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Commissioner’s Decision # 1307

Décision du Commissaire # 1307

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: A20, B20, C00

SUJET : A20, B20, C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 2,407,304

Demande no. : 2,407,304

 

                                                                                                                                                           

 

Résumé de la décision du commissaire

 

La demande en question se rapportait à des anticorps spécifiques pour divers polypeptides récepteurs et constituait une demande complémentaire d’un brevet principal qui revendiquait les polypeptides récepteurs.

 

La demande en question fut rejetée lors d'une décision finale en raison d’un double brevetage relatif à une « évidence », du fait que les anticorps revendiqués ont été considérés comme ne renfermant pas « d’élément brevetable distinct » de l’objet des revendications du brevet principal.

                                                                                   

La demande a également été rejetée en raison d’une absence d’étayage des revendications visant des anticorps monoclonaux spécifiques aux polypeptides récepteurs et d'une absence d’étayage d’une revendication visant une utilisation thérapeutique des anticorps.

 

Double brevet relatif à une « évidence »

 

Décision : le rejet pour ces motifs a été annulé.

                                               

Les anticorps revendiqués ne sont pas couverts par la portée des revendications du brevet principal et il n'existe aucun chevauchement entre les revendications.

 

L’objet revendiqué en l’espèce ne reflète pas la même utilisation prévue ou la même fin que les composés revendiqués dans le brevet principal; l’objet revendiqué ne constitue pas un choix évident de l’objet revendiqué dans le brevet principal; et l’objet revendiqué ne constitue pas une variation, modification ou combinaison évidente de l’objet revendiqué dans le brevet principal.

 

Par conséquent, les revendications quant à un anticorps spécifique pour un polypeptide ne prolongent pas outre mesure le monopole de droit accordé par le brevet principal sur le polypeptide cible par le biais de la protection distincte d’un objet ne renfermant pas « d’élément brevetable distinct ».

 

Étayage des anticorps monoclonaux

 

Décision : le rejet pour ces motifs a été annulé partiellement, confirmé partiellement.

                                               

Dans des cas où un nouveau polypeptide cible a été entièrement caractérisé, un demandeur peut revendiquer valablement des anticorps monoclonaux spécifiques pour le polypeptide même si le mémoire descriptif pourrait ne pas offrir une justification exemplaire, dans la mesure où le mémoire descriptif respecte aussi les autres exigences de la Loi (par exemple, l’exigence liée à l’habilitation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets). Cependant, la portée des revendications quant au polypeptide cible est l'une de plusieurs considérations fondamentales.

 

Dans le cas en l’espèce, les revendications rejetées visant les anticorps monoclonaux étaient d'une envergure trop large considérant les polypeptides cibles. Des modifications furent donc demandées afin de restreindre la portée des revendications aux seuls polypeptides cibles disposant d’un étayage adéquat.

 

Étayage de l’utilité des anticorps revendiqués à titre d’agents anti-inflammatoires

 

Décision : le rejet pour ces motifs a été confirmé.

 

L’utilité promise des anticorps thérapeutiques doit être soit démontrée, soit fondée sur une prévision valable. Dans le cas présent, l’utilité promise n’a pas été démontrée et les faits présentés dans le mémoire descriptif tel que soumis ne justifiaient pas adéquatement d’un raisonnement clair et valable qui aurait validé l’utilité thérapeutique promise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2,407,304 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a fait l’objet d’un réexamen conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets par la Commission d'appel des brevets et la commissaire aux brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Représentant de la demanderesse :

 

Dennison Associates

133 rue Richmond Ouest, bureau 301

Toronto, Ontario

M5H 2L7

 

 

 

 

 

 

           

 

 

 

      Introduction

 


I.                               La présente décision concerne la révision de la décision finale de l’examinatrice relative   la demande de brevet no 2,407,304.

 

 

I.                               La demanderesse est Genentech, Inc., les inventeurs sont William I. Wood et James Lee, et l’invention est intitulée « RECEPTEURS HUMAINS DE PF4A ET LEUR UTILISATION ».

 

      Contexte

           

II.                              titre de contexte, la demande se rapporte   des récepteurs humains pour la superfamille des facteurs plaquettaires 4 (PF4A), des anticorps ayant la capacité de se lier de mani re spécifique aux dits récepteurs, et   l’utilisation des dits anticorps en tant qu’agents anti-inflammatoires. Selon la description, la superfamille des facteurs plaquettaires 4 comprend des polypeptides « CXC » et des polypeptides « C-C », de m me que dix cytokines pro-inflammatoires ou plus, y compris la cytokine interleukine-8 (IL-8).

 

      Historique de la demande

 

III.                         La demande en cause est une division volontaire de l’élément brevetable du brevet principal 2,105,998 et elle a été déposée avec des revendications visant des anticorps monoclonaux susceptibles de lier spécifiquement un polypeptide récepteur de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 (PF4AR) isolé et   l’utilisation de tels anticorps   des fins thérapeutiques ou diagnostiques. Une décision pré-finale datée du 1er juin 2006 a maintenu son objection en raison d’un double brevetage relatif   une « évidence » vis- -vis toutes les revendications et a également maintenu ses objections aux revendications visant des anticorps monoclonaux (revendications 5   7) en vertu du paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Dans ce rapport, l’examinatrice a fait valoir une objection distincte et additionnelle   la revendication 7   l’effet que cette derni re n’était pas conforme au paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets pour de nouveaux motifs. Dans une réponse datée du 1er décembre 2006, la demanderesse a déposé les nouvelles revendications 1   4, redéposé les précédentes revendications 5   7 et a fait valoir qu’elle avait contesté les objections.

 

IV.                         Dans une décision finale datée du 27 ao t 2007, l’examinatrice a expliqué en détails et maintenu toutes les objections précédemment soulevées pour les m mes motifs. Dans la réponse   la décision finale, datée du 27 février 2008, la demanderesse a soumis de nouvelles revendications 1   7, mais seule la revendication 7 avait été modifiée de mani re appréciable.   nouveau, la demanderesse a fait valoir que les objections avaient été contestées. Selon l’examinatrice, la réponse de la demanderesse   la décision finale n’a pas réfuté les objections mises de l’avant dans la décision finale. Subséquemment, un résumé des motifs a été transmis   la Commission d’appel des brevets le 8 mai 2008, résumé dont une copie a été envoyée   la demanderesse.

 

V.                            Une audience a eu lieu le 17 février 2010. Lors de cette audience, la demanderesse était représentée par M. John Jeffrey, de la firme Dennison Associates. Mme Rena Oulton, l’examinatrice responsable de la demande, et M. Nicholas Ohan, le chef de section, étaient également présents.

 

      Motifs du rejet

     

VI.                         Les revendications de la demande complémentaire en l’esp ce ont été contestées en vertu du paragraphe 36(2) de la Loi sur les brevets, parce qu’elles ne comportaient pas d’élément brevetable distinct de l’objet des revendications du brevet principal no 2,105,998. Les arguments présentés par l’examinatrice dans sa décision finale se rapportent   un double brevetage relatif   une « évidence ». L'examinatrice a de plus rejeté les revendications 5   7 en raison d’une non-conformité au paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets, et le mémoire descriptif pour non-conformité au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui a trait aux anticorps monoclonaux. Enfin, l'examinatrice a rejeté la revendication 7 en raison d’une non-conformité au paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets, et le mémoire descriptif pour non-conformité au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui a trait aux utilisations thérapeutiques et diagnostiques des anticorps.

 

      Aspects problématiques

 

VII.                      Eu égard aux revendications, la décision finale et les arguments soumis en réponse   la décision finale, la Commission d’appel des brevets est confrontée   deux questions :

     

(1)  Les revendications 1 à 7 sont-elles visées par la prohibition contre le double brevetage relatif à une « évidence » étant donné le brevet principal 2,105,998?

 

(2) Le mémoire descriptif en cause fournit-il un étayage suffisant quant aux anticorps monoclonaux couverts par la portée des revendications 5 à 7 et quant à l’utilisation des anticorps à titre d’agents anti-inflammatoires, tel que précisé dans la revendication 7?

 

 

      Problème (1) : double brevetage relatif à une « évidence »

 

      Principes juridiques du double brevetage relatif à une « évidence »

 

VIII.                   Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool) est considéré comme étant l’arr t de principe en mati re de double brevetage. Bien que la prohibition frappant le double brevetage est du domaine de la jurisprudence, la Cour supr me a accepté dans la décision Whirlpool qu’il existe une prohibition inhérente contre le double brevetage dans la Loi sur les brevets. En vertu du paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets, un inventeur ou un demandeur n’a droit qu’  un [article indéfini] brevet pour 1 invention. Dans la m me décision, la Cour a statué également qu’il existe deux volets   la prohibition contre le double brevetage.

 

IX.                         Le premier volet est appelé double brevet relatif   la « m me invention » et le deuxi me volet est appelé double brevet relatif   une « évidence ». Le premier volet s’applique aux situations o  les revendications sont identiques ou contiguës.

 

X.                            Le deuxi me volet de la prohibition contre le double brevetage est plus étendu et s’applique aux situations o  les revendications ne renferment pas "d'élément brevetable distinct". Le deuxi me volet est décrit dans l’alinéa 66 de Whirlpool :

 

[traduction] L’interdiction comporte toutefois un deuxième volet qui est parfois appelé le double brevetage relatif à une « évidence ». Il s’agit d’un critère plus souple et moins littéral qui interdit la délivrance d’un deuxième brevet dont les revendications ne renferment pas des « éléments brevetables distincts » de ceux visés par les revendications du brevet antérieur.

 

     

XI.                         La demande en cause est une demande complémentaire au brevet principal 2,105,998. Les dispositions réglementaires de la Loi sur les brevets se rapportant aux demandes complémentaires apparaissent   l’article 36 de la Loi sur les brevets.

 

         Le paragraphe 36(1) stipule que :

 

 

Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu'il a été accordé pour plus d'une invention [non souligné dans l’original].

 

 

         et le paragraphe 36(2) stipule que :

 

 

Si une demande décrit plus d'une invention, le demandeur peut restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l'objet d'une demande complémentaire, si celle-ci est déposée avant la délivrance d'un brevet sur la demande originale [non souligné dans l’original].

 

 

XII.                      Bien qu’il bénéficie de la m me période de monopole que le brevet principal, un second brevet émis   la suite du dépôt d'une demande complémentaire demeure sujet   la prohibition contre le double brevetage (Glaxosmithkline Inc. c. Apotex Inc., 2003 CFPI 687, 27 C.P.R. (4e) 114 (GSK)). Dans GSK, le juge Kelen indique aux alinéas 90 et 91 :

 

[traduction] Je ne peux convenir avec GSK que « le péché du double brevetage » s’est envolé. GSK a négligé l’impact qu’un second brevet peut avoir en vertu du Règlement. Selon l'alinéa 7(1)(e) du Règlement, le ministre se voit interdit d'émettre l'AC demandé pour une période de 24 mois dès lors que le détenteur d’un brevet a demandé une ordonnance en vertu du paragraphe 6(1). L’effet de cette disposition est de mettre en place une injonction mandatoire qui demeure en vigueur jusqu’à soit le règlement du dossier, soit l’expiration de la période de 24 mois. L’existence de brevets additionnels permet au détenteur du brevet de soumettre des demandes additionnelles, lui accordant de multiples périodes d’injonction mandatoire. Nul besoin de chercher plus loin que le cas présent pour trouver un exemple patent de cette pratique. Bien qu’Apotex ait réussi à invalider le brevet ‘637 en 2001, le dépôt de cette demande par GSK a interdit à Apotex de mettre son produit sur le marché au cours des deux dernières années.

