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Décision du Commissaire # 1327

Commissioners Decision # 1327

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET: O-00

TOPIC: O-00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no: 2,206,896

Application No: 2,206,896

 

 


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

D.C. 1327             Demande no 2,206,896

 

La demande porte sur un système servant à élaborer un plan de voyage. Exigeant seulement que lutilisateur fournisse des renseignements spatio-temporels généraux, le système trace les grandes lignes dun plan de voyage proposé comportant divers événements ou activités. Il élabore ensuite un plan détaillé où figurent plusieurs installations ou réservations auxquelles correspondent les activités décrites dans le sommaire approximatif. Il permet en outre de modifier le plan en fonction des conditions routières ou météorologiques.

 

Évidence

 

Lexaminateur rejette la demande au motif que les revendications sont évidentes à la lumière de deux documents de brevet publiés aux États-Unis.

 

Décision : La demande est jugée acceptable par le commissaire aux brevets, pourvu que certaines modifications soient apportées aux revendications.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été rejetée aux termes du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet no 2,206,896 a fait lobjet dun examen par la Commission dappel des brevets et par le commissaire aux brevets. Voici la recommandation de la Commission et la décision du commissaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

Borden Ladner Gervais LLP

Bureau 1100

100, rue Queen

Ottawa (Ontario)

K1P 1J9


Introduction

 

[1]    La présente décision concerne la demande de brevet no 2,206,896, intitulée « SYSTÈME D’ÉTABLISSEMENT DE PLAN ET DE TRAITEMENT ». Le demandeur est TOYOTA JIDOSHA KABUSHIKI KAISHA. Les inventeurs sont Koji SATO, Masafumi KIZU, Makoto MORITA et Masanobu YAMASHITA.

 

[2]    La demande, déposée le 1er décembre 1995, revendique la priorité fondée sur la demande de brevet japonais JP 6-298290, datée du 1er décembre 1994. La requête d’examen a été présentée le 6 juin 1997. Le 15 juillet 2005, à la suite de trois lettres officielles, l’examinateur saisi du dossier a rendu une décision finale par laquelle il a refusé la demande au motif qu’elle revendiquait un objet évident. Le 21 décembre 2005, le demandeur a modifié les revendications en réponse

 

[3]    Ayant conclu que les modifications et les arguments du demandeur ne neutralisaient pas les motifs de refus, l’examinateur a transmis la demande ainsi qu’un résumé des motifs à la Commission d’appel des brevets (« la Commission »). Le résumé des motifs a été communiqué au demandeur le 20 décembre 2006.

 

[4]   Le demandeur n’a soumis aucun argument ni modification additionnels en réponse au résumé des motifs. Dans une lettre datée du 11 juillet 2008, le demandeur s’est désisté de la possibilité de se faire entendre à l’occasion d’une audience et a demandé que la présente décision soit fondée sur le dossier de traitement de la demande.

 

[5]   Après la date de communication du résumé des motifs, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi]. Le 3 mars 2010, la Commission a fourni au demandeur une analyse complémentaire de l’examinateur relativement aux étapes proposées dans l’arrêt Sanofi. La réponse du demandeur à cette analyse a été reçue par la Commission le 2 juin 2010.

 

Invention

 


[6]    L’objet de l’invention est un système servant à établir un plan de voyage pour un voyageur, un planificateur de voyage ou un conducteur de véhicule. Du point de vue conceptuel, le système offre des fonctionnalités semblables à celles d’un planificateur de voyage ou d’un conseiller touristique, mais de façon automatisée. Le système d’établissement de plans permettra à l’utilisateur d’entrer ses exigences de base concernant un voyage en fonction desquelles il préparera automatiquement un plan de voyage comprenant plusieurs activités ou endroits à visiter. Le système effectuera également toutes les réservations nécessaires aux fins des activités ou des lieux figurant dans le plan de voyage.

 

[7]    Une application typique du système d’établissement de plans consiste à l’installer dans un véhicule. Les composantes du système (voir la figure 1 de la demande) comprennent un terminal (y compris un processeur, un écran d’affichage et une mémoire) servant d’interface pour l’utilisateur, un centre de traitement de l’information qui interface avec d’autres systèmes de réservation connus et une ligne de communication reliant le centre et le terminal. Le système peut également interfacer avec un dispositif de navigation connu installé dans un véhicule (aucune revendication) afin que le plan de voyage puisse être utilisé par le dispositif de navigation pour déterminer un itinéraire de voyage.

[8]    Comme l’explique la section de la demande portant sur la technique antérieure (pages 1 à 3), il existe déjà des systèmes d’établissement de plans de voyage qui permettent à un utilisateur de se rendre à un lieu choisi dans le délai prévu. De plus, les systèmes antérieurs ont la capacité d’effectuer des réservations pour une activité donnée à la destination choisie. Ainsi, un conducteur peut créer un plan en vue de se rendre, à partir de son domicile, à un restaurant donné où il a une réservation pour 18 heures. Ces systèmes interagissent ensuite avec le dispositif de navigation du véhicule (p. ex. un GPS) et avec le système de réservation du restaurant.

 

[9]    Cependant, comme l’indique la section portant sur la technique antérieure, les systèmes antérieurs d’établissement de plans préexistants ont deux lacunes apparentes. Premièrement, ils ne permettent pas à l’utilisateur d’établir un plan de voyage comportant plusieurs destinations ou activités : le voyage doit se limiter à un endroit ou à une activité. Deuxièmement, les systèmes antérieurs exigent que l’utilisateur ait déjà des projets de voyage, étant donné qu’il doit sélectionner la destination ou l’activité qui l’intéresse. Les systèmes antérieurs n’ont pas la capacité d’élaborer un plan de voyage à l’intention d’un utilisateur qui n’a pas de projets précis concernant les activités à faire ou les endroits à visiter.

