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Commissioner’s Decision # 1345

Décision du Commissaire no 1345

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: B00, B22, J00, J70

SUJET : B00, B22, J00, J70

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 2 333 184

Demande no : 2 333 184

                                                                                                       


 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

La demande de brevet no 2 333 184 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont révisé ce rejet aux termes du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Les recommandations de la Commission et la décision du commissaire suivent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

Smart et Biggar

CP 11115, Royal Centre

1055, rue Georgia Ouest, bureau 2300

Vancouver (Colombie-Britannique)  V6E 3P3

 

 


Introduction

 

[1]         Weyerhaeuser est une entreprise de produits du bois qui fabrique des graines de plantes artificielles à l’échelle industrielle dans le cadre de ses activités de culture d’arbres et de reboisement. Elle a déposé une demande de brevet contenant maintenant 68 revendications portant sur des procédés automatisés pour le classement, ou le triage, d’embryons végétaux dont le potentiel de germination est inconnu avant qu’ils ne soient encapsulés et ne deviennent, ultimement, des graines artificielles.

 

[2]         Durant son examen, la demande a été jugée déficiente, car certaines des revendications ne visaient pas des objets prévus par la Loi ou étaient trop générales. Une procédure de décision finale a mis fin à l’examen principalement pour ces motifs. Weyerhaeuser a présenté sa réplique, soutenant que sa demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

[3]         Une révision initiale par la Commission d’appel des brevets (CAB) a permis d’établir les faits suivants :

 

(i) l’examinateur a jugé que les revendications axées sur le procédé 1 à 34 ne visent pas des objets prévus par la Loi, alors que les revendications portant sur l’appareil 35 à 68 étayent un objet brevetable;

(ii) l’examinateur estime que les revendications 12 à 22 et 46 à 56 (où figure une courbe de Lorenz) sont trop générales;

(iii) le demandeur a indiqué qu’il désire que les procédures de révision se fondent sur le dossier tel qu’il est présentement.

 

[4]           Il nous incombe donc de réviser la demande rejetée et de répondre aux questions suivantes :

 

(1) Les revendications 1 à 34 visent-elles des objets non brevetables qui ne correspondent pas aux dispositions de l’article 2 et du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets?

 

(2) Les revendications 12 à 22 et 46 à 56 sont-elles plus générales que les enseignements tirés de la description et, conséquemment, non conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets?

 


Question 1 : Les revendications 1 à 34 visent-elles un objet non brevetable?

 

[5]         Pour être jugé brevetable, l’objet de l’invention doit entrer dans l’une des catégories énumérées à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de lun deux, présentant le caractère de la nouveauté et de lutilité.

 

[6]           Conformément au paragraphe 27(8) de la Loi, l’objet de l’invention ne peut pas être simple principe scientifique ou une conception théorique.

 

[7]           La procédure de décision finale indiquait comme motif de rejet la non-conformité à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi. En ce qui a trait à l’article 2, l’examinateur juge que les procédés revendiqués n’ont pas de présence physique. Pour ce qui est du paragraphe 27(8), l’examinateur estime que les revendications sont essentiellement abstraites. Puisque ces deux motifs de rejet sont étroitement liés, il est possible d’obtenir une réponse quant au caractère brevetable de l’objet en examinant si les revendications satisfont au critère unique dit de la « présence physique », comme indiqué dans la jurisprudence.

 

[8]           La première étape pour répondre à cette question est d’interpréter les revendications.

 

Interprétation téléologique

 

[9]           L’interprétation téléologique est le cadre utilisé pour évaluer le caractère brevetable d’un objet : Canada (procureur général) c. Amazon.com inc., 2011 C.A.F. 328 [Amazon]. Lors de l’interprétation téléologique, les éléments de l’invention revendiquée sont jugés essentiels ou non essentiels : Free World Trust c. Électro Santé inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust]. Pour qu’un élément soit jugé non essentiel, « il faut établir que (i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l’inventeur n’a manifestement pas voulu qu’il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l’art aurait constaté qu’un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention » (Free World Trust, par. 55).

 


[10]            Comme établi dans le raisonnement ci-dessous, nous jugeons que l’invention revendiquée comporte des éléments physiques essentiels existant en combinaison avec d’autres éléments de revendications, et cette conclusion nous suffit pour trancher quant au critère relatif à la présence physique soulevé dans le contexte de l’objet prévu par la Loi.

 

Interprétation : considérations d’ordre général

 

[11]       Pour mieux comprendre l’invention revendiquée, il convient d’examiner le contexte dans lequel elle a été créée par rapport au mémoire descriptif dans son ensemble. Pour faire l’interprétation téléologique des revendications d’un brevet, « il faudrait comprendre l’objet de l’invention et le problème que l’invention vise à résoudre » : Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., 2011 CF 1323, par. 61 (consulter également l’avis sur les brevets intitulé « Directives de pratique suite à l’arrêt Amazon C.A.F. » publié le 8 mars 2013 et la note PN 2013-02 afférente). En parallèle, selon la règle orthodoxe, un brevet « doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre » : Lister c. Norton Brothers and Co., 1886 3 R.P.C. 199 (Ch. D.), p. 203, comme cité avec approbation dans l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67 au par. 49.

