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Décision de la Commissaire # 1302

Commissioner’s Decision # 1302

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : C00

TOPIC: C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 583,988

Demande no : 583,988

 


                                                                                                                                                           

 

 

 

 

 

 

 

Résumé de la décision de la commissaire

 

 

La demande en cause a été refusée dans une décision finale en raison du manque de fondement des revendications visant les anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’interleukine‑1 (IL‑1). À la suite de la révision de la demande rejetée, la Commission a conclu que les revendications rejetées étaient trop larges compte tenu de la description et a recommandé que certaines modifications soient nécessaires afin de restreindre la portée des revendications concernant les anticorps qui ont été reconnus comme étant étayés adéquatement. Puisque le raisonnement menant à la conclusion que les revendications rejetées étaient trop larges s'appliquait également à d'autres revendications non rejetées, la Commission a recommandé que la demanderesse soit tenue de restreindre leur portée également. La commissaire aux brevets a souscrit au point de vue de la Commission et la demanderesse a été invitée à faire les modifications nécessaires à défaut de quoi la demande serait refusée.


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 583,988 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, elle a donc fait l’objet d’une révision par la Commission d’appel des brevets pour le compte de la commissaire aux brevets conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent pour la demanderesse :

 

Smart & Biggar

Case postale 2999, Succursale D

Ottawa (Ontario)

K1P 5Y6

 

 


Introduction

 

[1]   La présente décision statue sur une demande de révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, d'une décision finale prise en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets à l'égard de la demande de brevet no 583,988.

 

[2]    La demanderesse est Immunex Corporation. Les inventeurs sont Steven K. Dower, Carl J. March, John E. Sims et David L. Urdal et l’invention est intitulée « Récepteurs de l'interleukine‑1 ».

 

Contexte

 

[3]    L’objet de la demande se rapporte essentiellement aux récepteurs de cytokines, plus particulièrement aux récepteurs de l’interleukine-1 (IL-1R). L’interleukine-1α et l’interleukine 1β sont des polypeptides libérés par les cellules du système immunitaire des mammifères qui jouent un rôle clé dans la régulation de l’activation des cellules immunitaires, y compris les lymphocytes T, les lymphocytes B, les cellules tueuses naturelles (ou cellules NK) et bien d’autres cellules exerçant un rôle actif dans les réactions inflammatoires. Leur activité biologique est médiée par les IL‑1R, qui sont peu nombreux à la surface des cellules immunitaires. On sait maintenant qu’il existe deux types distincts d’IL-1R, c’est-à-dire les types I et II, dont le poids moléculaire est de 82 KDa et de 60 KDa respectivement.

 

[4]   La demande en cause porte, dans l’ensemble, sur les molécules d’ADN codant les IL-1R humains et murins de type I, les IL-1R humains et murins purifiés de type I, l’utilisation des IL-1R humains et murins de type I, les anticorps présentant une immunoréactivité aux IL-1R, de même que les procédés de production d’IL-1R de type I recombinants.

 

[5]   En l’espèce, les revendications qui revêtent une importance particulière sont celles portant sur les anticorps monoclonaux immunoréactifs aux IL-1R. Les anticorps sont des protéines qui se lient spécifiquement à des antigènes étrangers. Leur structure générale est bien connue; un anticorps type est constitué de quatre chaînes polypeptidiques (soit deux chaînes « lourdes » identiques, reliées entre elles au niveau d’une région dite charnière, et deux chaînes « légères » identiques) reliées entre elles pour former une seule molécule complète en forme de « Y » comportant deux « bras ». Aux extrémités de chacun des bras se trouve un site de liaison à l’antigène. Bien que la structure générale des anticorps soit connue, il est impossible de prévoir les structures distinctes des sites de liaison à l’antigène des anticorps (définies par de courts segments d’acides aminés situés dans six régions [dites] hypervariables, aussi appelées « régions déterminant la complémentarité ») au moyen de la structure de l’antigène homologue de l’anticorps, autrement dit, la structure de l’épitope homologue présent sur l’antigène.

 


[6]   Les anticorps monoclonaux peuvent être produits au moyen de techniques classiques de production d’anticorps monoclonaux ou de la technique des hybridomes. Cette technique, mise au point, au milieu des années 70, par les lauréats du prix Nobel Köhler et Milstein, comprend des méthodes permettant d’obtenir des préparations homogènes d’anticorps. Une fois que le mammifère est immunisé au moyen d’un antigène, son système immunitaire déclenche des réactions humorales et cellulaires qui entraînent la prolifération de lymphocytes B produisant un éventail d’anticorps, lesquels présentent une immunoréactivité à l’antigène. Comme chaque lymphocyte B produit son propre anticorps unique, il était difficile, avant la mise au point de la technique des hybridomes, d’obtenir des quantités appréciables de préparations pures de ces anticorps. La technique des hybridomes consiste à immuniser des souris au moyen d’un antigène, puis à immortaliser les lymphocytes murins producteurs d’anticorps en les fusionnant avec des cellules cancéreuses de myélome de souris. Les hybridomes qui en résultent font ensuite l’objet d’un examen individuel visant à détecter toute activité de liaison, puis sont clonés en vue de l’obtention des lignées cellulaires monoclonales uniques pouvant produire individuellement une quantité presque illimitée d’anticorps monoclonaux identiques.

 

 

Historique de la demande

 

[7]   La demande en cause a été déposée le 24 novembre 1988 et l'examinateur chargé de la demande a rendu une décision finale le 30 octobre 2002 dans laquelle la revendication 29 de la demande a été rejetée pour absence de fondement en vertu du paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets. On a indiqué que les revendications 1 à 28 et 30 à 52 étaient en une forme acceptable.

