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Commissioner’s Decision # 1339

Décision du Commissaire no 1339

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC : J-00, J-10

SUJET : J-00, J-10

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Application No : 2 144 068

Demande no : 2 144 068

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

L’examinateur ayant rejeté la demande de brevet no 2 144 068 en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont révisé ce rejet. Les recommandations de la Commission et la décision du commissaire suivent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

Sim & McBurney

6e étage

330, avenue University

Toronto (Ontario) M5G 1R7

 

 

 

 


 

 

Introduction

 


 

 

[1]           La présente décision statue sur une demande en révision du rejet de la demande de brevet no 2 144 068 intitulée « DÉTECTION DES FRAUDES AU MOYEN DE LA MODÉLISATION PRÉDICTIVE ». Les demandeurs et les inventeurs sont L. Biafore, W. Ferguson, K. Gopinathan, A. Jost, M. Lazarus et A. Pathria.

 

 

[1]               La demande a été déposée le 7 septembre 1993, revendiquant le 8 septembre 1992 comme date de priorité. Une requ te d’examen a été déposée le 7 ao t 1997, et   la suite de six rapports du Bureau des brevets, une procédure de décision finale a été rendue au demandeur le 23 janvier 2009, rejetant la demande au motif qu’elle avait un caract re imprécis et évident et qu’elle visait un objet non brevetable au sens de la Loi. Les demandeurs ont répondu   la procédure de décision finale le 22 juillet 2012, modifiant sa demande en 12 revendications et expliquant en quoi ces revendications modifiées réfutaient les objections soulevées par l’examinateur.

 

[2]           Apr s avoir déterminé que les modifications et les arguments du demandeur ne réfutaient pas les motifs du rejet, l’examinateur a transféré le dossier et le résumé des motifs   la Commission d’appel des brevets (CAB). Le résumé des motifs incluait aussi une mise   jour de l’instance Apotex Inc. c. Sanofi Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 R.C.S. 265, 2008 CSC 61 [Sanofi], laquelle traite du vice fondé sur l’évidence. Le résumé des motifs a été transmis au demandeur le 11 avril 2011 avec une lettre de la CAB indiquant la tenue d’une audience   une date ultérieure.

 

[3]           Un comité de trois commissaires de la CAB (le comité) a été créé pour réexaminer le dossier et une invitation   participer   une audience a été envoyée au demandeur le 24 mai 2012.   la suite de la décision par la Cour d’appel fédérale pour l’instance Canada (procureur général) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon], le comité a, en parall le, envoyé un mémoire contenant des commentaires supplémentaires en lien avec l’évaluation des crit res relatifs   l’objet prévu par la Loi et   l’évidence. Les demandeurs devaient confirmer la date de l’audience et pouvaient, s’ils le désiraient, soumettre une réplique écrite au mémoire.

 


 

[1]           Dans une lettre datée du 21 juin 2012, les demandeurs ont décliné l’invitation   l’audience, tout en précisant qu’ils déposeraient leur mémoire sous peu. Le document en question a été reçu le 15 ao t 2012; il traitait   la fois du résumé des motifs et du mémoire du comité

 


 

[1]     En conséquence, la présente recommandation est fondée sur le dossier écrit élaboré au cours de l’instance susmentionnée.


 

 

 

Enjeu / rejet porté en appel

 


 

[7]           Dans le résumé des motifs, l’examinateur soumet deux enjeux au comité responsable de la révision (soit le caract re brevetable de l’objet aux termes de la Loi et l’évidence). Comme nous l’étayerons dans les prochains paragraphes, nos conclusions sur le seul enjeu donné ci-dessous suffisent   justifier le rejet de la demande:


 

 

● Les revendications 1 à 12 visent-elles un objet prévu par la Loi et, par conséquent, l’objet en question entre-t-il dans la catégorie invention comme l’article 2 de la Loi sur les brevets la définit?

 

Interprétation téléologique

 


 

[8]           La Cour, dans la cause Amazon (para. 47), aborde l’interprétation téléologique en lien avec le caract re brevetable de l’objet aux termes de la Loi, affirmant que « la détermination de l’objet par le commissaire doit reposer sur une interprétation téléologique des revendications du brevet. »


 

 


 

[9]           La Cour indique par ailleurs (para. 44) qu’« une interprétation téléologique nécessite que le commissaire soit attentif   la possibilité qu’une revendication du brevet puisse  tre exprimée dans un langage qui soit trompeur, de mani re délibérée ou par inadvertance. Par exemple, ce qui   premi re vue semble  tre la revendication d’une “réalisation” ou d’un “procédé” peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable. », en référence   la situation examinée dans Schlumberger Canada Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets) [1982] 1 C.F. 845 (C.A.) [Schlumberger].


 

 


 

[10]        En réponse au mémoire du comité, les demandeurs s’interrogeaient sur la portée de l’interprétation téléologique réalisée lors du traitement. « L’interprétation téléologique d’un brevet doit le faire en s’appuyant sur le fondement des connaissances ayant trait   la réalisation en cause » et, dans le cas des demandes de brevet, avec l’assistance « donnée par le personnel du Bureau des brevets ayant l’expérience appropriée » (Amazon, para. 73). Bien qu’il n’y ait aucune preuve de désaccord apparent entre l’examinateur et les demandeurs durant le traitement quant au sens des termes utilisés dans les revendications, l’importance de l’interprétation téléologique en lien avec le caract re brevetable de l’objet (tel que cité dans Amazon, supra) n’était pas visée par l’examen. Ceci étant dit, le comité se penchera sur l’interprétation des revendications présentées.


