sélection à l'aide de marqueurs

     pouvait être substituée par une technique de dépistage conventionnelle sans influencer le

     fonctionnement de l'invention. En conclusion, les étapes citées pour la reconnaissance et la

     sélection de descendants spécifiques sont essentielles à la solution, qui vise la prestation

     d'une méthode améliorée pour la production de plants de tomates résistant à Botrytis.

 

[27]  Par conséquent, les quatre étapes énumérées dans la méthode de la revendication 1

      définissent des caractéristiques essentielles de la solution revendiquée. Toutefois, comme

      nous l'indiquerons à un point ultérieur des présents motifs, tous les marqueurs moléculaires

      définis dans l'étape de la sélection à l'aide de marqueurs ne sont pas essentiels à la solution.

      Nos conclusions quant à la prédiction valable jettent un éclairage nouveau sur les régions

      du chromosome 10 du plant L. hirsutum qui confèrent la résistance à Botrytis et les régions

      du chromosome 10 du type L. esculentum associées à la rétention des caractéristiques

      désirables de la variété commerciale. Ainsi, seuls les marqueurs définissant ces régions sont

      essentiels pour l'étape de sélection à l'aide de marqueurs.

 

    Revendications 6, 15 et 20

 

[28]  Les autres revendications indépendantes définissent d'autres manifestations de l'invention.

      Les revendications 6, 15 et 20 définissent des méthodes pour reconnaître un plant de

      tomates résistant à Botrytis. Ces méthodes ne se fondent que sur les deux dernières étapes

      énoncées dans la méthode de la revendication 1, soit la reconnaissance et la sélection de

      plants spécifiques obtenus par le croisement de plants donneurs et receveurs. Nous avons

      déjà établi dans notre analyse de la revendication 1 que ces étapes sont essentielles pour la

      production de plants de tomates résistants à Botrytis.

 

    Revendications 10, 27 et 31

 

[29]  Les revendications indépendantes 10, 27 et 31 sont des revendications axées sur le procédé

      semblables à la revendication 1, sauf que chacune de ces revendications contient des étapes

      additionnelles qui surviennent après le croisement des plants donneur et receveur, mais

      avant la reconnaissance et la sélection de plants descendants particuliers. Ces étapes

      prévoient : l'obtention d'une graine provenant du premier croisement, l'ensemencement de

      cette graine et la croissance d'un premier plant, l'obtention d'une nouvelle graine

      provenant de ce premier plant, et l'ensemencement de la seconde graine pour la croissance

      d'un second plant.

   

    Revendications 25 et 28

 

[30]  Les revendications indépendantes 25 et 28 définissent les cellules qui sont produites par la

      méthode 1, 10 ou 27. Ces cellules sont caractérisées par la présence de marqueurs

      moléculaires précis qui identifient la région du chromosome 10 qui a été introgressée du

      plant L. hirsutum résistant à Botrytis et les régions du chromosome 10 qui sont présentes

      dans le génome de la variété commerciale L. esculentum. L'invention s'articule autour de la

      création d'un plant de tomates hybride présentant la résistance à Botrytis possédant les

      caractéristiques commerciales désirées; il est donc logique de conclure que les régions du

      chromosome 10 associées à ces traits sont essentielles.

 

[31]  Comme susmentionné au paragraphe [27], nos conclusions quant à la prédiction valable

      jettent un éclairage nouveau sur les régions du chromosome 10 du plant L. hirsutum qui

      confèrent la résistance à Botrytis et les régions du chromosome 10 du type L. esculentum

      associées à la rétention des caractéristiques désirables de la variété commerciale. Par

      conséquent, seuls les marqueurs définissant ces régions sont jugés essentiels. Comme nous

      l'expliquerons à un point ultérieur des motifs, cette décision sera utile pour notre évaluation

      des jeux de revendications principales et auxiliaires soumis auprès de la Commission par le

      Demandeur, lesquels seront abordés lors de l'analyse portant sur la nouveauté de

      l'invention.

 

    Revendication 37

 

[32]  La revendication indépendante 37 définit l'emploi de marqueurs moléculaires précis du

      chromosome 10 du plant L. hirsutum pour la reconnaissance des plants de tomates

      résistants à Botrytis. En nous basant sur notre raisonnement expliqué plus haut, nous

      estimons que la définition des marqueurs moléculaires spécifiques permettant de cerner la

      région du chromosome 10 introgressée d'un plant de tomates L. hirsutum résistant à

      Botrytis est un élément essentiel.

 


Enjeu 1 :    Peut-on faire une prédiction valable à l'effet que l'introgression de

             l'ADN de la L. hirsutum comprenant un des marqueurs énumérés dans

             les revendications dans le génome de la L. esculentum confère une

             résistance à Botrytis?

   

    Cadre juridique

 

[33]  L'enjeu découle du critère à l'égard de l'utilité de l'invention, conformément à l'article 2 de

      la Loi sur les brevets, où le terme « invention » est défini ainsi :

      Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que

      tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

 

[34]  Le principe général est qu'à la date de la demande de brevet, l'inventeur doit être en mesure

      d'établir l'utilité de l'invention au moyen d'une démonstration ou d'une prédiction valable :

      Apotex Inc.c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77 [AZT]. Si une invention n'est pas

      fondée sur une utilité démontrée, il faut alors déterminer si l'utilité a fait l'objet d'une

      prédiction valable.

 

[35]  Comme la Cour le souligne dans l'arrêt AZT, la doctrine de la prédiction valable est

      composée de trois éléments :

 

      1)     la prédiction doit avoir un fondement factuel;

      2)     l'inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d'inférer du

             fondement factuel le résultat souhaité;

      3)     il doit y avoir divulgation suffisante.

 

Position de l'examinateur et observations initiales du comité

 

[36]  Dans la procédure de décision finale et dans le résumé des motifs, l'examinateur allègue

      qu'il n'y a aucun fondement factuel quant à l'utilité des méthodes lorsque l'ADN

      introgressée ne contient qu'un seul des marqueurs moléculaires entre le TG408 et le CT20.

      La description divulgue que certaines des introgressions des deux lignes démontrant une

      résistance à Botrytis identifiées se chevauchent, et que ces introgressions incluent

      l'ensemble de la région du chromosome 10, du marqueur TG408 au marqueurTG403. Par

      conséquent, l'examinateur a conclu que les revendications doivent préciser que l'ADN

      introgressée contient cette région.

