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Commissioner’s Decision # 1343

Décision du Commissaire # 1343

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPICS: B00, F01, K11, O00

SUJETS: B00, F01, K11, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 2,365,923

Demande no. : 2,365,923



 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 2,365,923 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les Brevets, a fait l’objet d’une révision conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les Brevets par la Commission d’appel des brevets et le Commissaire aux Brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire sont les suivantes :

 

 

 

 

 

 

Agent de la Demanderesse :

 

SMART & BIGGAR

P.O. Box 2999, Station D

Ottawa (Ontario)

K1P 5Y6


 

 


Introduction

 

[1]     Cette décision porte sur une révision du refus de la demande de brevet numéro 2,365,923 intitulée « PrÉparations mÉdicales pour le traitement dun dÉficit en alpha-galactosidase A ».

 

[2]            Les inventeurs sont Marianne Borowski, Carol M. Kinoshita, Douglas A. Treco, Melanie D. Williams, Richard F. Selden, Thomas J. Schuetz et Peter Francis Daniel. La titulaire actuelle est Shire Human Genetic Therapies Inc.

 

Contexte

 

[3]            La présente demande concerne l’utilisation d’un médicament, sous la forme d’une enzyme thérapeutique humaine, pour traiter des patients souffrant d’une maladie génétique rare.

 

[4]            Une enzyme est un type de molécule biochimique qui agit en tant que catalyseur pour des réactions biochimiques spécifiques, convertissant un ensemble spécifique de réactifs en des produits spécifiques. Dans le cas présent, l’enzyme thérapeutique est connue en tant que « α-Gal A ». Son rôle naturel dans le corps humain est de décomposer son réactif : « céramide trihexoside ».

 

[5]            Dans de cas rares, un défaut génétique conduit à un déficit de l’enzyme α-Gal A et entraîne la maladie de « Fabry ». La maladie de Fabry est un état grave qui affecte le système nerveux périphérique, provoquant des épisodes de douleur extrême, de douleur à type de brûlure dans les extrémités, et une accumulation de céramide trihexoside à l’intérieur des vaisseaux sanguins, des tissus et des organes conduisant à une dégradation de leur fonction propre.

 


[6]            Le potentiel de traitement de patients atteints de la maladie de Fabry par leur perfusion avec de l’α-Gal A a été suggéré en tant qu’approche théorique depuis la fin des années 1970. Cependant, ce type de thérapie enzymatique de substitution n’est devenu une réalité pratique que lorsque de grandes quantités d’enzyme nécessaires pour une expérimentation clinique ont été obtenues facilement. Dans les années 1990, ceci avait été effectué. À l’aide d’une technologie d’ADN recombinant, des cellules étrangères, telles que des cellules d’Ovaire de Hamster de Chine (CHO), ont été génétiquement modifiées pour produire l’enzyme humaine en grandes quantités. Néanmoins, l’enzyme n’avait toujours pas été formellement approuvée pour l’utilisation thérapeutique dans le traitement de la maladie de Fabry.

 

[7]            Les revendications de la présente demande se focalisent sur une plage de dosage spécifique d’α-Gal A qui peut être administrée à des patients atteints de la maladie de Fabry. Les inventeurs ont d’abord modifié des cellules humaines pour qu’elles surproduisent l’enzyme. Ils ont ensuite élucidé le motif de glycosylation de l’α-Gal A humaine lorsqu’elle est produite dans des cellules humaines par comparaison avec le motif de glycosylation de l’enzyme lorsqu’elle est produite dans des cellules de hamster étrangères. Le « motif de glycosylation » d’une enzyme désigne l’arrangement de petits groupes chimiques sucre ou glucide qui sont ajoutés à la molécule enzymatique beaucoup plus grande après qu’elle a été initialement synthétisée dans des cellules. Le motif est une propriété biochimique importante puisqu’il peut affecter l’efficacité et le profil pharmacocinétique d’une enzyme thérapeutique et, par conséquent, son dosage approprié. Dans le cas présent, la demanderesse a affirmé que les différences dans les motifs de glycosylation qu’ils ont observées sont prises en compte dans les dosages énoncés dans les revendications.

 

Historique de la poursuite

 

[8]            La demande a été déposée le 9 mars 2000. Le 1er mai 2007, l’Examinatrice a rendu une décision finale dans laquelle : toutes les revendications ont été considérées comme défectueuses pour absence de nouveauté selon le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets; toutes les revendications ont été considérées comme défectueuses, car portant sur des méthodes non autorisées par la loi de traitement médical; et toutes les revendications ont été considérées comme défectueuses selon le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 


[9]            Dans la réponse de la Demanderesse à la décision finale, datée du 30 octobre 2008, les revendications antérieures 1-24 ont été remplacées par des revendications amendées 1-75. De plus, de nouvelles revendications 76-91 définissant une plage différente de dosage ont été ajoutées à la demande. L’Examinatrice, n’ayant pas de fondements raisonnables de croire que la demande était conforme avec la Loi et les Règles, a transféré le cas à la Commission d’appel sur les brevets (la Commission) pour révision. Le Résumé des motifs daté du 4 mars 2009 indiquait que les revendications 1-91 étaient dépourvues de nouveauté et étaient également considérées comme portant sur une méthode de traitement médical non brevetable. Les revendications 40-47 ont été considérées comme étant indéfinies selon le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[10]        La Commission a ultérieurement invité l’Examinatrice à fournir un Résumé supplémentaire de motifs (SSOR) pour régler la question de l’évidence. Ceci a été fait pour plusieurs raisons. Premièrement, dans la réponse à la décision finale, la Demanderesse a continué à soutenir qu’une question clé à décider dans ce cas est la brevetabilité d’une plage de dosage étroitement revendiquée par rapport à la divulgation antérieure d’une plage plus large. À cet égard, la Demanderesse a soutenu que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Hercules Inc. v. Commissioner of Patents, 1985, 4 CPR (3d) 289 a confirmé que la brevetabilité d’une plage plus étroite à l’intérieur d’une plage plus large est une question d’évidence, pas de nouveauté. Deuxièmement, de nombreux arguments de l’Examinatrice dans l’analyse de nouveauté sont apparus être associés à la question d’évidence. Après plus ample examen, l’Examinatrice a conclu que les revendications 1-91 également ne satisfaisaient pas le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets comme étant évidentes par rapport à l’art antérieur au dossier. L’Examinatrice a également mis en cause la soumission de nouvelles revendications 76-91, en indiquant qu’il apparaissait qu’il y avait un manque d’unité de l’invention dans le jeu de revendications actuellement en instance en raison de la définition d’une dose différente que celle mentionnée dans les revendications 1-75.

 


[11]        Une audition s’est tenue le 12 mai 2010, durant laquelle la Demanderesse a été représentée par M. David Schwartz et M. Brandon Reinhart de la société Smart & Biggar. Étaient également présents Debora Fujimoto, l’Examinatrice responsable de la demande, et son chef de section suppléant, Steven Misener. Avant l’audition, la Demanderesse a présenté des observations écrites pour examen par la Commission afin de compléter les arguments oraux de la Demanderesse. De plus, la Demanderesse a proposé d’annuler les revendications 76-91 dans un effort pour faire avancer la poursuite compte tenu des préoccupations de l’Examinatrice concernant l’unité d’invention.

 

 

Questions

 

[12]        Dans la décision finale, l’Examinatrice a soutenu que la demande était défectueuse parce que l’objet de toutes les revendications était anticipé par l’art antérieur. Dans sa réponse à la décision finale, la Demanderesse a reconnu que l’art antérieur divulguait une préparation d’α-Gal A qui, de façon inhérente, a les mêmes propriétés pharmacocinétiques que la préparation d’α-Gal A qui fait l’objet des présentes revendications, ainsi que son utilisation pour le traitement d’un déficit en α-Gal A. Cependant, la Demanderesse a souligné que la plage de dosage large décrite par l’art antérieur ne peut pas être considérée comme un enseignement ou une divulgation des plages de dosage très spécifiques présentement revendiquées. En outre, comme indiqué ci-dessus, la Demanderesse a continué à soutenir que la brevetabilité d’une plage de dosage revendiquée de façon étroite par rapport à une divulgation antérieure d’une plage plus large est une question d’évidence et pas de nouveauté.

 

[13]        L’Examinatrice a également considéré que la demande était défectueuse aux motifs que l’objet de toutes les revendications visait des méthodes de traitement médical non autorisées par la loi. L’Examinatrice a considéré que le dosage était un élément essentiel des revendications et a maintenu que les revendications visaient une méthode de traitement médical.

 

[14]        Finalement, l’Examinatrice a trouvé que l’objet des revendications 40-47 était indéfini selon 27(4) de la Loi sur les brevets, car elles énoncent une dose unitaire qui peut varier ou être adaptée d’une quelconque manière.

 


[15]        Puisque la Demanderesse a volontairement proposé l’annulation des revendications 76-91, la révision se déroulera sur la base des revendications restantes en litige. Sur la base de ce qui est mentionné ci-dessus, la Commission est confrontée à 4 questions :

 

1.   Est-ce que les revendications 1-75 sont anticipées?

2.   Est-ce que les revendications 1-75 sont évidentes?

3.   Est-ce que les revendications 1-75 ne satisfont pas le paragraphe 2 de la Loi sur les brevets, car elles visent une méthode de traitement médical?

4.   Est-ce que les revendications 40-47 sont indéfinies?

 

Revendications

 

[16]        En ce qui concerne le jeu de revendications actuellement en instance, la Commission note que la Demanderesse a fait des observations orales expliquant que ces revendications représentent leur dernière occasion pour présenter des revendications supplémentaires ou amendées dans l’espoir qu’un jeu de revendications admissible puisse être obtenu. La Commission reconnaît que ce peut être délicat de rédiger des revendications acceptables qui énoncent un dosage sans aller à l’encontre de la prohibition des méthodes de traitement médical et qui définissent toujours un objet nouveau et inventif. Bien qu’ « une invention unique puisse être revendiquée de différentes façons » (voir Wenzel Downhole Tools Ltd v. National-Oilwell Canada Ltd., 2012 FCA 333 au paragraphe 48), ceci ne modifie pas le résultat de notre analyse.

