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             RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

 

C.D. 1303 Demande no. 592,567

 

La demande en cause a été refusée par l'examinateur en vertu de l'article 2 de la Loi sur les

brevets parce qu'elle contient des revendications dont l'utilité ne pouvait être valablement prédite

et aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets parce qu'elle contient des

revendications visant un résultat souhaité.

 

Le commissaire aux brevets souscrit aux recommandations de la Commission, à savoir que la

demande soit acceptée à la condition qu'une modification précise soit effectuée et sous réserve

d'un examen des conflits potentiels aux termes de l'article 43 de la Loi sur les brevets dans sa

version antérieure au 1er octobre 1989.

 

 

 

 

 

 

 


         

 

 

                                                       

 

         

 

 

                  BUREAU DES BREVETS DU CANADA

                               

                               

               DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

Le rejet de la demande de brevet no 592,567 en vertu du paragraphe 30(3) de la Loi sur les

brevets a été révisé. Le rejet a été étudié par la Commission d'appel des brevets et par le

Commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire sont

les suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse :

 

Kirby Eades Gale Baker

C.P. 3432, Succursale D

Ottawa (Ontario)

K1P 6N6
Introduction

 

[1]  La présente décision porte sur une demande de révision par la commissaire aux brevets de

la décision finale de l'examinateur rendue le 19 juin 2006 relativement à la demande de brevet

592,567 qui avait été déposée le 2 mars 1989 pour une invention intitulée Supraconductivité

dans un système à base d'oxydes sans terre rare. L'inventeur est Ching-Wu Chu et le

titulaire actuel est l'University of Houston.

 

Aperçu de la technologie

 

[2]  L'invention porte sur des compositions multiphasiques d'oxydes métalliques pouvant être

supraconductrices à une température de 77 oK ou plus. Cela permet une perte de résistance

électrique obtenue par refroidissement par azote liquide plutôt que par hélium liquide, un

cryogène beaucoup plus coûteux, ce qui explique leur appellation de supraconducteurs « haute

température ». Les matériaux sont des céramiques principalement du type BCSCO (Bismuth

Calcium Strontium Cuivre Oxyde). Comme cela sera expliqué en détail ci-après, les oxydes

supraconducteurs décrits dans la présente demande peuvent être représentés par la formule

nominale M*aA*bOy (défini ci-après). Des matériaux similaires, mais comportant un élément de

terre rare, étaient déjà connus; or, la présente invention cherche à éviter le coût plus élevé

qu'entraîne leur fabrication avec un tel élément.

 

[3]  Le domaine des supraconducteurs haute température est complexe et ultra spécialisé. En

règle générale, un supraconducteur consiste en un matériau pour lequel il existe une température

critique (Tc)  à laquelle il devient supraconducteur, affichant une résistance électrique nulle et

expulsant le champ magnétique de son intérieur (effet Meissner). En ce qui a trait à la présente

décision, la résistance électrique nulle est le facteur principal permettant de qualifier un matériau

de supraconducteur puisqu'il s'agit du phénomène le plus pertinent eu égard aux revendications et

à ce qui est mentionné dans la divulgation. Par conséquent, pour notre propos, les termes

« supraconducteur », « température critique », « Tc » et « résistance électrique nulle » sont

utilisés essentiellement de manière interchangeable dans le sens où ils dénotent tous l'absence de

résistance électrique des matériaux lorsque ceux-ci sont amenés sous ladite température.

 

[4]  Il convient également de préciser ce que signifient les termes « formules nominales »

(formules empiriques) et « compositions nominales », c'est-à-dire les formules utilisées pour

représenter les compositions de la manière habituelle. Force est de reconnaître que, en l'espèce,

les formules nominales représentent des compositions nominales qui sont, elles aussi, une

généralisation de nombreux solides multiphasiques. Une « phase » peut être définie comme étant

un moment au sein d'un matériau durant lequel ce dernier est uniforme sur les plans de sa

composition chimique et de son état physique; ainsi, des phases séparées sont différentes

chimiquement et/ou physiquement l'une de l'autre. Les présentes compositions ne comportent

donc pas nécessairement une espèce pure unique, mais habituellement plus d'une de ces phases.

Par conséquent, des formules nominales représentent une moyenne, en quelque sorte, de la

composition dans son ensemble, y compris les phases qui ne contribuent pas à la

supraconductivité. En effet, il n'est pas nécessaire que toutes les phases soient supraconductrices

pourvu que le matériau soit supraconducteur dans son ensemble. 

 

[5]  Les formules nominales peuvent aussi être des simplifications de formules possiblement

plus précises, utilisées parce que la formule qui représente le mieux un matériau donné peut

comporter des fractions d'atomes rendant ainsi leur utilisation lourde et incommode. Ces

formules visent à fournir la formule la plus simple possible pour représenter la composition du

matériau. On verra également que chaque M* et A* n'est pas une espèce simple, mais peut

représenter un mélange de métaux alcalinoterreux bivalents sélectionnés parmi le groupe

comprenant le baryum (Ba), le strontium (Sr) et le calcium (Ca), un mélange de cuivre (Cu) et un

métal trivalent sélectionné parmi le groupe consistant en le bismuth (Bi) et le titane (Ti)

respectivement. Au risque d'aller trop vite, mais afin de mieux comprendre le concept énoncé

plus haut, on considérera un exemple tiré de la divulgation, dont la description est « BCSCO-c ».

Cet exemple sera examiné plus loin dans la présente décision.

 

[6]  BCSCO-c représente une composition nominale comprenant du Bi:Ca:Sr:Cu dans un

rapport 1:1:1:3 (voir l'alinéa 59). Le réarrangement et le regroupement approprié des atomes dans

le format M*aA*bOy donnent ce qui suit : CaSrBiCu3Oy, parce que M* comprend le Ca et le Sr, et

A* le Bi et le Cu. M* représentant un mélange des deux éléments, Ca et Sr, l'indice inférieur

« a » est obtenu par l'addition du nombre d'atomes; l'indication de leurs proportions est alors

placée entre les parenthèses. En l'espèce, il y a deux atomes dans M*; ainsi a = 2 et M* est

(Ca0.5Sr0.5)2 puisque la moitié des atomes appartient au calcium et l'autre, au strontium. De même,

A*b se trouve à être : (Bi0.25Cu0.75)4 avec b = 4.   des fins de simplicité et de cohérence entre les

revendications, « b » est ramené à 1. Pour ce faire, les indices inférieurs sont divisés par 4, ce qui

donne : (Ca0.5Sr0.5)0.5(Bi0.25Cu0.75)1Oy/4 (cela ne modifie pas les proportions des éléments placées

entre les parenthèses). Cela montre que le format M*aA*bOy est une simplification de ce qui est

déjà une simplification d'un solide multiphasique complexe. 

 

[7]  On verra un autre exemple du caractère simplificateur de ces formules nominales dans le

fait que la phase supraconductrice identifiée par 2:1:2:2 (Bi:Ca:Sr:Cu, voir le tableau  2) est

présentée dans la divulgation sous la forme plus précise de

Bi2(Sr0.56Ca0.39Bi0.05)3Cu2O8+*,  [TRADUCTION] « une grande variabilité de la composition ayant

été observée d'un grain à l'autre » (page 19 de la divulgation).


Historique de la demande

 

[8]  La présente demande a été déposée le 2 mars 1989 en vertu des dispositions de la Loi sur

les brevets dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 (ci-après la Loi sur les brevets). Un

total de cinq rapports du Bureau a été émis au cours de l'instruction, le premier ayant été présenté

en décembre 1992, le tout ayant mené à la décision finale rendue le 19 juin 2006. 

 

[9]  Dans la décision du 22 février 2005, une objection avait été soulevée en application du

paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, objection réaffirmée subséquemment pour être ensuite

reprise dans la décision finale. L'objection en application de l'article 2 de la Loi sur les brevets

avait d'abord été soulevée dans une décision rendue le 26 septembre 2005 (la décision préfinale)

et ensuite réaffirmée dans la décision finale. Ces deux objections sont celles qui doivent être

examinées dans la présente décision puisque l'examinateur a conclu que la réponse à la décision

finale (datée du 14 décembre 2006) était insuffisante pour les surmonter. La modification

accompagnant la réponse remplace les 14 revendications au dossier par les 23 revendications en

litige.   la suite de la décision finale, le dossier de l'affaire a été transmis à la Commission

accompagné d'un « Mémoire à la Commission d'appel des brevets » (« mémoire ») et d'un

« Mémoire complémentaire à la Commission d'appel des brevets » (« mémoire

complémentaire »), ce dernier ayant été soumis par l'examinateur à la demande de la

Commission à la suite d'une requête du demandeur concernant l'état de certaines revendications.

Une copie du mémoire et du mémoire complémentaire a également été transmise au demandeur.

Toutefois, aucune autre observation écrite subséquente à la réponse à la décision finale n'a été

reçue et une invitation à une audience a été refusée.

 

Aperçu des motifs de rejet

 

  [10]    Voici, énoncées de manière générale, les prétentions de l'examinateur :

 

     1.   L'utilité ne peut être valablement prédite pour l'ensemble des revendications, ce

          qui est contraire à l'article 2 de la Loi sur les brevets, et

     2.   les revendications décrivent le résultat souhaité, ce qui est contraire au paragraphe

          34(2) de la Loi sur les brevets.

      

[11] Dans sa décision finale, l'examinateur soulignait que l'objection d'absence de prédiction

valable ciblait les revendications 1, 3, 4 et 13; le même défaut était soulevé dans le mémoire

complémentaire à l'égard des revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 13, 15, 17, 21 et 22, et ce, en

partie à la lumière des modifications effectuées en réponse à la décision finale. De même, dans la

décision finale, l'objection au titre du paragraphe 34(2) ciblait les revendications 1, 3, 4 et 13

tandis que, dans son mémoire complémentaire, l'examinateur concluait que les revendications 1-

13 et 15-21 étaient défectueuses. La commission a examiné le mémoire complémentaire et a

estimé qu'il est indiqué d'examiner si les revendications qui y sont identifiées sont conformes à

l'article 2 et au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets.