 

[37]  Le comité souligne également dans son exposé d'examen initial que la description actuelle

      divulgue plusieurs lignes hybrides de plants de tomates qui n'étaient pas associées au trait

      désiré, c'est-à-dire la résistance à Botrytis. En outre, toutes ces lignes semblent contenir

      une introgression de l'ADN de la L. hirsutum comportant au moins un des marqueurs

      moléculaires énumérés dans les revendications.

 

La thèse du demandeur

 

[38]  En réplique au résumé des motifs et dans son mémoire écrit soumis à la Commission, le

      Demandeur affirme que la spécification telle que déposée appuie une prédiction valable que

      la présence d'une introgression du chromosome 10 de la L. hirsutum entre les

      marqueurs TG408 et CT20 est associée à la résistante à Botrytis, et qu'un ou plusieurs

      marqueurs de la L. hirsutum entre ces marqueurs inclusivement peut être utilisé pour la

      sélection à l'aide de marqueurs d'un plant résistant à Botrytis. Pour étayer sa position, le

      Demandeur a déposé des déclarations signées par des scientifiques en recherche des traits

      caractéristiques génétiques reconnus dans le domaine de la sélection moléculaire végétale.

 

Analyse

 

    Fondement factuel

 

[39]  Le test pour la prédiction valable est résumé au paragr. [35]. Le premier élément de

      l'analyse vise à déterminer s'il y a un fondement factuel étayant la prédiction.

 


[40]  Le seul fondement factuel est constitué des exemples donnés dans la description et les

      figures connexes. Pour faciliter notre analyse, la carte de liaison génétique du

      chromosome 10 pour diverses lignes de plants résistants à Botrytis et de plants susceptibles

      d'être infectés fournie par le Demandeur dans ses observations écrites a été reproduite en

      partie ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[41]     La carte de liaison génétique ci-dessus relève les marqueurs moléculaires présents dans le

         chromosome 10 et indique les régions précises qui représentent l'introgression de l'ADN

         d'un plant L. hirsutum dans le code génétique d'un plant commercial L. esculentum.

         Comme le soulignait l'examinateur, certaines des introgressions des deux lignes

         démontrant une résistance à Botrytis (TA1549 et TA1551) se chevauchent, et ces

         introgressions incluent l'ensemble de la région du chromosome 10, du marqueur TG408

         au marqueurTG403. Ces chaînes contiennent également une région supérieure, par rapport

         à l'introgression, comprenant des marqueurs de la L.esculentum. Cette région de

         chevauchement de l'ADN L. esculentum entre les chaînes de résistance à Botrytis

         comprend les marqueurs moléculaires TG148 et CT91A. Il n'y a aucune preuve que ces

         traits désirables de la variété commerciale sont conservés lorsque cette région supérieure

         est absente. Par conséquent, a minima, la région supérieure de l'ADN de la L. esculentum

         fait partie de la base pour la prédiction valable et doit donc être présente. Aucune région

         inférieure de l'ADN de la L. esculentum, par rapport à l'introgression, n'est nécessaire

         puisqu'il n'y aucune trace de l'ADN de la L. esculentum dans la région de la chaîne de

         résistance à Botrytis du marqueur TA1549.

[42]  En revanche, les trois chaînes qui ne démontrent aucune résistance à Botrytis (TA1552,

      TA1337 et TA1555) contiennent toutes une région introgressée de la L. hirsutum entre les

      marqueurs moléculaires CT20 et TG403, inclusivement. En outre, il est évident, en

      examinant le diagramme schématique que la chaîne TA1337, par exemple, aurait été relevée

      en suivant les étapes de la revendication pour la sélection moléculaire à l'aide de marqueurs.

      Comme défini à la revendication 1, la chaîne TA1337 contient le marqueur

      moléculaire CT20 du type L. hirsutum et les marqueurs moléculaires CT126A et CD32B de

      la L. esculentum. Toutefois, il a été spécifiquement prouvé que cette chaîne ne possède pas

      de résistance à Botrytis.

 

[43]  La preuve de cette inutilité dans la portée de toutes les revendications 1 à 37 rend les

      revendications non conformes à l'article 2 de la Loi, et nous ne nous attarderons pas

      davantage au raisonnement valable et à la divulgation adéquate des revendications au

      dossier.

 

[44]  Étant donné que les revendications au dossier sont jugées inutiles, nous évaluerons

      maintenant si les jeux de revendications principales et auxiliaires soumis à la Commission

      peuvent corriger ce défaut. En ce qui a trait au jeu de revendications principales, nous

      constatons que ces revendications mentionnent également la détection d'une région

      introgressée de la L. hirsutum comprenant n'importe lequel des marqueurs moléculaires

      entre les marqueurs CT20 et TG403, inclusivement. Par conséquent, ces revendications

      englobent également une matière qui a été prouvée inutile.

 

[45]  En revanche, le jeu de revendications auxiliaires corrige ce défaut en caractérisant la région

      introgressée de la Lycopersicon hirsutum comme comprenant une partie supérieure

      constituée du marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure constituée du marqueur

      moléculaire CT20; cette région ne se trouve pas dans les chaînes n'ayant pas la résistance à

      Botrytis. Par conséquent, nous évaluerons le raisonnement valable et la divulgation en lien

      avec le jeu de revendications auxiliaires soumis à la Commission.

 

    Raisonnement valable

 

[46]  Le second élément du test pour la prédication valable est le raisonnement clair et « valable »

      qui permet d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité.

 

    Région de l'ADN de la L. hirsutum introgressée associée à la résistance à Botrytis

 

[47]  En utilisant les représentations schématiques de l'ADN introgressée, la personne versée

      dans l'art jugerait raisonnable de conclure que la région introgressée de la L. hirsutum entre

      les marqueurs moléculaires TG408 et CT20, inclusivement, est associée à une résistance à

      Botrytis. Malgré le fait qu'une comparaison de l'ADN introgressée de la L. hirsutum de

      deux chaînes résistantes à Botrytis (TA1549 et TA1551) relève une région de

      chevauchement incluant les marqueurs moléculaires TG408 et TG403, la personne versée

      dans l'art jugerait également que la constitution génétique de trois chaînes hybrides

      (TA1552, TA1337 et TA1555) n'indiquant aucune résistance à Botrytis est pertinente. Plus

      particulièrement, ces trois chaînes contiennent toutes une région introgressée de la

      L. hirsutum entre les marqueurs moléculaires CT20 et TG403, inclusivement. De toute

      évidence, la présence seule de cette région inférieure de l'ADN introgressé de la

      L. hirsutum ne suffit pas à déceler les plants de tomates qui démontrent une résistance à

      Botrytis. Compte tenu de ces conclusions, la personne versée dans l'art estimerait

      raisonnable d'extrapoler que la région minimale introgressée de l'ADN de la L. hirsutum

      associée à la résistance à Botrytis comprend les marqueurs moléculaires TG408 et CT20.