 

[17]        Les revendications suivantes sont représentatives des revendications en litige :

 

1.   Utilisation dune préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans laquelle plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, dans le traitement dun déficit en α-Gal A, la préparation dα-Gal A humaine étant destinée à ladministration dans une dose dentre environ 0,1-0,3 mg de la préparation dα-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel dun sujet.

 

14.  Utilisation dune préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans laquelle plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, dans la fabrication dun médicament pour le traitement dun déficit en α-Gal A, le médicament étant destiné à ladministration dune dose dentre environ 0,1-0,3 mg de la préparation dα-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel dun sujet.


 

27. Préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans laquelle plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, pour une utilisation dans le traitement dun déficit en α-Gal A dans une dose dentre environ 0,1-0,3 mg de la préparation dα-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel dun sujet.

 

40. Composition pharmaceutique comprenant un support pharmaceutiquement acceptable et une préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans laquelle plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, la composition pharmaceutique étant sous une forme dosifiée unitaire comprenant une dose unitaire dentre environ 0,1-0,3 mg de la préparation dα-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel dun sujet.

 

50. Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 49 comprenant du polysorbate 20, du chlorure de sodium, de lhydroxyde de sodium, du phosphate de sodium monobasique et de leau pour linjection.

 

51.  Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 50, pour une utilisation dans le traitement dun déficit en α-Gal A chez un sujet.

 

52. Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 50, pour une utilisation dans le traitement de la maladie de Fabry typique ou atypique chez un sujet.

 

53. Composition pharmaceutique sous la forme dune solution pour injection, la composition pharmaceutique comprenant un support pharmaceutiquement acceptable et une préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine où plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, la composition pharmaceutique comprenant une quantité de la préparation dα-Gal A humaine suffisante pour fournir une dose dentre environ 0,1-0,3 mg de la préparation dα-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel dun sujet lorsque la composition pharmaceutique est administrée au sujet en une dose unique.

 

63. Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 53 à 62 comprenant du polysorbate.

 

64. Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 53 à 63, pour une utilisation dans le traitement dun déficit en α-Gal A chez un sujet.

 

65. Composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 53 à 63, pour une utilisation dans le traitement de la maladie de Fabry typique ou atypique chez un sujet.

 

68. Utilisation dune préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans la fabrication de la composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 50.


 

70. Conditionnement commercial comprenant la composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 50, conjointement avec des instructions pour lutilisation de la composition pharmaceutique dans le traitement dun déficit en α-Gal A chez un sujet.

 

74. Conditionnement commercial comprenant une préparation dα-Galactosidase A (α-Gal A) humaine dans lequel plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, conjointement avec des instructions pour utilisation de la préparation dα-Gal A humaine pour la fabrication dune composition pharmaceutique selon lune quelconque des revendications 40 à 50.

 

InterprÉtation des revendications

 

[18]         Une interprétation utilitaire est réalisée pour déterminer de façon objective si une personne versée dans l’art aurait, à la date de publication de la demande de brevet et sur la base de mots particuliers ou de phrases particulières utilisées dans la revendication, compris que la demanderesse avait l’intention de placer les clôtures autour du monopole revendiqué : Free World Trust v. Electro Sante Inc., 2000 SCC 66 [Free World Trust]. Au cours de l’interprétation utilitaire, les éléments de l’invention revendiquée sont définis comme étant essentiels ou non essentiels.

 

La personne versée dans lart et les connaissances générales courantes

 

[19]           L’exercice commence par l’identification de la personne versée dans l’art théorique et les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

 

[20]           Dans le SSOR, l’Examinatrice a défini la personne versée dans l’art en tant que clinicien ayant une formation en biologie moléculaire et une expérience des essais cliniques.

 

[21]           Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a soutenu que l’Examinatrice n’a apporté aucune preuve pour supporter cette caractérisation de la personne versée dans l’art et que la seule preuve au dossier sur cette question est l’affidavit du Dr Carol M. Kinoshita daté du 3 novembre 2005. Dr Kinoshita est un inventeur à la fois de la présente demande et de l’art antérieur citée selon Selden et al.


 

[22]           Nous trouvons que le Dr Kinoshita n’est pas un représentant adéquat de la personne versée dans l’art, puisque son domaine principal d’expertise apparaît être limité à la purification et la caractérisation des protéines. La Commission trouve qu’il en faut davantage pour comprendre la présente demande de brevet que de posséder la compétence d’un chimiste pharmaceutique. La demande de brevet aborde également l’utilisation de préparations enzymatiques pour le traitement de certaines maladies rares. Nous avons également trouvé que la caractérisation par l’Examinatrice de la personne versée dans l’art en tant que clinicien avec une formation en biologie moléculaire et une expérience des essais cliniques est trop générale puisqu’elle omet des compétences et connaissances appropriées, par exemple, la connaissance de la biochimie des protéines.

 

[23]           Nous avons identifié la personne versée dans l’art en tant qu’équipe comprenant un biologiste moléculaire, un biochimiste des protéines, un chimiste pharmaceutique et un clinicien familier avec le traitement de maladies associées à des déficits enzymatiques. Les connaissances générales courantes collectives de cette équipe comprendraient par conséquent : la connaissance de l’expression recombinante, de la purification et de la caractérisation de protéines thérapeutiques; la connaissance de la préparation de formulations de médicaments; et la connaissance de la manière dont conduire des essais cliniques pour évaluer la sûreté et l’efficacité de produits thérapeutiques potentiellement utiles.

 

Regroupement des revendications interprétées en deux catégories

 

[24]           La prochaine étape dans l’exercice met en jeu une prise en compte des revendications elles-mêmes.

 

[25]           Tout d’abord, il est apparent que – après avoir fait une interprétation utilitaire de toutes les revendications mises en question – chaque revendication peut être placée dans l’une de deux catégories générales : revendications associées à des utilisations médicales et revendications associées à des compositions pharmaceutiques.

 


[26]           Après être arrivée à ces regroupements, la Commission a gardé à l’esprit le principe de l’analyse commandée par la question dans le contexte d’une interprétation utilitaire. L’analyse des revendications et l’interprétation utilitaire devraient se focaliser sur des points de litige étroits, déterminants – et non sur des domaines où il y a un accord mutuel; à savoir, l’interprétation utilitaire devrait être focalisée sur « là où le bât blesse » : Laboratoires Servier v. Apotex, 2008 FC 825; Shire Biochem Inc. v. Canada (Minister of Health), 2008 FC 538.

 

[27]           Comme expliqué de façon plus élaborée ci-dessous, un point clé du litige dans ce cas gravite autour de la mention d’une plage de dosage spécifique dans les revendications et l’effet que cette caractéristique a sur la détermination du point de savoir si une revendication porte sur une utilisation médicale ou une composition pharmaceutique. Nous avons trouvé que les revendications à l’intérieur de chaque groupe sont « apparentées », même si leurs préambules pourraient suggérer différemment et même si la portée des revendications à l’intérieur d’un groupe peut être similaire ou variable. La manière de regrouper les revendications focalise les analyses qui suivent.

 

Première catégorie de revendication : revendications portant sur des utilisations médicales (revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73)

 

[28]           Le présent jeu de revendications contient trois formes différentes de revendications de seconde utilisation médicale qui sont considérées comme admissibles : les revendications 1-13 sont sous la forme d’une revendication d’utilisation directe ; les revendications 14-26 sont sous la forme d’une revendication d’utilisation médicale de « type suisse »; les revendications 27-39, 51, 52, 64 et 65 apparaissent sous la forme d’une revendication de « composition médicale pour une utilisation ».

 


[29]           Bien que les revendications 70-73 fassent référence à des conditionnements commerciaux qui contiennent une composition pharmaceutique, ils contiennent de plus des instructions pour une utilisation de la composition pharmaceutique dans « le traitement d’un déficit en α-Gal A chez un sujet ». Par conséquent, aux fins de cette décision, les revendications 70-73 seront traitées comme portant sur des utilisations médicales puisqu’elles font toutes référence à une préparation d’α-Gal A humaine conjointement à une indication que la composition est pour « le traitement d’un déficit en α-Gal A ». Elles toutes font également, soit directement soit indirectement, référence à une plage de dosage.

 

[30]        Les revendications représentatives 1, 14, 27, 51, 52, 64, 65 et 70 sont chacune interprétées comme ayant les éléments essentiels suivants :

(i)       α-Gal A humaine ayant au moins 50 % de glycanes complexes

(ii)         pour une utilisation dans le traitement d’un déficit en α-Gal A [maladie de Fabry typique ou atypique dans le cas des revendications 52 et 65]

(iii)        à une dose de 0,1-0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet.

 

Seconde catégorie de revendication : revendications portant sur des compositions pharmaceutiques (revendications 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75)

 

[31]        Les revendications 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75 concernent des compositions pharmaceutiques. Il n’y a pas de limitations explicites dans ces revendications selon lesquelles les compositions sont pour une utilisation médicale particulière, à savoir pour « le traitement d’un déficit en α-Gal A » comme indiqué dans les revendications portant sur des utilisations médicales.

 


[32]        La revendication 40 définit une composition pharmaceutique sous une forme dosifiée unitaire suggérant qu’elle est destinée à être sous une forme fixe et unique. En outre, la revendication fait référence à une « dose unitaire », un terme qui n’est ni mentionné ni défini dans la description, mais qui est considéré comme une norme de mesure qui contient une quantité fixe de médicament. Cependant, le reste du langage de la revendication indique que la quantité du médicament dans la « dose unitaire » de la composition peut varier selon le poids d’un sujet (à savoir sur une base de mg par kg). La référence à une « dose unitaire » qui peut également varier selon le poids d’un sujet va à l’encontre de la notion d’une quantité fixe de médicament. Ainsi, dans la décision finale, l’Examinatrice a émis une objection au langage de cette revendication comme étant indéfinie. Bien que ce problème soit formellement abordé plus tard dans la décision, les conclusions de la Commission sur le caractère indéfini ont été importées pour aider à faciliter notre interprétation. Comme indiqué ci-dessous, la Commission trouve que la référence à une forme dosifiée unitaire comprenant une dose unitaire qui peut varier selon le poids d’un sujet introduit une ambiguïté inutile qui peut être évitée en faisant simplement référence à la composition comme étant sous une forme dosifiée unitaire comprenant une dose qui peut varier selon le poids d’un sujet. En effet, cette interprétation est appuyée par les observations orales de la Demanderesse où il est indiqué que ladite composition pharmaceutique est destinée à être vendue sous forme de suspension liquide qui est ensuite diluée ultérieurement dans un volume approprié pour une administration (à savoir une solution de réserve). Ceci est également cohérent avec les enseignements de la description. Particulièrement, l’Exemple 3 divulgue :

 

un purifié dα-Gal A est dilué à une concentration finale avec un diluant dα-Gal A. Sur la base du volume du vrac purifié à formuler, la concentration dα-Gal A (mg/mL) et la concentration souhaitée dα-Gal dans la formulation finale, le volume de diluant dα-Gal A nécessaire est déterminé.

