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Commissioner’s Decision # 1306

Décision de la Commissaire no 1306

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: O00

SUJET : O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 2,188,489

Demande no : 2,188,489

 


                                                                                                                                                           

 

 

 

 

 

 

 

 

Résumé de la décision de la Commissaire

 

La demande rejetée a trait à des solvants utilisés dans des procédés industriels au cours desquels il est souhaitable d’éliminer de circuits de gaz des gaz acides comme le dioxyde de carbone et le sulfure d’hydrogène. La demande a été rejetée en raison de son évidence par rapport à deux brevets des États-Unis. La Commission est d’accord sur le fait que la matière revendiquée était évidente et recommande que la demande soit rejetée.


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet 2,188,489 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30 (3) des Règles sur les brevets, a donc été examinée conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets par la Commission d’appel des brevets au nom de la Commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et la décision de la Commissaire sont les suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent pour le demandeur :

 

Smart & Biggar

Boîte postale

2999, Station D

Ottawa, Ontario

K1P 5Y6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Introduction

 

[1]   La présente décision a trait à un examen de la demande de brevet 2,188,489, suite à son rejet dans une décision finale.

 

[2]   Le demandeur est Union Carbide Chemicals and Plastics Technology LLC. Les inventeurs sont David Burns et Rickey Epps et l’invention est intitulée ≪ Composition and Method for Acid Gas Treatment ≫ (COMPOSITION ET MÉTHODE POUR LE TRAITEMENT DE GAZ ACIDES).

 

Contexte

 

[3]   La demande porte sur des solvants utilisés lors de procédés industriels pendant lesquels il est souhaitable d’éliminer de circuits de gaz des gaz acides, comme le dioxyde de carbone ou l’hydrogène sulfuré. Les circuits de gaz peuvent, par exemple, servir à la production d’ammoniac.

 

[4]   La demande est axée sur l’utilisation de solvants spécifiques capables d’absorber des impuretés gazeuses acides présentes dans des circuits de gaz. Ces solvants sont constitués de mélanges d’éthers diméthyliques de polyalkylèneglycol, de formule CH3O(C2H4O)xCH3 dans laquelle x (appelé nombre d’unités ou d’adduits) peut aller de 3 à 9. Bien que la demande ait trait à des mélanges de tels composés, c’est celui à quatre unités d’éthylèneglycol (le diméthoxytétraéthylèneglycol ou éther diméthylique du tétraéthylèneglycol) et sa teneur dans un mélange qui sont d’un intérêt particulier dans le cas présent.

 

Historique de linstruction

 

[5]   La demande a été déposée le 22 octobre 1996. Une décision finale a été rendue le 28 juillet 2003, dans laquelle la demande a été rejetée puisque toutes les revendications alors en litige dans la demande ont été considérées évidentes et, donc, contraires au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets. La demande a aussi été rejetée, car certaines autres revendications ont été déclarées non conformes au paragraphe 87(3) des Règles sur les brevets, puisqu’elles avaient une portée plus large que la revendication parente dont elles dépendaient.

 

[6]   Le 28 janvier 2004, le demandeur a répondu à la décision finale et a soumis un nouvel ensemble de huit revendications. Le demandeur a fait valoir que les revendications nouvellement soumises répondaient à des objections soulevées dans la décision finale et a demandé un nouvel examen de sa demande. Bien que les modifications et les soumissions faites par le demandeur aient permis de corriger la non-conformité au paragraphe 87(3) des Règles sur les brevets, l’examinateur estime que la réponse du demandeur ne répond pas à la principale objection (l’évidence) soulevée dans la décision finale. La demande a donc été transmise à la Commission d’appel des brevets pour examen.

 

[7]   Le demandeur a été convoqué devant la Commission et a fourni d’autres soumissions lors d’une audience convoquée initialement le 13 mai 2009. Dans sa convocation, la Commission a aussi porté à la connaissance du demandeur la décision de la Cour suprême dans le cas Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. v. Apotex Inc., 2008 SCC 61, 69 C.P.R. (4th) 251 [Sanofi], qui a été rendue après la rédaction de la décision finale et après la réponse du demandeur à cette décision. On a donc suggéré au demandeur de faire toute soumission qu’il jugerait nécessaire afin de tenir compte d’un effet quelconque que de la décision Sanofi pourrait avoir sur le rejet pour évidence. 


 

[8]   À la demande du demandeur, l’audience a été repoussée au 29 juin 2009, date à laquelle le demandeur a été représenté par Mme Joy Morrow de l’entreprise Smart & Biggar. Mr Pierre Cuerrier, l’examinateur responsable de la demande, et Mr Terry Diduch, chef de section, étaient aussi présents lors de cette audience. Lors ce celle-ci, la représentante du demandeur a présenté oralement de nouvelles soumissions à la Commission, et lui a aussi fourni des versions écrites.

 

Questions de procédure        

 

[9]   Dans la décision finale, il est apparent que les conclusions de l’examinateur ont été basées sur le critère de l’évidence énoncé dans Beloit Canada Ltd. v. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (F.C.A.) [Beloit]. Tel que susmentionné, dans le cas Sanofi, la Cour suprême a rendu sa décision après la rédaction de la décision finale et la réponse du demandeur à cette dernière. Dans cette décision, il est indiqué au paragraphe 60 que le ≪ caractère restrictif avec lequel le test Beloit a été interprété au Canada devrait être réexaminé ≫.

 

[10]     Lors de l’audience, le demandeur a fait valoir qu’il serait prématuré pour la Commission de tenir compte du rejet de l’examinateur et a requis que sa demande soit renvoyée à l’examinateur en vue d’un nouvel examen cohérent avec l’énoncé sur l’évidence formulé par la Cour suprême dans le cas Sanofi. En particulier, le demandeur a fait valoir que l’examinateur n’a ni pris en compte ni ne s’est appuyé sur les critères énoncés dans Sanofi, et qu’on avait omis de considérer si l’invention pouvait raisonnablement résister à un essai allant de soi (≪ self-evident to try with a fair expectation of success). En conséquence, il a insisté sur le fait que l’examinateur pourrait en arriver à une conclusion différente pour le cas présent ou pourrait maintenir sa décision, mais pour des raisons différentes. Le demandeur a fait valoir qu’il n’est pas raisonnable de lui demander de traiter en détail, devant la Commission, les critères énoncés dans Sanofi en l’absence de toute information sur les objections qu’un examinateur du Bureau des brevets pourrait avoir au sujet des revendications ayant un rapport avec ce cas.

 

[11]     Dans sa décision, la Cour suprême a indiqué, au paragraphe 67, qu’il serait utile lors d’un examen de l’évidence de suivre l’approche en quatre étapes mentionnée dans Windsurfing International Inc. v. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.), et récemment mise à jour par Jacob LJ. dans le cas Pozzoli SpA v. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37, [2007] EWCA Civ 588 [Pozzoli]. Pour la quatrième étape, la Cour a, de plus, indiqué qu’un ≪ essai allant de soi ≫ pourrait être approprié dans des domaines de recherche où des avancées sont souvent réalisées par expérimentation (para. 68).

 


[12]     Bien que l’approche Sanofi soit souhaitable afin de donner une meilleure structure à l’examen de l’évidence et de faire une analyse plus objective et plus claire (Sanofi au para. 67), il est bon de noter que le bien-fondé d’une décision sur l’évidence ne dépend pas du fait que le décideur a ou non paraphrasé les termes de la Loi sous une formule verbale quelconque (Sanofi au para. 61, citant Johns-Manville Corporations Patent, [1967] R.P.C. 479 à 493-94, et que les cours ont souvent eu tendance à traiter la formulation de Beloit comme une prescription statutaire qui limite l’examen de l’évidence (Sanofi au para. 61). Nous notons de plus que Jacob LJ., l’auteur de la décision Pozzoli, a également fait une mise en garde contre l’exaltation des formulations verbales par rapport à la question fondamentale que le statut lui-même pose (voir Generics (UK) Ltd v Daiichi Pharmaceutical Co Ltd & Anor [2009] EWCA Civ 646 au para. 17).

