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Décision du commissaire no 1317

Commissioners Decision No. 1317

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS : A50 et O00

TOPICS : A50, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2,264,559

Application No. 2,264,559


RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

D.C. 1317             Demande no 2,264,559

 

La demande porte sur un cathéter à deux ballonnets utilisé pour isoler un organe ou une autre partie du corps dun flux sanguin. Le cathéter est inséré dans un vaisseau sanguin dans lequel le flux est ensuite bloqué par le gonflement des deux ballonnets espacés. Linvention de la demanderesse prévoit une dérivation du sang à travers le segment occlus du cathéter, un gonflement distinct des deux ballonnets et une lumière passant à travers le cathéter et comportant une pluralité dorifices débouchant dans le segment occlus pour linjection et/ou lévacuation de liquides.

 

Compétence pour examiner les irrégularités postérieures à la décision finale

La demanderesse soutenait que, comme elle avait neutralisé par voie de modification les objections élevées dans la décision finale, le commissaire navait pas compétence pour relever les irrégularités susceptibles de découler de sa réponse à ladite décision. Elle invoquait à lappui de cette thèse les décisions Belzberg c. Canada (Commissaire aux brevets), 2009 CF 657, 75 CPR (4th) 283, et Bartley c. Canada (Commissaire aux brevets), 2011 CF 873.

 

Décision : Le commissaire a compétence pour soulever les questions qui peuvent se poser par suite des modifications apportées par le demandeur en réponse à une décision finale. Les observations formulées dans les décisions Belzberg et Bartley concernant la procédure dexamen doivent sinterpréter en fonction des faits de ces espèces. Ni la Cour ni les auteurs des dispositions régissant lexamen ne peuvent avoir eu en vue de permettre lacceptation des demandes de brevet sans égard pour les irrégularités qui y auraient été introduites en réponse à une décision finale.

 

Évidence

Lexaminatrice avait refusé les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 de la demande de brevet pour cause dévidence au regard dune combinaison dantériorités.

 

Décision : Le refus ainsi motivé a été confirmé.

 

Le refus des revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 de la demande sur la base d’une combinaison d’antériorités était fondé. Pour mettre sa demande en état d’être acceptée, la demanderesse est tenue, sous le régime de l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, de modifier les revendications indépendantes 1, 9 et 13 de manière à y incorporer respectivement les caractéristiques des revendications dépendantes 3, 11 et 14. Si la demanderesse n’apporte pas les modifications susdites à sa demande, le commissaire a l’intention de la rejeter.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

                                                                             

 

 

 

 

 

Lexaminatrice ayant refusé la demande de brevet 2,264,559 en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission dappel des brevets et le commissaire aux brevets ont révisé ce refus en application du paragraphe 30(6) des mêmes Règles. Les conclusions de la Commission et la décision du commissaire suivent ci‑dessous.­

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON, S.R.L.

1, rue Main Ouest

HAMILTON (Ontario)

L8P 4Z5

 


INTRODUCTION                           

 

[1]    La présente recommandation porte sur la révision, par le commissaire aux brevets, de la demande de brevet no 2,264,559 intitulé « CATHÉTER À BALLONNETS COMPORTANT UNE DÉRIVATION DE SEGMENT PRÉSENTANT UNE OCCLUSION ». La demanderesse est DELCATH SYSTEMS, INC. L’inventeur est Morton G. Glickman.

 

[2]    L’invention concerne un cathéter, en particulier, un cathéter à deux ballonnets utilisé pour isoler un organe ou une autre partie du corps du flux sanguin dans un vaisseau sanguin traversant cette région. Un tel cathéter est inséré dans le vaisseau sanguin, dont le flux sanguin est ensuite bloqué en partie par le gonflement de deux ballonnets espacés l’un de l’autre.

 

[3]    Comme l’a expliqué la demanderesse, un des problèmes associés au cathéter à deux ballonnets connu est que, non seulement le flux sanguin dans le segment présentant une occlusion est bloqué, mais le flux sanguin dans le vaisseau qui traverse cette partie du corps est complètement interrompu. Même si le corps augmente naturellement le flux sanguin en faisant appel à des vaisseaux parallèles pour compenser, cette façon de faire n’est peut‑être pas souhaitable selon la tension exercée sur les vaisseaux sanguins parallèles touchés.

 

[4]    En ce qui concerne la figure 1 illustrée ci-dessous de la demande en cause, la demanderesse propose un cathéter à deux ballonnets (12, 14) qui prévoit une dérivation ou un pontage (20, 22, 25) à travers lequel le sang peut s’écouler durant l’occlusion du vaisseau. De cette façon, on atténue l’augmentation nécessaire du flux sanguin dans les vaisseaux parallèles. La demanderesse propose également une amélioration par rapport à l’art antérieur par la présence de lumières distinctes pour gonfler ou dégonfler chacun des deux ballonnets, ce qui présenterait certains avantages comme un contrôle accru du flux sanguin s’écoulant en direction d’une partie isolée du corps ou en provenance de celle-ci. Telle qu’elle est actuellement revendiquée, l’invention alléguée de la demanderesse prévoit également une lumière raccordée à une pluralité d’orifices débouchant dans le segment occlus à travers lequel un liquide peut être injecté et/ou évacué.

 

 

 

 

 

 


HISTORIQUE DE LEXAMEN

 

[5]    La demande de brevet considérée a été déposée le 28 juillet 1997 et revendique la priorité sur la base d’une demande américaine déposée le 30 août 1996. Cette dernière date est donc la date de la revendication applicable sous le régime des articles 28.2 et 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[6]    Par décision finale en date du 2 décembre 2008, l’examinatrice a refusé la demande au motif que les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 telles qu’alors en instance étaient dépourvues de nouveauté au regard du brevet américain no 5,135,484, délivré à Wright. Dans une réponse en date du 1er juin 2009, la demanderesse a modifié les revendications indépendantes de manière à y inclure la limitation suivante (formulée de façon légèrement différente à la revendication 1) :

 

[Traduction]

au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices ménagés dans une partie de la paroi dudit cathéter qui se trouve entre ledit premier ballonnet gonflable et ledit second ballonnet gonflable.

 

[7]    Cette limitation, bien qu’étayée par la description de l’invention telle que déposée à l’origine, ne figurait auparavant dans aucune des revendications. Dans un résumé des motifs adressé à la Commission d’appel des brevets et communiqué le 21 avril 2010 à la demanderesse, l’examinatrice a expliqué que la modification des revendications résolvait le problème de l’antériorité, mais que certaines revendications se révélaient irrégulières au motif de l’évidence. Plus précisément, les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 telles que modifiées étaient entachées d’évidence au regard du brevet Wright, étant donné la demande de brevet canadien no 2,186,493 déposée par Forman et publiée le 26 octobre 1995, le brevet américain n5,320,604 délivré à Walker et al. le 14 juin 1994 [le brevet Walker] et le brevet américain no 5,059,178 délivré à Ya le 22 octobre 1991. L’incorporation de la limitation susdite dans les revendications avait nécessité une nouvelle recherche d’antériorités, du fait qu’on n’avait pas auparavant examiné cette limitation du point de vue de la brevetabilité. Par ailleurs, l’examinatrice déclarait acceptables les revendications 3, 5, 6, 7, 8, 11 et 14.

 


[8]    La communication susdite en date du 21 avril 2010 avisait la demanderesse du problème de l’évidence. À la suite d’un entretien téléphonique où la Commission lui avait demandé si elle souhaitait présenter de nouvelles observations, la demanderesse a été formellement avisée, par lettre en date du 23 février 2011, de la possibilité de se faire entendre sur la question de l’évidence. La demanderesse a donné à cette lettre une réponse en date du 17 mars 2011 où elle sollicitait la tenue d’une audience, qui a eu lieu le 30 mai 2011. Elle a présenté des observations écrites à la Commission le 26 du même mois. À l’audience, la demanderesse était représentée par Alex Ross, du cabinet GOWLING LAFLEUR HENDERSON, S.R.L., et la Direction des brevets par Megan McTavish, l’examinatrice chargée de la demande, et son chef de section, Jennifer Stickley.