 

[...]

Le diluant dα-Gal A est ajouté à un vrac purifié dα-Gal A dans un récipient de mélange pour donner une solution finale à 1 mg/mL.

 

[33]        Sur la base de ce qui est indiqué ci-dessus, la revendication représentative 40 a été interprétée comme définissant une composition pharmaceutique ayant les éléments essentiels suivants :

(i)       comprenant un support pharmaceutiquement acceptable;

(ii)         comprenant une préparation d’α-Gal A humaine ayant au moins 50 % de glycanes complexes;

(iii)        sous la forme d’une solution de réserve qui peut être diluée pour fournir une dose d’entre environ 0,1-0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet.

 


[34]        En revanche, la revendication 53 indique que la composition doit être sous une forme suffisante pour fournir une dose souhaitée lorsquelle est administrée selon une dose unique. Par conséquent, non seulement la composition doit être sous la forme d’une solution pour injection, mais elle doit également fournir une dose souhaitée pour un sujet donné. Ceci suggère que la revendication englobe un nombre infini de compositions pharmaceutiques pour s’adapter à toute combinaison couverte par la plage de dosage de 0,1-0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet. Ainsi, au moment de l’audition, la Demanderesse a indiqué que la composition pharmaceutique sous la forme d’une solution pour injection qui est envisagée comprend une poche intraveineuse contenant la quantité souhaitée d’un médicament dans une dose unique. Bien que cette interprétation semble être appuyée par la description qui divulgue la fourniture de la préparation sous la forme d’un liquide pour une administration intraveineuse, comprenant des poches stériles pour une administration directe, il est peu probable que la personne versée dans l’art, étant raisonnable et pratique, préparerait un nombre apparemment vaste de compositions, chacune comprenant une quantité différente de médicament pour s’adapter à la fois à une dose souhaitée et au poids d’un sujet. Personne ne s’attendrait non plus à ce qu’une société pharmaceutique mette sur le marché et vende un tel vaste nombre de compositions. De plus, la personne versée dans l’art anticiperait que le stockage prolongé de telles compositions pharmaceutiques diluées compromettrait la stabilité de l’enzyme α-Gal A.

 

[35]        Une interprétation alternative, que nous préférons, considère la composition pharmaceutique de la revendication 53 d’une manière davantage comme l’objet de la revendication 40. En particulier, la composition pharmaceutique de la revendication 53 n’est pas considérée comme étant limitée par la restriction que la composition en elle-même est administrée dans une dose unique. Plutôt, elle doit être sous la forme d’une solution qui peut être fournie à un clinicien dans une dose suffisante pour fournir une dose souhaitée (à savoir une solution de réserve). Il reviendrait alors au clinicien – travaillant à l’extérieur de la portée de la revendication – de faire varier la dose prélevée à partir de la composition selon la plage de dosage telle que définie dans la revendication, selon le traitement déterminé.

 

[36]        Par conséquent, la revendication représentative 53 a été interprétée de manière à définir une composition pharmaceutique ayant les éléments essentiels suivants :

 

(i)     comprenant un support pharmaceutiquement acceptable;

(ii)    comprenant une préparation d’α-Gal A humaine ayant au moins 50 % de glycanes complexes;

(iii)   sous la forme d’une solution de réserve comprenant une quantité de préparation d’α-Gal A suffisante pour fournir une dose souhaitée de 0,1-0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet lorsqu’elle est diluée pour une administration.

 


[37]        Les revendications 50 et 63 sont dépendantes des revendications 40 et 53, respectivement. Elles incorporent nécessairement les mêmes éléments essentiels que les revendications dont elles dépendent. Cependant, ces revendications décrivent également la composition d’un diluant spécifique pour α-Gal A qui comprend du polysorbate 20, du chlorure de sodium, de l’hydroxyde de sodium, du phosphate de sodium monobasique, et de l’eau pour injection. Puisqu’il n’y a pas de raison de conclure autrement, le diluant sera également considéré comme élément essentiel de ces revendications.

 

[38]        Par conséquent, en plus des éléments essentiels identifiés pour la revendication 40 (paragraphe [30]) et la revendication 53 (paragraphe [33]), les revendications représentatives 50 et 63, respectivement, ont également été interprétées de manière à contenir l’élément essentiel suivant :

 

(iv)   comprenant du polysorbate 20, du chlorure de sodium, de l’hydroxyde de sodium, du phosphate de sodium monobasique, et de l’eau pour injection.

 

[39]        Les revendications 68 et 69 sont présentées en tant que revendications d’utilisation, comprenant une préparation d’α-Gal A humaine. Contrairement à la revendication 14, il n’y a pas de mention d’une utilisation médicale; plutôt, les revendications portent sur la fabrication dune composition pharmaceutique (selon l’une quelconque des revendications 40 à 50, ou, selon le cas, selon l’une quelconque des revendications 53 à 63). Par conséquent, elles seront considérées conjointement avec les autres revendications de composition pharmaceutique. Les préambules des revendications 74 et 75 indiquent que les revendications portent sur des conditionnements commerciaux qui contiennent une préparation d’α-Gal A. Comme les revendications 70-73, elles font également référence à des « instructions », mais dans ce cas, les instructions sont pour une utilisation d’une préparation d’α-Gal A pour la fabrication dune composition pharmaceutique (selon l’une quelconque des revendications 40 à 50, ou, selon le cas, selon l’une quelconque des revendications 53 à 63). Aussi, il n’y a pas de mention d’une utilisation médicale. Par conséquent, aux fins de cette décision, elles seront traitées comme apparentées aux autres revendications de composition pharmaceutique.

[40]   Les revendications représentatives 68 et 74 sont, par conséquent, chacune interprétées comme ayant les éléments essentiels suivants :

 


(i)     α-Gal A humaine ayant au moins 50 % de glycanes complexes;

(ii)    pour une utilisation dans la fabrication d’une composition pharmaceutique selon l’une quelconque des revendications 40 à 50.

 

[41]        En résumé, les revendications 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75 concernent des compositions pharmaceutiques sans restriction à une utilisation médicale.

 

Art antÉrieur

 

[42]        L’art antérieur suivant a été cité dans la décision finale et est pertinent vis-à-vis des questions d’anticipation et d’évidence :

 

Demande PCT

WO 9811206                               19 mars 1998                               Selden et al.

 

[43]        Selden et al. divulguent l’expression et la purification d’α-Gal A humaine dans des cellules fibroblastiques humaines en culture. L’α-Gal A humaine est enzymatiquement active et efficacement internalisée par des cellules, la rendant appropriée pour le traitement de la maladie de Fabry. Concernant l’utilisation thérapeutique de l’enzyme α-Gal A, la page 44 de la description mentionne : « De plus, les personnes versées dans l’art sont conscientes que la voie d’administration et le dosage d’une protéine thérapeutique peuvent varier pour un patient donné jusqu’à ce qu’un niveau de dosage thérapeutique soit obtenu. Typiquement, des doses d’α-Gal A de 0,01-100 mg/kg de poids corporel seront administrées ». Il est noté que cette demande représente un travail effectué auparavant par certains des mêmes inventeurs que ceux de la présente demande.

 

Question 1 : Anticipation

 

Cadre légal

 

[44]        La disposition légale pertinente pour évaluer l’anticipation est le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets. Ce paragraphe mentionne, en partie :


 

Lobjet que définit la revendication dune demande de brevet qui a été déposée au Canada (« la demande en instance ») ne doit pas avoir été divulgué :

(a) plus dun an avant la date de dépôt, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui linformation à cet égard de façon directe ou autrement, dune manière qui a rendu lobjet accessible au public au Canada ou ailleurs;

(b) avant la date de la revendication, par une personne non mentionnée au paragraphe a), dune manière qui a rendu lobjet accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[45]        Dans Free World Trust (au paragraphe 25), la Cour suprême a clairement indiqué que si une publication unique de l’art antérieur divulgue tous les éléments essentiels de l’invention revendiquée d’une manière qui permet la réalisation, il y a anticipation.

 

[46]        Dans Apotex Inc. v. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 SCC 61 [Sanofi], la Cour suprême a en outre clarifié le test pour l’anticipation en approuvant explicitement une approche en deux étapes dans laquelle les exigences de « divulgation antérieure » et « caractère réalisable » doivent être considérées séparément et prouvées. Dans Sanofi, la Cour suprême a basé cette approche sur la décision de la Chambre des Lords, per Hoffman L.J., dans Synthon BV v. Smithkline Beecham plc, 2005 UKHL 59, 2006 1 All ER 685 [Synthon].

 

[47]        Concernant l’aspect divulgation, la Cour suprême a indiqué qu’une divulgation antérieure « doit divulguer un objet qui, s’il est mis en œuvre, résulterait nécessairement en quelque chose dans la portée des revendications » (Sanofi au paragraphe 25). C’est-à-dire, elle doit contenir des directions claires et non ambiguës qui conduiront inévitablement la personne versée dans l’art à quelque chose, qui, s’il est mis en œuvre, contreferait les revendications. Cet aspect de l’exigence de divulgation a été souligné à la fois par le juge Hughes (dans Eli Lilly Canada Inc. v. Apotex Inc., 2008 FC 142, confirmé 2009 FCA 97) et le juge Snider (dans Merck & Co. v. Apotex Inc., 2010 FC 1265 au paragraphe 607).