 

[8]   Le 30 avril 2003, la demanderesse a répondu à la décision finale et a présenté des arguments concernant le motif pour lequel la revendication 29 était conforme à la Loi et aux Règles. La demanderesse a également présenté six nouvelles revendications, augmentant le nombre de revendications actuellement en instance à 58 revendications. La réponse était accompagnée d'une déclaration de M. Kenneth Schooley, un scientifique à l'emploi d'Immunex. Le 28 mai 2003, la demanderesse a de plus présenté une déclaration datée du 30 avril 2003 et signée par John Sims, un des inventeurs de la demande en l'espèce. L'essence de la déclaration de M. Sims correspondait à une déclaration non signée et présentée auparavant le 18 juin 2002 en réponse à un rapport antérieur du Bureau.

 

[9]   De l'avis de l'examinateur, la réponse de la demanderesse à la décision finale ne surmontait pas les objections soulevées dans la décision finale relativement à la revendication 29. En outre, l'examinateur a conclu que deux revendications nouvellement présentées visaient une matière semblable et étaient donc irrecevables. En conséquence, la demande a été déférée à la Commission d'appel des brevets pour révision. À la demande de la demanderesse, une audience a eu lieu le 23 janvier 2008, à l'occasion de laquelle la demanderesse était représentée par M. David Schwartz du cabinet Smart & Biggar.

 

[10]     À l'audience, la Commission a entendu des observations orales additionnelles du représentant de la demanderesse. Les observations orales étaient accompagnées d'observations écrites correspondantes et d'un affidavit de M. Kenneth Schooley.

 

Les revendications en litige

 

[11]     La revendication 29 refusée concerne un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité au polypeptide IL-1R :

[traduction]

29. un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité au polypeptide IL-1R.

 


[12]     Comme deux des six nouvelles revendications présentées par la demanderesse en réponse à la décision finale portaient également sur des anticorps monoclonaux, l’examinateur a jugé qu’elles posaient aussi un problème. Ces deux nouvelles revendications (54 et 58) sont les suivantes :

[traduction

54. un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à un polypeptide, conformément à lune ou lautre des revendications 9 à 13, 30 à 42 ou 49 et  50.                                                             

 

58. un anticorps monoclonal produit au moyen du procédé décrit à la revendication 57.

 

la question en litige

 

[13]     Compte tenu de l'historique de la demande, nous comprenons que la question dont nous sommes saisis porte sur la question de savoir si la description étaye adéquatement, comme l'exige le paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets, les revendications relatives aux anticorps monoclonaux décrits dans les revendications 29, 54 et 58.

 

 

Le cadre juridique

 

Paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets

 

[14]     La présente demande a été déposée avant le 1er octobre 1989 et, en vertu de l'article 78.1 de la Loi sur les brevets, elle est régie par la Loi sur les brevets dans sa version du 30 septembre 1989. À moins d'indication contraire, dans la présente recommandation, les renvois à la Loi sur les brevets renvoient à la Loi dans sa version du 30 septembre 1989.

 

[15]     Le paragraphe 174(2) des Règles se trouve sous le titre « Forme et contenu de la demande » et dispose : « Chaque revendication se fonde entièrement sur la description. »

 

[16]     Les tribunaux canadiens se sont peu prononcés sur l'interprétation du paragraphe 174(2) des Règles ou de tout autre disposition équivalente. Or, dans Re Application of Ciba (1974), décision du commissaire no 208, la Commission a statué, après avoir souligné qu'il était possible de divulguer suffisamment de matière en une seule phrase pour revendiquer avec succès certaines inventions, que le principe fondamental en droit des brevets était qu'un inventeur ne peut revendiquer avec succès ce qu'il n'a pas décrit (citant un passage de Radio Corporation of America c. Raytheon Manufacturing Co. (1957), [1956‑1960] Ex. C.R. 98, par. 28, 27 C.P.R. 1 [R.C.A.]). Ainsi la question de savoir si les revendications « se fonde[nt] entièrement » sur la description peut être une question de fond.

 


[17]     Un certain nombre de décisions de la commissaire liées aux biotechnologies ont également exploré la notion de « fondement », notamment : Re Institut Pasteur Patent Application (1995), 76 C.P.R. (3d) 206, décision du commissaire nº 1206 [Pasteur], dans le cadre de laquelle il était question de déterminer si les revendications relatives aux anticorps monoclonaux et aux hybridomes étaient « étayées » au moyen de renseignements précis; Re Application of Alonso (2006), décision du commissaire nº 1269 [Alonso], dans le cadre de laquelle la Commission a étudié des revendications relatives à des anticorps monoclonaux décrits par le dépôt d'un échantillon de matière biologique; Re Application of Yeda Research & Development Co. (2007), 59 C.P.R. (4th) 464, décision du commissaire nº 1273, dans le cadre de laquelle la Commission s'est penchée sur des revendications liées à des acides nucléiques; Re Application of Central Sydney Area Health Service (2008), décision de la commissaire nº 1283 [CSAHS], dans le cadre de laquelle la Commission s'est encore penchée sur la question de savoir si les revendications relatives aux anticorps monoclonaux et aux acides nucléiques étaient étayées au moyen de renseignements précis; plus récemment, dans Re Application of Sloan‑Kettering Institute for Cancer Research (2009), décision de la commissaire nº 1296, dans le cadre de laquelle la Commission s'est penchée sur des revendications relatives aux formes chimériques et humanisées d'un anticorps monoclonal particulier.