 

[12]     Les revendications sont interprétées de façon éclairée et conforme à l’objet visé, en adoptant le point de vue théorique d’une « personne versée dans l’art », en tenant compte des connaissances générales courantes de cette personne et en se fondant sur les caractéristiques techniques du brevet, sans recours à des éléments de preuve extrinsèque (Free World Trust, par. 66).

 

Revendication 1

 

[13] La revendication 1 est une revendication axée sur le procédé qui se lit comme suit [TRADUCTION] :

 

1 - Un procédé pour classer les embryons végétaux en fonction de leur potentiel de germination qui comprend :

 

(a) lélaboration dun modèle de classification grâce aux étapes suivantes :

(i) à laide dun dispositif de balayage, lacquisition de données dimages numériques brutes des échantillons de référence à partir dembryons végétaux entiers ou dembryons dorganes végétaux dont le potentiel de germination est connu;


(ii) à laide dun ordinateur branché au dispositif de balayage, lanalyse des données en appliquant un ou plusieurs algorithmes de classification aux données dimages numériques brutes et au cours de laquelle au moins un des algorithmes de classification utilise dautres données en plus du périmètre de lembryon : lanalyse des données permet de créer un modèle de classification pour trier les embryons végétaux en fonction de leur potentiel de germination;

(iii) le stockage du modèle de classification élaboré dans la mémoire de lordinateur;

 

(b) à laide du dispositif de balayage, lacquisition de données dimages numériques brutes dun embryon végétal ou dorganes dun embryon végétal dont le potentiel de germination est inconnu;

 

(c) à laide de lordinateur, le traitement des données dimages numériques brutes recueillies à létape (b) par le modèle de classification entreposé dans la mémoire de lordinateur dans le but de classer lembryon dont le potentiel de germination est inconnu en fonction de son potentiel présumé.

 

Le contexte de linvention, son but et le problème que linvention tente de résoudre

 

[14]     L’élément vital de la graine artificielle est un embryon végétal encapsulé. Ces embryons sont produits en laboratoire en manipulant des tissus somatiques afin de provoquer la production d’une multitude d’embryons « somatiques » génétiquement identiques (contrairement aux embryons « zygotiques » créés naturellement). Toutefois, les embryons ont un potentiel de germination inconnu et peuvent être à différentes étapes de maturité et de développement. Ainsi, il est nécessaire de choisir les embryons ayant un potentiel de germination adéquat avant de procéder à l’encapsulation et à la formation des graines artificielles.

 

[15]     En tenant compte du contexte de l’invention, nous avons retenu les faits suivants :

(i) l’invention fonctionne dans un milieu industriel où [TRADUCTION] « le résultat désiré se calcule en millions de plantes » (page 2, lignes 18-19);

(ii) elle est utilisée sur des populations d’embryons somatiques cultivés en grande quantité;

(iii) le classement des embryons doit être fait rapidement avant que leur viabilité ne faiblisse, avant qu’un changement ne survienne dans leur développement et avant d’investir davantage de temps et de ressources inutilement pour entretenir des embryons qui, ultimement, s’avéreront inadéquats.

 


[16]     La sélection manuelle des embryons viables est fondamentalement subjective, c’est un processus fastidieux qui demande beaucoup de travail et de temps, qui est coûteux et qui constitue un obstacle important pour la production de masse. Ainsi, il existe un certain nombre de problèmes connexes, notamment :

(i) la rationalisation et l’automatisation d’une tâche fastidieuse (page 2, lignes 10-12);

(ii) la classification des embryons à l’aide d’un examen visuel effectué par des techniciens crée un [TRADUCTION] « important goulot d’étranglement pour la production » (page 2, ligne 18);

(iii) le problème que représente la tentative subjective de distinguer les différences morphologiques ténues qui existent entre les embryons végétaux d’une espèce donnée (page 3, lignes 3-7);

(iv) le problème des préjugés subjectifs à l’égard des caractéristiques considérées importantes pour la sélection des embryons (page 2, lignes 26-28; page 3, lignes 6-7).

 

[17]     La présente demande s’attaque à ces préoccupations en proposant un processus de classification des embryons végétaux, basé sur des analyses menées pendant la culture. Les procédés analytiques incluent l’imagerie numérique et l’analyse spectrale. Que l’analyse soit faite par imagerie numérique ou par analyse spectrale, l’objectif général est d’extraire autant d’informations révélatrices que possible à partir des données recueillies. En tenant compte de certains critères de sélection, les renseignements sont alors analysés en appliquant des algorithmes de classification afin de créer un modèle qui, par la suite, pourra être utilisé pour classer et trier avec plus d’exactitude les embryons végétaux ayant un potentiel de germination adéquat. Plus précisément, les inventeurs croient qu’il est nécessaire d’utiliser des technologies d’imagerie complexes (page 3, ligne 35), d’extraire autant de données que possible (page 3, lignes 30-32), et de créer des outils d’analyses des données qui peuvent être utilisés dans le contexte actuel (page 3, lignes 10-13). Ces aspects sont reflétés dans le procédé de la revendication 1. Elle commence par un préambule et énumère ensuite une série d’étapes.