 

[48]        Si l’exigence de divulgation est satisfaite, la seconde exigence de caractère réalisable doit également être satisfaite; ce qui signifie :

 

que la personne versée dans lart aurait été apte à mettre en œuvre linvention. [paragraphe 26]

 


et que :

 

la personne versée dans lart est censée être disposée à réaliser des expériences derreurs et échecs pour le faire fonctionner. [paragraphe 27]

 

Analyse selon lapproche en deux étapes de Sanofi

 

Revendications apparentées à des utilisations médicales (revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73)

 

[49]        Les revendications apparentées à des utilisations médicales requièrent l’utilisation d’une préparation d’α-Gal A se situant à l’intérieur d’une plage de dosage particulière afin de traiter des sujets atteints d’un déficit en α-Gal A.

 

[50]        Dans la décision finale, l’Examinatrice a expliqué que Selden et al. divulguaient des constructions d’expression génétique identiques à celles dans la présente demande. De plus, l’incorporation de ces constructions dans des cellules humaines, tel qu’enseigné par Selden et al., produirait inévitablement une préparation d’α-Gal A qui tomberait dans la portée des revendications. Tel qu’indiqué ci-dessus, la Demanderesse a reconnu dans sa réponse à la décision finale que la préparation d’α-Gal A décrite dans Selden et al. a de façon inhérente les mêmes propriétés pharmacocinétiques que celles de la préparation d’α-Gal A qui fait l’objet des présentes revendications. Selden et al. divulguent également l’utilisation de telles préparations pour les mêmes objectifs (à savoir pour le traitement d’un déficit en α-Gal A). Par conséquent, il n’est pas contesté que l’art antérieur divulgue deux des trois éléments essentiels trouvés dans chacune des revendications d’utilisation médicale. Ce qui est moins clair, et en litige, est de savoir si la plage de dosage de 0,1 à 0,3 mg/kg confère la nouveauté à ces revendications par rapport à la divulgation de Selden et al.

 


[51]        La Demanderesse a argumenté que Selden et al. n’enseignent ou ne divulguent en aucune façon les plages de dosage très spécifiques revendiquées ici. En particulier, la Demanderesse a observé que rien dans Selden et al. ne marque les points d’extrémité de la plage revendiquée présentement de façon si claire qu’une personne versée dans l’art ordinaire serait « dans chaque cas, et sans possibilité d’erreur » conduite à la plage de dosage spécifique revendiquée présentement, comme nécessaire pour une conclusion d’anticipation. En outre, au vu de Sanofi, la Demanderesse a soutenu qu’il est hors de propos que la plage revendiquée d’environ 0,1 à environ 0,3 mg/kg tombe dans la plage auparavant divulguée de Selden et al., puisque Selden et al. ne divulguent pas cette plage plus étroite, plus spécifique, ce n’est pas spécifiquement divulgué.

 

[52]        Dans un cas tel que le cas présent, où une plage de dosage plus étroite est revendiquée ultérieurement à une divulgation antérieure d’une plage de dosage plus large, on pourrait conclure que, puisque la plage revendiquée plus tard tombe dans la plage plus large, il y a anticipation. La décision finale souligne ce point. Selden et al. divulguent la plage de 0,01-100 mg d’une préparation d’α-Gal A humaine par kilogramme de poids corporel d’un sujet; à savoir une large plage qui englobe la plage de dosage plus étroite maintenant revendiquée. Sur cette base, il peut être argumenté que Selden et al. puisse conduire la personne versée dans l’art à utiliser un dosage qui tombe dans la plage plus étroite maintenant revendiquée.

 

[53]        Cependant, comme indiqué ci-dessus, l’art antérieur doit divulguer un objet qui, s’il est mis en œuvre, conduirait nécessairement à quelque chose tombant dans la portée des revendications. Dans ce contexte, ce qui doit être considéré est de savoir si la personne versée dans l’art travaillerait inévitablement à l’intérieur de la plage de dosage spécifique de 0,1 à 0,3 mg/kg sur la base de la divulgation de Selden et al.

 

[54]        La Commission observe que la plage de dosage de 0,1 à 0,3 mg/kg n’a pas été spécifiquement divulguée dans Selden et al. Nous avons également trouvé que la plage décrite par Selden et al. commence à 0,01 mg/kg et s’étend à 100 mg/kg. Comme l’a fait remarquer le Dr Kinoshita dans son affidavit, la large plage thérapeutique divulguée par Selden et al. n’est pas spécifique à α-Gal A et apparaît couvrir presque toutes les doses concevables auxquelles un produit thérapeutique protéique (ou presque tout produit thérapeutique) pourrait être utilisé. De plus, Selden et al. ne divulguent pas d’exemples spécifiques qui pourraient établir des points d’extrémité définis de toute plage ou de tout dosage fonctionnel à l’intérieur d’une plage.

 


[55]        Au vu de ce qui a été mentionné précédemment, la Commission trouve que la plage de facteur 10 000 divulguée par Selden et al. n’est pas une plage fonctionnelle crédible, mais plutôt représente un point de départ pour l’expérimentation afin de déterminer une plage utile selon laquelle une préparation d’α-Gal A humaine peut être utilisée pour le traitement d’un déficit en α-Gal A. Gardant à l’esprit qu’il n’y a aucune place pour l’expérimentation d’erreurs et d’échecs lorsqu’on considère l’exigence de divulgation, la Commission trouve que, sur la base de la divulgation de Selden et al., la personne versée dans l’art n’aurait pas nécessairement, ou inévitablement, été conduite à doser un patient avec un dosage qui tombe à l’intérieur de la portée des revendications.

 

[56]        Une publication antérieure unique doit divulguer tous les éléments essentiels des revendications afin d’anticiper. La Commission considère que la plage de fonctionnement revendiquée ici n’est pas divulguée par Selden et al. Il s’ensuit que Selden et al. n’anticipent pas l’objet revendiqué.

 

[57]        Puisqu’il a été démontré que les revendications d’utilisation médicale larges puissent définir un objet nouveau, il s’ensuit que leurs revendications dépendantes plus étroites définissent également un objet nouveau.

 

Revendications apparentées à des compositions pharmaceutiques (revendications 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75)

 

[58]        Comme les revendications d’utilisation médicale, les revendications de composition pharmaceutique ont été interprétées de manière à inclure la plage de dosage en tant qu’élément essentiel.

 


[59]        Ici, l’élément de dosage est essentiel, puisque les compositions revendiquées doivent comprendre, ou être capables de fournir, certaines quantités de la préparation d’α-Gal A humaine sur la base du poids d’un sujet. Ceci signifie simplement que la composition doit être sous une forme qui permet son partage par un clinicien – selon la plage de dosage spécifique. Par exemple, lorsque la composition pharmaceutique est sous la forme d’une solution pour injection (tel que spécifié dans la revendication 53), la solution doit être de volume suffisant et de concentration suffisante pour fournir un dosage qui peut être calculé par un clinicien au cours du traitement. Ceci ne signifie pas que la solution en elle-même soit nécessairement nouvelle. Un dosage qui est calculé puis administré au cours du traitement n’a pas besoin de modifier la nature de sa solution de réserve d’origine – de telles activités de calcul et de dosage sont en dehors de la portée de la revendication.

 

[60]        Dans ce cas, Selden et al. divulguent une préparation d’α-Gal A humaine qui tombe indéniablement à l’intérieur de la portée des revendications de composition larges. Une préparation enzymatique produite selon les enseignements de Selden et al. a au moins 50 % de glycanes complexes. Elles sont divulguées dans des formes qui sont appropriées et capables de fournir des dosages à l’intérieur de plages souhaitées dans les revendications. La simple mention dans les présentes revendications d’une plage de dosage cible ne modifie pas la nature des compositions pharmaceutiques qui ont été auparavant divulguées par Selden et al.

 

[61]        En conséquence, les revendications 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75 sont anticipées, puisque toutes les caractéristiques essentielles sont divulguées dans Selden et al. et puisque cette référence constitue une divulgation qui permettrait à la personne versée dans l’art de formuler des compositions qui tombent dans la portée des revendications.

 

[62]        Par rapport aux revendications dépendantes 50 et 63, comme indiqué ci-dessus, ces revendications présentent un diluant spécifique pour l’α-Gal A en tant qu’élément essentiel. Les compositions pharmaceutiques enseignées par Selden et al. ne comprennent pas la combinaison spécifique de tampons et d’excipients définie par ledit diluant. Par conséquent, ces revendications ne sont pas anticipées par ce qui est divulgué dans Selden et al.

 

[63]        En résumé, les revendications apparentées à des utilisations médicales (revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73) et les revendications de composition pharmaceutique 50 et 63 ne sont pas anticipées par Selden et al. En revanche, les revendications 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75 sont anticipées par Selden et al.

 

QUESTION 2 : Évidence

 


Cadre légal

 

[64]        La disposition légale pertinente vis-à-vis de    l’évidence est trouvée dans le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets qui mentionne :

 

Lobjet défini par une revendication dans une demande pour un brevet au Canada doit être un objet qui naurait pas été évident à la date de revendication pour une personne versée dans lart ou la science dont relève lobjet, en ce qui concerne :

(a) des informations divulguées plus dun an avant la date de dépôt par le demandeur ou par un tiers qui a obtenu de lui linformation, de façon directe ou autrement, dune manière telle que les informations sont devenues accessibles au public au Canada ou ailleurs;

(b) des informations divulguées avant la date de revendication par une personne non mentionnée au paragraphe (a) dune manière telle que les informations sont devenues accessibles au public au Canada ou ailleurs.

 

[65]        Dans Sanofi, le juge Rothstein a adopté l’approche pour évaluer l’évidence mise à jour par Jacob L.J. dans Pozzoli SPA v. BDMO SA, [2007] EWCA Civ 588, 2007 FSR 37. Ainsi, une évaluation de l’évidence devrait comprendre l’approche en quatre étapes suivante :

 

(1)  (a) Identifier « la personne versée dans lart » théorique;

(b) Définir les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Déterminer le concept inventif de la revendication en question ou si cela ne peut pas être facilement fait, linterpréter;

 

(3) Préciser quelles différences, sil y en a, existent entre lobjet cité comme faisant partie de l« état de la technique » et le concept inventif de la revendication ou de la revendication telle quinterprétée;

 

(4) Considérées sans aucune connaissance de linvention présumée telle que revendiquée, est-ce que ces différences constituent des étapes qui auraient été évidentes à la personne versée dans lart ou est-ce quelles nécessitent un quelconque degré dinvention?