 

Paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets

 

[18]     Le paragraphe 174(2) des Règles, ou son équivalent, est une forme de législation par délégation qui n'a pas d'effet en dehors de la Loi sur les brevets. À ce titre, la notion de « fondement », telle qu'exprimée au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets, commande l'application du paragraphe 34(1) de la Loi, qui est ainsi conçu :

 

(1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur :

a) décrit d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, tellesque les a conçues l'inventeur;             

b) expose clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, deconfection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'uncomposé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent àtoute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou lascience qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objetde l'invention;

c) s'il s'agit d'une machine, en explique le principe et la meilleure manière dont il a conçul'application de ce principe;

d) s'il s'agit d'un procédé, explique la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phasesdu procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions;

e) indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou lacombinaison qu'il réclame comme son invention

 

[19]     La conformité aux alinéas a) et b) du paragraphe 34(1) de la Loi et, par extension, au paragraphe 174(2) des Règles exige respectivement : (i) que le mémoire descriptif contienne davantage qu'une simple description du concept général de l'invention et qu'il décrive d'une façon exacte et complète l'invention dans des termes précis, (ii) que le mémoire descriptif fournisse les moyens nécessaires pour réaliser l'invention, ou du moins, qu'il décrive comment l'invention pourrait être réalisée. La décision Farbwerke Hoechst A.G. vormals Meister Lucius & Bruning c. Canada (Commissioner of Patents) (1965), [1966] Ex. C.R. 91, conf. [1966] S.C.R. 604, indique que les revendications ne doivent pas avoir une portée plus large que l'invention réalisée et qu'elles ne doivent pas avoir une portée plus large que l'invention décrite dans le mémoire descriptif.

 

[20]     Bien que la fabrication elle-même des réalisations n'est pas nécessairement une exigence stricte particulièrement en ce qui concerne une invention biotechnologique, il se pourrait que l'invention ne puisse être décrite de façon exhaustive et exacte sans qu'une ou plusieurs réalisations représentatives aient été identifiées et caractérisées initialement. L'absence d'un exemple fonctionnel peut également faire entrer en jeu, comme nous estimons être le cas en l'espèce, un aspect connexe du « fondement », à savoir la question de l'utilité de l'invention revendiquée.

 


Jurisprudence particulièrement pertinente pour les anticorps monoclonaux

 

[21]     Bien que les tribunaux canadiens n'aient jamais eu l'occasion d'examiner ce que constitue un fondement suffisant pour les revendications relatives aux anticorps monoclonaux, la Commission d'appel des brevets et la commissaire aux brevets ont examiné la question en plusieurs occasions.

 

[22]     Au paragraphe 10 de l'arrêt Pasteur, la Commission a insisté sur les mots « décrit » et « permettent » tels qu'ils sont utilisés aux alinéas a) et b), respectivement, du paragraphe 34(1) de la Loi. Lorsqu'elle s'est penchée sur les deux exigences prévues aux alinéas a) et b) du paragraphe 34(1), la Commission a conclu qu'aucune « description précise » des anticorps monoclonaux revendiqués ou de leur mode de production n'a été divulguée. Dans CSAHS, la Commission a examiné les décisions pertinentes de la commissaire, notamment l'arrêt Pasteur, et a conclu que, compte tenu de la preuve d'experts, la technologie de base sous-jacente pour la production d'anticorps monoclonaux avait atteint un niveau de maturité tel à la fin des années 1980, qu’il était raisonnable de dire qu'une personne versée dans l'art n'aurait pas en règle générale de difficultés excessives pour tenter de produire un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à un polypeptide donné. Néanmoins, la Commission a indiqué au paragraphe 125 que les faits de chaque affaire devaient être examinés avec soin et, à cet égard, les éléments tels que l'immunogénicité du polypeptide, la portée des revendications, la présence d'exemples fonctionnels, de même que des indications de succès, d'échec et d'une adaptation indue des méthodes connues ou d'une expérimentation excessive pouvaient être considérés. Lorsqu'elle a examiné ce qui pouvait constituer une description adéquate d'un anticorps monoclonal, qui est distincte d'une méthode de fabrication, la Commission s'est appuyée sur les faits de l'espèce et a conclu qu'une revendication précise relative à un anticorps monoclonal n'était pas pleinement étayée. En ce qui a trait à une revendication relative à un anticorps monoclonal, plusieurs considérations ont été jugées pertinentes, notamment : la question de savoir si le mémoire descriptif présente plus qu'une description générale du polypeptide (qui pourrait inclure la description d'épitopes) ou présente une description structurale des paratopes (ou des régions déterminant la complémentarité, CDR) d'un anticorps monoclonal; la portée des revendications; la présence d'exemples fonctionnels réels.

 

[23]     Bien que les décisions rendues dans d'autres ressorts ne nous lient pas, elles peuvent être instructives et donner des orientations dans la mesure où elles ne contredisent pas la jurisprudence et les lois canadiennes (voir par exemple Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro‑Industries Ltd. (2002), 17 C.P.R. (4th) 478, aux paragraphes 34 à 37). En effet, la convergence du droit dans des ressorts tels que les États-Unis et le Royaume-Uni et la jurisprudence étrangère plus contemporaine ont également incité la Cour suprême à remettre en question la manière restrictive dont les critères juridiques fondamentaux ont été interprétés au Canada (voir Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, aux paragraphes 23 et 60).

 


[24]     Par conséquent, dans les affaires telles que celle en l'espèce à l'égard desquelles les tribunaux canadiens n'ont offert aucune orientation concernant des revendications portant sur des anticorps monoclonaux et lorsqu'il existe une jurisprudence récente et pertinente dans des ressorts dotés de lois semblables, il est raisonnable de prendre en considération à la fois les précédents établis et les décisions récentes rendues dans d'autres ressorts de common law.