 

Revendications en litige

 

[12] Par souci de commodité, les revendications indépendantes sont reproduites ci-dessous :

La revendication 1 se lit comme suit :

 

   1.  [TRADUCTION] Un matériau, supraconducteur à une température de 77 oK ou plus, contenant

   un oxyde multiphasique de composition nominale M*aA*bOy où M* est un mélange de métaux

   alcalinoterreux bivalents choisis parmi le groupe constitué de Ba, Sr et Ca, au sein duquel le rapport

   entre le métal alcalinoterreux de rayon atomique supérieur et le métal alcalinoterreux de rayon

   atomique inférieur est d'environ 1:1 à environ 3:1; où A* est un mélange de Cu et d'un métal trivalent

   choisi parmi le groupe constitué de Bi et Tl dans lequel le rapport molaire entre le Cu et le métal

   trivalent est d'environ 1:1 à environ 3:1; et où « a »  est entre 1 et 2; « b » est égal à 1 et « y » varie

   entre 2 et 4.

                                                 

[13]      La revendication indépendante 15 est identique sauf qu'elle exclut le thallium comme

pouvant être le métal trivalent choisi. Les revendications 1 et 15 concernent donc un matériau

multiphasique qui est supraconducteur à une température égale ou supérieure à 77 oK et pouvant

être représenté par la formule nominale M*aA*bOy, où a = 1 2; b = 1 et y = 2 4.

 

[14]      La portée de la revendication 3 est quelque peu plus restreinte :

              

   3.   [TRADUCTION] Un matériau, supraconducteur à une température de 77 oK ou plus, jusqu'à

   environ 90 oK, contenant un oxyde multiphasique de composition nominale BiCaSrCuO2y, où « y »

   varie entre 2 et 4, et ayant une quantité suffisante d'une composition en phase cristalline de formule

   Bi2CaSr2Cu2Og, où « g » représente une valeur comprise entre environ 8 et environ 9, ce qui confère à

   cette composition en phase cristalline une résistance électrique nulle à une température de 77 oK ou

   plus, jusqu'à environ 90 oK, de sorte que le matériau possède une résistance électrique nulle à une

   température de 77 oK ou plus, jusqu'à environ 90 oK.

 

[15]      Selon les affirmations aux pages 9 et 10 de la divulgation, c'est cette phase

Bi2CaSr2Cu2Og qui confère les propriétés de supraconductivité aux matériaux (voir plus loin sur

cette même question). La revendication précise que la phase Bi2CaSr2Cu2Og doit être

suffisamment longue pour que la composition devienne supraconductrice entre 77 oK jusqu'à

environ 90 oK. Si les formules nominales du matériau et de la phase en question sont, à des fins

de cohérence, reprises en empruntant la forme utilisée dans les revendications 1 et 15 (c'est-à-

dire la « forme M*aA*bOy », voir paragraphe 6), et que, en conséquence, « b » est représenté par

1, alors a =1 (pour BiCaSrCuO2y) ou 0,75 (pour Bi2CaSr2Cu2Og), et y = 8 9.

 

[16]      Les revendications 4, 13, 17 et 22 représentent les matériaux à base d'oxydes par des

formules différentes de celles utilisées dans les revendications 1 et 15. Les revendications 4 et 17

visent une composition supraconductrice à base d'oxydes à l'instar des réclamations 13 et 22, ces

dernières faisant intervenir un procédé établi. La différence entre les revendications 4 et 17 et les

revendications 13 et 22 est la même qu'entre les revendications 1 et 15, c'est-à-dire que la

première revendication pour chaque paire permet la présence de Bi et de Tl, tandis que la

dernière n'accepte que le Bi. Les revendications 4 et 13 se lisent comme suit :

                   

   4.   [TRADUCTION] Une composition d'oxyde de formule nominale TdM*eCufOg dans laquelle

   « T » représente Bi ou Tl, « M* » est un mélange de métaux alcalinoterreux choisis parmi le groupe

   constitué de Ba, Sr, et Ca, et où le rapport entre le métal alcalinoterreux de rayon atomique supérieur

   et celui de rayon atomique inférieur est d'environ 1 à environ 3. Dans cette même formule, « d » est un

   nombre d'environ 1 jusqu'à environ 3; « e », un nombre d'environ 1 à environ 6; « f », un nombre

   d'environ 1 à environ 6; et « g », un nombre d'environ 0,5(3d + 2e + 2f) à environ 0,5(3d + 2e + F), ce

   qui confère à la composition à base d'oxydes une une résistance électrique nulle à une température de

   77 oK ou plus. 

  

   13.  [TRADUCTION] Une composition supraconductrice à base d'oxydes de formule nominale

   TdM*eCufOg dans laquelle « T » représente Bi ou Tl, « M* » est un mélange de métaux alcalinoterreux

   choisis parmi le groupe constitué de Ba, Sr, et Ca, et où le rapport entre le métal alcalinoterreux de

   rayon atomique supérieur (ML) et celui de rayon atomique inférieur (MS) est d'environ 1 jusqu'à

   environ 3. Dans cette même formule, « d » est un nombre d'environ 1 à environ 3; « e », un nombre

   d'environ 1 à environ 6; « f », un nombre d'environ 1 à environ 6; et « g », un nombre d'environ 0,5(3d

   + 2e + 2f) à environ 0,5(3d + 2e + F), ce qui confère à la composition à base d'oxydes une une

   résistance électrique nulle à une température de 77 oK ou plus, et où ladite composition est obtenue au

   moyen d'un procédé comprenant les étapes suivantes :

        compression d'un mélange de composés solides en poudre comprenant :

             (a)  T2O3

             (b)  MLCO3 ou MLO

             (c)  MSCO3 ou MSO, et

             (d)  CuO

   dans des proportions appropriées pour donner ladite formule;

        chauffage du mélange de poudre comprimé à une température d'environ 800 oC jusqu'à

   environ 950 oC pendant un laps de temps suffisamment long pour terminer la réaction à l'état solide; et

        évanouissement de la supraconductivité du mélange comprimé mis à réagir par retour à la

   température ambiante.

                        

[17]      Pour faciliter la comparaison, la composition nominale dans les revendications 4, 13, 17

et 22 peut être convertie dans le même format que celui utilisé dans les revendications 1 et 15.

Dans le format M*aA*bOy, « A » représente la combinaison du métal trivalent et du cuivre ce qui

est l'équivalent de la combinaison de « T » et de « Cu »  (dans TdM*eCufOg) et, puisque M* est

identique dans les deux formats, l'indice inférieur « e » est équivalent à « a ». De même, « g » est

équivalent à « y », et « b » est la somme des indices inférieurs « d » et « f ». Par conséquent, la

conversion au format M*aA*bOy  des compositions nominales données dans les revendications 4,

13, 17 et 22 (et avec b = 1), afin d'assurer la cohérence avec les revendications 1 et 15, a pour

effet que les valeurs des autres indices inférieurs sont les suivantes : a = 0,11 3 et y = 3,5 22,5.

 

[18]      Ces revendications sont donc similaires aux revendications 1 et 15, à ceci près que le

nombre d'éléments dans les compositions nominales est quelque peu plus étendu et que les

revendications13 et 22 sont assorties d'une restriction afférente au procédé.

 

[19]      Finalement, la revendication indépendante11 se lit comme suit :

 

   11.  [TRADUCTION] Une composition en phase cristalline comprenant des cations de Bi, Ca, Sr,

   et Cu approchant le rapport de 2:1:2 :2 (Bi:Ca:Sr:Cu) et qui présente une résistance électrique nulle à

   une température de 77 oK ou plus.

 

[20]      La composition définie dans la revendication 11 n'est pas restreinte aux seules bases

d'oxydes; cela n'est pas prévu dans la divulgation comme cela sera examiné plus loin. Ici encore,

à des fins de comparaison, la composition peut être convertie dans le format M*aA*bOy. En

l'occurrence, lorsque b = 1 on obtient a = 0,75.

 

Première objection : Prédiction valable

 

[21]      La première question que doit examiner la Commission est de savoir s'il est possible de

prédire valablement que l'objet des revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 13, 15, 17, 21 et 22 aura

l'utilité promise - à savoir une résistance électrique nulle à une température de 77 oK ou plus - ce

qui est contraire à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Position de l'examinateur

 

[22]      L'objection énoncée dans la décision finale est reproduite en partie ci-dessous :

 

   [TRADUCTION] Les revendications 1, 3, 4 et 13 ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les

   brevets dans sa version antérieure au 1er octobre 1989. La description ne démontre pas l'utilité

   alléguée de l'objet revendiqué, car aucun fait appuyant l'utilité n'y est étayé et on n'y trouve aucun

   raisonnement valable à l'effet que les matériaux revendiqués devraient avoir l'utilité prédite alléguée.

   (Apotex Inc. V. Wellcome Foundation (2002) 2 S.C.R. 77 ou 21 C.P.R. (4 th) 499).

       

    Ces revendications définissent un matériau qui est supraconducteur à une température de 77 ºK ou

    plus.

   

    Dans la Figure 2, il y a un fondement factuel permettant de revendiquer que le matériau est

    supraconducteur à environ 77 ºK pour ce qui a trait à BCSCO-a (Bi1Ca1Sr1Cu3O?) et à environ 83 ºK

    pour BCSCO-b (Bi1Ca1Sr1Cu2O?). BCSCO-c (Bi1Ca1Sr1Cu3O?) affiche une Tc d'environ 35 ºK.

    Cependant, la description ne comporte aucun raisonnement valable expliquant pourquoi des

    matériaux autres que ceux indiqués plus haut devraient avoir l'utilité prédite alléguée. . . .     

    De plus, la description ne présente aucun fondement factuel pour nous convaincre que d'autres

    quantités des éléments composant le matériau produiront la supraconductivité désirée ni aucune

    raison pour laquelle il devrait en être ainsi.

  

   La simple affirmation voulant que d'autres valeurs quantitatives des éléments du composé ou que des

   éléments différents de ceux mentionnés plus haut donneront les résultats souhaités ne constituent pas

   un raisonnement valable.

