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Commissioner’s Decision # 1314

Décision de la Commissaire # 1314

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: B20, C00

SUJET : B20, C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No .: 2,407,304

Demande no : 2,407,304

 

                                                                                                                                                           


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2 407 304 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a donc fait l'objet d'une révision par la Commission d'appel des brevets et par la commissaire, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent  pour la demanderesse :

 

Dennison Associates

133, rue Richmond Ouest, bureau 301

Toronto (Ontario)

M5H 2L7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Introduction

 

[1]   Un examen du refus de la demande de brevet no 2,407,304 a donné lieu à la décision du

1er novembre 2010 rendue dans Re Application of Genentech Inc. (2010), décision de la commissaire no 1307 (Genentech). À la suite de cette décision, la demanderesse a soutenu qu’elle n’avait pas véritablement eu l’occasion d’aborder deux questions. La commission d’appel des brevets a donc accepté de reprendre l’audience de façon à s’assurer que la demanderesse soit pleinement entendue sur ces deux questions.

 

[2]   Les questions ayant trait au double brevet et à l’étaiement relativement aux  anticorps monoclonaux en cause dans Genentech – mis à part les deux questions particulières analysées ci-dessous –  ont déjà été réglées et elle ne seront plus prises en compte.

 

[3]   Voici nos conclusions et notre recommandation en ce qui a trait aux deux questions qui sont exposées ci-dessous.

 

Contexte

 

[4]   La demanderesse est la société Genentech Inc.; les inventeurs sont William I. Wood et James Lee, et l’invention a pour titre « RÉCEPTEURS HUMAINS PF4A ET LEUR UTILISATION ».

 

[5]   La demande concerne des récepteurs humains de ce qu’on a appelé la « superfamille du facteur plaquettaire 4 » (PF4A), des anticorps capables de se lier spécifiquement auxdits récepteurs, ainsi que l’utilisation de ces anticorps comme agents anti-inflammatoires. D’après la description, la superfamille du facteur plaquettaire 4 comprend les polypeptides du groupe « CXC » et ceux du groupe « C-C » en plus d’englober une dizaine de cytokines pro-inflammatoires, dont l’interleukine-8 (IL-8).

 

Historique de la procédure devant la commission

 

[6]   La commission a examiné la demande refusée et a soumis une recommandation qui a donné lieu à la décision rendue dans Genentech.  Une partie de la recommandation prescrivait d’apporter deux modifications à la revendication.

 

[7]   Dans des lettres datées du 16 et du 30 novembre 2010, la demanderesse a fait valoir que la décision a fait apparaître pour la première fois deux questions qui ont été prises en compte dans la décision Genentech.  La demanderesse a indiqué qu’on ne lui avait pas véritablement donné l’occasion de produire une réponse à ces deux questions, ou d’être entendue ou de présenter des observations concernant ces deux questions précises. Ces questions ont trait aux deux modifications de revendication demandées aux termes de la décision rendue dans Genentech.  Plus particulièrement, une des questions a trait à la portée d’une revendication vague en relation avec les polypeptides cibles et l’autre question porte sur une revendication visant des utilisations thérapeutiques d’anticorps.

 

[8]   La commission a donc offert de reprendre l’instance dans le but limité d’entendre des observations additionnelles portant sur les deux questions mentionnées dans la correspondance de la demanderesse. Une invitation datée du 14 janvier 2001 a été transmise à la demanderesse et en voici la teneur :

 


[traduction]

Bien que nous ne partagions pas nécessairement lopinion de la demanderesse, le comité est disposé à reprendre linstance dans le but limité dentendre des observations additionnelles portant sur deux questions distinctes :  (i) la portée de la revendication 1 ayant trait aux polypeptides cibles visés par la revendication; et (ii) le manque de fondement de la revendication 7 ayant trait aux anticorps thérapeutiques (que ce soient des anticorps de type poly- ou monoclonaux).

 

[9]   La demanderesse a accepté l’offre du comité.  La commission a reçu à l’avance des observations écrites et des projets de nouvelles revendications, et la deuxième audience a été tenue par téléconférence le 26 janvier 2011. Deux points soulevés par la commission lors de la deuxième audience ont été réglés par la demanderesse au moyen de lettres reçues le lendemain de l’audience.

 

Les questions en litige

 

[10]     En ce qui concerne la décision rendue dans Genentech, les deux questions décrites ci-dessus et les arguments présentés à leur égard, la commission doit trancher deux questions :

 

(1) La portée de la revendication 1 est-elle trop vague en ce qui concerne les polypeptides cibles?