 

[25]     Dans l'arrêt Pasteur, la seule jurisprudence citée pour la proposition selon laquelle la technologie de production d'anticorps monoclonaux est imprévisible était une décision rendue en 1985 par la Patent Office Board of Patent Appeals and Interferences des États‑Unis : Ex Parte Old, 229 U.S.P.Q. 196. (Bd. Pat. App. 1985). Cependant, la Court of Appeals for the Federal Circuit a plus récemment statué que la production d'anticorps monoclonaux dirigés contre un antigène donné s'appuie sur des techniques bien connues et que l'exécution de ces techniques par une personne versée dans l'art n'équivaut pas nécessairement à une expérimentation excessive (voir par exemple In re Wands, 8 U.S.P.Q. 2d 1400 (Fed. Cir. 1988); Hybritech Incorporated v. Monoclonal Antibodies, Inc., 231 U.S.P.Q. 81 (Fed. Cir. 1986); The Johns Hopkins University v. Cellpro Inc., 47 U.S.P.Q. 2d 1705 (Fed. Cir. 1998).

 

[26]     En ce qui a trait à la description écrite, nous constatons que la Court of Appeals for the Federal Circuit, siégeant en formation plénière, a tout récemment réaffirmé dans Ariad Pharmaceuticals, Inc. v. Eli Lilly and Co., No. 2008-1248 (Fed. Cir. 2010), qu'il s'agissait d'une exigence distincte du caractère réalisable. De façon générale, la même cour a énoncé son interprétation de ces exigences de la description écrite en ce qu'elle se rapporte aux anticorps monoclonaux dans Noelle v. Lederman, 69 U.S.P.Q. 2d 1508 (Fed. Cir. 2004) [Noelle] :                                                                

 

[traduction] En conséquence, compte tenu de notre précédent antérieur, dans la mesure où un demandeur a divulgué un « antigène pleinement caractérisé », que ce soit par sa structure, par sa formule, par son nom chimique, ou par ses propriétés physiques, ou en déposant la protéine auprès d'une autorité de dépôt publique, il peut alors revendiquer un anticorps par son affinité de liaison avec l'antigène décrit.  

 

[27]     Le précédent susmentionné, Enzo Biochem c. Gen‑Probe, Inc., 323 F.3d 956, 964 (Fed. Cir. 2002), est une affaire pour laquelle la Cour a reconnu que le United States Patent Office estimerait que l’exigence d’une description écrite, telle qu’elle est précisée au premier paragraphe de l’article 35 U.S.C. 112, est satisfaite [traduction] « pour une revendication concernant un anticorps isolé capable de se fixer à l’antigène X », laquelle a été acceptée « nonobstant la définition fonctionnelle de l’anticorps, à la lumière des caractéristiques structurales bien définies des cinq classes d’anticorps, des caractéristiques fonctionnelles des liaisons d’anticorps, et du fait que les techniques de fabrication d’anticorps sont bien développées et solides ».

 

[28]     Ainsi, un anticorps peut être défini par son immunoréactivité à un polypeptide cible entièrement caractérisé. Cela dit, il convient de rappeler que dans l’arrêt Noelle, il a finalement été établi qu’il n’était pas légitime de revendiquer l’immunoréactivité d’un anticorps à un genre de polypeptides si une seule des espèces de ce genre a été décrite. Il ne semble pas légitime non plus, aux États-Unis, de revendiquer une grande famille d’anticorps dans les cas où l’antigène est complexe ou mal caractérisé, ni lorsque le mémoire descriptif [traduction] « ne donne aucune information sur la structure, la caractérisation de l’épitope, l’affinité de liaison, la spécificité ni les propriétés pharmacologiques communes à la grande famille des anticorps » : affaire Alonso, 88 U.S.P.Q. 2d 1849 (Fed. Cir. 2008).

 


[29]     Au Royaume-Uni, les tribunaux ont aussi récemment reconnu qu’il n’est généralement pas nécessaire de déployer des efforts excessifs pour fabriquer et identifier des anticorps monoclonaux capables de se lier spécifiquement à un polypeptide défini et nouveau (voir Eli Lilly & Co v Human Genome Sciences Inc, [2008] EWHC 1903 (Pat) au paragraphe 250, conf. [2010] EWCA Civ 33 [HGS]). Par contre, si les connaissances générales courantes et le mémoire descriptif du brevet, étudiés conjointement, ne divulguent pas une méthode pratique permettant de tirer profit du polypeptide, ou encore, s’ils ne fournissent pas de renseignements de base solides et concrets permettant de reconnaître que le polypeptide pourrait avoir des applications pratiques dans l’industrie, il se pourrait que les revendications concernant le polypeptide et les anticorps qui réagissent spécifiquement avec lui soient refusées (HGS, paragraphes 228-237). De plus, les revendications concernant plus précisément des anticorps utilisés à des fins diagnostiques et thérapeutiques pourraient être jugées invalides pour cause d’insuffisance si la réalisation de tels produits devait nécessiter le lancement d’un programme de recherche (HGS, paragraphes 252-260).

 

[30]     Bien que les chambres de recours technique de l’Office européen des brevets puissent, d’après les faits et la preuve, émettre des conclusions qui diffèrent de celles formulées par les tribunaux du Royaume-Uni sur les questions de suffisance et d’applicabilité industrielle, ces instances s’efforcent de suivre les mêmes principes juridiques sous-jacents. Par exemple, dans la décision T 0018/09, après l’examen du même brevet en litige dans HGS, la Chambre a conclu que le mémoire descriptif était suffisant pour permettre à une personne versée dans l’art de fabriquer des anticorps, y compris des anticorps monoclonaux, dirigés contre un polypeptide défini, compte tenu que [traduction] « la production d’anticorps dirigés contre une protéine dont la séquence dacides aminés est connue n’exige aucun effort particulier » (paragraphe 19). À l’opposé des conclusions émises par les tribunaux du Royaume-Uni, l’applicabilité industrielle du polypeptide et des anticorps dirigés contre lui, y compris les anticorps thérapeutiques, a été reconnue par la Chambre d’après les éléments de preuve dont elle disposait. Dans d’autres cas, malgré la reconnaissance de l’applicabilité industrielle d’un présumé nouveau polypeptide récepteur, l’Office européen des brevets a estimé insuffisante la divulgation dans les revendications relatives aux anticorps thérapeutiques réactifs au présumé polypeptide récepteur lorsque rien n’indique dans le mémoire descriptif qu’un anticorps capable de bloquer le récepteur produirait un effet thérapeutique (voir la décision T 0604/04, paragraphes 24-27).

