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Décision du commissaire #1325

Commissioner’s Decision #1325

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O00

TOPIC : O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,286,794

Application No. : 2,286,794

       


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été rejetée aux termes du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet no 2,286,794 a fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets, conformément au paragraphe 30(6) des mêmes Règles. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Brookfield Place, Suite 4400

181 Bay St.

Toronto (Ontario) M5J 2T3


INTRODUCTION                                                         

 

[1]               Il s’agit d’une nouvelle décision par le commissaire aux brevets, sur ordre de la Cour fédérale (Blair c Canada (Procureur général), 2010 CF 227, 81 CPR (4th) 403) [« CF2 »]), sur la question de l’évidence qui a mené au rejet de la demande de brevet no 2,286,794 déposée par M. Scott Blair. 

 

[2]               Conformément aux directives de la Cour, la présente décision porte exclusivement sur la question de savoir si l’invention revendiquée est évidente. À cette fin, la Commission d’appel des brevets a fait la révision de la demande au nom du commissaire, suivant le paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Pour les motifs qui suivent, la Commission recommande que le commissaire rejette la demande.

 

APERÇU

 

[3]               La demande intitulée « Système de télévision pour métro », a été refusée par l’examinateur dans sa décision finale en date du 21 octobre 2002. Comme l’a dit la Cour, l’invention divulguée et revendiquée dans la demande a trait à un « système de présentation vidéo destiné aux réseaux de métro et elle concerne des moniteurs de présentation vidéo installés à un endroit précis dans les voitures de métro »; voir CF2, au par. 8. L’examinateur a conclu que les revendications étaient évidentes, en citant à l’appui trois documents (antériorités).

 

[4]               À la suite de ce refus, la demande a été rejetée par le commissaire dans Re Blair Demande de brevet no 2,286,794 (2006), 48 CPR (4th) 90 (Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets), DC 1264 [DC1].

 

[5]               Le demandeur a interjeté appel de cette décision auprès de la Cour fédérale (dossier de la Cour T‑1176-06) [« CF1 »], et a soumis de nouveaux éléments de preuve (les affidavits de Mme Gibson et de M. Wilkins). Au vu des nouveaux éléments de preuve, la Cour a ordonné que le commissaire rende une nouvelle décision sur la question de l’évidence, compte tenu des nouveaux éléments de preuve déposés dans le cadre de l’appel, des autres observations présentées par le demandeur et du dossier qui a déjà été soumis au commissaire.

 

[6]               Après nouvel examen, le commissaire a rejeté la demande une deuxième fois dans Re Blair Demande de brevet no 2,286,794 (2007), 64 CPR (4th) 441 (Commission d’appel des brevets et  le commissaire aux brevets), DC 1280 [« DC2 »].

 

[7]               Le demandeur a interjeté appel du deuxième rejet auprès de la Cour fédérale; voir CF2, précitée. La Cour a noté les erreurs suivantes dans DC2 :

                                                                                                                                                           

1)   il n’était pas loisible à la Commission de conclure que les affidavits de Mme Gibson et de M. Wilkins n’étaient pas nécessaires (par. 52 à 54);

2)   il n’était pas dit clairement qui était la « personne versée dans l’art » (par. 55);

3)   il était inapproprié de décortiquer la revendication 1 plutôt que de la considérer comme un tout (par. 57).

 

[8]         Compte tenu de ces conclusions et des nouveaux éléments de preuve (l’affidavit de M. Morris), la Cour a ordonné, pour une deuxième fois, que le commissaire rende une nouvelle décision sur la question de l’évidence.

 

[9]         Pour entamer le processus de réexamen, la Commission a envoyé une lettre datée du 12 avril 2010, par laquelle elle invitait le demandeur à participer à une audience et à présenter d’autres observations. La Commission a également signalé une différence entre les compétences de la personne versée dans l’art définies par la Cour et celles des personnes ayant fourni la preuve d’expert :


       

        [traduction]

2. Personne versée dans lart et preuve dexpert

Après examen de la deuxième décision de la Cour et des preuves dexpert figurant actuellement dans le dossier dont est saisi le commissaire, la Commission note que le demandeur a fait valoir devant la Cour que la personne versée dans lart est « une personne qui connaît bien linstallation de systèmes vidéo » (par. 56), alors que les experts qui ont souscrit des affidavits sont compétents dans « divers aspects de lindustrie du transport » (par. 11) ou dans « le domaine de la publicité dans le métro ».                                                      

 

En conséquence, la Commission invite le demandeur à présenter dautres observations, sil le souhaite, sur les caractéristiques de la personne versée dans lart concernée et la pertinence de la preuve présentée par les auteurs daffidavit ainsi quà déposer de nouveaux éléments de preuve.

 

[10]           Le demandeur a répondu le 18 mars 2011. Il a fourni trois nouveaux affidavits souscrits par des experts dans le domaine de l’installation vidéo (les affidavits des MM. Ballantyne, DiNardo et Ng) et a choisi de présenter des observations écrites sans qu’une audience soit tenue. De plus, à la demande de la Commission, les observations écrites portaient sur l’incidence de l’arrêt Apotex Inc c Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi] – l’arrêt postérieur à DC2 où la Cour suprême a réexaminé la démarche qu’il convenait d’adopter pour statuer sur l’évidence.