 

La personne versée dans lart

 

[18]     Le contexte de l’invention suggère que la personne versée dans l’art est une équipe formée d’un bioingénieur, d’un biotechnologiste en sylviculture et d’un spécialiste en informatique. À ce titre, la personne versée dans l’art aurait les compétences suivantes : expertise de la culture des tissus végétaux telle que réalisée dans un environnement industriel; connaissance des caractéristiques indiquant la qualité et le potentiel de germination d’un embryon; connaissances générales des techniques d’analyse; connaissances générales des techniques statistiques et de leur programmation informatique.


 

La revendication 1, lorsquelle fait lobjet dune interprétation téléologique, contient des éléments essentiels physiques.

 

[19]     Le préambule et le corps de la revendication indiquent tous deux que l’invention revendiquée comprend un certain nombre d’éléments physiques essentiels qui existent en combinaison avec d’autres éléments des revendications. Ces éléments physiques ne peuvent pas être substitués ni omis sans affecter le fonctionnement de l’invention.

 

[20] En ce qui a trait au préambule, il souligne que la revendication vise un procédé pour [TRADUCTION] « classer des embryons végétaux ». Une interprétation littérale de cette expression pourrait suggérer qu’aussi peu que deux embryons pourraient être classés. Toutefois, une interprétation téléologique de cette expression n’appuie pas une telle interprétation, car, en tenant compte des problèmes que les inventeurs tentent de résoudre, on peut déduire que l’invention fonctionne en cycles itératifs pour chacun des membres d’une large population. Si l’invention ne vise vraiment que le simple problème de classer aussi peu que deux embryons végétaux, la solution revendiquée par la présente n’aurait, d’un point de vue pratique, aucune utilité. La suggestion que la personne versée dans l’art analyse d’abord un ensemble d’échantillons de référence et crée ainsi un modèle de classification, dans le but de classer seulement deux embryons, est une proposition inconséquente par rapport au problème que les inventeurs tentent de régler.

 

[21]     Pour ce qui est du terme « classer » dans l’expression « classer des embryons végétaux », les caractéristiques techniques ne donnent pas de définition explicite. Selon le dictionnaire d’anglais Oxford, le terme « classify » signifie arranger (un groupe de personne ou d’objets) en classes ou en catégories en fonction de qualités ou caractéristiques communes. Selon le thésaurus Oxford, ce terme est synonyme des verbes organiser, regrouper et trier. Il faut se rappeler que la personne versée dans l’art désire trier les « bons » embryons par rapport aux « mauvais » embryons; cette personne comprendrait donc l’expression « classer les embryons végétaux » comme la séparation physique de ces deux catégories. La conclusion que l’expression « classer des embryons végétaux » a un sens strictement abstrait suggère le résultat anormal où les revendications s’attachent à l’exercice intellectuel de simplement reconnaître les bons embryons des mauvais, sans les séparer physiquement; autrement dit, il s’agit d’une interprétation qui ne tient compte ni du contexte ni de l’objectif et qui, encore une fois, serait d’un point de vue pratique incohérente avec les problèmes que les inventeurs tentent de résoudre.

 


[22]     Le préambule signifie donc que le procédé revendiqué est réalisé sur une population d’embryons et qu’il engendre des résultats physiques, c’est-à-dire la création de sous-populations distinctes.

 

[23] Le corps de la revendication 1 souligne par ailleurs que l’invention revendiquée possède une présence physique. Il énumère une série de trois étapes, commençant par l’étape (a) qui prévoit l’élaboration d’un modèle de classification. Cette étape principale se divise en trois sous-étapes, dont (a)(i) implique l’acquisition de données d’images numériques brutes pour des embryons végétaux dont le potentiel de germination est connu. Une image numérique est nécessairement composée de pixels. Cela indique que les données numériques générées à l’étape (a)(i) sont obtenues à l’aide d’un dispositif de balayage numérique (c.-à-d. un appareil-photo numérique) et que les données pixels sont saisies par voie électronique. Dans le même ordre d’idée, il convient d’examiner au moins deux éléments qui ressortent de la lecture du mémoire descriptif. Le premier est que le mémoire descriptif s’attarde en partie au problème de reconnaître les subtiles différences morphologiques qui existent entre les embryons, même s’ils sont génétiquement identiques [TRADUCTION] :

 

En ce qui a trait aux embryons, un autre problème posé par la technologie de balayage est que la morphologie diffère dun clone à lautre au sein dune même espèce donnée. Les différences entre les embryons acceptables et ceux qui sont rejetés peuvent être très ténues, en fonction de chaque clone [page 3, lignes 3-5].

