BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 2,235,566 ayant été refusée par l'examinateur en vertu du
paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a fait l'objet d'une révision par la Commission
d'appel des brevets et le commissaire aux brevets. La recommandation de la Commission et la
décision du commissaire suivent ci-dessous.
Agent du demandeur
Bennett Jones LLP
Suite 3400, One First Canadian Place
P.O. Box 130
Toronto, ON
M5X 1A4
Introduction
[1] La présente décision porte sur une révision des conclusions de l'examinateur à l'égard
de la demande de brevet canadien no 2,235,566, intitulée « SYST ME DE CONTR LE DE
VÉHICULES AUTOMOBILES SERVANT DÉTERMINER LES FRAIS D'ASSURANCE » et
inscrite au nom de Progressive Casualty Insurance Company. La demande concerne le
calcul des frais d'assurance d'un véhicule en fonction de données concernant le
conducteur recueillies à l'aide de capteurs installés dans le véhicule. Le coût de base de
l'assurance est établi dans une installation centrale à l'aide d'un profil initial de
conducteur (âge, état matrimonial, expérience de conduite, etc.). Ce coût est ensuite
rajusté, en fonction de l'utilisation du véhicule et du comportement du conducteur, grâce
aux données obtenues au moyen d'une surveillance à l'intérieur du véhicule des divers
capteurs du véhicule.
[2] l'issue de plusieurs actions du Bureau, la demande a été refusée dans une décision
finale concluant qu'aucune des 53 revendications ne visait un objet prévu par la loi et
que toutes étaient évidentes. Ayant conclu que la réponse du demandeur ne corrigeait
pas les irrégularités, l'examinateur a transmis la demande, accompagnée d'un résumé
des motifs, à la Commission d'appel des brevets (CAB) le 31 mars 2010.
[3] Le résumé des motifs maintenait le rejet de la demande pour les mêmes motifs que ceux
énoncés dans la décision finale, mais fournissait des précisions relativement aux motifs
concernant l'absence d'objet prévu par la loi, à lumière de la décision du commissaire
no 1290 concernant la demande de brevet 2,246,933 de Amazon.com (2009) [DC1290],
et relativement aux motifs concernant l'évidence, à la lumière de l'arrêt Sanofi-
Synthelabo Canada Inc. c.. Apotex Inc., 2008 C.S.C. 61, [Sanofi].
[4] Un comité formé de trois membres de la CAB (« le comité ») a été constitué pour revoir
le dossier et une lettre invitant le demandeur à participer à une audience a été envoyée
à ce dernier. En parallèle, le comité a envoyé un mémoire, rédigé à la lumière de la
décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Canada (le Procureur général) c.
Amazon.com Inc., 2011 C.A.F. 328 [Amazon], exposant des considérations
supplémentaires pertinentes pour l'appréciation de l'objet prévu par la loi et de
l'évidence. Le demandeur a été invité à fournir une réponse écrite au mémoire du comité
avant la date d'audience proposée.
[5] Le demandeur a décliné l'occasion qui lui était offerte de participer à une audience et a
indiqué qu'il n'entendait pas produire d'observations écrites. Par conséquent, la présente
recommandation est fondée sur le dossier tel qu'il est constitué.
Questions
[6] Au vu du résumé des motifs, les deux questions sur lesquelles le comité doit statuer sont
les suivantes :
Les revendications 1 à 53 sont-elles évidentes à la lumière des antériorités citées?
Les revendications 1 à 53 visent-elles un objet non prévu par la loi?
Contexte
[7] La demande concerne des systèmes servant à déterminer les primes d'assurance de
véhicules. Comme il est indiqué dans la section portant sur le contexte (pages 1 à 6), les
méthodes conventionnelles employées pour déterminer le coût de l'assurance des
véhicules automobiles sont fondées sur des calculs qui font intervenir des données
obtenues lors d'entrevues directes avec les conducteurs et extraites des dossiers de
conduite publics de ces derniers. En fonction de ces données, le conducteur est classé
dans une catégorie actuarielle générale (classification des risques) à laquelle des tarifs
d'assurance sont attribués, d'après la connaissance empirique de l'assureur. De
nombreux facteurs généralement reconnus comme étant associés à ces classes de
risque, tels que l'âge, le sexe, l'état matrimonial, l'emplacement géographique, le type de
véhicule et le dossier de conduite, sont énumérés dans la section portant sur le
contexte.
[8] Le problème exposé dans la section portant sur le contexte (page 4) est qu'une part
importante des données obtenues lors de l'entretien avec le demandeur ne sont pas
vérifiables et que même les dossiers publics existants peuvent se révéler insuffisants
pour évaluer la probabilité d'une réclamation subséquente. Le système conventionnel
est donc principalement fondé sur des sinistres ou des réclamations survenus dans le
passé et ne recourt pas à des données suffisamment pertinentes pour prédire de façon
fiable la façon dont le véhicule sera utilisé ou le caractère sécuritaire de cette utilisation.
D'où la nécessité d'un système permettant d'obtenir de meilleures données d'assurance.
[9] Le demandeur propose (page 5) [TRADUCTION] « un système nouveau et amélioré de
surveillance, d'enregistrement et de communication de données de véhicules
automobiles ». Le but est de [TRADUCTION] « déterminer les coûts d'assurance en
tenant compte de données actuelles significatives représentatives des caractéristiques
de conduite réelles » afin de réduire de manière substantielle [TRADUCTION] « le taux
d'erreur dans l'établissement des tarifs d'assurance par rapport aux systèmes
conventionnels d'établissement des coûts d'assurance ».
Revendications
[10] Les revendications 1 à 53 comprennent sept revendications indépendantes, y compris
des revendications de système, de dispositif, de procédé et de méthode. La
revendication 1 est représentative du système proposé :
[TRADUCTION]
Un système servant à déterminer une prime d'assurance en fonction des actions réelles
du conducteur ou des caractéristiques de conduite d'un véhicule au cours d'une période
sélectionnée, et où la prime d'assurance peut être rajustée dans une installation centrale
de traitement par une mise en correspondance des actions du conducteur ou des
caractéristiques de conduite avec des normes de sécurité préétablies, ledit système
comprenant :
- un moyen de déterminer le coût de base de l'assurance en fonction d'un profil
initial d'assuré;
- un ou plusieurs capteurs pour le véhicule, chacun desdits capteurs fournissant
une sortie de données, et chacune desdites sorties de données étant
représentatives d'un état d'utilisation du véhicule ou d'une action du conducteur
au cours de ladite période sélectionnée;
- un contrôleur connecté auxdits capteurs pour la réception des sorties de
données desdits capteurs, ledit contrôleur comprenant un moyen de stocker
lesdites sorties de données;
- une ligne de communication, ladite ligne de communication étant connectée et
réceptive audit contrôleur pour la transmission d'une ou plusieurs desdites sorties
de données au processeur central; ledit processeur central étant situé à distance
du véhicule;
- un moyen de consolider lesdites sorties de données pour déterminer un
supplément ou un rabais à appliquer au coût de base de l'assurance;
- un moyen d'obtenir le coût final d'une assurance pour une période désignée à
partir du coût de base et du supplément ou du rabais à appliquer.