 


[31]     L’un des thèmes constants qui ressortent de l’examen de la jurisprudence étrangère est le fait que les anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité à un nouveau polypeptide défini sont, en général, revendiqués par une référence au polypeptide. Des revendications valides peuvent être faites même si aucun exemple fonctionnel n’a été fourni. En général, la question du caractère réalisable est réglée en faveur de la demanderesse ou du titulaire du brevet lorsque la technique de production d’anticorps monoclonaux est bien établie. Toutefois, des doutes quant à l’utilité ou à l’applicabilité industrielle peuvent être soulevés lorsque le mémoire descriptif et les connaissances générales courantes fournissent peu d’information sur la fonction particulière du polypeptide ou, encore, lorsque les revendications visent expressément des anticorps employés à des fins diagnostiques ou thérapeutiques. Pour exprimer ces doutes, on parle parfois de caractère non réalisable, d’étayage insuffisant ou d’insuffisance en raison de l’absence de divulgation de la façon d’employer les anticorps par opposition à la façon de les fabriquer. On parle aussi de la nécessité d’une expérimentation excessive afin de déterminer la fonction de ces anticorps.

 

La décision finale

 

[32]     La demande a été refusée en grande partie d’après la décision rendue dans l’arrêt Pasteur. La décision finale expose les renseignements fournis dans le mémoire descriptif sur les anticorps monoclonaux et résume bien le contenu de plusieurs articles scientifiques portant sur des anticorps monoclonaux immunoréactifs aux IL-1R qui ont été publiés après la date de dépôt de la demande en l’espèce. La décision finale énonce, en partie, ce qui suit :

 

[traduction]

La déclaration [fournie par la demanderesse] et les articles de Slack et coll. et Rogers et coll. qui sont cités indiquent que des anticorps monoclonaux dirigés contre les IL‑1R ont été fabriqués subséquemment, mais nétayent pas leur production à « la première date de priorité », tel quil est indiqué dans la déclaration de la demanderesse datée du 18 juin 2002, ou à la date de dépôt de la présente demande.

. . .               

Comme lindique la décision de lexaminateur datée du 18 décembre 2001, lexemple 7 de la description expose des procédés permettant de fabriquer des cellules dhybridomes et des anticorps monoclonaux et mentionne que le brevet américain 4,411,993 décrit des techniques de fabrication danticorps monoclonaux et que Engvall et coll. (1971) et le brevet américain 4,703,004 divulguent des techniques de criblage dhybridomes.

. . .

Dans lexemple 7, on décrit ce qui peut être fait, mais on nindique pas quun clone dhybridome positif produisant un anticorps monoclonal dirigé contre lIL-1R a déjà été fabriqué. De plus, les caractéristiques de liaison et lutilité de nimporte quel anticorps monoclonal produit contre lIL‑1R ne sont pas divulgués.

. . .


Au dernier paragraphe de la déclaration de la demanderesse datée du 18 juin 2002, il est mentionné que [traduction] « les renseignements figurant dans la description permettent de prédire de façon valable que la production danticorps, y compris danticorps polyclonaux et danticorps monoclonaux, dirigés contre lIL‑1R et les fragments correspondants est facile, et cette prédiction valable est étayée par les conclusions susmentionnées ». Comme il a été mentionné plus haut dans la présente décision, McMahan et coll. et Bomsztyk et coll. (désignés comme Slack et coll. et à Rogers et coll.,  respectivement) ont utilisé une lignée de cellules C127 exprimant de façon stable lIL-1R humain recombinant de type I en tant que substance immunogène au cours de la première étape de fabrication danticorps monoclonaux dirigés contre lIL‑1R. Rogers et coll. ont aussi utilisé, comme substance immunogène, des préparations hautement purifiées du domaine extracellulaire de lIL-1R de type 1 murin. Chizzonite et coll. (cité dans Rogers et coll.) ont utilisé, comme substance immunogène, des récepteurs dinterleukine (IL-R) partiellement purifiés ayant été isolés de cellules EL4. Donc, les articles publiés par suite de la description par la demanderesse de techniques de fabrication danticorps monoclonaux (McMahan et coll., Bomsztyk et coll. et Rogers et coll.) comportent tous des détails qui ne figurent pas dans la description de la présente demande : lutilisation dune lignée cellulaire exprimant lIL‑1R ou dun domaine extracellulaire de lIL‑1R en tant que substance immunogène. Seuls Chizzonite et coll., qui ne semblent pas liés à la demanderesse, auraient utilisé une méthode comparable à celle décrite dans lexemple 7.