 

De plus, sans égard au fait que « le péché du double brevetage » existe toujours ou non, un détenteur de brevet ne devrait pas pouvoir se voir accorder des brevets additionnels pour la même invention. Un appui à cette position est présent dans la décision de Lutfy J. (tel était alors son titre) dans Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 154 F.T.R. 192, 82 C.P.R. (3e) 359, conf. (2000) 6 C.P.R. (4e) 285 (C.A.F.). Bayer détenait deux brevets, déposés à titre de demandes complémentaires, qui couvraient la même invention. La période de protection assurée par un brevet s’étendait de sa date d’émission, et le terme du second brevet s’est prolongé pour une période additionnelle de quatre-vingts mois après l’expiration du brevet initial. Bayer a plus tard produit une déclaration de renonciation qui a ramené la date d’expiration du second brevet à celle du premier. Bayer a soutenu que le second brevet n’était pas rendu caduque au motif d'un double brevetage étant donné que la déclaration de renonciation avait éliminé les aspects nuisibles du double brevetage. L’argument fut rejeté par Lufty J., qui a maintenu qu'une ingéniosité inventive demeurait nécessaire en vue d'étayer le second brevet. J'abonde dans ce sens. Tout comme l’a noté Binnie J. dans Whirlpool, l'alinéa 63 du paragraphe 36(1) de la Loi précise qu’un inventeur n’a droit qu’à « un » brevet pour chaque invention. La conséquence logique de ceci est le fait que deux inventions seront requises pour justifier deux brevets. Ceci est confirmé par la formulation même du paragraphe 36(2).

 

 

   Analyse et conclusions

 

XIII.                   Étant donné les objections présentes dans la décision finale et la série de revendications figurant au dossier, il apparaît clairement que les revendications de la demande en cause ne sont pas identiques ou contiguës aux revendications du brevet principal 2,105,998. Par conséquent, le deuxi me volet de la prohibition contre le double brevetage (c'est- -dire, le double brevetage relatif   une « évidence ») sera celui qui sera évalué dans la présente décision.

 

XIV.                   Bien que l’examinatrice a contesté les revendications 1   7 de la demande en cause en raison du fait qu’elles ne renferment pas d’élément brevetable distinct par rapport aux revendications 1   9 du brevet principal, nous constatons qu’aucune des revendications du brevet principal ne visent des anticorps anti-PF4AR. De plus, les arguments de l’examinatrice dans la décision finale et les documents déposés par la demanderesse en réponse   la décision finale se limitent   une comparaison entre des polypeptides et leurs anticorps spécifiques. La revendication indépendante 1 de la demande complémentaire en cause et la revendication indépendante 1 du brevet principal sont considérées comme étant les revendications ayant la plus large portée et la plus grande pertinence. Dans un souci d'efficacité, seul ces revendications seront examinées en vue de déterminer si l'objet revendiqué en l’esp ce est visé par la proscription du double brevetage relatif   une « évidence ». S'il est démontré que ces revendications ne sont pas visées par la proscription, il s’ensuivra alors que c’est également le cas pour les revendications 2   7. Les revendications plus restreintes n’ont    tre évaluées séparément que s’il s’av re que les deux revendications 1 indépendantes sont visées par la proscription eu égard   un double brevetage relatif   une « évidence ».

  

XV.                      Les revendications en question sont les suivantes :

 

Revendication 1 du brevet complémentaire en cause (2,407,304)

 

1. Un anticorps qui est capable de lier spécifiquement un polypeptide PF4AR récepteur de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 présentant une identité des séquences d’acides aminés de 85 % avec la séquence d’acides aminés traduite des figures 2, 4 ou 5.

 

Revendication 1 du brevet principal (2,105,998)

 

1. Un polypeptide PF4AR récepteur de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 présentant une identité des séquences d’acides aminés de 85 % avec la séquence d’acides aminés traduite des figures 2, 4 ou 5.

 

 

I.                               Les extraits ci-dessous de la décision finale soulignent, partiellement, la position de l'examinatrice en regard de la question du double brevetage relatif   une « évidence » :

 

 

Les anticorps anti-PF4AR présentés dans les revendications 1-4, 6 et 7 de la présente demande complémentaire sont évidents étant donné le polypeptide PF4AR des revendications 1-9 du brevet canadien principal 2105998. Une personne versée dans l’art et au fait de la polypeptide PF4AR des revendications 1-9 du brevet canadien principal 2105998, pourrait fort probablement préparer avec succès des anticorps qui se lient spécifiquement au dit polypeptide PF4AR sans besoin d’une expérimentation considérable et prolongée, étant donné les connaissances générales bien établies en matière de production d'anticorps. Obtenir des anticorps relatifs à un polypeptide en particulier alors que le dit polypeptide spécifique était possédé faisait partie des connaissances générales bien établies à l’époque de l’invention. D’ailleurs, la demanderesse a simplement décrit comment produire les dits anticorps et n'a pas de fait fourni des anticorps, se fiant apparemment sur la facilité d’obtenir une telle production pour justifier les dits anticorps hypothétiques. De plus, les anticorps anti-PF4AR envisagés de la présente demande complémentaire n’offrent aucun effet technique inattendu qui les auraient rendus non évidents pour la personne versée dans l’art en possession du polypeptide PF4AR tel que divulgué dans le brevet canadien principal 2105998. Par conséquent, les anticorps anti-PF4AR envisagés de la demande en cause constituent un aspect différent de la même invention, et les revendications 1-4, 6 et 7 de la demande en cause et les revendications 1-9 du brevet canadien principal 2105998 ne peuvent se voir accorder une protection dans des brevets distincts.

...

 

Si, comme la demanderesse le soutient dans sa correspondance du 1er décembre 2006, la production d’anticorps monoclonaux ne suppose aucune expérimentation indue, alors les anticorps anti-PF4AR présentés dans les revendications 5-7 de la présente demande complémentaire sont évidents étant donné le polypeptide PF4AR des revendications 1-9 du brevet principal canadien 2105998. Par conséquent, une personne versée dans l’art et au fait de la polypeptide PF4AR des revendications 1-9 du brevet canadien principal 2105998, pourrait fort probablement préparer avec succès des anticorps qui se lient spécifiquement au dit polypeptide PF4AR sans besoin d’une expérimentation considérable et prolongée, étant donné les connaissances générales bien établies en matière de production d'anticorps. Obtenir des anticorps relatifs à un polypeptide en particulier alors que le dit polypeptide spécifique était possédé faisait partie des connaissances générales bien établies à l’époque de l’invention. D’ailleurs, la demanderesse a simplement décrit comment produire les dits anticorps et n'a pas de fait fourni des anticorps, se fiant apparemment sur la facilité d’obtenir une telle production pour justifier les dits anticorps hypothétiques. De plus, les anticorps anti-PF4AR envisagés de la présente demande complémentaire n’offrent aucun effet technique inattendu qui les auraient rendus non évidents pour la personne versée dans l’art en possession du polypeptide PF4AR tel que divulgué dans le brevet canadien principal 2105998. Par conséquent, les anticorps anti-PF4AR envisagés de la demande en cause constituent un aspect différent de la même invention, et les revendications 5-7 de la demande en cause et les revendications 1-9 du brevet canadien principal 2105998 ne peuvent se voir accorder une protection dans des brevets distincts.

 

 

II.                            Pour résumer la position de l’examinatrice, les anticorps revendiqués sont considérés comme un aspect différent de la m me invention et ne sont pas considérés comme renfermant un « élément brevetable distinct » par rapport aux polypeptides revendiqués dans le brevet principal, puisqu'il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’obtenir de tels anticorps et cette personne aurait été en mesure de les produire sans une expérimentation considérable et prolongée.

  

III.                         Dans la réponse   la décision finale, la demanderesse a déposé, en partie, ce qui suit en regard de l’objection au motif d’un double brevetage relatif   une « évidence » :

 

 

[traduction] Nous soutenons respectueusement cependant que l’examinatrice a évalué incorrectement les critères concernant le double brevetage.

...

Pour que deux brevets concernent la même invention, il doit exister un chevauchement important des revendications des brevets, c'est-à-dire qu'ils doivent se rapporter aux mêmes arts, processus, machineries, fabrications ou composés de matières. Se reporter à Apotex c. Merck; Apotex c. Sanofli; cités plus haut. Si, par exemple, les revendications des deux brevets concernent des composés de matières différents, elles doivent alors concerner des inventions différentes.

 

Les décisions des tribunaux démontrent clairement que les revendications de la demande doivent concerner la même invention. Dans le cas de toutes les affaires devant la Cour se rapportant à la question d’une même invention pour deux brevets, toutes concernaient un même produit protégé par deux brevets de telle manière que ce même produit pouvait porter atteinte aux revendications de chaque brevet. Si ce n’était pas le cas, il ne pouvait y avoir alors double brevetage. Ainsi par exemple, dans Commissaire aux brevets c. Farbwerke Hoechst AG, 41 C.P.R. 9, le brevet principal visait une substance médicinale alors que la demande complémentaire visait la même substance médicinale mélangée à un excipient de qualité pharmaceutique. De la même manière, dans GlaxoSmithKIine Inc. c. Apotex Inc. 27 C.P.R. (4e) 114, la demande principale visait un procédé de préparation dans lequel l’eau était absente et la demande complémentaire visait le même procédé de préparation où il y avait absence d’eau et également absence de cellulose microcristalline. Dans Bayer Inc. c. Canada 6 C.P.R. (4e) 285, la demande principale visait une substance médicinale et la demande complémentaire visait la même substance médicinale combinée à un excipient de qualité pharmaceutique. De même dans d’autres cas similaires où la question d'une même invention a été décidée, à savoir Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel Saskatchewan Limited 56 C.P.R. (2e) 145 et Whirlpool Corp. c. Camco Inc. 9 C.P.R. (4e) 129, les revendications des deux brevets examinés visaient le même produit. Les tribunaux dans le cas des décisions examinées ci-dessus ont établi les critères pour le double brevetage. Tel qu'indiqué par la Cour suprême dans le cas Whirlpool, il faut comparer les revendications des deux demandes :

 

 

[traduction] Il est clair que la prohibition contre le double brevetage suppose une comparaison des revendications plutôt que la divulgation, puisque ce sont les revendications qui définissent le monopole. La question est donc de déterminer à quel degré les revendications doivent être « identiques » dans le brevet subséquent pour justifier d’une invalidation.