 

[13]     Un examen de l’évidence basée sur Beloit ne constitue donc pas nécessairement une raison suffisante pour en conclure immédiatement qu’il y a eu une application de la loi non cohérente avec Sanofi. Si note examen est réalisé en se référant à des considérations identiques à celles identifiées par le demandeur et l’examinateur, mais avec une approche guidée par Sanofi, nous ne pensons pas que la demande rejetée a été renvoyée prématurément à la Commission pour examen ni qu’il y a eu, ni qu’il y aura, une erreur dans l’application de la loi, telle qu’elle est rédigée. De plus, nous notons que l’examinateur a maintenu lors de l’audience que l’invention revendiquée était évidente et nous pensons que, dans l’intérêt de l’efficacité administrative, ce sujet devrait être traité maintenant.

 

Problème

 

[14]     À l’égard des revendications soumises en réponse à la décision finale, la Commission fait face principalement à une question : l’invention revendiquée est-elle évidente?

 

Analyse

 

[15]     L’approche en quatre étapes soulignée dans Sanofi est la suivante :

 

(1)  a) Identifier la personne fictive versée dans lart ;

 

b) Identifier les connaissances générales pertinentes de cette personne ;

 

(2) Identifier le concept inventif de la revendication en question ou, si cela ne peut pas être fait facilement, linterpréter ;

 

(3) Identifier, sil y en a, les différences existant entre la matière citée comme faisant partie de létat de la technique et le concept inventif de la revendication ou la revendication telle quinterprétée ;

 

(4) Examiné sans aucune connaissance de linvention présumée revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour une personne versée dans lart ou bien nécessitent-elles un degré dinventivité quelconque?

 

[16] Nous appliquons l’approche en quatre étapes de la manière suivante.

 

1 a) : Identifier la personne fictive versée dans lart

 

[17]     Selon la décision finale, l’invention revendiquée serait évidente pour une personne versée dans l’art du traitement des gaz acides. La réponse du demandeur à la décision finale ne définit pas explicitement la personne versée dans l’art et le texte des réponses orales soumis par le demandeur à la Commission ne traite pas explicitement de l’approche en quatre étapes. Puisque la définition de la personne versée dans l’art dans le cas présent ne semble par un point de litige, nous voudrions simplement ajouter aux remarques de l’examinateur que cette personne serait un ingénieur chimiste familier de la technologie de séparation des gaz acides et des matériaux d’absorption couramment utilisés dans le contexte des procédés industriels comme la production d’ammoniac.


 

1 b) : Identifier les connaissances générales pertinentes de cette personne

 

[18] Nous allons à la page un de la description afin de pouvoir évaluer les connaissances générales pertinentes de la personne versée dans l’art. Dans les deux premiers paragraphes de la page un, on mentionne un numéro de brevet des États-Unis dans lequel on nous informe, d’une façon générale, qu’il y a deux types de solvants, absorbants chimiques et absorbants physiques, qui peuvent être utilisés pour éliminer des gaz acides de circuits de gaz. Dans le brevet des États-Unis 4,946,620, accordé le 7 août 1990 à Kadono et al., on apprend que les éthers d’oligomères de polyéthylèneglycol sont largement utilisés comme absorbants physiques pour les technologies de traitement des gaz acides. Dans le brevet des États-Unis 4,741,745, accordé le 3 mai 1988 aussi à Kadano et al., on apprend de manière similaire que des compositions comportant des éthers diméthyliques d’oligomères de 2 à 8 unités d’éthylèneglycol sont parmi les solvants les plus efficaces utilisés.

 

[19] Nous pouvons noter que les solvants de Ameen et al. (brevet des É.-U. 3,737,392 – Ameen) et de Kutsher et al. (brevet des É.-U. 4,581,154 – Kutsher) sont cités dans le brevet des États-Unis 4,741,745, et qu’on en discute aussi aux paragraphes 14-16 des soumissions écrites que le demandeur a présentées à la Commission. Dans les soumissions écrites, le demandeur a connaissance que les éthers diméthyliques de polyalkylèneglycol sont connus dans l’art du traitement des gaz comme des solvants pour des gaz acides comme CO2, l’hydrogène sulfuré (H2S) et des composés similaires.

 

[20] Ameen a divulgué une composition de solvant largement utilisée, connue sous le nom de SELEXOL™, et constituée d’un mélange d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol, dans lesquels le nombre d’unités d’éthylèneglycol va de 3 à 9 en suivant une distribution en forme de courbe de Gauss qui permet d’assurer au mélange une viscosité similaire à celle de l’eau et une pression de vapeur inférieure à 0,01 mm de Hg. Kutsher fait aussi référence au SELEXOL™, mais propose un mélange de remplacement ayant une viscosité plus faible le rendant plus facile à utiliser à basse température. Le solvant de Kutsher a aussi une distribution en forme de courbe de Gauss allant de 3 à environ 8 unités d’éthylèneglycol, mais cette distribution est plus déportée vers les nombres d’unités faibles.

 

[21]    En conclusion, nous pensons que la personne versée dans l’art saurait en général que les mélanges d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol, dans lesquels le nombre d’unités d’éthylèneglycol peut être d’environ 3 à environ 9, conviennent pour l’absorption des impuretés gazeuses acides dans des circuits de gaz naturel. Cette personne comprendrait aussi que la viscosité et la pression de vapeur de tels mélanges dépendent des quantités relatives des différents éthers et que ces quantités peuvent être ajustées suivant les besoins.

 

2 : Identifier le concept inventif de la revendication en question ou, si cela ne peut pas être fait facilement, linterpréter

 

[22]     En réponse à la décision finale, le demandeur a annulé les onze revendications se trouvant dans le dossier au moment de la rédaction de la décision finale et a soumis huit nouvelles revendications. Les revendications indépendantes 1 et 5 sont représentatives :

 


1. Une composition de solvant pour éliminer des impuretés gazeuses acides de circuits de gaz naturel, dhydrocarbures gazeux ou de gaz de synthèse, constituée essentiellement dun mélange déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol de formule CH3O(C2H4O)xCH3, dans laquelle x va denviron 3 à environ 9, au moins environ 50 pour cent du poids total des éthers diméthyliques étant représenté par un éther pour lequel x est égal à 4, et au plus 15 pour cent du poids total des éthers diméthyliques étant représenté par une combinaison des éthers pour lesquels x est égal à 3, 5 et 6.

 

5. Une composition pour éliminer des impuretés gazeuses acides de circuits gazeux de gaz naturel ou dhydrocarbures, constituée essentiellement dun mélange déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol de formule CH3O(C2H4O)xCH3, dans laquelle x va denviron 3 à environ 6, au moins environ 40 pour cent du poids total déthers diméthyliques étant représenté par léther pour lequel x est égal à 4, et au plus 15 pour cent du poids total déthers diméthyliques étant représenté par une combinaison des éthers pour lesquels x est égal à 3, 5 et 6.

 

 

[23]     Les revendications 2 à 4 et 6 à 7 dépendent respectivement des revendications 1 et 5. La revendication 8 est une méthode revendiquée pour éliminer des impuretés gazeuses d’un circuit de gaz, méthode qui comprend la mise en contact du circuit avec une composition définie dans une des revendications 1 à 7.

 

[24] Selon les termes utilisés dans les revendications 1 et 5, la matière revendiquée est une composition, ou un mélange, d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol qui comporte au minimum environ 50 pour cent d’éther diméthylique de tétraéthylèneglycol dans le cas de la revendication 1 ou 40 pour cent dans le cas de la revendication 5. La référence aux 40 pour cent de la revendication 5 est une erreur typographique qui a été soulignée par le demandeur lors de ses soumissions. Nous l’acceptons et, après correction, c’est 85 pour cent qu’il faudrait lire afin d’être cohérent avec les quantités relatives des autres éléments de la composition. La matière revendiquée est un mélange et ne comporte donc pas 100 % d’éther diméthylique de tétraéthylèneglycol; ce n’est donc pas de l’éther diméthylique de tétraéthylèneglycol pur. Ces compositions permettent d’éliminer des impuretés gazeuses acides de circuits de gaz naturel ou d’hydrocarbures gazeux ou, dans le cas de la revendication 1, de circuits de gaz de synthèse. Toutefois, aucun procédé industriel, ni aucune application ni aucun contexte n’est mentionné dans les revendications. Une impureté gazeuse acide dans le contexte de l’invention, si cela n’est pas clair pour une personne versée dans l’art, peut être un gaz comme du dioxyde de carbone, de l’hydrogène sulfuré, des sulfures de carbonyles, du disulfure de carbone, des mercaptans ou des composés similaires. 