 

 


 

[11]        Pour ce faire, le comité examinera les caractéristiques techniques dans leur ensemble pour comprendre le contexte de l’invention, la personne versée dans l’art visée par l’invention, les connaissances générales courantes   cette époque et, finalement, le probl me et la solution que la demande aborde.


 

 

Contexte de l’invention

 


 

[12]        L’objet visé par la demande se rapporte principalement aux procédés et syst mes automatisés pour la détection de transactions financi res frauduleuses, particuli rement celles effectuées   l’aide de cartes de crédit. Les émetteurs de cartes de crédit tentent de limiter les pertes liées aux fraudes en détectant le plus rapidement possible l’utilisation frauduleuse des cartes, idéalement avant m me que le titulaire n’ait signalé la perte ou le vol de sa carte.


 

 


 

[13]        La demande explique que les syst mes de traitement des transactions de l’art antérieur utilisent un mod le mathématique se basant sur une analyse des param tres pour détecter les activités frauduleuses. Dans l’analyse des param tres, de simples équations ou r gles booléennes (c.- -d. des principes logiques comme « si X, alors Y ») sont choisies et appliquées aux données courantes de la transaction par carte de crédit. Si les r gles choisies sont respectées, on peut signaler une utilisation potentiellement frauduleuse de cette carte (p. ex. si la transaction > X $ et les transactions / heure > Y, alors la transaction doit  tre vérifiée). Le choix des r gles ou de la logique se fonde sur les connaissances techniques relatives   leur efficacité et   leur taux de réussite antérieures.


 

 


 

[14]        Cependant, la demande (description, pages 1-2) cerne plusieurs limites des syst mes d’analyse des param tres de l’art antérieur :


 

—  ils sont restreints à un nombre limité de variables établies à l’aide de règles booléennes, ils sont donc incapables d’analyser les interactions et relations complexes pour un grand nombre de variables;

—  ils ne peuvent pas faire une différence claire entre les comportements frauduleux et légitimes, ce qui diminue le taux de détection des fraudes et augmente celui des résultats faussement positifs;

—  il est difficile de les modifier ou de les mettre à jour lorsque les comportements frauduleux changent ou lorsque de nouveaux types d’escroqueries émergent.

 


 

[15]        La demande (page 6) propose d’adapter un mod le prédictif comme un réseau de neurones artificiels pour remplacer le mod le d’analyse des param tres, afin de surmonter les limites qui affligent la technologie antérieure dans le domaine de la détection des fraudes. Un réseau de neurones artificiels est un mod le mathématique contenant des renseignements qui représentent les relations apprises entre diverses variables.


 

 


 

[16]        Les réseaux de neurones artificiels « apprennent » les relations entre les valeurs entrantes et les valeurs sortantes désirées grâce   un processus appelé « apprentissage ». L’apprentissage utilise un processus itératif dans lequel des données valides précédemment obtenues sont soumises au mod le et les données sortantes du mod le sont comparées aux données sortantes correctes des données valides, le tout dans le but de produire une erreur. En utilisant les informations de l’erreur provoquée, les facteurs de pondération entrants sont ajustés pour chacune des connexions de traitement internes du réseau de neurones artificiels, ce qui permet de réduire les possibilités d’erreurs. Les facteurs de pondération sont donc des représentations numériques du processus d’apprentissage; ils servent   multiplier les valeurs entrantes provenant d’autres éléments de traitement. Une fois l’erreur stabilisée et réduite au minimum, le mod le est considéré comme ayant « appris » (c.- -d. les facteurs de pondération sont établis) et il peut alors  tre utilisé pour « prédire » les données de sortie des nouvelles données d’entrée courantes.


 

 


 

[17]        La description (page 6) affirme que [traduction] « m me si un réseau de neurones artificiels est utilisé dans la variante privilégiée, on peut utiliser toute technique de modélisation prédictive. » Ainsi, la technique de modélisation privilégiée est un réseau de neurones artificiels en aval, tel que connu dans l’art, utilisant le procédé d’apprentissage bien connu de [traduction] « l’optimisation par la rétropropagation du gradient » (description, page 21).


 

 

Personne versée dans l’art

 


 

[18]        Le résumé des motifs décrivait la personne versée dans l’art (dans l’analyse portant sur l’évidence) comme une équipe composée de professionnels du milieu des affaires ou de la finance ainsi que des informaticiens ou d’autres techniciens spécialistes. Dans leur réplique au résumé des motifs, les demandeurs n’ont pas soulevé d’inquiétude   l’égard de cette description. Le mémoire du comité informait les demandeurs de notre adhésion initiale   la définition de personne versée dans l’art donnée dans le résumé des motifs. Nous avons donc invité les demandeurs   expliquer ce point dans un mémoire ou lors d’une audience. Nous jugeons que l’absence d’un désaccord signifie que les demandeurs se rangent   ces conclusions.