 

[9]    À l’audience aussi bien que dans ses observations écrites, la demanderesse a axé son argumentation non pas sur l’évidence des revendications en question, mais sur le point de savoir s’il était permis de prendre en considération des irrégularités constatées au titre de l’évidence par suite des modifications qu’elle avait apportées après la décision finale. La demanderesse soutenait que, puisque ses modifications avaient neutralisé toutes les objections formulées dans la décision finale, la loi obligeait le commissaire à accepter la demande et à concéder le brevet, étant donné la décision de la Cour fédérale du Canada Belzberg c. Canada (Commissaire aux brevets), 2009 CF 657, 75 CPR (4th) 283 [Belzberg].

 

[10]  La demanderesse a bien précisé à l’audience qu’elle ne présenterait pas d’observations, que ce soit oralement ou par écrit, sur l’objection d’évidence, et qu’elle n’avait l’intention de répondre à aucune question que la Commission pourrait avoir sur ce sujet. La demanderesse a été avisée à l’audience, et a pris acte, du fait que si la Commission ne pouvait recommander au commissaire l’acceptation de la demande de brevet sur la base de ses observations relatives à Belzberg, elle passerait à l’appréciation des arguments avancés par l’examinatrice au soutien de la thèse de l’évidence dans le résumé des motifs.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[11]  Selon le résumé des motifs de l’examinatrice et les observations présentées par la demanderesse avant et pendant l’audience, les questions à trancher ici sont les suivantes :

 

(1) La loi oblige‑t‑elle le commissaire à accepter la demande de brevet considérée au motif que la demanderesse a neutralisé les objections formulées dans la décision finale?

(2) Dans la négative, les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 sont-elles entachées d’évidence au regard du brevet Wright, étant donné la combinaison des antériorités Forman, Walker et Ya, et donc non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

LE COMMISSAIRE EST-IL TENU DACCEPTER LA DEMANDE DE BREVET?

 

Le dispositif législatif applicable

[12]  Le paragraphe 4(2) de la Loi sur les brevets dispose entre autres que le commissaire :

 


... fait et exécute tous les actes et choses nécessaires pour la concession et la délivrance des brevets...

 

[13]  Le paragraphe 27(1) de la Loi confère au commissaire le pouvoir de concéder des brevets dans les termes suivants (non souligné dans l’original) :

 

Le commissaire accorde un brevet dinvention à linventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle‑ci sont remplies.

 

[14]  Le paragraphe 43(2) de la Loi porte que le brevet, une fois délivré, est présumé valide.

 

[15]  La Loi dispose à son paragraphe 35(1) que des examinateurs recrutés pour cette tâche examinent les demandes de brevet afin d’établir si ses exigences sont remplies.

 

[16]  Selon le paragraphe 40 de la Loi, le commissaire, lorsqu’il s’est assuré que le demandeur n’est pas fondé en droit à obtenir la concession du brevet demandé, rejette la demande. La marche à suivre durant l’examen, notamment dans les cas où il peut donner lieu à un rejet sous le régime de l’article 40 de la Loi, est exposée aux paragraphes 30(3) à 30(6) des Règles. Si, au cours de l’examen, l’examinateur et le demandeur se heurtent à une impasse, une décision finale peut être rendue, laquelle, aux termes du paragraphe 30(4) des Règles :

 

signale les irrégularités non corrigées et exige que le demandeur modifie la demande pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles ou fasse parvenir des arguments justifiant le contraire, dans les six mois qui suivent ou, sauf pour lapplication de la partie V, dans le délai plus court déterminé par le commissaire en application de lalinéa 73(1)a) de la Loi.

 

[17]  Si, par suite de la réponse à la décision finale, l’examinateur « a des motifs raisonnables de croire [que la demande] est conforme à la Loi et aux présentes règles », le commissaire avise le demandeur que le refus est annulé et que la demande a été jugée acceptable, et lui demande de verser la taxe finale; voir le paragraphe 30(5) des Règles.

 

[18]  Le paragraphe 30(6) des Règles porte que, lorsque le refus n’est pas annulé :

 

le commissaire en fait la révision et le demandeur se voit donner la possibilité de se faire entendre.

 

[19]  La présente question en litige tourne autour de l’interprétation à donner aux paragraphes 30(4) à 30(6) des Règles et de l’effet de la décision Belzberg sur ces dispositions.

 


Analyse

 

[20]  Dans ses observations écrites adressées à la Commission aussi bien quà laudience, la demanderesse a axé son argumentation sur deux aspects de la procédure de demande :

 

[TRADUCTION]

 

1) Les irrégularités énumérées dans une décision finale, selon le paragraphe 43 de Belzberg, « sont exhaustives et constituent plus quun simple échantillonnage »; par conséquent, il nest pas prévu quon puisse invoquer dautres irrégularités de la demande une fois établie la décision finale (cest‑à‑dire que ni la CAB ni le commissaire nont compétence pour examiner des questions postérieures à la décision finale).

 

2) Par suite de la neutralisation des objections élevées dans la décision finale, le commissaire doit accepter la demande, puisquil nexiste pas de dispositions sous le régime desquelles décider le sort de celle‑ci en fonction dautres questions, encore une fois selon Belzberg.

 

[21]           Nous ferons dabord observer que les faits de Belzberg peuvent être distingués de ceux de la présente affaire. Dans Belzberg, une décision du commissaire avait été rendue sur la base des irrégularités non corrigées, après quoi linstruction sétait poursuivie. La Cour a expliqué que la poursuite de linstruction reposait sur un problème survenu pendant les examens antérieurs qui na pas été dévoilé dans le rapport de la décision finale et qui na pas été pris en compte par la CAB (Belzberg, paragraphe 26). En outre, la juge Simpson a refusé de renvoyer la demande pour complément dexamen au motif qu aucun élément de preuve ne démontre que la CAB ou un examinateur a recommandé que de nouveaux éléments soient soumis à une enquête (Belzberg, paragraphe 46).

 

[22]           Dans la présente espèce, au contraire, la question de lévidence sest posée non pas après une décision du commissaire, mais du fait de modifications apportées par la demanderesse en réponse à la décision finale. Comme nous le disions plus haut, lorsque lexaminatrice a notifié le problème à la Commission, la demanderesse en a été avisée et sest vu offrir la possibilité de répondre avant que la Commission nadresse une recommandation au commissaire. Le problème nétait donc pas « survenu pendant les examens antérieurs », puisque les caractéristiques ajoutées par les modifications ne figuraient pas auparavant dans les revendications. Lexaminatrice et la Commission, avant laudience devant celle‑ci, ont clairement défini le problème comme un « nouvel élément à soumettre à une enquête ».

 

[23]           Selon le paragraphe 30(4) des Règles, le demandeur à qui est signifiée une décision finale dispose de six mois pour modifie la demande pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles ou fasse parvenir des arguments justifiant le contraire. Cependant, le Bureau des brevets na pas de pouvoir sur le contenu des modifications proposées, si ce nest celui de relever plus tard tous problèmes quelles susciteraient, ainsi quil la fait en loccurrence.


 

[24]  La demanderesse, conformément à son premier argument cité plus haut, soutient que la décision Belzberg a pour conséquence que “les irrégularités non corrigées” à signaler dans la décision finale selon le paragraphe 30(4) des Règles ont un caractère exhaustif. Selon cette interprétation, une fois établie la décision finale, le Bureau des brevets n’a pas compétence pour soulever de nouvelles questions, quel que soit le contenu de la réponse à ladite décision.