 

[24] Le deuxième est que, sous l’en-tête Résumé de linvention, le mémoire descriptif indique qu’il convient de recueillir autant de données que possible [TRADUCTION] :

 

La présente invention se fonde sur le classement des embryons végétaux par lapplication dalgorithmes de classification à des images numérisées et par lanalyse des spectres dabsorption, de transmittance et de réflectance des embryons. Applicables de façon générale, ces méthodes soulignent limportance de lacquisition et de lutilisation dinformations relatives à une image et aux spectres dabsorption, de transmittance ou de réflectance et ce, autant que faire se peut, daprès des critères objectifs [page 3, lignes 30-33].

 


[25]     Ces enseignements signifient que l’invention ne peut pas fonctionner sans avoir tout d’abord acquis physiquement des données d’images numériques d’une résolution suffisante pour permettre la discrimination entre les embryons végétaux et, durant le processus de collecte des données, qu’il importe d’en obtenir autant que possible. Toutes les considérations susmentionnées indiquent que l’utilisation d’outils pour la saisie et l’acquisition des données numériques physiques est essentielle à la sous-étape (a)(i).

 

[26]     Ainsi, la revendication 1 inclut un certain nombre d’éléments physiques qui ne peuvent pas être substitués ou omis sans affecter le fonctionnement de l’invention. Comme nous l’expliquons plus en détail ci-dessous, cette conclusion suffit à répondre à question relative à l’objet prévu par la Loi, et il n’est pas strictement nécessaire d’examiner si les éléments restants sont essentiels.

 

Revendications 12 et 23

 

[27]     Les autres revendications indépendantes (soit les revendications 12 et 23) ont des éléments techniques communs, se fondent sur des étapes similaires et adoptent une terminologie semblable. Dans la revendication 12, le modèle de classification utilise un « modèle à paramètre unique » élaboré en suivant des étapes précises qui impliquent notamment l’utilisation d’un algorithme de classification basé sur une technique statistique connue sous le nom de courbe de Lorenz. Le procédé de la revendication 23 se base sur l’acquisition de données spectrales (plutôt que des données numériques brutes établies dans la revendication 1) recueillies lors d’analyses des spectres d’absorption, de transmittance ou de réflectance. Toutefois, ces revendications utilisent une terminologie unique claire et les différences n’affectent pas nos analyses subséquentes puisque, tout comme la revendication 1, elles possèdent des éléments physiques essentiels.

 

Objets non prévus par la Loi 

 

Procédure de décision finale et résumé des motifs

 

[28] Citant les arrêts Lawson c. Commissaire aux brevets, 1970 62 C.P.R. (1er), 101 (C. de l’É.) [Lawson] et Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire aux brevets, 1981 56 C.P.R. (2d) 204 (C.A.F.) [Schlumberger], la procédure de décision finale affirmait que les revendications n’avaient pas de présence physique et qu’elles [TRADUCTION] « visaient des procédés qui n’étaient pas un acte ou une série d’actes effectués sur un objet matériel par un agent physique et qui produisent dans cet objet un changement de nature ou d’état », et que les procédés visés ne constituaient donc pas une réalisation aux termes de l’article 2 de la Loi. On y affirmait en outre que [TRADUCTION] :

 


Les étapes pour l’acquisition des données d’images numériques brutes ou les données sur le spectre de réflectance, la réalisation des analyses de données ou le calcul des valeurs métriques comme expliquées dans les revendications 1, 12 ou 23 ne définissent pas des étapes physiques en soi. En outre, aucun des procédés ne définit une étape physique qui entraîne un résultat physique.

 

[29] Dans le résumé des motifs, l’examinateur soutenait que [TRADUCTION] « le balayage des embryons dans les revendications 1, 12 et 23 ne change pas les embryons, pas plus que ne le font les étapes d’analyse des données ou de calcul des valeurs métriques. »

 

La position du demandeur

 

[30]     La réplique du demandeur à la procédure de décision finale s’articule autour de deux points : (i) l’invention revendiquée répond à la définition du terme « réalisation » donnée dans l’arrêt Lawson; (ii) de toute façon, la définition donnée dans l’arrêt Lawson a été remplacée par la définition plus générale proposée par la Cour suprême du Canada dans la décision Shell Oil c. Commissaire des brevets, 1982 67 C.P.R. (2d) 1 [Shell Oil].

 

[31] En référence à la définition donnée dans Lawson, le demandeur explique que les revendications invoquent [TRADUCTION] « un agent physique (le dispositif de balayage ou l’ordinateur) utilisé sur un objet physique (c.-à-d. les embryons). » Particulièrement en lien avec la revendication 1, il soutient que [TRADUCTION] :

 

Lorsque mis en œuvre, le procédé facilite la sélection des embryons végétaux qui ont un meilleur potentiel de germination dans un milieu de maturation contenant également des embryons qui ont peu de chances de germer. La sélection provoque également un changement de la nature ou de létat des embryons, puisque les embryons choisis sont différents de la population dembryons générale.