 

[66]        À la quatrième étape, la Cour a, en outre, indiqué qu’un examen de « l’essai allant de soi » pourrait être approprié dans des domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, tels que l’industrie pharmaceutique. Une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération est proposée au paragraphe 69 de Sanofi.


 

(1)   Est-ce que cela va plus ou moins de soi que lessai sera fructueux?

Est-ce quil existe un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiées connues des personnes versées dans lart?

 

(2)   Quelles sont létendue, la nature et lampleur des efforts nécessaires pour réaliser linvention? Les essais sont-ils courants ou lexpérimentation est-elle longue et ardue, de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

(3)   Est-ce quil existe une motivation présente dans lart antérieur pour trouver la solution qui sous-tend le brevet?

 

Analyse selon lapproche en quatre étapes de Sanofi

 

[67]        Bien que de nombreuses revendications apparentées à des compositions pharmaceutiques aient été trouvées comme anticipées, par souci d’exhaustivité, nous considérerons également si l’art antérieur cité rend évident l’objet de toutes les revendications.

 

Étape 1 : Identifier la « personne versée dans lart » théorique et définir les connaissances générales courantes appropriées de cette personne

 

[68]        Ces points ont été discutés ci-dessus aux paragraphes [20-23].

 

Étape 2 : Déterminer le concept inventif de la revendication en question ou si ceci ne peut pas être facilement fait, linterpréter

 

[69]        Dans le SSOR, l’Examinatrice n’a pas déterminé le concept inventif des revendications bien que toutes les revendications aient fait l’objet d’une objection d’évidence.

 

[70]        Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a affirmé que l’invention revendiquée est telle qu’indiquée dans les revendications indépendantes.

 


[71]        Afin de déterminer le concept inventif des revendications, il est utile de considérer la description globalement, à partir de la perspective de la personne versée dans l’art. Dans ce contexte, l’« arrière-plan de l’invention » mentionne trois publications pertinentes : le brevet américain 5,356,804 (Desnick et al.); Ioannou et al., J. Cell Biol. 119 :1137 (1992); et WO 90/11353 (Calhoun et al.). Ces publications traitent du clonage et de l’expression du gène codant pour l’α-Gal A humaine dans différents systèmes cellulaires. Desnick et al. et Ioannou et al. proviennent du même groupe de recherche et tous les deux font référence à un travail effectué dans des cellules d’ovaire de hamster de Chine (CHO) en tant que système d’expression recombinant. Calhoun et al. utilisent des cellules d’insecte pour exprimer l’α-Gal A humaine. Chacun propose que l’enzyme exprimée puisse être utilisée pour le traitement de la maladie de Fabry. L’« arrière-plan de l’invention » mentionne ensuite que les « préparations actuelles ont une efficacité limitée ». Dans la même idée, on trouve les affirmations selon lesquelles l’« α-Gal A produite par les procédés dans l’art antérieur est rapidement éliminée par le foie » et « il reste un besoin dans la technique pour des préparations d’α-Gal A ayant une demi-vie de circulation accrue et une capture accrue dans des tissus spécifiques autres que le foie ». Ces affirmations impliquent que les préparations alors disponibles se sont prouvées efficaces, mais uniquement d’une manière limitée. Par conséquent, la personne versée dans l’art ne comprendrait pas la description comme disant qu’une thérapie enzymatique de substitution pour la maladie de Fabry a été bien établie à la date pertinente. Dans ce contexte, le « résumé de l’invention » mentionne que la présente invention « fournit des procédés et des dosages pour l’administration d’une préparation d’α-Gal A à un sujet ». L’invention revendiquée ne serait pas comprise, par conséquent, par la personne versée dans l’art comme amélioration ou optimisation d’une thérapie existante. Le ou les concepts inventifs devraient, par conséquent, être compris en gardant ces faits à l’esprit.

 

[72]        En gardant à l’esprit notre interprétation antérieure de revendications apparentées à une utilisation médicale 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73, la Commission trouve que le concept inventif de ces revendications est l’utilisation d’une préparation d’α-Gal A humaine où plus de 50 % des glycanes totaux de la préparation sont des glycanes complexes, pour le traitement d’un déficit en α-Gal A, dans la plage de dosage spécifiée de 0,1 à 0,3 mg/kg de poids corporel.

 


[73]        De manière similaire, en considérant notre interprétation des revendications apparentées à une composition pharmaceutique 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75, la Commission trouve que le concept inventif de ces revendications est une composition pharmaceutique comprenant de l’α-Gal A humaine ayant au moins 50 % de glycanes complexes et un support pharmaceutique qui peut fournir une dose dans la plage de 0,1 à 0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet.

 

[74]        Concernant les revendications 50 et 63, le concept inventif de ces revendications apparentées à une composition pharmaceutique comprend de plus la présence du diluant spécifié.

 

Étape 3 : Préciser quelles différences, sil y en a, existent entre lobjet cité comme faisant partie de l« état de la technique » et le concept inventif de la revendication ou de la revendication telle quinterprétée.

 

[75]        Dans le SSOR, l’Examinatrice n’a pas abordé quelles différences, s’il y en a, existent entre Selden et al. et le concept inventif des revendications.

 

[76]        Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a continué à souligner que la présente demande identifie les types de glycanes trouvés dans l’α-Gal A humaine lorsqu’elle est produite dans des cellules humaines comme étant assez différents des types trouvés sur l’enzyme lorsqu’elle est produite dans des cellules non humaines, cependant, la Commission ne considère pas cette conclusion pertinente.

 

[77]        Comme indiqué ci-dessus, il n’est pas contesté que Selden et al. divulguent une préparation d’α-Gal produite dans des cellules humaines, et ceci tombe nécessairement dans la portée des revendications. Par conséquent, il n’existe pas de différence, à cet égard, entre les revendications et Selden et al. La référence divulgue une préparation qui de façon inhérente a le motif de glycosylation requis dans les revendications. De plus, Selden et al. enseignent que l’α-Gal A humaine préparée dans des cellules humaines est utile pour le traitement d’un déficit en α-Gal A.

 

[78]        Par conséquent, la Commission trouve que la différence entre le concept inventif des revendications apparentées à une utilisation médicale (revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73) et la divulgation de Selden et al. est l’utilisation d’une préparation d’α-Gal A humaine dans la plage de dosage spécifique de 0,1 à 0,3 mg/kg.


 

[79]        Concernant les revendications apparentées à une composition pharmaceutique (revendications 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75), la Commission ne trouve aucune différence entre le concept inventif de ces revendications et la divulgation de Selden et al. Les compositions pharmaceutiques d’α-Gal A humaine divulguées dans Selden et al. ont le motif de glycosylation souhaité et peuvent fournir une dose se situant dans la plage de 0,1 à 0,3 mg/kg de poids corporel d’un sujet.

 

[80]        Concernant les revendications de composition 50 et 63, la Demanderesse a affirmé que « Selden et al. n’enseignent ni ne suggèrent la combinaison spécifique de polysorbate 20, chlorure de sodium, hydroxyde de sodium, phosphate de sodium monobasique et de l’eau pour injection, comme indiqué dans les nouvelles revendications 50 et 63 ». Par conséquent, concernant ces revendications, la Commission trouve que la différence entre le concept inventif et la divulgation de Selden et al. est la nature spécifique du diluant.

 

Étape 4 : Est-ce que ces différences constituent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans lart ou est-ce quelles nécessitent un quelconque degré dinvention?

 

[81]        Comme discuté ci-dessus, c’est à cette étape de l’examen d’évidence que la Cour Suprême dans Sanofi a fixé plusieurs considérations d’« essai allant de soi ». Leur demande dans ce cas est utile et garantie puisque l’invention est du type général envisagé par la Cour suprême dans Sanofi lorsqu’elle parle de « domaines d’activité où des progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation » (Sanofi au paragraphe 68); à savoir les techniques médicales et pharmaceutiques. Les considérations sont abordées tour à tour, ci-dessous.

 

Est-ce quil va plus ou moins de soi que lessai sera fructueux?

Est-ce quil existe un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiées, connues des personnes versées dans lart?

 

[82]        Nous répondons à ces questions par l’affirmative pour les raisons suivantes.

 


[83]        Dans la décision finale, l’Examinatrice a trouvé que, compte tenu de la plage large divulguée dans Selden et al., il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de choisir une plage plus étroite à l’intérieur de la large plage afin d’augmenter la rentabilité de l’utilisation thérapeutique et de rendre minimale la quantité de principe actif nécessaire, atténuant ainsi tout effet secondaire possible chez le sujet.

 

[84]        Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a argumenté que rien dans Selden et al. n’aurait conduit la personne versée dans l’art directement et sans difficulté à la plage de dosage d’environ 0,1 à environ 0,3 mg/kg ici revendiquée. Comme indiqué ci-dessus, la Demanderesse a fourni un affidavit par le Dr. Kinoshita dans lequel elle fait remarquer que la large plage thérapeutique divulguée par Selden et al. n’est pas spécifique à α-Gal A, et apparaît couvrir presque toute dose concevable à laquelle un produit thérapeutique protéique (ou presque tout produit thérapeutique) pourrait être utilisé.

 

[85]        Il n’est pas contesté que l’art antérieur enseigne que l’α-Gal A humaine préparée dans des cellules humaines est utile pour le traitement d’un déficit en α-Gal A; par conséquent, il est attendu qu’un dosage d’une certaine quantité devrait fonctionner. Bien que la plage divulguée par Selden et al. soit large, la Commission trouve que la personne versée dans l’art comprendrait que la plage d’un facteur 10 000 divulguée est irréaliste et que l’indice thérapeutique pour l’α-Gal A est en fait beaucoup plus étroit. En outre, la Commission trouve que la personne versée dans l’art, ayant une expérience dans la mise en œuvre d’essais cliniques, serait familière avec l’évaluation de la sûreté et de l’efficacité de protéines thérapeutiques.