 

(2) Le mémoire descriptif fournit-il suffisamment de matière pour étayer la revendication 7 en ce qui a trait aux anticorps thérapeutiques?

 

Les revendications visées par lexamen

 

[11]     Avant l’audience, la demanderesse a soumis de son propre gré une série de revendications modifiées. Lors de l’audience, la demanderesse a été informée, conformément à

l’article 31 des Règles sur les brevets, qu’une demande ayant été refusée ne pouvait pas être modifiée après l’expiration du délai prévu pour répondre à une décision finale. En conséquence, les modifications proposées ne pouvaient pas être insérées de façon officielle dans la demande.

 

[12]     Toutefois, l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets autorise la commissaire à établir une directive enjoignant la demanderesse à formuler des modifications qui rendraient la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Cela signifie que, bien que la présente recommandation soit fondée sur les revendications soumises en réponse à la décision finale, les nouvelles revendications proposées par la demanderesse ont été prises en compte par la Commission dans ses conclusions et recommandations à la commissaire.

 

[13]     Voici les revendications à l’étude qui concernent la présente recommandation et qui ont été soumises en réponse à la décision finale :

 

[traduction]

1. Un anticorps capable de se lier spécifiquement à un polypeptide isolé du récepteur de la superfamille du facteur plaquettaire 4 (PF4AR) dont la séquence dacides aminés présente une homologie dau moins 85 % avec la séquence dacides aminés traduite de la figure 2, 4 ou 5.

 


2. Un anticorps capable de se lier spécifiquement au polypeptide PF4AR de la figure 2, 4 ou 5.

 

5. Lanticorps de lune ou lautre des revendications 1 à 4, qui est un anticorps monoclonal.

 

6. Une composition contenant lanticorps de lune ou lautre des revendications 1 à 5 et un vecteur acceptable du point de vue pharmaceutique.

 

7. Un anticorps de lune ou lautre des revendications 1 à 5 pour utilisation comme agent anti-inflammatoire.

 

première question en litige : portée de la revendication 1 en ce qui concerne les polypeptides cibles

 

[14] Selon les observations de la demanderesse soumises le 25 janvier 2011, la commission a indiqué dans Genentech que la portée de la revendication 1 n’était pas étayée par le mémoire descriptif en contravention du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et du paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets.  La demanderesse a affirmé que la commission avait confondu les exigences en matière d’étaiement à l’égard des revendications visant les anticorps monoclonaux avec celles relatives aux revendications visant les anticorps généraux ou polyclonaux. Enfin, la demanderesse a fait valoir que le présent mémoire descriptif était suffisant pour appuyer les revendications visant les anticorps polyclonaux peu importe s’il est nécessaire de divulguer un antigène pleinement caractérisé pour étayer des revendications visant des anticorps monoclonaux. 

 

[15]     La question plus large dont la commission était saisie dans Genentech demandait de déterminer si le mémoire descriptif étayait de manière adéquate la revendication des anticorps monoclonaux en soi.  Au moment d’examiner cette question, il est important de garder présent à l’esprit la portée des revendications en relation avec les polypeptides cibles. Cela a nécessairement eu pour effet de mettre en doute la portée de la revendication 1 en relation avec les polypeptides cibles. Cette préoccupation a également été soulevée dans Genentech.

 

[16] La revendication 1 porte, au contraire, sur les polypeptides récepteurs définis par les séquences d’acides aminés traduites de la figure 2, 4 ou 5. Cette revendication peut se diviser en trois parties, chaque partie représentant une famille distincte de polypeptides dont chacune est définie comme ayant une séquence d’acides aminés présentant une homologie d’au moins 85 % avec celle de l’un des trois polypeptides récepteurs cibles dont les séquences d’acides aminés sont illustrées dans la figure 2, 4 ou 5. Les trois familles de polypeptides sont apparentées en ce sens qu’elles se lient aux membres de la superfamille de polypeptides appelée « PF4A ». 