 

 

En conséquence, nous soutenons respectueusement que les critères établissant qu'il y a double brevetage sont que les revendications des brevets visent des objets qui se chevauchent, c’est-à-dire qu’elles visent la même substance ou composé de matières.

...

Les revendications de la présente demande visent des anticorps capables de lier des polypeptides récepteurs de la superfamille des facteurs plaquettaires 4. Il est par conséquent évident que les revendications de la présente demande visent un composé de matières distinct de celui de la demande principale, à savoir, un anticorps et non pas le polypeptide PF4AR. En conséquence, les revendications de la présente demande ne pouvaient pas viser la même invention que celle revendiquée dans la demande principale.

 

Étant donné que les revendications de la présente demande visent une substance ou un composé de matières différents que les revendications de la demande principale, les revendications de la présente demande ne visent donc pas la même invention que celle que visent les revendications de la demande principale. Tel que noté par la Cour dans Whirlpool, la prohibition vise un « renouvellement à perpétuité »  (ou prolongement inapproprié de monopole). Si deux brevets visent des substances différentes, il ne peut y avoir de prolongement inapproprié de monopole. En conséquence, étant donné tout ce qui précède, il est soutenu que les revendications 1-4, 6 et 7 visent une invention différente que les revendications 1 à 9 du présent brevet. La demanderesse demande que ce rejet soit annulé.

 

           


1.         En résumé, la demanderesse soutient principalement que si les revendications des deux brevets (dans le cas présent, un brevet principal et sa demande complémentaire) visent deux composés de mati res différents qui ne se chevauchent pas, alors elles doivent nécessairement viser des inventions différentes et il ne peut y avoir de double brevetage. Nous notons que les arguments de la demanderesse se fondent également, en partie, sur Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc. 2006 CAF 421 et Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. 2006 CF 524 (Merck I), conf. 2006 CAF 323.

  

2.         Dans Merck I, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit aux alinéas 49-50 en ce qui a trait au statut complémentaire et au double brevetage :

 

...

[traduction] Lorsque, comme dans le cas présent, les différentes demandes complémentaires et la principale ne contiennent aucune revendications qui se recoupent, il n'y a aucun risque que le titulaire du brevet soit en mesure de prolonger son monopole conféré par le brevet en ayant deux brevets pour la même invention.

  

En résumé, Hughes J. a maintenu avec justesse qu’une demande complémentaire incorrecte en rapport avec un brevet n'entraîne pas, en l’absence de double brevetage, une perte des droits conférés par le brevet. J’ajouterais seulement que Apotex n’a pas interjeté appel du rejet par le juge de son argument touchant le double brevetage et que cette question n'est pas à l'ordre du jour du présent comité [non souligné dans l’original].

 

 

3.         Eu égard   ce qui préc de, la Commission n’a besoin que de déterminer s’il y aurait ou non un double brevetage relatif   une « évidence » si la demande complémentaire en cause devait subséquemment recevoir un brevet.

  

4.         Le juge Sharlow dans Pharmascience Inc. c. Sanofi-Aventis Canada Inc., 2006 CAF 229 a affirmé ce qui suit   l’alinéa 67 :

 

 

[traduction] Le « double brevetage » fait référence à une certaine jurisprudence qui a été conçue en vue d’empêcher le « renouvellement à perpétuité » des brevets. Le renouvellement à perpétuité est un prolongement indu du monopole de droit dans un brevet en particulier par le biais d’une série de brevets présentant des ajouts évidents ou non inventifs (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, à l’alinéa 37) [non souligné dans l’original].

 

  

5.         De m me, en ce qui a trait au double brevetage, le juge Hughes dans Bristol-Myers Squibb Canada Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 137 a indiqué   l'alinéa 175 :

 

[traduction] Même lorsque la même personne a reçu deux brevets, les critères pour distinguer l’un de l’autre sont la perspective d’une identité ou le caractère évident. Le but est de déterminer si le second brevet revendique la même chose que le premier (littéralement) ou s’il revendique quelque chose qui est clairement compris dans la portée du premier. La Cour suprême estime que les deux approches sont valables : se reporter à Whirlpool Inc. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067 aux alinéas 63 à 75 [non souligné dans l’original].

 

 

6.         En se fondant sur les passages cités ci-dessus, il appert que lorsque l’objet revendiqué d’une demande complémentaire chevauche partiellement l'objet de revendications présentes dans son brevet principal accordé, ou lorsque l’objet complémentaire est clairement compris dans la portée des revendications principales, une prolongation indue du monopole de droit déj  conféré par l'octroi du brevet principal peut se produire en raison d'un double brevetage relatif   une « évidence ».   

 

7.         La Cour fédérale dans Merck & Co. c. Apotex Inc., (1994), 59 C.P.R. (3e) 133 (C.F. 1 re inst.), conf. [1995] 2 C.F. 723 (C.A.), 60 C.P.R. (3e) 356 (Merck II) et la Commission dans Re Application of BASF AG (2010), décision du commissaire no 1299, dans Re Application of Millennium Pharmaceuticals, décision du commissaire no 1294, et dans Re Application of Norimasa Miyairi et al. (1976), décision du commissaire no 332, ont déterminé que l’utilité inhérente ou fin principale d’un composé n’est pas considérée comme une invention distincte du composé en soi, mais comme un aspect différent de la m me invention.   titre d’exemple de ce qui préc de, dans Merck II, la Cour alors qu’elle déterminait si le composé EnalaprilMD et son emploi dans le traitement de l'hypertension constituaient des inventions différentes, a affirmé ce qui suit :

 

  

[traduction]... plusieurs ou de nombreux composés et plusieurs compositions, ainsi que les usages précis auxquels ils sont destinés, [sont] tous des aspects de la même invention. L'énalapril est peut-être l'élément essentiel de chaque revendication, mais la portée des revendications et du brevet d'invention dépasse la molécule chimique de l'énalapril ou du maléate d'énalapril.

 

L'objet et l'utilité du composé d'énalapril sont inhérents au composé et, en fait, au brevet [non souligné dans l’original].

 

 

8.         Il est également évident, en se basant sur Whirlpool, qu'un second brevet ne se justifie pas sauf si les revendications présentent un aspect « nouveauté ou ingéniosité » par rapport au premier brevet; c’est- -dire que l’objet des revendications du second brevet doit renfermer un « élément brevetable distinct » par rapport   l’objet du premier brevet. La Cour supr me,   titre d’exemple, réf re   Commissaire aux brevets c. Farbwerke Hoechst AG [1964] R.C.S. 49 (Hoechst), o  il fut déterminé qu’une forme diluée du m me médicament ne renfermait aucun « élément brevetable distinct » par rapport au médicament en soi.

9.         Eu égard   la jurisprudence citée, et contrairement aux soumissions de la demanderesse, la Commission ne peut conclure que les crit res établissant qu’il y a double brevetage sont simplement que les revendications des brevets visent des objets qui se chevauchent. Le fait que les revendications se rapportant   l'utilité inhérente ou fin principale d'un composé n'ont pas été considérées par les tribunaux ou le commissaire comme étant une invention distincte des revendications quant au composé en soi avalise cette conclusion. La brevetabilité d’une revendication quant   un composé est ainsi perçue comme étant fondée sur l’utilité inhérente du composé, et une revendication distincte visant la m me utilisation de ce composé ne sera pas considérée comme renfermant un élément brevetable distinct par rapport   la revendication du composé.

 

10.       De plus, la Commission conclut que les revendications visant des composés de mati res différents ne visent pas toujours et inévitablement des inventions différentes et la Commission n’est pas convaincue par les arguments de la demanderesse qu'il ne peut y avoir une prolongation incorrecte du monopole si deux brevets visent des composés de mati res différents. L’objet des revendications du second brevet doit renfermer un « élément brevetable distinct » par rapport   l’objet du premier brevet, un caract re de nouveauté ne suffit pas. Autrement, une telle interprétation permettrait une prolongation indue du monopole de droit conféré par un brevet donné, par le biais d’une série de brevets présentant des ajouts nouveaux mais évidents, ou de modifications   un composé de mati res revendiqué antérieurement.

 

11.       En ce qui a trait aux arguments de l’examinatrice   l’effet qu’il aurait été évident pour une personne versée dans l’art et ayant connaissance des polypeptides PF4AR revendiqués dans le brevet principal d'obtenir les anticorps revendiqués en question sans une expérimentation considérable et prolongée, la Commission conclut qu'un tel argument ne contribue que de mani re limitée   répondre   la question cruciale suivante : est-ce que l'octroi d'un second monopole couvrant les anticorps réagissant avec certains polypeptides prolongerait ind ment, d'une mani re évidente, le monopole de droit déj  conféré par le biais de l’octroi antérieur d’un brevet principal couvrant les polypeptides?

 

12.       Pour répondre   cette question, une comparaison entre la portée des revendications de la demande complémentaire en question et les revendications du brevet principal doit  tre faite, afin de déterminer si un double brevetage relatif   une « évidence » se produirait si la demande complémentaire en question devait engendrer l’octroi d’un brevet. Au cours de l’audience, la demanderesse a soutenu que malgré qu’elles soient reliées par les polypeptides PF4AR, il n'existe aucun chevauchement entre les revendications en l'esp ce et les revendications du brevet principal, et que par conséquent, nul type de produit en soi, qu'il s'agisse d'un anticorps ou d'un polypeptide, ne pouvait porter atteinte aux revendications tant de la demande complémentaire en l’esp ce, que du brevet principal. Les anticorps capables de se lier aux dits polypeptides PF4AR sont l'objet des revendications de la demande complémentaire en l'esp ce, pas les polypeptides en soi tel que dans le brevet principal accordé. Enfin, les pages 32   35 de la description illustrent clairement que les anticorps revendiqués poss dent des utilisations prévues qui diff rent de mani re fondamentale de celles des polypeptides PF4AR cibles revendiqués dans le brevet principal.

 

13.       La Commission convient donc avec la demanderesse que l’objet revendiqué en l’esp ce n’est pas couvert par l'étendue des revendications du brevet principal et qu’il n'existe aucun chevauchement entre les revendications. Et pourtant, tel que mentionné ci-dessus, cette seule conclusion n’est pas nécessairement suffisante pour illustrer l’absence d’un double brevetage relatif   une « évidence », car elle ne tient pas compte du fait que des revendications sans chevauchement pourraient couvrir un objet ne renfermant aucun « élément brevetable distinct ». Toutefois, cette difficulté ne se présente pas dans le cas présent puisque la Commission a également conclu ce qui suit : premi rement, que l’objet revendiqué en l’esp ce ne refl te pas la m me utilisation prévue ou la m me fin que les composés revendiqués dans le brevet principal; et deuxi mement, que l’objet revendiqué en l’esp ce ne constitue pas une variation, modification ou combinaison évidente de l’objet revendiqué dans le brevet principal au sens de Hoechst, o  le m me composé avait simplement été dilué. En résumé, l’objet des revendications en l’esp ce n’est compris ni dans la portée d'une revendication accordée dans le brevet principal, ni de mani re évidente dans la portée d’une revendication accordée dans le brevet principal.