 

[32]     Le procédé se conforme ainsi même à la définition plus stricte de réalisation proposée dans l’arrêt Lawson.

 


[33]     Le deuxième point de l’argumentaire présenté par le demandeur s’appuie sur la décision plus récente dans l’arrêt Shell Oil. Le demandeur allègue que certains mots et certaines phrases dans un passage clé de ce jugement soutiennent une interprétation plus large du terme réalisation. Finalement, le demandeur s’est appuyé sur l’interprétation faite par la Cour fédérale dans Shell Oil, comme énoncée dans Progressive Games Inc c. Commissaire aux brevets, 1999 3 C.P.R. (4e) 517 (C.F. 1re inst.) Le demandeur a appliqué cette interprétation aux faits du cas présent et soutient que les revendications sont conformes au précédent le plus récent, car : (i) le procédé peut être mis en oeuvre de façon pratique pour classer un embryon végétal dont le potentiel de germination est inconnu; (ii) toutes les objections relatives à la nouveauté et à l’évidence ont été réfutées; (iii) les procédés revendiqués ont un résultat ou un effet qui est utile du point de vue commercial.

 

Analyse

 

[34]     La procédure de décision finale s’appuie pour sa part sur le précédent Lawson, un cas dans lequel les revendications portaient sur une méthode de division de lots de terre en parcelles ayant la forme de flûtes à champagne. La question essentielle a été circonscrite ainsi :

 

La question essentielle est de savoir si le mot « réalisation », qui figure dans la définition, comprend un procédé visant à délimiter un lopin de terre et si la division dun terrain en lots dont les limites sont marquées par des lignes incurvées ayant la forme dune flûte à champagne constitue une « réalisation » ou une « fabrication », au sens du paragraphe 2(d) [p. 109].

 

[35]     La Cour a fourni la définition suivante pour le terme « réalisation » :

 

Une réalisation ou une exploitation consiste en un acte ou une série dactes effectués sur un objet matériel au moyen dun agent physique et qui produisent dans cet objet un changement de nature ou détat. Il sagit dune chose abstraite en ce sens que lesprit peut limaginer. Il sagit dune chose concrète en ce sens quon applique des agents physiques à des objets matériels et que les sens peuvent alors percevoir un objet ou un instrument tangible. [p. 109]

 

[36]     Il s’agit de l’exigence relative à la présence physique à laquelle la procédure de décision finale fait allusion. Cependant, après la délivrance de la procédure de décision finale, la Cour d’appel fédérale a affirmé dans l’arrêt Amazon que la détermination de la conformité à l’article 2 de la Loi doit se baser sur une interprétation téléologique des faits.

 


[37]     Il est vrai que dans certains cas, l’analyse de données ou les calculs mathématiques semblables à ceux mentionnés dans la revendication ne produisent pas de transformation physique en soi, comme l’indique la procédure de décision finale. Cependant, comme expliqué plus haut, une interprétation téléologique des faits n’étaye pas la conclusion que l’invention ne consiste qu’à des analyses de données ou à des calculs mathématiques. L’interprétation téléologique des revendications souligne plutôt qu’elles prévoient des étapes physiques essentielles effectuées sur de vastes populations d’embryons et que le résultat final est la séparation physique des membres en deux catégories : les embryons dont le potentiel de germination est acceptable et ceux dont le potentiel est insuffisant. Nous ne sommes pas d’accord avec l’affirmation que les étapes d’acquisition de données sont des concepts abstraits sans présence physique comme le soutient la procédure de décision finale, car par leur nature même, ces étapes constituent des démarches physiques qui ne peuvent être réalisées de façon abstraite.

 

[38]     Lorsque les revendications sont examinées de cette façon, il n’y a pas d’exigence pour que les embryons individuels changent de nature ou d’état. À ce sujet, nous remarquons que la décision du commissaire dans Amazon [Demande de brevet 246 933 dAmazon Inc, 2009 75 C.P.R. (4) 85 (CAB et commissaire aux brevets), D.C. 1290] explique, en faisant référence à l’arrêt Lawson, « qu’aucun changement de nature ou, encore, d’état n’est apporté à tout objet matériel en soi du fait de l’opération de commande du produit, d’une façon ou d’une autre » (au paragraphe 175 de la décision du commissaire). En deuxième instance, toutefois, la Cour fédérale a jugé qu’il existait une présence physique, car « la transformation ou le changement de nature découle du fait que le client utilise son ordinateur et passe une commande. Il n’importe nullement que les “produits” commandés n’aient subi aucun changement physique. » (Amazon.com Inc c. Canada [procureur général du Canada], 2010 CF 1011, au paragraphe 75). Finalement, la demande Amazon a reçu un brevet.