 

 


 

[19]        Toutefois, les demandeurs se sont opposés   une partie de la définition de la personne versée dans l’art qui indiquait que c’était [traduction] « une personne aux prises avec le probl me » d’améliorer un syst me de détection des fraudes, comme énoncé dans le résumé des motifs. Le comité, en adoptant la caractérisation de la personne versée dans l’art donnée dans le résumé des motifs, n’a pas émis l’hypoth se que cette personne était aux prises avec un probl me spécifique, quel qu’il soit.


 

 

Connaissances générales courantes

 


 

[20]        En ce qui a trait   la personne versée dans l’art, le comité estime qu’une telle personne ou équipe connaît les syst mes informatisés de détection des fraudes de l’art antérieur, c’est- -dire ceux utilisant l’analyse des param tres (description, pages 1-2), notamment les techniques utilisées pour détecter et prédire les transactions frauduleuses   l’aide de ces syst mes. Elle connaît également le matériel informatique conventionnel, le stockage de données, les éléments d’affichage, la programmation, les logiciels et la transmission de données connexes utilisés dans ces syst mes (description, pages 4-5). La demande indique que l’invention est connectée   une installation de données financi res conventionnelle qui permet de recueillir les renseignements sur les transactions des sources conventionnelles (description, page 4), et que cette collecte se fait   l’aide de syst mes d’autorisation conventionnels (description, page 30); ainsi, la personne versée dans l’art connaîtrait tous ces éléments financiers.


 

 


 

[21]        En outre, comme nous avons mentionné plus tôt, le concept, la technique et l’application de mod les prédictifs, et plus particuli rement des réseaux de neurones artificiels en aval, relevaient du savoir général au moment de l’invention (description, pages 6 et 21). Les réseaux de neurones artificiels sont connus comme un procédé d’analyse automatisée des données qui offre une technique de modélisation mathématique similaire   l’analyse de régression, mais qui peut saisir les liens non linéaires et les interactions entre des variables indépendantes (description, pages 6 et 7).


 

 


 

[22]        Si la personne versée dans l’art a une certaine expérience des syst mes financiers et des ordinateurs, elle serait certainement au courant du désir général du milieu d’optimiser les syst mes de détection des fraudes pour parvenir   un produit permettant de détecter la probabilité de fraude avec un taux de succ s élevé, en réduisant autant que possible les faux positifs.


 

 


 

[23]        Finalement, le comité souligne que, dans le résumé des motifs, la personne versée dans l’art ayant les connaissances générales courantes (CGC) est   l’aise avec l’utilisation, la mise en  uvre et l’apprentissage des réseaux de neurones artificiels et avec la mise en  uvre de ces réseaux dans le domaine des services financiers. Deux références (O’Heney et Humpert, mentionnés dans le résumé des motifs) enseignent l’utilisation des réseaux de neurones artificiels pour l’établissement des cotes de crédit et l’évaluation de pr ts, les méthodes de sélection des actions, les prévisions de faillite et les méthodes de détection des fraudes. Les demandeurs, en dépit d’une invitation   commenter les affirmations du résumé des motifs, n’ont pas indiqué s’ils étaient en désaccord avec les deux références citées comme exemples de connaissances générales courantes. Le comité a examiné ces références : les deux ont été publiées dans des périodiques spécialisés et leurs propos étaient généralement disponibles plus de deux ans avant la date de revendication de la présente demande. Nous acceptons les références comme connaissances générales courantes et nous jugeons que l’idée générale d’utiliser un réseau de neurones artificiels pour des applications dans le domaine financier, notamment pour la détection de fraudes, ferait partie du savoir d’une personne versée dans l’art.


 

 

 


Problème pratique

 


 

[24]        En se basant sur la description et sur les CGC de la personne versée dans l’art, le comité comprend que la détection de fraudes par carte de crédit   l’aide des mod les mathématiques (analyse des param tres) existe déj , mais qu’elle comporte des limites dues   la simplicité inhérente du mod le utilisé. On savait déj  que les mod les prédictifs pouvaient surmonter ces limites en raison de leur capacité   apprendre les relations entre un grand nombre de variables. Il était également de notoriété publique que les réseaux de neurones artificiels en aval sont un type de mod le prédictif utilisé dans un grand nombre de domaines, notamment dans le milieu financier. De tels mod les définissent les relations mathématiques entre les données d’entrée et les données de sortie. Finalement, pour  tre efficaces, les algorithmes des mod les prédictifs comme les réseaux de neurones artificiels nécessitent, dans leur conception, des données d’apprentissage pertinentes pour que le mod le puisse apprendre les relations nécessaires entre les valeurs d’entrée et de sortie.


 

 


 

[25]        Ainsi, le probl me pratique est l’adaptation d’un mod le prédictif (ou d’un réseau de neurones artificiels) pour améliorer la détection des fraudes par carte de crédit par rapport au mod le basé sur les param tres utilisé auparavant. D’apr s ce que nous avons compris, l’amélioration de la détection des fraudes signifie que les données de sortie du mod le ont plus de chance de déceler une fraude réelle, et ainsi atteignent un taux de faux positifs moins élevé dans l’ensemble.