 

14.       Pour ces motifs, dans le cas présent, la Commission conclut   l’absence de double brevetage si un brevet est accordé pour l’objet revendiqué en l’esp ce, en raison  du fait qu’il ne prolongerait pas le monopole de droit octroyé par le brevet principal.

 

 

Problème (2) : étayage pour les anticorps monoclonaux et pour les utilisations thérapeutiques revendiquées des anticorps

 

 

15.       Les revendications en question (en gras) et les revendications séparées desquelles elles dépendent ou auxquelles elles font référence en définitive, sont rédigées en ces termes :

 

 

1.   Un anticorps qui est capable de lier spécifiquement un polypeptide PF4AR récepteur de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 présentant une identité des séquences d’acides aminés de 85 % avec la séquence d’acides aminés traduite des figures 2, 4 ou 5.

 

2.   Un anticorps qui est capable de lier spécifiquement le polypeptide PF4AR des figures 2, 4 ou 5.

 

5.   L’anticorps de l’une ou l’autre des revendications 1 à 4, qui est un anticorps monoclonal.     

 

6.   Une composition comprenant l’anticorps de l’une ou l’autre des revendications 1 à 5 et un excipient de qualité pharmaceutique.

 

7.   Un anticorps de l’une ou l’autre des revendications 1 à 5, pour une utilisation à titre d'agent anti-inflammatoire.

 

 

 

Principes et décisions juridiques en matière d’étayage, de description adéquate et de d’habilitation d’anticorps monoclonaux

 

16.       Dans la décision finale, les revendications 5   7 ont été jugées non conformes au paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets et au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

 

17.       Le paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets est rédigé en ces termes :

 

 

Chaque revendication se fonde entièrement sur la description.

 

 

         et le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets est rédigé en ces termes :

 

 

Le mémoire descriptif d’une invention doit :

 

(a)  décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

     

(b)  exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;  

 

(c)  s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application; et

 

(d)  s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

 

 

18.       Le concept « d’étayage » apparaissant dans le paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets conjointement avec les dispositions du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets ont été pris en compte dans plusieurs des décisions du commissaire en mati re de biotechnologie, dont celles-ci : Re Application of Central Sydney Area Health Service (2008), décision du commissaire no 1283 (CSAHS), et Re Application of Sloan-Kettering Institute for Cancer Research (2009), décision du commissaire no 1296 (Sloan-Kettering).

 

19.       Dans CSAHS et Sloan-Kettering, il a été déterminé que la conformité aux alinéas (a) et (b) du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets ou ses équivalents antérieurs suppose deux choses : (i) le mémoire descriptif doit fournir une description exacte et compl te par écrit de l’invention revendiquée, ce qui pourrait exiger davantage de détails qu'une simple reprise du texte des revendications dans la description (l’exigence en mati re de description écrite); et (ii) le mémoire descriptif doit montrer comment l’invention peut  tre mise en pratique avec succ s pour l’ensemble des revendications par une personne versée dans l’art, sans cependant le recours   de l'ingéniosité inventive ou   une expérimentation considérable et prolongée (l'exigence liée   l’habilitation).

 

20.       La divulgation d’exemples fonctionnels spécifiques pour toutes les incarnations d'une invention qui pourraient  tre visées par la portée des revendications n’est pas nécessairement requise en vue de se conformer aux exigences du paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Par contre, on ne peut logiquement revendiquer ce que l’on n’a pas inventé et ce principe est illustré dans Farbwerke Hoechst AG c. Canada (commissaire aux brevets), [1966] R.C. de l’É. 91 conf., [1966] R.C.S. 604, lorsque le juge Thurlow a dit   l’alinéa 20 :

 

[traduction] Il existe deux limites fondamentales à l’étendue du monopole qu'un inventeur est en droit de revendiquer. La première est que ce monopole ne peut déborder de l’invention qu’il a créée; la deuxième est qu’il ne peut déborder de l’invention qu’il a décrite dans son mémoire descriptif.

 

 

21.       tre « en possession » d’une invention ne se ram ne pas de mani re restreinte   sa simple possession physique, mais l’absence d’une possession physique en tant que telle d’une invention donnée est un facteur qui ne peut pas  tre nécessairement écarté dans tous les cas. Dans le cas des composés, divers types d’information présentés dans une demande indiqueraient qu'un demandeur était « en possession » de l’invention revendiquée, y compris la description des propriétés physiques et chimiques, et celle des caractéristiques fonctionnelles.

 

22.       Le degré d’information requis dans le mémoire descriptif de mani re   étayer les revendications quant aux anticorps monoclonaux est une question qui n’a pas été débattue jusqu’  présent devant les tribunaux canadiens. Cependant, la Commission dans CSAHS a examiné les revendications visant les anticorps monoclonaux, des anticorps qui n’avaient pas été décrits par la demanderesse autrement qu’en ce qui avait trait   leur aptitude   lier un polypeptide cible partiellement caractérisé (c’est- -dire que seule une courte séquence N-terminale d'acides aminés du polypeptide cible avait été divulguée). La Commission a conclu qu’en 1989, une date antérieure   la date de mise   la disponibilité du public de la demande en l’esp ce, les étapes essentielles permettant de produire un anticorps monoclonal étaient bien connues et fiables. Ainsi, une expérimentation considérable et prolongée ne serait normalement pas nécessaire pour la personne versée dans l’art afin de produire un anticorps monoclonal capable de lier un polypeptide donné. La Commission a également présenté diverses considérations permettant de déterminer si le mémoire descriptif est habilitant en ce qui a trait aux anticorps monoclonaux capables de se lier   un polypeptide :

 

(i) existence ou non d’une description du polypeptide et connaissance de son immunogénicité réelle ou anticipée;

(ii) pertinence ou non de la portée d’une revendication d’un anticorps en rapport avec le polypeptide;

               (iii) disponibilité et/ou facilité de production du polypeptide;

               (iv) préparation en tant que telle ou non d’un anticorps monoclonal;

               (v) inscription au dossier ou non de cas de succès ou d'échec;

(vi) existence ou non au dossier d’indications suggérant la nécessité d'une expérimentation excessive ou d'une adaptation indue des étapes essentielles connues de la préparation d'un anticorps monoclonal; et

(vii) existence au dossier ou non d’indications d'une non-reproductibilité d'une méthode réelle ou proposée de préparation d'un anticorps monoclonal.

 

23.       En se fondant sur les faits de ce dossier, la Commission conclut dans CSAHS que la description du polypeptide apparaissant dans le mémoire descriptif n’offrait pas une description écrite adéquate d’un anticorps monoclonal spécifique au polypeptide. Quant   ce qui constitue une description écrite adéquate d'un anticorps monoclonal, plusieurs considérations furent jugées pertinentes :

 

(i) existence ou non de plus qu’une simple description générale du polypeptide, notamment une description explicite d'épitopes précis sur le polypeptide;

(ii) existence ou non d’une description d'un paratope d'un anticorps monoclonal;

(iii) pertinence ou non de la portée d’une revendication d’un anticorps en rapport avec le polypeptide;

               (iv) possession matérielle ou non par la demanderesse d'un anticorps monoclonal; et

(v) possibilité ou non pour le demandeur de fournir un dépôt d'un hybridome produisant un anticorps monoclonal au moment du dépôt.

        

 

Jurisprudence et pratiques étrangères pertinentes en rapport avec les anticorps monoclonaux           

     

24.       Nous demeurons conscients que des décisions rendues par d'autres instances ne font pas autorité, mais puisque la Cour supr me du Canada a conclu dans Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 SCC 61, de telles décisions peuvent se révéler instructives et offrir certaines directions. En outre, la jurisprudence canadienne n’offre que peu d’indications pertinentes. De plus, en appui   sa propre position, la demanderesse lors de l’audience a fait référence aux positions de bureaux des brevets étrangers de renom concernant les anticorps monoclonaux. Par conséquent, la Commission n’a gu re le choix que de tenir compte de la jurisprudence et des pratiques étrang res pertinentes en rapport avec les anticorps monoclonaux.

 

25.       Avant la date de mise   la disponibilité du public de la demande en l’esp ce, la United States Court of Appeals pour la Federal Circuit a statué dans re Wands, 8 U.S.P.Q. 2e 1400 (Fed. Cir. 1988) qu'une personne versée dans l’art, si elle possédait un antig ne donné, aurait été en mesure d’utiliser des méthodes courantes et bien connues pour préparer un anticorps spécifique au dit antig ne, sans  tre nécessairement confrontée   une expérimentation indue. Le tribunal a précisé :

 

 

[traduction] Le PTO concède que les méthodes employées pour préparer des hybridomes et les cribler pour isoler des anticorps IgM de haute affinité envers HBsAg étaient soit bien connues dans l'art des anticorps monoclonaux, soit divulguées adéquatement dans le brevet '145 et dans la demande en question. Ceci correspond à la reconnaissance par cette cour en ce qui concerne une autre demande de brevet que les méthodes servant à obtenir et cribler les anticorps monoclonaux étaient bien connues en 1980.

 

 

26.       Plus récemment, la m me Cour a clairement confirmé dans Noelle c. Lederman, 69 U.S.P.Q. 2e 1508 (Fed. Cir. 2004) (Noelle) que la divulgation d’un antig ne enti rement caractérisé par sa structure, sa formule, son appellation chimique, ses propriétés physiques ou son dépôt aupr s d’une autorité de dépôt publique, constitue une description écrite adéquate d’un anticorps monoclonal revendiqué en raison de son affinité de liaison   cet antig ne lorsque la Cour a indiqué :

 

[traduction] La cour a jugé que les directives USPTO Guidelines faisaient autorité quant à la proposition qu’une revendication visant « tout anticorps ayant la capacité de se lier à un antigène X » constituerait un étayage suffisant au sein d’une description par écrit qui divulguait des « antigènes entièrement caractérisés ». Un résumé de Application of Written Description Guidelines, à 60, est disponible à l’adresse : http://www.uspto.gov/web/menu/written.pdf (dernière visite en date du 16 janvier 2003).

Par conséquent, si l’on se fie à notre passé, dans la mesure où un demandeur a divulgué un « antigène entièrement caractérisé », soit par sa structure, sa formule, son appellation chimique ou ses propriétés physiques, ou par son dépôt auprès d’une autorité de dépôt publique, le demandeur peut alors revendiquer un anticorps en raison de son affinité de liaison à cet antigène décrit [souligné dans l'original].