 

[25]     Le concept inventif décrit dans les revendications 1 et 5 n’est pas entièrement clair si on prend ces revendications à la lettre. dans un tel cas, Sanofi (para 77) nous informe que le concept inventif peut être mieux apprécié en se référant à la description.

 

[26]     Le contexte de l’invention suggère que les compositions connues sont problématiques car, bien que généralement efficaces pour leur utilisation prévue, elles ne sont pas optimales. En conséquence, on indique dans la description que l’invention répond au besoin d’obtenir des compositions améliorées à plusieurs égards :

 

[Il serait souhaitable davoir une composition de traitement des gaz ayant un meilleur équilibre entre sa volatilité et sa viscosité et améliorant aussi léquilibre entre élimination et rétention dau moins un composant acide clé du gaz traité.]

 


[27]     Dans la description de l’invention (commençant au deuxième paragraphe de la page 3), on indique que cette invention est basée sur le résultat imprévu montrant que l’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol a une efficacité unique pour l’absorption du dioxyde de carbone et qu’il a aussi une faible viscosité et une faible pression de vapeur :

 

La présente invention est une amélioration de lart antérieur grâce à la concentration plus élevée de léther diméthylique du tétraéthylèneglycol présent dans le solvant utilisé pour traiter un gaz acide, en particulier un gaz acide contenant du dioxyde de carbone. Tel quillustré par les exemples ci-après, on a trouvé de manière imprévue que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol est particulièrement efficace pour absorber le dioxyde de carbone, c.-à-d. pour réduire la quantité de dioxyde de carbone restante après la mise en contact avec le milieu absorbant.

. . .

Selon la présente invention, on a découvert que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol pur possède dexcellentes propriétés pour lélimination des gaz acides, en particulier de CO2, du méthane, du gaz naturel, du gaz de synthèse et des hydrocarbures gazeux en général. Son excellente affinité pour les gaz acides combinée à sa faible viscosité et à sa faible pression de vapeur le rendent supérieur à un quelconque des homologues de la série pour le traitement des gaz acides.

 

[28]     La description continue et on y indique que des quantités limitées d’autres homologues peuvent être tolérées dans les mélanges :

 

Bien que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol soit particulièrement efficace comme solvant pur, on reconnaît que les méthodes bien connues de préparation déthers dialkyliques dalkylèneglycol ne conduisent pas habituellement à des produits purs. Pour des raisons économiques, une certaine quantité dautres homologues peut être tolérée en combinaison avec léther diméthylique du tétraéthylènglycol. Dans une telle combinaison, il est préférable que la quantité  déther diméthylique du tétraéthylènglycol représente au moins 50 % du poids, plus préférablement au moins 60 % et encore plus préférablement au moins 80 %.                        

 

[29] En se basant sur la description, nous estimons donc que le concept inventif exprimé dans les revendications 1 et 5 a pour objet la notion de fournir un meilleur absorbant pour gaz acide en augmentant de manière préférentielle la quantité relative d’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol dans des mélanges d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol. Dans le cas de la revendication 1, le niveau minimal d’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol est de 50 pour cent en poids, alors que dans le cas de la revendication 5 il est de 85 pour cent.  L’invention est basée sur la découverte imprévue présumée à l’effet que l’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol possède d’excellentes propriétés pour l’élimination des gaz acides, en particulier CO2, et que ces propriétés, en combinaison avec sa faible viscosité et sa faible pression de vapeur, le rendent supérieur aux autres homologues de la série. 

 

[30] Pour des raisons économiques, l’utilisation d’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol pur n’est pas préférée, et d’autres homologues sont donc tolérés. Cet aspect de l’invention est reflété par le langage utilisé dans les revendications, puisque dans celles-ci on permet explicitement la présence d’autres homologues d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol, principalement les homologues comportant 3, 5 et 6 unités d’éthylèneglycol, jusqu’à une limite de 15 pour cent au total. Dans la revendication 1, on accepte implicitement des mélanges dans lesquels des homologues à 7, 8 ou 9 unités d’éthylèneglycol sont présents.


 

3 : Identifier, sil y en a, les différences existant entre la matière citée comme faisant partie de létat de la technique et le concept inventif de la revendication ou la revendication telle quinterprétée ;

 

[31] Deux dossiers d’antériorité ont été cités dans la décision finale : le brevet des États-Unis 2,649,166 délivré le 18 août 1953 à Porter et al. [Porter] et le brevet des États-Unis  3,362,133 délivré le 9 janvier 1968 à Kutsher et al. (appelé dans la présente recommandation Kutsher 2, afin de le distinguer du brevet des États-Unis 4,581,154 susmentionné à l’étape 1 b) et aussi délivré à Kutsher et al.).

 

Porter

 

[32]     Dans Porter on s’intéresse à trouver un solvant supérieur à l’eau pour absorber le CO2 de mélanges gazeux :

 

Un objet de la présente invention est de fournir une méthode simple et efficace pour éliminer le dioxyde de carbone de mélanges gazeux au moyen dun solvant organique non réactif et normalement liquide.

. . .

Un autre objet de la présente invention est de fournir un solvant organique non réactif et normalement liquide ayant un coefficient dabsorption du dioxyde de carbone relativement élevé par rapport à celui de leau, ainsi que dautres propriétés le rendant éminemment pertinent pour éliminer le dioxyde de carbone de mélanges gazeux.

 

[33]     Aux lignes 1-18 de la colonne 3, on indique l’approche suivie pour sélectionner un solvant supérieur :

 

Parmi les divers solvants testés, on a trouvé que les éthers de polyglycols, qui sont liquides à température et pression normales, possèdent les propriétés requises indiquées dans (a) à (k) ci-haut. Parmi les exemples de ces éthers de polyglycols, on retrouve : diméthoxytétraéthylèneglycol, diéthoxytriéthylèneglycol, dibutoxytriéthylèneglycol, dibutoxydiéthylèneglycol, dipropoxytétraéthylèneglycol, dipropoxytriéthylèneglycol et  dipropoxydiéthylèneglycol. De tels éthers ont des points débullition dans la gamme allant de 200 à 300 0C. Le solvant préféré est le diméthoxytétraéthylèneglycol (CH3O[CH2CH2O]4CH3), car il possède des propriétés bien supérieures à celles de leau et que, de plus, il est disponible commercialement à relativement faible coût.

 

[34] Dans Porter on indique donc que les éthers de polyglycols possèdent les propriétés requises indiquées dans (a) à (k) ci-haut. Parmi ces propriétés requises, on retrouve : une faible pression de vapeur, une faible viscosité et un coefficient d’absorption du dioxyde de carbone élevé. En tant que tel, la personne versée dans l’art lisant Porter comprendrait que le diméthoxytétraéthylèneglycol (l’éther diméthylique de polyéthylèneglycol à 4 unités d’éthylèneglycol) absorbe CO2, a une faible viscosité, a une faible pression de vapeur et est un solvant préférable à l’eau. Il est aussi évident que Porter a testé un certain nombre d’éthers de polyglycols et que c’est celui à 4 unités d’éthylèneglycol qui a été préféré par rapport aux autres solvants. Enfin, il est clair que les réalités économiques ont été prises en compte puisque Porter a reconnu que le solvant préféré était aussi disponible commercialement à relativement faible coût.

 


[35] Le solvant de Porter a été sélectionné parmi un groupe différent et plus vaste d’éthers de polyglycols (des éthers dialkyliques de polyalkylèneglycol) en se basant sur des comparaisons avec l’eau, alors que dans la présente invention on s’est concentré sur la sélection du même éther à 4 unités d’éthylèneglycol dans un groupe plus restreint constitué par des éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol (le groupe constitué par le diméthoxydiéthylèneglycol, le diméthoxytriéthylèneglycol, le diméthoxytétraéthylèneglycol et ainsi de suite). Dans le cas présent, les comparaisons ont été faites avec les membres de ce groupe plus restreint. La présente invention et Porter sont donc toutes deux centrées sur l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol, mais cet homologue s’est démarqué pour des raisons, et par des voies, qui ne sont pas précisément les mêmes. 