 

[17] Certains membres de la superfamille PF4A forment un sous-ensemble qu’on appelle les peptides « CXC » qui exercent une activité agoniste sur les cellules neutrophiles, tandis que d’autres membres, les peptides « C-C », n’exercent pas une telle activité. Par ailleurs, l’activité d’un récepteur « PF4A » est décrite de façon très générale dans le mémoire descriptif comme étant l’une de trois possibilités :

 

[traduction]


Lactivité biologique qualitative du PF4AR est définie de lune des manières suivantes : 1) une réactivité immunologique croisée avec au moins un épitope dun polypeptide représenté sur la figure 2, 4 ou 5; 2) la capacité de se lier spécifiquement à un membre de la superfamille du PF4; ou 3) toute activité effectrice ou fonctionnelle des polypeptides de la figure 2, 4 ou 5 existants dans la nature, notamment leur capacité de se lier à des ligands autres que les membres de la superfamille.

 

[18] Les deux dernières définitions font référence à l’activité de liaison aux ligands. Même si le polypeptide spécifique de la figure 2 est décrit comme un récepteur de l’IL-8, ce n’est pas le cas des polypeptides des figures 4 et 5. L’identité des ligands des derniers polypeptides n’est pas divulguée. Cela rend assez difficile la description fonctionnelle de tous les polypeptides de la revendication 1 et signifie que celle-ci concerne une famille de récepteurs de l’IL-8 (ceux associés au polypeptide de la figure 2) et deux autres familles de polypeptides apparentés au PF4AR, dont l’activité de liaison aux ligands est inconnue (ceux associés aux polypeptides des figures 4 et 5).

 

[19] Dans la partie 1 de la définition, on parle d’un type d’activité biologique des polypeptides : la réactivité immunologique croisée. Le libellé de la revendication 1 se présente donc ainsi :

 

[traduction]

Un anticorps capable de se lier spécifiquement à un polypeptide isolé du récepteur de la superfamille du facteur plaquettaire 4 (PF4AR) dont la séquence dacides aminés présente une homologie dau moins 85 % avec la séquence dacides aminés traduite de la figure 2, 4 ou 5, où le polypeptide présente une réaction immunologique croisée avec au moins un épitope dun polypeptide représenté sur la figure 2, 4 ou 5.

 

[20] À ce stade-ci, la portée de la revendication semble appropriée puisque, bien que le matériel de départ puisse être un polypeptide variant PF4AR (présentant une homologie d’au moins 85 % avec les polypeptides de référence non variants de la figure 2, 4 ou 5), les anticorps qui découlent de la revendication 1 doivent tout de même présenter une réaction croisée avec un des polypeptides cibles non variants. De cette façon, on maintient une certaine intégrité dans la portée de la revendication.

 

[21]     On commence toutefois à perdre de vue la portée raisonnable de la revendication si l’on prend en compte le passage suivant tiré de la description (page 5, lignes 33 à 35) :

 

[traduction]

Lexpression « réactivité immunologique croisée », employée dans le présent brevet, signifie que le polypeptide candidat est capable dinhiber de façon compétitive la liaison dun récepteur du PF4AR à des anticorps polyclonaux ou à des antisérums dirigés contre un récepteur du PF4AR.

 

[22] Cela signifie qu’on peut lire la revendication 1 comme suit :

 

[traduction]

Un anticorps capable de se lier spécifiquement à un polypeptide isolé du récepteur de la superfamille du facteur plaquettaire 4 (PF4AR) dont la séquence dacides aminés présente une homologie dau moins 85 % avec la séquence dacides aminés traduite de la figure 2, 4 ou 5, où le polypeptide est capable dinhiber de façon compétitive la liaison dun récepteur PF4AR à des anticorps polyclonaux ou à des antisérums produits contre un récepteur PF4AR.

 


[23] De plus, il ne faut pas oublier que l’activité biologique du récepteur PF4AR peut comprendre toute « activité effectrice ou fonctionnelle des polypeptides de la figure 2, 4 ou 5 existant dans la nature, notamment leur capacité de se lier à des ligands autres que les membres de la superfamille ». À partir du moment où cette définition est incluse dans la revendication 1, sa portée devient extrêmement vaste et englobe les polypeptides récepteurs pouvant, par exemple, se lier à des ligands inconnus autres que ceux de la famille PF4A. Autrement dit, les définitions circulaires et étendues de la demanderesse créent au bout du compte une revendication beaucoup plus large que ce qui était autorisé et décrit.

 

[24] Tout cela a été expliqué aux paragraphes 59 à 62 et 67 à 70 de Genentech.