 


[10]  En conséquence, l’invention revendiquée est un système d’établissement de plans de voyage qui élabore automatiquement à l’intention de l’utilisateur un plan de voyage combinant plusieurs activités à faire ou endroits à visiter, et ce, en se fondant uniquement sur les critères généraux entrés par ce dernier. En état de marche, le terminal reçoit les données relatives à la destination et à l’heure d’arrivée souhaitée par l’utilisateur. Le terminal utilise ensuite ces données pour sélectionner un itinéraire de base – appelé « tracé de base » – parmi ceux que le système avait déjà en mémoire. Le tracé de base comprend une liste d’activités proposées, lesquelles sont organisées selon un ordre particulier. À titre indicatif, la demande propose un plan comportant les activités suivantes : marche, dîner, visite touristique, souper. Le tracé de base sélectionné correspond aux critères fournis par l’utilisateur (en ce qui a trait à la destination et à l’heure d’arrivée).

 

[11]  Pour achever l’élaboration du plan, le terminal transmet le tracé de base sélectionné ainsi que les renseignements spatio-temporels de l’utilisateur au centre de traitement de l’information, qui choisira ensuite des installations précises pour réaliser chaque activité du tracé de base. Le centre de traitement sélectionne en fait des endroits, des adresses ou des fournisseurs qui correspondent aux activités décrites dans le tracé de base : il peut s’agir d’un restaurant, d’un parc d’attractions, etc. Le centre de traitement extraira les installations d’une base de données, effectuera toutes les réservations nécessaires au nom de l’utilisateur et complétera le plan. Le plan final retransmis au terminal comprend une liste d’installations pertinentes – pour lesquelles des réservations ont été effectuées – qui correspondent aux activités proposées dans le tracé de base. La liste est présentée dans un ordre séquentiel.

 

[12]  Une autre innovation du système revendiqué consiste à assurer le suivi de l’exécution du plan et à l’adapter en fonction de conditions externes liées, par exemple, à la circulation routière ou à la météo.

 

Revendications

 

[13]  La revendication 1, modifiée par le demandeur en réponse à la décision finale, est la seule revendication indépendante figurant au dossier :

 

[traduction]

1. Un plan établi par un système de gestion comprenant ce qui suit :     - des moyens de saisie permettant d’entrer au moins l’information liée à la destination et à l’heure d’arrivée souhaitée;

- une mémoire permettant de stocker plusieurs tracés de base;

- des moyens d’élaboration de tracés qui permettent d’établir un tracé de base pour un plan donné, y compris les types d’activités et un ordre de transfert, fondé sur les renseignements relatifs à la destination et à l’heure d’arrivée souhaitée;


- des moyens d’établissement de plan permettant d’accéder à une base de données pour cerner les installations qui correspondent aux activités figurant dans le tracé de base et ainsi d’élaborer un plan dans lequel les activités intermédiaires et finales sont reliées à des installations précises.

 

[14]  Il faut interpréter les revendications en fonction de l’objet afin de comprendre leur signification et leur portée et de déterminer les limites (ou les frontières) du monopole recherché par le demandeur. Une telle interprétation tient compte de ce qu’une personne versée dans l’art, selon le mémoire descriptif dans son ensemble, considère être la signification prêtée par l’inventeur au libellé utilisé dans la revendication en fonction de ce qu’il estime être l’objet de l’invention et du problème que celle-ci vise à résoudre. À cet égard, les termes « tracé de base » et « moyens d’élaboration de tracés » exigent un examen approfondi.

 

[15]  Premièrement, dans sa réponse à l’analyse complémentaire, le demandeur affirme que le terme « tracé de base » doit être interprété comme étant un [traduction] « sommaire approximatif d’un plan » ou, de même, les [traduction] « renseignements de base d’un plan ». À la page 9 de la description, un tracé de base est qualifié de [traduction] « modèle de tracé de base ». La page 11 contient l’exemple suivant (assorti d’un renvoi à la figure 7) d’un tracé de base pour une excursion d’une journée sélectionné à partir des modèles déjà en mémoire : [traduction] « promenade, dîner, parc d’attractions, promenade nocturne ». Ce sont les [traduction] « types d’activités » qui, ensemble, forment un modèle de tracé de base stocké dans la mémoire de l’appareil faisant l’objet de la revendication 1. La figure 8 donne un autre exemple de tracé de base : [traduction] « 1. Parc d’attractions, 2. Hébergement , 3. Aquarium, 4. Dîner et 5. Galerie d’art », c’est-à-dire cinq types d’activités distincts. Les nombres indiquent la succession des activités prévues dans le plan. En conséquence, la Commission estime que le « tracé de base » d’un plan constitue le sommaire approximatif d’un plan comportant des activités, des événements ou des lieux d’intérêt proposés à l’utilisateur dans le cadre de son voyage.

 


[16]  Deuxièmement, il faut déterminer l’interprétation qu’une personne versée dans l’art ferait de la définition des [traduction] « moyens d’élaboration de tracés visant à élaborer un tracé de base » donnée par l’inventeur à l’égard de l’appareil de la revendication 1. Dans sa réponse à l’analyse complémentaire, le demandeur affirme que le libellé [traduction] « élaborer un tracé de base » figurant dans la revendication 1 signifie [traduction] « élaborer un sommaire approximatif ou une description de base d’un plan qui consiste à établir les activités à faire et l’ordre chronologique de celles-ci ». Cette déclaration concorde avec l’interprétation faite par la Commission du terme « tracé de base » [au para. 15], mais elle ne contient aucune précision sur le sens du mot « élaborer ».