 

[36] Finalement, une différence importante entre Porter et les revendications 1 et 5 vient du fait que les présentes revendications ont pour objet des mélanges dans lesquels l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol prédomine alors que le solvant de Porter comporte cet éther à 4 unités d’éthylèneglycol et une quantité aussi faible que possible d’eau (moins de 5 %).

 

Kutsher 2

 

[37] Kutsher 2 (simplement appelé « Kutsher » par l’examinateur et le demandeur) est centré sur un procédé pour éliminer sélectivement H2S d’un circuit gazeux contenant du H2S et du CO2. Dans le contexte de ce procédé, le brevet décrit de manière générale l’utilisation d’un solvant liquide comportant un éther dialkylique de polyalkylèneglycol normalement liquide. Des étapes particulières traitent de la sélectivité du procédé, et la description a principalement pour objet ces étapes. Néanmoins, dans la description du brevet (lignes 62 à 68 de la colonne 2), on incite le lecteur à utiliser de préférence l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol et on y conclut que pour des raisons pratiques un mélange d’homologues est « généralement » aussi efficace. Donc, d’après Kutsher 2, la personne versée dans l’art est de nouveau orientée vers l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol, encore une fois pour des raisons différentes (c.-à-d. absorption différente des gaz acides) de celles décrites dans la présente demande (absorption supérieure des gaz acides).

 

[38] Une différence entre les revendications 1 et 5 de la présente demande et Kutsher 2 est donc que les présentes revendications ont pour objet des mélanges dans lesquels l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol prédomine, alors que Kutsher 2 indique divers types de solvants parmi lesquels un solvant préféré est celui qui contient seulement l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol. Un solvant efficace comprend, pour des raisons pratiques, un mélange des éthers comportant de 2 à 7 unités d’éthylèneglycol. Le mélange est appelé « DMPEG », mais sa composition précise n’est pas divulguée.

 

[39]     Porter et Kutsher 2 peuvent aussi être déclarés différents de la matière revendiquée puisque dans les présentes revendications on permet explicitement la présence d’autres homologues spécifiques d’éther diméthylique de polyéthylèneglycol, principalement ceux à 3, 5 et 6 unités d’éthylèneglycol, jusqu’à une limite de 15 pour cent au total. Dans la revendication 1, on considère aussi implicitement des mélanges comportant des éthers à 7, 8 ou 9 unités d’éthylèneglycol.

 


[40]     Enfin, nous voudrions faire remarquer qu’il ne nous apparaît pas clairement en quoi la matière revendiquée diffère de manière appréciable de l’art antérieur en ce qui a trait à la viscosité et à la pression de vapeur, puisque dans chaque référence sur l’art antérieur on divulgue que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol convient parfaitement pour des applications de traitement de gaz acides et puisque la personne versée dans l’art comprend, si ce n’est grâce à Porter ou Kutsher 2, de par ses connaissances générales que de telles propriétés doivent être respectées lors de la formulation d’un solvant adéquat.

 

4 : Examiné sans aucune connaissance de linvention présumée telle que revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour une personne versée dans lart ou bien nécessitent-elles un degré dinventivité quelconque?

 

[41] Avant de répondre à la question ultime (c.-à-d. l’invention est-elle évidente?), nous examinerons d’abord les arguments présentés par l’examinateur et le demandeur.

 

Le point de vue de lexaminateur

 

[42]     Selon la décision finale, l’invention revendiquée est évidente pour les raisons suivantes :

 

. . . il est clair daprès les deux références que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol est celui préféré parmi les éthers de polyglycol potentiels (Porter et al.) ou parmi les éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol potentiels (Kutsher et al.).

 

Bien quaucune des références citées ne donne spécifiquement la composition (quantités spécifiques des éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol) définie dans les revendications 1, 7 et 10 de la présente invention présumée, il est indiqué que ni les compositions ni la méthode pour lutilisation de telles compositions revendiquées ne peuvent être jugées inventives. En fait, dans les deux références citées on reconnaît lefficacité particulière de léther diméthylique du tétraéthylèneglycol utilisé seul, et dans Kutsher et al. on reconnaît aussi son efficacité quand il est utilisé en combinaison avec un mélange de divers homologues. De même, le demandeur traite de manière particulière léther diméthylique de tétraéthylèneglycol comme léther dialkylique dalkylèneglycol de préférence (particulièrement efficace comme solvant quand il est utilisé seul), mais fait remarquer que dautres homologues déther diméthylique de polyalkylèneglycol peuvent aussi être présents en quantités limitées. Toutefois, une telle limitation semble nêtre ajoutée que pour des raisons économiques et ne conduit pas à des résultats imprévus quant à lélimination des impuretés gazeuses acides de circuits de gaz. En fait, le demandeur na pas montré que, ou comment, la présence des éthers à 3, 5 et 6 unités déthylèneglycol dans les quantités revendiquées dans la composition conduit à des résultats supérieurs à ceux obtenus avec léther à 4 unités déthylèneglycol seul. Le demandeur semble même suggérer (au 2ème paragraphe de la page 4) que la présence des éthers à 3, 5 et 6 unités déthylèneglycol pourrait en fait conduire à des résultats plus mauvais. Devant le manque dun résultat supérieur quelconque, le demandeur ne peut donc pas revendiquer une invention de « sélection » basée sur les quantités spécifiques mentionnées dans les présentes revendications.

 

[43]     De ceci, nous pensons que l’invention est évidente puisque l’art antérieur nous a indiqué la sélection de la même matière préférée des revendications, à savoir l’éther à 4 unités d’éthylèneglycol, et puisqu’il n’est pas indiqué dans la description que l’inclusion d’autres homologues dans une composition absorbante de gaz acides est inventive au point de produire un résultat imprévu. La sélection d’autres paramètres dans les revendications, c.‑à‑d­. les quantités des autres homologues, n’est donc pas considérée inventive puisqu’elle ne permet pas de définir une sélection brevetable.

 

Réponse du demandeur à la décision finale et les autres soumissions du demandeur

 


[44]     En réponse à la décision finale, le demandeur à soumis ce qui suit : 

 

À aucun endroit dans [Porter] ou [Kutsher 2], lutilisation dun mélange spécifique dhomologues de léther diméthylique du tétraéthylèneglycol revendiquée dans la présente demande nest ni divulguée ni suggérée. Une personne ayant des connaissances ordinaires dans cet art (connaissant les deux références susmentionnées) ne serait pas incitée à utiliser le mélange spécifique dhomologues de léther diméthylique du tétraéthylèneglycol revendiqué dans la présente demande. Une personne ayant des connaissances ordinaires dans cet art naurait pas pensé obtenir un meilleur équilibre entre la volatilité et la viscosité, ainsi quune amélioration de lélimination dau moins un élément acide clé du gaz traité, en utilisant le mélange spécifique dhomologues de léther diméthylique du tétraéthylèneglycol revendiqué dans la présente demande. Sans des expériences longues et pénibles et sans les connaissances découlant de la présente invention, une personne ayant des connaissances ordinaires dans cet art ne saurait pas quelle combinaison spécifique de ces homologues permettrait dobtenir les caractéristiques recherchées obtenues grâce à la présente invention.

 

[45]     En s’appuyant sur ces arguments, le demandeur attire notre attention sur l’énoncé des « mélanges spécifiques » dans les revendications. 

 

[46] Nous pouvons aussi noter que le demandeur a avancé les arguments suivants : l’art antérieur n’aurait pas motivé une personne versée dans l’art à utiliser l’invention spécifiquement revendiquée et que des expériences longues et pénibles réalisées par une personne versée dans l’art auraient été nécessaires afin d’obtenir un effet technique imprévu. À l’appui de ce dernier argument, le demandeur fournit des données comparatives de tests qui montrent que les compositions de solvant de la présente invention possèdent des propriétés d’élimination du dioxyde de carbone similaires à celles de l’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol pur et supérieures à celles des mélanges d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol qui ne sont pas couvertes par les revendications de la présente demande.