[11] La revendication définit un système intégré comprenant des composantes pour véhicule
(capteurs, moyens de stockage et de contrôle), qui surveillent/compilent les
caractéristiques d'utilisation du véhicule, une installation centrale d'assurance située à
distance du véhicule, laquelle calcule le coût final d'une assurance, et une ligne de
communication pour transmettre les données des capteurs à l'installation centrale.
Lorsque dans la description il est question de déterminer [TRADUCTION] « le coût de
base d'une assurance », on comprend qu'il est fait référence aux techniques
conventionnelles de calcul du risque d'assurance en fonction d'un profil de conducteur
qui sont utilisées pour déterminer la prime. L'expression [TRADUCTION] « supplément
ou rabais » renvoie au montant qui est ajouté au coût de base (prime) ou en est déduit
en fonction des données supplémentaires sur le comportement du conducteur obtenues
des capteurs installés à bord du véhicule. [TRADUCTION] « Période sélectionnée »
s'entend d'une période pendant laquelle des données sont enregistrées par les capteurs
et stockées dans une mémoire tampon, tandis que [TRADUCTION] « période
désignée » s'entend d'une période pour laquelle un tarif d'assurance est calculé.
[12] Les autres revendications indépendantes définissent d'autres modes de réalisation de
l'invention. Les revendications indépendantes 16, 39 et 45 définissent des
dispositifs/systèmes :
revendication 16 : un dispositif qui permet de déterminer le coût de l'assurance
comprenant un récepteur installé dans le véhicule servant à collecter les
données des capteurs du véhicule, et un processeur situé dans une installation
centrale et configuré pour appliquer un supplément ou un rabais au coût de
l'assurance en fonction des données des capteurs;
revendication 39 : un système semblable à celui de la revendication 1,
comprenant des détails supplémentaires sur les moyens de stockage et les
moyens de calcul. Les données de capteurs sont enregistrées dans le but de
produire des sorties de données dont les valeurs satisfont à des conditions
préétablies, et les moyens de calculs calculent le coût de l'assurance en relation
à des périodes préétablies;
revendication 45 : un système semblable à celui de la revendication 1,
définissant des moyens supplémentaires dans le processeur central pour mettre
à jour une composante de programme;
tandis que les revendications 24, 36 et 49 sont des revendications de
méthode/procédé :
revendication 24 : une méthode mise en uvre par ordinateur qui correspond au
système visé par la revendication 1, comprenant la surveillance des capteurs du
véhicule, le stockage des données, la transmission des données au centre de
traitement central et la détermination du supplément ou du rabais à appliquer
pour obtenir le coût final d'une assurance;
revendication 36 : un procédé d'acquisition et d'enregistrement de données
relatives à l'assurance du véhicule comprenant les étapes consistant à surveiller
les données de capteurs qui sont considérées comme déterminantes dans
l'établissement du coût de l'assurance et à enregistrer ces données dans un
fichier de données de capteurs, et les étapes consistant à consolider les
données de capteurs avec un fichier d'événements déclencheurs dans une
installation distante sous une forme permettant de déterminer le coût de
l'assurance du véhicule pour la période;
revendication 49 : un procédé d'acquisition et d'enregistrement de données
relatives à l'assurance du véhicule comprenant les étapes consistant à surveiller
les données de capteurs qui sont considérées comme déterminantes dans
l'établissement du coût de l'assurance, à enregistrer les données dans un fichier
concernant le dossier du véhicule, et à consolider le fichier dans une installation
distante pour déterminer le coût de l'assurance.
[13] S'agissant de la revendication 16, qui définit un dispositif comprenant un récepteur et un
processeur, il est explicitement indiqué que le processeur est situé « dans une
installation centrale », alors que l'emplacement du récepteur n'est pas défini. La
revendication ne définit pas non plus de moyen pour communiquer les données du
véhicule au processeur central. On pourrait donc conclure que le dispositif visé par la
revendication 16 est un processeur polyvalent autonome qui traite les données de
capteurs reçues ayant soit un récepteur rattaché, ou ayant un récepteur qui n'est pas
situé à l'installation centrale qui reçoit les données, mais qui, selon toute apparence, ne
communique pas avec le processeur. Or, une lecture téléologique de la revendication et
du mémoire descriptif dans son ensemble suggère que le récepteur et le processeur
revendiqué sont destinés à être en communication comme s'il s'agissait d'un seul
dispositif. la lecture de la description, la personne versée dans l'art comprend que la
fonction de réception est accomplie par l'ordinateur de bord qui surveille et enregistre les
données des capteurs du véhicule et les actions du conducteur. Les données reçues
sont ensuite transmises à un processeur central. Par conséquent, la revendication 16
définit un système intégré semblable à ceux définis dans les autres revendications
indépendantes, mais d'une manière non explicite. Si ce n'était de notre conclusion quant
à l'évidence (ci-dessous), une modification de la revendication 16 serait requise en vertu
de l'alinéa 31c) des Règles sur les brevets afin de corriger ce manque de clarté.
[14] Les revendications dépendantes ajoutent des restrictions telles que la sélection de
certaines données de capteurs aux fins des calculs d'assurances, la spécification d'une
période pour déterminer le coût de l'assurance, la définition d'un événement
déclencheur pour transmettre les données, l'emploi d'une ligne de communication sans
fil, le déploiement d'un véhicule d'assistance à la suite d'un événement déclencheur, la
capacité de mettre à jour un programme. L'historique du traitement de la demande ne
révèle aucun différend entre le demandeur et l'examinateur quant à la signification ou à
la compréhension de ces revendications.
Question 1 : Évidence
Principes de droit
[15] L'article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l'information dont il convient de tenir
compte lorsqu'il s'agit d'évaluer l'évidence de l'objet d'une revendication :
28.3 L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de
la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont
relève l'objet, eu égard à toute communication :
a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, par la
demanderesse ou un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe
ou autrement, de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;
b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière
telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.
[16] Une approche en quatre étapes pour évaluer l'évidence a été établie dans l'arrêt Sanofi.
Cette approche est la suivante :
(1) a) identifier la « personne versée dans l'art »;
b) déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette
personne;
(2) déterminer le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie
d'interprétation;
(3) recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la
technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son
interprétation;
(4) Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces
différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans
l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?