 

[17]  À la page 9 de la description, il est écrit ce qui suit : [traduction] « L’élaboration du tracé de base est exécutée en sélectionnant, parmi plusieurs modèles de tracé de base stockés dans une mémoire, un modèle correspondant aux exigences indiquées. Plus loin, à la page 11, il est mentionné ceci : [traduction] « Le tracé de base d’un plan est élaboré en sélectionnant un tracé de base parmi plusieurs modèles prédéterminés qui correspondent aux exigences indiquées »; le tracé [traduction] « est sélectionné parmi plusieurs modèles de tracés de base préalablement stockés dans la mémoire 1c ». Un renvoi est fait aux figures 7, 8 et 9 de la demande. La description souligne que les moyens d’élaboration de tracés interagissent directement avec les modèles stockés dans la mémoire afin d’élaborer un tracé de base. C’est seulement par la sélection d’un modèle préalablement stocké qui [traduction] « correspond » aux exigences de l’utilisateur que les moyens d’élaboration de tracés sont mis en œuvre pour créer un plan. Aucune autre explication relative à l’élaboration de tracés n’est fournie ni comprise si l’on fait une lecture téléologique du mémoire descriptif.

 

[18]  Compte tenu de ce qui précède, une personne versée dans l’art comprendrait que la solution au problème technique relatif à l’élaboration d’un tracé de base englobe la combinaison de a) la mémoire contenant les modèles de tracés de base préalablement stockés et b) les moyens d’élaboration de tracés afin de sélectionner le modèle préalablement stocké qui correspond (le mieux) aux exigences de l’utilisateur. Ces deux éléments et leur relation sont interprétés comme essentiels à la solution envisagée par les inventeurs.

 


[19]  Cependant, à la lecture de la revendication 1, cette relation n’est pas clairement définie. Les moyens d’élaboration de tracés ne sélectionnent pas explicitement un tracé de base préalablement stocké, et il n’y a pas d’interaction concrète entre la mémoire et les moyens d’élaboration de tracés. Toutefois, la Commission constate qu’il est précisé dans la revendication 2 que les moyens d’élaboration de tracés sélectionnent un des divers modèles préalablement stockés dans la mémoire qui [traduction] « correspond » aux exigences de l’utilisateur. Comme il est mentionné plus haut [para. 18], il s’agit de la caractéristique essentielle de la solution mise de l’avant par les inventeurs pour élaborer le tracé de base. Étant donné que l’objet de l’invention, la solution proposée et la signification du libellé des revendications sont clairs, il est évident que la revendication 2 définit explicitement la portée de « l’élaboration d’un tracé de base » telle que mentionnée dans la demande; quant à la revendication 1, elle ne fait pas la lumière sur ce point crucial.

 

[20]  Dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (2000) CSC 67, au paragraphe 49, la Cour fait la déclaration suivante en ce qui concerne le bien-fondé de l’interprétation téléologique :

 

Les mots utilisés dans les revendications sont d’abord proposés par le demandeur, mais ils font par la suite l’objet de négociations avec le Bureau des brevets, et c’est, en fin de compte, le Commissaire aux brevets qui les accepte à titre d’énoncé exact du monopole qui peut résulter à bon droit de l’invention divulguée dans le mémoire descriptif. (Soulignement ajouté.)

Comme les revendications en l’espèce n’ont pas encore été admises et qu’elles font l’objet de négociations avec le commissaire aux brevets, il faut lever les ambiguïtés dues au libellé de la revendication 1 avant l’octroi du brevet aux fins de la conformité avec le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. En conséquence, la Commission est d’avis que la revendication 2 doit être modifiée de façon à être présentée comme une revendication indépendante et que la revendication 1 doit être supprimée. La revendication indépendante (l’ancienne revendication 2) qui en résultera indiquera clairement et explicitement que les moyens d’élaboration de tracés sélectionnent, parmi les divers tracés de base préalablement stockés dans la mémoire, un tracé qui correspond à l’information entrée par l’utilisateur en ce qui a trait à la destination et à l’heure d’arrivée souhaitée. Par conséquent, aux fins de l’analyse suivante relative à l’évidence, nous envisagerons le contenu de la revendication 2 comme s’il s’agissait d’une revendication indépendante.

 

[21]   Les revendications dépendantes 3 à 6 énoncent des restrictions additionnelles concernant les caractéristiques du système décrit dans la revendication indépendante. La revendication 3 décrit l’architecture du système, indiquant que les moyens de saisie et d’élaboration de tracés sont dans un terminal, que les moyens d’établissement de plans sont dans un dispositif hôte (central) et qu’il y a une ligne de communication entre les deux dispositifs. Par ailleurs, la revendication 4 décrit les moyens d’affichage et les moyens tactiles du terminal; la revendication 5 décrit les moyens permettant de trouver un trajet optimal pour le plan, en se fondant sur les données cartographiques; et la revendication 6 décrit les techniques d’économie d’énergie utilisées pour la ligne de communication.

 

[22]   La revendication 7 fournit les précisions suivantes concernant le système d’établissement de plans :


[traduction]

7. Un système de gestion d’établissement de plans, conformément à la revendication 1, qui comprend en outre :

un centre de surveillance pour assurer le suivi de la mise en œuvre du  plan en question afin que les moyens d’élaboration de plans puissent élaborer un nouveau plan fondé sur l’information ainsi recueillie.

 

[23]   Le centre de surveillance est interprété comme étant un moyen d’assurer le suivi de la mise en œuvre du plan élaboré pendant que l’utilisateur l’exécute. Le centre de surveillance réorganisera le plan préalablement élaboré en fonction de facteurs externes, comme les conditions routières ou météorologiques, qui peuvent avoir une incidence sur sa mise en œuvre.