 

 

27.       Toutefois, il est également clair aux États-Unis que la portée d'une revendication d'un anticorps monoclonal qui est décrit par sa capacité   lier un antig ne donné doit  tre en proportion du polypeptide qui a été effectivement enti rement caractérisé, et il est inacceptable que les revendications englobent des antig nes non caractérisés ou mal caractérisés : dans re Alonso, 88 U.S.P.Q. 2e 1879 (Fed. Cir. 2008). De plus, dans Noelle, la Cour a indiqué qu’il existe des limites   ce qui peut  tre considéré comme la portée légitime d'une revendication quant   l'antig ne cible qui fournit la description écrite requise pour l'anticorps monoclonal revendiqué, lorsqu’il a été affirmé que :

 

[traduction] Cet argument ne tient pas, cependant, car Noelle n’a pas décrit suffisamment l’antigène humain CD40CR au moment du dépôt de la demande de brevet ‘799. En fait, Noelle ne faisait que décrire l’antigène chez la souris lorsqu'il a revendiqué les formes murine, humaine et générique des anticorps CD40CR en citant le numéro ATCC de l'hybridome secrétant l'anticorps CD40CR murin. Si Noelle avait décrit suffisamment la forme humaine de l’antigène CD40CR, il aurait pu revendiquer son anticorps en affirmant simplement son affinité de liaison pour l’antigène « entièrement caractérisé ». Noelle n’a pas décrit l’antigène CD40CR humain. Par conséquent, Noelle a tenté de définir un inconnu par son affinité de liaison à un autre inconnu.

 

 

28.       Donc, considérant la mani re par laquelle les anticorps sont produits et décrits, il est généralement accepté aux États-Unis que si on fournit une nouvelle séquence de protéines donnée, on aurait également été « en possession » de ses anticorps monoclonaux correspondants m me si aucune quantité de ces derniers n'avait été préparée.

 

29.       Toutes aussi intéressantes sont les opinions des cours du Royaume-Uni et des Chambres de recours techniques de l'Office européen des brevets. Les décisions de ces instances reconnaissent également qu’il n'est pas nécessaire généralement de consacrer des efforts considérables pour produire et isoler des anticorps monoclonaux qui ont la capacité de lier spécifiquement un nouveau polypeptide : Eli Lilly & Co c. Human Genome Sciences Inc, (2008) EWHC 1903 (Pat), conf. (2010) EWCA Civ 33 (HGS) et T 0018/09. Cependant, les cours du R.-U. et les Chambres de recours techniques pourraient conclure   une divulgation insuffisante et/ou une absence du caract re industriel d'une invention en rapport avec des revendications visant l’objet en ce qui a trait aux applications diagnostiques et thérapeutiques des anticorps monoclonaux dans des situations o  il n'y a aucune donnée probante dans le mémoire descriptif   l’effet qu'un anticorps produirait l’effet thérapeutique désiré (se reporter   HGS et T 0604/04, ce dernier impliquant la demande de brevet européen correspondante du dossier en l’esp ce) ou dans des situations o  la production d'anticorps monoclonaux diagnostiques ou thérapeutiques exige une expérimentation considérable et prolongée qui s'apparente   un programme de recherche (se reporter   HGS).

 

30.       Les directives Examination Guidelines for Patent Applications Relating to Biotechnological Inventions in the Intellectual Property Office du R.-U. expliquent HGS en ces termes :

 

 

[traduction] De manière similaire, les revendications quant à des anticorps qui pourraient présenter un potentiel thérapeutique ou diagnostique sont non fondées si un rôle pour la protéine cible dans le cas d'une maladie en particulier n'a pas été identifié. Dans [HGS] Kitchin J a conclu que les revendications quant à des utilisations thérapeutiques et diagnostiques des anticorps étaient insuffisantes puisque la demande ne présentait aucune donnée concernant l’expression, la distribution tissulaire ou les niveaux de protéines dans les tissus ou les liquides organiques, ou même les niveaux d’expression normaux de la neutrokine-α chez l’humain. Kitchin a estimé qu’une personne versée dans l’art souhaitant élaborer un anticorps ayant une utilité thérapeutique ou diagnostique en rapport avec la neutrokine-α devrait envisager un programme de recherche considérable accompagné d'une probabilité plus ou moins favorable d’obtenir des résultats. Toutefois, les revendications visant des anticorps spécifiques à la neutrokine-α furent acceptées puisque le fardeau pour produire de tels anticorps ne serait pas excessif pour une personne versée dans l’art.

 

 

31.       Des conseils et des enseignements généraux en ce qui a trait aux anticorps monoclonaux peuvent  tre glanés des décisions rendues   l’étranger, telles que celles citées ci-dessus. Qu'on soit en présence ou non d’un exemple fonctionnel, les anticorps monoclonaux revendiqués comme étant en mesure de lier spécifiquement un nouveau polypeptide donné sont généralement perçus comme adéquatement étayés si le mémoire descriptif fournit le polypeptide. Aux États-Unis, l'exigence statutaire d'une description écrite est satisfaite lorsque l’antig ne est enti rement caractérisé. Sauf indication contraire, et sous réserve de la production d'un mémoire descriptif habilitant concernant le matériau de départ clé (  savoir l’antig ne cible), l’exigence liée   l’habilitation pour la production d’anticorps monoclonaux est généralement satisfaite dans les décisions de premier plan, car la technologie de production des anticorps monoclonaux a été prévisible et fiable depuis au moins la fin des années 1980. Lorsque des applications thérapeutiques sont mentionnées dans les revendications visant des anticorps monoclonaux, des préoccupations quant   l'absence d'étayage peuvent surgir si le mémoire descriptif n'offre pas suffisamment de renseignements quant aux façons d'utiliser l'anticorps thérapeutique envisagé dans les applications thérapeutiques couvertes, ou si le mémoire descriptif n'offre pas une association solide et crédible entre la ou les fonctions du polypeptide cible et un état pathologique ou une maladie de telle sorte que l'anticorps monoclonal envisagé produirait l’effet thérapeutique désiré.

 

32.       Des exigences d'étayage similaires pour les usages thérapeutiques existent également au Canada. Par exemple, les exigences en mati re de divulgation, telles que stipulées au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, sont partie intégrante de la r gle de prévision valable dans la mesure o  le mémoire descriptif doit divulguer les faits sous-jacents et le raisonnement qui étayent les utilisations thérapeutiques prévues. Le fardeau en mati re de divulgation touchant la prévision valable a été clarifié dans Eli Lily Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CAF 97, 78 C.P.R. (4e) 388, aux alinéas 14 et 18 :

 

¶14   [traduction] …Dans les cas de prévision valable, il existe une obligation accrue de divulguer les faits sous-jacents et le raisonnement pour les inventions qui constituent la prévision.

 

         […]

 

¶18   La partie appelante soutient que par le fait d’exiger la divulgation complète du fondement factuel qui sous-tend la prévision valable (c'est-à-dire, exiger des données à l'appui de l'invention), le juge de la Cour fédérale a modifié les exigences en matière de divulgation telles qu’elles sont stipulées au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, c. P-4. Je ne suis pas du même avis. Dans AZT, la Cour suprême, faisant clairement référence au paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets (le prédécesseur au paragraphe 27(3)), a conclu que lorsque l’invention revendiquée n’avait pas encore été réalisée en pratique, le brevet doit fournir une divulgation telle qu'une personne versée dans l'art, ayant en main cette divulgation, aurait pu comme l'on fait les inventeurs, prédire de manière valable que l'invention fonctionnerait une fois réalisée en pratique. Fait révélateur, dans AZT, la Cour a de plus affirmé que les exigences en matière de divulgation avaient été satisfaites, étant donné que tant les fondements factuels (les données des essais), que le raisonnement valable (l’effet dit terminateur de chaîne), avaient en fait été divulgués (AZT, alinéa 70) [non souligné dans l’original].

 

 

 

         Analyses et conclusions          

 

33.       La position de l’examinatrice dans la décision finale en ce qui a trait aux anticorps monoclonaux revendiqués et   l’absence d’un étayage et d’une habilitation suffisante dans le mémoire descriptif pour les dits produits et leur utilisation dans le cadre de la thérapie d'un état pathologique ou d'une maladie, peut  tre résumée dans les termes suivants :

 


 

$                                  Un étayage exemplaire est requis pour les revendications visant des anticorps monoclonaux   titre de produits nouveaux et la demanderesse ne peut revendiquer des anticorps monoclonaux ou un composé lié   ces derniers, qui n’ont pas été produits ou caractérisés d’une quelconque façon.

 

$          Des références   des procédés ou des méthodes pour préparer des anticorps monoclonaux ne sont pas considérées comme un étayage suffisant pour revendiquer de tels anticorps.

 

$              Obtenir des anticorps monoclonaux utiles et spécifiques était un processus ardu au moment du dépôt de la demande en l’esp ce.

 

$              Le mémoire descriptif ne décrit pas correctement et compl tement un anticorps pouvant  tre utilisé de mani re thérapeutique ou diagnostique pour un état pathologique ou une maladie de telle mani re qu'il soit possible   toute personne versée dans l'art de mettre en pratique l'invention.

 

L’examinatrice se fonde principalement sur la décision de Re Institut Pasteur (1995), 76 C.P.R. (3e) 206, décision du commissaire no 1206 (Pasteur) pour étayer la position exposée ci-dessus.


 

[1]        La demanderesse a examiné les arguments de l’examinatrice dans sa réponse   la décision finale. En résumé, la demanderesse soutient ce qui suit :

 


 

$                                  En principe, il n’existe aucune exigence dans la Loi sur les brevets et les R gles sur les brevets, ou dans le droit canadien, qu’un exemple spécifique pour tous les aspects d’une invention soit présenté dans le mémoire descriptif.

           

$                                  La décision Pasteur n’a pas valeur de proposition générale   l’effet que les produits doivent  tre spécifiquement exemplifiés dans la demande, mais elle sugg re plutôt que le mémoire descriptif n’a qu’  fournir des instructions claires aux personnes versées dans l’art de telle façon que les enseignements du mémoire descriptif leur permettraient de réaliser et d’utiliser l’invention sans exiger une expérimentation indue.

 

$                                  Sur la base des enseignements de la divulgation, plus particuli rement les pages 31   32, la personne versée dans l’art peut réaliser et utiliser l’invention sans une expérimentation considérable et prolongée ou la mise en  uvre d’une ingéniosité inventive, puisque le mémoire descriptif offre des instructions claires et des enseignements qui permettent   une personne versée dans l'art de produire les anticorps monoclonaux désirés.

     

 

(a)(i) Conformité des revendications visant les anticorps monoclonaux avec l'exigence liée à l'habilitation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

 


 

I.                               Dans CSAHS, la Commission a conclu qu’en 1989, une date antérieure   la date de mise   la disponibilité du public de la demande en l’esp ce, les étapes essentielles permettant de produire un anticorps monoclonal étaient bien connues et fiables, et ainsi une expérimentation considérable et prolongée ne serait normalement pas requise pour la personne versée dans l’art alors qu’elle tenterait de produire un anticorps monoclonal ayant la capacité de lier un antig ne donné. Tel qu’indiqué ci-dessus   l’alinéa 41, la Commission a également présenté diverses considérations permettant de déterminer si le mémoire descriptif est habilitant en ce qui a trait aux anticorps monoclonaux capables de se lier   un polypeptide.