 

[47]     Le demandeur a aussi avancé l’argument à l’effet que la présente invention ne requiert pas la même qualité de purification et qu’elle est donc moins onéreuse et requiert moins d’effort pour la préparation. Ceci est caractérisé par le demandeur comme des avantages économiques et de procédure imprévus. 

 

[48] Dans les soumissions écrites qu’il a fournies à la Commission, le demandeur a aussi avancé l’argument que chacune des références antérieures sur cet art était très ancienne et que dans chacune d’elles on était en présence de quelque chose de différent de ce qui est revendiqué dans la présente demande. Au sujet de Porter, le demandeur a fait remarquer au paragraphe 19 des soumissions écrites fournies à la Commission que :

 


Suite à un examen au complet du brevet, il apparaît que lhomologue à 4 unités déthylèneglycol est comparé à leau, mais à aucun autre des polyéthylèneglycols mentionnés dans la présente demande. Il apparaît aussi que lhomologue à 4 unités déthylèneglycol est utilisé pour illustrer linvention décrite dans le brevet Porter, au moins en raison des deux propriétés susmentionnées [cest-à-dire quil a des propriétés exceptionnelles comparées à celles de leau et quil est disponible commercialement]. Il napparaît pas daprès ce brevet que lhomologue à 4 unités déthylèneglycol est préféré pour une autre raison quelconque. Il nest donc pas suggéré dans le brevet Porter et on ne peut donc pas conclure que lhomologue à 4 unités déthylèneglycol est préféré par rapport à un autre homologue comme solvant pour éliminer le CO2 dun circuit de gaz [emphase dans loriginal].

 

[49] Le demandeur fait aussi remarquer que dans Porter on rapporte la solubilité du CO2 dans l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol par rapport à celle dans l’eau – aucune donnée de comparaison entre la solubilité du CO2 dans l’eau et dans un quelconque des autres homologues ou dans un mélange quelconque de ces homologues n’a été fournie. L’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol a donc été sélectionné car il est considéré supérieur à l’eau et parce qu’il est facilement disponible et non pas, comme il est suggéré dans la décision finale, parce qu’il était supérieur aux autres homologues d’éther dialkylique de polyéthylèneglycol.

 

[50]     Au sujet de Kutsher 2, le demandeur indique dans ses soumissions écrites à la Commission ce qui suit :

 

Le brevet de Kutsher nous donne donc les paramètres pour éliminer sélectivement H2S dun circuit de gaz. Il ne nous enseigne pas ni ne nous suggère loptimisation de lélimination en général des impuretés gazeuses acides dun circuit de gaz. Il ne nous enseigne ni ne suggère pas non plus les quantités relatives des éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol spécifiques qui sont utiles pour améliorer la solubilité des impuretés gazeuses acides en général et de CO2 en particulier.

 

Le brevet de Kutsher nous enseigne lutilisation comme solvant de tout éther dialkylique de polyéthylèneglycol qui reste liquide dans les conditions du procédé, soit individuellement soit en mélange. Léther diméthylique du tétraéthylèneglycol (c.-à-d. lhomologue à 4 unités déthylèneglycol) est utilisé de préférence, mais dans le brevet on indique spécifiquement quun mélange des homologues ayant de 2 à 7 unités déthylèneglycol est généralement aussi efficace à des fins pratiques.

 

Le brevet de Kutsher ne nous enseigne ni ne nous suggère aucun avantage dun mélange comportant au moins 50 % de lhomologue à 4 unités déthylèneglycol et moins de 15 %, au total, des homologues à 3, 5 et 6 unités, que ce soit pour lélimination en général des gaz acides dun circuit de gaz, ou de H2S ou CO2 en particulier.

 

[51] De ces commentaires, nous déduisons que le demandeur considère l’invention revendiquée comme différente de Kutsher 2, puisque Kutsher 2 ne nous enseigne ni ne nous suggère comment optimiser l’élimination des impuretés gazeuses, les quantités relatives d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol spécifiques ou les avantages obtenus grâce à l’invention revendiquée.

 

Linvention revendiquée est-elle évidente?

 

[52]     La quatrième étape de l’approche en quatre étapes énoncée dans Sanofi couvre la question statutaire et pose la question de savoir si les différences entre la matière citée comme faisant partie de l’art et le concept inventif de la revendication, ou de la revendication telle qu’interprétée, constituent des étapes qui auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art ou qui auraient requis un degré quelconque d’inventivité. 

 


[53] Pour l’instant, à part la question de savoir si la présente invention était évidente à tester, nous en sommes arrivés à la conclusion que la présente invention est évidente. À notre avis, pour une personne versée dans l’art, le passage de la situation de l’art antérieur dans laquelle une composition de solvant est formulée de préférence de manière à contenir l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol pur à une situation dans laquelle une composition de solvant est formulée afin de contenir de manière largement prédominante cet homologue (tel que revendiqué) constitue une étape qui aurait été évidente. L’art antérieur nous enseigne clairement la sélection de l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol, ou sa préférence, comme solvant, et une différence critique entre l’art antérieur et la matière revendiquée est constituée par l’énoncé explicite des autres homologues avec certaines tolérances. 

 

[54] Alors que les revendications font explicitement référence à des limites ou des quantités spécifiques des divers autres homologues, elles ne se limitent pas à un mélange en particulier, elles couvrent une large gamme de mélanges dans lesquels l’homologue à 4 unités prédomine largement. Nous sommes donc en désaccord avec la notion, suggérée par le demandeur, à l’effet que les revendications concernent des mélanges spécifiques formulés avec précision avec des quantités définies des autres homologues. 

 

[55] À notre avis, il est important de garder à l’esprit la portée des revendications et que le concept inventif qu’elles renferment s’applique à toutes les réalisations (Brugger v. Medic Aid Ltd., [1996] R.P.C. 635 at 656 [Brugger]). Même si nous avions mal jugé ou si nous avions été distraits, par ce que nous considérons comme étant le concept inventif exprimé dans les revendications, et accepté une déclaration à l’effet que des mélanges spécifiques étaient formulés avec précision afin de contenir des quantités définies des autres homologues, nous dirions que, en interprétant simplement les revendications, comme proposé à l’étape 2 de l’approche comme autre manière de déterminer le concept inventif, nous trouvons quand même ces revendications évidentes. Nous ne trouvons rien de définitivement ambigu dans les revendications et, bien que les tolérances qui y sont spécifiées établissent des limites sur leur portée, nous ne pensons pas que c’est une exigence pour l’art antérieur d’amener la personne versée dans l’art à sélectionner avec précision ces mêmes limites afin que cette personne trouve au moins une partie de la matière revendiquée évidente. Tel que noté dans Brugger (au p. 657) :

 

Après tout, Windsurfing ne faisant que mettre en avant une manière pratique dapprocher la question statutaire; « y a-t-il quelque chose dévident couvert par la portée des revendications? ».

 

[56] Conclure qu’une seule réalisation couverte par la portée des revendications est évidente est donc suffisant.

 

[57] Selon les termes des revendications, une réalisation peut être simplement, par exemple, un mélange dans lequel l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol représente une proportion  très importante du solvant, p. ex. de l’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol relativement impur qui renferme des quantités mineures d’autres homologues comme ceux à 3, 5 et 6 unités. Nous ne pensons pas non plus que des expériences longues et difficiles soient requises de la personne versée dans l’art pour modifier les solvants préférés de Porter ou de Kutsher 2 afin d’obtenir un solvant couvert par la portée des revendications, ni ne pensons que l’art antérieur démotive la personne versée dans l’art à produire un tel solvant, puisque dans Kutsher 2 et Porter on demande à cette personne d’avoir un esprit pratique et de tenir compte des réalités économiques.

 


[58]     Bien qu’on puisse comprendre et soutenir que l’inclusion d’autres homologues dans les solvants revendiqués conduirait à un produit plus économique, nous ne sommes pas persuadés que leur inclusion conduirait à quelque chose que la personne versée dans l’art n’aurait pas pu prévoir en termes de performance technique.