 

[25] Dans Genentech, nous avions recommandé que la demanderesse limite la revendication 1 aux anticorps présentant une réactivité croisée avec l’une des trois espèces de polypeptides PF4AR définis dans la figure 2, 4 ou 5. Cela signifie que, même si la variabilité est permise quant au polypeptide cible, la portée de la revendication 1 devrait se limiter aux anticorps qui conservent au moins une réactivité croisée avec les polypeptides cibles de la figure 2, 4 ou 5. Cela permettrait de rétablir la portée de la revendication à ce que nous estimons être l’objet qui été décrit et réalisé.

 

[26] La demanderesse prétend maintenant que, par rapport à la description, les séquences variantes qui codent les polypeptides récepteurs variants du PF4A peuvent être clonées à l’aide de sondes porteuses de séquences d’acides nucléiques pour [traduction] « détecter les récepteurs [variants] décrits dans la revendication 1 ». Les meilleures sondes sont décrites comme étant [traduction] « de longues séquences de plus de 100 bases pour représenter les séquences qui présentent un fort degré d’homologie parmi les récepteurs humains illustrés [de la figure 2, 4 ou 5] ». Il est également possible de préparer des polypeptides récepteurs variants du PF4A par substitution, insertion ou délétion de résidus d’acides aminés dans les récepteurs humains illustrés. Nous ne sommes pas nécessairement en désaccord avec ces affirmations, mais nous nous empressons toutefois de souligner ceci : 

 

• En ce qui concerne les régions des polypeptides récepteurs de PF4A se prêtant à l’altération, la description indique ce qui suit à la page 10, lignes 24 à 26 :

 

[traduction]

En général, les régions de la molécule de PF4AR privilégiées pour les modifications sont des régions non hydrophobes ou des régions qui ne sont pas hautement conservées.

 

• En ce qui concerne les mutants par délétion, voici ce qu’on peut lire à la page 11, lignes 10 à 12 :

 

[traduction]

Toutefois, toute séquence capable de produire un anticorps qui présentera une réaction croisée avec le récepteur intact, ou qui se liera à un membre de la superfamille PF4A, est utile.

 

• À la page 31, lignes 28 à 30, la description indique que les anticorps monoclonaux sont de préférence :

 

[traduction]

[S]pécifiques de chaque polypeptide PF4AR cible, et ne présentera pas de réaction croisée avec [] dautres membres de la famille du PF4AR.


 

[27] Considérée dans son ensemble, la description indique une particularité de conservation des attributs structurels et fonctionnels parmi les polypeptides cibles PF4AR. Ces indications sont conformes à notre raisonnement selon lequel soit les anticorps génériques de la revendication 1, soit les anticorps monoclonaux de la revendication 5, devraient encore être capables d’avoir une réaction croisée avec les polypeptides cibles particuliers PF4AR de la figure 2, 4 ou 5, même si le polypeptide PF4AR utilisé pour produire un ou l’autre des anticorps peut être un variant de l’un de ces trois polypeptides PF4AR particuliers.

 

[28] La demanderesse soutient également qu’il est possible de formuler des revendications sousgénériques, ou dépendantes, relativement à un objet plus précis, comme cela été le cas en l’espèce. L’objet précis peut concerner un sous-genre de polypeptides, c’est-à-dire les polypeptides expressément mentionnés à la figure 2, 4 ou 5, ou un sous-genre plus spécifique d’anticorps, c’est‑à-dire des anticorps monoclonaux qui réagissent avec n’importe lequel des polypeptides génériques. Il est possible de revendiquer un objet encore plus précis en ayant recours à une combinaison de différents aspects (sous-genres), c’est-à-dire des anticorps monoclonaux spécifiques qui réagissent avec une espèce de polypeptide. La demanderesse conclut ceci :

 

[traduction]

Bien que la Commission et la commissaire puissent se demander si le sous-genre danticorps monoclonaux dirigés contre un polypeptide présentant une homologie de séquence de 85 % avec les polypeptides de la figure 2, 4 ou 5 est suffisamment étayé dans la divulgation, cela na aucune incidence sur la brevetabilité de la revendication générique, soit la revendication générale relative à lanticorps dirigé contre les polypeptides ayant une homologie de séquence de 85 % avec les polypeptides de la figure 2, 4 ou 5. La brevetabilité dune telle revendication, comme de nimporte quelle autre, doit être déterminée sur le principe selon lequel la revendication est étayée de façon adéquate par la divulgation adressée à une personne normalement versée dans lart.