 

    Région de l'ADN de la L.esculentum associée aux caractéristiques désirables

 

[48]  Même si le jeu de revendications auxiliaires inclut la reconnaissance d'une région

      introgréssée de la Lycopersicon hirsutum qui possède une partie supérieure comprenant le

      marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure incluant le marqueur

      moléculaire CT20, ces revendications ne précisent plus toutes les régions du

      chromosome 10 présentes dans le code génétique de la variété commerciale L. esculentum.

      Le fondement factuel ne donne aucune preuve que les traits désirables de la variété

      commerciale peuvent être conservés sans la présence d'une région supérieure, par rapport à

      l'introgression, comprenant les marqueurs moléculaires TG148 et CT91A de la

      L. esculentum (voir le paragr. [41]). En outre, le Demandeur a fourni une preuve sous

      forme de deux déclarations indiquant qu'une personne ayant les connaissances générales

      communes ordinaires comprendrait que si les deux marqueurs sont liés à un trait, tout

      marqueur entre ces deux points est également lié au trait. Nous comprenons que cette

      logique fait partie des connaissances générales communes de la personne versée dans l'art

      et qu'elle peut servir à faire le pont entre le fondement factuel et la prédiction valable : Teva

      Canada Limited c. Novartis AG, 2013 CF 141, paragr. 326. Contrairement à la situation

      constatée pour la région introgressée de la L. hirsutum, il n'y a aucune preuve d'une

      inutilité en lien avec l'emploi de ces marqueurs. Ainsi, la personne versée dans l'art jugerait

      raisonnable de déduire que la présence de tout marqueur de la L. esculentum entre les

      marqueurs TG418 et CT91A serait liée aux traits désirables de la variété commerciale.

 

    Divulgation

 

[49] Le troisième élément du test pour la prédiction valable est la divulgation adéquate. Dans

     l'arrêt Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc. et al., 2011 CAF 236, la Cour fédérale a encore

     confirmé que c'est bien le fondement factuel et le raisonnement valable sous-jacents à la

     prédiction valable qui doivent être divulgués (paragr. [52]).

 

[50]      En nous basant sur l'analyse qui précède, nous estimons que la demande inclut une

          divulgation appropriée pour l'utilité prédite, c'est-à-dire la détection d'une région

          introgressée de la L. hirsutum comprenant au moins un marqueur moléculaire de la partie

          supérieure TG408 et un marqueur moléculaire pour la partie inférieure CT20 qui peuvent

          servir à la reconnaissance de plants de tomates résistants à Botrytis. Une divulgation

          adéquate est également donnée quant à l'utilité de la région supérieure, par rapport à

          l'introgression, comprenant n'importe quel marqueur moléculaire entre les

          marqueurs TG148 et CT91A inclusivement de la L. esculentum, laquelle est associée à la

          rétention des traits désirables de la variété commerciale.

 

Conclusions

 

[51]      Nous estimons que les revendications versées au dossier englobent des manifestations pour

          lesquelles une absence d'utilité a été démontrée. Le jeu de revendications principales soumis

          à la Commission comporte également un défaut.

 

[52]      Toutefois, des modifications peuvent être apportées de façon à bien circonscrire la portée

          de ce qui peut faire l'objet d'une prédiction valable. Pour réussir le test de la prédiction

          valable, les revendications doivent préciser que la région introgressée de la L. hirsutum

          utilisée pour reconnaître les plants de tomates résistants à Botrytis doit à tout le moins

          comprendre un marqueur moléculaire supérieur TG408 et un marqueur moléculaire

          inférieur. Les revendications doivent également préciser la présence d'une région

          supérieure, par rapport à l'introgression, comprenant tout marqueur moléculaire entre le

          TG148 et CT91A, inclusivement, de la L. esculentum, puisqu'il n'y a aucune preuve que les

          traits désirables de la variété commerciale peuvent être conservés si cette région est

          absente.

 

[53]        cet égard, nous constatons que les revendications indépendantes 1, 6, 10, 15, 20, 25, 27,

          28 et 31 du jeu de revendications auxiliaires caractérisent la région introgressée de la

          Lycopersicon hirsutum comme comprenant une partie supérieure incluant le marqueur

          moléculaire TG408 et une partie inférieure incluant le marqueur moléculaire CT20. Cette

          limite doit être appliquée aux revendications 1, 6, 10, 15, 20, 25, 27, 28 et 31 versées au

          dossier. En outre, les revendications doivent être modifiées afin de préciser la présence

          d'une région supérieure, par rapport à l'introgression, comprenant tout marqueur

          moléculaire entre les marqueurs TG148 et CT91A, inclusivement, de la L. esculentum. Une

          fois ces deux limites ajoutées aux revendications, le critère relatif à la prédiction valable est

          rempli.

 

[54]      Aucune des limites requises n'est indiquée dans la revendication 37 du jeu de revendications

          auxiliaires. Par conséquent, la revendication 37 doit être retirée, car elle englobe la

          détection d'éléments inopérants et la revendication 37 correspondante du jeu de

          revendications auxiliaires ne fournit aucune caractéristique qui pourrait être importée afin

          de répondre au critère de prédiction valable.

 

[55]      Restreindre la portée des revendications indépendantes à ce qui peut faire l'objet d'une

          prédiction valable influence nécessairement la portée des revendications dépendantes

          connexes. Par conséquent, les revendications dépendantes 3 à 5, 7 à 9, 12 à 14, 17 à 19, 22

          à 24, 26, 29 et 33à 35 doivent être retirées, puisque leur portée ne correspond pas aux

          limites de ce qui est justifié en lien avec la prédiction valable.

 

[56]      Conformément avec les conclusions qui ont été tirées, les enjeux restants seront abordés en

          considérant les revendications telles que modifiées pour limiter leur portée à ce qui peut

          faire l'objet d'une prédiction valable. Plus précisément, les revendications doivent être

          restreintes pour définir une région introgressée de la Lycopersicon hirsutum comprenant

          une partie supérieure incluant le marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure

          constituée du marqueur moléculaire CT20 ainsi qu'une région supérieure, par rapport à

          l'introgression, comprenant tout marqueur moléculaire entre les marqueurs TG148 et

          CT91A, inclusivement, de la L. esculentum.

 

Enjeu 2 :      Les cellules revendiquées manquent-elles de nouveauté?   