 

[11]           Compte tenu de l’incidence de l’arrêt Sanofi au regard de l’évidence ainsi que des conclusions de la Cour dans CF2, la Commission a effectué une nouvelle analyse de la question de l’évidence, selon la démarche qu’il convenait d’adopter pour statuer sur l’évidence, compte tenu des nouveaux éléments de preuve déposés dans le cadre de l’appel, des autres observations juridiques écrites du demandeur et du dossier qui avait déjà été soumis au commissaire.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[12]           La seule question en litige est de savoir si les revendications de la présente demande ont un caractère évident, compte tenu des antériorités citées par l’examinateur ainsi que des éléments de preuve déposés par le demandeur.

 

CADRE JURIDIQUE

 

Fondement législatif

 

[13]           En plus d’être nouveau au regard de l’art antérieur (art. 28.2 de la Loi sur les brevets), l’objet revendiqué dans un brevet ne doit pas être évident. Selon le demandeur, une invention n’est pas évidente si elle possède une « étincelle » d’esprit inventif; voir, par ex., Diversified Products Corp c Tye‑Sil Corp (1991), 35 CPR (3d) 350, au par. 365.

 

[14]           Cette exigence en matière d’ingéniosité découle de l’interprétation que la jurisprudence a donnée du terme « invention » au sens de l’article 2 de la Loi. Pour déterminer si une invention répond à cette exigence, l’article 28.3 de la Loi prévoit que l’objet ne doit pas être évident pour la personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication qui a été faite avant la date de la revendication. Comme le fait remarquer le demandeur, cette disposition législative ne définit pas le terme « évident ».

 

Cadre de référence

 

[15]           Avant d’aborder les présentes revendications, il est nécessaire d’examiner le cadre de référence permettant d’évaluer la question de l’évidence.

 


[16]           La Cour suprême a adopté un cadre d’évaluation relatif au caractère évident dans l’arrêt Sanofi, en utilisant la démarche à quatre volets originaire du R.‑U., à savoir la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli:

 

1)         a)   Identifier la personne « versée dans lart »;

b)   Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

2)      Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation;

 

3)      Recenser les différences, sil en est, entre ce qui ferait partie de l« état de la technique » et lidée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

 

4)      Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[17]           Les trois premières étapes consistent à définir le contexte dans lequel sera analysée la question fondamentale à la quatrième étape. C’est dans cette dernière étape qu’il convient d’examiner tout critère relatif à l’évidence; voir Sanofi et Énoncé de pratique relatif à lévidence - 2 novembre 2009, à la page 3. Dans l’arrêt Sanofi, par exemple, le critère de l’« essai allant de soi » a été appliqué à la quatrième étape.

 

Critère de lévidence

 

[18]           Selon le demandeur, le critère de l’évidence est celui énoncé dans l’arrêt Beloit Canada Ltée/Ltd c Valmet Oy (1986), 64 NR 287, 8 CPR (3d) 289 (CAF), à la page 294, qui consiste à déterminer si la personne versée dans l’art « serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet ». Il s’agit de l’état du droit au moment où la Commission et le commissaire ont été saisis la dernière fois de la présente affaire.

 

[19]           Selon l’état actuel du droit, le critère de l’arrêt Beloit ne constitue plus l’unique critère de l’évidence. S’agissant de l’examen portant sur l’évidence, la Cour suprême a noté dans Sanofi que personne ne doit appliquer « une règle rigide que si la loi l’y oblige »; voir Sanofi, au par. 63, et Corlac Inc c Weatherford Canada Inc, 2011 CAF 228, au par. 67. Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2007 CAF 21725, au par. 25, il est également mentionné qu’« [i]l n’existe aucune question factuelle ni aucun ensemble de telles questions qui puisse décider de l’issue de toutes les affaires ou même d’une seule ».

 

[20]           Je tiens à préciser que le critère de l’évidence énoncé dans l’arrêt Beloit reste valide. Il faut toutefois l’appliquer de façon éclairée. La Cour fédérale a rappelé qu’une application trop rigide de ce critère « se rapproche dangereusement de la définition de l’antériorité »; voir Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1234, conf. par 2007 CAF 217.

 

[21]           En l’espèce, nous estimons que rien dans Sanofi ne fait obstacle à l’application du critère de l’arrêt Beloit à l’objet des présentes revendications. Nous sommes toutefois d’avis que les faits nous incitent à prendre en considération un facteur additionnel qui a été confirmé dans Janssen, au par. 25, soit la tendance dans l’état général de la technique.

 

[22]           Nous retenons également les observations que le demandeur a présentées à la Commission en ce qui concerne les principes juridiques applicables à l’évidence :

       

         [traduction]

       1) la simplicité n’élimine pas l’inventivité;

 2) l’évidence peut être qualifiée de « simple comme bonjour » ou de « claire comme l’eau de             roche »;

       3) l’inventivité d’une idée est suffisante, malgré l’absence de difficulté à la mettre en oeuvre.

 


[23]           Le premier point a été reconnu par la Commission dans Re Ascom Hasler Mailing Systems Inc (2010), DC 1304, 2010 CarswellNat 2821, au par. 50, et le troisième est étayé par R c Uhlemann Optical Co (1949), 11 CPR 26, aux pages 46 et 47 (C. de l’É.); conf .par (1951), 15 CPR 99, aux pages 104 à 106 (CSC). Le deuxième point repose lui aussi sur la jurisprudence, mais nous tenons à ajouter que, selon la Cour d’appel, il faut se garder de considérer comme des règles de droit les lieux communs tirés de la jurisprudence (par ex., « simple comme bonjour » ou « clair comme l’eau de roche »); voir Janssen, au par. 28).