 

II.                            Dans le cas présent, les faits suivants apparaissent. Les séquences enti res d’acides aminés des polypeptides présentés dans les figures 2, 4 et 5 ont été décrites et il est vraisemblable que ces dits polypeptides seraient immunog nes. Le mémoire descriptif démontre que le polypeptide présenté   la figure 2 est un récepteur humain pour l'interleukine-8 (IL-8). Les polypeptides présentés dans les figures 4 et 5 poss dent respectivement une identité de 34 % et 36 % par rapport au polypeptide de la figure 2, mais leurs fonctions biologiques respectives ne sont pas divulguées dans le mémoire descriptif. Aucun anticorps monoclonal n’a été préparé.

 

III.                         La décision finale fait référence   une publication par Seaver (Genetic Engineering News, ao t 1994, vol. 14, p. 10) pour étayer la proposition   l’effet qu'obtenir des anticorps monoclonaux spécifiques utiles est un processus ardu. Le passage cité de l’article de Seaver dans la décision finale s'attache   la production et la sélection d'anticorps « supérieurs » pouvant  tre employés dans des trousses de diagnostic. Voici un extrait de ce passage :            

 

 

[traduction] Définir ce qui constitue un anticorps supérieur est ardu. En quelques mots, cet anticorps lie l’antigène et ne lie pas les substances interférentes dans l'éventail clinique des matrices de prélèvements cliniques rencontrées. Parmi 6 à 10 bons anticorps ayant satisfait à tous les autres critères de sélection, un seul permettra d’obtenir ces résultats supérieurs avec des spécimens cliniques.

 

 

IV.                          Bien que l’article soit intéressant, nous n'estimons pas qu'il constitue un élément d'information suffisant pour convaincre une personne versée dans l'art que la production d'anticorps monoclonaux s’apparenterait   une expérimentation indue. Il indique simplement que des résultats seraient obtenus et que des résultats « supérieurs » exigeraient des efforts supplémentaires. Nous notons également que la demanderesse a fait référence   plusieurs manuels en réponse   la décision finale, manuels qui établissent de mani re plus convaincante que la production d'anticorps monoclonaux était généralement considérée comme un art bien maîtrisé et prévisible m me   la date de publication de la demande.

 

V.                [           Gardant présents   l’esprit les conclusions dans CSAHS en ce qui a trait   l’exigence liée   l’habilitation pour les anticorps monoclonaux, les faits tels qu’ils se présentent dans le cas   l’étude, les affirmations faites dans la décision finale et les présentations de la demanderesse, la Commission conclut qu’  la date de mise   la disponibilité du public de la demande en l’esp ce, les étapes essentielles pour produire un anticorps monoclonal étaient bien connues et fiables. La mise   disposition des polypeptides présentés dans les figures 2, 4 et 5 permettrait   une personne versée dans l’art de les utiliser en tant que matériau de base clé en vue de la production d'anticorps monoclonaux. Ainsi, une expérimentation considérable et prolongée ne serait pas nécessaire pour la personne versée dans l’art en vue de produire des anticorps monoclonaux capables de lier les  polypeptides spécifiquement décrits dans les figures.

                                                                                                                                                           

VI.                         Cependant, il semble que la portée des revendications quant au polypeptide cible mérite d’ tre examinée plus particuli rement. La portée des revendications 5   7 n’est pas restreinte   un anticorps monoclonal capable de lier spécifiquement le polypeptide PF4AR des figures 2, 4 ou 5 lorsque ces revendications dépendent en derni re analyse de la revendication 1. Les revendications 5   7 couvrent les anticorps monoclonaux spécifiques aux polypeptides PF4AR autres que les polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5. De tels polypeptides PF4AR affichent une séquence d’acides aminés ayant une identité de 85 % avec l’un des polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5. Quant   l’activité ou la fonction biologique des polypeptides PF4AR couverts, la page 5 de la description définit le terme « PF4AR » en ces termes :

 

 

[traduction] Le terme « PF4AR » s'entend d'un polypeptide partageant une activité biologique qualitative avec les polypeptides des figures 2, 4 ou 5. L’activité biologique qualitative PF4AR s’entend de l’une ou l’autre des caractéristiques suivantes : (1) une activité hétérospécifique immunologique avec au moins un épitope d’un polypeptide présenté dans les figures 2, 4 ou 5; (2) la capacité de se lier spécifiquement à un membre de la superfamille PF4; ou (3) toute activité effectrice ou fonctionnelle des polypeptides des figures 2, 4 ou 5 tels qu’on les trouve dans le monde naturel, y compris leur capacité à lier tout ligand autre qu'un des membres de la superfamille. L’expression « activité hétérospécifique immunologique » telle qu’elle est utilisée aux présentes signifie que le polypeptide candidat possède la capacité d’inhiber compétitivement la liaison d’un PF4AR aux anticorps polyclonaux ou aux antisérums opposés à un PF4AR.

 

 

VII.                      Compte tenu du passage cité ci-dessus, la pleine envergure des revendications couvre les anticorps monoclonaux spécifiques aux polypeptides PF4AR cibles ayant la capacité de lier spécifiquement un membre de la superfamille PF4 qui n’est pas l'un des ligands spécifiques aux polypeptides des figures 2, 4 et 5. Autrement dit, la portée des revendications englobe les récepteurs hypothétiques et non caractérisés de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 humains qui n'ont aucun lien fonctionnel au récepteur IL-8 humain présenté dans la figure 2 et aucun lien fonctionnel aux supposés récepteurs de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 humains présentés dans les figures 4 et 5 dont les ligands ne sont m me pas divulgués.

 

VIII.       [           Enfin, la Commission ne consid re pas que l’utilisation des polypeptides spécifiques aux figures 2, 4 et 5   titre d’immunog nes suffirait   produire un anticorps monoclonal spécifique pour chacun des polypeptides PF4AR couverts par la portée des revendications.   notre avis, la personne versée dans l'art serait forcée d’entreprendre une expérimentation excessive pour pouvoir mettre en pratique l’invention pour l'ensemble de la portée des revendications. La demanderesse aurait pu revendiquer des anticorps monoclonaux ayant la capacité de lier spécifiquement uniquement les polypeptides pour lesquels elle a obtenu un degré de caractérisation adéquat. Au lieu de cela, la demanderesse a choisi de revendiquer l’ensemble des anticorps monoclonaux qui lient potentiellement tout ce qui est englobé dans la définition tr s large des récepteurs de la superfamille des facteurs plaquettaires 4 humains qu'on trouve dans la description, y compris les récepteurs fruits d'éventuelles découvertes.

 

IX.                         Compte tenu de ce qui préc de, la Commission conclut que le mémoire descriptif ne permet pas   la personne versée dans l’art de mettre en pratique l’invention alléguée pour l’ensemble de la portée des revendications 5   7 au motif de leur portée trop vaste par rapport   l’antig ne cible de l’anticorps monoclonal revendiqué. Par conséquent, le mémoire descriptif, dans la mesure o  il se rapporte aux revendications 5   7, ne se conforme pas   l’exigence liée   l’habilitation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Les revendications 5   7 ont été jugées trop étendues par rapport   l’antig ne cible essentiellement parce que la portée de la revendication 1, et la revendication 1 par voie de conséquence, est affublée du m me défaut. Cependant, il semble que si l’anticorps décrit dans les présentes revendications devait  tre restreint   un anticorps ayant la capacité de lier spécifiquement le polypeptide PF4AR en particulier des figures 2, 4 ou 5, le mémoire descriptif satisferait   l’exigence liée   l’habilitation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

 

(a)(ii) Conformité des revendications visant les anticorps monoclonaux avec l'exigence en matière de description écrite du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

 

X.                [           Au cours de l’audience, la demanderesse a abordé la question de la décision CSAHS dans le cadre de laquelle la Commission a examiné la question d'un étayage spécifique touchant les anticorps monoclonaux et l'exigence en mati re de description écrite du paragraphe 34(1) de la Loi [maintenant le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets] . Comme dans le cas en l’esp ce, CSAHS traitait une situation o  l’anticorps monoclonal était revendiqué en l’absence d’exemples servant d’étayage dans la description. La demanderesse a fait référence particuli rement   la liste de considérations de fait pouvant servir   déterminer si le mémoire descriptif offre une description écrite adéquate d’un anticorps monoclonal ayant la capacité de se lier   un polypeptide décrit précédemment   l'alinéa 42.

 

XI.             [           La demanderesse a soutenu que le fait d’exiger une description explicite d’épitopes tr s particuliers sur le polypeptide déborde de ce qu’une personne versée dans l’art considérerait comme une description écrite adéquate pour l'anticorps monoclonal visant le polypeptide. Aux dires de la demanderesse, dans la mesure o  le mémoire descriptif divulgue l’antig ne correctement caractérisé, tels que les polypeptides des figures 2, 4 et 5 pour lesquels les séquences compl tes d’acides aminés sont présentées, un anticorps monoclonal ayant la capacité de se lier spécifiquement au dit antig ne est suffisamment décrit. Pour étayer cette affirmation, la demanderesse a fourni des données probantes quant au fait que des anticorps monoclonaux offerts dans le commerce sont souvent décrits par rapport au partenaire auxquels ils se lient, pas nécessairement et universellement par un épitope spécifique reconnu sur ledit partenaire de liaison. Il a été avancé de plus que la position de la demanderesse est conforme   la loi et aux positions adoptées tant par le United States Patent & Trademark Office, que par l'Office européen des brevets. De plus, la demanderesse a soutenu que le présent dossier peut  tre différencié du cas examiné par la Commission dans CSAHS en raison du fait que l’antig ne cible dans CSAHS n’était pas enti rement caractérisé (c’est- -dire qu’il n'était caractérisé que par une séquence d’acides aminés N-terminale partielle), contrairement aux polypeptides de la demande en l’esp ce.

 

XII.          [           Tel qu’indiqué ci-dessus, les pistes de réflexion trouvées dans d’autres collectivités territoriales ne font pas autorité mais se rév lent tout de m me sources d’enseignement et sont utiles en vue de l’analyse du cas en l’esp ce. Aux États-Unis, la divulgation d’un antig ne enti rement caractérisé par sa structure, sa formule, son appellation chimique, ses propriétés physiques ou son dépôt aupr s d’une autorité de dépôt publique, constitue une description écrite adéquate d’un anticorps monoclonal revendiqué en raison de son affinité de liaison   cet antig ne (se reporter   Noelleang3084 , supra). Les positions adoptées par les principaux bureaux des brevets correspondent au fait que les anticorps monoclonaux disponibles dans le commerce et les anticorps monoclonaux mentionnés dans les ouvrages scientifiques sont habituellement décrits uniquement en fonction de leur antig ne cible. Il est également manifeste que des considérations autres que la fonction de liaison de l'anticorps monoclonal, telles que le degré de caractérisation de l'antig ne cible, devraient  tre prises en compte en vue de déterminer la pertinence du monopole proposé.