Références citées
[17] Les antériorités suivantes sont citées dans le résumé des motifs :
Documents de brevet :
EP 383,593 22 août 1990 Asano et al.
EP 700,009 06 mars 1996 Perez
US 5,638,273 10 juin 1997 Coiner et al.
US 5,694,322 02 décembre 1997 Westerlage et al.
Publications :
Narten, Encyclopedia of Computer Science, 3e éd. (1993), entrée pour le terme « file
server » [serveur de fichiers]
Wikipédia (2007), entrée pour le terme « client-server » [client-serveur], consulté le
27 novembre 2007
(désignées collectivement au moyen du terme « client-serveur » dans le résumé des motifs)
[18] Toutes les références étaient accessibles au public avant la date de la revendication,
soit le 11 février 1998, à l'exception de « Wikipedia (2007) ». En outre, il n'y a rien dans
la référence Wikipédia qui, en soi, confirmerait que la connaissance contenue dans cette
référence faisait partie des connaissances générales courantes (CGC) de la personne
versée dans l'art à la date de la revendication. Par conséquent, le comité ne tiendra pas
compte de cette référence dans l'analyse de l'évidence.
[19] Pour ce qui est des autres références, le demandeur n'a pas avancé de raison, et nous
n'en voyons pas non plus, pour laquelle les antériorités citées ne pourraient être
découvertes par la personne versée dans l'art (telle qu'elle est définie à l'étape 1 ci-
dessous) qui effectue une recherche raisonnable d'antériorités. Par conséquent, nous
considérons chacune des références comme des citations valables aux fins de l'analyse
de l'évidence en l'espèce.
Analyse
Étape 1 : Identifier la personne versée dans l'art et déterminer ses connaissances générales
courantes pertinentes
[20] Notre mémoire au demandeur en date du 24 juillet 2012 passait en revue les énoncés
contenus dans le résumé des motifs concernant la personne versée dans l'art et les
CGC. Nous avons invité le demandeur à s'exprimer par écrit et/ou lors d'une audience
sur tout point abordé dans notre mémoire. En l'absence de toute réponse de la part du
demandeur contestant ces énoncés, nous estimons que les définitions exposées ci-
dessous sont raisonnables et nous les adoptons aux fins de notre analyse.
[21] Il est indiqué dans le résumé des motifs que les personnes ou l'équipe versée dans l'art
consistent en des professionnels du commerce ou de l'assurance, ainsi qu'en des
ingénieurs ou autres technologues. Bien que nous estimions qu'il s'agit là d'un énoncé
raisonnable, nous reconnaissons que cet énoncé définit de façon générale la personne
ou l'équipe versée dans l'art. Nous comprenons qu'en l'espèce, « professionnels de
l'assurance » s'entend, au minimum, de personnes formées et qualifiées pour établir des
primes d'assurance de véhicule, et que « ingénieurs et autres technologues » s'entend,
au minimum, de personnes formées et qualifiées dans les domaines informatique et
électronique, y compris l'acquisition de données de véhicules et le traitement de
données.
[22] Le résumé des motifs (en référence aux pages 1 à 6 de la demande) définit les CGC de
cette personne ou de cette équipe comme comprenant les méthodes conventionnelles
d'établissement de primes d'assurance. Dans notre mémoire, nous avons souligné que
ces connaissances comprennent l'utilisation de « profils de conducteur ». Nous
considérons que l'emploi d'un « profil de conducteur » pour déterminer le coût de base
de l'assurance équivaut à l'emploi conventionnel de facteurs, tels que l'âge, le sexe, les
antécédents de conduite ou l'état matrimonial du conducteur pour calculer une prime
d'assurance. Cette méthode est bien connue de toute personne profane qui contracte
une assurance, et constitue la pratique normale dans l'industrie des assurances. En
outre, les rajustements de tarifs d'assurance selon que le conducteur a un bon dossier
de conduite (un « rabais ») ou un mauvais dossier de conduite (un « supplément »)
étaient également bien connus à la date de la revendication
[23] Le résumé des motifs indique également que la personne versée dans l'art possède une
connaissance des systèmes utilisés pour surveiller, enregistrer et communiquer des
données concernant l'utilisation de véhicules, et sait comment assembler et installer de
tels systèmes, et les adapter pour obtenir les types de renseignements désirés, tels que
des renseignements pertinents pour calculer une prime d'assurance. Le résumé des
motifs indique, en outre, que les CGC comprendraient une connaissance des systèmes
servant à contrôler l'utilisation des véhicules, communiquer des données et contrôler
l'information à destination et en provenance d'un système distant, enregistrer et analyser
des données d'utilisation de véhicules, une connaissance des systèmes de localisation
en mouvement et de suivi des véhicules, ainsi qu'une connaissance des risques et des
coûts associés à certains comportements de conduite. Ce savoir comprend également
une connaissance des architectures réseau de base, telles que le modèle client-serveur,
et des avantages qu'elles comportent.
[24] Bien qu'il ne formule pas d'objections à l'égard des énoncés concernant les CGC
contenus dans le résumé des motifs, le demandeur s'oppose à ce que la description qu'il
a lui-même fournie soit employée pour définir certains aspects des CGC. Or, le comité
ne voit aucune raison pour laquelle des déclarations faites par un demandeur dans la
description ne devraient pas être prises au pied de la lettre. En l'espèce, ayant considéré
les particularités des CGC qui s'infèrent de la description, le comité estime que ces
connaissances seraient bien comprises dans les domaines de l'assurance et du génie.
Nous considérons que lorsque le demandeur déclare dans la demande que quelque
chose fait partie de l'art antérieur ou constitue une technique conventionnelle, il y a lieu
de se fonder sur cette déclaration. Cette approche est conforme à la pratique du Bureau.
Étape 2 : Déterminer le concept inventif
[25] Le résumé des motifs indique que le concept inventif commun à l'ensemble des
revendications est un système formé d'équipement installé sur le véhicule et d'un
système distant de traitement des données. Le système distant de traitement des
données calcule une prime d'assurance en fonction d'un profil initial d'assuré, alors que
l'équipement installé sur le véhicule surveille et enregistre les données relatives à
l'utilisation du véhicule et au comportement du conducteur, et communique ces données
au système distant de traitement des données, lequel utilise ces données pour
recalculer la prime d'assurance à facturer.
[26] Le résumé des motifs recense des concepts additionnels; un dans les revendications 36
et 49, qui tient au fait que seules les données identifiées comme pertinentes pour le
calcul de la prime d'assurance sont enregistrées par l'équipement installé sur le
véhicule, et un autre dans la revendication 36, qui tient au fait que lorsque certains
« événements déclencheurs » se produisent, de l'information concernant ces
événements est communiquée à un terminal distant à des fins de stockage.