 

[24]    En résumé, le critère que nous appliquerons en l’espèce à la quatrième étape serait de se demander, compte tenu de l’ensemble de la preuve d’expert et des connaissances générales ordinaires, notamment des connaissances de la personne versée dans l’art au sujet des tendances dans l’état général de la technique (le facteur de l’arrêt Janssen), si, à la lumière des antériorités citées, la personne versée dans l’art serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet (la question de l’arrêt Beloit).

 

ANALYSE

 

Avant d’aborder la question de l’évidence, il est nécessaire d’examiner les revendications.

 

Les revendications

 

[25]           La revendication 1 de la présente demande est la seule revendication indépendante. Elle a été interprétée par la Cour, dans la décision CF2, de manière à comporter sept éléments essentiels (voir CF2, aux par. 59 et 60) :

 

1) Voiture de métro pour transport en commun comprenant des murs opposés longitudinaux, un plafond reliant ces murs (« voiture de métro »);

2) un système de présentation vidéo formé de plusieurs moniteurs vidéo dotés chacun d’un écran vidéo (« plusieurs moniteurs »);

3) une source de signaux vidéo raccordée pour fonctionner avec lesdits moniteurs (« source vidéo »);

4) les moniteurs sont disposés sur toute la longueur de part et d’autre de la voiture              (« moniteurs disposés sur toute la longueur »);                                                      

5) chacun d’eux est fixé à la jonction entre la paroi latérale et le plafond (« installé à la jonction entre la paroi latérale et le plafond »);

6) l’écran se trouve à peu près au niveau de la structure de surface du mur adjacent de la voiture (« installé au niveau »);

7) orienté en oblique vers les sièges de la voiture, pour que les passagers à bord de la voiture de métro puissent facilement voir chaque écran vidéo (« orienté pour pouvoir être vu »).

 

[26]           Par souci de commodité, nous ferons référence aux formes abrégées des éléments essentiels indiquées ci‑dessus entre parenthèses.

 

[27]           La demande renferme 10 revendications additionnelles. À l’audience relative à DC1, le demandeur a demandé à la Commission de ne pas prendre en compte les revendications 7 à 11; voir DC1, à la page 6.

 

[28]           Les revendications 2 à 6 dépendent de la revendication 1. Si la première revendication est évidente, la Commission doit déterminer si les autres revendications visent des éléments additionnels qui permettraient – en tenant compte des éléments essentiels de la revendication 1– de tirer une conclusion de non-évidence.

 

[29]           Il convient tout d’abord d’appliquer la démarche à quatre volets énoncée dans l’arrêt Sanofi à la revendication 1 et ensuite aux revendications dépendantes 2 à 6.

 


Étape 1) a)   Identifier la « personne versée dans lart »

 

[30]           La personne versée dans l’art a été définie par la Cour, dans CF2, comme étant « une personne qui connaît bien l’installation de systèmes vidéo ».

 

Étape 1) b)   Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[31]           La Commission souscrit à l’observation le demandeur quant aux connaissances générales ordinaires pertinentes, dont :

 

[traduction] [...] des connaissances en installation de systèmes vidéo à divers endroits [...] la personne versée dans lart connaîtrait [à la date pertinente] lemplacement des systèmes vidéo et saurait que les métros nen étaient pas équipés.

 

[32]           De plus, nous estimons que la personne versée dans l’art tient couramment compte de divers facteurs lors de l’installation d’un système de présentation vidéo à un nouvel endroit. Ces facteurs comprennent l’objet du système, les conditions d’utilisation,  notamment la visibilité pour les utilisateurs visés et l’espace disponible pour l’installation des câbles, des moniteurs et des moyens de montage. Nous fondons notre conclusion sur les connaissances générales ordinaires indiquées dans la partie descriptive de la demande (la description).

 

[33]           Selon la description, les versions présentées et illustrées (visées par les revendications) concernent les caractéristiques particulières des voitures de métro de la Commission de transport de Toronto (CTT); voir page 12. Il est ajouté que l’installation des moniteurs vidéo peut présenter des différences [traduction] « d’un réseau de métro à un autre, selon la configuration des voitures utilisées » et qu’il faudrait « adapter [les détails des moyens de montage et des emplacements] aux diverses configurations des voitures de métro ».

 

[34]           Selon notre interprétation de la description, en plus des indications données à la personne versée dans l’art pour trouver un emplacement de manière à [traduction] « dégager les portes et les fenêtres » et à « être visible pour [tous] les passagers » (éléments qui vont sans doute de soi pour la personne versée dans l’art), le choix de l’emplacement et des moyens de montage nécessite un jugement fondé sur des compétences moyennes dans l’art. Il s’ensuit que le choix d’un emplacement convenable pour l’installation des moniteurs selon certains paramètres nécessitait des compétences courantes à la date pertinente.

 

[35]           Cette conclusion s’accorde avec l’affidavit de M. Ballantyne. Celui‑ci affirme qu’en tant que personne qui possède des connaissances générales ordinaires, il a installé des systèmes vidéo pour différents corps législatifs, pour l’enseignement universitaire à distance, la radiodiffusion olympique, des salles d’opération et des studios de télévision. À titre de personne versée dans l’art de l’installation vidéo, il a été en mesure d’installer des systèmes vidéo dans divers environnements dans le secteur public, le secteur de l’éducation, de la radiodiffusion et le secteur des soins de santé. Il n’y a pas de doute que, dans le cadre de chaque projet, M. Ballantyne aurait pu être confronté à différents facteurs. Nous concluons qu’il s’est appuyé sur les compétences courantes et les connaissances de la personne versée dans l’art, en tenant compte, dans chaque cas, des facteurs essentiels concernant l’installation des moniteurs.