 

[24]   Les revendications 8 à 10 apportent d’autres précisions liées à la fonctionnalité du centre de surveillance. Les revendications 8 et 9 concernent l’obtention de renseignements liés à la circulation routière et à la météo, et la revendication 10 définit les moyens permettant d’évaluer le degré d’incidence, ou la portée, des renseignements obtenus par le centre de surveillance sur le plan. Des conditions pluvieuses, par exemple, ont plus d’incidence sur une promenade en plein air que sur un concert en salle.

 

[25]   La Commission constate que le libellé [traduction] « lieux intermédiaires » utilisé dans la revendication 8 ne comporte aucun antécédent. La revendication 8 dépend (par le truchement de la revendication 7) de la revendication indépendante 1. La version initiale de la revendication 1 décrivait des [traduction] « types de lieux intermédiaires et finaux », mais, en réponse à la décision finale, le libellé a été remplacé par [traduction] « types d’activités ». Ce changement a entraîné une absence d’antécédent dans la revendication 8. En conséquence, il est nécessaire de modifier la revendication 8 pour assurer sa conformité avec le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Question en litige

 

[26]   La Commission a examiné la décision de l’examinateur de rejeter la demande pour les motifs suivants :


- les revendications 1 à 6 sont évidentes à la lumière des enseignements de Garback (D1);

- les revendications 7 à 10 sont évidentes à la lumière des enseignements de D1 et de Martin et coll. (D2).

 

Documents d’antériorité invoqués

 

[27]   L’examinateur invoque les documents d’antériorité suivants :

 

D1 : brevet américain  5,237,499     17 août 1993       Garback

D2 : brevet américain  5,272,638     21 décembre 1993   Martin et coll.

 

[28]   D1 porte sur un système informatisé de planification de voyages conçu pour traiter les demandes de voyage présentées par des personnes appartenant à un groupe parrainé (par une entreprise ou par une organisation, par exemple) qui doivent se rendre à un lieu donné. Le système est conçu pour permettre à un voyageur d’affaires d’effectuer de façon efficace et efficiente des réservations dans le cadre d’un itinéraire menant à un lieu donné (p. ex. une salle de réunions ou de conférences) tout en respectant certaines contraintes organisationnelles. Ces contraintes englobent la politique de l’entreprise relativement aux déplacements (p. ex. le fait qu’elle préfère transiger avec une certaine compagnie aérienne ou certains fournisseurs hôteliers avec lesquels elle bénéficie de tarifs préétablis) et les préférences de la personne en matière de voyages, par exemple en ce qui concerne le choix du siège ou de l’hôtel.

 

[29]   D2 porte sur un système permettant de sélectionner, en fonction de certains critères de rendement, un itinéraire de voyage parmi plusieurs itinéraires possibles qui relient diverses destinations. L’utilisateur entre des données décrivant l’emplacement précis de chacune des destinations à visiter, et le système détermine la solution optimale, par exemple l’itinéraire le plus court. Le système permet aussi de replanifier l’itinéraire de voyage ou d’en modifier le plan en fonction des conditions routières.

 

Évidence


1. Point de vue de lexaminateur

 

[30]   L’analyse complémentaire fournie au demandeur indique que la revendication 1 est évidente à la lumière de D1, étant donné que D1 révèle ou explique toutes les caractéristiques principales, à savoir :

      les moyens de saisie (terminal 22) servant à entrer l’information relative aux heures et aux lieux (figure 3);

      une mémoire contenant divers tracés de base (base de données 12 et fichier de lieu 14);

      des moyens d’élaboration de tracés (col. 2, ligne 29 : description du fichier de lieu), y compris des types d’activités (le fichier de lieu contient des renseignements sur les vols, les hôtels et la location de véhicules);

      des moyens d’élaboration de plans englobant des lieux précis (col. 6, ligne 24 et col. 5, ligne 30, figure 4 : détails concernant les réservations de vols, d’hôtels et de véhicules de location).

 

Selon l’analyse complémentaire, la seule différence fondamentale entre la revendication 1 et D1 tient à l’ordre de transfert.

 

[35]   En réponse à certains arguments précis du demandeur, l’analyse complémentaire fournit les explications suivantes :

      un [traduction] « ordre de transfert » aurait été évident pour les personnes versées dans l’art, étant donné qu’un itinéraire ou un plan comporte une liste d’événements classés selon un ordre chronologique;

      l’élaboration d’un tracé de base relativement à des types d’activités est décrite dans D1, étant donné que le fichier de lieu contient des activités (vols, hôtels, location de véhicule, etc.);

      la classification des activités en destinations intermédiaires et finales est une technique connue depuis D1, étant donné que les heures de début et de fin des réunions et des événements sont stockées dans le fichier de lieu; par conséquent, on saurait quelles destinations sont intermédiaires et lesquelles sont finales;


      les catégories d’activités ne sont pas définies dans la revendication; et, comme les types d’activités ne sauraient rendre la revendication brevetable, alors les vols, les hôtels et les locations de véhicules de D1 constituent des types d’activités équivalents.

 

2. Position du demandeur

 

[40]   Le demandeur a déposé une contre-argumentation en réponse à la plupart des arguments soulevés dans l’analyse complémentaire. Voici un résumé des points pertinents invoqués en l’espèce par le demandeur :

 

      Le fait [traduction] « d’élaborer le tracé de base d’un plan » s’entend du fait d’établir les grandes lignes d’un plan. Dans D1, le fichier de lieu concerne des événements déjà prévus dans le plan et contient donc de l’information sur des événements déjà planifiés (date de début, date de fin, adresse du lieu de la réunion, etc.). Par conséquent, il ne s’agit pas d’élaborer le tracé de base d’un plan.