[27] Nous estimons que les énoncés contenus dans le résumé des motifs concernant les
concepts inventifs sont raisonnables compte tenu de la personne versée dans l'art et
des CGC susmentionnées, et selon notre compréhension, à la lecture de la description,
des problèmes que présentent les systèmes d'assurance conventionnels (à savoir, le
problème lié à l'obtention de données plus actuelles et plus pertinentes qui soient
représentatives du comportement du conducteur pour calculer les rajustements au coût
de base de l'assurance. De plus, le demandeur n'a proposé aucune variante du concept
inventif.
[28] En outre, il n'est pas nécessaire de préciser davantage le concept inventif pour trancher
la question de l'évidence en l'espèce. Il ne fait aucun doute qu'au cours du traitement de
la demande, le demandeur et l'examinateur ont dégagé plusieurs différences entre les
revendications indépendantes et les antériorités, sur lesquelles s'appuie l'analyse de
l'évidence présentée dans le résumé des motifs. Nous estimons, au vu de l'historique du
traitement de la demande, qu'il est suffisant d'examiner, à l'étape 3 de notre analyse
selon Sanofi ci-dessous, uniquement les différences sur lesquelles l'examinateur et le
demandeur étaient en désaccord.
[29] Nous soulignons également que le résumé des motifs ne recense aucun autre concept
inventif dans les revendications dépendantes, et qu'aucune des pièces de
correspondance reçues du demandeur ne comporte d'indication quant à la présence
d'autres éléments inventifs distincts dans les revendications dépendantes. Dans notre
mémoire, nous avons informé le demandeur que, à moins qu'il présente des arguments
précis expliquant pourquoi l'inclusion d'éléments dans les revendications dépendantes
devrait être considérée comme inventive, nous étions d'avis qu'aucun autre élément ne
devait être pris en considération. Comme nous l'avons mentionné précédemment,
aucune observation n'a été reçue de la part du demandeur. Ces faits considérés, nous
trancherons donc la question de l'évidence à la lumière des différences recensées en ce
qui concerne les revendications indépendantes.
Étape 3 : Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la
technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation
Aperçu des antériorités citées :
[30] Le résumé des motifs (pages 8 et 9) contient un résumé des trois principales antériorités
citées utilisées par l'examinateur (Perez, Westerlage et al., et Coiner et al.). Nous avons
examiné chacun de ces résumés et estimons que tous reflètent avec exactitude les
principaux enseignements. Là encore, le demandeur n'a pas donné suite à notre
invitation à commenter la matière présentée par l'examinateur dans le résumé des
motifs, y compris ce résumé des antériorités.
Principaux arguments du demandeur
[31] Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a de nouveau fait valoir plusieurs
des différences déjà invoquées qui, selon lui, distinguent l'invention revendiquée de l'art
antérieur. Relativement au brevet de Perez, le demandeur soutient que l'objet
revendiqué se distingue des antériorités citées en raison des différences suivantes :
Évaluation centralisée du risque : les données de capteurs recueillies sont
transmises à une installation centrale et l'évaluation du risque est effectuée dans
cet emplacement central plutôt qu'à bord du véhicule;
Capteurs intégrés au véhicule : des capteurs incorporés ou intégrés dans un
système de bord installé à même le véhicule sont utilisés plutôt que des capteurs
intégrés dans l'infrastructure routière ou dans d'autres emplacements
accessibles aux véhicules;
Utilisation de donnée de profils de conducteur et de données de capteurs : il est
précisé que l'installation centrale calcule le coût final de l'assurance à l'aide des
données de capteurs reçues et des renseignements contenus dans le profil du
conducteur, et non uniquement à l'aide de données de capteurs (à titre de
fondement unique pour établir la prime d'assurance);
Mises à jour centralisées : à la revendication 45, il est précisé que l'installation
centrale comporte un moyen de mise à jour du logiciel utilisé pour calculer la
prime d'assurance, comparativement à la mise à jour individuelle de chaque
processeur d'évaluation du risque installé dans les véhicules.
[32] Le demandeur soutient, en outre, qu'aucune des autres références citées ne supplante
les différences susmentionnées par rapport au brevet de Perez.
Nos conclusions quant à ces différences sont les suivantes :
a) différences par rapport au brevet de Perez
[33] Le comité a examiné les antériorités citées. Nous estimons qu'il existe une forte
similitude entre le brevet de Perez et le concept inventif commun énoncé dans le résumé
des motifs. Le brevet de Perez vise un problème similaire rencontré dans l'obtention de
données de capteurs (situés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du véhicule) destinées à
être utilisées aux fins du calcul du coût de l'assurance. Un traitement des données est
effectué à bord du véhicule pour évaluer le risque. L'emploi d'une ligne de
communication pour transmettre les données concernant l'évaluation à une installation
d'assurance distante fait également partie des enseignements du brevet.
[34] Évaluation centralisée du risque : Le demandeur soutient que dans le brevet de Perez,
« l'évaluation du risque » est effectuée à bord du véhicule, alors que dans la présente
invention l'évaluation du risque est effectuée à une installation centrale. Dans le cadre
du système visé par la présente demande, les données de capteurs sont composées
d'éléments de données brutes, d'éléments de données calculées et d'éléments de
données dérivées (description, page 17). Ces données sont ensuite traitées (surveillées
et stockées) par un ordinateur de bord, puis transmises à une installation (centrale)
distante, où elles sont utilisées pour déterminer un supplément ou un rabais applicable
sur le coût de base de l'assurance. Ce que le demandeur appelle « évaluation du
risque » dans la présente demande est considéré comme équivalant aux calculs des
suppléments et des rabais qui sont effectués à l'installation distante. Aucune évaluation
du risque et aucun calcul d'assurances ne sont réellement effectués dans le véhicule.
[35] Dans le brevet de Perez, les données de capteurs sont également surveillées et
recueillies à l'aide d'un processeur de bord. Cependant, le traitement nécessaire à
l'évaluation du risque est effectué à bord du véhicule directement à partir des données
de capteurs recueillies, plutôt qu'après que les données de capteurs aient été
transmises à une installation centrale. Nous soulignons que l'invention visée par le
brevet de Perez (page 3) comprend un moyen de [TRADUCTION] « transmettre
l'évaluation du risque susmentionnée à titre de fondement pour le calcul de la prime » à
un système externe. Ainsi, bien que les systèmes visent tous deux un but similaire, soit
d'utiliser des données de capteurs de véhicule pour déterminer des coûts d'assurance,
ils diffèrent dans la façon d'atteindre ce but. Le brevet de Perez comprend un moyen
d'effectuer localement une « évaluation du risque » par le traitement des données de
capteurs dans chaque véhicule, et de transmettre ensuite les données à un système
externe, tandis que les présentes revendications prévoient un moyen de transmettre les
données de capteurs à un processeur central (distant), où sont effectués l'« évaluation
du risque » et les calculs d'assurance. La différence tient à l'endroit où est effectué le
traitement nécessaire à l'évaluation du risque, et aux types de données subséquentes
qui sont transmises à l'installation centrale; nous examinerons cette différence à
l'étape 4.