 

[23]      Comme il est mentionné plus haut, compte tenu du mémoire complémentaire, la

Commission évaluera si les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 13, 15, 17, 21 et 22 sont conformes

à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Il convient de noter qu'une erreur typographique dans le

texte cité plus haut pourrait, si elle n'était pas mentionnée d'entrée de jeu, laisser croire à une

incohérence dans notre analyse : dans le troisième paragraphe, l'examinateur a écrit que c'est

BCSCO-c qui a une Tc de 35 oK alors qu'il s'agit, en fait, de BCSCO-b. Cela transparaît dans le

mémoire lorsqu'il est fait référence à l'exemple où a = 0,66 (c.-à-d. BCSCO-b, voir le tableau 2 et

le paragraphe 26).

              

[24]      Par conséquent, le n ud de la position de l'examinateur concerne le nombre d'atomes

indiqué dans les formules nominales (les valeurs des indices inférieurs) et la question de savoir si

le degré de variabilité revendiquée peut être valablement prédit pour obtenir un matériau qui est

supraconducteur à une température de 77 oK ou plus. Plus précisément, le mémoire fait référence

à l'indice inférieur relatif à la proportion de métaux alcalinoterreux bivalents (un mélange

pouvant comporter du Ba, du Sr et du Ca). Dans le mémoire, l'examinateur écrit ce qui suit :

 

   [TRADUCTION]  Parce que la description ne présente aucun raisonnement expliquant pourquoi une

   valeur de « a » supérieure à 1,0, en l'espèce 2, devrait être vue comme pouvant être utile, le demandeur

   semble s'appuyer sur les connaissances et les attentes connues d'un chimiste pour avancer cette

   prédiction. . . .

  

   Il n'y a aucune raison de penser que a = 2 donnera les résultats souhaités et, par conséquent, la

   revendication présente des compositions dont il n'a pas été démontré qu'elles donneraient les résultats

   souhaités.

 

[25]      Puisque l'indice inférieur « a » n'apparaît pas dans toutes les revendications relevées dans

le mémoire complémentaire (c.-à-d. le format TdM*eCufOg ne comporte aucun « a »), nous avons

appliqué ce raisonnement à ces revendications après les avoir converties dans le format

M*aA*bOy, avec b = 1 (voir les paragraphes 16-18). Bien que la question de la prédiction valable

ne se limite pas à la valeur de « a », elle est au centre de l'évaluation de l'examinateur; il est donc

pertinent que notre analyse y accorde la même attention. Nous notons également que les

revendications 4, 13, 17 et 22 contiennent également des valeurs de « a » allant jusqu'à 3. Ces

revendications ont été jugées défectueuses, mais le passage du mémoire cité plus haut ne traite

que des valeurs de « a » jusqu'à 2. Il semble bien qu'il s'agisse d'une simple omission; nous

sommes d'avis que l'examinateur a voulu parler des toutes les valeurs de « a » supérieures à 1 (cf.

tiré du mémoire « pourquoi une valeur de « a » supérieure à 1,0... devrait être vue comme

pouvant être utile... »

 

[26]      Dans le mémoire, l'examinateur souligne également qu'il y a une preuve directe

d'inutilité :

   [TRADUCTION]   la page 4 de sa lettre du 4 décembre 2006, le demandeur a maintenu qu'une

   preuve de non-validité d'une prédiction doit être produite [sic]  avant de pouvoir la rejeter. La preuve à

   cet effet est fournie par le demandeur dans la figure 2 de la demande où la  composition avec a = 0,66

   donne une température critique de 35 oK, laquelle est inférieure au résultat souhaité de 77 oK. Cette

   valeur de « a » est inférieure à celle qui revendiquée, mais cela démontre que la prédiction fondée sur

   les données fournies n'est pas valable.

         

[27]      Bien que l'examinateur indique que a = 0,66 est inférieure à ce qui est revendiqué, cette

valeur tombe en fait dans le champ des revendications 4, 13, 17 et 22. Du passage cité plus haut,

il s'ensuit qu'il s'agit là d'une preuve directe que l'un des exemples donnés pour étayer le

fondement factuel manque d'utilité, ce qui fait douter de la validité de la prédiction. En outre,

compte tenu du fait que la valeur a = 0,66 est visée par les réclamations 4, 13, 17 et 22, il s'ensuit

que ces réclamations doivent être vues comme comprenant des réalisations qui manquent

d'utilité. Comme nous le verrons plus loin, cela n'est pas le cas parce qu'il a été démontré que le

même exemple pouvait donner les résultats escomptés.

 

[28]      Ainsi, il convient de déterminer s'il est possible de prédire valablement que les

compositions définies dans ces revendications ont l'utilité promise, à savoir qu'elles sont

supraconductrices à une température de 77 oK ou plus. Cette détermination est fondée sur la

divulgation, l'état de la technique et les connaissances générales courantes d'une personne versée

dans l'art.

 

Arguments du demandeur

 

[29]      En réponse à l'objection d'absence de prédiction valable soulevée par l'examinateur dans

sa décision finale et/ou décision pré-finale, le demandeur a soutenu que :

 

  1)   la lumière de l'arrêt Monsanto c. Commissaire aux brevets [1979] 2 C.S.C. 1108

  (Monsanto), le demandeur n'est pas tenu de tester et de prouver toutes les applications

  revendiquées de son invention.

 

  2) L'affirmation voulant que d'autres valeurs des indices inférieurs ou d'autres « quantités

  d'éléments » dans les formules nominales fonctionnent est fondée sur le mémoire descriptif,

  suggérant ainsi que les plages spécifiées sont compatibles avec l'art antérieur.

 

  3) Les exigences en matière de prédiction valable exposées dans Apotex Inc. c. Wellcome

  Foundation (2002) 2 C.S.C. 77 ou 21 C.P.R. (4 th) 499 (Wellcome) ne s'appliquent pas à la

  présente situation parce que cette décision concernait un nouvel usage d'un composé existant

  tandis que les présentes revendications ont trait à des compositions nouvelles. On allègue que

  le critère d'utilité est différent et qu'il est plus exigeant dans le cas d'un nouvel usage d'un

  composé existant.

 

  4) Pour que l'objection d'absence d'utilité puisse être soutenable, il doit y avoir une preuve

  d'absence d'utilité ou la non-validité de la prédiction doit avoir été démontrée; or, il n'existe

  aucune preuve à ces deux chapitres.

 

Fondements de l'objection

 

[30]      Comme nous l'avons mentionné, la remise en question de la validité d'une prédiction

tombe sous le coup de l'article 2 de la Loi sur les brevets qui exige que l'invention soit jugée

utile. L'article 2 donne la définition suivante du terme « invention » :

 

   Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout

   perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

 

[31]      La loi est claire quant à l'exigence d'utilité (c.-à-d. « utile »), mais il convient d'en

clarifier la signification exacte et la manière de l'appliquer au critère de prédiction valable. La

jurisprudence a précisé la question.

 

[32]      Dans son arrêt Wellcome, la Cour suprême a mis de l'avant trois critères, souvent cités

depuis, pour établir une prédiction valable. Ces trois critères sont les suivants :

 

             la prédiction doit avoir un fondement factuel;

  

              l'inventeur doit avoir en date de la demande de brevet un raisonnement clair et

      « valable » qui permet d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité; et

     

             une divulgation appropriée doit être faite.

 

[33]           Le concept voulant que des réalisations soient brevetables même si elles n'ont pas été

testées existait dans la jurisprudence antérieure (voir, par exemple, Monsanto et Olin Mathieson

Corporation c. Biorex Laboratories Ltd., [1968] C.S.C.. 950), mais, avant l'arrêt Wellcome, il

n'existait pas de critères précis pour évaluer la validité d'une prédiction.

 

[34]           La date pertinente pour l'examen du caractère valable d'une prédiction est la date de dépôt

de la demande de brevet (voir Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1283, 43 C.P.R.

(4 th) 161, au par.164; décision confirmée sur ce point par 2006 CAF 64, 46 C.P.R. (4 th) 401 au

par. 30). Cela signifie qu'en date du dépôt de la demande de brevet, une personne versée dans

l'art devrait avoir été en mesure de prédire de manière valable l'utilité de l'objet des

revendications.

 

[35]           Il convient dès le départ de noter que le fait que les revendications reposent sur une

prédiction n'est pas remis en question. Lorsque les revendications vont au-delà de ce dont l'utilité

a été démontrée, le demandeur doit appuyer ses revendications sur une prédiction valable (voir

Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc. 2009 CAF 97, décision confirmée par 2008 CF 142, 63

C.P.R. (4 th) 406, au par.18 (Eli Lilly)). Il s'ensuit logiquement que les prédictions ne sont que

des prédictions lorsque le bon fonctionnement de toutes les réalisations revendiquées n'a pas été

démontré; de plus, il est clairement établi que la revendication de prédictions est permise à la

condition qu'elles soient valables. Mais, même lorsqu'elle est valable, « la prédiction ne doit pas

nécessairement correspondre à une certitude », comme nous le rappelle la récente décision

Lundbeck Canada Inc. c. Ratiopharm, 2009 CF 1102. Nous sommes donc d'accord avec

l'argument du demandeur voulant qu'il ne soit pas requis de tester et de prouver toutes les

applications revendiquées d'une invention. Par contre, pour être valable, une prédiction doit

satisfaire aux critères établis dans l'arrêt Wellcome.

 

[36]           Avant de poursuivre notre analyse en fonction de ces critères, nous examinerons d'abord

si une objection d'absence de prédiction valable peut être soutenue lorsque, comme dans le cas de

la présente demande, le composé est nouveau. Si, comme le soutient le demandeur, la règle ne

s'applique pas aux composés nouveaux ou que les critères sont plus stricts pour un nouvel usage

d'un composé existant que pour un composé nouveau et donc, pour ces motifs, différents de ceux

de l'affaire Wellcome, il pourrait alors être inutile de pousser plus loin l'analyse dans ce sens.

 

Applicabilité de la règle de la prédiction valable aux composés nouveaux

 

[37]           Le demandeur est d'avis que les trois critères établis dans Wellcome (c.-à-d. la doctrine de

la prédiction valable) fixent une norme [TRADUTION] « très élevée », soutenant que, bien que

cela soit raisonnable dans le cas d'une invention revendiquant un nouvel usage d'un composé

existant, ils sont trop stricts en ce qui concerne des composés nouveaux.