 

[25]           Il faut reconnaître quune telle interprétation pourrait se concevoir à la lecture des réflexions formulées par la juge Simpson, en particulier aux paragraphes 41 à 43, sur lesquels la demanderesse a attiré lattention dans ses observations écrites et à laudience. La juge Simpson sexprime dans les termes suivants au paragraphe 41:

 

Jestime toutefois que la condition exigeant que les décisions finales énumèrent « toutes » les irrégularités non corrigées nest pas indûment onéreuse ou contraire à lesprit et à lintention du régime de brevets. Le processus canadien de demande de brevets peut être assez long et incertain, tel quil ressort de la présente affaire. Dans ce contexte, jestime quil est raisonnable daccorder au mot « finale » son sens ordinaire. Lorsquune demande qui peut éventuellement donner ouverture à une audience est transmise, il est raisonnable de conclure que la CAB serait saisie de toutes les questions non corrigées.

 

[26]           De même, le paragraphe 43 porte ce qui suit :

 

À mon avis, le terme « non corrigées » dans la disposition modifiée donne à penser que les irrégularités énumérées dans une décision finale sont exhaustives et constituent plus quun simple échantillonnage. Cette interprétation est non seulement conforme à lobjet et à lintention du régime, mais elle donne aussi à la modification tout son sens.

 

[27]           La « disposition modifiée » dont parle la juge est le paragraphe 30(4) de la version actuelle des Règles, en tant quil remplace le paragraphe 47(2) de leur version antérieure.

 

[28]  Dans l’affaire Belzberg, contrairement à ce qui est le cas dans la présente, les modifications apportées en réponse à la décision finale n’avaient pas donné lieu à de nouvelles objections, de sorte que la juge Simpson avait à se prononcer sur une situation de fait très différente.

 

[29]  De plus, la juge Simpson n’entendait pas selon nous attribuer une valeur absolue à ses remarques, et nous ne croyons pas que l’interprétation qu’en propose la demanderesse s’accorde avec les intentions des auteurs des dispositions régissant l’examen. Afin de montrer pourquoi il en est ainsi, nous aimerions d’abord citer certains aspects de la présente espèce comme exemples des conséquences que comporte la thèse de la demanderesse.


 

[30]  L’examinatrice a rendu une décision finale en se fondant sur les revendications alors au dossier, qui étaient identiques aux revendications en instance au moment du rapport précédent du Bureau. Dans ce contexte, les seules irrégularités non corrigées se rapportaient à la nouveauté des revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13, que l’examinatrice estimait détruite par une antériorité de toutes pièces. L’appréciation de la nouveauté et de l’évidence est centrée sur les revendications, et non sur l’ensemble de ce que décrit la demande. La demanderesse a répondu à la décision finale en modifiant les revendications de manière à y ajouter une caractéristique divulguée dans la demande, mais qui ne figurait auparavant dans aucune revendication. Comme cette caractéristique n’avait pas été revendiquée auparavant, on n’avait pas apprécié la brevetabilité des revendications en fonction d’elle. L’examinatrice, saisie des revendications ainsi modifiées, a effectué une nouvelle recherche d’antériorités qui l’a amenée à conclure que, bien que présentant le caractère de la nouveauté, ces revendications n’en étaient pas moins évidentes.

 

[31]  Si l’on adoptait l’interprétation de Belzberg proposée par la demanderesse, l’examinatrice, la Commission et le commissaire seraient tenus, étant donné la nouveauté des revendications modifiées (présentées pour la première fois au Bureau), d’accepter la demande de brevet sans avoir jamais pleinement apprécié la brevetabilité de ces revendications. Or il n’est pas possible que les auteurs des Règles aient prévu l’acceptation d’un objet revendiqué non préalablement examiné, et nous ne pensons pas non plus que telle était l’intention de la Cour dans Belzberg. Une telle interprétation entrerait en conflit avec l’article 27 de la Loi, qui exige que soient remplies « les autres conditions » (auxquelles est subordonnée la concession du brevet), y compris donc la condition de non-évidence que pose l’article 28.3.

 

[32]           On peut donner comme autre exemple de l’effet de l’interprétation proposée par la demanderesse le cas où, en réponse à une décision finale, le demandeur neutralise les objections qui y sont formulées, mais ajoute de nouveaux éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins, contrairement à l’article 38.2 de la Loi. Si l’on retenait l’interprétation de la demanderesse, il faudrait accepter une telle demande sans que cette nouvelle irrégularité puisse faire l’objet d’un examen de la part de l’examinateur, de la Commission ou du commissaire.

 


[33]           Même si le critère dacceptation des modifications apportées en réponse à une décision finale était la bonne foi de la réponse au sens de lalinéa 73(1)a) de la Loi, comme la demanderesse la soutenu à laudience, cela nempêcherait pas les cas susdits de se produire. Le fait pour lexaminateur dalléguer ladjonction de nouveaux éléments ne lautoriserait pas en soi à conclure à la mauvaise foi de la réponse, mais il sen trouverait fondé à affirmer ne pas avoir de motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi et aux Règles, comme il doit en avoir selon le paragraphe 30(5) des Règles pour annuler un refus et éviter la révision par le commissaire que prévoit le paragraphe 30(6) des mêmes Règles.

 

[34]           La demanderesse a fait remarquer que, dans Belzberg, la juge Simpson a eu recours au  chapitre 21 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB) pour éclairer la portée de la procédure relative à la décision finale (Belzberg, paragraphes 11, 24 et 25). Le passage pertinent du RPBB est ainsi rédigé :

 

Le rapport d'une décision finale doit traiter en détail de toutes les raisons pour lesquelles la demande est considérée comme irrégulière. La procédure d'appel est limitée aux questions traitées dans la décision finale. L'examinateur ne pourra plus soulever des objections qu'il aurait manqué d'indiquer dans sa décision finale. De même, le demandeur ne pourra plus modifier sa demande, sauf pour effectuer tout changement requis dans la décision du commissaire sur la brevetabilité du cas.

 

[35]           Le Bureau des brevets a pour pratique générale, comme le montre cet extrait du RPBB, de traiter toutes les irrégularités non corrigées dans le rapport de la décision finale, ce quil a fait dans la présente espèce relativement aux revendications alors en instance. Ce passage expose les obligations de lexaminateur dans le cadre de la décision finale, quil rend lorsque les discussions se sont heurtées à une impasse indubitable. Cependant, sil est vrai que ce paragraphe porte que lexaminateur ne pourra plus soulever des objections qu'il aurait manqué d'indiquer dans sa décision finale, il na pas pour objet de régler le cas où le demandeur, par les modifications quil apporte en réponse à la décision finale, introduit de nouvelles irrégularités dans la demande de brevet.

 

[36]  La demanderesse a soutenu à l’audience qu’elle ne devrait pas avoir à s’exprimer pour la première fois devant la Commission sur une irrégularité constatée dans sa demande, étant donné que les modifications envisageables de celle‑ci se limitent alors à ce que le commissaire pourrait exiger sous le régime de l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets. (La demanderesse a même fait valoir que de telles modifications n’étaient pas possibles étant donné Belzberg, question que nous traiterons plus loin.) Il est vrai que le demandeur n’a pas le droit de modifier la demande, sauf sur l’ordre du commissaire, une fois que le dossier a été porté devant ce dernier pour révision. Cependant, comme le faisait observer la juge Simpson au paragraphe 25 de Berlzberg, la décision finale est censée mener à une décision sur la demande de brevet, de sorte que les étapes qui suivent ne peuvent équivaloir à celles de l’instruction normale des demandes. On rend une décision finale en cas d’impasse, lorsque le demandeur a déjà eu la possibilité de prendre des mesures à l’égard d’irrégularités déterminées, comme dans la présente espèce, où l’on a cité la même irrégularité trois fois avant de prononcer une telle décision.


 

[37]           Le deuxième argument de la demanderesse se rapporte aux conséquences de létablissement dune décision finale. Selon cet argument, rappelons-le, comme sont levées toutes les objections formulées dans la décision finale (ce que ne contestent ni lexaminatrice ni la Commission) et comme ce sont là les seules que lexaminatrice, la Commission ou le commissaire puissent examiner, la demande doit donner lieu à la concession du brevet, conformément à la décision Belzberg telle que linterprète la demanderesse.