[36] Capteurs intégrés au véhicule : Concernant l'affirmation du demandeur selon laquelle le
brevet de Perez repose sur l'emploi de capteurs routiers extérieurs au véhicule alors que
la présente demande s'appuie sur l'emploi de capteurs intégrés au véhicule, il appert
que cette différence ne concerne qu'un seul aspect du brevet de Perez. Bien qu'il soit
indiqué dans le brevet de Perez que le système peut utiliser des capteurs qui reçoivent
des signaux de dispositifs routiers situés dans la région, le système repose également
sur l'emploi de capteurs qui permettent de surveiller l'état d'utilisation du véhicule (voir
revendication 1). Le brevet de Perez comprend une liste d'exemples précis de données
recueillies par des capteurs installés sur le véhicule, telles que la vitesse, l'accélération,
la pression des pneus, la distance maintenue par rapport aux autres véhicules et
l'utilisation des ceintures de sécurité. Des capteurs routiers sont utilisés pour transmettre
de l'information au conducteur sur les limites de vitesse, les conditions routières liées à
la météo ou les bouchons de circulation. Dans le brevet de Perez, les données des
capteurs routiers sont donc utilisées en plus des données des capteurs installés sur les
véhicules. La présente demande ne comporte aucune explication à savoir pourquoi il
serait préférable d'utiliser uniquement des données de capteurs de véhicule. Elle ne
contient, en outre, aucune information qui nous permettrait de conclure que la non-
utilisation de données de capteurs routiers comporte quelque avantage inattendu ou
dénote quelque inventivité. Par conséquent, nous estimons que le fait d'utiliser
uniquement des capteurs intégrés aux véhicules, comme c'est le cas dans la présente
demande, ne constitue pas une différence par rapport au brevet de Perez en ce qui
concerne le concept inventif.
[37] Utilisation de donnée de profils de conducteur et de données de capteurs : Concernant
l'affirmation du demandeur selon laquelle le brevet de Perez n'enseigne pas l'emploi
d'un profil initial de conducteur en association avec des données de capteurs en vue de
déterminer le coût final dans une installation distante, le comité convient que le brevet de
Perez ne divulgue pas explicitement l'élément consistant à utiliser des profils de
conducteur. L'examinateur l'a également signalé dans le résumé des motifs (page 9, au
bas), dans lequel il a, en outre, souligné que l'élément « profils de conducteur » n'était
pas explicitement défini dans toutes les revendications de la présente demande. Nous
avons déjà indiqué à l'étape 1 que l'emploi de profils de conducteur pour déterminer le
coût (de base) de l'assurance relève des CGC. Cependant, nous estimons que le fait de
calculer le coût de base de l'assurance au moyen de renseignements contenus dans un
profil de conducteur en association avec des rajustements fondés sur des données de
capteurs installés sur des véhicules dans le but d'obtenir le coût final d'une assurance
ne fait pas partie de l'état de la technique.
[38] Mises à jour centralisées : Enfin, le demandeur soutient que le fait que la mise à jour du
logiciel de calcul d'assurances (« composante de programme ») soit effectuée à
l'installation distante, comme il est indiqué dans la revendication 45, constitue une
différence par rapport à une mise à jour qui doit être effectuée dans chaque véhicule,
comme c'est le cas dans le brevet de Perez. Le comité considère que le demandeur fait
référence ici à un avantage de l'évaluation centralisée du risque dont il a été question
précédemment. Néanmoins, à l'étape 4, nous considérerons cet avantage comme une
possible différence par rapport à l'état de la technique.
b) différences par rapport aux brevets de Westerlage et al. et de Coiner et al.
[39] Les brevets de Westerlage et al. et de Coiner et al. ne visent pas précisément l'emploi
de données de capteurs aux fins du calcul d'un coût d'assurance, mais ils se rapportent
tous deux à la collecte de données de capteurs dans des véhicules qui reflètent
l'utilisation et de l'état du véhicule, et à la transmission de données à une installation
distante aux fins de traitement. Il est mentionné dans le brevet Coiner et al. que des
systèmes similaires de collecte et d'analyse ont été employés dans le domaine de
l'assurance.
[40] Le demandeur n'a pas présenté d'autres arguments concernant ces deux références
dans sa réponse à la décision finale. L'examinateur a déterminé que la différence
générale entre ces deux références et le concept inventif tient au fait que ni l'une ni
l'autre ne se rapporte explicitement à la détermination de coûts d'assurance. Nous
estimons que ces références enseignent toutes deux l'état de la technique en ce qui
concerne la collecte de données de capteurs installés sur des véhicules et qu'en ce
sens, elles sont applicables et pertinentes.
[41] En outre, comme il est indiqué dans le résumé des motifs (avec citations pertinentes à
l'appui), les brevets de Westerlage et al. et de Coiner et al. divulguent tous deux les
éléments supplémentaires consistant à a) relever et sélectionner uniquement les
données de capteurs pertinentes aux fins de communication à l'installation distante et
d'analyse subséquente; et b) utiliser des événements déclencheurs pour déterminer
quand collecter ou transmettre les données recueillies par les capteurs. Ces éléments
correspondent aux concepts inventifs additionnels décrits dans les revendications 36 et
49 [para. 25]. Compte tenu de ces références, nous considérons que les concepts
inventifs des revendications 36 et 49 ne définissent pas de différences additionnelles par
rapport à l'art antérieur.
Résumé des différences recensées par le comité
[42] Nous estimons que les différences entre les concepts inventifs communs des
revendications 1, 16, 24, 36, 39, 45 et 49, et l'état de la technique peuvent être
résumées comme suit :
transmettre des données de capteurs installés sur des véhicules à une
installation (centrale) distante où sera effectuée une évaluation du risque, au lieu
d'effectuer une évaluation du risque en traitant les données dans le véhicule, ne
fait pas partie de l'état de la technique;
calculer le coût de base d'une assurance au moyen de renseignements
contenus dans un profil de conducteur en association avec des rajustements
fondés sur des données de capteurs installés sur des véhicules afin d'obtenir un
coût final d'assurance ne fait pas partie de l'état de la technique.
Nous tenons compte également de la différence supplémentaire contenue dans la
revendication 45, qui tient au fait que :
la mise à jour du logiciel de calcul d'assurances à l'installation distante ne fait
pas partie de l'état de la technique.