 

    Cadre juridique

[57]      La disposition législative relative à la nouveauté est le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les

          brevets. Voici un extrait de ce passage :

 

          L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas :

                    (a)  plus d'un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou

                         d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement,

                         l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

                    (b)  avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d'une autre personne, l'objet

                         d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

[58]      Dans l'arrêt Free World Trust (paragr. 25), la Cour suprême a décrété que si tous les

          éléments essentiels des prétendues inventions ont été divulgués dans une seule publication

          d'une façon claire, on peut conclure à une antériorité.

 

[59]      Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], la Cour

          suprême a clarifié le test relatif à l'antériorité en appuyant explicitement une approche par

          étape selon laquelle la divulgation antérieure et le caractère réalisable doivent être examinés

          et prouvés de façon indépendante. Dans Sanofi, la Cour suprême base son raisonnement sur

          la décision rendue par la Chambre des lords, plus précisément par Lord Hoffman, dans

          l'arrêt Synthon B.V. c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All E.R. 685, [2005] UKHL 59.

 

[60]      Lorsque l'exigence de la divulgation est remplie, la Cour indique que le second élément

          établissant l'antériorité est le « caractère réalisable »,

 

          à savoir la possibilité qu'une personne versée dans l'art ait pu réaliser l'invention [paragr. 26]

 

    et elle ajoute plus loin que

 

          la personne versée dans l'art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à

          l'invention [paragr. 27]

 

Thèse de l'examinateur

 

[61]      Dans la procédure de décision finale et dans le résumé des motifs, l'examinateur allègue que

          les cellules revendiquées (revendications 25, 26, 28 et 29) ont été devancées par une ligne

          de cellules de tomates hybrides dans une étude antérieure menée avec l'aide de l'University

          Cornwell; voir Monforte et Tanksley, Genome 2000 : 43, 803-813. La ligne de cellules en

          question, TA1550, comprend une région introgressée du chromosome 10 de la L. hirsutum,

          incluant le marqueur moléculaire TG408, entourée de matériel génétique de la

          L. esculentum, incluant le marqueur supérieur CT234 et le marqueur inférieur TG241 (voir

          paragr. [40]).

 

La thèse du demandeur

 

[62]      En réponse au résumé des motifs, le Demandeur a maintenu son allégation que la

          ligne TA1550 [TRADUCTION] « ne divulgue pas une région inférieure constituée d'un

          marqueur de la L. esculentum choisi dans un groupe constitué des éléments CD72, CD34A,

          CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229, TG403, CT95, TG663, HTS1C, TG63,

          TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et CD32B. » Plus précisément [TRADUCTION]

          « la ligne TA1550 contient l'ADN de la L. hirsutum au mont aux marqueurs CD72,

          CD34A, CT57, CP49, CP65B, l2 et CT124. »

 


Interprétation téléologique de la revendication proposée 25

 

[63]      Comme susmentionné, étant donné que la portée des revendications au dossier englobe une

          matière qui a été prouvée inutile, la Commission n'examinera pas les revendications telles

          qu'elles sont établies présentement dans la demande, mais plutôt dans une version où leur

          portée se limite à ce qui peut faire l'objet d'une prédiction valable.

 

[64]  Pour faciliter notre analyse, la revendication 25 du dossier, restreinte à ce qui peut faire

      l'objet d'une prédiction valable, est transcrite ci-dessous. Cette revendication proposée est

      représentative des revendications qui doivent être examinées. Les modifications à la

      revendication, c'est-à-dire à l'égard des marqueurs moléculaires qui définissent la région de

      l'ADN introgressée de la L. hirsutum et les marqueurs moléculaires définissant la région

      supérieure, par rapport à l'introgression, de l'ADN de la L. esculentum, sont en caractères

      gras.

 

         25.   Une cellule d'un plant de tomates produite selon la revendication 1 ou la revendication 10, où

         ladite cellule comprend :

            i.      une région du chromosome 10 de la Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis comprenant

            une partie supérieure incluant le marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure

            incluant le marqueur moléculaire CT20;

            ii.     une région supérieure du chromosome 10 comprenant un marqueur moléculaire homozygote

            Lycopersicon esculentum sélectionné dans le groupe constitué des éléments suivants :

            TG148, CD38A, TG12, CD45, TG11, TG560 et CT91A;

            iii.    une région inférieure du chromosome 10 comprenant un marqueur moléculaire Lycopersicon

            esculentum sélectionné dans le groupe constitué des éléments suivants : CD72, CD34A,

            CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229, TG403, CT95, TG663, HTS1C, TG63,

            TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et CD32B.

 

[65]  La cellule de cette revendication est caractérisée par la présence de marqueurs moléculaires

      précis qui identifient la région du chromosome 10 qui a été introgressée du plant

      L. hirsutum résistant à Botrytis et les régions du chromosome 10 qui sont présentes dans le

      génome de la variété commerciale L. esculentum. Comme susmentioné (paragr. [52]), pour

      réussir le test de la prédiction valable, la région introgressée de la L. hirsutum utilisée pour

      reconnaître les plants de tomates résistants à Botrytis doit à tout le moins comprendre un

      marqueur moléculaire supérieur TG408 et un marqueur moléculaire inférieur. Nous

      estimons qu'il n'y a pas de preuve indiquant que les traits désirables de la variété

      commerciale pourraient être conservés en l'absence de la région supérieure, par rapport à

      l'introgression, comprenant n'importe quel marqueur moléculaire entre le TG148 et le

      CT91A de la L. esculentum. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, nous avons

      déterminé (au paragr. [41]) qu'il n'est pas nécessaire de préciser la présence d'une région

      inférieure, par rapport à l'introgression, comprenant un marqueur moléculaire homozygote

      de la Lycopersicon esculentum. Par conséquent, seules les deux premières caractéristiques

      définissant la cellule revendiquée sont jugées essentielles, c'est-à-dire les marqueurs

      moléculaires définissant la région du chromosome 10 qui a été introgressée du plant de

      tomates résistant à Botrytis de la variété L. hirsutum et les marqueurs moléculaires qui

      définissent la région supérieure, par rapport à cette introgression, du chromosome 10, qui

      est présente dans le génome de la variété commerciale L. esculentum.

 

Analyse fondée sur la démarche en deux étapes de l'arrêt Sanofi

 

    Divulgation

 

[66]  Même dans ce cas, la ligne de cellules, TA1550, discutée par Monforte et Tanksley,

      comporte une région introgressée de la Lycopersicon hirsutum comprenant une partie

      supérieure incluant le marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure constituée du

      marqueur moléculaire CT20 ainsi qu'une région supérieure, par rapport à l'introgression,

      comprenant tout marqueur moléculaire entre les marqueurs TG148 et CT91A,

      inclusivement, de la L. esculentum.