 


[86]        La Demanderesse a également observé que Selden et al. n’enseignent pas la combinaison spécifique de polysorbate 20, chlorure de sodium, hydroxyde de sodium, phosphate de sodium monobasique et d’eau pour injection tel qu’énoncé dans les revendications 50 et 63. Cependant, la Commission trouve que la personne versée dans l’art, en tant que chimiste pharmaceutique, pourrait avoir des connaissances dans la préparation de formulations pharmaceutiques protéiques. Considérant une formulation pharmaceutique destinée à une administration intraveineuse, la personne versée dans l’art apprécierait le besoin d’un diluant qui peut assurer la stabilité des protéines, l’acceptabilité par le patient et empêcherait des interactions indésirables entre la préparation et le récipient dans lequel elle est stockée. En outre, il est de connaissance générale courante pour la personne versée dans l’art qu’un diluant approprié comprendra nécessairement une combinaison d’excipients pharmaceutiquement acceptables et de supports physiologiquement compatibles.

 

Quelles sont létendue, la nature et lampleur des efforts requis pour réaliser linvention? Est-ce que des essais courants sont réalisés ou est-ce que lexpérimentation est longue et ardue, de telle sorte que des essais ne pourraient pas être qualifiés de courants?

 

[87]        Dans le SSOR, l’Examinatrice a trouvé que, puisque des variations de la dose sont divulguées dans la demande comme pratique courante, il n’y aurait pas eu de charge indue ou d’expérimentation indue mise en jeu dans le test de différentes plages de dose à l’intérieur des points d’extrémité fixes de la plage définie auparavant pour obtenir le résultat souhaité.

 

[88]        La Demanderesse soutient que l’élucidation d’une plage thérapeutique pour l’α-Gal A humaine repose sur l’expérimentation faite pour identifier les glycanes présents sur l’α-Gal A humaine produite dans des cellules humaines. Cette élucidation détaillée des glycanes présents sur l’α-Gal A humaine produite dans des cellules humaines et les avantages qu’ils offrent est dite être absente de Selden. Il s’agit de cette connaissance détaillée de la structure des glycanes dont la Demanderesse soutient qu’elle a aidé à déterminer que l’α-Gal A ayant les quantités accrues de glycane complexe est utile pour le traitement d’un déficit en α-Gal et peut être utilisée à une plage de dose d’entre environ 0,1-0,3 mg/kg de poids corporel.

 

[89]        Après avoir pris en compte les deux arguments, nous sommes d’accord avec l’opinion de l’Examinatrice.

 

[90]        Bien que la présente demande ne divulgue pas, en effet, l’identification des glycanes présents sur l’α-Gal A humaine produite dans des cellules humaines, la Commission trouve qu’elle ne parvient pas à établir clairement la signification des niveaux de glycanes complexes et les régimes posologiques thérapeutiques divulgués.

 


[91]        Il devrait également être rappelé que la personne versée dans l’art se serait focalisée sur le développement d’une dose thérapeutique appropriée pour le traitement de déficits en α-Gal A, et pas dans la caractérisation ultérieure d’un produit déjà connu comme étant équivalent de façon appropriée, à la fois en structure et en fonction, de l’α-Gal A native isolée à partir du plasma humain. Par conséquent, la personne versée dans l’art n’aurait pas nécessairement été conduite à entreprendre une analyse détaillée des glycanes avant de passer au cadre clinique. Selon nous, l’expérimentation critique à faire serait de déterminer une plage de dosage appropriée et une formulation pharmaceutique acceptable et c’est ce travail que nous considérons comme étant non inventif.

 

[92]        Comme indiqué ci-dessus, la personne versée dans l’art     a une expérience dans la mise en œuvre d’essais         cliniques et aurait été conduite vers des directives        bien connues et bien établies pour déterminer des régimes de dosage thérapeutiques et de bonnes       pratiques de recherche clinique. Nécessairement, le        procédé de recherche comprend des études     pharmacocinétiques et toxicologiques précliniques chez           des modèles animaux pour déterminer une dose      appropriée et la voie d’administration. Des principes généraux pour déterminer la dose, l’intervalle de dosage et la voie d’administration les plus appropriés comprennent l’utilisation d’études de pharmacocinétique, toxicocinétique et de distribution tissulaire à dose unique, croissante et à doses multiples. Ensuite, l’évaluation des données précliniques pour la sûreté et la validité scientifique est réalisée par des organismes de réglementation, tels que l’Administration des aliments et des drogues américaine et l’Administration de la santé du Canada, comme exigence obligatoire pour l’autorisation pour commencer des essais cliniques chez des êtres humains.

 

[93]        En outre, la personne versée dans l’art possède une connaissance dans la préparation de formulations pharmaceutiques pour des produits thérapeutiques protéiques et aurait été conduit à la préparation de formulations utiles pour un mode donné d’administration tel que défini dans, par exemple, Remingtons Pharmaceutical Sciences (Gennaro, A., ed., Mack Pub., 1990) – une référence décrite à la page 37, ligne 11 de la description comme divulguant des « procédés bien connus dans l’art pharmaceutique ».

 


[94]        En l’absence de toute preuve du contraire, sur ces bases, la Commission trouve que la détermination de la plage de dosage spécifique de 0,1 à 0,3 mg/kg définie dans les revendications d’utilisation médicale en instance aurait été une conséquence d’un essai courant réalisé par une personne versée dans l’art. Aussi, puisqu’il n’y a aucune indication du contraire, la Commission trouve également que la détermination de la formulation spécifique telle qu’énoncée dans les revendications de composition pharmaceutique 50 et 63 ne nécessitait rien de plus qu’une expérimentation de routine pour être réalisée.

 

[95]        Finalement, bien que la Commission considère que la plage de facteur 10 000 divulguée par Selden et al. est une plage de fonctionnement irréaliste, par souci d’exhaustivité, nous considérerons la possibilité que le cas présent, étant associé à une plage de dosage plus étroite, puisse être pensé comme apparenté à une soi-disant « sélection » et, par conséquent, être analysé dans ce contexte. Un objet plus étroit qui est choisi à partir d’une classe plus large précédemment divulguée d’un objet apparenté peut être considéré comme étant inventif si l’objet plus étroit est décrit comme ayant des avantages inattendus. Cependant, la présente demande est totalement muette en ce qui concerne des avantages inattendus fournis par la sélection de la plage de dosage plus étroite de 0,1-0,3 mg/kg par rapport à la large plage divulguée par Selden et al. En l’absence de toute information comparative démontrant tout avantage inattendu ou surprenant, la sélection de la plage de dosage revendiquée ici est considérée comme étant non inventive au vu de Selden et al.

 

[96]        Pour conclure sur la seconde considération, nous dirions que l’étendue, la nature et l’ampleur des efforts nécessaires pour réaliser l’invention ne sont ni longues ni ardues.

 

Est-ce quil existe un motif présent dans lart antérieur pour trouver la solution qui sous-tend le brevet?

 


[97]        Au moment du dépôt, il n’existait pas de traitement efficace pour des patients atteints d’un déficit en α-Gal A, comme la maladie de Fabry. Au début des années 1970, des tentatives de thérapie enzymatique de substitution se sont montrées prometteuses; cependant, un progrès ultérieur a été limité par l’absence de quantités suffisantes de protéine purifiée. La production de grandes quantités d’α-Gal A humaine recombinante a fourni les moyens pour explorer davantage l’efficacité d’une thérapie enzymatique de substitution. En outre, Selden et al. divulguent que le traitement de fibroblastes de Fabry par l’α-Gal A humaine recombinante était efficace pour restaurer les niveaux enzymatiques intracellulaires similaires à ceux des cellules normales. Pour ces raisons, nous trouvons que la personne versée dans l’art aurait été motivée à utiliser ladite α-Gal A humaine recombinante pour déterminer un régime posologique thérapeutique pour le traitement de patients atteints d’un déficit en α-Gal A.

 

[98]        Le développement d’un dosage formulé à l’aide d’excipients et de supports appropriés serait la prochaine étape logique, et nous concluons, par conséquent, qu’il y avait une motivation suffisante dans l’art antérieur pour trouver la solution qui sous-tend le brevet.

 

Conclusion sur l’évidence

 

[99]        Ayant abordé les considérations d’essai allant de soi, nous trouvons que les revendications 1-75 définissent un objet évident.

 

Question 3 : Méthode de traitement médical

 

Cadre légal

 

[100]    La Section 2 de la Loi sur les brevets définit l’« invention » en tant que :

 

toute réalisation, tout procédé, toute machine, toute fabrication ou toute composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de lun deux présentant le caractère de la nouveauté et de lutilité.

 

[101]    Une revendication de procédé qui englobe un traitement médical n’est pas considérée comme visant un objet brevetable : Tennessee Eastman Company et al. v. Commissioner of Patents (1972), 8 CPR (2d) 202 SCC [Tennessee Eastman] ; Imperial Chemical Industries Ltd. v. Commissioner of Patents (1986), 9 CPR (3d) 289 FCA.

 

[102]    Cependant, les revendications d’« utilisation » médicale ont été considérées comme visant un objet brevetable : voir Merck & Co. Inc. et al. v. Apotex Inc.(1994), 59 CPR (3d) 133 aux p. 175-177 (FCTD), affidavit sur ce point 60 CPR (3d) 357 (FCA) ; Apotex Inc. v. Wellcome Foundation Ltd., 2002 SCC 77, 21 CPR (4e) 499 [AZT].