 

 

Solution proposée dans la demande

 


 

[26]        La description met l’accent (pages 5-9) en grande partie sur les détails pour la création d’un ensemble de données utilisé pour l’apprentissage du mod le prédictif. L’ensemble de données d’apprentissage alimentant le mod le est dérivé des données de transaction et des données de consommation antérieures (notamment un profil des habitudes de consommation du client); ces deux groupes de données sont traités pour créer des variables relatives aux fraudes passées. Selon la demande (description, page 7) [traduction] « ... les données utilisées pour l’apprentissage du mod le sont tirées de divers dossiers de bases de données contenant des données antérieures sur les transactions individuelles, les commerçants et les clients. Ces données sont idéalement prétraitées avant d’ tre saisies dans le réseau de neurones artificiels, entraînant alors la création d’un ensemble de variables relatives aux fraudes qui ont été déterminées empiriquement afin de créer des indicateurs de fraude plus efficaces que l’ensemble de données original. »


 

 


 

[27]        La divulgation (pages 10-21) énum re des centaines de variables relatives   des fraudes possibles (seulement par leur nom) qui pourraient  tre utilisées pour l’apprentissage du mod le; de cette liste, environ 20 variables sont indiquées comme étant préférées. Toutefois, bien que la description précise des variables relatives   des fraudes qui pourraient  tre générées, la décision quant aux variables qui doivent  tre utilisées ou   celles qui s’avéreraient les plus efficaces pour détecter les fraudes est entre les mains de la personne versée dans l’art.


 

 


 

[28]        En outre, la description ne mentionne pas les défis ou les probl mes techniques majeurs en lien avec l’implantation informatique du mod le prédictif ou la création de l’ensemble de données de formation. Bien que la description donne un aperçu des éléments utilisés dans le syst me de transaction, elle ne décrit pas des probl mes spécifiques liés   l’implantation matérielle ou logicielle qui ont été réglés par l’utilisation d’un mod le prédictif. De plus, la description (page 4) explique que toute personne versée dans l’art pourrait mettre en  uvre cette invention d’une autre façon, par exemple en utilisant un langage de programmation connu comme ANSI C.


 

 


 

[29]        Une fois que le mod le a terminé son apprentissage, il est entreposé dans le syst me de transaction, pr t   analyser les données de transaction courantes. Le traitement de ces données est similaire   la création des données d’apprentissage : les données de transactions courantes sont prétraitées pour dériver les variables relatives aux fraudes désirées, puis ces variables sont utilisées dans les calculs du réseau de neurones artificiels dans le but de déterminer la probabilité qu’une transaction soit frauduleuse. Les données de sortie du processus produisent un signal (une cote), une valeur numérique représentant le degré de probabilité afférent.


 

 


 

[30]        Ainsi, nous jugeons que la solution proposée dans la description est la mise   disposition d’un ensemble précis de données de formation dérivées basé sur des variables relatives   des fraudes passées, des données de transaction et des profils des habitudes antérieures de consommation des clients; les données de formation peuvent  tre appliquées   l’algorithme d’un mod le prédictif (réseau de neurones artificiels) pour traiter les données de transactions courantes afin de produire une cote indiquant la probabilité de fraude.


 

 

Revendications

 


 

[31]        La demande contient 12 revendications, dont les revendications indépendantes 1 et 12 définissent respectivement le processus et le syst me mis en  uvre par un ordinateur. Le comité examinera les revendications indépendantes en premier lieu, dont la premi re est la suivante.


 

 

Revendication 1
Un processus informatique pour la reconnaissance et le signalement des données de transactions frauduleuses dans un système de traitement contrôlé par ordinateur. Ce processus inclut des moyens de modélisation prédictive pour la réception des données de transaction courantes, le traitement des données de transactions courantes et la production d’une gamme de valeurs de sortie, notamment une cote représentant la probabilité d’une transaction frauduleuse. Le processus comprend les étapes suivantes
 :

— avant la réception des données de transaction courantes, pour au moins une transaction courante :

— la création d’un profil de consommateur pour un certain nombre de consommateurs à partir d’un bassin de variables relatives à des fraudes et des données de consommation antérieures, chaque profil de consommateur décrit les habitudes de consommation passées du consommateur correspondant;

— les variables relatives à des fraudes antérieures sont dérivées du prétraitement des données de transaction passées; ces données de transaction antérieures incluent des valeurs assignées à une gamme de variables relatives à des transactions pour un ensemble de transactions passées, et les données de consommation comprennent des valeurs pour chaque consommateur d’un bassin de variables relatives aux consommateurs;

— l’apprentissage des moyens de modélisation prédictive à l’aide des profils de consommateurs et des variables relatives à des fraudes antérieures pour la création d’un modèle prédictif;

— l’entreposage du modèle prédictif créé dans l’ordinateur;

— la réception des données de transaction courantes pour une transaction courante réalisée par un consommateur, la réception des données de consommation afférentes au consommateur;

— la réception du profil de consommation associé au consommateur;

— le prétraitement des données de transaction courantes, des données de consommation et du profil du consommateur obtenus pour dériver les variables relatives à des fraudes courantes pour les transactions courantes;

— la détermination de la probabilité de fraude pour la transaction courante en appliquant les variables relatives aux fraudes courantes au modèle prédictif;

— la production à partir des moyens de modélisation prédictive d’un signal de sortie indiquant la probabilité que la transaction courante soit frauduleuse.

 


 

[32]        Compte tenu de l’avis de la Cour dans Amazon (para. 44, supra), l’analyse pour déterminer si la revendication 1 est un objet prévu par la Loi doit décider si les limites du « processus informatique » et le « syst me de traitement contrôlé par ordinateur » sont des éléments essentiels de la solution revendiquée.


