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Décision de la commissaire no 1304

Commisioner’s Decision No. 1304

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : O - 00

TOPIC : O - 00

 

 

 

 

 

 

Demande no 2,225,158

Application No. 2,225,158

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

 

  D.C. 1304  Demande no 2,225,158

 

Évidence

 

L’examinateur a rejeté la demande en disant que les revendications étaient évidentes compte tenu des antériorités citées. La demande porte sur un dispositif de sécurité postale (DSP) qui contient des fonds et est fixé à une imprimante non sécurisée imprimant des affranchissements sur des articles postaux. Le DSP est lié à une interface destinée à recevoir une carte sécurisée (carte à puce ou carte à valeur stockée). L’idée originale du concept est la capacité de transférer des fonds du DSP à une carte à valeur stockée, c’est­‑à‑dire le retrait de fonds du DSP pour un usage autre que le paiement de frais d’affranchissement.

 

La commissaire aux brevets a rejeté la demande.

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

L’examinateur ayant rejeté la demande de brevet no 2,225,158 en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission d’appel des brevets et la commissaire aux brevets ont révisé ce rejet. Les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire suivent.

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON

1, Place Ville‑Marie

37e étage

Montréal (Québec)

H3B 3P4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


INTRODUCTION

 

[ 1 ]          La présente décision statue sur une demande en révision du rejet de la demande de brevet no 2,225,158, intitulée « ACCÈS PAR CARTE À PUCE PROTÉGÉE AUX FONDS PRÉPAYÉS MÉMORISÉS DANS UNE AFFRANCHISSEUSE », déposée le 23 avril 1997 et revendiquant le 23 avril 1996 comme date de priorité. La demanderesse est ASCOM HASLER MAILING SYSTEMS, INC., et l’inventeur est George Brookner. L’examinateur chargé de cette demande de brevet a rendu le 28 avril 2004 une décision finale déclarant évidentes la totalité des revendications.

 

[ 2 ]          La Commission d’appel des brevets a tenu une audience (l’audience) le 19 septembre 2007 à la requête de la demanderesse. Cette dernière y était représentée par Me Helene D’Iorio et Mme Tuba Yamac, du cabinet Gowling Lafleur Henderson. Étaient également présents à l’audience M. Leigh Matheson, l’examinateur chargé de la demande de brevet, et M. Peter Ebsen, chef de section.

 

LE CONTEXTE

 

[ 3 ]          L’invention qui figure dans cette demande est illustrée dans la figure 1 ci-après. Un dispositif de sécurité postale (50), ou DSP, contient une valeur postale et est fixé à une imprimante non sécurisée (51) imprimant des affranchissements sur des articles postaux (91). En outre, le dispositif de sécurité postale (50) est lié à une interface (53) destinée à recevoir une carte sécurisée [ou carte à puce] (54). Le dispositif de sécurité postale (5) est connecté au télémètre hôte (58) à l’aide d’une liaison de données (57). Le télémètre hôte (58), quant à lui, est connecté à l’autorité postale (59) par une liaison de données (60).

 


[ 4 ]          Comme il a été décrit à la page 3 (lignes 12 à 30) de la demande, lorsqu’il est utilisé pour l’impression d’affranchissements postaux, le DSP (50) fournit de l’information par le truchement d’un canal non sécurisé (52) à une imprimante non sécurisée (51) pour l’impression d’affranchissements sur des articles postaux (91). Lorsque la valeur stockée dans le DSP (50) est épuisée, il n’est plus possible d’imprimer des affranchissements, et il faut alors réalimenter le DSP (50) au moyen du télémètre. Lors de l’utilisation du télémètre, une liaison de données non sécurisée (57) est établie, et cette liaison transfère efficacement dans le DSP (50) des fonds déposés au préalable auprès du fabricant ou de l’autorité postale (59). Les transferts ont lieu au moyen de la transmission de données chiffrées représentant des fonds.

 

[ 5 ]          L’un des aspects clés de l’invention est la carte à puce (54), qui s’insère dans une interface de carte à puce (53), laquelle est connectée au DSP (50) au moyen d’un canal de communication non sécurisé (56). Comme il est mentionné à la page 4 (lignes 17 à 18), la valeur stockée peut être transférée du DSP (50) à la carte (54). Il est à remarquer que, à la page 9 (lignes 23 à 26) de la demande, ce qui intéresse l’utilisateur, c’est que des fonds postaux prépayés sont mis à sa disposition plutôt que d’être réservés au paiement de frais d’affranchissement. L’un des points centraux du différend entre le demandeur et l’examinateur porte sur cet aspect de l’invention.

 


[ 6 ]          Tout en renvoyant à la figure 5, on explique à la page 6 de la demande qu’un utilisateur peut recourir à une carte à puce (54) - réalimentée avec les fonds d’une affranchisseuse - pour obtenir des biens et services dans des commerces (61).