 


[103]    Dans le cas AZT, la Cour suprême a suggéré qu’une complication peut naître dans un cas où une revendication, bien qu’elle soit rédigée comme une utilisation médicale, néanmoins tente de « circonscrire » un secteur de traitement médical en indiquant « comment et quand » (par exemple, en indiquant une plage de dosage ou un régime de traitement) une composition pharmaceutique doit être utilisée. Dans cette décision, la Cour suprême a considéré qu’une revendication visant une composition pharmaceutique comprenant un composé ancien (« AZT ») pour une nouvelle utilisation dans le traitement du SIDA et a conclu que le breveté n’avait pas essayé de circonscrire une méthode de traitement médical :

 

Le brevet AZT ne cherche pas à « circonscrire » un secteur de traitement médical. Il vise à obtenir le droit exclusif de commercialiser lAZT. La question de savoir comment et quand, sil y a lieu, employer lAZT est laissée à la compétence et au jugement des membres de la profession médicale. [paragraphe 50]

 

[104]    Les cours inférieures et la Commission d’appel des brevets ont également traité de la validité des revendications qui concernent une plage de dosage ou un régime de dosage. Ces décisions comprennent : Merck and Co., Inc. et al. v. Apotex Inc. et al., 2005 FC 755 [Merck1]; Merck and Co., Inc. et al. v. Pharmascience Inc. et al., 2010 FC 510 [Merck2]; Pfizer Canada Inc. v. Apotex Inc., 2005 FC 1421 [Pfizer]; Axcan Pharma Inc. v. Pharmascience Inc., 2006 FC 527 [Axcan]; Janssen Inc. et al. v. Mylan Pharmaceuticals et al., 2010 FC 1123 [Janssen]; concernant la demande no 003,772 dIjzerman, Décision du Commissaire no 254 (1975); concernant la demande no 2 300 723 dAllergan, Décision du Commissaire no 1292 (2009) [Allergan]. Les revendications considérées dans ces décisions peuvent généralement être divisées selon deux catégories : des revendications valides qui concernent des offres commerciales ou des produits pouvant être vendus dans lesquels des formes dosifiées, des conditionnements pharmaceutiques ou des trousses incorporent un régime posologique ou une quantité posologique prescrite; et des revendications invalides portant sur l’utilisation de produits pharmaceutiques dans lesquels des médecins sont empêchés d’exercer leurs compétences professionnelles et leur jugement professionnel par l’existence d’un monopole de brevet.

 


[105]    Par exemple, dans Merck1, les revendications en question visaient l’utilisation d’alendronate pour le traitement de l’ostéoporose où une dose hebdomadaire unique de 70 mg était spécifiée. Chacune des revendications en question couvrait une forme dosifiée orale unitaire comprenant 70 mg d’alendronate. Puisque la dose était définie dans une forme dosifiée unique, le juge Mosley a accepté l’observation de Merck selon laquelle les revendications visaient un produit vendable, pouvant être distingué du travail d’un médecin :

 

Le mode et la fréquence de ladministration ne font pas partie du brevet. Les inventeurs offrent un nouveau produit que les médecins peuvent choisir dutiliser dans le traitement des patients, selon leur spécialité et en se fiant à leur jugement. [paragraphe 136]

 

Je conclus que le brevet porte sur un produit vendable ayant une véritable valeur économique, comme en témoigne son succès immédiat sur le marché, et, par conséquent, il ne peut porter sur une méthode de traitement non brevetable. [paragraphe 137]

 

[106]    Cette opinion a récemment été adoptée par le juge Hughes dans Merck2, où il conclut qu’une revendication qui était restreinte à un dosage fixe particulier visait également un produit vendable :

 

En lespèce, nous avons un comprimé pris en dose de 1,0 mg par jour. La compétence ou le jugement ne jouent pas. Il sagit dun produit vendable, et non dune méthode de traitement médical. [paragraphe 114]

 

[107]    Ultérieurement à sa décision dans Merck1, le juge Mosley a maintenu qu’aussi longtemps que les revendications peuvent être distinguées du travail d’un médecin, qui nécessite l’exercice d’une compétence professionnelle, elles ne tombent pas sous la prohibition de méthode de traitement médical établie par Tennessee Eastman ; voir Pfizer.

 

[108]    Dans Axcan, la revendication litigeuse portait sur une composition pharmaceutique comprenant de l’acide ursodéoxycholique pour le traitement d’une cirrhose hypertrophique de Hanot-Gilbert sur la base d’une dose de 13 à 15 mg/kg/jour. Dans ce cas, le juge Harrington a noté que, contrairement à AZT et Merck1, où le mode et la fréquence de l’administration étaient laissés à la compétence professionnelle et au jugement du médecin, en incluant une plage de dosage la revendication cherchait à monopoliser un secteur de traitement médical en limitant la plage à l’intérieur de laquelle les médecins doivent exercer leur compétence professionnelle et leur jugement pour un patient donné :

 


C'est au médecin qu'il appartient, d'après sa connaissance du taux du métabolisme de son patient et d'autres facteurs, de fixer la dose quotidienne qui convient à ce dernier. Je ne puis envisager un seul instant qu'Axcan puisse revendiquer l'exclusivité sur la posologie et poursuivre un médecin pour avoir prescrit, dans le cadre du traitement d'une CBP, une dose d'Ursodiol inférieure à 13 mg/kg/jour ou supérieure à 15 mg/kg/jour. [paragraphe 46]

 

[109]    En faisant une distinction par rapport à Merck1, le juge Harrington a indiqué :

 

Il y a une distinction à faire entre la dose contenue dans une capsule et une gamme posologique fondée sur le poids du patient. Selon mon interprétation de la revendication ici en cause, l'accent y est mis sur la gamme posologique, et une gamme posologique n'est pas un produit vendable. [paragraphe 51]

 

[110]    Dans Allergan, au paragraphe 95, les revendications concernaient l’utilisation de la toxine botulinique (Botox) pour le traitement de la douleur associée soit à un trouble musculaire, soit une hypertonie spastique et spécifiaient une plage de dosage. Le Commissaire et la Commission d’appel des brevets ont suivi Axcan et ont conclu que les revendications cherchaient à circonscrire une plage à l’intérieur de laquelle les médecins doivent exercer leur compétence professionnelle et leur jugement.

 

[111]    Plus récemment, dans Janssen, le juge Barnes a résumé la loi dans ce domaine en disant que « une revendication de brevet visant une méthode de traitement médical qui, de par sa nature, appartient à un domaine pour lequel on peut penser que la compétence ou le jugement du médecin est nécessaire n’est pas brevetable au Canada ». Ceci comprend « l’administration d’un médicament, lorsque le médecin, bien qu’il se fie à la recommandation de dosage du breveté, doit tout de même prêter attention au profil du patient et à la réaction de ce dernier au composé ».

 

[112]    En outre, le juge Barnes a soutenu que des revendications qui comprenaient un régime posologique tentaient d’imposer un monopole sur les pratiques de prescription de professionnels de la médecine :

 

En conclusion, je suis totalement convaincu que les revendications pertinentes du brevet 950 visent une méthode de traitement médical. En cherchant à obtenir un monopole pour lajustement posologique efficace de la galantamine, le brevet 950 fait obstacle à la capacité des médecins dexercer leur jugement pour ladministration des versions génériques du médicament. En effet, sans licence accordée par Janssen, le médecin qui voudrait administrer une version générique de la galantamine pour le traitement de la maladie dAlzheimer suivant la méthode revendiquée dans le brevet 950 contreferait le brevet. [paragraphe 52]

 


[113]    Dans ce cas, le fait que la revendication énonçait un régime comprenant un dosage spécifique ne l’a pas sauvé de l’exclusion de méthode de traitement médical.

 

[114]    Arrivant à cette conclusion, le juge Barnes a révisé le témoignage d’expert qui discutait un nombre de facteurs, comprenant : la disponibilité de données cliniques, des informations de dosage fournies dans une monographie de produit, le profil du patient (par exemple, leurs antécédents médicaux, poids, tolérance à un médicament, etc.), le dosage à donner, le besoin de surveillance du patient et le besoin d’ajuster le dosage. Plus généralement, la cour a considéré le besoin pour un médecin d’adopter une approche « individualisée » du traitement qui « ne se limite pas aux conseils du fabricant en matière de posologie » (paragraphe 50).

 

[115]    Selon Janssen, la préoccupation dans ce domaine de la loi sur les brevets surgit, puisqu' « il empêchera peut être le médecin d'exercer sa compétence et son jugement s'il souhaite utiliser un composé connu à des fins établies sans être titulaire d'une licence du breveté. (paragraphe 51) ». Appliqué de façon plus pratique, dans ce cadre, afin qu'une revendication constitue une méthode de traitement médical, le dosage d'un composé connu pour un objectif établi doit être un élément essentiel de la revendication et l'effet du dosage devrait être de mettre les compétences professionnelles d'un médecin à l'intérieur de sa portée.

 

[116]    Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a pointé que des régimes posologiques sont brevetables au Royaume-Uni et à l’Office européen des brevets malgré la prohibition prévue par la loi sur les brevets pour des méthodes de traitement médical. A cet égard, la Demanderesse fait référence à la décision dans Actavis UK Ltd. v. Merck & Co. Inc., [2008] EWCA Civ 444, [2008] R.P.C. 26 et la décision de la Grande Chambre de Recours dans Kos Life Sciences, supra. Nous notons que ces décisions ont été prises en compte par les cours canadiennes, quoi que dans le contexte des procédures de médicaments brevetés (Avis de conformité), mais n’apparaissent pas avoir modifié la loi; voir Merck2 and Janssen, par exemple.

 

Analyse

 


[117]    Jusqu’ici, chaque revendication a été trouvée comme définissant soit un sujet ancien soit évident. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, les revendications seront également analysées pour leur conformité avec le paragraphe 2 de la Loi sur les brevets.

 

Revendications apparentées à des utilisations médicales (revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73)

 

[118]    Dans la décision finale, l’Examinatrice a soutenu que l’utilisation des préparations d’α-Gal A humaine pour traiter des déficits en α-Gal A était connue, par conséquent, attirant l’attention sur la plage de dosage mentionnée dans les revendications. L’Examinatrice a affirmé que le dosage était un élément essentiel et a conclu, au vu d’Axcan, que les revendications visaient une méthode de traitement médical, qui est un objet non autorisé par la loi et ne satisfait pas le paragraphe 2 de la Loi sur les Brevets.

 

[119]    Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a argumenté que la Cour fédérale a, dans de multiples décisions récentes, adopté la validité de revendications d’utilisation qui énoncent des régimes posologiques. Uniquement les décisions citées qui abordent le problème de méthodes de traitement médical dans le contexte de revendications d’utilisation sont considérées comme pertinentes, à savoir Merck1 et Pfizer.