 

[59] La personne versée dans l’art comprendrait en examinant Kutsher 2 que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol est préférable, mais pourrait néanmoins estimer que les mélanges de solvants dans lesquels la teneur en homologue à 4 unités d’éthylèneglycol varie pourraient tout de même être utilisés pour le procédé divulgué dans Kutsher 2. Bien que dans Kutsher 2 on ne mette pas les mêmes limites sur les quantités tolérables des autres homologues, l’inclusion d’autres homologues dans le solvant est clairement évoquée pour des raisons pratiques. Dans Porter, on indique de manière similaire que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol est préféré leur application. Dans Porter, on indique aussi qu’on a tenu compte des réalités pratiques et économiques puisque le solvant préféré était « disponible commercialement à un coût relativement faible » – cependant ces considérations arrivaient après que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol ait été sélectionné.

 

[60] Dans les revendications, les références à la présence d’autres homologues sont des caractéristiques qui reflètent des considérations économiques pratiques plutôt que des caractéristiques retenues afin d’améliorer la performance technique des solvants revendiqués. Bien qu’il ne soit pas inconcevable que l’inclusion dans une revendication de caractéristiques pour des raisons de procédure ou économiques puisse être inventive, nous ne sommes toujours pas persuadés que leur inclusion, ou leur tolérance, soit quelque chose qui ne serait pas paru évident à la personne versée dans l’art. À notre avis, la personne versée dans l’art aurait su et se serait attendue qu’aux considérations pratiques, tel qu’indiqué dans Kutsher 2 et Porter, s’ajoutent des avantages économiques et de procédure. À cet égard, nous pouvons noter que, si cela n’a pas déjà été compris par la personne versée dans l’art, dans la spécification on admet aussi que les méthodes de préparation bien connues des éthers dialkyliques d’alkylèneglycol ne produisent par habituellement des produits purs. Il s’en suivrait logiquement que la personne versée dans l’art, ayant le sens pratique, comprendrait facilement que, par exemple, de l’éther diméthylique du tétraéthylèneglycol relativement impur pourrait être utilisé comme absorbant de gaz acides sans nécessité d’une purification plus poussée et que l’élimination d’étapes inutiles conduirait à un procédé moins coûteux et plus efficace.

 

Linvention est-elle évidente à tester?

 

[61] En reconnaissance de la décision de la Cour suprême dans Sanofi, le demandeur traite aussi la question de savoir si l’invention était évidente à tester. Nous devons nous poser la même question même si l’examinateur a indiqué lors de l’audience qu’il pensait que l’« essai allant de soi » ne semblait pas devoir s’appliquer.

 


[62]     Dans Sanofi, la Cour suprême a indiqué qu’un essai allant de soi peut être approprié pour  des domaines d’activité dans lesquels les avancées sont souvent le fruit de l’expérimentation (para. 68). Bien que cet essai ne soit pas obligatoire (Sanofi, para. 62), et il peut être défendu dans le cas présent qu’il ne l’est pas, et que nous considérons qu’il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce point, nous traiterons l’essai allant de soi à des fins d’exhaustivité, même si nous pensons, tel que susmentionné, qu’on a déjà répondu à la question statutaire.

 

[63]     Quand on examine si l’objet de l’invention était un essai allant de soi, la Cour suprême a indiqué que les facteurs suivants devraient être pris en compte (au para. 69) :

 

1) Est-il plus ou moins évident que lessai sera fructueux? Y a-t-il un nombre fini de solutions prévisibles identifiées connues des personnes versées dans lart?

 

2) Quelles sont la nature et lampleur des efforts requis pour réaliser linvention? Des essais de routine ont-ils été réalisés ou lexpérimentation est-elle longue et ardue au point que ces essais ne seraient pas considérés comme de routine?

 

3) Lantériorité fournit-elle un motif de rechercher la solution au problème auquel le brevet a répondu?

 

[64]     En considérant cet essai, le demandeur a d’abord attiré l’attention de la Commission sur deux décisions récentes (Apotex Inc. v. Pfizer Canada Inc. et al., 2009 FCA 8 et Pfizer Canada Inc. et al. v. Novopharm Ltd. et al., 2009 FC 638) qui ont apporté des clarifications à l’effet que l’essai allant de soi est centré sur le fait qu’il est plus ou moins évident qu’il sera fructueux, plutôt que sur le fait qu’il aura une faible probabilité de succès.

 

[65]     Le demandeur a ensuite avancé plusieurs arguments relatifs au fait que l’invention était plus ou moins un essai allant de soi. Au sujet de Porter, le demandeur a indiqué :

 

Dans lart antérieur cité (le brevet Porter), il est établi que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol dans un solvant ayant une faible teneur en eau permet déliminer des gaz acides (comme le CO2) dun circuit de gaz. Ceci peut suggérer quil soit utile détudier plus à fond cet éther afin de déterminer sil est efficace en soi pour lélimination de gaz acides dun circuit de gaz, si dans des mélanges avec dautres éthers de polyéthylèneglycol il reste presque aussi efficace et, si cest le cas, les compositions de ces mélanges. Toutefois, on ne peut pas dire quune composition de solvant comportant au moins 50 % de lhomologue à 4 unités déthylèneglycol et au plus 15 %, au total, des homologues à 3, 5 et 6 unités, tel que revendiqué dans la demande, va plus ou moins de soi à partir des enseignements du brevet Porter.

 

[66]     Au sujet de Kutsher 2, le demandeur a indiqué :

 

De plus, bien que lart antérieur cité (le brevet Kutsher) nous enseigne que des mélanges déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol sont utiles pour séparer sélectivement H2S des impuretés gazeuses acides dun circuit de gaz, ce brevet ne suggère même pas, à plus forte raison établit comme plus ou moins allant de soi, quune composition de solvant comportant les composants revendiqués dans les proportions revendiquées serait efficace pour séparer, en général, des gaz acides dun circuit de gaz et, plus particulièrement, pour séparer CO2 dun circuit de gaz.

 


[67] Le demandeur a conclu ses soumissions en traitant les trois facteurs d’un essai allant de soi mentionnés dans Sanofi. Au sujet du premier facteur, le demandeur a soumis qu’on ne peut pas dire qu’il va de soi que le mélange revendiqué doit avoir l’effet désiré de fournir une composition pour le traitement d’un gaz possédant les avantages avancés par le demandeur. Nous concluons que ceci signifie, selon le demandeur, que les avantages réalisés par les compositions revendiquées n’iraient pas de soi en se basant sur l’art antérieur. De plus, le demandeur indique que l’examinateur n’a pas suggéré qu’il existe un nombre fini de solutions prévisibles identifiées au problème décrit par le demandeur puisque l’art antérieur traite de problèmes différents de ceux du demandeur :

 

Quant au premier facteur établi par la Cour suprême, le demandeur a soumis quon ne peut pas dire quil va de soi que le mélange revendiqué par le demandeur doit avoir leffet désiré de fournir une composition de traitement de gaz ayant les avantages avancés par le demandeur (voir la page 1 de la divulgation de la demande), à savoir un solvant pour gaz acide qui possède un meilleur équilibre entre sa volatilité et sa viscosité et un meilleur équilibre entre lélimination et la rétention dau moins un élément clé (p. ex. CO2) du gaz traité, comparativement à des compositions de solvants connues. À aucun endroit dans lart antérieur, il nest suggéré quun mélange enrichi à au moins 50 % en homologue à 4 unités déthylèneglycol, avec une teneur totale maximale de 15 % en homologues à 3, 5 et 6 unités, aurait ces avantages désirés indiqués, et lexaminateur ne suggère pas non plus quil en va de soi daprès lart antérieur.

 

De plus, au sujet du premier facteur, lexaminateur na pas suggéré quil existe un nombre fini de solutions prévisibles identifiées au problème identifié par le demandeur, et qui sont connues des personnes versées dans lart. À vrai dire, les solutions identifiées dans lart antérieur concernent des problèmes différents de celui traité par le demandeur. Le brevet Porter traite du problème de la teneur en eau du solvant et des solvants à base déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol dans ce contexte. Le brevet Kutsher traite du problème de lélimination sélective du H2S gazeux et des mélanges à base déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol dans ce contexte. Le demandeur nest pas intéressé par lun ou lautre de ces problèmes. Il est plutôt intéressé par la modification du solvant utilisé pour éliminer des impuretés dun circuit de gaz, dune manière qui améliore léquilibre entre la volatilité et la viscosité du solvant et qui améliore léquilibre entre lélimination et la rétention dau moins un composant acide clé du circuit gazeux.