 

Étape 2) Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation

 


[36]           La Cour n’a pas examiné l’idée originale. Or, le demandeur soutient que l’idée originale comporte la combinaison d’éléments essentiels (énoncés au par. 26 ci‑dessus), selon l’interprétation donnée par la Cour. Nous acceptons de suivre cette interprétation, vu que la Cour a estimé que les présentes revendications constituaient une combinaison adéquate. Par conséquent, il convient en l’espèce de prendre en considération « tous les éléments essentiels » : voir Bridgeview Manufacturing Inc c 931409 Alberta Ltd, 2010 CAF 188, au par. 51; Corlac, au par. 69.

 

Étape 3)      Recenser les différences, sil en est, entre ce qui ferait partie de « létat de la technique » et lidée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation

 

[37]           L’examinateur cite trois documents d’antériorité à l’appui de sa position portant que les présentes revendications sont évidentes :

 

1)         le brevet américain no 5,606,154 octroyé à Doigan et al. (publié le 25 février 1997);

2)         la demande de brevet français no 2,652,701 déposée par Comerzan-Sorin (publiée le 5 avril 1991);

3)         le brevet canadien no 1,316,253 octroyé à Tagawa et al. (publié le 13 avril 1988).

 

[38]           Le demandeur et les experts qui ont souscrit des affidavits (MM. Ballantyne, Ng, et DiNardo) ont présenté à la Commission leur interprétation des antériorités citées. La Commission accepte, de façon générale, la description des documents cités, résumés ci‑après, à l’exception de l’interprétation qu’ils donnent de l’expression [traduction] « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails ».

 

[39]           Les antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa et al. portent sur des installations vidéo visant un utilisateur qui doit rester immobile pendant une longue période. Nous convenons avec le demandeur que ces divulgations s’intéressent à des aspects particuliers qui ne sont pas directement liés à l’idée originale en l’espèce.

 

[40]           Plus particulièrement, l’invention visée par l’antériorité Comerzan‑Sorin porte sur la fourniture de moniteurs vidéo essentiellement pour le visionnement individuel, entre autres, à bord des aéronefs, des trains, des voitures, des aéroglisseurs ou des bateaux. Aux moniteurs vidéo individuels s’ajoute un écran plus grand pour visionnement collectif (page 2, lignes 65 et 66). Dans l’antériorité Comerzan‑Sorin il n’est pas fait mention des métros.

 

[41]           Dans le même ordre d’idées, l’antériorité Tagawa et al. porte sur le visionnement individuel. Il s’agit essentiellement de la réduction du câblage des terminaux. La divulgation concerne les installations à bord des aéronefs, des trains, des autobus, dans les gradins et les salles de cinéma. Tout comme dans le cas de l’antériorité Comerzan-Sorin, il n’est pas fait mention des métros.

 

[42]           Contrairement aux deux autres documents, l’antériorité Doigan et al. ne porte pas sur le visionnement individuel, mais sur l’utilisation des moniteurs vidéo aux endroits où l’utilisateur ne doit rester que brièvement. Plus particulièrement, l’antériorité Doigan et al. porte sur des messages publicitaires à diffusion réglée électroniquement pour correspondre à l’attente ou au voyage (de courte durée) des passagers.

 

[43]           Bien qu’elle concerne essentiellement les ascenseurs et leur zone d’accès, la divulgation dans l’antériorité Doigan et al. s’applique également à [traduction] « d’autres types de navettes » comme les « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » (colonne 2, ligne 47 à la colonne 3, ligne 7).

 


[44]           Le demandeur soutient que l’expression « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » ne vise pas les voitures de métro. Selon lui, les « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » sont différents des métros, vu que ces derniers ne comportent pas d’arrêt sur demande. Le demandeur n’a pas expliqué, et nous ne voyons pas, comment l’arrêt sur demande pouvait constituer une différence importante relativement à l’idée originale, qui ne comprend pas l’arrêt sur demande; voir par. 26 ci‑dessus. Quoi qu’il en soit, selon le contexte d’utilisation, l’expression « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » englobe raisonnablement les voitures de métro vu que l’antériorité Doigan et al. indique également qu’un système de transfert de passagers parcourt « un chemin prédéterminé, soit de façon automatique, soit en réponse à des demandes de service »; voir col. 2, lignes 51-53.

 

[45]           Selon le demandeur, si elle avait voulu désigner les métros, l’antériorité Doigan et al.  l’aurait indiqué expressément. Cet argument ne convainc pas la Commission. Le libellé général en matière de brevets est courant et vise à éviter l’interprétation étroite des droits exclusifs.

 

[46]           M. Ballantyne affirme, et MM. Ng et DiNardo souscrivent de façon générale à son opinion, que l’expression « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » ne comprend pas de métros. La Commission considère qu’il ne s’agit pas d’un terme technique en matière d’installation des systèmes vidéo. Compte tenu de la preuve d’expert, nous estimons que la personne versée dans l’art aurait compris que les « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails » englobent des métros ou, du moins, qu’ils évoquent un moyen de transport similaire au métro.