 

 


 

[33]        Tout d’abord, nous aborderons la question du « syst me de traitement contrôlé par ordinateur » qui, dans la revendication 1, inclut les moyens de modélisation pour la réception de données de transaction courantes, le traitement de ces données, et la production d’une cote représentant la probabilité d’une transaction frauduleuse. Ces éléments, ensemble, définissent des caractéristiques d’un syst me de traitement des transactions contrôlé par ordinateur, semblables   ceux des mod les d’analyse des param tres auparavant utilisés pour la détection des fraudes par carte de crédit. Comme nous avons mentionné, le syst me de transaction lui-m me utilise un matériel et un logiciel conventionnels et obtient ses données de bases de données sur les transactions conventionnelles. Les r gles d’analyse des param tres seraient entreposées dans ce matériel. La valeur de sortie est l’équivalent des données de sortie d’un syst me de détection des fraudes conventionnel.


 

 


 

[34]        La personne versée dans l’art considérerait ces caractéristiques informatiques comme essentielles   l’environnement opérationnel du syst me de détection des fraudes, mais pas   la solution visant   créer un ensemble de données d’apprentissage qui peut  tre appliqué   un algorithme d’un mod le prédictif par réseau de neurones artificiels (réseau de neurones artificiels). Ainsi, ces caractéristiques définissent l’environnement de fonctionnement précis de l’invention.


 

 


 

[35]        Nous jugeons donc que la caractéristique du « syst me de traitement contrôlé par ordinateur » n’influence pas substantiellement le fonctionnement de l’invention (la solution au probl me) et que, par conséquent, elle n’est pas un élément essentiel de la revendication.


 

 


 

[36]        Ce qui nous am ne   examiner le terme « processus informatique », tel que défini dans le préambule de la revendication 1. Le comité comprend le fait que les réseaux de neurones artificiels, comme n’importe quel mod le mathématique ou algorithme, fonctionnent généralement dans un ordinateur. L’utilisation d’un ordinateur est particuli rement pratique puisque ces mod les ont tendance   réaliser des calculs mathématiques fort complexes et   traiter d’immenses quantités de données. Cependant, avoir besoin d’un ordinateur pour des raisons pratiques (calculs complexes ou grandes quantités de données) ne rend pas l’ordinateur essentiel au fonctionnement d’une invention. Lorsqu’une revendication ne définit pas une solution   un « probl me » informatique ou ne surmonte pas de probl me technique pour le fonctionnement d’un syst me informatique, cela indique que l’utilisation de l’ordinateur est un élément pratique pour la réalisation de calculs.


 

 


 

[37]        En examinant la solution de la revendication 1, la création de l’ensemble de données d’apprentissage   partir de variables relatives   des fraudes antérieures et de profils de consommation est une fonction de traitement de données. L’apprentissage d’un mod le prédictif   l’aide de cet ensemble de données est un processus mathématique itératif visant le calcul des facteurs de pondération adéquats. M me l’application du mod le formé aux données de transactions réelles est un simple calcul ayant pour résultat des données de sortie numérique, c’est- -dire la cote. Le traitement de données et la réalisation de calculs sont des fonctions reconnues d’un ordinateur. Comme mentionné dans Schlumberger (fin, page 205), « C’est précisément pour effectuer les calculs de ce genre qu’on a inventé les ordinateurs ».


 

 


 

[38]        Ainsi, le rôle de l’ordinateur dans la revendication 1 est principalement d’effectuer rapidement et efficacement les calculs du réseau de neurones artificiels. Il s’agit d’un environnement de travail pratique pour l’application du procédé, mais l’implémentation informatique n’est pas un élément essentiel de la solution, comme divulgué dans la demande. Nous concluons donc que le procédé d’implémentation informatique décrit dans la revendication 1 n’est pas un élément essentiel d’une revendication interprétée.


 

 


 

[39]        Les autres caractéristiques de la revendication 1 ont trait   la solution que représente l’adaptation d’un mod le prédictif pour la détection d’opérations frauduleuses par carte de crédit, comme mentionné. Notre analyse se fonde sur l’hypoth se que ces caractéristiques sont essentielles   la solution revendiquée.


 

 


 

[40]        Nous nous attardons au signal de sortie (la cote). La demande (description, page 5) énonce que le mod le [traduction] « produit une cote afférente   la probabilité de fraude et des codes justificatifs (décrits ci-dessous), qui sont transmis   l’utilisateur,   une base de données, ou   un autre syst me   l’aide d’un dispositif de sortie ». La description ne précise pas le sens de la cote absolue ou la façon dont un analyste ou un autre syst me interpréterait ces cotes; apparemment, cela dépend des compétences de l’analyste ou du syst me expert. Cela confirme que le signal de sortie n’a pas d’existence physique et ne manifeste pas d’effets ou de changements matériels discernables; il est simplement interprété comme une valeur numérique.


 

 


 

[41]        La revendication indépendante 12 définit des caractéristiques similaires   celles du processus citées dans la revendication 1; cependant, ces caractéristiques sont décrites comme éléments et moyens d’un syst me.