 

[38]           Même si nous reconnaissons que les faits de l'affaire Wellcome sont certes différents de

ceux du cas en l'espèce, il est juridiquement établi que la règle s'applique aussi aux composés

nouveaux. Par exemple, dans la décision Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 26, 59

C.P.R. (4 th) 183 (Pfizer) au paragraphe 36, le juge O'Reilly a abordé ce point à la lumière de

Wellcome :

 

   Dans cette affaire, le brevet concernait l'application nouvelle (le traitement du VIH/sida) d'un ancien

   composé chimique (l'AZT), mais ce précédent ne renferme rien qui m'autoriserait à dire que les

   principes qu'il énonce ne s'appliquent pas aussi à des composés nouveaux.

 

[39]           Ce point précis a fait l'objet d'une clarification plus poussée lorsque l'affaire fut portée

devant la Cour d'appel fédérale (Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CAF 195, 60 C.P.R.

(4 th) 177), comme cela est écrit au paragraphe 3 de cette décision :

 

   La deuxième question est de savoir si la règle de la prédiction valable peut aussi s'appliquer à une

   revendication portant sur un composé nouveau.   notre avis, la règle s'applique. Ce point a été

   précisément examiné par le juge Binnie dans l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002]

   4 R.C.S. 153, en particulier aux paragraphes 46 et 80.

 

[40]           Par conséquent, la règle de la prédiction valable s'applique à la question de l'utilité des

composés aussi bien nouveaux qu'anciens. En ce qui concerne l'opinion selon laquelle la norme

est plus élevée pour les nouveaux usages de composés existants, elle n'est justifiée par aucune

jurisprudence et nous n'en avons rien trouvé établissant une telle double norme. En revanche, ces

deux décisions donnent à penser que la même norme s'applique aux deux types de composés,

nouveaux et anciens.

 

[41]           En résumé, parce que les revendications vont au-delà de ce dont l'utilité a été démontrée,

leur utilité doit nécessairement être fondée sur une prédiction valable. Le concept de prédiction

valable n'est pas restreint aux seuls nouveaux usages d'un composé ancien et il n'y a aucune

différence évidente dans la norme devant être appliquée pour en faire l'évaluation.

 

Preuve du manque d'utilité ou d'absence de prédiction valable

              

[42]           Le demandeur faisait remarquer que pour que les revendications puissent être rejetées au

motif d'absence d'utilité, il doit y avoir une preuve soit d'inutilité soit de non-validité de la

prédiction (voir par. 29). Cette position s'appuyant sur une citation tirée de Monsanto (aux par.

24-25)  [souligné dans l'original] :

 

   Dans la présente espèce, la Commission, malgré l'absence totale de preuve que la prédiction n'est pas

   valable, rejette les revendications et en définitive les limite au champ d'utilité prouvée plutôt que de

   les accueillir dans la mesure de l'utilité prédite.   mon avis, cela est contraire à l'art. 42 de la Loi sur

   les brevets.

  

   . . . Si les inventeurs ont revendiqué plus que ce qu'ils ont inventé et inclus des substances dépourvues

   d'utilité, leurs revendications pourront être contestées. Mais pour que cette contestation réussisse, elle

   devra s'appuyer sur une preuve d'inutilité. Pour l'instant, une telle preuve n'existe pas et il n'y a aucune

   preuve que la prédiction d'utilité pour chaque composé mentionné n'est pas valable et raisonnable.

    

[43]           Deux motifs sont habituellement invoqués, en vertu de l'article 2, pour contester des

revendications : une des réalisations présentées n'est pas utile ou, plus souvent, la prédiction sur

laquelle on s'appuie n'est pas valable (voir entre autres, les décisions récentes : Eli Lilly et

Purdue Pharma c. Pharmascience, 2009 CF 726, 77 C.P.R. (4 th) 262).

 

[44]           La différence entre des contestations fondées sur l'absence de prédiction valable et celles

alléguant que l'une des revendications n'est pas utile a été soulignée dans Wellcome au par. 56 :

 

   Si un brevet qu'on a tenté d'étayer par une prédiction valable est par la suite contesté, la contestation

   réussira si, comme l'a affirmé le juge Pigeon dans l'arrêt Monsanto Co. c. Commissaire des brevets,

   [1979] 2 R.C.S. 1108, p. 1117, la prédiction n'était pas valable à la date de la demande ou si,

   indépendamment du caractère valable de la prédiction, « [i]l y a preuve de l'inutilité d'une partie du

   domaine visé ».

   

[45]           Lorsque la validité d'une prédiction est remise en question, cela implique qu'une personne

versée dans l'art n'aurait pas été en mesure de faire cette prédiction de manière valable et que, par

conséquent, bien que la prédiction ait pu s'avérer juste par la suite (c.-à-d. que la prédiction ne

comporte aucun objet ne fonctionnant pas), il n'en demeure pas moins que le demandeur n'était

pas en droit de faire cette prédiction sur la base de ce qui était connu, fait et divulgué à la date de

la demande. Mais quelle « preuve » l'examinateur doit-il présenter pour rejeter une prédiction au

motif qu'elle n'est pas valable ?

 

[46]           On trouve une orientation à ce sujet aux sections 17.03.04 et 12.09 du Recueil des

pratiques du Bureau des brevets (RPBB) quant au type de preuve qu'un examinateur devrait

produire lorsqu'il conteste des revendications au motif d'absence de prédiction valable d'utilité.

 

   Une objection dans laquelle on fait valoir que la prédiction valable du demandeur est erronée doit être

   appuyée par des faits et un raisonnement suffisants pour réfuter la prétention du demandeur.

   L'examinateur doit donner à celui-ci des arguments suffisamment clairs pour qu'il puisse répondre de

   façon éclairée aux préoccupations soulevées.

  

   . . . . Dans le cas où il apparaît que le défaut repose sur l'absence de fondement factuel ou de

   raisonnement (qu'il s'agisse de la divulgation explicite ou des connaissances générales courantes de la

   personne versée dans la technique), l'« argumentation raisonnée » peut consister simplement à

   identifier ces omissions apparentes.

                   

[47]           Comme cela est indiqué dans cette section du RPBB, selon la nature du défaut, le seul

choix réaliste que peut faire un examinateur qui conteste une revendication en invoquant

l'absence de prédiction valable pourrait être d'identifier avec une certaine précision des omissions

dans le fondement factuel et dans le raisonnement. Dans la présentation de sa contestation,

l'examinateur devrait s'efforcer de montrer clairement quels sont les écarts entre le fondement

factuel, le raisonnement et la prédiction de la revendication. Il pourrait être peu pratique pour un

examinateur de démontrer qu'une prédiction n'est pas valide en se fondant sur une preuve directe

de sa non-validité; en effet, les restrictions pratiques et relatives à la procédure inhérente au

processus d'examen peuvent empêcher la production d'une « preuve » plus solide appuyant

l'objection. Il incombe alors au demandeur d'aborder les écarts mis en lumière et donc de

défendre la validité de la prédiction ou d'amender la demande de manière à limiter la prédiction

afin de surmonter l'objection. 

 

[48]           Cela dit, il convient de veiller à un certain équilibre dans l'examen; l'examinateur devrait

en effet expliquer les raisons qui l'amènent à conclure que la prédiction n'est pas valable, sur la

base des critères établis dans l'arrêt Wellcome, de manière que le demandeur puisse comprendre

la question en litige. On doit garder à l'esprit que la contestation d'une prédiction au motif qu'elle

n'est pas valable se fonde sur l'analyse par l'examinateur des faits qui sont portés à sa

connaissance. Si la question en litige est présentée d'une manière appropriée, cela donne au

demandeur la possibilité de modifier ou de corriger cette analyse, de mentionner de possibles

omissions et peut-être de montrer que la prédiction est valable. Même si l'objection ne devait pas

être surmontée, cela peut au moins servir à mieux cerner la question.

 

[49]           Au cours de l'instruction de la présente demande, l'examinateur a abordé les exigences en

matière de fondement factuel, de raisonnement valable et de divulgation appropriée, et en a

conclu que la prédiction n'était pas valable pour l'ensemble des revendications. Le demandeur

était d'avis contraire, mais n'a pas été en mesure de convaincre l'examinateur, ce qui explique les

présentes révision et décision sur ce motif.

 

Conclusions sur les arguments du demandeur

 

[50]           Ce qui précède soulève la question de savoir si la règle de prédiction valable s'applique à

des composés nouveaux et, dans l'affirmative, si la norme est moins stricte quant à la prédiction

d'utilité de composés nouveaux que dans le cas de nouveaux usages de composés anciens; la

réponse étant affirmative dans le cas de la première question et négative dans le cas de la

seconde. Il était également question de la preuve que l'examinateur doit présenter lorsqu'il refuse

une revendication au motif d'absence de prédiction valable d'utilité.

 

[51]           Le seul argument mis de l'avant par le demandeur qui n'a pas encore été abordé est celui

voulant que le mémoire descriptif appuie l'affirmation selon laquelle d'autres valeurs d'indices

inférieurs des éléments dans les formules nominales donneront les résultats escomptés (voir par.

29). En réponse à cet argument, nous ferons remarquer d'entrée de jeu que le simple fait

d'affirmer l'utilité ne suffit pas pour conclure que la prédiction est valable. Cette détermination

doit plutôt être faite sur la base des trois critères établis dans l'arrêt Wellcome que l'on trouve

dans notre analyse qui suit.

 

Analyse - Prédiction valable

 

[52]             cette étape, il serait utile de réitérer et de résumer la portée des revendications en ce qui

a trait aux valeurs de M*aA*bOy  (par. 12-20). Ces données sont présentées ci-dessous dans le

tableau 1.

 

Tableau 1 : Sommaire de la portée des revendications indépendantes

 

                          Revendication

                     Format M*aA*bOy (b = 1)

                               

                               

                                1

a = 1 2                            

                               

                               

                                3

                      a = 1 (moy)  et 0,75

                               

                               

                         4, 13, 17 et 22

                           a = 0,11-3

                               

                               

                               11

                            a = 0,75

                               

                                

                               

                               15

                             a = 1-2

                               

« (Moy) » renvoie à la valeur de « a » dans le matériau dans son

ensemble tandis que l'autre valeur est celle de la seule phase

 supraconductrice (voir par. 14).