 

[67]  Même si la définition d'une région inférieure, par rapport à l'introgression, du

      chromosome 10 présente dans le génome de la variété commerciale L. esculentum n'est pas

      jugée non essentielle, elle est également citée dans la ligne TA1550. Ainsi, contrairement

      aux allégations du Demandeur, la ligne TA1550 divulgue également une région inférieure

      constituée d'un marqueur de la L. esculentum choisi dans un groupe constitué des

      éléments CD72, CD34A, CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241, TG229, TG403, CT95,

      TG663, HTS1C, TG63, TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et CD32B. » Étant donné

      que la région inférieure est définie en format Markush, la ligne de cellules qui correspond à

      la portée de ces revendications n'a qu'à citer un seul des marqueurs énumérés. Comme

      l'examinateur le soulignait, la TA1550 contient une région inférieure du chromosome 10

      englobant le marqueur moléculaire TG241 de la L. esculentum. En effet, la ligne TA1550

      contient les marqueurs inférieurs suivants : CT57, CP49, CP65B, l2, CT124, TG241,

      TG229, TG403, CT95, TG663, HTS1C, TG63, TG206A, CT238, CT240, CD5, TG233 et

      CD32B.

 

[68]  Ainsi, la ligne de cellules TA1550 correspond à la portée des revendications 25, 26, 28 et

      29, considérées dans une version limitée à ce qui peut faire l'objet d'une prédiction valable.

 

    Caractère réalisable

 

[69]  Monforte et Tanksley ont divulgué la production de lignes de cellules de tomates hybrides

      obtenues par le croisement de la L.esculentum et L. hirsutum. La plupart de ces lignes ne

      contiennent qu'une seule introgression définie de la L. hirsutum dans le code génétique de

      la L.esculentum, incluant la TA1550. Ainsi, nous estimons que cette référence constitue une

      divulgation qui permettrait à la personne versée dans l'art de produire des cellules de plants

      de tomates qui correspondent à la portée des cellules revendiquées, en tenant compte de la

      limite de la portée susmentionnée.

 

Conclusions

 

[70]      Nous estimons que les revendications 25, 26, 28 et 29 au dossier, lorsque limitées à ce qui

          peut faire l'objet d'une prédiction valable, manquent de nouveauté par rapport à la ligne de

          cellules TA1550 divulguée par Monforte et Tanksley, laquelle contient toutes les

          caractéristiques essentielles des cellules revendiquées.

 

[71]      Les revendications axées sur les cellules correspondantes des jeux de revendications

          principales et auxiliaires ne donnent aucune caractéristique essentielle supplémentaire qui

          pourrait compenser ce défaut. Les revendications 26 et 29 sont donc annulées à la fois dans

          les jeux de revendications principales et auxiliaires. Les revendications 25 et 28 des deux

          jeux se distinguent par leur inclusion d'une région supérieure du chromosome 10

          comprenant le marqueur moléculaire 280 de la L. esculentum. Ce marqueur ne figure pas

          dans la ligne de cellules TA1550. Toutefois, nous ne jugeons pas la présence de cette

          caractéristique comme étant essentielle. La seule région de la L. esculentum qui a été

          déterminée comme ayant un lien avec la rétention des caractéristiques désirables est définie

          par les marqueurs moléculaires TG148 et CT91A. Le marqueur TG280 se situe à

          l'extérieur de cette région et il n'y a pas de preuve dans la carte de liaison génétique ci-

          dessus que la mention d'une région supérieure, par rapport à l'introgression, comprenant le

          marqueur TG280 de la L. esculentum ait un effet concret sur le fonctionnement de

          l'invention. En effet, la ligne de cellules TA1549, qui est à la fois résistante à Botrytis et

          possède les caractéristiques désirables, se caractérise par l'ADN introgressée de la

          L. hirsutum au marqueur TG280. En examinant la ligne TA1549, la personne versée dans

          l'art jugerait que la présence du marqueur moléculaire TG280 de la L. esculentum peut être

          substituée par celle du marqueur moléculaire TG280 de la L. hirsutum sans influencer le

          fonctionnement de l'invention.

 

[72]      Par conséquent, les revendications 25 et 28 des jeux de revendications principales et

          auxiliaires, lorsque limitées à ce qui peut faire l'objet d'une prédiction valable, manquent

          également de nouveauté par rapport à la ligne de cellules TA1550 divulguée par Monforte

          et Tanksley, laquelle contient toutes les caractéristiques essentielles des cellules

          revendiquées. Il est donc logique de conclure que les modifications proposées par les jeux

          de revendications principales ou auxiliaires ne peuvent pas changer la conclusion que les

          revendications 25, 26, 28 et 29 versées au dossier manquent de nouveauté.

 

Enjeu 3 :      Les méthodes revendiquées incluant des étapes de croisement

               conventionnelles peuvent-elles être brevetées?

 

    Cadre juridique

 

[73]      L'article 2 de la Loi sur les brevets définit le terme « invention » comme suit :

 

      Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi

      que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

 

[74] Comme indiqué au paragraphe 17.02.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets :

 

       La brevetabilité d'une méthode ou d'un procédé ne dépend pas du fait que son résultat satisfasse ou

       non aux critères légaux. Les procédés visant à produire des formes de vie supérieures, des organes ou

       des tissus ne sont donc pas inadmissibles du simple fait que leur résultat ne répond pas aux critères

       légaux.

      

       En biotechnologie, toutefois, le degré d'intervention d'ordre technique de l'être humain nécessaire au

       procédé revendiqué revêt une importance particulière. Un procédé qui se conforme essentiellement

       aux lois de la nature, sans intervention significative d'ordre technique de l'être humain, n'est pas

       brevetable. Par exemple, un procédé servant à produire une plante par des techniques classiques de

       croisement n'est donc pas brevetable.

      

       Les procédés considérés comme exigeant une intervention significative d'ordre technique de l'être

       humain comprennent notamment les procédés ayant pour objet la production d'une forme de vie

       inférieure, d'une forme de vie supérieure, d'un organe ou d'un tissu par transformation génétique, les

       procédés de culture ou de manipulation de cellules in vitro, les procédés de séparation de cellules et

       les procédés ayant pour objet la production de mutants au moyen d'un agent chimique ou physique.