 

[38]  La juge Simpson écrit ce qui suit au paragraphe 44 de Belzberg :

 

Jestime quil ressort nettement du RPBB, du libellé de larticle 30, de léconomie de la Loi et de la modification apportée à la disposition relative à la « Décision finale » quune décision finale a pour objet de trancher une demande de brevet. Autrement dit, le commissaire doit rendre lune des deux décisions suivantes à lissue dune audience de la CAB :

 

i)          rejeter la demande de brevet en application de larticle 40 de la Loi si la CAB conclut que les prétendues irrégularités sont fondées;

 

ii)         accorder le brevet en vertu de larticle 27 de la Loi.

 

[39]           Daprès linterprétation de la demanderesse, ce passage signifie que, comme elle a levé toutes les objections formulées dans la décision finale, le commissaire doit rendre la décision (ii), cest‑à‑dire accorder le brevet, conformément à larticle 27 de la Loi. Ce paragraphe de Belzberg, lu isolément, pourrait donner à penser que les seules possibilités qui soffrent au commissaire après une audience de la Commission sont le rejet de la demande ou la concession du brevet, mais ici encore, il faut examiner les observations de la juge Simpson à la lumière des faits de lespèce. Dans Belzberg, la question ne se posait pas de savoir si certaines des revendications étaient acceptables et dautres pas, de sorte que le commissaire navait aucune raison de prendre dautre mesure que le rejet de la demande ou la concession du brevet.

 


[40]           Selon l’alinéa 31c) des Règles, le rejet de la demande et la concession du brevet ne sont pas les seules voies ouvertes à la suite d’une audience devant la Commission. Cet alinéa prévoit en effet la possibilité pour le commissaire d’exiger dans sa décision que le demandeur apporte des modifications déterminées afin de rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles. Il est vrai que cette directive pourra éventuellement conduire au rejet de la demande ou à la concession du brevet, selon la manière dont le demandeur y répondra, mais elle n’en reste pas moins une troisième conséquence possible de l’audience qui donnera lieu à la décision du commissaire. Cette troisième possibilité est définie dans les termes suivants au paragraphe 21.07 du RPBB, qui prévoit les mesures que peut prendre le commissaire après réexamen de la conclusion de la Commission :

 

[...]

(c)        Dans le cas où il faut apporter des modifications pour respecter la Loi ou les Règles, il avisera le demandeur des modifications nécessaires et leurs raisons et lui accordera trois mois pour apporter ces modifications. Si le demandeur ne se conforme pas, sa demande sera rejetée en vertu de l'article 40 de la Loi sur les brevets

 

[41]           La demanderesse a soutenu à laudience que la possibilité énoncée à lalinéa que nous venons de citer se trouve désormais exclue du fait de Belzberg. Or la juge Simpson, aux paragraphes 12 et 13 de cette décision, rapporte des passages du RPBB qui citent lalinéa 31b) des Règles, mais elle ne fait pas mention de leur alinéa 31c) et ne donne aucune indication que cette disposition ne serait plus applicable selon elle. Cela étant, nous ne pensons pas quelle avait lintention dexclure cette troisième possibilité.

 

[42]  Dans la présente espèce, contrairement à ce qui était le cas dans Belzberg (voir le paragraphe 2 de cette décision), il ne s’agit pas de savoir si l’on peut reprendre l’examen après une décision finale. La situation qui nous occupe consiste plutôt en ce que l’examinatrice, sous le régime du paragraphe 30(6) des Règles, ne pouvait annuler son refus selon leur paragraphe 30(5), au motif qu’elle ne croyait pas que la demande était conforme à la Loi et auxdites Règles.

 

[43]  Les considérations qui précèdent nous amènent à conclure que les passages de Belzberg invoqués par la demanderesse doivent s’interpréter dans le contexte des faits de cette affaire, et que le commissaire a compétence pour examiner la question de l’évidence dans la présente espèce. En fait, le commissaire a non seulement le droit, mais aussi l’obligation, d’examiner la question de l’évidence dans le dossier considéré, étant donné la responsabilité que lui assigne le paragraphe 27(1) de la Loi.

 

 

Les observations présentées par la demanderesse après laudience

 

[44]  Par lettre en date du 14 juillet 2011, la demanderesse a présenté à la Commission d’appel des brevets des observations écrites supplémentaires, auxquelles elle a joint une copie de la décision de la Cour fédérale du Canada Bartley c. Canada (Commissaire aux brevets), 2011 CF 873, rendue le 12 juillet 2011. La demanderesse a en particulier attiré l’attention de la Commission sur le paragraphe 80 de cette décision, ainsi rédigé (c’est la demanderesse qui souligne) :

 


Jestime, comme la juge Simpson la conclu dans Belzberg, précitée, quune décision finale doit, comme son nom lindique, être effectivement finale. Lexaminateur est tenu de soulever explicitement toutes les questions qui exigeront lattention du demandeur de brevet et, le cas échéant, celle de la Commission et du commissaire. Il nest prévu nulle part quil puisse mettre de côté pour plus tard, ou laisser « en suspens », certaines questions.

 

[45]           Nous avons déjà réfuté cet argument (voir notamment les paragraphes 22, 30 et 35) en distinguant les faits de la présente espèce de ceux de Belzberg et nous ne voyons aucune raison de développer ce sujet plus longuement.

 

[46]  Ayant ainsi répondu par la négative à la première question en litige, nous passons maintenant à la question de l’évidence.

 

LÉVIDENCE

 

Les revendications en litige

 

[47]  Par souci de commodité, nous reproduisons ci-après les revendications problématiques :

 

[Traduction]

1. Un cathéter pouvant être positionné dans un vaisseau sanguin dun corps traversé par un flux sanguin, ledit cathéter comprenant :

un premier ballonnet gonflable au-delà dune paroi dudit cathéter;

un deuxième ballonnet gonflable au-delà dune paroi dudit cathéter;

lesdits premier et deuxième ballonnets étant espacés le long dudit cathéter pour générer un segment occlus dudit vaisseau sanguin entre lesdits premier et deuxième ballonnets, lorsque les ballonnets sont tous deux gonflés;

au moins une lumière de fenestration sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices ménagés dans ledit cathéter qui se trouve entre ledit premier ballonnet gonflable et ledit deuxième ballonnet gonflable;

un premier orifice dans ladite paroi dudit cathéter, ledit premier orifice étant positionné en amont, dans le sens dudit flux sanguin en provenance dudit premier ballonnet;

un deuxième orifice dans ladite paroi dudit cathéter, ledit deuxième orifice étant positionné en aval, dans le sens dudit flux sanguin en provenance dudit deuxième ballonnet;

une lumière à lintérieur dudit cathéter et comportant une première et une deuxième extrémités, ladite première extrémité étant raccordée audit premier orifice et ladite deuxième extrémité étant raccordée audit deuxième orifice pour définir une dérivation du sang dudit flux sanguin pour ponter ledit segment occlus desdits vaisseaux sanguins, espacés et positionnés de manière à faire passer une partie dudit sang de lamont dans le sens du flux sanguin à partir de ladite occlusion vers laval dans le sens du flux sanguin en provenance de ladite occlusion.


2. Un cathéter selon la revendication 1, dans lequel ledit premier ballonnet est situé en amont, dans le sens dudit flux sanguin en provenance dudit deuxième ballonnet.