 

La demanderesse doit se rappeler que la description du brevet canadien 1 338 323 renvoie également à des techniques de fabrication connues dhybridomes et danticorps monoclonaux. Conformément à la décision de la commissaire, les directives précises pour la fabrication des anticorps revendiqués doivent être divulguées, et les changements admissibles à la technique de base employée pour les antigènes spécifiques divulgués doivent être intégrés, en plus du renvoi à des techniques connues. Lexemple 7 noffre rien de plus que des directives générales. Sil est vrai quune technique de fabrication danticorps monoclonaux était envisagée en fonction des techniques connues au moment du dépôt, tel quil est mentionné dans lexemple 7, lanticorps monoclonal visé par la revendication 29 navait pas été fabriqué, et ses propriétés, ses caractéristiques et son utilité ne pouvaient être expliquées quen des termes généraux, qui décrivent simplement ce que ferait le produit attendu, cest‑à‑dire se lier au polypeptide IL‑1R. La description ne montre pas à laide dexemples ni dénoncés généraux que la technique décrite a été utilisée avec succès. De plus, elle ne présente aucune donnée pour illustrer le nombre de clones positifs produits au moyen de la technique décrite ni aucune donnée pour confirmer si des anticorps monoclonaux utiles capables de se lier seulement à lIL‑1R ont été produits en quantité suffisante pour être utilisés dans le cadre danalyses ou à dautres fins. Par conséquent, la description figurant dans la présente demande ne montre pas que la technique décrite a été utilisée avec succès pour fabriquer des anticorps monoclonaux nouveaux et utiles.

 

[33]     À partir de ce qui précède, nous concluons que l'examinateur considère que le mémoire descriptif n'étaye pas entièrement les revendications relatives aux anticorps monoclonaux principalement parce que les articles scientifiques mentionnés dans la décision finale établissent que les produits revendiqués ont été fabriqués uniquement après la date de dépôt de la présente demande, qu'ils ont été fabriqués en utilisant des protocoles non divulgués dans le mémoire descriptif et que les anticorps revendiqués n'ont pas été caractérisés.

 

Les observations de la demanderesse

 

[34]     Les arguments de la demanderesse en faveur de la brevetabilité de la matière revendiquée sont fondés sur ce qui suit :

 

(i) une réponse écrite à la décision finale accompagnée d'une déclaration de Kenneth Schooley, un scientifique à l'emploi de la demanderesse;

(ii) une deuxième déclaration, datée du 30 avril 2003, de la part de John Sims, l'un des inventeurs de la présente demande (cette déclaration équivalait à une déclaration non signée tout d'abord présentée le 18 juin 2002 en réponse à une décision non finale);

(iii) des observations orales présentées à l'audience;

(iv) des observations écrites présentées à l'audience;

(v) un affidavit souscrit par Kenneth Schooley, accompagné des copies des pages de ses carnets de laboratoire pour l'appuyer.

 


[35]     En réponse à la décision finale, la demanderesse soutient que la revendication 29 est admissible puisque la description des anticorps monoclonaux définis par la revendication est exhaustive et exacte dans le mémoire descriptif et que le mémoire descriptif présente une description complète permettant de connaître la manière de fabriquer et d'utiliser les anticorps monoclonaux revendiqués. La demanderesse déclare que les exigences de fond pour la brevetabilité de la matière revendiquée telles que les prévoient les alinéas 34(1)a) (description écrite) et 34(1)b) (caractère réalisable) de la Loi sur les brevets ont donc été satisfaites. Plus particulièrement, la demanderesse a présenté, en partie, l'argument suivant concernant le refus de la revendication 29 :

 

[traduction]

La description des anticorps monoclonaux revendiqués est exhaustive et exacte dans le mémoire descriptif.

 

En ce qui concerne lalinéa 34(1)a) de la Loi sur les brevets, la demanderesse soutient respectueusement que les anticorps monoclonaux sont décrits, en termes conventionnels, selon leur spécificité dans les revendications de brevets, par exemple [traduction] « un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à la protéine X. » Autrement dit, la description dun anticorps monoclonal est toujours fondée sur lidentité de lantigène auquel il se lie.

 

La revendication 29 se lit comme suit [traduction] « Un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité au polypeptide 1L‑1R. » Il nest pas contesté que le « polypeptide 1L‑1R » est décrit de façon appropriée dans le mémoire descriptif (voir par exemple les revendications acceptées :  9 à 13,30 à 42, etc.) Par conséquent, les antigènes auxquels se lient les anticorps sont correctement décrits, et les anticorps monoclonaux sont donc également décrits correctement en termes conventionnels.

 

De plus, la demanderesse soutient respectueusement que si des anticorps monoclonaux décrits à la revendication 29 avaient été préparés au moment de la présente demande et décrits dans un exemple fonctionnel, la principale différence dans le contenu du présent mémoire descriptif serait que l'exemple 7 serait libellé au passé plutôt qu'au présent. Ainsi, en l'espèce, la présence ou l'absence d'un exemple fonctionnel est clairement non pertinent en ce qui a trait au caractère adéquat de la description d'un anticorps monoclonal en vertu de l'alinéa 34(l)a) de la Loi sur les brevets dans sa version du 30 septembre 1989. En conséquence, l'exigence de l'alinéa 34(l)a) est satisfaite.

 

Le mémoire descriptif déposé fournit tous les moyens nécessaires pour obtenir les anticorps monoclonaux revendiqués

 

Selon la deuxième exigence du paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets dans sa version du 30 septembre 1989, le mémoire descriptif doit fournir une description permettant la réalisation de la matière revendiquée. Cela signifie que le mémoire descriptif doit fournir suffisamment d'indications pour permettre à une personne versée dans l'art, compte tenu de ses connaissances préalables dans l'art, de fabriquer et d'utiliser l'invention revendiquée.

 

La demanderesse soutient respectueusement que le présent mémoire descriptif fournit tous les moyens nécessaires pour fabriquer et utiliser des anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité au polypeptide 1L‑1R, tel que l'indiquent les revendications.

 


Cela est démontré par la déclaration de M. Schooley jointe au présent affidavit, qui clarifie et confirme que peu après la date de dépôt, la demanderesse a fabriqué les anticorps monoclonaux revendiqués en utilisant les techniques décrites dans l'exemple 7 dans le mémoire descriptif, sans expérimentation excessive ni faire preuve d'esprit inventif.