 

[75] Comme discuté dans l'arrêt Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets)

     [1989] 1 R.C.S. 1623 [Pioneer Hi-Bred], les processus pour produire des formes de vie

     supérieure se fondent sur le génie génétique, et les manipulations pour ce faire peuvent

     s'effectuer de deux façons, décrites ci-dessous :

 

       La première consiste à croiser des espèces ou des variétés différentes par hybridation en modifiant la

       fréquence des gènes à travers des générations successives. [...] Il s'agit donc d'une intervention de

       l'homme au niveau du cycle de la reproduction, mais une intervention qui ne modifie pas les règles

       mêmes de la reproduction, laquelle continue à obéir aux lois de la nature.

      

       Or, cette façon d'agir diffère du deuxième type de manipulation génétique, laquelle requiert un

       changement au niveau du matériel génétique -- altération du code génétique au niveau de la totalité du

       matériel héréditaire --, puisque dans ce dernier cas, c'est à l'intérieur même du gène que s'effectue la

       modification. [p. 1632-1633]

 

[76] Il a été par la suite confirmé que ces processus fondés sur le deuxième type de génie

     génétique sont considérés comme nécessitant une intervention humaine technique

     importante, et sont donc brevetables : Harvard College c. Canada (Commissaire aux

     brevets) [2002] 4 R.C.S. 45, 2002 CSC 76 [Harvard] et Monsanto Canada Inc. c.

     Schmeiser [2004] 1 R.C.S. 902, 2004 CSC 34 [Schmeiser]. Toutefois, ce qui n'a pas été

     pris en compte est qu'il « faudrait, entre autres choses, considérer s'il existe une différence

     déterminante en regard de la brevetabilité entre la première et la deuxième sorte de

     manipulation génétique; ou encore s'il y a lieu de faire des distinctions à même la première

     sorte de manipulation, compte tenu de la nature de l'intervention. » : Pioneer Hi-Bred,

     p. 1634

 

[77] En suivant le raisonnement ci-dessous, nous estimons que l'invention revendiquée

     comporte des éléments techniques et cette conclusion suffit pour trancher à l'égard du

     caractère brevetable de l'objet visé par la demande.

 

Thèse de l'examinateur

 

[78] Dans la procédure de décision finale et dans le résumé des motifs, l'examinateur affirmait

     que les revendications axées sur le procédé pour la création et la reconnaissance de

     tomates résistantes à Botrytis ne correspondent pas à la définition d'invention, et cite

     l'arrêt Pioneer Hi-Bred comme précédent. Plus précisément, l'examinateur soutenait que

     la décision citée offrait l'orientation suivante :

 

       L'intervention effectuée par Hi-Bred ne semble en rien modifier le processus de reproduction du soya

       qui s'accomplit par l'application des lois de la nature. Or, une telle méthode n'a jamais permis, en

       regard de la jurisprudence, d'obtenir un brevet. En effet, les tribunaux ont considéré les créations qui

       suivent les lois de la nature comme n'étant en somme que des simples découvertes dont l'homme ne

       peut que découvrir l'existence sans pour autant prétendre les avoir inventées. [p. 1634]

      

[79]  En se fondant sur cet arrêt, l'examinateur a conclu que la méthode revendiquée n'est pas

      brevetable. Il explique que dans le cas de Pioneer Hi-Bred, l'intervention artificielle de la

      pollinisation à la main ne nécessitait pas une intervention humaine d'ordre technique

      suffisante, étant donné qu'elle ne modifiait pas le processus de reproduction, lequel suivait

      les lois de la nature. Par conséquent, étant donné que les étapes liées à la sélection à l'aide

      de marqueurs ne modifient pas la nature ou l'état des plantes en soi, l'examinateur a

      conclu que l'emploi de cette méthode ne requiert pas une intervention technique

      importante par l'être humain et, comme pour reprendre les mots de l'arrêt Pioneer Hi-

      Bred, la méthode revendiquée « continue à obéir aux lois de la nature. » En outre,

      l'examinateur affirme que l'emploi de la sélection à l'aide de marqueurs n'exige pas une

      intervention significative d'ordre technique de l'être humain, comme le demande par

      exemple la manipulation génétique des végétaux.

 

La thèse du demandeur

 

[80]  En réponse au résumé des motifs et dans les observations écrites qu'il a soumises à la

      Commission, le Demandeur affirme qu'il est inapproprié de se baser sur l'arrêt Pioneer Hi-

      Bred pour défendre l'idée que les méthodes qui incluent le croisement de végétaux ne sont

      pas visées par la portée de l'article 2, car la décision susmentionnée n'aborde pas les

      revendications axées sur le procédé et la Cour ne s'est pas penchée sur la question relative

      à l'article 2.

 

[81]  Dans ses dépôts auprès de la Commission, le Demandeur a également insisté sur le fait

      qu'au Canada, contrairement à la situation en Europe, il n'y a pas d'interdiction législative

      explicite quant à la possibilité de breveter les méthodes de croisement, les excluant de la

      définition du terme invention. Ainsi, il n'y a aucun fondement pour conclure qu'une

      méthode autrement brevetable devient non brevetable par l'ajout d'une étape

      supplémentaire demandant la sélection des végétaux. Plus précisément, le Demandeur

      s'oppose au fait que l'examinateur a disséqué les revendications en des éléments distincts

      pour évaluer le caractère brevetable de la revendication. Le Demandeur allègue que

      [TRADUCTION] « sans égard aux étapes supplémentaires que la méthode peut inclure,

      une méthode comportant au moins une étape brevetable correspond nécessairement à un

      art ou un processus ayant un statut juridique, conformément à la définition du terme

      « invention » donnée à l'article 2 de la Loi sur les brevets. »

 

[82]    cet égard, le Demandeur souligne que l'objection fondée sur le caractère non brevetable

      de l'objet visé par la demande n'a pas été soulevée pour les revendications 6 et 15 au

      dossier. Ces revendications comportent des étapes relatives à la reconnaissance et à la

      sélection de plants descendants du croisement entre les plants donneurs et receveurs,

      croisement qui se fondait sur la sélection à l'aide de marqueurs. Si les revendications 6 et

      15 visent des objets brevetables, alors les revendications qui ajoutent simplement de

      nouveaux éléments devraient également être considérées comme visant des objets

      brevetables. En outre, le Demandeur souligne que le cadre d'analyse pour l'évaluation de

      la matière brevetable exige l'examen des revendications interprétées comme un tout,

      comme établi dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Amazon.com Inc, 2011 CAF

      328.