 

 

QUESTIONS DE PROCÉDURE

 

[ 7 ]   Par lettre en date du 11 février 2009, la demanderesse a été invitée à produire des conclusions sur chacun des quatre volets de la démarche Windsurfing-Pozzoli exposée au paragraphe 67 de l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. 2008 CSC 61, (2008), 69 C.P.R. (4th) 251, ce qu’elle a fait par lettre en date du 11 mai 2009 (la réponse relative à Sanofi).

 

REVENDICATION

 

[ 8 ]          Les revendications 1 à 3, qui ont été faites en réponse à la décision finale, se lisent comme suit :

1.  méthode visant lutilisation des fonds dun dispositif de sécurité postale, comprenant les étapes suivantes :


le stockage dun premier montant dans le dispositif de sécurité postale en vue détablir une première valeur stockée dans ce dispositif, celui-ci étant adapté de façon à appliquer des affranchissements postaux et à transférer des fonds dans diverses cartes à valeur stockée;

le retrait dun deuxième montant du dispositif de sécurité postale à des fins dimpression daffranchissements postaux, la valeur stockée étant réduite de ce deuxième montant;

létablissement dune communication directe entre lune des diverses cartes à valeur stockée et le dispositif de sécurité postale;

la confirmation de lexistence dun lien déterminé au préalable entre la carte et le dispositif de sécurité postale;

le retrait dun troisième montant du dispositif de sécurité postale;

le transfert du troisième montant dans la carte;

 

2.  système visant lutilisation de fonds stockés en tant quespèces dans un dispositif de sécurité postale, qui comprend ce qui suit :

un mécanisme pour réduire la valeur stockée dans le dispositif de sécurité postale visant limpression daffranchissements postaux;

une interface destinée à recevoir une des diverses cartes à valeur stockée, cette interface étant en communication directe avec le dispositif de sécurité postale;

un mécanisme répondant à la demande de lutilisateur pour confirmer que le dispositif de sécurité postale et la carte ont été liés au préalable;

un mécanisme pour déterminer si la valeur stockée dans le dispositif de sécurité postale est plus élevée que la somme demandée par lutilisateur;

un mécanisme pour réduire la valeur stockée dans le dispositif de sécurité postale dun montant équivalent à la somme demandée;

un mécanisme pour accroître la valeur stockée de la carte dun montant équivalent à la somme demandée;

 

3.   système visant lutilisation des fonds dun dispositif de sécurité postale, le système comprenant ce qui suit :

un mécanisme pour stocker un premier montant dans le dispositif de sécurité postale en vue détablir une première valeur stockée dans ce dispositif, celui-ci étant adapté de façon à appliquer des affranchissements postaux et à transférer des fonds dans diverses cartes à valeur stockée;

un mécanisme pour retirer un deuxième montant du

 dispositif de sécurité postale à des fins dimpression daffranchissements postaux, la valeur stockée étant réduite de ce deuxième montant;

un mécanisme pour lier directement lune des diverses cartes à valeur stockée au dispositif de sécurité postale;

un mécanisme pour confirmer lexistence dun lien déterminé au

 préalable entre la carte et le dispositif de sécurité postale;

un mécanisme pour retirer un troisième montant du dispositif de

 sécurité postale;

mécanisme pour transférer le troisième montant dans la carte.

 


LA QUESTION EN LITIGE

 


[ 9 ]   La décision finale porte que les revendications 1, 5 et 9 sont évidentes eu égard à Baker et al. Elle invoque aussi certains passages de Chen et al. et Horbal et al., pour conclure que les revendications 1 à 11 [TRADUCTION] « auraient été évidentes pour la personne versée dans lart eu égard à Baker et al. et à létat courant de la technique, tel que représenté par Horbal et al. ou Chen et al. ».

 

[ 10 ]        En réponse à la décision finale, la demanderesse a remplacé les revendications 1 à 11 par trois nouvelles revendications. Le résumé des motifs de l’examinateur conclut comme suit sur la question de l’évidence : « les nouvelles revendications 1 à 3 auraient été évidentes pour la personne versée dans lart eu égard à Baker et al. et à lun ou lautre de Horbal et al. et Chen et al. ».

 

[ 11 ]        La seule question dont la Commission soit saisie est donc celle de savoir si les revendications au dossier sont ou non évidentes.

 

LES ANTÉRIORITÉS APPLIQUÉES

 

[ 12 ]        L’examinateur a appliqué les antériorités suivantes dans la décision finale :

 

Document           Date de publication          Inventeurs

CA 2,122,843       7 novembre 1994              Baker et al.

EP 0,328,057       16 août 1989                 Chen et al.

EP 0,442,761       21 août 1991                 Horbal et al.