Étape 4 : Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences
constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles
quelque inventivité?
Le fait de transmettre des données de capteurs installés sur des véhicules à une
installation (centrale) distante où sera effectuée une évaluation du risque, au lieu
d'effectuer une évaluation du risque en traitant les données dans le véhicule
dénote-t-il quelque inventivité?
[43] Nous soulignons en premier lieu que la façon dont les données sont désignées
(données de capteurs traitées, données concernant l'évaluation du risque ou données
concernant le supplément/rabais) n'a pas d'incidence significative sur la question de
l'activité inventive, car l'intérêt ou la signification que des données revêtent en elles-
mêmes sur le plan intellectuel ne confèrent pas d'inventivité à un système ou à une
méthode.
[44] Il convient ensuite de se demander si l'idée de transmettre des données de capteurs à
une installation distante ou la mise en uvre de cette idée dénote quelque inventivité.
Nous soulignons que les brevets de Westerlage et al, de Asano et al et de Coiner et al
décrivent tous une variante d'une solution technique permettant de transmettre une
forme ou une autre de « données » provenant de véhicules vers une installation de
traitement central. Par conséquent, l'idée de recourir à un traitement central de données
provenant de véhicules était bien connue à la date de la revendication. De plus, il est
mentionné dans la présente demande (page 5) que [TRADUCTION] « les systèmes
actuels de contrôle et d'utilisation des véhicules sont conçus pour pouvoir faire l'objet de
modifications permettant d'obtenir le type d'information désiré » et que le processus de
collecte de données [TRADUCTION] « peut être mis en uvre au moyen d'une
programmation informatique conventionnelle » (page 19). Par conséquent, la
surveillance et la collecte de données de capteurs et la transmission de ces dernières à
une installation centrale constituent des activités courantes pour la personne versée
dans l'art.
[45] Le demandeur a, en outre, fait valoir que la principale référence ne décrivait pas l'emploi
de données de capteurs dans une installation distante. Nous ne sommes pas d'accord.
Comme nous l'avons souligné précédemment, le brevet de Perez indique qu'une fois
que les données de capteurs ont été traitées à bord du véhicule afin d'obtenir une
évaluation du risque, le système peut [TRADUCTION] « transmettre l'évaluation du
risque susmentionnée à titre de fondement pour le calcul de la prime par la compagnie
d'assurance » à un système externe. En fait, le brevet de Perez divulgue d'entrée de jeu
que l'invention [TRADUCTION] « confère la possibilité d'effectuer un calcul
complémentaire ou différent de la prime d'assurance d'un assuré » (page 1). Nous
considérons donc que la transmission des données concernant l'évaluation du risque
vers un système externe est « complémentaire » et permet d'effectuer des calculs
supplémentaires dans cet emplacement ou cette installation externe.
[46] Enfin, nous soulignons que la décision de traiter les données de capteurs dans cette
installation distante plutôt qu'à bord du véhicule ne procure pas d'avantage inattendu et
ne vise pas à surmonter des contraintes techniques. La personne versée dans l'art
considérerait que le fait de transmettre les données de capteurs à un processeur central
procure l'avantage connu de réduire la complexité et la charge de travail liée au
traitement des données dans le véhicule. Elle s'attendrait également à ce que cette
transmission des données simplifie la maintenance du matériel et du logiciel installés
dans le véhicule. Ces deux avantages sont évidents compte tenu des avantages bien
connus que procure une architecture client-serveur (à titre d'exemple, voir Narten,
« serveur de fichiers »). Le brevet de Asano et al. (Figure 1, abrégé) traite d'ailleurs
spécifiquement de ces avantages du point de vue du traitement de données provenant
de véhicules. Pour la personne versée dans l'art, l'architecture de système exposée
dans la revendication 1 ne serait qu'un choix parmi le nombre limité de choix de
conception qui s'offrent à elle.
[47] Compte tenu de ce qui précède, le comité conclut qu'il n'y a aucune inventivité dans le
fait de choisir d'éliminer l'étape du traitement permettant d'obtenir une évaluation du
risque dans le véhicule, et de consolider l'ensemble du processus dans une installation
centrale/distante. moins qu'il y ait des défis ou des avantages inattendus, réduire la
complexité du traitement des données dans le véhicule en centralisant le processus de
traitement n'exige pas une activité inventive.
Le fait de calculer le coût de base d'une assurance au moyen de
renseignements contenus dans un profil de conducteur en association
avec des rajustements fondés sur des données de capteurs installés sur
des véhicules afin d'obtenir un coût final d'assurance dénote-il quelque
inventivité?
[48] l'étape 3 ci-dessus, nous avons souligné que le brevet de Perez ne mentionne pas
explicitement l'emploi de profils de conducteur. Le demandeur fait valoir (réponse à la
décision finale, page 15) que [TRADUCTION] « le brevet de Perez rejette expressément
la pratique de l'industrie des assurances consistant à déterminer le tarif en fonction du
profil de l'assuré (y compris le dossier de conduite) et décrit la méthode revendiquée
comme distincte de cette pratique, précisant que le système de tarification employé dans
l'industrie est "compliqué et souvent déroutant" ». Partant, le demandeur soutient que,
dans le brevet de Perez, le coût final de l'assurance est fondé uniquement sur
l'évaluation du risque effectuée à bord du véhicule.
[49] Dans un premier temps, nous convenons avec le demandeur que la pratique
conventionnelle dans l'industrie des assurances consiste à déterminer le tarif en fonction
du profil de l'assuré (profil de conducteur). Ce faisant, nous reconnaissons que des
profils de conducteurs (établis en fonction de facteurs tels que l'âge, le sexe, l'état
matrimonial, etc.) sont utilisés pour déterminer le coût de base d'une assurance, et
confirmons par la même occasion le bien-fondé des affirmations additionnelles du
demandeur contenues dans la section portant sur le contexte, et de notre évaluation des
CGC. Avant que toute prime d'assurance puisse être établie, des renseignements sur
les risques que présente la personne ou le bien à assurer doivent être recueillis; cette
collecte de renseignements permet d'établir un profil de risque pour la personne ou le
bien à assurer. Il s'agit là de la pratique conventionnelle dans l'industrie des assurances.
[50] Nous ne pensons pas que l'absence de référence explicite à un profil de conducteur
dans le brevet de Perez signifie que de tels coûts de base ne sont pas déterminés. La
personne versée dans l'art, qui possède les CGC concernant l'emploi de profils de
conducteur dans l'industrie, ne conclurait pas, à la lecture du brevet de Perez, que la
pratique établie de longue date a été abandonnée, à moins d'indications précises en ce
sens. Le fait que le brevet de Perez ne mentionne pas explicitement l'emploi de profils
de conducteur aux fins du calcul de la prime d'assurance ne signifie pas qu'il rejette cet
élément.