 

Analyse

 

[83]  Nous ne partageons pas l'avis de l'examinateur quant à la conclusion que la sélection à

      l'aide de marqueurs ne requiert pas une intervention technique importante par l'être

      humain. Nous ne considérons pas non plus que l'arrêt Pioneer Hi-Bred indique que

      l'intervention technique importante par l'être humain doit causer directement un

      changement de l'état ou de la nature des plantes descendantes. Comme susmentionné

      (paragr. [76]), la Cour a spécifiquement omis de se pencher sur cette question : « il

      faudrait, entre autres choses, considérer s'il existe une différence déterminante en regard

      de la brevetabilité entre la première et la deuxième sorte de manipulation génétique; ou

      encore s'il y a lieu de faire des distinctions à même la première sorte de manipulation,

      compte tenu de la nature de l'intervention. » : Pioneer Hi-Bred, p. 1634.

 

[84]  Dans le présent cas, nous estimons que les étapes pour la sélection à l'aide de marqueurs

      requièrent effectivement une intervention technique importante par l'être humain. Les

      complexes procédures de sélection impliquent l'amplification sélective par PCR de régions

      du chromosome 10, suivie de l'identification à l'aide de marqueurs précis. Ces techniques

      ne continuent pas « à obéir » aux lois de la nature. En outre, comme le Demandeur le

      soulignait, des revendications axées sur le procédé qui ne se fondent que sur la sélection à

      l'aide de marqueurs ont été reconnues comme étant brevetables par l'examinateur. Si la

      méthode pour la sélection à l'aide de marqueur est jugée comme étant un objet brevetable,

      elle ne peut pas s'agir simplement la découverte du fonctionnement des lois de la nature ou

      de l'existence d'un phénomène naturel. Nous devons logiquement conclure qu'une

      méthode requérant des étapes de croisement en plus de la sélection à l'aide de marqueurs

      doit également être considérée comme un objet brevetable.

 

[85]  En outre, comme susmentionné (paragr. [76]), les processus qui découlent à la fois de

      l'ingéniosité humaine et des lois de la nature sont brevetables; voir Harvard et Schmeiser.

      « Si les lois de la nature peuvent être utilisées de concert avec l'ingéniosité humaine pour

      réaliser une invention, il ne devrait pas être important qu'elles le soient au début, au milieu

      ou à la fin du processus » : Harvard College c.Canada (Commissaire aux brevets) [2000]

      4 CF 528 (CAF) paragr. 167.

 

Conclusions

 

[86]  Nous jugeons que les caractéristiques décrites dans les étapes de sélection à l'aide de

      marqueurs nécessitent une intervention technique importante par l'être humain et, comme

      l'indique notre interprétation téléologique des revendications, qu'elles sont essentielles.

      Les procédés revendiqués ne se contentent pas d'obéir aux lois de la nature, et ils ne sont

      pas pour toute autre raison exclus de la brevetabilité. Pour les raisons ci-dessus, la

      revendication indépendante 1 est conforme à l'article 2 de la Loi et, par extension, les

      revendications indépendantes le sont également. Le même raisonnement s'applique aux

      revendications 10, 27 et 31 et à leurs revendications dépendantes.

 

[87]  Enjeu 4 : Certaines revendications sont-elles indéfinies en raison de

                l'utilisation de termes redondants et de l'absence de

                différences clairement définies quant à leur portée relative

                les unes par rapport aux autres?

 

 Cadre juridique

 

[88]  Les dispositions législatives pertinentes pour ce défaut se trouvent au paragraphe 27(4) de

      la Loi sur les brevets, qui se lit comme suit :

 

      Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant

      distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique

      la propriété ou le privilège.

 

[89] Dans l'arrêt Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., (1947)

     12 C.P.R. 99 (C.F. 1re inst.), Thorson P. souligne qu'il incombe au demandeur de clarifier

     dans ses revendications la portée du monopole recherché et les exigences quant aux

     termes utilisés dans les revendications doivent être clairs et précis :

 

      [TRADUCTION] En formulant ses revendications, l'inventeur érige une clôture autour des

      champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La

      délimitation doit être claire afin de donner l'avertissement nécessaire, et seule la propriété de

      l'inventeur doit être clôturée. La teneur d'une revendication doit être exempte de toute

      ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être

      claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de

      passer, mais aussi où il peut passer sans risque. [page 146].

 

Position de l'examinateur et observations initiales du comité

 

[90] Dans le résumé des motifs, l'examinateur affirme que les revendications 1, 6, 10, 15, 20,

     25, 27, 28 et 31 sont indéfinies, car elles contiennent des termes redondants. Plus

     précisément, les termes TG148, CD38A et TG12 figurent en double dans la partie ii) de

     ces revendications.

 

[91] Au cours de son examen initial, le comité a relevé que les revendications indépendantes 6,

     15 et 20 semblent toutes aborder des procédés composés d'étapes identiques. Nous avons

     également constaté un problème similaire dans les revendications indépendantes 10, 27 et

     31.

 

La thèse du Demandeur

 

[92] Dans ses observations déposées auprès de la Commission, le Demandeur a accepté de

     retirer les termes indiqués en double de la partie ii) des revendications 1, 6, 10, 15, 20, 25,

     27, 28 et 31.

 

[93] Il indique également que les préambules des revendications axées sur le procédé cités

     comme redondants définissent en fait différents emplois et que les revendications ne sont

     donc pas identiques.

 

Analyse

 

[94] Pour faciliter notre analyse, le préambule des revendications 6, 15 et 20 ont été reproduits

     ci-dessous [TRADUCTION] :

 

               6. Une méthode pour reconnaître un plant de tomates de type Lycopersicon esculentum résistant à

        Botrytis, la méthode comprenant les étapes suivantes :

       

        15. Une méthode pour la reconnaissance de plants de tomates résistants à Botrytis comprenant :

       

               20. Une méthode pour la reconnaissance d'un plant de tomates résistant à Botrytis possédant des

        régions d'ADN introgressées dans le chromosome 10 provenant d'un plant donneur de type

        Lycopersicon hirsutum résistant à Botrytis comprenant :

 

[95] Bien que les préambules de ces revendications ne soient pas identiques, ils sont considérés

     comme différentes manifestations de la reconnaissance d'une même chose, soit un plant de

     tomates résistant à Botrytis. Puisque chacune de ces méthodes comprend une série

     d'étapes identiques, nous ne voyons pas de distinction concrète quant à leur portée

     respective. En réalisant une série d'étapes identiques, chacune de ces méthodes arrive au

     même résultat. Il ne semble pas y avoir de différences quant à leur portée, en fonction du

     mémoire descriptif dans son ensemble. Ce manque de clarté quant à la différence de portée

     des revendications provoque une ambiguïté qui aurait pu être évitée. Nous constatons une

     situation similaire lorsque nous examinons la différence quant à la portée des

     revendications 10, 27 et 31.