 

L’examinateur a aussi cité les documents US 4,807,139 et US 4,908,499 comme antériorités dignes d’intérêt.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ÉVIDENCE

 

Le droit

 


[ 13 ] Les dispositions législatives régissant la question de l’évidence sont celles de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La Cour suprême du Canada y a ajouté une démarche en quatre temps d’examen relatif à l’évidence, qu’elle expose dans les termes suivants au paragraphe 67 de Sanofi (précité) :

 

[67] Lors de lexamen relatif à lévidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets dabord énoncée par le lord juge Oliver dans larrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, dobjectivité et de clarté. Le lord juge Jacob la récemment reformulée dans larrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R.. 37 (p.872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :

[TRADUCTION] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans larrêt Windsurfing :

(1)      a) Identifier la « personne versée dans lart »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)      Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation;

(3)      Identifier les différences, sil en est, entre ce qui ferait partie de « létat de la technique » et lidée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)      Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent-elles quelque inventivité? [Je souligne.]

 

[ 14 ]  L’examen relatif à l’évidence dépend dans une grande mesure des faits particuliers de l’affaire (voir la D.C. 1301, Mécanisme de distribution de billets, paragraphe 17). Le Bureau a exposé son interprétation de Sanofi dans un Énoncé de pratique relatif à lévidence, daté du 2 novembre 2009.

 

La position de lexaminateur

 

[ 15 ]        La décision finale et le résumé des motifs de l’examinateur exposent la thèse de l’évidence des revendications eu égard à Baker et al., ainsi qu’à l’un ou l’autre de Horbal et al. et Chen et al.

 


[ 16 ]        L’examinateur a déclaré à l’audience que les revendications à l’étude comprennent les éléments 50 à 54 de la figure 1, et que Chen et al. expose les mêmes éléments, à cette exception près que les fonds (55) y passent de la carte à l’interface au lieu que ce soit l’inverse. Selon l’examinateur, si l’on considère ensemble Chen et al. et Baker et al., on constate que le transfert des fonds de l’affranchisseuse à la carte était une opération connue. Il a soutenu que l’invention n’est qu’un concept (non inventif), que sa mise en œuvre est évidente et que la demanderesse n’a pas divulgué de technologie inventive. En outre, a‑t‑il fait valoir, l’invention considérée résout le problème du déblocage de fonds de manière évidente, et le concept n’est pas inventif au motif que le problème est artificiel. La Commission examinera plus loin (sous la rubrique « Analyse ») les observations relatives à la question du problème et de sa résolution.­

 

La réponse de la demanderesse

 

[ 17 ]        L’étude de la demande de brevet, avant l’audience, était centrée sur Baker et al., Chen et al. et Horbal et al. y jouant le rôle d’antériorités secondaires.

 

[ 18 ]        À l’audience, la demanderesse a fait valoir que Chen et al. est une antériorité plus pertinente pour le domaine de l’invention que Baker et al. (l’antériorité principale appliquée par l’examinateur). Baker et al., a‑t‑elle ajouté, n’est pas une antériorité pertinente parce qu’il n’y est pas question de la même sorte d’affranchisseuse; en outre, il n’y est pas question non plus du stockage de fonds ou de valeurs dans le DSP. La demanderesse a produit un tableau comparant ses revendications à Chen et al. et Horbal et al. afin de démontrer que ces revendications ne sont pas évidentes.

 

Analyse

 

[ 19 ] Dans l’analyse qui suit, les termes « carte à puce », « carte sécurisée » et « carte à valeur stockée » peuvent être utilisés indifféremment pour décrire des cartes à circuit intégré pouvant contenir des données équivalentes à des montants en espèces (voir le texte intégral de la demande, particulièrement à la page 1, Domaine technique).

 

[ 20 ] Il convient d’examiner la question de l’évidence en appliquant chacun des volets de la démarche Windsurfing-Pozzoli, ce que nous faisons dans les paragraphes qui suivent, où nous analysons aussi les conclusions de la demanderesse relatives à Sanofi.

 

(1) a)         Identifier la « personne versée dans lart »

 

[ 21 ]        La demanderesse a défini comme suit la personne versée dans l’art :

 

[TRADUCTION] (. . . ) la personne versée dans lart réunit en elle le technicien connaissant bien les opérations internes des dispositifs postaux et lutilisateur de tels dispositifs.

 

[ 22 ] La Commission souscrit à cette définition et y ajoute que la personne versée dans l’art (réunissant le technicien et l’utilisateur) connaît bien les affranchisseuses qui échangent l’affranchissement contre des fonds, ainsi que la conception, le fonctionnement et l’utilisation de la technologie de carte à puce.


 

(1) b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[ 23 ]        La demanderesse a défini comme suit les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art :

 

Les connaissances générales courantes et pertinentes de la personne qualifiée comprennent celles portant sur lutilisation dun dispositif postal. Elle doit également savoir que les fonds sont transférés dans un dispositif de sécurité postale (DSP), que celui-ci est lié par le truchement dun canal de communication à une imprimante qui imprime des affranchissements postaux et quun mécanisme de mesure intégré au DSP assure le suivi des fonds utilisés pour laffranchissement postal.