 

[29] Cet argument repose essentiellement sur le fait qu’il est possible d’apporter des précisions sur un ou plusieurs aspects d’une revendication portant sur un anticorps. Nous sommes d’accord sur ce point. Cela respecte les principes généraux de rédaction des revendications. La demanderesse semble alors dire que si une revendication plus précise est considérée comme étant trop vague, ce n’est pas une raison pour conclure qu’une revendication plus générale est également trop vague.

 

[30] La revendication dépendante 5 a été restreinte à un anticorps monoclonal, mais ni celle‑ci ni la revendication principale dont elle découle (la revendication 1) n’a été limitée relativement au polypeptide cible. Dans Genentech, nous avions recommandé que la demanderesse limite la revendication 1 aux anticorps qui réagissent avec l’une des trois espèces de polypeptides PF4AR définies à la figure 2, 4 ou 5. Cela signifie que, même si la variabilité est permise en ce qui concerne le polypeptide cible, la portée de la revendication 1 devrait tout de même être restreinte aux anticorps qui sont au moins capables de se lier spécifiquement au polypeptide cible de la figure 2, 4 ou 5.

 


[31] La modification de la revendication 1 recommandée dans Genentech avait pour but de bien restreindre la portée des revendications sur les anticorps relativement aux polypeptides cibles. Autrement dit, il a été déterminé que la modification était nécessaire pour que la demande soit conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets aux termes de l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets. Nous ne sommes toujours pas convaincus que la demanderesse peut valablement revendiquer des anticorps qui ne sont pas ainsi limités. Par conséquent, en ce qui concerne cette question, nous nous en tenons à la recommandation formulée dans  Genentech.

 

deuxième question en litige : étaiement de lutilité des anticorps visés par la revendication en tant quagents anti-inflammatoires

 

[32]     D’entrée de jeu, nous réaffirmons qu’à la date du dépôt la demanderesse n’avait  pas démontré l’utilité thérapeutique de quelque type d’anticorps anti-PF4AR que ce soit. En conséquence, la demanderesse doit s’appuyer sur une prédiction valable pour étayer des revendications visant les anticorps possédant une utilité thérapeutique.

 

[33]     Selon l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au par. 71, la question de savoir si une prédiction est valable est une question de fait :

 

Il vaut la peine de répéter que la question de savoir si la prédiction est valable est une question de fait.  Il faut présenter, comme on la fait en lespèce, une preuve de ce qui était connu ou inconnu à la date de priorité.  Tout dépendra, dans chaque cas, des particularités de la discipline en cause.

 

[34]     Nous tenons à ajouter qu’une recherche des faits à la fois équilibrée et rigoureuse tient compte de l’ensemble des faits, et non seulement de ceux qui supportent une conclusion au détriment d’une autre.

 

[35]     Bien que la demanderesse ait fait valoir ses arguments en se fondant sur les nouvelles revendications soumises plutôt que sur les revendications présentées en réponse à la décision finale, la commission estime que les arguments de la demanderesse s’appliquent aux deux séries de revendications. Nous sommes également d’avis que l’analyse, les conclusions et les motifs rédigés aux paragraphes 71 à 90 dans Genentech conservent toute leur pertinence. Par souci de concision, la commission ne reprend pas l’ensemble du passage, mais elle clarifiera  ses motifs en fonction des arguments avancés par la demanderesse.

 

[36]     La demanderesse prétend que la prédiction est valable et qu’elle porte sur des anticorps spécifiques pour un polypeptide PF4AR particulier dont la séquence d’acides aminés est illustrée à la figure 2. Elle a soutenu que le mémoire descriptif fournissait une divulgation suffisante de sorte que la personne versée dans l’art, compte tenu de cette divulgation, aurait compris que les anticorps de la revendication 7 bloqueraient la liaison d’une cytokine ligand à son récepteur PF4A correspondant, qu’ils exerceraient une activité antagoniste à l’égard de leurs cibles, et que de tels anticorps seraient utiles comme agents anti‑inflammatoires une fois qu’ils seraient présentés sous forme pratique. D’après la demanderesse, le fondement factuel repose sur trois éléments :

 

[traduction]

Voici le fondement factuel de la prédiction :

 


1. La divulgation de la séquence complète dacides aminés du récepteur figurant à la figure 2 de même que lidentification des régions extracellulaires du récepteur telles quelles sont décrites dans la brève description de la figure 2. Ces régions extracellulaires interviendraient dans la liaison de la cytokine ligand au récepteur et, comme le mentionnent Holmes et al et Murphy and Tiffany, deux études citées dans la demande, on sattendait à ce que la région N-terminale joue un rôle dans cette liaison.