      Dans D1, c’est l’utilisateur du terminal qui établit le plan, puisqu’il entre des données dans un écran préformaté, y compris le moment du départ et le moment du retour. Par conséquent, le système de D1 est conçu de façon à ce que l’utilisateur établisse le plan initial. Or, le dispositif décrit dans la revendication 1 établit le plan initial par le truchement des moyens d’élaboration de tracés.

      La réservation de chambres d’hôtels ou de véhicules de location auprès de fournisseurs préapprouvés telle que l’accomplit le système dans D1 ne montre pas comment élaborer le tracé de base d’un plan, étant donné qu’il n’y a aucun plan associé au fait de s’enregistrer dans un hôtel ou d’aller chercher un véhicule.

 

[44]   Le principal argument invoqué par le demandeur dans chacun des trois points susmentionnés est que D1 ne révèle ni ne décrit comment élaborer le tracé de base d’un plan. À la page 5 de sa réponse à l’analyse complémentaire, le demandeur fait valoir ceci : [traduction] « En ce qui a trait à un système qui effectue des réservations et qui contient des renseignements sur des événements planifiés (comme le montre Garback), un lecteur versé dans l’art devrait faire preuve d’ingéniosité inventive pour mettre au point un système qui élaborerait le tracé de base d’un plan. »


 

3. Principes de droit

 

[45]   L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles une revendication est considérée comme évidente :

 

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet.

 

[46] Dans Sanofi, la Cour suprême établit l’approche à suivre pour évaluer le critère relatif à l’évidence. Cette approche comporte quatre étapes :

 

(1)  a) Identifier la « personne versée dans l'art »

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)  Définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

(3)  Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de l'« état de la technique » et l'idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)  Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[47] Dans l’Énoncé de pratique relatif à lévidence (document publié le 2 novembre 2009), l’Office a décrit sa pratique au chapitre de l’évidence à la lumière de l’approche adoptée dans Sanofi.

 

 


4. Analyse

 

[48] L’analyse portera sur la question de l’évidence de la revendication indépendante, à la lumière des enseignements de D1. D2 a été cité par l’examinateur relativement à la caractéristique additionnelle que constitue le centre de surveillance décrit dans la revendication 7 et n’est pas plus éclairant que D1 pour ce qui est de la revendication indépendante. Par conséquent, D2 ne change en rien notre évaluation (menée à l’étape 3) des différences entre l’état de la technique et l’idée originale et n’a donc aucune incidence sur nos conclusions concernant le caractère brevetable des présentes revendications.

 

Étape 1a) : La personne versée dans lart

 

[49] Dans l’analyse complémentaire, la personne versée dans l’art est décrite comme [traduction] « ayant une expertise dans la planification de voyages et les systèmes informatisés, par exemple les systèmes dinformation intra-véhiculaires à lintention du conducteur et les systèmes informatisés de réservations de voyage ». Le demandeur n’a formulé aucun commentaire concernant cette déclaration, et la Commission admet cette définition. La Commission considère en outre qu’une expertise en matière de systèmes informatisés englobe les compétences d’une équipe composée de programmeurs de logiciels, de concepteurs de matériel informatique et de techniciens en communication de données.

 

Étape 1b) : Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[50] L’analyse complémentaire contient plusieurs déclarations concernant les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art :

a) la personne versée dans l’art connaîtrait les techniques antérieures utilisées pour planifier et effectuer des réservations pour un utilisateur;

b) cette personne serait capable de programmer un système informatisé d’usage général muni d’un terminal, d’un ordinateur hôte central et d’une base de données;


c) cette personne serait également versée dans les systèmes d’information intra-véhiculaires à l’intention des conducteurs, tout particulièrement de l’utilisation de tels systèmes pour replanifier et organiser un itinéraire de voyage en fonction de conditions routières changeantes.

 

[51] Le demandeur n’a pas réagi à ces déclarations, et la Commission estime qu’elles sont toutes raisonnables.

 

[52] En ce qui concerne les points a) et c), la Commission constate que le raisonnement de l’examinateur est étayé par les renseignements contextuels fournis dans la section de la demande portant sur la technique antérieure. Ils révèlent que la capacité des systèmes d’information en matière de voyages (par exemple les dispositifs de navigation intra-véhiculaires) de dispenser divers services, comme effectuer des réservations dans des restaurants, était connue. Par ailleurs, ils révèlent que la capacité de tels systèmes d’assurer le suivi de conditions externes (comme les embouteillages) et d’en tenir compte au moment d’effectuer des réservations était connue. Comme l’admission par le demandeur de ces faits dans sa demande relativement à l’état de la technique ou aux connaissances générales courantes lui est opposable (Merck and Co., Inc. c. Pharmascience, Inc., 2010 CF 510, par. 8), la Commission est d’avis que ces caractéristiques font partie des connaissances générales courantes.

 

[53] En ce qui a trait au point b) susmentionné, la Commission constate que la conclusion de l’examinateur est appuyée par l’absence de tout code de programmation ou de logiciel dans la description, ce qui confirme que le demandeur considérait que la programmation de la fonctionnalité décrite dans la demande relevait de connaissances générales courantes.

 

Étape 2 : L’idée originale

 

[54] Il est indiqué dans l’analyse complémentaire que [traduction] « lidée originale des revendications concerne lélaboration dun plan fondé sur un ordre de transfert et sur les données entrées par lutilisateur en ce qui a trait aux activités, à la destination et à lheure darrivée ». Le demandeur n’a pas réagi à cette déclaration.