 

[ 24 ] Nous souscrivons à cette définition des connaissances générales courantes, à laquelle nous ajouterons cependant ce qui suit. Comme, à notre avis, la personne versée dans l’art connaît bien la technologie de carte à puce, nous considérons la programmation nécessaire pour opérer le transfert des fonds vers la carte à puce et leur retrait de celle‑ci comme faisant aussi partie des connaissances générales courantes, ce que confirme la présente demande (voir la page 4, lignes 27 et 28, et l’élément 55 des figures 2 et 3, représentant l’art antérieur), ainsi que Chen et al. 

 

(2)     Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation

 

[ 25 ] La demanderesse a défini comme suit l’« idée originale » (c’est‑à‑dire le concept inventif) dans sa lettre en date du 11 mai 2009 :

 

L’idée originale qui sous-tend les revendications est la capacité de transférer des fonds, du DSP à une carte à valeur stockée, c’est­‑à‑dire effectuer le retrait de fonds du DSP à des fins autres que le paiement de frais d’affranchissement.

 

[ 26 ] Nous souscrivons au point de vue de la demanderesse sur le concept inventif.

 


(3)     Recenser les différences, sil en est, entre ce qui ferait partie de « létat de la technique » et lidée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

 

Baker et al.

 

[ 27 ] Le cas Baker et al. porte en général sur la mise à niveau d’un centre de services postaux (comptoir) qui convertit en argent des données équivalentes (montants en espèces virtuelles) provenant de cartes à puce. Le centre de services postaux comprend une affranchisseuse courante. L’invention permet au comptoir de réalimenter les cartes à puce à l’aide de données équivalentes à des espèces à partir d’un message d’autorisation chiffré émis par un centre de données externe. Le cas Baker et al. décrit de façon générale le caractère utile des cartes à puce comme un moyen de stocker des fonds et d’utiliser ces fonds pour l’achat de biens et services. La page 3 (lignes 1 à 11) présente les antériorités contextuelles du centre de services postaux (comptoir) que les employés utilisent pour affranchir les articles postaux en déposant y des fonds Le problème soulevé par le cas Baker et al. est de trouver la façon d’adapter le concept d’une machine à affranchir pécuniaire courante à l’utilisation de données équivalentes à des espèces et d’éviter l’accumulation de sommes importantes dans le comptoir lors de la réalimentation des cartes à puce, tout en fournissant des services d’affranchissement postal.

 

[ 28 ]        La leçon de Chen et al. est prise en compte ci-après, mais la Commission accepte la prétention du demandeur voulant que le cas Chen et al. soit une référence plus pertinente que le cas Baker et al. Le comptoir décrit dans le cas Baker et al. est une affranchisseuse conçue pour fournir des services à plusieurs employés au centre technique du demandeur, où chaque employé utilise sa carte à puce au lieu d’espèces (Baker et al., pages 2 et 3).  Il n’y a aucune enceinte de sécurité, car les fonds ne sont pas destinés à être partagés. Chaque employé utilise plutôt sa propre carte à puce pour payer les frais d’affranchissement. Par conséquent, le contexte diffère de l’invention qui nous concerne, où une affranchisseuse, comme l’a reconnu le demandeur lors de l’audience, es conçue pour une personne ou une organisation et non pas pour des parties multiples ayant chacune leur « compte » (la description ne fait aucune référence à des « comptes » ou des enceintes de sécurité multiples et, à la page 9, elle établit un parallèle entre l’enceinte et un « compte de garantie bloqué » qui est « mis à la disposition du propriétaire du compte). En revanche, le cas Chen et al. porte sur un dispositif conçu pour fonctionner dans le même contexte que l’invention qui nous concerne, où une enceinte de sécurité est fournie pour le stockage des fonds.


 

[ 29 ]        Si, selon notre analyse, Baker et al. ne représente pas l’état de la technique, il étaye notre point de vue sur le contenu des connaissances générales courantes dans le domaine en question.

 

Horbal et al.

 

[ 30 ]        Le cas Horbal et al. porte sur un système visant la réinitialisation à distance d’une affranchisseuse, dans laquelle une somme variable d’affranchissements est ajoutée. Le système comprend une installation centrale informatisée ou « hôte » (30), en communication téléphonique avec l’affranchisseuse (20), qui permet à l’hôte (30) de vérifier l’identité de l’affranchisseuse (20) et de s’assurer de la disponibilité des fonds, avant d’envoyer à l’affranchisseuse (20) une combinaison d’autorisation unique, qui est vérifiée par l’affranchisseuse (20) avant que celle-ci n’ajoute le montant d’affranchissement supplémentaire demandé. Le système a recours à des fonctions d’authentification fondées sur l’identité de l’affranchisseuse et le montant demandé. La Commission ne trouve pas le cas Horbal et autres particulièrement pertinent à l’idée originale des présentes revendications.

 

Chen et al.