4. Un cathéter selon la revendication 1, dans lequel ledit deuxième orifice définit un embout dudit cathéter.

9. Un cathéter pouvant être positionné dans un vaisseau sanguin dun corps, ledit cathéter comprenant :

un premier ballonnet et un deuxième ballonnet, espacés lun de lautre;

des moyens pour gonfler lesdits ballonnets à une paroi dudit vaisseau sanguin pour générer un segment occlus dans ledit vaisseau sanguin entre lesdits premier et deuxième ballonnets, lorsque les ballonnets sont tous deux gonflés;

une première lumière à lintérieur dudit cathéter, couplée audit premier ballonnet et débouchant à lintérieur de celui-ci pour le dilater et le contracter, et indépendante dudit deuxième ballonnet;

une deuxième lumière à lintérieur dudit cathéter, couplée audit deuxième ballonnet et débouchant à lintérieur de celui-ci pour le dilater et le contracter, et indépendante dudit premier ballonnet;

au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices ménagés dans une partie de la paroi dudit cathéter qui se trouve entre ledit premier ballonnet gonflable et ledit deuxième ballonnet gonflable;

une dérivation pour faire passer au moins une partie du sang de lamont dans le sens du flux sanguin dudit segment occlus vers laval dans le sens du flux sanguin dudit segment occlus.

10. Un cathéter selon la revendication 9, qui comprend en plus :

un premier orifice ménagé dans une paroi dudit cathéter en amont, dans le sens du flux sanguin à travers ledit vaisseau sanguin, en provenance dudit premier ballonnet;

un deuxième orifice ménagé dans ladite paroi dudit cathéter en aval, dans le sens dudit flux sanguin à travers ledit vaisseau sanguin, en provenance dudit deuxième ballonnet;

une troisième lumière à lintérieur de ladite paroi dudit cathéter, comportant une première et une deuxième extrémités, ledit premier orifice définissant ladite première extrémité de ladite troisième lumière et ledit deuxième orifice définissant ladite deuxième extrémité de ladite troisième lumière.

12. Un cathéter selon la revendication 10, dans laquelle ledit deuxième orifice définit une extrémité antérieure dudit cathéter.

13. Un cathéter pouvant être positionné dans un vaisseau sanguin dun corps traversé par un flux sanguin, ledit cathéter comprenant :

un premier ballonnet et un deuxième ballonnet, espacés lun de lautre le long dudit cathéter et gonflables au-delà dune paroi dudit cathéter à une paroi dudit vaisseau sanguin, pour générer un segment occlus dans ledit vaisseau sanguin entre lesdits premier et deuxième ballonnets, lorsque les ballonnets sont tous deux gonflés;

au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices ménagés dans une partie de la paroi dudit cathéter qui se trouve entre ledit premier ballonnet gonflable et ledit deuxième ballonnet gonflable;

un premier orifice dans ledit cathéter, en position adjacente audit premier ballonnet et en amont, dans le sens dudit flux sanguin en provenance dudit premier ballonnet;

un deuxième orifice dans ladite paroi dudit cathéter, en position adjacente audit deuxième ballonnet et en aval, dans le sens dudit flux sanguin en provenance dudit deuxième ballonnet;


une lumière à lintérieur dudit cathéter et comportant une première et une deuxième extrémités, ladite première extrémité étant raccordée audit premier orifice et ladite deuxième extrémité étant raccordée audit deuxième orifice pour définir une dérivation du sang dans ledit cathéter pour ponter ledit segment occlus dudit vaisseau sanguin, espacés et positionnés pour faire passer une partie dudit sang de lamont dans le sens du flux sanguin à partir de ladite occlusion vers aval dans le sens du flux sanguin en provenance de ladite occlusion.

 

Les principes juridiques applicables

 

[48]  L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions auxquelles une revendication peut être déclarée évidente :

 

28.3 Lobjet que définit la revendication dune demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans lart ou la science dont relève lobjet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus dun an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui linformation à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle quelle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle quelle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[49]           La Cour suprême a exposé dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265 [Sanofi], la marche à suivre pour apprécier lévidence, qui comprend maintenant les quatre étapes suivantes, avec la possibilité (non pertinente pour la présente espèce) dappliquer le critère de l’« essai allant de soi » à la quatrième :

 

1) a) Identifier la « personne versée dans l'art »;

     b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

2)     Définit l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

3)    Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

4)    Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

[50]           Le juge Rothstein, au paragraphe 65 de Sanofi, note que lexpression « allant de soi » signifie pour lui « très clair ». La Cour dappel fédérale a repris cette interprétation au paragraphe 29 de Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc, 2009 CAF 8, [2009] 4 RCF 223.

 

[51]  Dans une affaire comme la présente où l’on avance que l’invention est évidente au regard d’une combinaison d’antériorités, il convient de se rappeler les lignes directrices suivantes formulées par la juge Snider au paragraphe 254 de Laboratoires Servier c. Apotex Inc, 2008 CF 825, 67 CPR (4th) 241, conf. par 2009 CAF 222, 75 CPR (4th) 443 [Servier] :

 


Comme l'a reconnu Servier, il est possible de réunir une mosaïque de réalisations antérieures afin de faire en sorte qu'une revendication soit évidente. On suppose que même des techniciens non inventifs versés dans l'art lisent différentes revues professionnelles, participent à différents congrès et appliquent les enseignements tirés d'une source à un autre contexte ou qu'ils combineraient même les sources. Toutefois, ce faisant, la partie faisant valoir l'évidence doit être en mesure de montrer non seulement l'existence de réalisations antérieures, mais aussi la manière dont la personne normalement versée dans l'art aurait été amenée à combiner les éléments pertinents provenant de la mosaïque des réalisations antérieures.

 

Analyse suivant la démarche en quatre étapes de Sanofi

 

(1) a) La personne versée dans lart

 

[52]           Dans le résumé des motifs, l’examinatrice a défini la personne versée dans l’art comme étant [TRADUCTION] « une personne qui travaille dans le domaine des cathéters à ballonnets ». Cette définition na donné lieu à aucun commentaire de la part de la demanderesse. Bien que la définition exacte de la personne versée dans lart soit sans conséquence aux fins de la présente espèce, nous dirions de manière moins générale que cette personne est un médecin pourvu dexpérience dans lutilisation des cathéters à ballonnets et les procédures y afférentes, étant donné que lutilisateur typique dun tel dispositif serait un médecin.

 

(1) b) Les connaissances générales courantes pertinentes

 

[53]  L’examinatrice précisait dans le résumé des motifs présenté à la Commission que la personne versée dans l’art :

 

[Traduction]

saurait que la partie occluse dun vaisseau sanguin peut être traitée de diverses façons, par exemple par ladministration dun médicament ou par lenlèvement de la plaque à laide dune suspension.

 


[54]  Si elle a montré que les caractéristiques ci‑dessus étaient connues (comme le prouvent plusieurs des antériorités citées, que nous examinerons plus loin), l’examinatrice n’a pas établi qu’elles faisaient partie des connaissances générales courantes à la date de la revendication. Dans un cas ordinaire où le demandeur essaierait de réfuter sur le fond une objection d’évidence, l’instance révisionnelle pourrait considérer que le fait pour lui de ne pas relever une affirmation donnée de l’examinateur implique qu’il y souscrit. Cependant, comme on l’a vu plus haut, la demanderesse s’est ici refusée à répondre sur le fond à l’objection d’évidence au motif qu’elle estimait que l’examinatrice n’aurait pas dû invoquer cette irrégularité, et elle a bien précisé à l’audience qu’elle ne se prononçait ni pour ni contre les affirmations de l’examinatrice. C’était également la première fois que cette objection était élevée, la présente espèce n’ayant donc pas donné lieu à l’échange normal de points de vue entre examinateur et demandeur. Au vu de ces faits et comme la base des affirmations de l’examinatrice concernant les connaissances générales courantes n’est pas établie, la Commission se fondera sur la preuve produite devant elle pour délimiter ces connaissances.