 

[39]     Cette situation contraste avec les revendications dans Lawson, qui ont été jugées comme n’étant « en essence qu’un simple plan » et par conséquent, non conformes, car « l’application d’un plan de lotissement à une grande étendue de terrain n’en modifie pas la nature ». Ainsi, il s’agissait simplement d’une division conceptuelle et juridique d’un terrain en fonction de lignes dessinées par un arpenteur, contrairement à la séparation physique des bons et des mauvais embryons, comme dans le présent cas.

 

[40]     Si les revendications répondent à l’orientation établie dans l’arrêt Lawson, ce qui, selon nous, est le cas, elles doivent en toute logique satisfaire l’interprétation plus générale établie par la suite dans Shell Oil et, par conséquent, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur ce point. Toutefois, puisque le présent cas implique un processus informatique, nous devons également examiner l’argument énoncé dans la procédure de décision finale indiquant que Schlumberger est le précédent à suivre pour déterminer si les revendications sont conformes ou non à l’article 2 de la Loi.

 


[41]     Selon l’arrêt Schlumberger et en tenant compte de son interprétation par la Cour d’appel fédérale dans Amazon, l’utilisation d’un ordinateur d’un procédé de nature mathématique ne suffit pas à rendre l’objet de la revendication brevetable.

 

[42]     Au par. 66 de l’arrêt Amazon, la Cour exprime son opinion quant à l’exigence relative à la présence physique, et soutient que « puisqu’un brevet ne peut être accordé pour une idée abstraite, il est implicite dans la définition d’“invention” qu’un objet brevetable doit être une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable. »

 

[43]     Dans le cas présent, contrairement à la situation dans Schlumberger, l’analyse des données réalisée par l’ordinateur n’est pas le point de mire de l’invention revendiquée. Il y a aussi des étapes, qui incluent notamment le balayage numérique, l’acquisition des données physiques et la séparation des embryons, qui doivent être effectuées en combinaison avec les analyses informatiques, et ces étapes ont une existence physique.

 

[44]     Pour les raisons ci-dessus, la revendication indépendante 1 est conforme à l’article 2 de la Loi et, par extension, les revendications indépendantes le sont également. Le même raisonnement s’applique aux revendications 12 et 23 et à leurs revendications dépendantes.

 

Non-conformité au paragraphe 27(8) de la Loi

 

[45]     Une deuxième raison étayant la conclusion que les revendications visent des objets non brevetables se base sur une constatation exprimée dans la procédure de décision finale selon laquelle les revendications s’attachent à des concepts mathématiques abstraits. Après avoir examiné la procédure de décision finale et la réplique du demandeur, nous sommes généralement d’accord avec la position de ce dernier, mais nous ne considérons pas nécessaire de nous attarder sur cette question secondaire pour deux raisons.

 

[46]     Tout d’abord, « Comme dans le cas de “réalisation”, la portée du mot “procédé” à l’art. 2(d) [maintenant l’art. 2] est quelque peu restreinte par la disposition de l’art. 28(3) [maintenant le par. 27(8)] qui exclut un “simple principe scientifique ou conception théorique”. » Tennessee Eastman Co c. Canada (Commissaire aux brevets) (1972), 8 C.P.R. (2d) 202 (CSC), 206.

 


[47]     Deuxièmement, l’examen de la conformité au paragraphe 27(8), tout comme l’examen de la conformité à l’article 2, s’articule sur la même interprétation téléologique des revendications à partir de laquelle nous avons conclu qu’elles sont plus que de simples concepts mathématiques et qu’elles font preuve d’une présence physique. Conséquemment, si une invention revendiquée, lorsqu’elle fait l’objet d’une interprétation téléologique, révèle une présence physique, elle n’est pas abstraite.

 

[48]     C’est pourquoi nos conclusions afférentes à l’article 2 peuvent s’étendre à l’analyse aux termes du paragraphe 27(8), et nous estimons que les revendications sont conformes à ce dernier.

 

Question 2 : Les revendications 12 à 22 et 46 à 56 sont-elles trop générales?

 

[49]     La demande a également été rejetée sous prétexte que les revendications axées sur le procédé 12 à 22 ont une portée plus générale que les enseignements de la description, ce qui est contraire à l’article 84 des Règles et au paragraphe 27(3) de la Loi. Ce raisonnement englobe également les revendications portant sur l’appareil 46 à 56, qui miment la phraséologie des revendications 12 à 22 et ont été ajoutées dans la réplique à la procédure de décision finale.

 

[50]     L’article 84 des Règles et le paragraphe 27(3) de la Loi s’attardent à la relation entre l’étendue de la divulgation et la portée des revendications.

 

[51]     L’article 84 des Règles sur les brevets va comme suit :

 

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

 

[52]     Les alinéas pertinents du paragraphe de la Loi sur les brevets se lisent ainsi :

 

Le mémoire descriptif doit :

 

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

 


b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention. .

 

[53]     L’arrêt de la Cour suprême Consolboard c. MacMillam Bloedel (Saskatchewan) Ltd, 1981 56 C.P.R. (2d), 145 à 157 (CSC) [Consolboard] indique que la suffisance de la divulgation s’attache principalement à deux questions pertinentes pour l’interprétation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets : en quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle?