 

 

Revendication 12
Un système de traitement des opérations contrôlé par ordinateur, incluant des moyens de modélisation prédictive pour la réception des données de transaction courantes, le traitement des données de transactions courantes, et la production d’une gamme de valeurs de sortie, y compris d’une cote représentant la probabilité d’une transaction frauduleuse, notamment
 :

— un élément pour l’élaboration de modèles afin de créer un modèle prédictif, incluant :

— les moyens pour la réception de données de transaction antérieures pour une gamme de transactions antérieures; ces données fournissent les valeurs pour diverses variables relatives aux transactions;

— les moyens pour la réception des données de consommation pour une gamme de consommateurs; ces données fournissent les valeurs pour diverses variables afférentes à la consommation en fonction de chaque consommateur;

— les moyens pour le prétraitement des données de transaction antérieures afin d’en dériver des variables relatives à des fraudes passées, où au moins quelques-unes des variables relatives aux fraudes passées ne font pas partie de la gamme de variables afférentes aux données de transaction antérieures;

— les moyens pour la génération de profils de consommateurs pour chaque consommateur à partir des variables relatives à des fraudes passées et des données de consommation reçues; le profil du consommateur décrit les habitudes de consommation passées du client;

— les moyens pour l’apprentissage du modèle prédictif à l’aide des profils des consommateurs et des variables relatives à des fraudes passées;

— les moyens pour l’entreposage du modèle prédictif dans l’ordinateur;

 

— un élément pour l’application du modèle, afin d’appliquer le modèle prédictif, notamment :

— les moyens pour la réception des données de transaction courantes pour une opération effectuée par un consommateur;

— les moyens pour la réception de données de consommation afférentes au consommateur;

— les moyens pour la réception du profil du consommateur pour ce client;

— un élément pour le prétraitement des transactions courantes, afin de prétraiter les données de transaction courantes, les données de consommation et les profils de consommateurs obtenus et d’en dériver les variables afférentes aux fraudes courantes pour les transactions courantes;

— les moyens pour déterminer la probabilité d’une fraude pour la transaction courante en appliquant les variables afférentes aux fraudes courantes au modèle prédictif;

— les moyens pour la production d’un signal de sortie par le modèle prédictif pour indiquer la probabilité que la transaction courante soit une opération frauduleuse.

 


 

[42]        La revendication 12 énum re les éléments d’un syst me en y ajoutant l’expression « moyens pour » pour définir la fonction du procédé expliqué dans la revendication 1 sous forme de revendication pour une machine. Le processus général de l’apprentissage puis le traitement du mod le prédictif de la revendication sont définis par deux moyens, soit un élément pour le développement du mod le et un élément pour son application. Des étapes comme la génération, la réception ou le traitement des éléments de données énoncés dans la revendication 1 sont simplement adaptés par des expressions telles que « moyens pour la génération », « moyens pour la réception », etc. dans la revendication 12.


 

 


 

[43]        M me si elle est présentée dans un langage approprié pour une revendication portant sur un syst me ou une machine, le comité ne voit pas de différence essentielle entre les caractéristiques de la revendication 12 et les étapes du procédé présentées dans la revendication 1. Par conséquent, le comité juge que les caractéristiques essentielles de l’invention dans la revendication 12 sont équivalentes   celles citées dans la revendication 1. Il est d s lors conclu que l’ordinateur et les éléments informatiques de la revendication 12 ne sont pas essentiels   l’invention.


 

 


 

[44]        Les revendications dépendantes 2   11 définissent une variété de limites imposées aux attributs du mod le prédictif, ou les données utilisées dans le mod le. Il n’y a pas d’enjeu particulier soumis au comité en lien   la construction des revendications dépendantes, et leur sens est clair. Les demandeurs ont réitéré que toutes les revendications doivent faire l’objet d’une interprétation téléologique; le comité l’a fait et conclut qu’aucun changement n’est nécessaire   nos conclusions   l’égard de la revendication 1. Aucune des revendications dépendantes ne définit plus avant les éléments informatiques ou matériels (ou le changement discernable) pour la solution apportée par la revendication 1.


 

 

Conclusion : Interprétation téléologique

 


 

[45]        Le comité estime donc que l’implémentation informatique de l’invention n’est pas une caractéristique essentielle de l’invention divulguée en soi. Pour paraphraser le jugement de la Cour dans la cause Amazon (voir le para. 44), nous jugeons que le présent cas est l’une de ces situations o , apr s une interprétation téléologique, l’invention n’est pas « ce qui   premi re vue semble  tre la revendication » d’un procédé mis en  uvre par ordinateur.


 

 


 

[46]        Nous croyons que les revendications indépendantes interprétées définissent un procédé pour adapter un mod le prédictif afin d’améliorer la détection des fraudes. Les éléments essentiels des revendications impliquent une série d’étapes pour le traitement des données de transaction, des données des profils des consommateurs ainsi que des variables relatives   des fraudes passées dans le but de créer un ensemble de données d’apprentissage, d’analyser des données pour produire un mod le prédictif formé, puis d’appliquer les données de transaction courantes   l’algorithme d’un réseau de neurones artificiels pour produire une donnée de sortie numérique indiquant la probabilité que la transaction analysée soit frauduleuse.


 

 

 

Enjeu - Objet prévu par la Loi

 

Principes juridiques et lignes directrices

 


 

[47]        L’article 2 de la Loi sur les brevets définit les catégories d’objets brevetables :


 

 

« Invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 


 

[48]        L’invention ne peut pas  tre un objet qui est exclu du régime de la Loi, comme des principes scientifiques ou des conceptions théoriques (paragraphe 27(8) de la Loi), des beaux-arts ou des  uvres d’art (Amazon, para. 58), des opérations et des processus mentaux (Schlumberger, page 206).