 

2. La demande décrit également les méthodes danalyse visant lidentification des anticorps qui bloquent la liaison du ligand de cytokine au récepteur, de même quune méthode de dosage permettant de mesurer leffet biologique de cette liaison, à savoir la détermination de la réponse au Ca++ intracellulaire de la cellule transfectée à la liaison du ligand de cytokine.

 

3. Aux pages 31 et 32 de la demande, il est également indiqué que les anticorps antagonistes sont utilisés dans le traitement de linflammation.

 

De ces faits, et de leur référence précise à lutilité dans le traitement de linflammation, une personne versée dans lart pourrait aisément prédire que ces anticorps serviraient à un traitement anti-inflammatoire. De toute évidence, il sagit dun raisonnement « clair et valable » qui permet dinférer le résultat souhaité.

 

La demande présente, aux pages 31 à 33, une divulgation suffisante de linvention par la description des anticorps, des anticorps antagonistes et de leur usage thérapeutique.

 

Il est donc soutenu quon pouvait valablement prédire quune personne versée dans lart utilisant cet enseignement et ses connaissances générales courantes naurait aucune difficulté à préparer des anticorps dirigés contre le polypeptide PF4AR qui serviraient au traitement de linflammation, de sorte quune personne versée dans lart, compte tenu de cette divulgation, pourrait, comme les inventeurs lont fait, prédire dune façon valable que linvention portant sur lutilisation dun anticorps antagoniste dans le traitement de linflammation fonctionnerait une fois quil serait présenté sous forme pratique.

 

[37]     La demanderesse a également donné une définition de la personne versée dans l’art, définition que nous acceptons :

 

[traduction]

La présente demande sadresserait à un immunologiste moléculaire possédant une expérience dans la production danticorps monoclonaux, les immuno-essais, ainsi quà un immunologiste clinique spécialisé dans le domaine de linflammation.

 

[38]     La demanderesse invoque la divulgation de deux articles scientifiques parus avant la date de dépôt de la présente demande comme fondement factuel pour identifier la région N‑terminale du polypeptide PF4AR de la figure 2 comme région de liaison du ligand (c.-à-d. IL-8). Elle soutient que le site de liaison est lui-même prévisible et, selon cette prémisse, précise qu’il est également possible de prédire de façon valable l’utilité finalement promise.

 

[39]     Les passages pertinents des articles de Holmes et al. et de Murphy and Tiffany auxquels la demanderesse fait référence sont presque identiques. Les voici, dans l’ordre :

 

[traduction]

À linstar du récepteur  C5a (19), la région extracellulaire NH2-terminale du récepteur de lIL-8 possède plusieurs résidus acides. Ces acides aminés peuvent participer à la liaison de lIL-8, qui est assez basique (pI 9,5), au récepteur. [Nous soulignons]

 

et

 


[traduction]

Comme dans le cas du récepteur C5a (21), le segment NH2-terminal est riche en résidus acides et il peut former le site de liaison de lIL‑8, qui est basique (pI 9,5). [Nous soulignons]

 

[40]     Ces passages précis prédisent simplement un site de liaison hypothétique pour l’IL-8 dans la région N-terminale du récepteur plutôt que d’identifier de manière factuelle la région N‑terminale comme telle. Il s’ensuit que le véritable site de liaison de l’IL-8 sur le polypeptide PF4AR de la figure 2 n’était pas connu à la date de dépôt. Un fondement factuel, par définition, se limite aux faits établis et le mémoire descriptif n’établit aucunement l’identité du site de liaison de l’IL-8.

 

[41]     En outre, même si le récepteur de l’IL-8 mentionné dans Holmes et al. semble être le même que le polypeptide PF4AR de la figure 2, il ressort clairement des deux publications que le récepteur de l’IL-8 cité dans Murphy and Tiffany est différent de celui de l’article de Holmes et al. et, par extension, du polypeptide PF4AR de la figure 2. Nous avons remarqué un autre passage de l’article de Murphy and Tiffany qui révèle que, même si les deux formes de récepteur de l’IL-8 présentent une homologie des acides aminés de 77 %, la plupart des différences entre les deux formes se trouvent dans la région NH2-terminale. Voici le passage pertinent :

 

[traduction]