 

[54]     La description de l’invention doit être exacte et complète et le mémoire descriptif doit permettre la réalisation de l’invention dans toute sa portée revendiquée. La personne versée dans l’art ne doit pas avoir à faire preuve d’un esprit inventif ni à procéder à une expérimentation excessive pour utiliser l’invention.

 

La procédure de décision finale et le résumé des motifs

 

[55] La procédure de décision finale indique que le mémoire descriptif présente des lacunes quant aux calculs des valeurs métriques pour les embryons végétaux et à la façon dont ces valeurs sont utilisées pour établir les courbes de Lorenz [TRADUCTION] :

 

Le demandeur nexplique pas comment classer des embryons végétaux en calculant des valeurs métriques et des courbes de Lorenz à laide de deux ensembles de valeurs métriques dérivées dembryons entiers. En outre, il nétaye pas les valeurs métriques utilisées pour le calcul des courbes de Lorenz. À la page 29, il divulgue lutilisation de courbes de Lorenz, mais nindique ni ne définit quelles valeurs métriques sont utilisées pour établir ces courbes. Ainsi, une personne versée dans lart naurait aucune base factuelle sur laquelle se fonder pour prédire quelles valeurs métriques peuvent être utilisées pour établir les courbes de Lorenz qui, à leur tour, permettent la classification du potentiel de germination dembryons entiers.

 

[56] Le résumé des motifs exprime de façon semblable que [TRADUCTION] « le demandeur doit clairement divulguer comment les algorithmes distinguent les bons embryons des mauvais ou établissent le potentiel de germination. »

 


La position du demandeur

 

[57] Dans sa réplique à la procédure de décision finale, le demandeur souligne que [TRADUCTION] « la valeur métrique fait référence à “toute valeur statistique scalaire qui saisit les caractéristiques de la géométrie, des couleurs ou du spectre contenant des renseignements au sujet des embryons, notamment à des moments centrés et non centrés, aux courbes de l’énergie spectrale à des longueurs d’onde précises ou toute fonction de l’une ou plusieurs de ces statistiques” (page 11, lignes 19-22 de la divulgation du demandeur). »          

 

[58]     Le demandeur ajoute que des exemples précis du procédé de la revendication 12 sont énumérés de la page 29, ligne 21 à la page 35, ligne 4.

 

[59]     La revendication 12 est expliquée plus en profondeur comme nécessitant généralement 8 étapes :

 

Premièrement, des données numériques brutes sont tirées des embryons végétaux dont le potentiel de germination est connu servant de référence. Deuxièmement, la valeur métrique est calculée à partir des données numériques brutes de chacun des embryons dont le potentiel de germination est connu. « Métrique » est un terme qui fait référence à « toute valeur statistique scalaire qui saisit les caractéristiques de la géométrie, des couleurs ou du spectre contenant des renseignements au sujet des embryons, notamment à des moments centrés et non centrés, aux courbes de lénergie spectrale à des longueurs donde précises ou toute fonction de lune ou plusieurs de ces statistiques (page 11, lignes 19-22 de la divulgation du demandeur). » Troisièmement, les valeurs métriques obtenues plus tôt sont divisées en deux ensembles, selon le potentiel de germination. Quatrièmement, la courbe de Lorenz est calculée à partir des deux ensembles de valeurs métriques. Cinquièmement, un point sur la courbe de Lorenz calculée plutôt est utilisé comme valeur limite pour créer un modèle de classification métrique unique servant au classement des embryons végétaux en fonction de leur potentiel de germination. Sixièmement, le modèle de classification métrique unique élaboré est entreposé dans la mémoire de lordinateur (de la page 16, ligne 25, jusquà la page 21, ligne 16 de la divulgation du demandeur). La courbe de Lorenz et sa valeur limite susmentionnées peuvent être utilisées pour créer un « modèle de classification métrique unique », dans lequel « les valeurs métriques inférieures à la valeur limite sont assignées à un type de qualité dembryons [p. ex., un bon potentiel de germination] et les valeurs supérieures sont données à lautre type de qualité dembryons [p. ex., un mauvais potentiel de germination]. » (Page 20, lignes 12-14.)

 


Septièmement, les données numériques brutes sont tirées dembryons végétaux dont le potentiel de germination est inconnu. Huitièmement, le modèle de classification métrique unique susmentionné est appliqué aux données numériques brutes des embryons dont le potentiel de germination est inconnu, les classant alors en fonction de leur potentiel de germination présumé.

 

[60]     Le demandeur conclut en affirmant que les revendications sont claires et concises et que le mémoire descriptif décrit en entier l’invention revendiquée, de façon à ce que toute personne versée dans l’art puisse créer et utiliser l’invention revendiquée.