 

Conclusions

 

[96] Nous estimons que les revendications 6, 15 et 20 ne sont pas clairement différenciées les

     unes par rapport aux autres, ce qui les rend indéfinies. De même, l'absence d'une

     différenciation claire entre les revendications 10, 27 et 31 rend ces revendications

     indéfinies. Pour que la demande soit conforme au paragraphe 27(4) de la Loi, les

     revendications 15, 20, 27 et 31 doivent en être retirées. Toutefois, nous reconnaissons que

     les séries de revendications dépendantes fondées directement ou indirectement sur chacune

     de ces revendications indépendantes ne sont pas toutes identiques. La portée des

     revendications dépendantes distinctes peut être conservée en les modifiant pour qu'elles

     soient basées sur les revendications 6 et 10, respectivement. Plus précisément, la

     revendication 16 peut être dépendante de la revendication 6. De la même manière, la

     revendication 30 peut devenir dépendante de la revendication 10.

 

[97] Il faut également modifier la partie ii) des revendications 1, 6 et 10 afin d'effacer les

     termes dupliqués pour que la demande soit conforme au paragraphe 27(4) de la Loi.

 

[98] Il n'est pas nécessaire de modifier les revendications 25 et 28, puisque ces revendications

     doivent être effacées, conformément à notre conclusion relative à l'antériorité.

 

 


Résumé des conclusions

 

[99] Selon nos conclusions sur l'antériorité, les revendications 25, 26, 28 et 29 doivent être

     retirées.

 

[100] Les revendications indépendantes axées sur le procédé 15, 20, 27 et 31 sont inutilement

      ambiguës lorsqu'examinées à la lumière des revendications 6 et 10, et doivent par

      conséquent être retirées. Toutefois, nous reconnaissons que les séries de revendications

      dépendantes fondées directement ou indirectement sur chacune de ces revendications

      indépendantes ne sont pas toutes identiques. Ainsi, pour conserver la portée des

      revendications dépendantes distinctes, la revendication 16 peut être dépendante de la

      revendication 6. De la même manière, la revendication 30 peut devenir dépendante de la

      revendication 10.

 

[101] Il faut également modifier la partie ii) des revendications 1, 6 et 10 pour en retirer les

      termes dupliqués pour contrer la conclusion relative au caractère indéfini.

 

[102] Nous estimons aussi que les revendications indépendantes 1, 6, 10 et 37 englobent des

      manifestations pour lesquelles une absence d'utilité a été démontrée.

 

[103] Toutefois, des modifications peuvent être apportées de façon à bien circonscrire la portée

      des revendications 1, 6 et 10 quant à ce qui peut faire l'objet d'une prédiction valable. 

      cet égard, ces revendications doivent inclure les limites des revendications

      correspondantes 1, 6 et 10 du jeu de revendications auxiliaires relatives à une région

      introgressée de la Lycopersicon hirsutum comprenant une partie supérieure incluant le

      marqueur moléculaire TG408 et une partie inférieure incluant le marqueur

      moléculaire CT20. Les revendications doivent également être modifiées pour préciser la

      présence d'une région supérieure, par rapport à l'introgression, comprenant tout marqueur

      moléculaire entre le TG148 et CT91A, inclusivement, de la L. esculentum, puisqu'il n'y a

      aucune preuve que les traits désirables de la variété commerciale peuvent être conservés si

      cette région est absente.

 

[104] Restreindre la portée des revendications indépendantes à ce qui peut faire l'objet d'une

      prédiction valable influence nécessairement la portée des revendications dépendantes

      connexes. Par conséquent, les revendications dépendantes 3 à 5, 7 à 9, 12 à 14, 17 à 19,

      22 à 24, 26, 29 et 33 à 35 doivent être retirées, puisque leur portée ne correspond pas aux

      limites de ce qui est justifié en lien avec la prédiction valable.

 

[105] Aucune des limites requises n'est indiquée dans la revendication 37 du jeu de

      revendications auxiliaires. Par conséquent, la revendication 37 doit être retirée, car elle

      englobe la détection d'éléments inopérants et la revendication 37 correspondante du jeu de

      revendications auxiliaires ne fournit aucune caractéristique qui pourrait être importée afin

      de répondre au critère de prédiction valable.

    

[106] En ce qui a trait à l'allégation de l'examinateur au fait que les revendications 1 à 5, 10 à14,

      30 et 36 visent des procédés de sélection des végétaux non prévus par la Loi, nous

      tranchons en faveur du Demandeur et concluons que ces revendications et, par

      conséquent, les revendications dépendantes sont conformes à l'article 2 de la Loi.


Recommandation

 

[107] Nous recommandons donc que le demandeur soit informé, conformément au

      paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets, qu'il doit apporter les modifications suivantes

      à sa demande, et seules ces modifications, pour se conformer à la Loi sur les brevets et

      aux Règles sur les brevets :

 

       1) la modification des revendications 1, 6 et 10 :

 

       a) en lien avec les revendications correspondantes 1, 6 et 10 du jeu de

          revendications auxiliaires, afin de préciser l'introgression d'une région de la

          Lycopersicon hirsutum comprenant une partie supérieure incluant le marqueur

          moléculaire TG408 et une partie inférieure incluant le marqueur

          moléculaire CT20.     

 

       b) pour la rétention des traits désirables de la variété commerciale, préciser la

          présence d'une région supérieure, par rapport à l'introgression, comprenant tout

          marqueur moléculaire entre les marqueurs TG148 et CT91A, inclusivement, de la

          L. esculentum ;

 

       c) le retrait des termes en double TG148, CD38A et TG12;

 

     2)   la modification de la revendication 16 afin qu'elle dépende de la revendication 6;

 

     3)   la modification de la revendication 30 afin qu'elle dépende de la revendication 10;

 

     4)   le retrait des revendications 3 à 5, 7 à 9, 12 à 15, 17 à 29, 31 à 35 et 37;

 

     5)   l'ajustement de la numérotation des revendications et des revendications dépendantes

          en conséquence.

 

 

 

Christine Teixeira  Stephen MacNeil          Paul Fitzner

Commissaire              Commissaire              Commissaire


Décision du Commissaire

 

[108] Je suis d'accord avec les conclusions et les recommandations de la Commission d'appel

      des brevets. Par conséquent, j'invite le demandeur à apporter les modifications

      susmentionnées, et uniquement ces modifications, dans les trois mois suivant la date de la

      présente décision, à défaut de quoi j'entends rejeter la demande.

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 15e jour du mois d'août 2013                                       

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. a.

 

 

 

 

 

 

 

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