                               

[53] Dans sa décision finale, l'examinateur allègue qu'aucun fondement factuel n'appuie la

prédiction et qu'aucun raisonnement valable n'a été présenté dans la divulgation. Plus

précisément, l'examinateur a émis l'opinion suivante dans la décision finale :

                               

[TRADUCTION] Le fait que le mémoire descriptif d'une invention vise une personne versée dans l'art

n'élimine pas le besoin que soient énoncés un fondement factuel et un raisonnement valable.

                               

[54] Ce que l'examinateur affirme être une exigence eu égard à une prédiction valable a été

réitérée par la jurisprudence récente. Comme le fait observer la Cour fédérale dans Eli Lilly (par.

73),        le fondement factuel doit être divulgué :

                               

[TRADUCTION] Un travail suffisant doit avoir été fait de manière que le résultat revendiqué a été

atteint ou valablement prédit. Cependant, cette réalisation ou le fondement sur lequel repose la

    prédiction valable doit également être divulgué.

                               

[55] Ce même jugement fait état de l'exigence précise à l'effet que cette divulgation se trouve

dans le brevet et nulle part ailleurs. Voici ce que l'on trouve aux paragraphes163 et 164 :

                               

[TRADUCTION] La divulgation n'aura rien appris d'autre à la personne versée dans l'art que ce

qu'elle savait déjà. Aucun « prix » en divulgations n'a été payé pour le monopole revendiqué. Par

conséquent, en l'absence de divulgation, il ne pouvait y avoir prédiction valable. . . .

                            

Le public ne devrait pas avoir à éplucher les publications du monde entier dans l'espoir de trouver des

informations supplémentaires afin de compléter la divulgation faite dans un brevet.

                           

[56] En ce qui a trait à la divulgation du raisonnement, son exigence a également été

récemment mentionnée dans la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Eli Lilly

(par. 14). Il semble que cette exigence pourrait être satisfaite, par exemple, en montrant

comment on peut s'attendre à ce que diverses espèces d'un genre revendiqué aient la même

utilité que celles formant le fondement factuel. Dans Wellcome, les fondements factuels étaient

les données des essais tandis que le raisonnement valable était l'effet terminateur de chaîne

divu                         lgué.

                                

                       Fondement factuel

                               

[57] Dans le résumé des motifs, l'examinateur a présenté d'une manière relativement détaillée

le fondement factuel exposé dans la communication, bien que toutes les données pertinentes n'y

étaient pas. La demande fournit des données relativement exhaustives sur les trois compositions,

désignées par BCSCO-a, BCSCO-b et BCSCO-c (voir par. 22) correspondant à un rapport entre

les éléments de 1:1:1:1, 1:1:1:2 et 1:1:1:3 respectivement. La demande comprenait aussi une

description de la phase identifiée comme étant responsable de fournir les matériaux ayant une Tc

de 77 oK (la « phase supraconductrice »; voir par. 14) ainsi qu'un matériau riche en Cu décrit ci-

après. Pour faciliter la comparaison avec les réclamations, ces compositions peuvent être

présentées sous une forme que nous connaissons bien maintenant, le format M*aA*bOy  (avec,

ici encore, b = 1) et les valeurs de « a » indiquées au tableau 2.

                               

        Tableau 2 : Sommaire des compositions présentées

                               

                     Nom de la composition

                   Rapport entre les éléments

                         (Bi:Ca:Sr:Cu)

                    Format M*aA*bOy (b = 1)

                               

                               

                            BCSCO-a

                            1:1:1:1

                             a = 1

                               

                               

                            BCSCO-b

                            1:1:1:2

                            a = 0,66

                               

                               

                            BCSCO-c

                            1:1:1:3

                            a = 0,5

                               

                               

                     Phase supraconductrice

                            2:1:2:2

                            a = 0,75

                               

                               

                    Échantillon riche en Cu

                          1:22:14:6.2

                             a = 5

                               

                               

[58] Bien que cela n'ait été mentionné ni par l'examinateur ni par le demandeur comme faisant

partie du fondement factuel, on trouve à la page 24 de la communication (et dans le tableau 2) la

description d'un matériau riche en cuivre qui correspond à a = 5 lorsque sa composition est

convertie dans le format M*aA*bOy. Le texte accompagnant cette description indique que la plus

grande part de l'échantillon relevait de la phase supraconductrice, laquelle était vue comme étant

responsable de la supraconductivité des matériaux et qui avait une Tc de 90 oK. Cela a donc une

incidence directe et importante eu égard au fondement factuel.

                               

[59]  L'examinateur, comme nous l'avons mentionné plus haut, a soutenu dans la décision

finale que le matériau où a = 0,66 n'est pas devenu supraconducteur à 77 oK ou plus comme le

montre le graphique à la figure 2 (voir par. 26). Bien que le demandeur n'a jamais présenté de

preuve pour réfuter ce constat, nous remarquons que la composition en question, BCSCO-b,

comme le montre la figure 8, peut devenir supraconductrice selon la température à laquelle elle

est préparée. Par conséquent, on ne peut conclure que a = 0,66 ne fonctionne pas dans le sens où

cela ne permettrait pas d'obtenir un état supraconducteur à 77 oK ou plus. Au contraire, il est

évident que cela peut fonctionner pourvu que les conditions de la réaction soient bien contrôlées.

En effet, il est tout à fait possible que n'importe lequel des matériaux soit rendu non

supraconducteur si les instructions présentées dans la communication ne sont pas suivies.

Toutefois, la personne versée dans l'art est considérée comme voulant comprendre l'invention et

« [e]lle est considérée comme une personne qui tente de réussir et non comme une personne qui

recherche les difficultés ou qui s'attend à échouer » (Free World Trust c. Électro Santé Inc.

[2000], 2 R.C.S 1024, 9 C.P.R. (4 th) 168; citant un passage de : H. G. Fox, The Canadian Law

and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4th ed. 1969), p. 184). Le fait que

l'exemple dans lequel a = 0,66 n'a pas atteint le résultat escompté ne peut donc pas être invoqué

pour démontrer l'absence d'utilité; au contraire, cet exemple montre le lien de dépendance entre

le p      roduit final et la méthode de préparation.

                                

[60] Le fondement factuel comprend donc les compositions où a = 0,5-5. La réponse à la

question de savoir si cela est suffisant pour fonder une prédiction valable dépend de la portée de

la prédiction qui est faite ainsi que du raisonnement sur lequel on fonde l'extrapolation de ce qui

est        prédit à partir de ce qui a été réalisé.

                               

                      Raisonnement valable

                               

[61] Le raisonnement valable étayant la présente extrapolation à partir du fondement factuel

ne peut être présenté de manière précise comme étant l'un ou l'autre élément (cf. « l'effet

terminateur de chaîne » dans Wellcome), mais s'articule plutôt autour de deux considérations. La

première a trait au fait que le fondement factuel s'étend sur une fourchette de a = 0,5-5. Dans les

formules revendiquées, la partie supérieure de la fourchette pour « a » se situe à a = 2

(revendications indépendantes 1 et 15) ou a = 3 (revendications indépendantes 4, 13, 17 et 22).

Ces valeurs se situent clairement dans une fourchette des valeurs de « a » qui produisent le

résultat escompté.   moins d'indications contraires, il tombe sous le sens que, si les valeurs aux

deux extrêmes d'une fourchette donnent les résultats escomptés (c.-à-d. 0,5 et 5), on peut

s'attendre à ce que celles qui se trouvent à l'intérieur de cette même fourchette donnent les

même                      s résultats.

                               

[62] Deuxièmement, non seulement la composition où a = 5 contribue-t-elle au fondement

factuel, elle souligne aussi le degré de variation acceptable au sein de la formule, et ce, tout en

permettant de satisfaire au critère d'utilité. Le fait que la plage des valeurs de « a » dans les

compositions qui permettent l'obtention de l'utilité attendue est relativement étendue - 'il y a dix

ordres de grandeur entre la plus basse (0,5) et la plus haute (5) des valeurs - suggère qu'il n'y a

pas une grande dépendance à la valeur de « a » et qu'une certaine souplesse quant à la

composition est permise. De ce fait, on peut inférer le raisonnement suivant : un certain niveau

de variation n'interdit pas la supraconductivité des matériaux; ainsi, on peut s'attendre à ce que

les valeurs de « a » pour lesquelles aucune démonstration n'a été faite permettront de produire

l'effet escompté. Cela est d'autant plus évident sachant que ces matériaux comportent plusieurs

phases. Dans le cas où une phase donnée durerait plus longtemps que les autres, la formule

nominale pourrait indiquer des valeurs de « a » plus hautes ou plus basses tout en permettant

d'obtenir un état de supraconductivité à une température de 77 oK ou plus.

                               

[63]  Comme il est montré au tableau 2, la plus basse valeur de « a » pour laquelle il existe un

fondement factuel s'établit à 0,5. Or les revendications 4, 13, 17 et 22 vont au-delà du fondement

factuel dans la partie basse de la fourchette; en effet, ces revendications permettent un minimum

de a                        = 0,11.

                               

[64] On ne trouve dans aucune des décisions de l'Office des brevets (y compris dans la

décision finale) soulevant une objection d'absence de prédiction valable de précision quant aux

valeurs des indices inférieurs sur lesquelles est fondée l'objection. C'est à la lecture du mémoire

que nous savons que l'examinateur s'inscrit en faux contre des valeurs de « a » plus grandes que

1, et nulle part est-il fait mention de valeurs de « a » allant jusqu'à 0,11. En dépit de ce fait, il

convient de prendre ces valeurs en considération puisque ce sont pour ces valeurs que la

prédiction s'éloigne de ce qui est étayé par le fondement factuel.

                               

[65] Bien que la protection offerte par l'octroi d'un brevet n'exige pas que le fonctionnement

de l'invention soit connu (Wellcome, par. 70), une compréhension de son fonctionnement

pourrait étayer le raisonnement établissant un lien entre ce qui a été fait et ce qui a été prédit. La

communication divulgue que certaines caractéristiques structurales ont été identifiées dans les

compositions ayant des températures de transition de 77 oK ou plus.   la page 5 b, on peut lire

ceci                            :

                               

[TRADUCTION] Pour obtenir une Tc élevée d'une forme cristalline, les atomes de Cu doivent

emprunter une configuration planaire. La forme cristalline permettant une Tc élevée est une structure

de type pérovskite présentant d'importants écarts par rapport à l'arrangement idéal des atomes de métal

                    de la pérovskite.