 

La résolution du problème identifié par le demandeur ne peut donc aller de soi en se basant sur lart antérieur, puisque lart antérieur traite de problèmes différents dans lart du traitement des gaz.

 

[68]     Au sujet du deuxième facteur, le demandeur fait de nouveau remarquer que l’art antérieur est assez ancien, datant de 40 et 25 ans avant le dépôt de la présente demande. Le demandeur utilise cet argument pour conclure qu’il n’était pas chose directe ou simple pour en arriver à l’invention revendiquée.

 

[69]     Au sujet du troisième facteur relatif à l’essai allant de soi, le demandeur avance l’argument qu’il n’y a rien dans l’art antérieur pour motiver une personne versée dans l’art à obtenir la composition spécifiée par le demandeur. 

 

Le troisième facteur énoncé par la Cour consiste à savoir si lart antérieur fournit un motif pour trouver la solution traitée dans les revendications du demandeur. Lart antérieur ne suggère pas quun mélange de différents homologues déthers diméthyliques de polyéthylèneglycol devrait être utilisé plus efficacement pour éliminer des impuretés gazeuses acides dun circuit de gaz ou, en particulier, pour éliminer le CO2 dun circuit de gaz. Il ny a rien dans lart antérieur pour motiver une personne versée dans lart à obtenir la composition du demandeur. Si cétait le cas, une telle personne laurait développée et vendue depuis plusieurs années, en particulier puisque dautres mélanges étaient connus pour renfermer des composants similaires dans des rapports différents, p. ex. le SELEXOL, tel que susmentionné au paragraphe 16.

 


[70]     Enfin, le demandeur a soumis que, bien que l’art antérieur ait établi que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol est utile pour éliminer des gaz acides, et même si ceci peut suggérer que cet homologue pourrait faire l’objet d’une étude plus poussée afin de déterminer s’il reste efficace en mélange, les brevets antérieurs cités ne rendent pas évidente la réalisation d’un essai en soi sur des compositions renfermant les composants revendiqués dans les proportions revendiquées afin d’améliorer la séparation des gaz acides d’un circuit de gaz :

 

Donc, bien que les brevets cités aient pu établir que léther diméthylique du tétraéthylèneglycol est utile pour éliminer des gaz acides (comme CO2) de mélanges gazeux et, même si ceci peut suggérer quil pourrait être utile de faire une étude plus poussée sur léther diméthylique du tétraéthylèneglycol afin de déterminer sil reste presque aussi efficace en mélange et, si cest le cas, détudier la composition de tels mélanges, les brevets cités ne rendent pas évidente la réalisation dun essai en soi sur la composition renfermant les composants revendiqués dans les proportions revendiquées pour améliorer la séparation de gaz acides dun circuit gazeux en général et, en particulier, la séparation du CO2 dun circuit de gaz.

 

[71]     D’un intérêt particulier pour les premier et deuxième facteurs relatifs à un essai allant de soi, le demandeur a indiqué que les circonstances dans lesquelles la présente invention est née (la sélection de l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol parmi une série d’éthers diméthyliques de polyéthylèneglycol) et le problème particulier que les présents inventeurs avaient à l’esprit (obtenir une composition de solvant avec des propriétés optimales) sont des choses importantes à prendre en compte. Le demandeur a aussi indiqué que l’art antérieur ne suggère pas les avantages réalisés par l’invention revendiquée ni ne les aurait rendus évidents, et il indique de plus que « le problème identifié par le demandeur ne peut paraître plus ou moins évident à la vue de l’art antérieur cité, puisque cet art antérieur traite de problèmes différents dans l’art du traitement des gaz ». Toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi l’essai en soi requiert nécessairement que les mêmes avantages particuliers réalisés par l’invention, ou le même problème traité par les inventeurs, soient plus ou moins  évidents d’eux-mêmes. Selon la Cour suprême (Sanofi au para. 66) :

 

Pour conclure quune invention était évidente, il doit y avoir des preuves pour convaincre un juge quil était plus ou moins intrinsèquement évident de réaliser  linvention. Une mince possibilité den arriver à quelque chose ne suffit pas. [emphase ajoutée]

 

[72] Comme le demandeur l’a fait remarquer, la Cour d’appel fédérale dans le cas Apotex Inc. v. Pfizer Canada Inc. et al., 2009 FCA 8 au para. 29 a indiqué que « linvention doit être plus ou moins évidente d’elle-même ». L’analyse doit donc porter principalement sur l’invention revendiquée elle-même et pas nécessairement sur l’identification des avantages identiques que l’inventeur croit avoir augmentés grâce à son travail. Une conclusion d’évidence peut être tirée même en cas de preuve de certains avantages si cette conclusion est basée sur une suggestion à l’effet que l’invention est évidente pour des raisons non reliées aux avantages présumés qu’on dit être obtenus (Degussa‑Huls SA v. The Comptroller General of Patents, [2005] R.P.C. 29 au para. 29).

 


[73]     Dans le cas présent, le demandeur en est arrivé à une réalisation identique à celle de Kutsher 2 et de Porter. Il a trouvé que l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol pourrait servir d’absorbant pour gaz acides et que, en fait, il est préférable pour cette application, mais en est arrivée à cette réalisation dans un contexte qui n’est pas précisément le même. Néanmoins, Kutsher 2, Porter et la présente invention ont clairement tous pour objet la technologie d’absorption de gaz acides, que ce soit principalement en relation avec un procédé d’élimination ou en relation avec des solvants utilisés à cette fin. Chaque partie a obtenu des avantages qui lui sont propres, encore une fois dans des contextes différents. À notre avis, pour la personne versée dans l’art, l’art antérieur indique clairement que des solutions de l’homologues à 4 unités d’éthylèneglycol, ainsi que des variations de celles-ci, doivent fonctionner de manière prévisible comme absorbants de gaz acides et que certains avantages seraient obtenus.

 

[74] Le contexte particulier dans lequel les solvants de la présente invention sont utilisés, ou la manière avec laquelle les présents inventeurs en sont arrivés à réaliser que ces solvants pourraient être supérieurs pour leurs fins, ne signifie pas nécessairement qu’ils ont été inventifs du point de vue d’une personne versée dans l’art tenant compte de Kutsher 2 ou Porter. C’est à dire que, « sans aucune connaissance de l’invention présumée telle que revendiquée », l’art antérieur indique que des compositions de solvants connues qui ne sont pas couvertes par la portée des revendications, comme une composition renfermant l’homologue à 4 unités d’éthylèneglycol, peuvent être modifiées de manière évidente afin d’obtenir une composition non couverte par la portée des revendications. Nous pensons qu’une personne versée dans l’art aurait été motivée par les réalités pratiques et commerciales à adopter une variante évidente d’une composition connue et ainsi obtenir une réalisation couverte par la portée des revendications, et l’aurait fait avec plus qu’une mince probabilité de succès.

 

[75] Au sujet du deuxième facteur et de l’argument à l’effet qu’un temps considérable s’est écoulé entre les dates de publication de l’art antérieur et la date de dépôt de la présente demande, nous pouvons noter que selon Brugger (supra, au p. 653) l’ancienneté de l’art antérieur n’est pas nécessairement un facteur déterminant :

 

Le fait quun document soit ancien ne signifie pas, en soi, quil ne peut pas servir de base pour une attaque de lévidence. Au contraire, si un développement dun art ancien établi est ou serait évident pour une personne versée dans lart employée par un nouvel employeur agressif, il ne peut pas faire lobjet dune protection de brevet valide même si ceux qui en ont fait commerce depuis quelque temps, par complaisance ou pour dautres raisons, nont pas pris cette mesure. Chaque élément dart antérieur plaidé doit donc être évalué comme sil était considéré nouveau à la date de priorité. Il ne doit pas être exclu de cet exercice uniquement parce quil est ancien. Il nexiste aucune règle commerciale voulant que tout nouveau produit ou procédé doit être développé et mis sur le marché ou publié dans la littérature dès quil devient évident. Ceci ne constitue pas une attente réaliste ni sensible. Il existe un nombre infini de choses qui sont évidentes à faire ou fabriquer, mais elles ne sont pas toutes faites ou fabriquer instantanément. la plupart ne le seront jamais.