 

 


 

[49]        La Cour fédérale d’appel a donné une orientation pour l’article 2 dans la cause Amazon en caractérisant Schlumberger comme un cas o  un procédé informatique était néanmoins réduit   un principe abstrait et   un processus mental. Comme énoncé dans Amazon (paragraphes 62, 63, 66, 69, et coll.) : « puisqu’un brevet ne peut  tre accordé pour une idée abstraite, il est implicite dans la définition d’“invention” qu’un objet brevetable doit  tre une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable ». L’exigence du caract re matériel ne peut pas  tre satisfaite simplement en invoquant que l’invention revendiquée a une utilisation pratique, comme la présence d’un ordinateur. Amazon, para. 62 :


 

 

[62] Schlumberger constitue un exemple d’une tentative infructueuse de breveter un procédé visant à recueillir, enregistrer et analyser des données sismiques à l’aide d’un ordinateur programmé selon une formule mathématique. Cette utilisation de l’ordinateur était une application pratique et l’information résultante était utile. La demande de brevet a toutefois été refusée faute d’objet brevetable parce que la Cour a conclu que le seul aspect nouveau de l’invention revendiquée était la formule mathématique qui, n’étant que « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », ne peut pas faire l’objet d’un brevet en raison de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8).

 


 

[50]        La Cour poursuit en soulignant que (para 63) la question de l’objet prévu par la Loi pourrait  tre résolue si une interprétation téléologique des revendications en cause m ne   la conclusion qu’on peut établir une distinction entre Schlumberger et la présente esp ce. D’un côté, les revendications ne peuvent pas  tre distinguées de Schlumberger si les seuls éléments essentiels sont l’algorithme ou la formule mathématique programmé dans l’ordinateur; dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides malgré l’examen de l’utilisation d’un outil matériel, soit un ordinateur. D’un autre côté, les revendications peuvent  tre distinguées dans la mesure o  le schéma, l’algorithme ou le processus ne constitue pas l’invention enti re, mais seulement un élément essentiel parmi d’autres dans une nouvelle combinaison, avec l’ordinateur.


 

 

Analyse

 


 

[51]        En examinant en premier les revendications indépendantes, nous sommes parvenus   la conclusion que les éléments essentiels des revendications 1 et 12 abordent le traitement des données de transaction des clients, des données du profil du client et des variables relatives   des fraudes antérieures dans le but de créer un ensemble de données pour l’apprentissage, d’appliquer cet ensemble de données   un algorithme d’un réseau de neurones artificiels afin de produire un mod le formé, pour enfin appliquer les données de transaction courantes au mod le afin de calculer une valeur de sortie numérique indiquant la probabilité que la transaction analysée soit frauduleuse. Apr s l’analyse téléologique des deux revendications, l’invention ne compte aucune limite essentielle découlant de l’ordinateur ou des processus informatiques.


 

 


 

[52]        Tout comme dans le procédé décrit dans Schlumberger et caractérisé dans Amazon au paragraphe 62 (supra), les revendications 1 et 12 définissent une tentative de breveter « un procédé visant   recueillir, enregistrer et analyser des données »   l’aide d’un ordinateur programmé selon une formule mathématique. La formule en question, dans le présent cas, représente les calculs, les fonctions de co ts et les valeurs de pondération d’un réseau de neurones artificiels. Tout comme dans Schlumberger, la simple présence d’un ordinateur ou de tout autre outil matériel dans les revendications 1 et 12 ne rend pas brevetables la formule ou les calculs du réseau de neurones artificiels, autrement abstraits.


 

 


 

[53]        Ainsi, le comité ne peut pas distinguer les revendications présentes de la situation analysée dans Schlumberger (et réitérée dans Amazon, paragraphes 63 et 69), puisque le seul aspect inventif défini dans les revendications indépendantes est l’algorithme ou la formule mathématique, qui constitue l’ensemble de l’invention. Les revendications ne sont pas validées par le fait qu’elles se fondent sur l’utilisation de l’ordinateur pour que la formule mathématique ait une application pratique.


 

 


 

54]          [En réponse au mémoire du comité, les demandeurs affirment qu’il est possible d’établir une distinction entre leurs revendications et les calculs abstraits cités dans Schlumberger : les étapes du procédé de la revendication 1 expliquent « le processus complexe » indiquant la probabilité de fraude et, par conséquent, ces étapes ne sont pas abstraites. Établissant une comparaison favorable par rapport aux revendications citées dans Amazon, les demandeurs soutiennent que les étapes de la revendication 1 [traduction] « requi rent une interaction et une communication complexes entre les éléments du syst me de traitement. » Les demandeurs prétendent par ailleurs que [traduction] « les complexités afférentes   la programmation de ces étapes dans un ordinateur ne devraient pas  tre sous-estimées. Contrairement   Schlumberger, les étapes de ce procédé complexe doivent  tre programmées dans l’ordinateur pour l’analyse, la génération et la manipulation des données, ce qui ne peut pas  tre fait   la main de quelque mani re que ce soit. s22»


 

 


 

[55]        Le comité n’est pas d’accord avec les demandeurs quant   l’existence d’étapes complexes pour ce procédé ou d’interactions complexes entre les éléments définis dans les revendications. Ni les revendications ni la description ne dégagent ou n’étayent des obstacles techniques ou la nécessité de programmation complexe. Les inventions n’ont pas, par définition,    tre complexes; la complexité n’est pas un crit re pour déterminer le caract re brevetable. Dans certains cas, le fait de surmonter un probl me pratique complexe ou la divulgation d’une solution technique complexe peut répondre au crit re afférent   l’objet prévu par la Loi pour une demande. Toutefois, le degré de complexité d’un algorithme (p. ex. un réseau de neurones artificiels) ne rend pas brevetable le procédé duquel il fait partie.