 

[ 31 ]        Comme il est stipulé dans la réponse du demandeur à la décision finale, le cas Chen et al. porte sur une méthode de réalimentation d’une affranchisseuse, dans laquelle un utilisateur autorisé se voit remettre une carte à puce contenant des fonds dans un centre de cartes à puce. L’utilisateur insère sa carte dans un terminal d’interface couplé à une affranchisseuse et transfère les fonds dans l’affranchisseuse. Celle-ci comprend une enceinte de sécurité pour le stockage des fonds, et cette enceinte doit être confinée dans l’affranchisseuse en vertu de la réglementation fédérale, comme il est stipulé dans le cas Chen et al. (voir la colonne 5, lignes 46 à 53, et la colonne 1, lignes 49 à 55). La figure 1 du cas Chen et al. est présentée ci-après.



[ 32 ]        Pour faciliter la comparaison, certaines sections pertinentes du cas Chen et al. sont reproduites ci-après [c’est nous qui soulignons] :

Le système comprend au moins une affranchisseuse postale électronique(12) connectée de façon sûre à un terminal daffranchissement postal (14), qui est adapté de façon à accepter une carte de valeur à circuit intégré (16) comportant un microprocesseur et une mémoire, ou une mémoire uniquement, et que lon appelle communément une carte « à puce ». Un centre de cartes à puce (18) administre les comptes des clients et émet sur demande une ou plusieurs cartes à puce (16) dotées de fonds [colonne 3, ligne 53, à colonne 4, ligne 3].

. . .


Le terminal utilisateur (14) comprend une unité de lecture et d’écriture de cartes à circuit intégré (15) pour la réception et la communication de données à destination ou en provenance d’une carte de valeur à circuit intégré (16) insérée. Le terminal utilisateur (14)  peut communiquer tant avec une carte à circuit intégré insérée dans lunité de lecture et décriture de cartes à circuit intégré quavec laffranchisseuse électronique (12), servant ainsi d’interface efficace entre l’affranchisseuse—(12) et la carte (16). Une conception, une construction et une programmation appropriée du terminal utilisateur sont considérées comme très importantes dans lart de réussir une affranchisseuse, selon la disponibilité d’unités convenables de lecture et d’écriture de cartes à puce du fabricant de cartes à puce ainsi que d’un protocole d’affranchissement approprié et déterminé au préalable [colonne 3, lignes 11 à 24].

. . .

La carte à puce ainsi préparée est transmise au client à des fins d’alimentation de l’affranchisseuse. Le client insère la carte à puce dans le terminal de laffranchisseuse (14), qui lit la carte et communique avec laffranchisseuse(12). La carte à puce s’informe sur l’état de l’affranchisseuse, afin de s’assurer que celle-ci est prête à être réalimentée. Après confirmation de la disponibilité de l’affranchisseuse, la carte à puce demande le code de combinaison de l’affranchisseuse et attend une réponse valide. Après réception du code approprié, la carte demande le montant des fonds à être transférés de la carte à l’affranchisseuse. Le montant demandé, jusquà concurrence du maximum des fonds que contient la carte, est alors transmis à laffranchisseuse(12) par le truchement du terminal (14), afin de mettre à jour et réalimenter lenceinte de sécurité de laffranchisseuse. Par la suite, la carte transmet la fin du code d’entrée pour mettre fin à la communication entre la carte et l’affranchisseuse. La carte est ensuite enlevée du terminal—(14), et l’affranchisseuse réalimentée peut être utilisée comme à l’habitude [colonne 5, lignes 10 à 30].

 

. . .Ainsi, selon l’invention qui nous concerne, le système peut être adapté de façon remarquable, sans modification, aux affranchisseuses électroniques qui existent sur le marché. À cet égard, étant donné que lenceinte de sécurité postale reste en tout temps dans laffranchisseuse, le système, selon linvention qui nous concerne, devrait être favorisé par les organismes fédéraux de réglementation [colonne 5, lignes 46 à 53].

 

[ 33 ]        Dans leur soumission sur Sanofi, le demandeur, qui renvoie à un tableau ayant été précédemment soumis à l’audience et comparant les revendications avec les antériorités afin de mettre en lumière les différences, a conclu ce qui suit :

 


Le tableau met clairement en lumière le fait que les antériorités ne montrent pas ou ne laissent pas entendre de moyens pour réduire la valeur stockée dans le dispositif de sécurité postale au moyen d’un transfert de fonds dans une carte à valeur stockée.

 

[ 34 ]        Nous souscrivons à l’idée qu’il s’agit là de la différence entre l’idée originale et l’état de la technique tel que représenté par Chen et al. Donc, la différence entre l’état de la technique et l’idée originale qui sous-tend la revendication est l’idée originale elle-même. 

 

4.      Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

Le point de vue de la demanderesse

 

[ 35 ]        Aux paragraphes 8 à 10 (pages 3 et 4) de sa réponse relative à Sanofi, la demanderesse interprète le quatrième volet comme posant la question de savoir si l’essai des différences irait de soi. Or le critère de l’« essai allant de soi » n’est pas applicable à tous les cas, ainsi que la demanderesse le reconnaît elle-même à la page 4 de sa réponse. La Commission estime que, vu les faits, ce critère ne convient pas ici. De même, nous n’oublions pas que le critère de l’« essai allant de soi » n’est qu’un élément parmi d’autres à prendre en considération dans l’examen des différences visant à établir s’il y a évidence ou inventivité (paragraphes 62 à 64 de Sanofi).