 

[55]  Nous commençons par la présente demande. Ce que la demanderesse interprète comme étant des connaissances générales courantes dans ses observations sur l’art antérieur doit être considéré comme une déclaration contraignante (Merck & Co c. Pharmascience Inc, 2010 CF 510, au par. 8, 85 CPR [4e] 179). Aux pages 1 et 2, la demanderesse traite de cathéters antérieurs en général. Il est connu que ces dispositifs servent à contrôler le flux sanguin et/ou à isoler une partie du corps ou un organe lors d’une intervention médicale. On connaît également le modèle de cathéter à deux ballonnets espacés l’un de l’autre, qui sert à isoler un organe et/ou une partie du corps. La demanderesse ne divulgue pas l’administration de médicaments dans la zone occluse ni l’enlèvement de la plaque de cette zone comme s’agissant d’une méthode classique.

 

[56]  En ce qui concerne l’antériorité présentée par l’examinatrice, le brevet Wright, dans la partie portant sur le contexte, mentionne l’angioplastie par ballonnet en général, mais ne fait aucune allusion aux cathéters à deux ballonnets ni à l’administration d’une substance dans un segment occlus. L’enlèvement de la plaque à l’aide d’une suspension fait partie de l’invention divulguée par le brevet Wright et, par conséquent, nous n’aurions aucune raison de le considérer comme faisant partie des connaissances générales courantes.

 

[57]  Le brevet Forman porte également sur l’angioplastie classique par ballonnet, de même que sur l’administration, dans la partie touchée, d’agents pouvant réduire la resténose, par exemple l’héparine pour prévenir la coagulation et la dexaméthasone pour empêcher la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses. Le brevet révèle qu’il existe diverses techniques connues pour administrer des agents, comme les ballonnets « suintants » qu’on gonfle pour administrer un agent après une angioplastie. Il divulgue que les dispositifs sont connus et qu’ils comprennent une paire de ballonnets d’occlusion avec un ballonnet de dilatation situé entre les deux. Un canal d’administration de médicament est également prévu entre les ballonnets. Toutefois, on ignore si les modèles antérieurs particuliers invoqués dans le brevet Forman faisaient partie des connaissances générales courantes.

 


[58]  Dans le brevet Walker, l’angioplastie est encore une fois mentionnée en général, notamment l’utilisation de ballonnets de dilatation lors d’une telle intervention, qu’il s’agisse simplement d’ouvrir l’artère par dilatation ou de supprimer l’obstruction en retirant le ballonnet dilaté au‑delà de celle-ci. Le brevet traite de divers modèles de cathéters à ballonnets connus, notamment ce qui est décrit comme des cathéters classiques à deux ballonnets. Ces cathéters sont utilisés après une dilatation artérielle, les deux ballonnets servant de ballonnets d’occlusion, et ils comportent une lumière supplémentaire communiquant avec l’espace entre les ballonnets pour acheminer des liquides thérapeutiques vers une lésion. Il peut y avoir un autre ballonnet qui, lorsqu’il est gonflé, achemine la substance vers la lésion. Ce type de dispositif ressemble à ce qui a été décrit dans la partie contexte du brevet Forman. Toutefois, en l’espèce, cela est plus clairement considéré comme des connaissances générales.

 

[59]  Dans le brevet Ya, la discussion portant sur l’art antérieur divulgue trois techniques généralement connues de traitement d’une obstruction artérielle, notamment la recanalisation coronarienne transluminale percutanée (RCTP) qui consiste à injecter un agent thrombolytique (qui dissout le thrombus) à l’endroit de l’obstruction. Le brevet ne mentionne aucun modèle de cathéter classique connu.

 

[60]  En nous basant sur ce qui a été dit précédemment, notamment la propre analyse de l’art antérieur par la demanderesse, nous concluons que l’utilisation d’un cathéter à deux ballonnets pour traiter une obstruction dans un vaisseau sanguin faisait partie des connaissances générales courantes à la date de revendication. Il semble également que la technique consistant à acheminer des agents thérapeutiques vers la zone obstruée, comme l’a mentionné l’examinatrice, en utilisant un ballonnet unique à travers lequel l’agent thérapeutique circule et en l’acheminant vers l’espace entre deux ballonnets d’occlusion à travers une lumière, était bien connue. Toutefois, nous ne pouvons pas dire si l’utilisation d’une suspension, en particulier, pour enlever des dépôts de plaque, faisait partie des connaissance générales courantes.

 

[61]  Avant d’examiner les concepts inventifs des revendications, il ne serait pas inutile d’ajouter une observation sur les connaissances générales courantes. Nous ne voudrions pas nous voir attribuer la conclusion que, parce que nous n’avons pu établir l’appartenance aux connaissances générales courantes de certaines caractéristiques des antériorités citées, il serait interdit d’invoquer ces caractéristiques à l’appui d’une objection d’évidence. Même lorsqu’il est constaté que des caractéristiques données ne font pas partie des connaissances générales courantes, il reste possible de combiner les caractéristiques figurant dans une antériorité déterminée avec celles qui apparaissent dans une autre, à condition qu’on puisse montrer, pour reprendre les termes du passage précité de Servier, « la manière dont la personne normalement versée dans l’art aurait été amenée à combiner les éléments pertinents provenant de la mosaïque des réalisations antérieures ».


 

(2) Le(s) concept(s) inventif(s)

 

[62]           Pour nous reporter encore une fois au résumé des motifs, lexaminatrice y a défini comme suit le concept inventif des revendications (ou leur « idée originale », selon la terminologie de la Cour suprême) :

 

[Traduction]

un cathéter composé de deux ou de plusieurs ballonnets gonflables, qui sont actionnés individuellement et séparément, dun système de dérivation du sang pour retenir le flux sanguin à travers un vaisseau, tandis que le flux sanguin sécoulant en direction dune partie ou dune région prédéterminée du corps, ou en provenance de celui-ci, est arrêté ou isolé par les ballonnets du cathéter, et dune lumière comportant une pluralité dorifices pour administrer une substance dans la zone occluse entre les ballonnets.

 

[63]           L’énoncé de l’examinatrice semble être une idée originale qui combine les caractéristiques des revendications indépendantes 1, 9 et 13. Même si les revendications indépendantes, surtout les revendications 1 et 13, sont fort semblables, il existe certaines différences. En particulier, la revendication 9 comprend les première et deuxième lumières qui servent à dilater et à contracter séparément les premier et deuxième ballonnets, mais les revendications 1 et 13 ne font pas état d’une telle restriction. Dans le même ordre d’idées, les revendications 1 et 13 revendiquent la dérivation en détail, tandis que la revendication 9 porte sur une dérivation en général. Des revendications différentes peuvent présenter avoir, et présentement généralement, des idées originales différentes (voir Eli Lilly and Co c. Apotex Inc, 2009 CF 991, note 190, 80 CPR [4e] 1; voir également Pozzoli SpA c. BDMO SA, [2007] EWCA Civ 588 au par. 17, qui a inspiré lapproche en quatre étapes adoptée dans laffaire Sanofi).

 

[64]  Nous concluons que l’idée originale des revendications 1 et 13, en raison de leur similitude, peut être considérée comme étant la même. Nous l’énonçons comme suit :

 

[Traduction]

Un cathéter pouvant être positionné dans un vaisseau sanguin dun corps traversé par un flux sanguin, le cathéter comprenant :

- un premier et un deuxième ballonnets gonflables espacés le long du cathéter et qui, lorsquils sont gonflés, forment un segment occlus;

- au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices situés entre les premier et deuxième ballonnets;

- une dérivation définie par une lumière et les premier et deuxième orifices en amont et en aval des premier et deuxième ballonnets, respectivement, pour ponter le segment occlus afin de permettre le flux sanguin pendant le traitement.

 

[65]  Nous concluons l’idée originale de la revendication 9 s’énonce comme suit :

Un cathéter pouvant être positionné dans un vaisseau sanguin dun corps, qui comprend :


- un premier et un deuxième ballonnets espacés lun de lautre qui, lorsquils sont gonflés, forment un segment occlus, les ballonnets étant gonflés séparément et pouvant être contrôlés par les première et deuxième lumières;

- au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices situés entre les premier et deuxième ballonnets;

- une dérivation permettant le passage dune partie du flux sanguin à travers le segment occlus.