 

[47]           En ce qui concerne l’emplacement des moniteurs, l’antériorité Doigan et al. ne dit rien à ce sujet. Cet aspect est laissé à l’appréciation de la personne versée dans l’art, selon ses connaissances générales ordinaires. Conformément à son objet principal de fournir un visionnement individuel, l’antériorité Comerzan-Sorin porte sur des installations à l’arrière des sièges. Dans le même ordre d’idées, l’antériorité Tagawa et al. vise des installations à l’arrière des sièges , sur l’appui‑bras ou la tablette des sièges pour permettre un visionnement et une commande individuels.

 

[48]           En résumé, vu qu’il ne faut pas « considér[er] séparément chaque élément » (CF2, au par. 57) d’une combinaison adéquate, aucune des antériorités citées n’enseigne idée originale (par ex., la combinaison) dans son ensemble.

 

[49]           Aux fins des présents motifs, nous acceptons l’observation du demandeur selon laquelle la différence entre l’idée originale et l’état de la technique est la combinaison d’éléments (voir par. 37). Autrement dit, nous considérerons que la différence par rapport à l’art antérieur porte sur le rapprochement des divers éléments pour arriver à la combinaison énoncée par la Cour (voir par. 26). En fait, ayant convenu que l’idée originale comprend la liste d’éléments essentiels révélés par la Cour, nous devons considérer que la différence par rapport à l’art antérieur consiste en la combinaison de ces éléments dans son ensemble (soit l’idée originale dans son ensemble).

 

Étape 4)      Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[50]           Ayant conclu que les antériorités ne définissent pas la combinaison dans son ensemble, nous tenons à souligner que le seul fait d’être différent par rapport aux antériorités rend l’objet revendiqué nouveau. Il ne s’ensuit toutefois pas que la différence nécessitait une certaine ingéniosité (voir par. 14).

 

[51]           Il est possible que la présence de divers indicateurs évoque l’ingéniosité : par ex., un résultat surprenant, le succès commercial, la satisfaction d’un besoin de longue date, le choix d’une solution avantageuse parmi un ensemble de possibilités, la simplification d’un dispositif, etc. La Commission conclut qu’il n’existe pas de tels indicateurs en l’espèce. La différence par rapport à l’état de la technique semble plutôt correspondre à la tendance indiquée dans les antériorités dont la mise en oeuvre ne nécessite qu’une personne moyennement versée dans l’art (par ex., l’emplacement du moniteur à l’intérieur de la voiture de métro).

 


 

Tendance illustrée dans lart : systèmes vidéo dans les moyens de transport en commun

 

[52]           Comme il a été indiqué ci‑dessus, le climat régnant dans le domaine à la date pertinente et particulièrement les tendances, peuvent constituer un facteur pertinent. Compte tenu des antériorités citées, il s’agit d’un facteur important dans la présente affaire.

 

[53]           Considérées globalement, les antériorités citées révèlent une tendance relative à l’installation des systèmes vidéo pour divertir et informer les passagers dans différents systèmes de transport.

 

[54]           Cette tendance figure à la première page du présent mémoire descriptif, où il est indiqué comment divers moyens de transport, autres que les métros (des aéronefs, par ex.), étaient équipés de systèmes vidéo avant la date de dépôt. Le demandeur explique qu’avant la présente divulgation, les métros avaient été ignorés en raison des voyages relativement courts effectués par les passagers (quinze minutes, par ex.). Cette affirmation est compatible avec les enseignements des antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa.

 

[55]           L’antériorité Doigan et al. porte, par contre, sur la question du divertissement des passagers lors des voyages de courte durée et des périodes d’attente. De plus, vu notre interprétation (ci‑dessus) de l’expression « systèmes légers de transfert horizontal de passagers sur rails », l’antériorité Doigan et al. enseigne directement la fourniture de systèmes vidéo pour les métros (ou des moyens de transport semblables) pour divertir les passagers lors des voyages de courte durée.

 

[56]           Par conséquent, peu importe si l’application de la tendance relative aux moyens de transport de longue distance au métro constituait une idée inventive, l’antériorité Doigan et al. a déjà traité de ce sujet avant la date pertinente.

 

[57]           Compte tenu des tendances illustrées dans l’art et des enseignements de l’antériorité Doigan et al., le choix d’installer un système vidéo dans une voiture de métro ne comporte aucun esprit inventif. Il est toutefois important de se demander si, à la suite de la décision d’installer un système vidéo dans une voiture de métro, selon la tendance dans l’art, la conception de la mise en oeuvre revendiquée en l’espèce comportait une étape inventive.

 

Emplacement des moniteurs

 

[58]           En ce qui concerne l’installation des moniteurs à la jonction entre la paroi latérale et le plafond dans le métro, selon les conclusions sur les connaissances générales ordinaires que nous avons tirées ci‑dessus, l’emplacement des moniteurs à partir de paramètres établis est une question de compétences moyennes dans l’art et ne constitue donc pas un concept inventif en lui‑même.

 

[59]           De plus, selon la description déposée par le demandeur, il semble que l’emplacement revendiqué ne revêt que peu d’importance. Il n’est décrit [traduction] « qu’à titre d’exemple » et « concerne spécialement les types de voitures de métro d’usage courant dans le réseau de transport en commun de Toronto, et illustre un moyen et un endroit pour l’installation des moniteurs vidéo pour un tel système »; voir la description, à la page 7, lignes 23 à 26, et à la page 12, au par. 2.