 


[55] La Commission a cerné trois questions liées à l’idée originale qui doivent être examinées. Premièrement, comme il est mentionné au paragraphe 15, l’ordre de transfert constitue l’ordre chronologique des événements d’un plan, et une personne versée dans l’art saurait que les divers événements ou activités d’un plan seraient classés selon l’ordre chronologique. Par conséquent, cela ne semble pas faire partie de l’idée originale. Deuxièmement, la saisie de données (mentionnée plus haut) par l’utilisateur relativement aux types d’activités n’est pas une caractéristique figurant dans la revendication 1 et ne peut pas raisonnablement être interprétée, à la lumière de la description, comme un élément de l’idée originale de cette revendication. La revendication 1 fournit des explications sur la saisie de données relatives à la destination et l’heure d’arrivée souhaitée, mais elle ne mentionne rien au sujet de la saisie de données relatives aux activités. Troisièmement, la Commission constate que, à la lumière de l’interprétation de la revendication 1 présentée dans les paragraphes 14 à 19, l’idée originale exposée dans cette revendication doit également prendre en considération le [traduction] « processus de sélection » relatif à [traduction] « l’élaboration d’un tracé de base ».

 

[56] Pour les trois motifs susmentionnés, et compte tenu des lignes directrices énoncées dans l’Énoncé de pratique relatif à lévidence en ce qui touche l’idée originale à la base d’une solution à un problème technique, l’idée originale est réinterprétée par la Commission de la façon exposée dans les paragraphes suivants.

 

[57] L’art antérieur au chapitre de l’établissement de plans ne permettait pas à l’utilisateur d’obtenir un plan comportant plusieurs activités qui serait fondé seulement sur une idée vague des lieux où il souhaite se rendre et de ses heures d’arrivée et de départ. En conséquence, la solution technique apparente que devait mettre au point l’inventeur consistait à trouver un moyen de modifier un dispositif d’établissement de plans de voyage afin que celui-ci puisse établir un plan comportant plusieurs activités fondées sur des données générales entrées par l’utilisateur au sujet de ses heures d’arrivée et de sa destination. Cette solution englobe le stockage de modèles ou de schémas généraux de plans dans une mémoire et la sélection ultérieure d’un tracé de base stocké dans cette mémoire en fonction des critères entrés par l’utilisateur en ce qui a trait, au moins, à l’heure d’arrivée et à la destination, de manière à élaborer un plan approximatif initial. Le tracé de base sélectionné est ensuite utilisé d’une façon connue ou classique pour effectuer avec précision des réservations dans certaines installations aux fins de la tenue des diverses activités sélectionnées en vue de créer un plan final détaillé.

 


[58] En conséquence, la Commission est d’avis que l’idée originale à la base de la revendication consiste en un système informatisé d’établissement de plans doté d’une mémoire informatique contenant plusieurs modèles de base de plans préalablement stockés (tracés de base) et de moyens permettant d’élaborer un sommaire approximatif des activités en sélectionnant un modèle de tracé de base préalablement stocké qui correspond aux exigences de l’utilisateur relativement à l’heure d’arrivée et à la destination.

 

Étape 3 : Les différences entre l« état de la technique » et lidée originale

 

Faits tirés de D1 (Garback)

 

[59] La mise en œuvre technique dans D1 englobe l’utilisation des composantes suivantes : un terminal d’ordinateur local au moyen duquel l’utilisateur entre sa demande de voyage; une unité centrale à distance qui communique avec le terminal local afin d’effectuer des réservations par le truchement des systèmes de réservation de compagnies aériennes, d’hôtels et d’entreprises de location de véhicules préalablement déterminés; des lignes de communication bien connues assurant la liaison entre toutes les parties; et, enfin, une base de données reliée à l’unité centrale principale qui stocke l’information servant à effectuer des réservations de voyage dans cinq fichiers généraux qui concernent respectivement ce qui suit : le décodage de la ville, la billetterie, les membres du groupe, la politique en matière de déplacements et le lieu.

 

[60] Les fichiers relatifs au décodage de la ville, à la billetterie et aux membres du groupe ne sont pas pertinents dans le cadre de la question de l’évidence que doit trancher la Commission, et il n’est donc pas nécessaire de les analyser davantage.

 

[61] Le fichier relatif à la politique en matière de déplacements (voir col. 2, ligne 40) contient de l’information au sujet de compagnies aériennes, de fournisseurs hôteliers et de services de transport terrestre pré-sélectionnés. Les tarifs connexes ont été négociés par l’organisation en vue de réaliser des économies de coûts, et les rabais sont appliqués pourvu que, pour un lieu donné, l’organisation puisse garantir un certain achalandage. Ainsi, les données du dossier posent des restrictions concernant les réservations, en ce sens que le système peut seulement effectuer des réservations avec les fournisseurs inscrits au fichier.

 


[62] Enfin, la base de données dans D1 contient un fichier de lieu. Selon la description (col. 2, ligne 29; et col. 4, ligne 11), ce fichier contient des renseignements sur un lieu donné pour lequel un certain nombre de voyageurs appartenant à la même organisation de parrainage effectuent des réservations. Il peut s’agir d’une réunion, d’un séminaire, d’une convention, d’un programme de formation, etc. Le dossier contiendra donc des renseignements tels que les dates de début et de fin de l’événement, l’adresse du lieu et son emplacement dans la ville.

 

[63] Une fois qu’une organisation a établi qu’un ou plusieurs membres de son effectif se rendront dans un lieu donné, un fichier de lieu contenant les données susmentionnées est créé. De même, une fois que le lieu est déterminé, un fichier concernant la politique en matière de déplacements sera créé afin de dresser la liste des fournisseurs privilégiés pour ce lieu, en fonction de tarifs préférentiels préalablement négociés.