 

[66]  Les concepts inventifs des revendications dépendantes diffèrent des définitions qui précèdent par les caractéristiques qui ont été respectivement ajoutées à ces revendications.

 

3) Les différences entre l« état de la technique » et le(s) concept(s) inventif(s)

 

[67]           Dans la présente espèce, il nest pas nécessaire dexaminer en détail lenseignement de lantériorité la plus proche. Comme nous le disions plus haut, avant que laffaire ne soit portée devant la Commission, certaines revendications étaient irrégulières en ce que, selon lexaminatrice, elles étaient antériorisées par le brevet Wright. Le lecteur trouvera dans la décision finale une comparaison détaillée des revendications alors en instance avec la divulgation Wright. En réponse à la décision finale, la demanderesse na pas soutenu que les revendications qui se trouvaient au dossier au moment de cette décision étaient nouvelles, mais elle a plutôt essayé de distinguer du brevet Wright les revendications refusées en y ajoutant la limitation citée plus haut concernant la possibilité dinjecter et/ou dévacuer des liquides à travers le segment occlus.

 

[68]  Dans sa réponse en date du 1er juin 2009, la demanderesse a défini comme suit la différence entre les revendications modifiées et l’antériorité Wright (souligné dans l’original) :

 

[Traduction]

Le document Wright nenseigne pas la restriction « au moins une lumière sétendant vers lextrémité externe du cathéter et raccordée à une pluralité dorifices ménagés dans une partie de la paroi dudit cathéter qui se trouve entre ledit premier ballonnet gonflable et ledit deuxième ballonnet gonflable ». Au contraire, il enseigne lutilisation de lumières (60 et 62) comportant des ouvertures uniques ménagées dans la paroi du cathéter entre deux ballonnets gonflables.

[...]

À lopposé, la présente invention utilise des lumières comportant des ouvertures multiples (ou fenestrations) ménagées dans la paroi du cathéter entre deux ballonnets gonflables.

 

[69]           Comme on la vu plus haut, la demanderesse na pas proposé dautres observations concernant lobjection dévidence.

 


[70]  Au vu de ce qui précède, la seule différence entre, d’une part, la divulgation Wright, et d’autre part les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13, est que dans celles‑ci la lumière servant à administrer des substances dans la zone occluse comporte une pluralité d’orifices plutôt qu’un orifice unique.

 

(4) Ces différences constituent-elles des étapes évidentes?

 

[71]  Avant d’examiner les arguments avancés par l’examinatrice pour établir l’évidence, qui font appel au brevet Wright combiné à d’autres antériorités, la Commission fait observer que la demanderesse, dans sa réponse en date du 1er juin 2009 à la décision finale, a contesté la citation de l’antériorité Wright au regard des modifications apportées, en particulier sous le rapport de l’utilisation de lumières pour administrer l’agent thérapeutique, telle que cette antériorité la divulgue. Nous examinerons donc d’abord la pertinence de l’antériorité Wright comme base de l’argumentation considérée tendant à établir l’évidence. Dans la réponse susdite, la demanderesse formulait les observations suivantes (souligné dans l’original) :

 

[Traduction]

Le document Wright enseigne lutilisation de lumières (60 et 62) comportant des ouvertures uniques ménagées dans la paroi du cathéter entre deux ballonnets gonflables. Cela est dautant plus vrai quil enseigne que la suspension devrait être appliquée 1) de façon localisée; et 2) à une vitesse relativement élevée par rapport au dépôt de plaque enlevé (voir Wright, colonne 3, lignes 3 à 11). À lopposé, la présente invention utilise des lumières comportant des ouvertures multiples (ou fenestrations) ménagées dans la paroi du cathéter entre deux ballonnets gonflables. Le document Wright séloigne dune telle disposition, puisque lutilisation dune lumière comportant des ouvertures multiples dans la paroi du cathéter entraînerait à la fois 1) une perte de la capacité de localiser lapplication de la suspension à une zone particulière de la sténose vasculaire; et 2) une réduction de la pression du liquide de suspension puisquil émergerait des ouvertures multiples de la paroi du cathéter. Il est donc soutenu que les revendications 1, 9 et 13 (et les revendications dépendantes sy rattachant), modifiées, ne sont pas antériorisées ni rendues évidentes par le document Wright.

 

[72]  Le document Wright divulgue un cathéter à deux ballonnets dans lequel des lumières sont prévues pour administrer une suspension abrasive dans le segment occlus afin d’enlever un dépôt de plaque, et pour retirer de ce segment occlus le mélange suspension/plaque qui en résulte (voir col. 3, lignes 3 à 11, cité par la demanderesse dans la réponse du 1er juin 2009). Les liquides entrants et sortants permettent d’éliminer la plaque accumulée. Toutefois, comme il est indiqué à la colonne 3, lignes 6 à 11 :

 

La partie du vaisseau ayant le dépôt de plaque le plus prononcé, donc la section découlement la plus étroite, sera soumise à la vitesse maximale découlement du liquide, ce qui se traduira par une forte action abrasive et une élimination rapide de la plaque à cet endroit.

 


[73]  Selon le passage précédent, ce n’est pas l’injection directe de la suspension abrasive à partir de l’orifice de sortie vers le dépôt qui cause l’abrasion à haute vitesse, mais plutôt le fait que ce dépôt entraîne une constriction du vaisseau sanguin. Cette constriction provoque une baisse de la pression dans la zone de la section transversale rétrécie et une augmentation correspondante de la vitesse. Comme le divulgue le document Wright, c’est la vitesse élevée correspondante de la suspension abrasive à travers la section rétrécie qui permet une plus forte élimination de la plaque, et non la direction localisée d’un jet de suspension vers le dépôt de plaque, comme le soutient la demanderesse. Notre interprétation est également compatible avec la figure 3 du document Wright, qui montre que les orifices d’entrée situés dans la zone occluse éjectent la suspension de façon qu’elle n’atteigne pas directement le dépôt de plaque. Même si, plus loin, à la colonne 4, lignes 30 à 34, le document Wright indique que cette suspension est éjectée contre la partie sténosée, nous interprétons cette déclaration en tenant compte à la fois de la figure 3 et des énoncés à la colonne 3, lignes 6 à 11.

 

[74]  Puisque, dans le document Wright, l’utilisation d’un orifice unique a strictement pour but d’administrer l’agent thérapeutique dans le segment occlus, nous ne croyons pas que Wright s’écarte d’une réalisation où une pluralité d’orifices est prévue. Compte tenu de ce qui précède, nous examinerons la question de savoir si les revendications rejetées auraient été évidentes à la lumière de la combinaison d’antériorités présentées par l’examinatrice.

 

[75]           Au soutien de sa position selon laquelle les revendications modifiées 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 auraient été évidentes, lexaminatrice a cité les antériorités Forman, Walker et Ya. Ces documents sont cités pour montrer que la modification du dispositif de Wright visant à inclure « une pluralité dorifices » pour administrer un agent thérapeutique dans le segment occlus aurait été une modification évidente, étant donné quil se serait sagit dune variation bien connue.

 

[76]  Dans le résumé des motifs présenté à la Commission, l’examinatrice a déclaré ce qui suit :

 

[Traduction]


Dans lart des cathéters à ballonnet, linclusion dorifices multiples pour administrer une substance entre deux ballonnets docclusion est bien connue, comme lenseignent Forman (p. 18, lignes 11 à 21 et fig. 5, réf. 88), Walker et al. (réf. 54) et Ya (réf. 4, col. 5, lignes 34 à 39). Soulignons quil existe beaucoup dinterventions thérapeutiques connues pouvant être pratiquées sur une section occluse dun vaisseau sanguin au moyen dun cathéter, par exemple ladministration dun médicament ou lintroduction dune suspension pour éliminer la plaque. Lintervention précise qui est pratiquée ne modifie en rien les caractéristiques structurelles des ballonnets docclusion et de la dérivation du sang, qui sont tous les deux nécessaires pour maintenir le flux sanguin à travers le vaisseau durant  nimporte quel type de traitement. Par conséquent, linclusion dune pluralité dorifices entre les ballonnets est réputée être une variante de conception évidente pour une personne versée dans lart.