[51] La personne versée dans l'art comprendrait, en outre, à la lecture du brevet de Perez, à
la page 1, que la mention [TRADUCTION] « confère la possibilité d'effectuer un calcul
complémentaire ou différent de la prime d'assurance d'un assuré » signifie que ce calcul
est complémentaire aux CGC concernant le calcul d'une prime en fonction seulement
des renseignements contenus dans un profil de conducteur. Pour être
« complémentaire », l'emploi de l'information relative à l'évaluation du risque recueillie
dans le véhicule doit tenir lieu de complément aux autres calculs de prime d'assurance,
lesquels doivent être effectués à l'installation distante, car il s'agit du seul lien externe
vers les véhicules dans le brevet de Perez.
[52] Enfin, à notre avis, le brevet de Perez ne contient aucune affirmation explicite ou
implicite selon laquelle le coût final de l'assurance est fondé uniquement sur le résultat
de l'évaluation du risque effectuée à bord du véhicule; à cet égard, nous estimons que le
demandeur fait une lecture étroite des affirmations contenues dans le brevet de Perez.
Le comité insiste sur le fait que la solution du brevet de Perez tient lieu de complément
aux pratiques antérieures de l'industrie, et que les données concernant l'évaluation du
risque sont également transmises à une installation (centrale) externe, à titre de
[TRADUCTION] « fondement pour le calcul de la prime », comme nous l'avons
mentionné précédemment. Possédant les CGC relatives à l'utilisation de profils de
conducteur pour déterminer le coût de base d'une assurance, la personne versée dans
l'art comprendrait d'emblée que l'envoi des données concernant l'évaluation du risque à
l'installation externe a pour but de combiner ces données recueillies dans le véhicule
avec les renseignements contenus dans un profil de conducteur afin de calculer le coût
final de l'assurance.
[53] Par conséquent, nous concluons qu'il n'y a aucune inventivité dans le fait de combiner
de façon explicite les données concernant l'évaluation du risque qui ont été transmises
avec les techniques de calcul conventionnelles qui sont utilisées dans l'industrie, étant
donné que le système décrit dans le brevet de Perez rend déjà possible une telle
fonctionnalité et qu'une interprétation téléologique de la référence révèle l'existence
d'une combinaison équivalente.
Le fait que la mise à jour du logiciel de calcul d'assurances soit effectuée
à l'installation distante (plutôt que dans chaque véhicule) dénote-t-il
quelque inventivité?
[54] Le moyen de mise à jour du logiciel ou de la composante de programme défini dans la
revendication 45, que le demandeur présente comme une différence, constitue, de l'avis
du comité, un avantage évident par rapport à l'architecture d'évaluation du risque
intégrée au véhicule qui est décrite dans le brevet de Perez. Une fois que la décision a
été prise d'utiliser une architecture client-serveur comprenant un processeur centralisé
pour le traitement du « risque », plutôt qu'une multitude de processeurs installés dans
des véhicules, la mise à jour de la composante de programme doit forcément, elle aussi,
être effectuée de façon centralisée. Il s'agit d'un résultat connu qui découle de
l'architecture de système choisie et comporte des avantages connus. En outre, comme
nous l'avons mentionné précédemment, il est plus facile d'effectuer la mise à jour et la
mise à niveau d'un logiciel dans un même lieu, par exemple dans le contexte d'une
architecture client-serveur, et il s'agit d'une réalité bien connue de la personne versée
dans l'art (voir Narten).
[55] Compte tenu de ce qui précède, nous concluons que les revendications
indépendantes 1, 16, 24, 36, 39, 45 et 49 ne définissent pas d'éléments différents qui
soient inventifs par rapport aux références citées. Comme nous l'avons expliqué
précédemment [para. 14], aucun des éléments des revendications dépendantes ne peut
réfuter cette conclusion.
Conclusions quant à la question 1
[56] Ayant déterminé que les revendications 1 à 53 ne dénotent aucune inventivité par
rapport aux antériorités citées, le comité conclut que les revendications 1 à 53 sont
évidentes et, par conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.
Question 2 : Objet prévu par la loi
[57] La seconde question que le comité doit trancher est de savoir si les revendications 1 à
53 sont conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Dans le résumé des motifs,
l'examinateur a effectué une analyse de la conformité à l'article 2 suivant une approche
fondée sur « la forme et la substance », et a conclu que toutes les revendications étaient
irrégulières en ce qu'elles ne définissaient pas un objet prévu par la loi.
Principes juridiques et lignes directrices
[58] L'article 2 de la Loi sur les brevets définit les catégories d'objets brevetables :
« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine,
fabrication ou composition de matières, ainsi que tout
perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la
nouveauté et de l'utilité.
[59] Une invention ne doit pas viser un objet qui est exclu de la protection selon la Loi, tels de
simples principes scientifiques, des conceptions théoriques, des beaux-arts, des uvres
d'art, ou des opérations ou des processus mentaux. Les revendications qui visent ces
types d'invention sont réputées irrégulières, car elles ne définissent pas une invention au
sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.
[60] Dans l'arrêt Amazon, la Cour d'appel fédérale a établi des lignes directrices relativement
à l'article 2, en se référant à la décision rendue dans Schlumberger Canada Ltd. c.
Canada (Commissaire aux brevets), [1982] 1 C.F. 845 (C.A.) [Schlumberger]. On
pourrait raisonnablement conclure que Schlumberger est une affaire dans laquelle il est
apparu que ce qui était revendiqué en tant que procédé informatique n'était en fin de
compte qu'un principe abstrait ou un processus mental. Comme il est indiqué dans
Amazon [para. 62 à 69], étant donné qu'un brevet ne peut être accordé pour une idée
abstraite, il est implicite dans la définition d'« invention » qu'un objet brevetable doit être
une chose dotée d'une existence physique ou une chose qui produit un effet ou
changement discernable : le simple fait que l'invention revendiquée ait une application
pratique, en raison de la présence matérielle d'un ordinateur, n'est pas suffisant pour
satisfaire à l'exigence du caractère matériel. Dans Amazon, la Cour s'est exprimée ainsi
au para. 62 :
[TRADUCTION]
[62] Schlumberger constitue un exemple d'une tentative infructueuse de breveter
un procédé visant à recueillir, enregistrer et analyser des données sismiques à
l'aide d'un ordinateur programmé selon une formule mathématique. Cette
utilisation de l'ordinateur était une application pratique et l'information résultante
était utile. La demande de brevet a toutefois été refusée faute d'objet brevetable
parce que la Cour a conclu que le seul aspect nouveau de l'invention revendiquée
était la formule mathématique qui, n'étant que « de simples principes scientifiques
ou conceptions théoriques », ne peut pas faire l'objet d'un brevet en raison de
l'interdiction prévue au paragraphe 27(8).