 

[64] Pour actionner le système, l’utilisateur du terminal local lance le processus de réservation en remplissant les champs apparaissant à l’écran (voir la figure 3), qui créera un fichier électronique temporaire relativement à la [traduction] « demande de voyage ». L’utilisateur entre son code d’employé, le code du lieu, les villes de départ et d’arrivée et, enfin, ses dates de départ et de retour, ses exigences en matière d’hôtels et de véhicules et toute autre demande personnelle. Une fois que les données entrées sont validées par l’utilisateur, le terminal les communique à l’unité centrale principale. L’unité centrale effectue ensuite les opérations nécessaires pour traiter la réservation en fonction de données figurant dans le fichier de la demande de voyage et des données stockées dans la base de données. Ce processus permet de s’assurer que les réservations de voyage de chaque utilisateur sont conformes à l’information figurant dans le fichier de lieu (date de l’événement, emplacement, etc.) et à la politique en matière de déplacements (concernant par exemple les vols aux tarifs prénégociés). Le système traite la demande de l’utilisateur et applique les restrictions de l’organisation au chapitre des déplacements.

 

Différences entre l’idée originale et D1

 

[65] Il existe deux différences clés :

 

i. mémoire contenant plusieurs modèles stockés

 


[66] La base de données décrite dans D1 est configurée différemment de la mémoire décrite dans la revendication 1. La base de données contient cinq dossiers précis où sont stockées les données relatives aux restrictions que le système de voyage doit observer au moment d’effectuer des réservations dans un lieu préalablement déterminé. Ces données sont créées et stockées seulement après que l’organisation a sélectionné le lieu en question. Il n’y a pas de préstockage de divers fichiers de lieu qui équivaudraient aux divers tracés de base préalablement stockés.

 

[67] Les données contenues dans la base de données de D1 (relativement au lieu ou à la politique en matière de déplacements, par exemple) sont extraites par l’unité centrale principale après que l’utilisateur a soumis sa demande électronique de voyage. Même quand la base de données de D1 est requise pour stocker plusieurs fichiers de lieu (pour plusieurs conférences, par exemple), l’unité centrale accède à ces fichiers séparément, en fonction seulement du code du lieu transmis dans le fichier de la demande. La base de données de D1 n’est pas équivalente à une mémoire organisée comme une diversité de sommaires approximatifs ou de modèles stockés pouvant être consultés.

 

ii. Sélection dun tracé stocké par les moyens délaboration de tracés en fonction des données saisies par lutilisateur

 

[1]   Le fichier de lieu de D1 est un simple fichier de données; il ne s’agit pas d’un fichier ou code exécutable permettant d’extraire d’autres données d’une mémoire en fonction de leur degré de correspondance avec les critères de recherche. Le fichier de lieu contient des données propres à un lieu prédéterminé donné; il n’est pas sélectionné de façon à correspondre au moment et au lieu entrés par l’utilisateur. Par ailleurs, le fichier de lieu n’effectue pas de sélection afin de trouver un modèle stocké qui correspond aux renseignements fournis par l’utilisateur. Enfin, le fichier de lieu n’affiche pas ni ne crée de sommaire des activités présenté dans un ordre séquentiel équivalant à un tracé de base.

 


[2]   En outre, pour approfondir l’analyse de D1, la Commission constate que le fichier de la demande de voyage (et son écran de saisie connexe [figure 3]), quand il est combiné avec le fichier de lieu, ne met pas en œuvre des moyens d’élaboration de tracés qui sélectionnent un tracé stocké en fonction des renseignements fournis par l’utilisateur. Les champs relatifs au fichier de la demande de voyage sont remplis par l’utilisateur au moyen d’un écran à format fixe (un « tracé »). Aucun moyen d’élaboration de plans n’est issu de cette combinaison, étant donné que l’utilisateur entre les données relatives au voyage dans le fichier de la demande de voyage et que celui-ci n’effectue aucune sélection afin de trouver une liste de modèles préalablement stockés qui correspondraient aux données entrées. Plutôt, le fichier de la demande de voyage est un fichier temporaire qui, une fois que les champs ont été remplis, est transmis à l’unité centrale hôte.

 

[3]   Par conséquent, la différence relative à l’état de la technique tient à l’idée originale elle-même, c’est-à-dire une mémoire d’ordinateur contenant plusieurs modèles de plans de base préalablement stockés ainsi que des moyens pour élaborer un sommaire approximatif d’activités en sélectionnant un modèle de tracé de base préalablement stocké qui correspond à la destination de l’utilisateur et à l’heure d’arrivée souhaitée.

 

Étape 4 : Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes?

 

[4]   Ayant cerné les différences qui existent entre l’état de la technique et l’idée originale, la Commission doit maintenant déterminer si ces différences auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art au moment de l’invention. Il importe de déterminer si cette personne parviendrait à élaborer les différences recensées (dans le cas présent, l’idée originale elle-même) sans devoir faire preuve d’ingéniosité. Il faut éviter d’utiliser la demande dont il est question ici pour évaluer ces différences, c’est-à-dire éviter de se fonder sur une analyse a posteriori pour arriver à la même solution.

 

[5]   En l’espèce, même s’il est question de surmonter le problème technique qui consiste à modifier un système afin de lui permettre d’élaborer un plan de voyage fondé seulement sur des critères généraux indiqués par l’utilisateur, l’information contenue dans D1, combinée avec les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ne semble pas fournir suffisamment de renseignements pour qu’une telle personne puisse en arriver aux différences recensées. Comme il a été mentionné précédemment, ni le fichier de lieu ni le fichier de la demande de voyage de D1 ne permettent de stocker plusieurs modèles ou sommaires approximatifs de plans. De surcroît, ni le fichier de lieu ni celui de la demande de voyage (et l’interface connexe) de D1 n’ont la fonctionnalité intrinsèque d’élaborer un tracé en en sélectionnant un, à partir d’une mémoire, qui correspond aux critères indiqués par l’utilisateur, comme il est décrit dans la revendication indépendante.