 

La prise en compte du problème dans lexamen relatif à lévidence 

[ 36 ]        Avant d’entreprendre notre analyse fondée sur le quatrième volet de la démarche Windsurfing-Pozzoli, nous nous interrogerons sur la pertinence de prendre en considération le problème résolu par l’invention dans l’examen relatif à l’évidence. 

 

[ 37 ]        À l’audience et tout au long de l’étude de la demande de brevet, il a beaucoup été question du problème que tend à résoudre la présente invention. Plus précisément, l’examinateur soutenait que la non-mention dans l’art antérieur du problème particulier visé par l’invention considérée n’est pas en soi une raison de conclure que cette invention présente une valeur inventive. À l’audience, la demanderesse a exhorté la Commission à prendre en considération le problème visé par l’invention afin de mieux comprendre celle‑ci. Plus tard, après que l’examinateur eut présenté ses conclusions sur la pertinence du problème résolu par l’invention pour la question de l’évidence, la demanderesse a fait valoir que ledit problème n’a pas de rapport avec la question de l’évidence, la seule question à résoudre en droit étant celle qu’expose Beloit Canada Ltée c. Valmet OY (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.).


 

[ 38 ]        L’examinateur a fait remarquer que la description présente l’invention comme la solution au problème de savoir comment libérer des fonds auparavant affectés à une affranchisseuse. La demande de brevet, a­‑t‑il fait valoir, doit divulguer et revendiquer une solution inventive à un problème, et non une solution évidente à un problème nouvellement défini ou artificiel. Selon l’examinateur, la jurisprudence donne à penser que plus longtemps le problème a résisté aux efforts déployés pour le résoudre, plus il est probable que sa solution revêt une valeur inventive; il cite au soutien de cette thèse : Union Carbide Canada Ltd. c. Trans-Canadian Feeds Ltd. (1966), 49 C.P.R. 29 (C.É.), pages 53 et 54; et Peterson Electronic Die Co. c. Plastiseal (1972), 8 C.P.R. (2d) 222 (C.F. 1re inst.), pages 240 à 242, conf. par (1974), 14 C.P.R. (2d) 48 (C.A.F.).  Or, a noté l’examinateur, aucun élément ne tend à prouver que le problème en question soit reconnu depuis longtemps ni qu’on se fût auparavant efforcé en vain de le résoudre.

 

[ 39 ]        Nous sommes en partie d’accord avec l’examinateur. Quant aux conclusions présentées par la demanderesse sur cette question, nous constatons que la Cour suprême a réexaminé le droit de l’évidence depuis l’audience. Dans le cadre défini par Sanofi, l’analyse que commande le quatrième volet doit s’appuyer sur les faits de l’affaire, y compris tous facteurs secondaires, et non sur une formule rigide telle que le critère de l’évidence exposé dans Beloit.

 

[ 40 ]        La jurisprudence pose en principe qu’il est difficile de déclarer une invention évidente lorsqu’elle vise un problème qu’on essayait en vain de résoudre depuis longtemps. Cela dit, il ne s’ensuit pas qu’un problème doive être resté un certain temps sans solution pour qu’on puisse conclure à la valeur inventive. En général, le demandeur de brevet qui soutient que son invention est non évidente au motif qu’elle résout un problème de longue date doit étayer sa thèse par des éléments de preuve; voir par exemple International Vehicular Parking Ltd. c. Mi‑Co Meter (Canada) Ltd. (1948), [1949] R.C.É. 153.

 

[ 41 ]        La jurisprudence porte également qu’on peut assimiler la définition d’un problème à une activité inventive, à condition que les revendications enseignent une solution, si simple soit-elle; voir par exemple Bayer AG c. Novopharm Ltd., 2006 CF 379, 48 C.P.R. (4th) 46.  Cependant, l’existence d’une activité inventive ne se déduit pas automatiquement du simple fait qu’un problème paraît être nouvellement défini.

 


[ 42 ]        Les points de savoir si le problème est nouveau ou s’il se pose depuis un certain temps sans qu’on soit parvenu à le résoudre sont des facteurs qu’il peut se révéler utile de prendre en considération, le cas échéant, dans l’examen des faits que commande le quatrième volet de la démarche Windsurfing-Pozzoli. La réponse à la question de savoir si l’un ou l’autre de ces facteurs indique l’existence d’une activité inventive dépend des faits particuliers de l’espèce.