                               

[66] Sans y voir une certitude, la divulgation indique que les matériaux peuvent emprunter

une         configuration planaire cuivre-oxygène :

                                

[TRADUCTION] On peut penser que le cuivre et l'oxygène empruntent la configuration planaire

commune à d'autres oxydes supraconducteurs haute température, mais aucune preuve ne permet

            encore d'étayer cette hypothèse.

                                  

[67] Après avoir montré que la structure cristalline des supraconducteurs revendiqués est

similaire à celle de supraconducteurs haute température connexes connus (p. ex. ceux

comprenant un lanthanide, du scandium ou de l'yttrium), l'hypothèse de l'inventeur semble tout à

fait                      raisonnable.

                               

[68] De basses valeurs de « a » signifient que les quantités totales de bismuth/thallium et de

cuivre sont élevées par rapport à celles des métaux alcalinoterreux. Puisque nous en sommes

arrivés à la conclusion qu'il est raisonnable d'avancer l'hypothèse voulant que la configuration

planaire cuivre-oxygène expliquerait la supraconductivité, il est probable que les quantités

supplémentaires de bismuth/thallium et de cuivre, de pair avec la quantité réduite de métaux

alcalinoterreux, n'empêche pas les matériaux d'atteindre le résultat escompté, soit la

supraconductivité haute température. Selon la prépondérance des probabilités, nous concluons

qu'il n'existe pas de motif suffisant pour réfuter le raisonnement étayant une prédiction pour des

vale      urs de « a » pouvant atteindre jusqu'à 0,11.

               Divulgation en bonne et due forme

                               

[69] Pour qu'il y ait divulgation en bonne et due forme, la communication doit inclure le

fondement factuel et un raisonnement valable. En l'espèce, toutes les compositions ayant servi

de fondement factuel étaient présentées de même que les informations utilisées pour inférer un

raisonnement valable. Pour cette raison, nous en arrivons à la conclusion que le critère de

divu     lgation en bonne et due forme a été respecté.

                               

                Conclusions   Prédiction valable

                                

[70]   la lumière du fait que les matériaux sont des oxydes multiphasiques et que les

formules nominales tiennent autant compte des phases supraconductrices que de celles qui le ne

sont pas, et compte tenu du fondement factuel et du raisonnement valable décrits plus haut, nous

estimons qu'il n'existe aucun motif pour affirmer qu'il ne peut y avoir de prédiction valable

d'utilité concernant les compositions visées par les revendications. Pour cette raison, nous ne

pouvons souscrire à l'opinion de l'examinateur selon laquelle les revendications 1, 3, 4, 5, 7, 8,

10, 13, 15, 17, 21 et 25 ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

                               

                     Notes supplémentaires

                                

[71] L'examinateur n'a pas rejeté la revendication 11 au motif d'absence de prédiction valable.

  sa face même, elle revendique une composition dont la formule nominale est celle de la phase

supraconductrice (voir par. 19 et tableau 2); cependant, nous avons précédemment mentionné

l'absence de toute affirmation précisant que ce matériau est un oxyde. En maints endroits, la

divulgation indique clairement que les compositions sont des oxydes et que l'oxygène joue un

rôle dans la capacité des compositions à devenir supraconductrices. En fait, la phase

supraconductrice est elle-même un oxyde. Voici que l'on peut lire dans la divulgation :

                               

[TRADUCTION] Au sein de la nouvelle structure que donne Tc > 77 oK, les couches cuivre-oxygène

semblent être continues sur des centaines de cellules unités. [page 6].

                          . . .

La composition nominale de la phase identifiée comme étant responsable de la supraconductivité à

           haute température est la suivante :

           Bi2Ca1Sr2Cu2O8+* (2:1:2:2) [page 9]

   . . .    

   Le temps de réaction optimal dépend de de la composition élémentaire du complexe d'oxyde préparé

   et de la température de la réaction. . . [page 13].

   . . .    

   Plusieurs de ces irrégularités sont probablement associées aux interfaces entre la pérovskite et les

   modules Bi2O2. . . [En référence à un seul grain de la phase supraconductrice à la page 18].

   . . .

   On peut penser que le cuivre et l'oxygène empruntent la configuration planaire commune à d'autres

   oxydes supraconducteurs haute température, mais aucune preuve ne permet encore d'étayer cette

   hypothèse. [page 20].

 

[72] Les passages cités plus haut s'ajoutent à de nombreuses autres références à des matériaux

en tant qu'« oxydes » et à l'absence dans la divulgation de toute indication à l'effet que l'oxygène

peut être omis.

 

[73] Sans inclure de l'oxygène, la revendication vise des compositions pour lesquelles rien ne

suggère qu'une quelconque utilité est attendue. Rien dans la divulgation ne suggère qu'il y avait

une intention de revendiquer des compositions qui ne sont pas des oxydes; par conséquent, cette

revendication ne semble pas être conforme à ce que décrit l'invention. Si les compositions ne

sont pas limitées à de seuls oxydes, la personne versée dans l'art ne pourrait être en mesure de

prédire valablement que les compositions de Bi:Ca:Sr:Cu dans un rapport de 2:1:2:2, sans

oxygène, afficheraient une résistance électrique nulle à une température de 77 oK ou plus. Force

nous est alors de conclure qu'il n'était pas possible que l'utilité de l'objet de la revendication 11

pouvait être valablement prédite dans son ensemble.

 

Deuxième objection : Résultat souhaité

 

[74] Le second motif de rejet invoqué par l'examinateur dans la décision finale veut que les

revendications 1-13 et 15-21 ne soient pas conformes au paragraphe 34(2) de la Loi sur les

brevets parce qu'elles visent un résultat souhaité.

 

Fondement législatif

 

[75] Dans un premier temps, il convient de prendre en considération le fondement législatif

de l'objection. Le paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets est rédigé en ces termes :

 

   34(2)       Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendications exposant

   distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme

   nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

  

[76] Le libellé de ce paragraphe est repris, avec des modifications, au paragraphe 27(4) de la

« nouvelle » Loi sur les brevets (dans sa version du 1er octobre 1996), que nous reproduisons ci-

dessous à des fins de comparaison :

 

   27(4) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement

   et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le

   privilège exclusif

         

[77] Le libellé de ces paragraphes est donc très similaire et établit que les revendications

doivent définir distinctement leur objet et en des termes explicites. Bien que cela semble être la

question en litige aux termes du paragraphe de la Loi sur les brevets cité, nous examinerons

l'objection telle qu'elle est sans nécessairement limiter notre analyse à la question de savoir dans

quelle mesure les revendications définissent distinctement leur objet et en des termes explicites.

 

Position de l'examinateur

                                  

[78] Nous reproduisons ici l'objection telle que présentée dans la décision finale :

 

   [TRADUCTION] Les réclamations 1, 3, 4 et 13 ne sont pas conformes au paragraphe 34(2) de la Loi

   sur les brevets en vigueur immédiatement avant le 1er octobre 1989. Le matériau est défini en termes

   du résultat souhaité qui est celui d'avoir une température critique de 77 oK ou plus, sans décrire les

   conditions nécessaires à l'atteinte de ce résultat.

  

   Le demandeur a fourni, dans la revendication, une définition additionnelle du matériau tirée des autres

   revendications, limitant ainsi sa portée aux seuls matériaux ayant une certaine composition nominale.

   Le problème réside dans le fait que ce ne sont pas tous les matériaux correspondant à cette

   composition nominale qui possèdent la caractéristique souhaitée. Il importe donc que le matériau soit

   davantage défini de manière à éliminer les compositions qui ne possèdent pas la caractéristique

   souhaitée.

  

   . . .

  

   La définition du matériau doit être faite sans répéter les caractéristiques recherchées. Ce n'est là que

   répéter l'objectif de la recherche sans définir distinctement l'objet de l'invention revendiquée.

  

   . . .

  

   Le demandeur a tenté de restreindre la portée des revendications en définissant la composition par ses

   caractéristiques souhaitées de température critique élevée. Dans les faits, il s'agit d'un moyen de

   revendiquer des compositions produites par des procédés autres que ceux que le demandeur a inventés

   ou décrits.

  

   . . .

  

   Ces revendications seraient acceptables si elles décrivaient le procédé par lequel on obtient les

   compositions supraconductrices, les transformant ainsi en revendications de produits par le procédé.

  

   . . .

  

   Le demandeur affirme de plus que la corrélation entre les températures de réaction, le taux

   d'évanouissement de la supraconductivité, la température de réaction [sic] et les compositions à base

   d'oxydes doit être prise en compte pour la réalisation de l'invention. L'influence de chacun de ces

   paramètres est si peu claire et tellement variable (comme le montrent les données présentées par le

   demandeur), que le simple fait d'en affirmer l'interdépendance ne peut suffire à produire un résultat

   infaillible.

  

[79] Dans le mémoire, l'examinateur présente un raisonnement un peu plus détaillé :

 

   [TRADUCTION] Le problème est que le demandeur s'appuie sur la propriété souhaitée de la

   composition pour la définir.   la rigueur, cela pourrait être acceptable si toutes les compositions

   correspondant à la composition nominale revendiquée avaient cette propriété. Malheureusement, elles

   n'ont pas toutes une Tc de 77 ºK  ou plus.

  

    Aux lignes 34 à 36 de la page 11, le demandeur affirme que « les paramètres de la préparation des

    échantillons peuvent avoir un effet considérable sur les propriétés électroniques et magnétiques de la

    classe TdM*eCufOg des composés à base d'oxydes ».

  

    Aux lignes 4 à 7 de la page 12 et aux lignes 35 à 2 des pages 12 et 13 respectivement, le demandeur

    affirme que les matériaux de la composition revendiquée peuvent avoir des propriétés diélectriques ce

    qui n'a rien à voir avec la supraconductivité.