 


[60]           Eu égard aux antériorités, les experts en installation vidéo qui ont souscrit des affidavits énumèrent cinq facteurs décrits dans l’antériorité Comerzan-Sorin à prendre en compte quant à l’emplacement des moniteurs vidéo. Ils soulignent également, et nous acceptons cet argument, que les facteurs énumérés sont propres aux sièges disposés en rangées, comme dans un aéronef. Puisque les voitures de métro ne comportent habituellement pas de sièges disposés en rangées, les experts disent que les facteurs décrits dans les antériorités ne s’appliquent pas à ce moyen de transport. Par contre, s’il est connu que les voitures de métro sont équipées de sièges orientés vers l’emplacement mentionné dans les revendications (c.‑à‑d., des sièges disposés sur la longueur de la voiture), il semble donc tout à fait logique de placer les moniteurs vidéo de sorte qu’ils soient visibles par les passagers qui sont assis. La visibilité demeure le facteur prédominant, peu importe l’orientation des sièges enseignée explicitement dans les antériorités.

 

[61]           Nous convenons que les facteurs à prendre en compte lors de l’installation des moniteurs dans l’antériorité Comerzan‑Sorin ne sont pas propres aux métros. Nous constatons toutefois qu’il y a chevauchement. Par exemple, l’antériorité Comerzan-Sorin [traduction] nécessite un « angle de visualisation pour chaque utilisateur » alors que la présente revendication nécessite que le moniteur soit « orienté pour pouvoir être vu ». Nous estimons que cet enseignement confirme notre conclusion sur les connaissances générales ordinaires, selon laquelle la personne versée dans l’art est en mesure de prendre en compte les facteurs essentiels pour installer un moniteur vidéo. Pour installer un moniteur vidéo, la personne versée dans l’art tiendra compte de l’utilisation visée, de l’emplacement et de la position des utilisateurs, des obstacles, etc.

 

[62]           Par conséquent, nous estimons que le choix d’installer des moniteurs vidéo à la jonction entre la paroi latérale et le plafond d’une voiture de métro ne fait preuve d’aucune ingéniosité.

 

Les autres éléments essentiels

 

[63]           Dans ses observations présentées à la Commission, le demandeur n’a pas insisté sur les autres éléments essentiels. Ces éléments seront toutefois pris en considération aux fins d’un examen exhaustif, étant donné qu’ils font partie de la combinaison revendiquée. À notre avis, lorsqu’ils sont associés aux autres éléments revendiqués, ces éléments ne permettent pas d’établir une étape inventive. Chaque élément sera examiné ci‑dessous.

 

[64]           La fourniture de plusieurs moniteurs disposés sur toute la longueur et orientés pour pouvoir être vus ne comporte pas une étape inventive. Elle découle des compétences moyennes dans l’art en ce que la personne versée dans l’art tiendrait compte de l’emplacement et de la position des passagers (disposés tout au long de la voiture de métro) au moment de déterminer l’emplacement, la position, le nombre et la grandeur des moniteurs. Même si elles concernent, de façon générale, la disposition des sièges en rangées, les antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa prennent en compte ces facteurs quant à l’installation des (nombreux) moniteurs orientés pour pouvoir être vus. Dans le même ordre d’idées, si elle avait dû installer des moniteurs vidéo dans une voiture de métro, la personne versée dans l’art aurait pris en compte la position des passagers et aurait agi en conséquence.

 

[65]           Quant à l’installation au niveau, la description de la présente demande la qualifie de caractéristique esthétique et non de caractéristique fonctionnelle; voir page 11, lignes 13 à 17.  Nous ne voyons pas comment cette caractéristique pourrait ajouter à la combinaison l’étincelle d’ingéniosité essentielle à la brevetabilité.

 

[66]           Enfin, la combinaison comporte une source vidéo raccordée pour fonctionner aux moniteurs. La personne versée dans l’art aurait considéré cet élément obligatoire relativement aux moniteurs vidéo. En fait, chacune des antériorités citées mentionne une source vidéo.

 

[67]           Dans l’antériorité Doigan, une source vidéo centralisée est raccordée aux moniteurs dans des navettes à l’aide de câbles installés, selon  M. Ballantyne, le long d’un câble fixé à la navette (comme un câble d’ascenseur). C’est pourquoi il conclut que l’antériorité Doigan est incompatible avec les métros. Ses observations soulèvent, à notre avis, deux problèmes.

 


[68]           Premièrement, les présentes revendications ne précisent pas l’emplacement de la source vidéo. De plus, le mémoire descriptif comprend différentes versions où la source est centralisée, située dans chaque voiture ou dans une seule voiture. En outre, les connexions peuvent être effectuées par câble ou par des dispositifs sans fil (page 5, lignes 4 à 6). Par conséquent, la revendication est suffisamment large pour permettre un chevauchement avec l’antériorité Doigan et al. sur ce point.                                                         

 

[69]           Deuxièmement, nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation du terme « navette »  comme exigeant un câble. Bien qu’elle décrive une navette pouvant être fixée à un câble, l’antériorité Doigan et al. porte également sur les moteurs à induction linéaire et d’autres moyens de transport (Doigan et al., col. 2). Nous concluons donc que l’invention revendiquée ne se distingue pas de l’antériorité Doigan à cet égard.

 

[70]           Par conséquent, l’examen technique des autres éléments essentiels ne démontre pas l’ingéniosité requise pour justifier la délivrance d’un brevet pour la combinaison revendiquée. Toutefois, il est impossible de tirer une conclusion sur l’évidence de la combinaison sans avoir examiné l’ensemble de la preuve présentée par le demandeur.