 

Tel qu'il a été mentionné ci-dessus, la demanderesse insiste qu'il n'est pas pertinent pour que le présent mémoire descriptif soit conforme à l'alinéa 34(l)b) de la Loi sur les brevets, dans sa version du 30 septembre 1989, que la démonstration réelle de la fabrication d'anticorps monoclonaux ait eu lieu après le dépôt. La demande déposée contient tous les détails sur la manière dont les anticorps monoclonaux sont fabriqués et utilisés. La reproduction de l'exemple 7 après le dépôt est simplement une preuve additionnelle que l'exemple 7 fournissait en effet tous les moyens nécessaires pour la fabrication au moment du dépôt. Que cette démonstration ait eu lieu en 1986, en 1989 ou en 2003 n'est pas important.

 

[36]     La réponse conclut avec des arguments soutenant que, bien que les anticorps monoclonaux revendiqués puissent être utiles à titre d'agents thérapeutiques, la personne versée dans l'art reconnaîtrait que des anticorps monoclonaux pourront aussi être utilisés en dehors de l'arène thérapeutique, par exemple, à titre de réactifs dans les tests pour vérifier la présence d'IL‑1R. La demanderesse s'appuie également sur la règle de la prédiction valable comme fondement pour maintenir que le mémoire descriptif étaye entièrement prima facie la revendication 29 déclarant que le test en trois volets énoncés dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (2002), 21 C.P.R. (4th) 499, a été satisfait.

 

[37]     À l'audience, la demanderesse a présenté à la Commission des observations écrites décrivant des raisons supplémentaires selon lesquelles, de l'avis de la demanderesse, les revendications 29, 54 et 58 sont conformes à la Loi et aux Règles. La demanderesse a résumé ces observations comme suit :

 

[traduction]

Dans un très bref résumé des observations qui précèdent, la demanderesse soutient que les revendications en instance portant sur des anticorps monoclonaux se fondent entièrement sur la demande de brevet déposée, répondent à toutes les exigences de la Loi sur les brevets en matière de brevetabilité et le Bureau devrait les accepter, du moins pour les raisons suivantes :

 

1.   La présente demande décrit la protéine IL‑IR entièrement caractérisée de même quun protocole précis et détaillé permettant de préparer des anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité à lIL‑IR.

 

2.   Au Canada, le droit des brevets n'exige pas qu'une invention revendiquée ou une réalisation de celle-ci soit divulguée dans des exemples fonctionnels. Il suffit que le mémoire descriptif fournisse de façon exhaustive et exacte tous les moyens nécessaires pour réaliser l'invention. La présente demande répond à ces exigences. La demande décrit des anticorps monoclonaux dirigés contre l'IL‑IR en utilisant une terminologie acceptée par l'art et décrit tous les moyens nécessaires de la manière de fabriquer ces anticorps.

 

3.   Comme les publications scientifiques accessibles à l'époque le soutenaient, et contrairement aux conclusions tirées dans Institut Pasteur, la technologie concernant les hybridomes était une technologie éprouvée, bien établie à la date de priorité et à la date de dépôt de la présente demande.

 


4.   Les présentes revendications portant sur des anticorps monoclonaux ne constituent pas des revendications « sur des inventions en aval ». Les anticorps monoclonaux revendiqués sont des molécules entièrement et précisément définies et qui seront le résultat attendu d'une méthode établie et entièrement documentée pour leur fabrication.

 

5.   La Cour d'appel fédérale a statué que la conformité au paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets, dans sa version du 30 septembre 1989, doit être établie au plus tard à la date de publication. La présente demande sera publiée (c'est-à-dire accordée) au cours de 2008 ou plus tard. Les compétences dans l'art de réussir la préparation d'anticorps monoclonaux sont indiscutablement grandes en 2008.

 

6.   Même s'il a été statué que la conformité au le paragraphe 34(1) doit être déterminée à la date de publication, la Cour d'appel fédérale a statué que la prédiction valable doit être établie à la date de dépôt. Le mémoire descriptif déposé, qui divulgue la protéine IL‑IR et un protocole détaillé pour la préparation d'anticorps monoclonaux, compte tenu des connaissances dans l'art à la date de dépôt concernant la préparation d'anticorps monoclonaux, appuie une prédiction valable que des anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité aux IL‑IR pourraient être produits conformément aux enseignements du mémoire descriptif. La prédiction valable n'exige pas la certitude et aucun fondement raisonnable n'a été présenté pour mettre en doute la prédiction de la demanderesse.

 

7.   Peu après le dépôt de la demande de brevet, Immunex Corporation a produit les anticorps monoclonaux revendiqués, en utilisant un protocole équivalent à celui décrit dans la demande de brevet et qui, sous certains aspects, était plus simple et moins exigeant que le protocole décrit dans la demande. Cela montre que le mémoire descriptif déposé founit les moyens nécessaires pour produire des anticorps monoclonaux et que la prédiction valable de la demanderesse était juste.

 

8.   L'arrêt Institut Pasteur, sur lequel les présents motifs de refus reposent : a) a défini les mauvaises exigences pour la description des anticorps monoclonaux; b) a omis d'évaluer avec exactitude l'état de la technologie concernant les anticorps monoclonaux au milieu des années 1980; c) s'est reporté à une jurisprudence américaine qui ne reflétait pas le droit américain à la période pertinente; d) contenait une analyse erronée concernant l'évidence, omettant de prendre en compte que l'antigène pertinent n'était pas alors connu dans les réalisations antérieures; e) a conclu erronément que l'absence de remèdes pour diverses maladies est une indication de l'imprévisibilité des méthodes de fabrication des anticorps monoclonaux.