 

[ 43 ] Lorsqu’on se trouve devant de tels facteurs, il convient de se demander si le problème est artificiel, ou un « épouvantail »  – selon la métaphore de Bayer, précitée, et de Sanofi‑Aventis Canada Inc. c. Ratiopharm Inc. (2010), 2010 CF 230 230, page 87; voir aussi Actavis UK Ltd c. Novartis AG, [2010] EWCA Civ  82, page 54 à 66, où l’on parle de [TRADUCTION] « problème illusoire » – que le demandeur de brevet aurait dressé pour le renverser afin de pouvoir invoquer une activité inventive. Si l’examinateur a qualifié à l’audience le présent problème d’artificiel, ce n’était pas au sens où ce problème serait un « épouvantail ». Cet argument se rapporte plutôt à la conclusion formulée par l’examinateur dans la décision finale, selon laquelle [TRADUCTION] « si aucune des antériorités citées plus haut ne divulgue explicitement de méthode pour inverser lopération classique [...] cest simplement parce quon ny avait pas envisagé le problème tel que le définit la demande de brevet considérée ». À l’audience, l’examinateur a fait valoir que l’invention qui nous occupe ne résout pas un problème lié à l’affranchissement du courrier, mais le problème différent de l’utilisation des fonds à une autre fin que cet affranchissement. L’argument de l’examinateur est donc que la définition du problème résolu par la présente invention est dépourvue de valeur inventive. Il se peut que la personne versée dans l’art n’ait pas envisagé ce problème, mais sa reconnaissance n’en est pas pour autant inventive. Conformément à notre analyse ci‑dessous, nous pensons nous aussi que, dans la présente espèce, ni la définition du problème ni sa résolution ne revêtent de valeur inventive. Si les antériorités invoquées ne se préoccupent pas de l’utilisation des fonds à une autre fin, cela ne veut pas dire qu’elles « détournent » de la présente invention, mais plutôt que leurs inventeurs avaient autre chose en tête, peut-être en partie à cause du préjugé réglementaire évoqué dans Chen et al.

 

 

Analyse - quatrième volet


[ 44 ] À la date des revendications, la personne versée dans l’art connaissait et comprenait les cartes à puce, leurs usages et avantages, les solutions de rechange à leur utilisation, ainsi que leur influence probable sur la conception des affranchisseuses. La personne versée dans l’art aurait envisagé l’utilisation de cartes à puce comme solutions de rechange au stockage de fonds dans l’enceinte de sécurité de l’affranchisseuse (voir Chen et al., colonne 1, lignes 37 à 53, et colonne 2, lignes 19 à 22, ainsi que le modèle d’Alcatel cité comme antériorité contextuelle). En outre, la personne versée dans l’art connaissait bien les avantages des cartes à puce et leurs usages pour les dépenses de tiers avant la date des revendications. La page 4 de la présente demande de brevet, par exemple, établit que, à la date des revendications, les cartes à puce étaient considérées comme des équivalents du numéraire. 

 

[ 45 ]        La réalimentation de cartes à puce avec des fonds provenant de diverses réserves de valeur stockée était une opération familière à la personne versée dans l’art. (Voir Chen et al., de la ligne 37 de la colonne 4 à la ligne 9 de la colonne 5, ainsi que les pages 4 et 5 de la présente demande, où l’on attribue la même capacité à l’art antérieur.)

 

[ 46 ]        Chen et al. enseigne la même combinaison de techniques que la présente demande de brevet, mais celle‑ci propose d’inverser le mouvement des fonds (c’est‑à‑dire de les faire passer de l’enceinte de sécurité à la carte à puce). La programmation nécessaire pour atteindre ce résultat n’a rien d’inhabituel : voir Chen et al., colonne 4, lignes 19 à 58, et l’examen de l’art antérieur proposé dans la présente demande, figure 3 (transfert de fonds), page 4. Nous sommes ainsi amenés à conclure que la mise en œuvre et la technologie en cause n’exigeaient aucune inventivité. L’absence d’exposé technique dans le présent mémoire descriptif vient confirmer ce point de vue. Par conséquent, la valeur inventive, s’il en est ici, résiderait nécessairement dans le concept plutôt que dans sa mise en œuvre.

 

[ 47 ] Le concept du transfert de fonds de l’enceinte de sécurité à la carte à puce est analogue à celui du remboursement. La notion de remboursement est bien connue dans de nombreux domaines de la vente au détail, notamment celui de l’affranchissement du courrier, comme on le voit à la page 2 (ligne 5) de la présente demande de brevet, qui porte qu’une autorité postale peut opérer un remboursement de fonds stockés dans l’enceinte de sécurité d’une affranchisseuse. Baker et al., ainsi que les exemples généraux examinés à l’audience, confirment ce fait. Par exemple, dans sa description de la réalimentation des cartes à puce, Baker et al. évoque [TRADUCTION] « les inévitables demandes de remboursement présentées par les utilisateurs qui, pour une raison ou une autre, n’utilisent pas les fonds de la réalimentation qu’ils ont demandée » (page 11, lignes 17 et 18). On a discuté à l’audience des situations semblables, susceptibles de se retrouver tous les jours dans le contexte général de la vente au détail, où un client demande de créditer un remboursement sur une carte à puce. Par conséquent, le concept de l’obtention d’un remboursement était connu dans toutes sortes de contextes commerciaux.