  

    Aux lignes 35 à 2 des pages 12 et 13 respectivement, il est affirmé que les réactions effectuées à des

    températures de beaucoup inférieures à celles mentionnées plus haut produisent, en règle générale, un

    complexe d'oxydes n'ayant que des propriétés diélectriques ou semi-conductrices plutôt que des

    propriétés supraconductrices.

  

   La fabrication d'un supraconducteur dépend en grande partie du procédé utilisé pour le produire. Ce ne

   sont pas tous les procédés qui produiront des supraconducteurs. Les paramètres connus de température

   de réaction, air ambiant, taux d'évanouissement de la supraconductivité, composition d'oxyde, taux de

   réchauffement, régime de recuit et température de recuit doivent être sélectionnés à l'intérieur de

   minces fourchettes de manière à obtenir le résultat souhaité. Comme il le reconnaît, ce ne sont pas

   toutes les combinaisons de paramètres mettant ces compositions en présence qui fonctionnent. Par

   contre, il pourrait y avoir d'autres paramètres dans des combinaisons différentes (ou procédés) qui ne

   sont pas encore découverts. Le demandeur a découvert une combinaison de paramètres mettant en

   présence certaines combinaisons qui fonctionnent. Il ne peut revendiquer les autres combinaisons qu'il

   n'a pas mises à l'épreuve. Les revendications tentent d'étendre leur portée pour inclure d'autres

   procédés qui n'ont pas été étudiés. Ce qu'il a revendiqué va au-delà de l'objet de son invention. Il n'a

   pas revendiqué son invention en des termes distincts et explicites.

 

[80] Les points suivants, qui sous-tendent la seconde objection, sont tirés de la décision finale

et du mémoire.

 

     Les revendications ne font que réitérer l'objectif de la recherche sans définir l'invention

     convenablement.

 

     Ce ne sont pas tous les matériaux des compositions nominales qui possèdent les

     caractéristiques souhaitées. Ils doivent donc être définis davantage afin d'éliminer les

     compositions qui ne les possèdent pas.

 

     La définition du matériau doit être faite sans répéter les caractéristiques recherchées.

     Faute de quoi, les objectifs de la recherche sont tout simplement répétés sans que

     l'invention ne soit définie.

 

     Restreindre la portée des revendications en définissant le matériau par ses

     caractéristiques souhaitées vise à revendiquer des compositions obtenues par des

     procédés autres que ceux que le demandeur a inventés et décrits.

 

     L'influence des paramètres expérimentaux est peu claire et variable; ainsi, la simple

     affirmation à l'effet qu'ils sont interdépendants ne suffit pas pour donner un résultat

     infaillible. Les supraconducteurs sont très liés au procédé.

 

     Le demandeur a découvert une combinaison de paramètres mettant en présence une

     composition qui produit le résultat souhaité; il ne peut revendiquer d'autres compositions

     qui n'ont pas encore été mises à l'épreuve.

 

     Les revendications portent sur des procédés qui n'ont pas été mis à l'épreuve.

 

     L'invention du demandeur n'a pas été définie en des termes distincts et explicites.

 

[81] L'objection concerne le fait que les revendications visent un résultat souhaité et touche

les questions de l'habilitation, de l'utilité et de la portée des revendications. Nous examinerons

donc chacun de ces éléments.

 

Arguments du demandeur

 

[82] Comme nous l'avons mentionné, le demandeur n'a présenté aucune observation écrite

subséquente à la réponse à la décision finale; aussi, aucune communication additionnelle n'a été

reçue après les clarifications fournies par l'examinateur dans le mémoire. En réponse à

l'objection telle que présentée dans la décision finale, le demandeur a mis de l'avant les

arguments suivants :

 

        1)    Une personne versée dans l'art n'aurait aucune difficulté avec le libellé des

        revendications.

        2)      la lumière de ce qui précède, la restriction des revendications au procédé utilisé

        n'est pas fondée; une personne versée dans l'art saurait, sur la base de ses

        connaissances et des lignes directrices présentées dans la divulgation, quels

        paramètres éviter et quelles seraient les conditions de réaction appropriées pour

        atteindre le résultat souhaité

        3)  Le RPBB prévoit que les revendications de produit peuvent être définies de trois

        façons : par la structure, par rapport à son procédé de fabrication ou par rapport à

        ses propriétés physiques ou chimiques. Puisque le demandeur a défini les

        compositions par rapport à leur structure et à leurs propriétés chimiques, aucune

        restriction additionnelle par rapport au procédé n'est nécessaire.

 

Analyse - Résultat souhaité

    

[83] Pour examiner cette objection, nous analyserons chacun des points soulevés par

l'examinateur (tels que résumés au par. 80), les combinant parfois à des fins de commodité, et en

faisant référence aux arguments du demandeur si cela est indiqué.

 

[84] Le premier point qu'il convient d'aborder est la prémisse de la position de l'examinateur

qui veut que les revendications 1-13 et 15-21 visent un résultat souhaité sans préciser les

conditions nécessaires à son atteinte.

 

[85] Qu'il soit inacceptable de ne revendiquer que des résultats souhaités ne semble pas poser

problème, mais nous considérons comme étant fausse l'idée voulant que, en l'absence de limites

plus poussées par rapport à la structure ou au procédé (ou d'autres « conditions »), les

revendications « ne font que répéter les objectifs de la recherche ». Les revendications

comportent une restriction quant aux atomes qui sont présents dans les matériaux et à leurs

proportions sur la base des formules nominales. Bien qu'il puisse y avoir plusieurs composés qui

y correspondent, les formules nominales limitent néanmoins considérablement la portée des

revendications. En d'autres termes, une formule nominale contribue à limiter le résultat souhaité

de la même manière que le résultat souhaité contraint la formule à n'inclure que les compositions

qui la réalisent, ce qui a pour effets de centrer la portée de la revendication sur l'objet de

l'invention.

 

[86] Nous ne pouvons donc souscrire au point selon lequel la revendication ne vise qu'un

résultat souhaité ou qu'elle ne répète que le but de la recherche sans autre examen des faits de la

cause. L'ajout à une revendication de la mention d'un résultat souhaité ne constitue pas

automatiquement un motif de rejet; le résultat sert de limite fonctionnelle qui peut, en fait, être

tout à fait appropriée et acceptable. L'arrêt Burton Parsons Chemicals Inc. c. Hewlett-Packard

(Canada) Inc., [1976] 1 C.S.C. 555 (Burton Parsons), entre autres, constitue un précédent

permettant d'affirmer l'acceptabilité de telles limites dans des revendications.

 

[87] Dans Burton Parsons, la revendication portait sur une crème pour électrocardiographes, à

utiliser avec les électrodes de contact avec la peau, qui soit compatible avec une peau normale, et

qui comprenait une émulsion aqueuse stable contenant un sel très ionisable. La Cour a reconnu

ce qui suit :

 

   Si le brevet doit avoir un aspect pratique, il doit porter sur toutes les émulsions et tous les sels

   susceptibles de donner le résultat souhaité, notamment toutes « les émulsions dont la phase extérieure

   ou la monophase est de l'eau » et tous les sels qui sont assez facilement ionisables pour porter un

   courant d'électricité à faible résistance sur la peau, à l'exclusion uniquement des substances qui ne sont

   pas compatibles avec la peau humaine normale. Les preuves montrent clairement que ceci était évident

   pour quiconque est familier avec le domaine, car les caractéristiques d'émulsions appropriées et de sels

   appropriés sont bien connues. Seule la combinaison était nouvelle.

 

[88] Dans cette cause, les limites fonctionnelles imposées eu égard à la crème (compatibilité

avec la peau et bonne conductivité) et aux sels (très ionisables) ont été vues comme permettant

d'octroyer à des revendications toute la protection qu'elles méritent.

 

[89] Par conséquent, contrairement à l'opinion de l'examinateur, nous sommes d'avis qu'il peut

être important que le résultat souhaité soit intégré à la revendication; cela était le cas dans Burton

Parsons et ce l'est dans la présente affaire. Le résultat souhaité peut être inclus dans une

revendication dans le but de renoncer à un objet que le demandeur n'a jamais eu l'intention de

revendiquer et d'offrir un cadre pour définir l'objet de la revendication; cela contribue également

à informer la personne versée dans l'art sur la portée du monopole. Nous considérons donc qu'il

est tout à fait acceptable de mentionner le fait que les compositions BCSCO sont

supraconductrices à une Tc de 77 oK ou plus, puisqu'il s'agit là de l'objet allégué de l'invention et

le résultat souhaité des compositions.

 

[90] L'examinateur a soutenu que la répétition des caractéristiques désirées dans les

revendications est un moyen de revendiquer des compositions contenues par des procédés autres

que ceux inventés et décrits. Ici encore, cela nous semble acceptable.   des fins de comparaison,

c'est une pratique courante et bien acceptée dans le domaine de la chimie que de revendiquer des

composées par rapport à leur structure sans égard au procédé. Et ce, malgré le fait qu'il suffit

qu'une seule manière de produire le composé revendiqué soit décrite. Ce même raisonnement

devrait s'appliquer en l'espèce : le brevet porte sur le produit et non pas nécessairement sur les

procédés (bien qu'ils puissent aussi être revendiqués). Le demandeur a inventé une composition

de matières et a droit qu'on lui en confère le monopole sans égard au procédé utilisé pour la

produire. Pour cette raison, nous sommes d'avis qu'aucune restriction quant aux procédés n'est

requise en l'espèce.

 

[91]   cela s'ajoute l'affirmation de l'examinateur à l'effet que le demandeur tente de

revendiquer des procédés autres que ceux divulgués. Or, puisqu'aucune revendication ne vise les

procédés en soi, ce point est sans objet parce que le demandeur sollicite la protection des

compositions et non pas des procédés.