 

Analyse

 

[61]     Le mémoire descriptif vise la personne versée dans l’art (Consolboard, p. 158) qui, dans le présent cas, a été décrite comme une équipe formée d’un bioingénieur, d’un biotechnologiste en sylviculture et d’un spécialiste en informatique. Il faut se rappeler que ce sont ces gens qui, travaillant de concert, doivent être capables de créer et d’utiliser l’invention revendiquée.

 

[62]     La procédure de décision finale met l’accent sur deux aspects précis qu’on ne retrouve dans aucune de revendications indépendantes plus générales : comment classer les embryons végétaux en calculant des valeurs métriques et, par la suite, comment utiliser ces valeurs métriques pour calculer les courbes de Lorenz. Ainsi, nous examinerons si l’inclusion de ces éléments rend les revendications trop générales.

 


[63]     Les valeurs métriques sont définies dans la description, il s’agit de valeurs statistiques scalaires qui saisissent les caractéristiques de la géométrie, des couleurs ou du spectre contenant des renseignements au sujet des embryons. Un biotechnologiste en sylviculture connaît les caractéristiques indiquant un bon potentiel de germination. Par exemple, on peut s’attendre à ce qu’un embryon ayant une couleur et une symétrie axiale appropriées ait un meilleur potentiel de germination qu’un embryon décoloré et difforme. Un bioingénieur saurait comment recueillir les renseignements pertinents. Par exemple, on peut photographier un embryon de nombreux points de vue pour obtenir les informations numériques brutes qui pourront ensuite être traitées pour générer les valeurs qui, à leur tour, permettront de déterminer et de cibler les données de l’embryon utiles à la création d’un modèle de classification pour classer les embryons en fonction de leur qualité (voir page 10, lignes 3-19). Étant donné que la personne versée dans l’art comprendrait chaque type de valeurs utilisées et les quantités pertinentes dans le contexte de la détermination du potentiel de germination, nous ne voyons pas pourquoi ces revendications doivent être limitées à une mesure en particulier.

 

[64]     Une fois l’acquisition des données de l’embryon terminée, les compétences du spécialiste en informatique entreraient alors en jeu pour traiter les données à l’aide des algorithmes de classification dans le but de générer un modèle de classification à partir des ensembles de référence composés des embryons dont le potentiel de germination est connu.

 

[65]     Les revendications en question sont des variations d’autres revendications, mais emploient un modèle de classification utilisant un paramètre unique et un algorithme de classification particulier basé sur une courbe de Lorenz. Selon la page 19 du mémoire descriptif, la courbe de Lorenz provient du domaine de l’économie et a été créée pour comparer la distribution des revenus entre divers groupes de gens. Elle est créée en calculant la fraction du revenu par rapport à la fraction de la population qui gagne cette fraction du revenu.

 

[66]     La description explique de façon générale (de la page 4, ligne 33 jusqu’à la page 5, ligne 2) comment une courbe de Lorenz peut être appliquée dans le cas présent :

 

Les valeurs métriques sont dabord divisées en deux ensembles de mesures basés sur la qualité connue des embryons. Une courbe de Lorenz est alors calculée à partir de chaque ensemble de valeurs métriques. Une valeur limite est fixée à un point de la courbe de Lorenz, qui sert de modèle de classification métrique unique pour trier les embryons végétaux en fonction de leur qualité.

 

[67]     Les pages 20 à 22 expliquent de façon plus approfondie comment une courbe de Lorenz peut être appliquée dans le présent contexte. Outre cela, l’exemple 4 décrit l’utilisation réussie du procédé, conformément à la revendication 12.

 

[68]     La procédure de décision finale soutient que les revendications sont trop générales. Toutefois, le mémoire descriptif établit, notamment par l’exemple 4, que le procédé revendiqué peut être utilisé pour certains paramètres et nous jugeons raisonnable d’étendre cette affirmation à d’autres paramètres. Nous soulignons par ailleurs que les revendications précisent l’utilisation d’une courbe de Lorenz, et que le demandeur a donné des renseignements particuliers quant aux types de manipulations mathématiques qui doivent être effectuées. En fait, cela est beaucoup plus prononcé dans ce cas que dans bien d’autres revendications.

 


Conclusion

 

[69]     Au vu du dossier dans sa version actuelle, nous estimons que les revendications 12 à 22 et 46 à 56 ne sont pas trop générales et qu’elles sont conformes à la règle 84 ainsi qu’au paragraphe 27(3) de la Loi.

 

Recommandations du comité

 

[70]     Nous tranchons en faveur du demandeur sur les deux points soumis et nous jugeons que la demande rejetée se conforme à l’article 84 des Règles, à l’article 2 et aux paragraphes 27(3) et 27(8) de la Loi.

 

[71]     Nous recommandons que le refus de la demande par l’examinateur soit infirmé et que la demande devrait être acceptée.

 

 

 

 

Ed MacLaurin                            Paul Fitzner                          Christine Teixeira

Membre                                      Membre                                Membre

 


Décision du Commissaire

 

[72]     Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d’appel des brevets. Le refus de la demande par l’examinateur est infirmé et la demande doit être acceptée.

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 22 mai 2013

 

 

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