 


[ 48 ]        La personne versée dans l’art, étant un utilisateur de dispositifs postaux, était consciente des besoins des utilisateurs, notamment du fait que l’utilisateur d’une affranchisseuse souhaiterait maintenir la liquidité des fonds. La preuve démontre l’existence, à la date des revendications, d’une tendance générale à vouloir disposer de fonds à partir de diverses sources. Dans Chen et al., le centre de cartes de valeur remplit la fonction de source de fonds pour la carte de valeur ou carte à puce du client (voir colonne 4, ligne 37, à colonne 5, ligne 9). On peut porter les demandes de fonds d’affranchissement directement au débit du compte bancaire du client, plutôt que de maintenir un compte d’espèces distinct au centre de cartes de valeur. De toute évidence, si l’un ou l’autre de ces comptes est suffisamment approvisionné, le client voudra s’en servir pour réalimenter sa carte de valeur. On peut par conséquent dire que, à la date des revendications, consommateurs et entreprises reconnaissaient en général le besoin de maintenir la liquidité de leurs actifs, c’est‑à‑dire d’utiliser des cartes à puce ou des cartes de valeur. Tout cela confirme notre opinion que le concept de l’obtention de remboursements dans le contexte de la vente au détail et le concept du maintien de la liquidité étaient bien connus à la date des revendications – et pas seulement de la personne versée dans l’art.

 

Le préjugé technique et lévidence

[ 49 ]        La demanderesse a fait valoir que l’invention aurait été contre-intuitive pour la personne versée dans l’art, ce qui laisserait supposer l’existence d’un préjugé. Il est vrai que l’existence d’un préjugé technique peut être un indice de valeur inventive (voir Pozzoli, précité, paragraphe 24), mais s’il y avait un préjugé défavorable à la présente invention, il ne semble pas que ce fût un préjugé technique. La description donnée dans Chen et al. (colonne 1, lignes 37 à 53) du système SMH Alcatel donne à penser qu’il existait un préjugé réglementaire contre le retrait de fonds de l’enceinte de sécurité d’une affranchisseuse. On y lit notamment que le système susdit, parce qu’il exigeait le transfert de l’enceinte de sécurité de l’affranchisseuse à une carte à circuits intégrés, ne serait peut-être pas facilement approuvé, étant donné le climat réglementaire de l’époque. Il se pourrait donc que l’invention qui nous occupe équivaille à la suppression d’une limite auto-imposée (attribuable aux exigences de la réglementation). La suppression d’une limite auto-imposée ne nous paraît pas présenter de valeur inventive. Pour dire les choses clairement, il n’est pas possible de décider la question de l’évidence sur ce seul fondement, étant donné que la preuve n’indique que l’existence d’un préjugé réglementaire. Cependant, cette indication de l’art antérieur vient étayer notre conclusion ci­‑dessus sur l’évidence.

 

La simplicité de linvention


[ 50 ]        La demanderesse a fait valoir à l’audience que la simplicité de la présente invention ne devrait pas nous inciter à conclure à son évidence. Nous croyons comprendre que, en qualifiant l’invention de « simple », la demanderesse veut parler de la simplicité du concept et de sa mise en œuvre, et non affirmer que cette invention simplifierait les dispositifs enseignés par l’art antérieur. La demanderesse, citant l’arrêt de la Cour d’appel Diversified Products Corp. c. Tye‑Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350, a déclaré que « l’inventivité peut coexister avec la facilité et avec la simplicité ». Nous le pensons aussi. La simplicité n’est pas incompatible avec la brevetabilité, mais elle n’incite pas nécessairement à conclure à la valeur inventive. Lorsque l’invention est simple de nature, des facteurs secondaires peuvent devenir plus importants pour étayer la thèse de la valeur inventive, comme l’explique Union Carbide, précitée, pages 53 et 54. Or on ne trouve pas de tels facteurs dans la présente espèce.

 

[ 51 ]        Donc, la simplicité de l’objet revendiqué, en l’absence d’éléments de preuve secondaire tendant à établir la valeur inventive, est un facteur contributif, quoique non déterminant, de notre conclusion. L’objet revendiqué pourrait se définir comme une « simple modification ».

 

Conclusion – évidence

[ 52 ]        La Commission conclut que, suivant la prépondérance des probabilités, la différence par rapport à l’état de la technique, tel qu’il est représenté par Chen et al., n’aurait exigé aucune inventivité : elle aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

 

 

 

 

Recommandation

 

[ 53 ]        La Commission conclut que les revendications 1 à 3 sont évidentes sous le régime de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et recommande que soit confirmé le rejet de la demande de brevet par l’examinateur.

 

[ 54 ]        L’un des trois membres de la Commission qui ont participé à l’audience n’a pas achevé son examen de la présente affaire.

 

 

P. Sabharwal            M. Couture                       

Membre                  Membre                 

 

 

[ 55 ] Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets selon lesquelles les revendications 1 à 3 sont évidentes sous le régime de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, ainsi qu’à sa recommandation.

 


[ 56 ] En conséquence, je refuse d’octroyer le brevet visé par la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision devant la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 17 juin 2010

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