[61] La Cour a également indiqué (para. 63) que la question de l'objet prévu par la loi pouvait
être résolue selon la réponse donnée à la question de savoir si une interprétation
téléologique des revendications permettait de distinguer ces dernières des faits en
cause dans Schlumberger. D'un côté, les revendications ne pouvaient pas être
distinguées de Schlumberger s'il ressortait de l'interprétation téléologique que les seuls
éléments essentiels étaient un algorithme ou une formule mathématique programmés
dans un ordinateur; dans Schlumberger, l'invention revendiquée n'est pas devenue
brevetable du simple fait qu'elle impliquait le recours à un outil matériel tel qu'un
ordinateur. D'un autre côté, les revendications en cause pouvaient être considérées
comme distinctes s'il ressortait que le schéma, l'algorithme ou le procédé ne
constituaient pas l'invention entière, mais seulement un élément essentiel parmi d'autres
dans une combinaison impliquant un ordinateur
Analyse
[62] Dans notre lettre et dans notre mémoire, nous avons invité le demandeur à formuler des
commentaires relativement à l'arrêt Amazon et à sa pertinence en l'espèce dans
l'évaluation de l'objet prévu par la loi. Le demandeur a, toutefois, choisi de ne présenter
aucune observation.
[63] Nous avons déjà, dans notre analyse de l'évidence ci-dessus, identifié la personne
versée dans l'art et défini ses connaissances générales courantes (CGC), deux aspects
pertinents pour l'examen de l'objet prévu par la loi au sens de l'article 2 de la Loi sur les
brevets. De plus, bien que nous n'ayons pas exposé explicitement le problème et la
solution proposée par le biais de la présente invention, nous avons accepté les concepts
inventifs énoncés dans le résumé des motifs, qui reflètent la solution au problème
rencontré par les inventeurs, tel que nous le comprenons à la lecture de la description.
Le concept inventif comprend deux éléments principaux, soit, d'une part, de
l'équipement installé sur un véhicule qui permet de surveiller et d'enregistrer des
données relatives à l'utilisation du véhicule et au comportement du conducteur, et,
d'autre part, un moyen de transmettre les données de capteurs à une installation
distante ou centrale dans le but de les utiliser pour recalculer la prime d'assurance à
facturer.
[64] Bien qu'ils ne soient pas déterminants en ce qui concerne les questions liées à l'objet
prévu par la loi, les éléments définis dans une revendication qui font partie d'un concept
inventif sont présumés être essentiels à cette revendication. Il s'agit donc de déterminer
si lesdits éléments ont une incidence importante sur le fonctionnement de l'invention (de
la solution), ou s'ils ne sont qu'un aspect de l'environnement de fonctionnement, et
découlent, par exemple, d'un souci de commodité ou d'efficacité.
[65] Nous soulignons que la collecte de données de capteurs reflétant le comportement des
conducteurs et la transmission de ces données à une installation centrale aux fins du
calcul de primes d'assurance ne faisaient pas partie des CGC à la date de la
revendication. La personne versée dans l'art ne considérerait pas que ces éléments
définissent l'environnement de fonctionnement conventionnel d'un système ou d'une
méthode de calcul d'assurances. Ces éléments se rapportent plutôt à l'agencement ou à
la combinaison technique des moyens nécessaires pour obtenir des données actuelles
et pertinentes sur le comportement des conducteurs. Ces éléments fournissent la
solution proposée par l'invention; ils ont donc une incidence importante sur son
fonctionnement et sur la capacité de mettre en uvre cette solution.
[66] Compte tenu de la personne versée dans l'art, de ses CGC et de l'invention telle qu'elle
est divulguée dans le mémoire descriptif, le comité estime que la surveillance des
caractéristiques d'utilisation du véhicule et la transmission des données recueillies à une
installation centrale sont des éléments essentiels qui ont une incidence importante sur le
fonctionnement de l'invention. Elles produisent le résultat pratique de rajuster une prime
d'assurance en fonction des caractéristiques d'utilisation réelle du véhicule et du
comportement réel du conducteur.
[67] Cette conclusion rejoint, en outre, la décision du commissaire no 1336 concernant la
demande de brevet 2,344,781 de Progressive Insurance (2013) [CD1336]. Dans la
CD1336, le commissaire aux brevets a conclu, relativement à une demande déposée
par le même demandeur qu'en l'espèce et concernant un ensemble de faits similaires,
que la surveillance des caractéristiques d'utilisation d'un véhicule pendant une période
sélectionnée en vue de recueillir des données sur le comportement du conducteur, et
l'existence d'une ligne de communication entre le véhicule et une installation distante
assurant le traitement des données aux fins de calculs d'assurances constituaient des
éléments essentiels de l'invention dans cette affaire.
[68] Il ressort de notre analyse que la solution proposée en l'espèce se distingue de la
solution proposée dans Schlumberger, telle qu'elle a été caractérisée dans Amazon, en
ce que l'agencement des composantes et des étapes décrit dans les présentes
revendications définit plus qu'un simple principe abstrait ou processus mental. Comme
nous avons conclu que ces éléments sont essentiels, il s'ensuit que l'invention
revendiquée définit une chose dotée d'une existence physique ou une chose qui produit
un effet ou un changement discernable et qu'elle ne se limite pas à une application
pratique liée à la présence d'un ordinateur.
Conclusions quant à la question 2
[69] Nous concluons que les éléments consistant à surveiller les caractéristiques d'utilisation
du véhicule et à communiquer ces caractéristiques à l'installation centrale afin qu'elles
soient utilisées pour calculer les primes d'assurance sont des éléments essentiels de
l'invention revendiquée. L'objet revendiqué n'est pas simplement une chose abstraite, et
il n'y a rien d'autre en l'espèce qui le rend non brevetable. Par conséquent, le comité
conclut que les revendications 1 à 53 visent un objet prévu par la loi et définissent « une
invention » au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.
Recommandation
[70] Compte tenu des conclusions qui précèdent, la Commission recommande que la
demande soit refusée au motif que les revendications 1 à 53 sont évidentes et, par
conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.
Andrew Strong Paul Sabharwal Christine Teixeira
Membre Membre Membre
Décision
[71] Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets ainsi qu'à sa
recommandation de refuser la demande au motif que les revendications 1 à 53 sont
évidentes et, par conséquent, non conformes à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.
[72] En conséquence, je refuse d'octroyer un brevet relativement à la présente demande.
Conformément aux dispositions de l'article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur
dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour
fédérale du Canada.
Sylvain Laporte
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
le 11 juillet 2013