 

XIII.       [           La caractérisation d’un antig ne par le biais de la divulgation de sa structure compl te traduit raisonnablement le fait qu’un demandeur poss de un antig ne « enti rement caractérisé ». De tels faits établissent une distinction par rapport   ceux examinés dans CSAHS. Dans CSAHS, l’antig ne cible n’était pas enti rement caractérisé en ce qui a trait   tous les épitopes liés par les anticorps monoclonaux couverts par la portée des revendications. La Commission conclut qu’il est possible, dans des cas o  un nouveau polypeptide a été enti rement caractérisé, qu’un demandeur puisse revendiquer valablement des anticorps monoclonaux spécifiques pour le polypeptide m me si le mémoire descriptif pourrait ne pas offrir une justification exemplaire, dans la mesure o  le mémoire descriptif respecte aussi les autres exigences de la Loi (par exemple, l’exigence liée   l’habilitation du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets).

 

XIV.                   Cependant, lorsque l’antig ne cible n’est pas enti rement caractérisé ou lorsque les anticorps monoclonaux envisagés présentent des caractéristiques fonctionnelles ou des attributs particuliers qui débordent la simple interaction avec l’antig ne cible (par exemple, un anticorps monoclonal présentant une activité agoniste, une activité antagoniste, une spécificité envers un épitope en particulier qui présente un intér t ou une constante de haute affinité remarquable), il est possible que ce genre de cas exige un étayage qui correspond   ces situations. Par exemple, une incarnation représentative, un dépôt biologique, la caractérisation du paratope de l’anticorps monoclonal et/ou une caractérisation plus poussée du domaine fonctionnel de l’antig ne cible, contribueraient   une description compl te et correcte d’une invention lorsque des esp ces d’anticorps cibles tr s particuliers sont revendiquées.

 

XV.                      Le mémoire descriptif en l’esp ce comprend une description écrite adéquate des polypeptides des figures 2, 4 et 5. Les structures de ces polypeptides en particulier sont enti rement caractérisées par la présentation des séquences enti res d’acides aminés. La Commission conclut que la demanderesse a indiqué qu’elle possédait tous les épitopes supposés portés par ces polypeptides et, par extension, a décrit correctement et enti rement le genre des anticorps monoclonaux génériques correspondants.

 

XVI.                   La Commission a déj  démontré que la portée des revendications 5   7 englobe les anticorps monoclonaux capables de lier spécifiquement un tr s large genre de polypeptides, y compris des polypeptides qui ne sont pas enti rement caractérisés et des polypeptides qui ne sont pas nécessairement liés fonctionnellement au polypeptide des figures 2, 4 ou 5. Tout comme dans la situation présentée dans Noelle o  la Cour a conclu qu'une forme humaine d'un antig ne murin enti rement caractérisé n'était pas suffisamment caractérisée pour constituer une description écrite adéquate de l’anticorps monoclonal correspondant, le mémoire descriptif du cas en l’esp ce prétend décrire un inconnu par le biais de son affinité de liaison   plusieurs autres inconnus, puisque les revendications englobent les anticorps monoclonaux capables de lier spécifiquement des polypeptides autres que ceux définis aux figures 2, 4 ou 5, que nous avons jugés  tre les seuls    tre enti rement caractérisés.

        

XVII.                Étant donné ce qui préc de, la Commission conclut que le mémoire descriptif ne décrit pas correctement et enti rement l’invention présentée dans les revendications 5   7, en raison   nouveau de leur portée trop étendue par rapport   l’antig ne cible. Toute conclusion concernant la portée des revendications 5   7 en rapport avec les polypeptides cibles des anticorps décrits s’applique nécessairement   la revendication 1. Tout comme nos conclusions touchant la question de l’habilitation, le mémoire descriptif, dans la mesure o  il se rapporte   ces revendications, respecterait l'exigence en mati re de description écrite du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets si les antig nes cibles des anticorps couverts devaient  tre limités aux seuls polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5.

 

 

(b) Étayage de l’utilité des anticorps revendiqués à titre d’agents anti-inflammatoires

 

XVIII. [           La description mentionne aux lignes 3   4 de la page 2 que, sur la base de leur capacité de liaison, les anticorps anti-PF4AR sont utiles pour les dosages et pour la purification des polypeptides PF4AR. Nous notons également que la pi ce B, accompagnant une déclaration datée du 24 février 2010, contient de nombreuses fiches techniques pour divers types d'anticorps disponibles dans le commerce. Ces fiches techniques indiquent que les anticorps peuvent habituellement  tre employés dans des applications in vitro telles que le transfert Western, l’immunohistochimie et la cytométrie de flux. Ainsi, la personne versée dans l’art conviendrait que les anticorps des revendications 1 ou 5 (c’est- -dire, le fait d’ tre monoclonaux ou non) auraient au moins une utilité prédite de mani re valable. Toutefois, la revendication 7 concerne les anticorps thérapeutiques qui agissent   titre d’agents anti-inflammatoires. Le passage allant de la ligne 38 de la page 32   la ligne 2 de la page 33 de la description indique ce qui suit en ce qui a trait   une telle utilisation :

 

 

[traduction] Les anticorps PF4AR qui sont des antagonistes PF4 sont utiles en tant qu’agents anti-inflammatoires ou pour le traitement d’autres troubles à médiation via la superfamille PF4.

 

 

XIX.       [           Le passage ci-dessus fait apparaître clairement que les anticorps envisagés pour l’utilisation thérapeutique revendiquée devraient posséder non seulement une capacité de liaison   l’antig ne cible, mais aussi une activité antagoniste (c’est- -dire, bloquante) qui interf re avec l’interaction des polypeptides PF4AR cibles et leurs ligands respectifs, de mani re   inhiber une réaction inflammatoire. Il y a lieu de noter que l’objection soulevée par l’examinatrice concerne les anticorps en général et donc la préoccupation vise les anticorps qu’ils soient polyclonaux ou monoclonaux. Déterminer si le mémoire descriptif appuie ou non l'utilité thérapeutique in vivo accrue indiquée dans la revendication 7 exige que nous abordions d’autres considérations.

 

XX.                      Introduite précédemment, la décision T 0604/04 des Chambres de recours de l’Office européen des brevets est d’une grande pertinence pour le cas présent puisqu'elle touchait la demande de brevet correspondante au plan européen. En ce qui a trait aux revendications se rapportant aux anticorps thérapeutiques spécifiques au polypeptide PF4AR des figures 2, 4 ou 5, les Chambres de recours ont déclaré :

 

 

[traduction] Le brevet en cause n’offre absolument aucune donnée probante qu’un anticorps bloquant le récepteur produit de ce fait un effet physiologique utile ayant un potentiel thérapeutique.

 

Le document (22) (page 320, colonne de droite) enseigne que les protéines de type PF4 sont des médiateurs de la réaction inflammatoire qui possèdent certaines activités qui se chevauchent; par exemple, le Tableau 3 démontre que la capacité d’être un facteur chimiotactique pour les neutrophiles, qui est associée à la réaction inflammatoire, est partagée par de nombreux chimiokines (IL-8, βTG, PF4). Ainsi, à moins d’une démonstration expérimentale, il n’est pas évident que le blocage du récepteur pour l’une ou l’autre chimiokine spécifique avec des anticorps monoclonaux, en soi, entraîne nécessairement un effet thérapeutique. Par conséquent, la simple divulgation d’un anticorps monoclonal contre les polypeptides des figures 4 ou 5 sans identifier un état pathologique causé par le « mauvais fonctionnement » de ces polypeptides, ne suffit pas à reconnaître une utilisation thérapeutique pour l’anticorps monoclonal. Pour ces raisons, il est convenu que les exigences de l’article 83 de la CBE ne sont pas respectées en ce qui a trait à l'objet des revendications 21 et 22.

 

 

XXI.                   Malgré l'absence de toute indication   l’effet qu'un anticorps monoclonal spécifique pour un polypeptide tel que défini dans l’une ou l’autre des figures 2, 4 ou 5 avait été préparé,   la conclusion des procédures d'opposition qui ont déclenché la décision dans T 0604/04, de nouvelles données descriptives d'un brevet furent émises comprenant des revendications visant un anticorps monoclonal ayant la capacité de lier spécifiquement un polypeptide PF4AR tel que défini dans les figures 4 ou 5. Toutefois, aucune revendication se rapportant aux applications thérapeutiques de ces anticorps n’a été émise.

 

XXII.                Nous constatons que dans T 0604/04, la Chambre de recours techniques était forcée pour des motifs procéduraux de ne pas contester des revendications se rapportant   des applications thérapeutiques d’anticorps spécifiquement immunoréactifs avec le polypeptide défini dans la figure 2.

 

XXIII.             Bien que nous ne soyons pas liés par la décision de la Chambre de recours techniques, nous partageons des préoccupations similaires   celles soulevées par l’OEB en rapport avec les revendications visant les anticorps thérapeutiques. Contrairement   la Grande chambre de recours, nous pouvons aborder plus avant les préoccupations qui pourraient surgir en rapport avec les revendications touchant les applications thérapeutiques des anticorps, non seulement dans le cas des polypeptides définis dans les figures 4 ou 5, mais également dans le cas des anticorps au polypeptide défini dans la figure 2 et aussi de tous les types d'anticorps, qu'ils soient polyclonaux ou monoclonaux.

 

XXIV.             Dans un premier temps, nous notons que les anticorps antagonistes présentant une activité anti-inflammatoire (c’est- -dire, des anticorps spécifiques démontrant l'utilité promise dans la revendication 7) n'ont pas été fournis   titre d'exemples. L’utilité promise n'a pas été démontrée en date du dépôt. Ainsi, la demanderesse doit se rabattre sur la r gle de prévision valable afin d’étayer les revendications visant les anticorps ayant une utilité thérapeutique.

 

XXV.                Sur la base de Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153 (Wellcome), une invention qui dépend d’une prévision valable doit respecter trois crit res :

(1) il doit exister un fondement factuel pour la prévision;

(2) l’inventeur doit avoir en date de la demande de brevet un raisonnement clair et « valable » qui permet d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité; et

(3) une divulgation appropriée doit être faite.

 

XXVI.               notre avis, pour faire en sorte que l’objet de la revendication 7 respecte les crit res d’une prévision valable, le mémoire descriptif en l’esp ce doit offrir une divulgation appropriée de telle sorte qu’une personne versée dans l’art, avec cette divulgation en main, aurait prédit avec assurance que les anticorps couverts présenteraient une activité antagoniste envers leurs cibles respectives, et accepterait que de tels anticorps seraient utiles   titre d'agents anti-inflammatoires lorsqu'ils auraient été mis en pratique. 

 

XXVII.           Dans le mémoire descriptif en l’esp ce, les faits sous-jacents concernant la prévision d’anticorps capables de bloquer l’activité des polypeptides PF4AR se limitent   la description générale de tous les épitopes supposés portés par les polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5, et de la capacité de liaison intrins que d'un anticorps. Les ligands des polypeptides PF4AR des figures 4 et 5 sont inconnus et aucune information n’apparaît   propos de l’endroit exact o  IL-8 interagit avec le polypeptide PF4AR de la figure 2.