 

Lettres et affidavits déposés par le demandeur

 

[71]           Les auteurs d’affidavit (MM. Ballantyne, Di Nardo et Ng), que le demandeur qualifie d’experts en installation vidéo, ont déclaré qu’après examen des antériorités citées et de la présente demande, ils n’auraient pas conclu au caractère évident de l’idée originale en question à la date pertinente. Ils ne justifient toutefois pas leurs conclusions ni ne traitent de la question de savoir, compte tenu de la tendance révélée dans l’art et des connaissances générales ordinaires, si l’idée originale comporte une étape inventive. Leurs observations ne nous convainquent pas que l’ingéniosité aurait été nécessaire pour arriver à l’idée originale.

 

[72]           Après avoir examiné à fond les affidavits des trois experts en installation vidéo, la Commission doit maintenant se pencher sur les autres éléments de preuve. Il s’agit des lettres des MM. Gillespie, Wilkins et Berry, présentées au cours de l’examen, et des affidavits de Mme Gibson, de M. Morris (mentionnés aux par. 5 et 8, respectivement) et de M. Wilkins.

 

[73]           MM. Gillespie et Berry possèdent une vaste expérience dans le domaine du transport, alors que M. Wilkins a de l’expérience en signalisation ferroviaire et de transport en commun. Mme Gibson et M. Morris sont experts en communication, marketing et relations d’affaires ainsi que dans le domaine du transport en commun.

 

[74]           À notre avis, leur témoignage permet principalement d’illustrer que l’objet revendiqué est différent de l’état de la technique à la date pertinente. Nous sommes d’accord pour dire qu’il existe des différences par rapport à l’état de la technique et que l’objet revendiqué est nouveau; voir par. 50.

 

[75]           M. Gillespie a déclaré que l’antériorité Comerzan-Sorin se distingue de la présente demande parce qu’elle ne concerne pas des voyages de courte durée. Il ajoute qu’il [traduction] « n’a jamais vu des systèmes de télévision à bord des véhicules de transport urbain ».

 

[76]           Dans le même ordre d’idées, M. Berry a distingué la présente demande des systèmes vidéo existants en ce que le demandeur propose d’installer les moniteurs au‑dessus des sièges pour que les passagers puissent voir facilement les écrans. De plus, M. Berry a souligné que dans l’antériorité Comerzan-Sorin il était question d’installations vidéo individuelles. 

 


[77]           Nous acceptons la description de l’antériorité Comerzan-Sorin donnée par MM. Gillespie et Berry. La distinction signalée est abordée dans l’analyse ci‑dessus; voir par. 39. Les autres observations qu’ils ont présentées portent sur la nouveauté et non sur l’ingéniosité.

 

[78]           Selon le demandeur, Mme Gibson indique dans son affidavit que, même si elle a constaté l’existence de différentes formes de publicité et de médias de divertissement dans le métro à la date pertinente, [traduction] « elle n’était pas au courant d’aucun cas d’installation réussie d’un système de présentation vidéo à bord d’une voiture de métro dont les moniteurs étaient installés à la jonction entre la paroi latérale et le plafond de la voiture ». Dans son affidavit, M. Wilkins reprend la même idée.

 

[79]           Les pièces jointes à l’affidavit de M. Morris comprennent des photographies de diverses voitures de métro de partout dans le monde. Les photographies montrent des voitures de métro qui sont équipées de moniteurs vidéo installés à d’autres endroits que ceux revendiqués dans la présente demande.

 

[80]           En ce qui concerne l’affidavit de M. Morris et les pièces qui y sont jointes, nous convenons avec le demandeur que, contrairement à la remarque formulée dans DC1, il existe des endroits autres que la jonction entre la paroi latérale et le plafond où il est possible d’installer des moniteurs dans les voitures de métro. 

 

[81]           Par conséquent, nous estimons que les lettres et les affidavits des MM. Gillespie, Wilkins et Berry ainsi que ceux de Mme Gibson et de M. Morris font état de la nouveauté de la présente invention et contribuent à l’analyse relative à l’évidence seulement en ce qui a trait à l’étape 3 ‑ recenser les différences par rapport à l’état de la technique. Nous convenons avec les experts que l’invention est différente de l’état de la technique. Toutefois, l’appréciation de l’évidence n’est complète qu’après l’examen de la question fondamentale (c.‑à‑d. l’étape 4 de notre analyse selon l’arrêt  Sanofi). Leurs témoignages ne sont guère utiles dans l’examen de cette question.

 

[82]           Mme Gibson, M. Wilkins et  M. Morris ont présenté leurs opinions sur l’ultime question de l’évidence, chacun d’eux concluant que les présentes revendications sont non évidentes. Tout comme dans le cas des observations des trois experts en installation vidéo, ils donnent une explication sommaire pour leur conclusion relative à l’évidence. Dans le même ordre d’idées, leurs observations ne nous convainquent pas que l’ingéniosité aurait été nécessaire pour arriver à l’idée originale.

 

[83]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée par le demandeur, notre conclusion relative à l’évidence demeure inchangée.

 

Analyse à partir d un point de départ subsidiaire

 

[84]           Nous aurions pu arriver à la même conclusion à partir d’un point de départ différent.