 

[77]  En ce qui concerne les antériorités citées par l’examinatrice, le document Forman divulgue un cathéter d’apport de médicament par dilatation qui comprend une partie de dilatation (20) servant à dilater une sténose, et une partie d’apport de médicament (50), laquelle sert à libérer à l’endroit de la dilatation des agents thérapeutiques comme des agents antithrombolytiques (p. ex. de l’héparine) ou des agents antiprolifératifs (p. ex. de la dexaméthasone) (voir p. 5‑6 et fig. 1). La partie d’apport de médicament ressemble beaucoup à celle du cathéter de la présente demande, en ce sens que le dispositif comporte deux ballonnets d’occlusion (58, 60) servant à isoler une zone. Une lumière d’apport de médicament (54) achemine le médicament vers le segment occlus grâce à une pluralité d’orifices (56) (de préférence, entre 2 et 20). Comme il est mentionné à la page 6, une pluralité d’orifices est de préférence prévue pour assurer un apport adéquat du médicament au segment occlus. Toutefois, il n’est pas exclu qu’un orifice unique soit tout de même suffisant. Le document Forman divulgue également la présence d’orifices de perfusion (88) à travers un manche de cathéter interne raccordé à une lumière centrale (64) qui permet de dériver le flux sanguin à travers l’endroit occlus, tout comme la présente demande.

 

[78]  Le document Walker divulgue également un cathéter à deux ballonnets qui comprend un ballonnet de dilatation (46) et un ballonnet d’occlusion (58) (voir figure 1). Ce cathéter fonctionne dans les deux modes, dilatation et occlusion; toutefois, en mode occlusion, les deux ballonnets sont gonflés pour former un segment occlus autour d’une lésion, comme dans la présente demande. En outre, en raison de son double mode de fonctionnement, ce cathéter permet aussi le gonflement séparé des ballonnets, comme dans la présente revendication 9. Le cathéter comprend, entre les ballonnets, une section d’administration perforée (52) raccordée à la lumière (56) à travers laquelle un liquide thérapeutique est acheminé vers le segment occlus du vaisseau sanguin. La section (52) comporte plusieurs perforations (54).

 

[79]  Le document Ya divulgue une méthode et un appareil destinés à retirer par voie percutanée un thrombus (obstruction) d’un vaisseau sanguin. L’appareil, tout comme l’invention revendiquée par la demanderesse, comprend un cathéter muni de deux ballonnets (2, 7) qui, lorsqu’ils sont tous les deux gonflés, forment un segment occlus. Un agent antithrombolytique est ensuite éjecté par des trous d’écoulement pour dissoudre le thrombus (4). Comme il est divulgué à la colonne 5, lignes 37 à 39, il est préférable de prévoir plusieurs trous, mais un seul peut suffire. Les trous d’écoulement sont situés entre les deux ballonnets, lesquels sont également gonflables séparément, comme ceux de la présente revendication 9 (voir col. 7, lignes 28 à 30).


 

[80]  Chacune des antériorités Forman, Walker et Ya montre un cathéter à deux ballonnets formant un segment occlus, jumelé à un système d’injection d’agents thérapeutiques disposé entre les ballonnets. Ce système d’injection comprend une lumière qui achemine l’agent vers une pluralité d’orifices situés entre les ballonnets gonflés pour reperméabiliser un vaisseau sanguin, qu’il s’agisse d’un agent antithrombolytique, d’un agent antiprolifératif ou de tout autre agent thérapeutique. Bien que le document Forman soit le seul à divulguer une dérivation du sang, comme dans l’invention revendiquée, n’oublions pas que ces antériorités n’ont pas été citées dans le but de révéler l’absence de nouveauté des revendications, mais pour étayer l’argument selon lequel la différence entre le document Wright et les idées originales des revendications aurait été évidente.

 

[81]  Les trois documents à l’appui illustrent des réalisations où, à l’aide d’un cathéter à deux ballonnets destiné à administrer un agent thérapeutique dans un segment occlus, l’agent peut être éjecté dans la zone occluse à partir d’une pluralité d’orifices, par opposition à un orifice unique, comme il est indiqué dans le document Wright. Soulignons que ce dernier ne mentionne pas précisément la configuration des orifices desquels l’agent thérapeutique est éjecté dans la zone occluse. Même s’il s’agit vraisemblablement d’un orifice unique selon les figures ci‑jointes, rien n’indique une telle restriction. Ainsi, comme nous l’avons déjà mentionné, le document Wright n’a pas besoin, à notre avis, de la réalisation d’un orifice unique pour bien fonctionner.

 

[82]           Comme le montrent les antériorités Forman, Walker et Ya, étant donné que l’utilisation d’une pluralité d’orifices pour administrer un agent thérapeutique dans un segment occlus d’un cathéter à deux ballonnets était connue, nous concluons que le choix de le faire aurait été évident. Toutes les antériorités citées portent sur des dispositifs très semblables dont la personne versée dans lart aurait eu connaissance, après une recherche diligente dantériorités pertinentes (voir Bristol‑Myers Squibb Canada Co c. Novopharm Ltd, 2005 CF 1458, au par. 77, 43 CPR (4e) 433). Lutilisation dun ou de plusieurs orifices constituait des solutions connues à la lumière de ces antériorités et de lantériorité Wright, comme il est très clair dans les documents Forman et Ya, dans lesquels on indique quil peut être préférable dutiliser une pluralité dorifices, mais quun seul peut être suffisant. Forman divulgue également une grande variation dans le nombre dorifices (entre 2 et 20). Comme nous lavons souligné précédemment, nous ne voyons aucune raison précise pour lutilisation dun seul orifice.

 


[83]  À la lumière de tout ce qui précède, nous ne croyons pas que la modification consistant à prévoir une pluralité d’orifices plutôt qu’un orifice unique pour administrer un agent thérapeutique dans un segment occlus, si elle ne présente pas certains avantages inattendus – avantages que nous n’observons pas ici –, constitue une idée originale. Au vu des précisions apportées dans Servier, nous considérons que la personne versée dans l’art, compte tenu de l’art antérieur, aurait été orientée vers la possibilité d’utiliser un ou plusieurs orifices, leur nombre précis étant fonction de l’application particulière du cathéter.

 

[84]           Nous concluons en conséquence au caractère évident des revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13.


RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

 

[85]  Par les motifs qui précèdent, la Commission recommande :

 

1)   que soit confirmée la conclusion de l’examinatrice selon laquelle les revendications 1, 2, 4, 9, 10, 12 et 13 sont évidentes;

2)   que la demanderesse soit informée, sous le régime de l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes, et seulement les modifications suivantes, sont nécessaires pour que la demande soit conforme à la Loi sur les brevets et auxdites Règles :

 

l’incorporation respective des caractéristiques des revendications dépendantes 3, 11 et 14 dans les revendications indépendantes 1, 9 et 13, la suppression en conséquence des revendications 3, 11 et 14, l’adaptation en conséquence de la numérotation d’ensemble des revendications et la modification en conséquence des renvois que comportent les autres revendications dépendantes.

 

 

 

Stephen MacNeil         Paul Fitzner       Andrew Strong

Membre                  Membre             Membre

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

[86]  Je souscris aux conclusions et recommandations de la Commission d’appel des brevets. Par conséquent, j’invite la demanderesse à apporter à sa demande de brevet les modifications formulées ci‑dessus, et seulement elles, dans les trois mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi je rejetterai cette demande.

 

 

 

 

 

Sylvain Laporte

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 7 septembre 2011

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