 

[120]    En outre, la Demanderesse observe qu’Axcan ne peut pas être appliqué, puisque les présentes revendications n’empiètent pas sur les compétences professionnelles ou le jugement d’un médecin. Il n’y a pas de preuve que la détermination d’une dose appropriée à l’intérieur de la plage prescrite étroite d’environ 0,1 à 0,3 mg de la préparation d’α-Gal A par kilogramme de poids corporel impliquerait les compétences professionnelles ou le jugement d’un médecin. De plus, les revendications 2-4, 15-17, 28-30, 41-43 et 54-56 revendiquent des dosages discrets d’une préparation d’α-Gal A par kilogramme de poids corporel. En effet, dans ces revendications, rien n’est laissé au jugement professionnel du médecin.

 


[121]    Comme indiqué par la Demanderesse, des décisions récentes de la Cour fédérale ont trouvé que certaines revendications d’utilisation qui comprennent des régimes posologiques ne sont pas considérées comme étant des méthodes de traitement médical. Cependant, dans de tels cas, notamment Merck1 et Pfizer, les revendications ont été considérées comme pouvant être distinguées du travail d’un médecin qui nécessite l’exercice d’une compétence spécialisée. Dans Merck1, il a été soutenu que, puisque les revendications d’utilisation comprenaient une forme posologique unitaire, elles visaient un produit vendable. Similairement, dans Pfizer, la revendication d’utilisation ne donnait pas l’instruction à des médecins et à des pharmaciens sur la façon dont traiter le patient.

 

[122]    La présente description divulgue le besoin pour un patient de subir une surveillance clinique pour évaluer en continu le statut de sa maladie et mesurer les effets d’une thérapie enzymatique de substitution d’α-Gal A (pages 40-41). En outre, des modifications de la dose et/ou de la fréquence de dosage peuvent être faites pour s’assurer que certains paramètres pharmacocinétiques sont maintenus pour permettre des niveaux relativement constants de capture à médiation par un récepteur d’α-Gal A dans des tissus. Par conséquent, la détermination d’un régime posologique efficace est spécifique à un patient et nécessite la compétence et le jugement d’un médecin.

 

[123]    En outre, les revendications d’utilisation médicale visent une plage de dosage spécifique ou une dose spécifique par kg de poids corporel d’un patient. Par conséquent, par analogie à Axcan et Janssen, la Commission trouve que ces revendications essaient de monopoliser un régime posologique efficace pour une préparation d’α-Gal A humaine. En cherchant à placer des restrictions sur le « comment et quand » l’α-Gal A doit être administrée, les revendications interfèrent avec la capacité des médecins à traiter de façon appropriée leurs patients. Ainsi, la présente description indique clairement que la détermination du dosage pour l’administration est attendue rester du ressort du domaine d’un médecin :

 

La voie dadministration et la quantité de protéine administrée peuvent être déterminées par des facteurs qui sont bien à lintérieur de la capacité dévaluation de lartisan versé dans lart. De plus, lartisan versé dans lart est au courant que la voie dadministration dune protéine thérapeutique peut varier pour un patient donné jusquà ce quun niveau de dosage thérapeutique soit obtenu. [paragraphe sétendant entre les pages 36-37]

 

[124]    En d’autres termes, comme cela était le cas dans Janssen, une approche « individualisée » est également nécessaire, en particulier au vu du fait qu’une thérapie enzymatique de substitution pour la maladie de Fabry n’a pas été bien établie en premier lieu.


 

Revendications apparentées à des compositions pharmaceutiques (revendications 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75)

 

[125]    En gardant à l’esprit notre interprétation antérieure des revendications portant sur des compositions pharmaceutiques, l’élément de dosage a été considéré essentiel puisque les compositions revendiquées doivent comprendre, ou être capables de fournir, certaines quantités de la préparation d’α-Gal A humaine sur la base du poids d’un sujet. Les compétences professionnelles d’un clinicien ne sont pas dans leur portée, puisqu’il n’y a rien qui empêche un clinicien d’utiliser les compositions comme il le veut. La référence à une plage de dosage dans les revendications portant sur des compositions pharmaceutiques ne les rend pas non brevetables puisque, bien qu’essentielle, la plage de dosage est un élément descriptif de la composition elle-même et ne fonctionne pas pour mettre les compétences professionnelles d’un clinicien dans leur portée.

 

[126]    En tant que telles, ces revendications ne sont pas considérées comme plaçant des restrictions sur la manière et quand l’α-Gal A doit être administrée. Il s’en suit que ces revendications ne violent pas la prohibition de méthode de traitement médical.

 

[127]    Ainsi, la Commission trouve que les revendications d’utilisation médicale 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73 concernent une méthode de traitement médical non brevetable. En revanche, les revendications apparentées à une composition pharmaceutique 40-50, 53-63, 66-69, 74 et 75 concernent un produit vendable satisfaisant le paragraphe 2 de la Loi sur les brevets.

 

Question 4 : Caractère indéfini

 

Cadre légal

 

[128]    La disposition légale pertinente pour ce défaut est trouvée dans le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets qui indique :

 


Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites lobjet de linvention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[129]    Dans Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines Ltd., (1947) 12 CPR, la Cour de l’échiquier a souligné l’obligation qu’a un demandeur d’indiquer clairement dans ses revendications la portée du monopole qui est envisagé et l’exigence pour les termes utilisés dans les revendications d’être clairs et précis :

 

Par ses revendications, linventeur met des clôtures autour des domaines de son monopole et avertit le public de ne pas pénétrer dans sa propriété. Ses clôtures doivent être clairement placées afin de donner lavertissement nécessaire, et il ne doit pas clôturer toute propriété qui nest pas la sienne. Les termes dune revendication doivent être dépourvus dambiguïté ou de caractère obscur pouvant être évité, et ne doivent pas être flexibles; ils doivent être clairs et précis de sorte que le public sera capable de savoir non seulement quand il ne doit pas entrer, mais également où il peut aller de façon sûre. [page 146]

 

Analyse

 

[130]    Comme indiqué ci-dessus dans le paragraphe [29], les conclusions suivantes par rapport à l’objection de l’Examinatrice vis-à-vis des revendications 40-47 en tant qu’indéfinies, ont été utilisées pour faciliter notre analyse selon l’interprétation des revendications.

 

[131]    Dans la décision finale, l’Examinatrice argumente que, puisque la quantité posologique unitaire d’α-Gal A pour l’administration est définie par kg de poids corporel d’un sujet, la quantité totale d’α-Gal A administrée au sujet n’est pas claire. Ceci a été établi comme étant au vu des revendications dépendantes énonçant que la dose unitaire est adaptée pour une administration hebdomadaire ou toutes les deux semaines.

 

[132]    Dans le jeu de revendication fourni en réponse à la décision finale, la revendication 40 a été amendée pour énoncer une composition pharmaceutique dans une forme dosifiée unitaire comprenant une dose unitaire se situant entre 0,1-0,3 mg/kg. Aucune des revendications dépendantes 41-53 n’énonce que la composition est pour une administration hebdomadaire ou toutes les deux semaines.

 


[133]    Dans le résumé des motifs, l’Examinatrice a indiqué que les revendications 40-47 faisaient toujours l’objet d’une objection pour énoncer une plage de dose unitaire d’une préparation d’α-Gal A par kilogramme de poids corporel. Cependant, aucune autre explication supplémentaire n’a été donnée quant à savoir pourquoi les revendications étaient toujours considérées comme défectueuses même si les revendications dépendantes ne faisaient plus référence à un régime posologique.

 

[134]    Dans ses observations à la Commission, la Demanderesse a argumenté que l’objection ne s’appliquait plus aux revendications 40-47 en instance, puisqu’aucune des revendications dépendantes n’énonce que la composition est pour une administration hebdomadaire ou toutes les deux semaines.

 

[135]    Bien que les revendications 40-47 ne revendiquent plus une dose unitaire comprenant une plage spécifiée d’une préparation d’α-Gal A par kilogramme de poids corporel en combinaison avec un régime posologique, les revendications sont toujours considérées comme dépourvues de clarté. Par définition, une dose unitaire est considérée comme une norme de mesure qui contient une quantité fixe de médicament. Par conséquent, elle ne peut pas être définie en termes d’une quantité par kilogramme de poids corporel d’un sujet puisque la valeur de la dose unitaire varierait nécessairement selon le poids corporel du sujet.

 

[136]    Une dose unitaire qui peut varier selon le poids d’un sujet introduit une ambiguïté inutile qui peut être évitée en faisant référence simplement à une dose qui peut varier selon le poids d’un sujet. Cependant, au vu de nos conclusions que les revendications sont également anticipées et évidentes, il ne serait pas utile de demander un quelconque amendement.

 

[137]    Ainsi, la Commission trouve que les revendications 40-47 sont indéfinies et ne satisfont pas le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Recommandation

 

[138]    Au vu des conclusions mentionnées ci-dessus, nous recommandons que le refus de la demande soit maintenu sur la base des éléments suivants :

(1)                           les revendications 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75 sont anticipées par Selden et al. et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets ;


(2)   les revendications 1-75 sont évidentes au vu de Selden et al. et des connaissances générales courantes et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets ;

(3)   les revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73 concernent une méthode de traitement médical non brevetable et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 2 de la Loi sur les brevets;

(4)   les revendications 40-47 sont indéfinies et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Ed MacLaurin                         Serge Meunier                         Mark Couture

Membre                                   Membre                                   Membre

 

DÉcision du commissaire

 

[139]    Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission d’appel des brevets et leur recommandation que le refus de la demande soit maintenu sur la base des éléments suivants :

(1)                           les revendications 40-49, 53-62, 66-69, 74 et 75 sont anticipées par Selden et al. et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets ;

(2)   les revendications 1-75 sont évidentes au vu de Selden et al. et des connaissances générales courantes et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets ;

(3)   les revendications 1-39, 51, 52, 64, 65 et 70-73 concernent une méthode de traitement médical non brevetable et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 2 de la Loi sur les brevets; et

(4)   les revendications 40-47 sont indéfinies et, par conséquent, ne satisfont pas le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[140]    En conséquence, je refuse de délivrer un brevet sur cette demande. Selon le paragraphe 41 de la Loi sur les Brevets, la Demanderesse a six mois pour faire appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.


 

 

Sylvain Laporte

Commissaire de Brevets

 

 

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce 14e jour de mai 2013

 

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