 

XXVIII.          Il est bien connu des gens de l’art que lorsqu’une protéine purifiée est utilisée pour immuniser un animal, certains épitopes seront immunodominants d  au fait qu’elles sont particuli rement faciles   reconnaître pour le syst me immunitaire. Les épitopes immunodominants sont fortement immunog nes et entraînent la création d’anticorps   haute affinité qui dominent la réaction immunitaire. Par conséquent, m me si une protéine donnée contient de nombreux épitopes, la majorité des anticorps créés pourraient n' tre spécifiques que pour quelques-uns d'entre eux. Il découle de ce fait qu’une collection d’anticorps produits contre un polypeptide récepteur cible en utilisant les étapes essentielles bien connues de la production d’anticorps, ne comprendrait pas nécessairement un anticorps pour chacun des épitopes supposés ou un anticorps possédant une activité antagoniste envers le récepteur cible. De plus, une caractéristique fonctionnelle spécifique, telle qu’une activité antagoniste, est tributaire d’une liaison d’un épitope en particulier par un anticorps de telle mani re que la liaison par des ligands soit bloquée physiquement par l'anticorps. Inévitablement, cet épitope particulier doit  tre essentiel   l’interaction du récepteur avec son ligand et doit  tre disponible pour se lier.

 

Des données concrètes concernant les épitopes essentiels à la ou les fonctions d’un polypeptide cible peuvent fournir à la personne versée dans l’art suffisamment d’information de telle sorte qu’une activité antagoniste pour l’anticorps correspondant pourrait être prévue valablement. Toutefois, et comme il est indiqué ci-dessus, les faits sous-jacents concernant la prévision d’anticorps capables de bloquer l’activité des polypeptides PF4AR se limitent à la description structurale des polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5. Par conséquent, la Commission conclut que le fondement factuel se limite aux anticorps possédant une capacité de liaison à l'antigène cible et ce fait, en lui-même, ne justifie pas d’un raisonnement clair permettant de prédire valablement que les anticorps couverts antagoniseraient également l’activité de leurs cibles respectives. 

 

            En tenant pour acquis pour l'instant que le mémoire descriptif avait divulgué la production d’anticorps antagonistes efficaces spécifiques aux polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5, nous abordons maintenant la promesse que de tels anticorps antagonistes seraient efficaces en tant qu’agents anti-inflammatoires.

 

            En ce qui a trait   l’utilisation d’un anticorps antagoniste spécifique au polypeptide PF4AR de la figure 2 et au fait d’avoir une activité anti-inflammatoire, le fondement factuel comprend le fait que IL-8, le ligand du polypeptide PF4AR de la figure 2, poss de des activités pro-inflammatoires. Cependant, le passage suivant, de la ligne 34 de la page 31   la ligne 3 de la page 32 de la description, constitue également une partie du fondement factuel :

 

 

[traduction] Murphy et al. (supra) décrivent un récepteur possédant un degré élevé d’homologie au récepteur de la figure 2. L’équipe de Murphy et al. ont caractérisé leur récepteur dans des oocytes recombinants comme étant un récepteur à « faible affinité » pour IL-8 et ne possédant que peu de capacité à lier MGSA, ce qui laisse penser qu’il joue un rôle mineur dans l’activité biologique in vivo de IL-8 et MGSA. Nos études, toutefois, ont démontré que le récepteur Murphy et al. prain ésente une affinité pour IL-8 aussi élevée ou plus élevée que celle du récepteur de la figure 2 et qu’il présente de plus une haute affinité (environ 1-10 nM) pour MGSA. Ainsi, l’antagonisme de la réaction IL-8 et/ou MGSA des cellules lymphoïdes exigera probablement que les deux récepteurs soient inhibés ou bloqués [non souligné dans l’original].

 

 

            Par conséquent, il semble que le fait de bloquer l’activité du polypeptide de la figure 2   l’aide d’un anticorps spécifique pourrait se révéler insuffisant pour inhiber les réactions inflammatoires causées par IL-8, puisqu’un second récepteur   haute affinité pour IL-8 existe. 

 

            Les polypeptides des figures 4 et 5 affichent des identités respectives de 34 % et 36 % avec le polypeptide de la figure 2. En ce qui a trait   leur(s) fonction(s) biologique(s) respective(s), le passage suivant apparaît aux lignes 16   27 de la page 35 de la description :

 

 

[traduction] Les polypeptides présentés dans les figures 4 et 5 sont vus comme des récepteurs pour divers membres de la superfamille PF4, dont certains demeurent inconnus (superfamille qui englobe les sous-familles C-C et CXC). Comme dans le cas du récepteur IL-8 de la figure 2, ils appartiennent à la superfamille des protéines G couplées et s'apparentent davantage au récepteur IL-8 qu’à d’autres récepteurs. Lors d’expériences préliminaires, des cellules recombinantes portant ces récepteurs ne réagissent pas à Rantes, MCP1, IL-8 ou MGSA, bien qu’en fin de compte il sera peut-être démontré qu’elles lient d’autres membres de la superfamille PF4 ou des ligands inconnus à l’heure actuelle. Cependant, que les polypeptides des figures 4 ou 5 se lient ou non à des membres de la superfamille PF4, les polypeptides servent à préparer des anticorps à des fins diagnostiques en vue de déterminer la distribution tissulaire des récepteurs et permettent ainsi d'établir un diagnostic immunohistochimique pour de tels tissus, en particulier un diagnostic pour les cellules monocytaires ou les lymphocytes circulants puisqu’on sait que de telles cellules expriment les récepteurs des figures 4 et 5.

 

.           En conséquence, le mémoire descriptif admet que les polypeptides PF4AR des figures 4 et 5 pourraient ou non jouer un rôle crucial dans la réaction inflammatoire. Une réaction immunitaire est une cascade complexe d'événements biologiques séquentiels et simultanés dans le cadre de laquelle de nombreuses molécules, telles que des cytokines et des chimiokines, ont des activités pro-inflammatoires indépendantes mais superposées, o  la nature exacte des cytokines et/ou des chimiokines impliquées dépend, entre autres, de l’agent déclencheur et de la ou les populations de cellules en présence   une étape donnée de la réaction inflammatoire. Contrairement   la situation dans le cas du polypeptide défini   la figure 2, les ligands qui se lient aux prétendus polypeptides récepteurs définis dans les figures 4 ou 5 n'ont pas été divulgués. Sur la base de ces faits, il n’y a pas suffisamment d’information dans le mémoire descriptif en l’esp ce suggérant la participation des polypeptides PF4AR des figures 4 et 5 dans un processus de réaction inflammatoire o  un anticorps spécifique   ces dits polypeptides pourrait  tre actif au plan thérapeutique.

 

            De plus, la divulgation en l’esp ce ne présente des données ni in vitro, ni in vivo, en ce qui a trait   un anticorps spécifique au polypeptide PF4AR des figures 2, 4 ou 5 avec une activité anti-inflammatoire, et n’offre pas suffisamment d’information pour laisser supposer qu’un seul des anticorps couverts aurait l’activité anti-inflammatoire désirée.

 

            En résumé, le fondement factuel ne porterait pas la personne versée dans l’art   conclure que la liaison et/ou le blocage de l’un ou l’autre des polypeptides PF4AR des figures 2, 4 et 5 avec un anticorps spécifique, en soi, n'entraîne nécessairement une inhibition de l'inflammation.

 

            La Commission conclut qu’il n’existe aucun fondement factuel dans le mémoire descriptif en date de son dépôt, qui permette de confirmer ou de justifier un raisonnement clair et valable pour corroborer l'utilité promise d'un anticorps spécifique pour le polypeptide PF4AR des figures 2, 4 ou 5   des fins d’agent anti-inflammatoire. Également, il découle de ce qui préc de que le mémoire descriptif en l’esp ce ne fournit pas une divulgation suffisante en ce qui touche l'utilité promise dans la revendication 7 et par conséquent les trois crit res permettant d’établir une prévision valable ne sont pas satisfaits.

 

            Conclusions

 

            La Commission conclut que les revendications 1   7 en l’esp ce ne prolongent pas ind ment le monopole de droit accordé en vertu du brevet principal 2,105,998 par le biais de la protection séparée d’un objet ne renfermant pas « d’élément brevetable distinct » et donc, il n’existe aucun double brevetage relatif   une « évidence » entre la présente demande complémentaire et le brevet principal.

 

.           La Commission conclut que les revendications 5   7 ne sont pas conformes au paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets et que le mémoire descriptif, dans la mesure o  il se rapporte   ces revendications, n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Les revendications 5   7 couvrent des anticorps monoclonaux qui ne sont ni décrits adéquatement, ni habilités en raison de leur portée trop étendue par rapport   leur antig nes cibles respectifs. Toutefois, il semble que des modifications pourraient  tre apportées, modifications qui limiteraient correctement la portée des revendications rejetées. En intégrant les restrictions de la revendication 2 en ce qui a trait au polypeptide cible de l’objet de la revendication 1, la portée des revendications serait correctement restreinte de mani re   couvrir les anticorps monoclonaux ayant la capacité de lier spécifiquement les polypeptides enti rement caractérisés dans le mémoire descriptif. Si de telles modifications sont apportées, nous jugerions que le rejet est annulé.

                                

            Enfin, en ce qui concerne l'utilisation de l’anticorps décrit dans la revendication 7 comme étant un agent anti-inflammatoire, la Commission conclut que la demande en l’esp ce échoue dans sa tentative de satisfaire aux crit res de la r gle de prévision valable, y compris le crit re de divulgation, et par conséquent le mémoire descriptif n’est pas conforme aux dispositions du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui a trait   l’objet revendiqué et ledit objet n'est pas conforme aux dispositions du paragraphe 138(2) des R gles sur les brevets.

                             

 

            Recommandations

                                                                                             

            La Commission recommande au Commissaire :

 

(1) que le rejet de l’examinatrice des revendications 1 à 7 à l’effet d’un double brevetage relatif à une « évidence », soit annulé;

 

(2) que le rejet de l’examinatrice en vertu du paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets de l'utilisation d'un anticorps à des fins thérapeutiques dans la revendication 7, soit maintenu; et

 

(3) que la demanderesse soit informée, conformément au paragraphe 31(c) des Règles sur les brevets, qu’elle doit apporter les modifications suivantes à sa demande, et seules ces modifications, pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets :

 

                     a) suppression de la revendication 7; et

b) modification de la revendication 1 afin d’y intégrer la restriction de la revendication 2 quant au polypeptide cible.

 

        

 

         Marcel Brisebois                Ed MacLaurin                Serge Meunier

                                                                            

         Membre                                Membre                          Membre                        

     

 

            Décision de la Commissaire

 

            Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent, j’invite la demanderesse   apporter les modifications ci-dessus, et uniquement ces modifications, dans les trois mois de la date de la présente décision,   défaut de quoi j’entends refuser la demande.

 

 

 

            Mary Carman

            Commissaire aux brevets

 

            Fait à Gatineau (Québec)

            le 1er novembre 2010

 

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