 

[76] Bien que l’ancienneté de l’art ancien puisse être pertinente pour un examen de l’évidence, dans le cas présent, le libellé du deuxième facteur lui-même est un élément plus pertinent à considérer,  viz. « quelle est l’ampleur, la nature et la quantité d’efforts requis pour réaliser l’invention? ». À ce sujet, il ne semble pas qu’une chose quelconque suggère que, afin d’obtenir une réalisation couverte par la portée des revendications, une expérimentation longue et ardue est requise. Modifier une composition connue au moyen d’autres homologues, en quantité relativement mineures et dans les limites des revendications, ne constituerait par une tâche exagérée.

 


[77] Au sujet du troisième facteur de l’essai allant de soi, le demandeur a de nouveau suggéré que, en raison son ancienneté, l’art antérieur ne fournit aucun motif. S’il y en avait, la personne versée dans l’art aurait développé et vendu des compositions améliorées couvertes par la portée des revendications depuis bien des années, en particulier puisque d’autres mélanges, p.ex. SELEXOL™, renfermant des composants homologues similaires étaient déjà connus. Bien qu’il soit vrai que le SELEXOL™ est bien connu et apparemment largement utilisé commercialement depuis des années, il ne s’en suit pas forcément que des améliorations à ce mélange du type revendiqué présentement sont non évidentes. Bien que poser la question « pourquoi l’invention n’a-t-elle pas été réalisée avant? » puisse être pertinent pour un examen de l’évidence, nous pouvons noter, comme cela a été conclu dans Brugger (au p. 655), que :

 

Le fait, sil existe, que des produits commerciaux existants soient très satisfaisants nest pas une indication quil nexiste pas de modifications évidentes de ceux-ci à faire. Ceci montre simplement quil y a peu dincitatif pour ceux produisant ces mélanges à modifier leur conception - une toute autre chose.

 

Au sujet des faits se rapportant à ce cas, une personne versée dans lart, mais avec peu de sens inventif, à qui on aurait donné les éléments de base de lart antérieur, naurait pas assumé que, en raison de leur ancienneté, il nexisterait pas de modifications bonnes à essayer.   

 

[78] De même dans le cas présent, nous ne sommes pas convaincus que l’ancienneté de l’art antérieur ni l’existence depuis longtemps d’une composition satisfaisante signifie que la personne versée dans l’art n’aurait pas été motivée, à un degré quelconque, à rechercher des améliorations ou à faire des modifications. Dans le cas présent, nous savons que la personne versée dans l’art serait, au moins jusqu’à un certain point comme nous l’avons déjà expliqué, incitée à adopter des modifications évidentes des compositions enseignées dans l’art antérieur en raison de réalités pratiques et économiques. Il aurait aussi été clair pour la personne versée dans l’art, en se basant sur ses connaissances générales (voir le para. 21 ci-haut), que la tâche de modifier des solvants connus, y compris le SELEXOL™, n’aurait pas représenté un frein important.

 

[79] Nous considérons donc que l’invention revendiquée est évidente, même examinée dans le contexte d’un essai allant de soi.

 

Conclusions

 

[80] Pour toutes les raisons précédentes, nous concluons que l’invention revendiquée dans les revendications 1 et 5 est évidente. Cette conclusion s’étend aussi aux revendications dépendantes 2 à 4 qui, bien que de portée plus étroite, n’ont pas des caractéristiques qui auraient nécessité une analyse ou une logique différente. La même chose s’applique à la revendication 8 qui, bien que rédigée sous forme de méthode, reprend simplement une méthode d’utilisation d’une composition de solvant définie dans une quelconque des revendications 1à 7. Nous pouvons noter de plus que, ni l’examinateur ni le demandeur, n’a suggéré que des différences brevetables ne se retrouvent dans les revendications dépendantes ou la méthode revendiquée.

 


[81] Ayant conclu que la revendication 5 est évidente, nous ne considérons pas nécessaire de traiter l’ambiguïté introduite dans la revendication 5 suite aux modifications soumises en réponse à la décision finale. Si nous avions conclu autrement, nous aurions accepté que la référence aux 40 pour cent de la référence 5 était une erreur typographique qui, une fois corrigée, se lirait 85 pour cent de manière à correspondre aux quantités des autres éléments de la composition.

 

 

Revendications proposées

 

[82]     À la conclusion de l’audience, le demandeur a fourni à la Commission trois ensembles de revendications de remplacement; un de ceux-ci aurait éventuellement pu être introduit dans la demande sur direction de la Commissaire en vertu du paragraphe 31 c) des Règles sur les brevets.

 

[83]     Le premier ensemble de revendications aurait corrigé l’ambiguïté de la revendication 5. Les deuxième et troisième ensembles ont été proposés au cas où la Commission en serait arrivée à une décision non favorable pour l’ensemble faisant l’objet de l’examen. Le deuxième ensemble proposé reprenait exactement l’ensemble examiné, à l’exception que les revendications sur les produits restreignaient les « impuretés gazeuses acides » au dioxyde de carbone et que dans la revendication sur la méthode on spécifiait qu’au moins 25 % du dioxyde de carbone est éliminé du circuit de gaz.

 

[84]     Le troisième ensemble proposé est constitué d’une revendication pour la méthode indépendante et de quatre revendications dépendantes. Les méthodes mentionnées dans ces revendications consistent principalement à ajouter un solvant ayant une teneur élevée en homologue à 4 unités d’éthylèneglycol à un solvant pré-existant renfermant un mélange d’oxydes d’alkylène comportant au moins l’homologue à 4 unités, avec pour résultat que la teneur en homologue à 4 unités est d’au moins 50% , permettant ainsi de réduire d’au moins 25 % la teneur en dioxyde de carbone d’un circuit gazeux.

 

[85]     Le premier ensemble de revendications proposé corrige simplement une erreur typographique – quelque chose qui ne rendrait pas la matière revendiquée inventive pour les raisons susmentionnées. À notre avis, la même chose s’applique aux modifications du deuxième ensemble de revendications proposé, puisque restreindre les gaz acides au dioxyde de carbone n’est pas suffisant pour rendre ces revendications brevetables par rapport à l’art antérieur.                                       

 

[86] Au sujet du troisième ensemble de revendications proposé, nous pouvons noter que des revendications de méthode similaires à celles-ci ont été présentées tout au long de la poursuite, mais qu’elles n’ont pas été présentées en réponse à la décision finale. Sur la question de l’évidence, aucune distinction n’a été faite, soit par l’examinateur soit par le demandeur, entre les revendications de méthode et les revendications de produit.

 

[87] Bien que le paragraphe 31 c) des Règles sur les brevets permette à la Commissaire de prescrire au demandeur d’apporter des modifications à ses revendications afin de mettre sa demande en conformité avec la Loi ou les Règles sur les brevets, ce paragraphe ne permet pas au demandeur, légalement, de modifier ses revendications après que le délai de réponse à la décision finale ait expiré, ni n’oblige la Commission ou la Commissaire à prendre en compte et à analyser les modifications proposées qui pourraient ou non mettre la demande en conformité.

 


[88] Nous refusons donc d’examiner plus à fond une quelconque des revendications modifiées proposées et nous ne recommandons pas au demandeur d’en soumettre une quelconque.

 

Recommandation

 

[89]     En résumé, la Commission conclut que les revendications déposées sont évidentes et contraires au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets. Nous recommandons donc que cette demande soit rejetée.

 

 

 

Ed MacLaurin       Mark Couture         Ryan Jaecques

Membre                 Membre                   Membre  

 

 

Décision de la commissaire

 

[90]     Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission d’appel des brevets à l’effet que les revendications déposées sont évidentes en vertu du paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[91]     Je refuse donc d’accorder un brevet à cette demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour faire appel de ma décision auprès de la Cour fédérale du Canada.

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Datée à Gatineau, Québec,

ce 20e jour de juillet 2010

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