Dans larticle daccompagnement, on décrit un ADNc de neutrophiles humains qui code un récepteur de haute affinité pour lIL-8 (24). Ce récepteur présente une homologie des acides aminés de 77 % avec le récepteur de basse affinité pour lIL-8 et est plus étroitement lié au récepteur F3R (homologie des acides aminés de 79 % par rapport à 69 %). Aucun des récepteurs humains de lIL-8 ninteragit avec les peptides N-formyl. La forme de basse affinité est celle qui diverge le plus des autres séquences dans le segment NH2-terminal, même si le caractère acide de cette région est conservé. [Nous soulignons]

 

[42]     Il s’ensuit que ce qui pourrait servir de fondement factuel au récepteur de l’IL-8 de Murphy and Tiffany a une applicabilité très limitée à l’égard du polypeptide PF4AR de la figure 2.

 

[43]     À la lumière de ce qui précède, la Commission est d’avis que le fondement factuel concernant une région de liaison pour l’IL-8 sur le polypeptide PF4AR de la figure 2 se limite à l’identification des régions extracellulaires de ce polypeptide sans information précise et factuelle relativement au véritable site de liaison de l’IL-8.

 

[44]     La demanderesse soutient également que le domaine N-terminal et les quatre boucles extracellulaires se trouvant sur la surface du polypeptide PF4AR de la figure 2 ont été caractérisés. Puisqu’on s’attend à ce que le domaine N-terminal comprenne le site de liaison pour l’IL-8 (d’après les documents de référence présentés), il faudrait également s’attendre à ce qu’un anticorps qui reconnaît un épitope sur ces régions bloque ou entrave la liaison du ligand IL-8.

 


[45]     La personne versée dans l’art comprendrait qu’un anticorps qui reconnaît un épitope dans ces régions pourrait, comme l’affirme la demanderesse, se lier à un épitope essentiel à la liaison de l’IL-8 et le bloquer (c.-à-d. un anticorps antagoniste). Toutefois, la même personne reconnaîtrait également que ledit anticorps pourrait aussi : i) se lier à un épitope qui n’est pas nécessaire à la liaison de l’IL-8 et le bloquer (c.-à-d. un simple anticorps de liaison); ou ii) se lier à un épitope essentiel à la liaison de l’IL-8, mais stimuler plutôt l’activité du récepteur (c.-à-d. un anticorps agoniste). Les capacités possibles d’un anticorps sont également énoncées dans la description à la page 31, lignes 31 à 33. Par conséquent, on ne s’attendrait pas forcément à ce qu’un anticorps qui reconnaît un épitope sur ces régions bloque ou modifie la liaison du ligand IL-8.

 

[46]     Le deuxième élément du fondement factuel présenté par la demanderesse établit que les méthodes d’identification des anticorps qui bloquent la liaison d’un ligand à un récepteur, de même que les méthodes de dosage servant à mesurer l’effet biologique de la liaison d’un ligand à un récepteur sont décrites dans le mémoire descriptif et/ou qu’elles étaient connues dans le domaine à la date de dépôt de la demande. Bien que la Commission s’entende avec la demanderesse pour dire que ces méthodes et essais étaient accessibles à la date de dépôt de la présente demande, il est difficile de voir comment cela appuie une activité antagoniste prévue des anticorps précités. L’existence de méthodes d’analyse est peut-être pertinente une fois qu’on a déterminé la validité de la prédiction à l’égard d’une activité promise, mais pas nécessairement avant.

 

[47]     Examinons maintenant le troisième élément du fondement factuel présenté par la demanderesse, qui soutient que la demande décrit l’utilisation prévue des anticorps antagonistes. Comme il a été établi que les anticorps antagonistes, les anticorps qui bloquent la liaison d’une cytokine ligand au récepteur correspondant ou les anticorps ayant une activité anti-inflammatoire n’avaient pas vraiment été préparés par la demanderesse à la date de dépôt de la présente demande, on ne voit pas comment la description littérale des anticorps antagonistes prévus et de leur utilité prévue dans le traitement de l’inflammation pourrait faire partie du fondement factuel pour prédire que ces anticorps posséderaient réellement des activités antagoniste et anti-inflammatoire.

 

[48]     Le fondement factuel concernant la prédiction d’anticorps capables de bloquer la liaison d’un ligand à son récepteur présenté par la demanderesse n’a pas tenu compte des considérations factuelles pertinentes présentées par la Commission dans Genentech. Il en va de même pour les considérations factuelles relatives à la prédiction que ces anticorps antagonistes seraient efficaces comme agents anti-inflammatoires.