 

 


 

[56]        Les demandeurs affirment également que pour l’analyse téléologique, d’aucuns pourraient examiner l’invention en soi : elle est matérielle (incluant l’ordinateur) et entraîne un changement ou un effet physique (la production d’un signal pour détecter une transaction frauduleuse). Conséquemment, les demandeurs soutiennent que la revendication 1 (et la revendication 12) fait référence   quelque chose qui a une existence matérielle, avec des éléments physiques essentiels pour que l’invention fonctionne, ce qui distingue encore davantage les revendications présentes de celles présentées dans Schlumberger.


 

 


 

[57]        Toutefois, l’analyse téléologique des revendications indépendantes prouve que les éléments matériels de l’ordinateur ou de tout autre élément ne sont pas essentiels   l’invention. En outre, comme nous l’avons mentionné lors de l’analyse des revendications plus tôt, le résultat de la solution est un nombre représentant une cote, laquelle est abstraite en elle-m me et n’a qu’une signification intellectuelle. Nous ne croyons pas, contrairement   ce que soutiennent les demandeurs, que la cote telle qu’elle est définie cause un changement ou un effet physique. Toute autre utilisation ou tout autre effet physique de la cote est une action qui ne fait pas partie de la solution présentée dans la demande examinée et qui n’est pas définie dans la revendication 1 ni dans la revendication 12, ou dans l’une des revendications dépendantes.


 

 


 

[58]        Finalement, les demandeurs soumettent l’hypoth se que m me si une personne choisit d’ignorer que les étapes réalisées par l’invention revendiquée sont effectuées par un ordinateur, l’invention répond tout de m me au crit re relatif au caract re brevetable. Contrairement   ce qui est étayé dans Schlumberger, les demandeurs soulignent que [traduction] « m me sans ordinateur, les revendications ne sont pas dirigées vers une idée abstraite, mais plutôt vers une idée qui nécessite la manipulation et l’analyse de données selon des étapes précises afin de déterminer la probabilité d’une transaction frauduleuse, dans le but de produire un résultat représentatif de cette analyse qui peut  tre facilement compris par un utilisateur ».


 

 


 

[59]          ce sujet, le comité estime que les revendications (sans l’ordinateur) peuvent  tre perçues comme une idée nécessitant la manipulation et l’analyse de données ainsi que la production d’un résultat (la cote de probabilité de fraude) représentant cette analyse. Le comité remarque que la construction téléologique susmentionnée arrive dans une large mesure   la m me conclusion que celle suggérée par les demandeurs. Cependant, le comité juge qu’il est faux de dire que les étapes ne sont pas dirigées vers une idée abstraite. Nous considérons que ces étapes sont impossibles   distinguer des calculs, formules mathématiques et processus mentaux qui étaient jugés abstraits dans Schlumberger.


 

 


 

[60]        Ainsi, le comité consid re que, selon l’analyse téléologique des éléments essentiels de l’invention, les revendications 1 et 12 définissent uniquement le traitement des données et des calculs mathématiques, lesquels sont indifférenciables de la situation jugée non brevetable dans Schlumberger et réitérée par la Cour dans Amazon.


 

 

Revendications dépendantes 2 à 11

 


 

[61]        Ayant conclu plus tôt lors de l’analyse des revendications 2   11 que les éléments informatiques et les autres composants physiques du syst me n’étaient pas essentiels aux caractéristiques ajoutées dans les revendications 2-11, le comité juge que rien dans ces revendications ne permet de rectifier la condition abstraite de la revendication 1.


 

 

Conclusion

 


 

[62]        Conséquemment, le comité conclut que les revendications 1   12 sont abstraites et ne correspondent pas   la définition d’une invention, aux termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

 

 

 


Recommandation                                                                                                                

 


 

[63]        Étant donné les conclusions susmentionnées, la Commission recommande que la demande soit rejetée, au motif que l’objet de la demande ne répond pas   la définition du terme « invention » et est par conséquent non conforme   l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

 

 

 

 

 

 

 

Andrew Strong                        Mark Couture                          Paul Sabharwal          

Membre                                  Membre                                  Membre

 

 

 


Décision

 


 

[64]        Je souscris aux conclusions et   la recommandation de rejet présenté par la Commission d’appel des brevets, au motif que l’objet de la demande ne répond pas   la définition du terme « invention » et est par conséquent non conforme   l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

 


 

[65]        En conséquence, je refuse de délivrer un brevet relativement   la demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, les demandeurs peuvent, dans les six mois qui suivent la présente décision, interjeter appel   la Cour fédérale du Canada.


 

 

 

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 28e jour du mois de mars 2013.

 

 

 

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