 

[92] Le point suivant qu'il convient d'aborder est l'opinion voulant que ce ne sont pas toutes

les compositions qui possèdent les caractéristiques souhaitées et que, par conséquent, une

définition plus poussée est requise afin d'éviter celles qui ne les possèdent pas. La décision finale

évoque des passages de la divulgation qui indiquent que ce ne sont pas toutes les compositions

nominales qui auront l'utilité promise et que cette réalisation est fonction des modalités de

préparation des échantillons. Cela ressort clairement dans un passage à la page 11 de la

divulgation, évoqué par l'examinateur dans le mémoire, qui se lit comme suit :

 

   [TRADUCTION] Les paramètres de la préparation des échantillons peuvent avoir un effet

   considérable sur les propriétés électroniques et magnétiques de la classe TdM*eCufOg des composés à

   base d'oxydes. Il a été constaté que les conditions de formation de TdM*eCufOg sont différentes à des

   températures (« T ») différentes. Le temps de réaction, la température de réaction, le taux

   d'évanouissement de la supraconductivité, l'air ambiant et les compositions sont interdépendants. Par

   exemple, les complexes d'oxydes de cette classe peuvent être préparés pour être diélectriques, semi-

   conducteurs ou supraconducteurs en faisant varier la température de réaction et le taux

   d'évanouissement de la supraconductivité sans modifier la composition.

 

[93] Il est donc évident que ce ne sont pas toutes les compositions correspondant à une des

formules nominales décrites dans les revendications qui donneront le résultat souhaité et l'utilité

promise. Bien que, à première vue, cela semble poser un problème, la réalité est que dans des

domaines tels que celui des matériaux céramiques, où la structure exacte d'un produit résiste à

une explication complète, il peut être tout à fait raisonnable de revendiquer le produit par rapport

à la formule nominale et d'accompagner cette revendication d'une restriction fonctionnelle sous

la forme d'un résultat souhaité. Cela est indiqué si, entre autres, la description donnée permet à la

personne versée dans l'art d'atteindre les résultats souhaités avec la fourchette des compositions

permise par les formules.

 

[94] On trouve une orientation à ce sujet à la section 17.03.04 du RPBB quant à la présence de

limites fonctionnelles dans les revendications. On peut y lire ce qui suit :

 

   Les limites fonctionnelles doivent toujours être envisagées du point de vue de la personne versée dans

   l'art. C'est pourquoi il faut se demander si la personne versée dans l'art peut réaliser toute la portée de

   la revendication sans avoir recours à une ingéniosité inventive.

 

[95] La deuxième phrase de cet extrait résume bien la question principale à laquelle il faut

répondre pour décider si l'insertion d'une limite fonctionnelle dans une revendication est

indiquée. Bien que, en général, un langage fonctionnel puisse être accepté, de telles restrictions

ne seront pas toutes jugées valables (voir l'exemple donné dans cette section du RPBB); la

décision est prise sur la base des faits de la cause.

 

[96] Dans la présente affaire, nous ne sommes pas convaincus qu'une personne versée dans

l'art aurait à faire preuve d'ingéniosité inventive pour appliquer toute la portée des revendications

à la lumière de l'étendue de la divulgation et du degré d'habilitation qu'elle confère.

         

[97] Sur cette question, la divulgation indique (page 12) que des facteurs tels que la chaleur,

la température, la concentration en oxygène, etc. déterminent le produit final, et que

l'optimisation des paramètres est bien connue. De plus, la divulgation explique comment

contrôler la réaction pour qu'elle donne le produit souhaité (page 13). Il est évident que ces

matériaux ne sont pas le résultat d'un mélange improvisé de matériaux de base, mais bien le

produit d'un protocole contrôlé et délibéré que la personne versée dans l'art est enjointe de

respecter en suivant les instructions divulguées et en s'appuyant sur ses connaissances générales,

tout en permettant qu'une expérimentation habituelle donne de bons résultats. En réponse à la

décision finale, le demandeur a souligné que la divulgation identifiait les conditions de réaction

pertinentes à contrôler. Or, l'examinateur a soutenu que l'influence de ces paramètres était peu

claire et variable, et a mentionné que le simple fait d'en affirmer l'interdépendance « ne peut

suffire à produire un résultat infaillible ».

 

[98] Il nous semble que cette affirmation place bien haut la barre et qu'il convient de garder à

l'esprit que la divulgation est destinée à une personne versée dans l'art (voir par. 59). Cette

personne possède certes des connaissances, des aptitudes et des compétences, mais on ne saurait

exiger l'infaillibilité. Au contraire, il est admis que cette personne pourrait avoir à effectuer une

expérimentation courante et peu ingénieuse pour que l'invention fonctionne, surtout à la lumière

du fait qu'il est connu que les produits sont très liés au procédé. En l'espèce, il est attendu que la

personne versée dans l'art, connaissant bien les paramètres expérimentaux pertinents et sachant

comment contrôler la réaction en vue d'assurer la formation de la phase supraconductrice, sera

en mesure d'ajuster les conditions de réaction pour atteindre les résultats souhaités. Il semble

bien que la divulgation permette non seulement à la personne versée dans l'art de fabriquer des

produits utiles, mais aussi de prévenir la fabrication de ceux qui, bien qu'ayant la même formule

nominale, sont inutiles. Bien qu'un tel résultat ne serait pas nécessairement inévitable, il manque

les motifs suffisants pour conclure que la personne versée dans l'art ne saurait réussir sans une

quantité indue d'essais ou sans faire preuve d'ingéniosité inventive. Par conséquent, compte tenu

de l'étendue de la divulgation, nous ne voyons aucun motif pour conclure qu'une personne versée

dans l'art ne pourrait pas être en mesure de fabriquer des compositions correspondant aux

formules indiquées et donnant les résultats souhaités, ou encore devrait faire preuve de génie

inventif pour y arriver.

 

[99] Comme l'a mentionné le demandeur, le RPBB (article 11.08) prévoit que les

revendications de produit peuvent être définies de trois façons : par la structure, par rapport à son

précédé de fabrication ou par rapport à ses propriétés physiques ou chimiques. Alors qu'il

apparaît indiqué de revendiquer les présents supraconducteurs par rapport aux procédés ayant

permis de les produire, cela convient également à la technologie.

 

[100]     En concluant que la divulgation montre à la personne versée dans l'art comment produire

des compositions visées par les revendications 1-13 et 15-21, et qui auraient l'utilité promise,

nous affirmons également que, du moins en l'espèce, aucune autre restriction des revendications

n'est nécessaire.   Par conséquent, nous concluons que l'étendue de la divulgation étaye la

revendication des formules limitées au résultat non seulement souhaité, mais aussi atteint au

moyen d'une limite fonctionnelle. 

 

[101]     Le dernier point que l'examinateur soulève dans le mémoire clôt l'exposé des raisons

pour lesquelles l'irrégularité a été identifiée : le demandeur n'a pas revendiqué l'invention en des

termes distincts et explicites. L'argument du demandeur était tout simplement qu'une personne

versée dans l'art n'aurait aucune difficulté avec le libellé des revendications.   la lumière de

notre conclusion selon laquelle les revendications ne visent pas qu'un résultat souhaité, elles ne

sont, pour ce motif, ni ambiguës ni vagues. Nous sommes d'accord avec l'affirmation voulant

qu'une personne versée dans l'art saurait les comprendre.   la lumière de notre conclusion à

l'effet que les revendications conviennent à leur objet et à l'art, nous considérons que ce point n'a

pas à être examiné plus fond. Les revendications ne sont ni indistinctes ni non explicites. 

 

Conclusions    Objection aux termes du paragraphe 34(2)

 

[102]     Pour les motifs qui précèdent, nous ne souscrivons pas à l'évaluation de l'examinateur

selon laquelle les revendications 1-13 et 15-21 ne sont pas conformes au paragraphe 34(2) de la

Loi sur les brevets.

 

Considérations relatives à l'ancienne Loi

 

[103]     Étant donné que la demande a été déposée au terme de la Loi sur les brevets dans sa

version antérieure au 1er octobre 1989 (l'« ancienne Loi »), il convient de soulever l'exigence

selon laquelle des revendications admissibles doivent être évaluées aux termes de l'article 43 afin

de déterminer si des procédures en cas de conflit sont indiquées. Il incombe à l'examinateur

chargé de la cause de faire cette évaluation. Cette démarche en deux étapes s'explique par la

possible implication de tierces parties et les répercussions que l'affaire pourrait avoir sur elles.

La demande sera donc renvoyée à l'examinateur afin qu'il procède à cette détermination après

que les modifications proposées dans la présente décision en vertu de l'alinéa 31c) des Règles

auront été apportées. 

 

Recommandations et modifications proposées en vertu de l'alinéa 31 (c) des

Règles

 

[104]     Pour les motifs exposés plus haut, nous recommandons que le refus de la demande soit

infirmé.

 

[105]     Conformément à l'alinéa 31c) des Règles sur les brevets, nous recommandons également

que la commissaire informe le demandeur que les modifications qui suivent sont nécessaires

pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets :

      

       (i)    La réclamation 11 doit être modifiée de manière à préciser que seules les

       compositions à base d'oxydes sont visées par les revendications. Une autre solution

       serait de supprimer la revendication 11.

 

[106]     Enfin, nous recommandons que :

    

        (i)  le demandeur soit invité à effectuer seulement les modifications susmentionnées

        dans un délai de trois mois à compter de la date de la décision de la commissaire;

  

        (ii) le demandeur soit informé que si les modifications susmentionnées, et ces seules

        modifications, ne sont pas effectuées dans le délai imparti, la commissaire entend

        refuser la demande; 

       

        (iii)          le demandeur soit informé que si les modifications susmentionnées, et ces

        seules modifications, sont effectuées dans le délai imparti, la commissaire entend

        retourner la demande à l'examinateur pour qu'elle soit acceptée à moins que des

        procédures en vertu de l'article 43 de la Loi sur les brevets ne soit nécessaire.

    

              

    

 

 

 

Ryan Jaecques             Mark Couture              Paul Sabharwal

Membre                       Membre                        Membre

 

 

Décision de la commissaire

 

[107]     Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d'appel des

brevets. Par conséquent, j'invite le demandeur à apporter les modifications susmentionnées, et

uniquement ces modifications, dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision. Si

les modifications ci-dessus et seulement ces modifications sont apportées dans le délai prescrit,

le rejet de la demande par l'examinateur sera considéré comme réfuté. La demande sera alors

retournée à l'examinateur en vue de possibles procédures intentées en vertu de l'article 43 de la

Loi sur les brevets.    

    

 

                                  

    

Mary Carman

Commissaire des brevets                                        

    

                                            

Fait à Gatineau (Québec)

le 4 juin 2010  

 

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