 


[85]           Dans les voitures de métro de la CTT dont il était question dans le mémoire descriptif , les affiches publicitaires étaient situées à la jonction entre la paroi latérale et le plafond. Comme le système vidéo du demandeur vise principalement la transmission des messages publicitaires (description, aux pages 2 et 3; et à la page 12, ligne 10), les présentes revendications ont seulement pour effet de substituer les moniteurs vidéo aux affiches publicitaires de l’art antérieur. Selon la tendance générale relative aux systèmes des moyens de transport en commun indiquée précédemment, rien ne semble élever la présente idée originale au‑delà d’une simple substitution. Il n’y a aucune preuve de difficultés qui avaient été surmontées, mis à part l’application des connaissances courantes pour passer au média électronique. À notre avis, il ressort de l’absence de détails techniques dans le mémoire descriptif qu’il n’y avait pas de difficulté à installer des câbles d’installation et des câbles vidéo, de configuration particulière pour les moyens de montage, etc. Sous cet angle, il est difficile de voir l’ingéniosité quant à l’emplacement des moniteurs. Celui‑ci a été choisi depuis longtemps, lors du montage des affiches publicitaires.

 

[86]           Rien n’établit la nécessité d’un génie inventif pour adapter le système vidéo aux voitures de la CTT. Comme il a déjà été mentionné, la personne versée dans l’art était en mesure de tenir compte des contraintes imposées par la structure existante et de l’objet du système vidéo. À la suite de cette analyse subsidiaire, nous concluons que les présentes revendications ne comportent aucune étape inventive.

 

Sommaire - revendication 1

 

[87]           Pour conclure notre analyse relative à la revendication 1 suivant la quatrième étape de la démarche énoncée dans l’arrêt Sanofi et pour finaliser l’application du cadre juridique énoncé au par. 25 ci­‑dessus, nous examinerons le facteur de la décision Janssen relatif à la « tendance dans l’art » et le critère de l’arrêt Beloit.

 

[88]           Comme nous l’avons conclu, à la date pertinente, il existait une tendance dans l’art de l’installation des systèmes vidéo dans une grande variété de moyens de transport, de longue ou de courte distance. Il s’ensuit que la personne versée dans l’art serait aussi arrivée directement à l’installation d’un système vidéo dans un métro. De plus, l’antériorité Doigan et al. enseigne explicitement l’installation d’un système vidéo dans une voiture de métro (ou un moyen de transport analogue).

 

[89]           En adoptant la tendance dans l’art et en décidant d’installer un système vidéo dans une voiture de métro, la personne versée dans l’art devait alors établir l’emplacement des moniteurs vidéo. Compte tenu de nos conclusions concernant le niveau de compétences courantes de la personne versée dans l’art, nous estimons que le choix d’un emplacement pour les moniteurs n’aurait pas comporté un génie inventif. Suivant la description dans la présente demande, il est possible de choisir parmi une variété d’emplacements, selon les caractéristiques de la voiture de métro. À elles seules, les compétences courantes auraient directement conduit la personne versée dans l’art à choisir l’emplacement des moniteurs entre « la paroi latérale et le plafond », lorsque les caractéristiques de la voiture de métro le permettaient.

 

[90]           Compte tenu de la tendance dans l’art, des compétences courantes et de nos conclusions concernant les autres éléments essentiels, nous concluons, après avoir appliqué le critère de l’arrêt Beloit, que la revendication 1 est évidente puisque la personne versée dans l’art serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise cette revendication.

 

Analyse - revendications 2 à 6

 

[91]           Le demandeur n’a présenté aucune observation au sujet des revendications 2 à 6. Il semble se fonder sur une conclusion de non‑évidence relativement à la revendication 1.

 

[92]           Nous estimons que les revendications 2 à 6 comportent des éléments additionnels qui sont jugés classiques, ayant été décrits dans les antériorités citées, ou qui auraient été inhérents à un système de présentation vidéo. Ces éléments sont les suivants :

 

1)         la source de signaux vidéo comporte un lecteur de vidéocassettes, etc. (revendication 2);

2)         les moniteurs comprennent des écrans à ACL (revendication 3);

3)         un système autonome « de fils et de câbles » (revendication 4);

4)         une « unité transparente rigide » pour la protection du moniteur (revendication 5);

5)         la forme de l’unité transparente rigide (revendication 6).

 


[93]           En ce qui concerne l’unité transparente rigide, nous estimons que la personne versée dans l’art aurait pensé qu’il était nécessaire de protéger un équipement fragile, comme les moniteurs vidéo, installés dans un endroit public. Les soucis quant au vol ou au vandalisme auraient conduit la personne versée dans l’art à fournir des moyens de protection rigides. La transparence aurait été évidente.

 

[94]           Par conséquent, nous sommes d’avis que les éléments additionnels présentés dans les revendications 2 à 6, auxquels s’ajoutent les éléments essentiels de la revendication 1, auraient été évidents à défaut d’étape inventive.

 

CONCLUSION

 

[95]           Compte tenu des motifs qui précèdent, la Commission conclut que les revendications 1 à 6 auraient été évidentes pour une personne experte dans l’installation des systèmes vidéo au 7 mai 1997.

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

[96]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la Commission recommande le rejet de la demande en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

 

Mark Couture                                      Paul Fitzner                                         Ed MacLaurin

Membre                                               Membre                                               Membre

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

[97]           Je souscris aux conclusions et à la recommandation formulées par la Commission d’appel des brevets que la décision par laquelle l’examinateur a rejeté la demande en raison du caractère évident des revendications compte tenu des antériorités citées, soit confirmée.

 

[98]           Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision auprès de la Cour fédérale.

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets                               

Fait à Gatineau (Québec),

ce 21e jour de mars 2012

 

 

 

 

 

 

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