 


[6]   Pour obtenir la fonctionnalité combinée de l’état de la technique et de l’idée originale qui sous-tend la revendication (comme le mentionne l’étape 3), il faudrait apporter un changement fondamental ou important à l’objet et à la conception des agencements de système et des processus de traitement de données du système de réservations de voyage de D1. La Commission est d’avis que les changements à apporter à la conception de D1 exigeraient un certain degré de créativité qui irait au-delà des compétences que posséderait d’ordinaire la personne versée dans l’art. La Commission ne voit rien dans les enseignements de D1 (ni de D2; voir le para. 37) qui indiquerait à cette personne d’apporter de tels changements conceptuels ni de songer à mettre au point un système doté des fonctionnalités auxquelles tiennent les différences recensées.

 

[7]   Comme nous l’avons mentionné d’entrée de jeu, l’idée qui sous-tend la présente invention tient généralement à l’automatisation des fonctions d’un planificateur de voyage ou d’un conseiller touristique. Le simple fait d’avoir l’idée d’automatiser certaines fonctions du planificateur ne serait pas suffisant en soi pour obtenir un brevet valide (et ce n’est d’ailleurs pas le cas en l’espèce). De même, une fois que la solution présentée dans la revendication 2 est cernée, l’exécution de l’invention par la mise en œuvre d’un logiciel donné ne constitue pas l’invention elle-même, mais fait partie des connaissances générales courantes de l’équipe versée dans l’art. Plutôt, le perfectionnement inventif décrit dans la demande à l’étude consiste en la mise en place de moyens techniques précis qui fourniraient ladite fonctionnalité automatisée. Bien que plusieurs solutions possibles puissent être cernées et mises en œuvre pour automatiser la fonctionnalité du planificateur de voyage, l’idée originale décrite dans la demande dont il est question ici repose sur l’élaboration d’une telle solution.

 

[8]   À la lumière des faits au dossier et des réalisations antérieures, la Commission conclut qu’une personne versée dans l’art devrait faire preuve d’ingéniosité inventive pour concevoir la présente solution et, donc, pour mettre en œuvre un système possédant la fonctionnalité de l’appareil revendiquée. La Commission estime que l’art antérieur ou les connaissances générales courantes ne fournissent pas assez de renseignements à la personne versée dans l’art pour que cette dernière, sans devoir déployer d’effort inventif, trouve une solution pour stocker plusieurs sommaires approximatifs de plans dans une mémoire et sélectionner ensuite un modèle préalablement stocké, en fonction de sa correspondance avec les renseignements fournis par l’utilisateur relativement à l’heure d’arrivée et à la destination, en vue d’élaborer le tracé de base d’un plan. Même si, sur le plan technique, il pourrait être très facile pour une personne versée dans l’art de mettre en œuvre cette solution une fois qu’on lui aurait donné l’instruction de le faire, rien ne semble suggérer à la personne versée dans l’art de mettre en œuvre une telle solution. À cet égard, la Cour a déclaré ce qui suit dans Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58, au paragraphe 84 (C.Ont.[Div. gén.]) :


 

[traduction] L’ingéniosité, toutefois, peut être présente même s’il n’y avait aucune difficulté à concrétiser une idée après sa conception. Une invention ne doit pas être considérée comme évidente à cause de sa simplicité.

 

En l’espèce, même si la solution semble simple, elle n’est pas évidente pour autant.

 

[9]   En conséquence, la Commission est d’avis que la revendication 2, présentée en tant que revendication indépendante, constitue un perfectionnement inventif de l’état de la technique et qu’elle n’est pas évidente. Comme les revendications 3 à 10 dépendent toutes de celle-ci, elles ne sont pas évidentes non plus. La pertinence particulière de D2 relativement à la caractéristique additionnelle décrite dans la revendication dépendante 7 est donc discutable.


Recommandation

 

[10] À la lumière des conclusions susmentionnées, la Commission recommande que :

 

1.      le rejet de la demande par l’examinateur en raison de sa non-conformité avec l’article 28.3 de la Loi sur les brevets soit infirmé;

 

2.      le demandeur soit informé, conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, du fait que les modifications suivantes sont nécessaires pour que la demande soit conforme à la Loi sur les brevets :

1)   la revendication 2 doit être reformulée comme une revendication indépendante;

2)   la revendication 1 doit être supprimée;

3)   la revendication 8 doit être modifiée de façon à ce que les termes  « the intermediate locations » soient remplacés par « the intermediate facilities » (deux occurrences);

4)   toutes les revendications doivent être renumérotées en conséquence;

 

3.      le demandeur soit informé du fait que, si les modifications susmentionnées, et ces seules modifications, ne sont pas effectuées dans le délai imparti, le commissaire entend refuser la demande.

 

 

 

 

 

Andrew Strong      Mark Couture       Paul Sabharwal

Membre             Membre             Membre


Décision

 

[11]Je souscris à la conclusion de la Commission d’appel des brevets selon laquelle la demande est conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et à sa recommandation que la demande soit acceptées, sous réserve des seules modifications suivantes, conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, dans les trois mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends refuser la demande :

 

1.      la revendication 2 doit être reformulée en tant que revendication indépendante;

2.      la revendication 1 doit être supprimée;

3.      la revendication 8 doit être modifiée de façon à ce que les termes « the intermediate locations » soient remplacés par « the intermediate facilities » (deux occurrences);

4.      toutes les revendications doivent être renumérotées en conséquence.

 

 

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec)

le 8 juin 2012

 

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