 

[49]     Voici une liste qui résume les conclusions de la Commission dans Genentech relativement au fondement factuel, conclusions qui n’ont pas été mentionnées ni précisément abordées par la demanderesse. À notre avis, ces conclusions s’appliquent à la prédiction selon laquelle les anticorps concernés auraient bloqué la liaison d’une cytokine ligand à son récepteur, auraient exercé une activité antagoniste à l’égard de leur cible et auraient été utiles comme agents anti-inflammatoires une fois présentés sous forme pratique :

 

[traduction]

     Le principe d’immunodominance qui aurait été connu de la personne versée dans l’art puisque cette dernière a été définie par la demanderesse (énoncé au par. 81 de Genentech).

 

     La pertinence de la présence ou de l’absence de données factuelles sur les épitopes essentiels à la ou aux fonctions d’un polypeptide cible (par. 82 de Genentech).

 


     L’existence d’un deuxième récepteur de haute affinité pour l’IL-8 (par. 84 et 85 de Genentech).

 

     Les fonctions biologiques et les ligands des polypeptides PF4AR des figures 4 et 5 sont inconnus (par. 86 et 87 de Genentech).

 

[54]       Après avoir examiné les autres documents et arguments présentés par la demanderesse, la Commission conclut, tout comme dans Genentech, que le fondement factuel se limite aux anticorps qui possèdent seulement la capacité de se lier à l’antigène cible. Cela n’appuie que l’utilité restreinte desdits anticorps, par exemple, comme réactifs pour la détection ou la purification des polypeptides PF4AR.

 

[55]       Le fondement factuel mentionné dans le mémoire descriptif ne fournit pas l’information qui permettrait à la personne versée dans l’art d’accepter que les anticorps concernés puissent inhiber l’activité de leurs cibles respectives. En outre, le fondement factuel n’amènerait pas la personne versée dans l’art à conclure que le blocage du polypeptide PF4AR de la figure 2 par un anticorps spécifique entraînerait, à lui seul, une inhibition de l’inflammation. Il en va de même pour l’objet des revendications proposées et les polypeptides PF4AR des figures 4 et 5, étant donné que les ligands et les fonctions biologiques de ces polypeptides sont encore moins caractérisés (voir par. 18).

 

[56]       Nous arrivons à la conclusion que le fondement factuel mentionné dans le mémoire descriptif à la date du dépôt n’est pas suffisant pour justifier un raisonnement clair et valable qui appuierait l’utilité promise d’un anticorps spécifique du polypeptide PF4AR de la figure 2, 4 ou 5 pour utilisation comme agent anti-inflammatoire, comme il a été défini dans la revendication 7 figurant actuellement dans le dossier. Cette conclusion s’applique également à l’utilité promise d’un anticorps spécifique du polypeptide PF4AR de la figure 2, comme il a été défini dans les revendications 9 à 12 proposées.

 

[57]       Il s’ensuit également que le présent mémoire descriptif ne fournit pas une divulgation suffisante quant à l’utilité promise et qu’en conséquence les exigences du critère de la prédiction valable n’ont pas été respectées.

 

Recommandation

 

[58]       La commission estime que les revendications soumises ne rendraient pas la demande conforme à la Loi et aux Règles pour les motifs déjà exprimés dans Genentech et pour ceux rendus en l’espèce. Nous ne pouvons donc pas recommander qu’elles soient insérées dans la demande.

 

[59]       La commission recommande que :

 

La demanderesse soit informée, conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes à la demande, et seulement ces modifications, sont nécessaires pour la rendre conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets :

 

a)   suppression de la revendication 7;


b)   modification de la revendication 1 en y insérant la restriction de la revendication 2 en ce qui a trait au polypeptide cible, c.-à-d. modifier la revendication 1 pour indiquer en outre que l’anticorps  revendiqué est capable de se lier spécifiquement  au  polypeptide PF4AR de la figure 2, 4 ou 5.

 

 

 

 

Marcel Brisebois                   Ed MacLaurin                     Serge Meunier

Membre                                Membre                                Membre 

 

 

Décision de la commissaire

 

[60]       Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. J’invite donc la demanderesse à faire les modifications ci‑dessus, et ces seules modifications, dans les trois mois suivant la présente décision, à défaut de quoi j’entends refuser la demande.

 

 

 

 

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

Le 13 avril 2011

 

 

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