 


9.   La demande de brevet en litige dans Institut Pasteur revendiquait des anticorps monoclonaux dirigés contre toute protéine, toute glycoprotéine ou tout peptide du VIH-2, sans toutefois divulguer, isoler ou caractériser ces substances immunogènes. De plus, la demande indiquait simplement que les anticorps monoclonaux de la vaste classe revendiquée pouvaient être préparés au moyen de « techniques classiques ». Rien ne démontrait que de tels anticorps avaient déjà été fabriqués. Contrairement à la demande de brevet en litige dans Institut Pasteur, la présente demande revendique des anticorps monoclonaux dirigés contre lIL‑1R (protéine particulière entièrement caractérisée dans la présente demande). La demande contient aussi un protocole précis et détaillé pour la fabrication de ces anticorps monoclonaux. Le dossier montre que les anticorps monoclonaux ont été fabriqués peu après le dépôt. Par conséquent, compte tenu des différences entre les deux techniques (anticorps monoclonaux dirigés contre le VIH-2 et anticorps monoclonaux dirigés contre lIL‑1R) et des renseignements techniques pertinents qui figurent dans les deux demandes de brevets, les conclusions tirées dans Institut Pasteur ne sappliquent pas à la présente demande.

 

[38]     La demanderesse a présenté des déclarations de deux de ses employés, Kenneth Schooley et John Sims, ce dernier étant un inventeur dans la demande en l’espèce. Ces déclarations révèlent que les anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’interleukine-1 peuvent être, et ont été, préparés au moyen de techniques très semblables à celles décrites dans un exemple prophétique (exemple 7) fourni dans le mémoire descriptif.

 

[39]     La demanderesse a aussi déposé un affidavit de Kenneth Schooley, qui travaillait alors comme associé de recherche au laboratoire de production d’hybridomes d’Immunex. Dans cet affidavit, M. Schooley explique comment il fabriquait des anticorps monoclonaux dirigés contre l’IL-1R humain à l’aide de techniques classiques comparables à celles décrites dans l’exemple 7. Il compare aussi sa méthode avec les étapes proposées dans l’exemple 7. Cet affidavit notarié est accompagné de copies des pages pertinentes tirées des carnets de laboratoire de M. Schooley, qui précisent la date de début de l’application de sa méthode, soit le 16 novembre 1988 (c’est-à-dire huit jours avant le dépôt de la demande en l’espèce), date à laquelle les souris ont été immunisées au moyen de cellules exprimant des niveaux élevés d’IL-1R humains. En mars 1989, il semble qu’il disposait d’une lignée cellulaire d’hybridomes murins, appelée « HuIL-1RM1 », capable de produire des anticorps monoclonaux dirigés contre l’IL-1R humain.

 

 

Articles scientifiques publiés après le dépôt de la demande

 

[40]     La demanderesse et l’examinateur se sont reportés à plusieurs articles scientifiques qui ont été publiés après la date de dépôt de la demande et qui divulguent tous la préparation d’anticorps monoclonaux dirigés contre l’IL‑1R. Voici ces articles :

 

(i) Slack et al. « Independent Binding of Interleukin‑la and Interleukin‑18 to Type I

and Type I1 Interleukin‑1 Receptors », J. Biol. Chem. 268 (1993), p. 2513-2524;

(ii) Rogers et al. « Interleukin 1 participates in the development of anti‑Listeria

responses in normal and SCID mice », Proc. Natl. Acad. Sci USA 89 (1992), p. 1011‑1015;

(iii) McMahan et al. « A novel IL‑1 receptor, cloned from B cells by

mammalian expression, is expressed in many cell types », EMBO J. 10 (1991), p. 2821‑2832;                                               

(iv) Spriggs et al. « Induction of an Interleukin‑1 Receptor (IL‑1R) on Monocytic Cells », J. Biol. Chem. 265 (1990), p. 22499‑22505;

(v) Bomsztyk et al. « Evidence for different interleukin 1 receptors in murine B‑ and T‑cell lines », Proc. Natl. Acad. Sci USA 86 (1989), p. 8034‑8038;

(vi) Chizzonite et al. « Two high‑affinity interleukin 1 receptors represent separate

gene products », Proc. Natl. Acad. Sci. USA 86 (1989), p. 8029‑8033.

 


[41]     Les articles mentionnés dans les alinéas (i) à (v) ont été présentés en totalité ou en partie par la demanderesse, alors que l'article mentionné à l'alinéa (vi) est d'origine indépendante. Parmi les articles présentés par la demanderesse, les articles mentionnés aux alinéas (i), (iii) et (iv) font état d'un anticorps monoclonal anti-IL1R appelé « M1 » ou « huIL-1RM1 » pour semble-t-il renvoyer au même anticorps IL-1R anti-humain murin décrit par Schooley dans son affidavit. 

 

Analyse et conclusions

 

[42]     La question plus générale de savoir si les revendications visant les anticorps monoclonaux sont pleinement fondées nous amène à examiner plusieurs aspects interreliés : la question de savoir si ces anticorps sont réalisables; la question de savoir s'ils ont été décrits adéquatement; la question de savoir s'ils sont utiles.

 

Caractère réalisable

 

[43]     Dans notre examen de la question du caractère réalisable, nous constatons que l'examinateur et la demanderesse se sont reportés à l'arrêt Pasteur. Dans CSAHS, l'état de la technologie pour la production d'anticorps monoclonaux à la fin des années 1980 a été examiné à la lumière d'une preuve présentée par le professeur Goding : l'auteur d'une publication citée comme autorité dans Pasteur pour appuyer la conclusion selon laquelle la technologie de production des anticorps monoclonaux était imprévisible et exigeait des enseignements particuliers afin de permettre à la personne versée dans l'art de fabriquer des anticorps monoclonaux dirigés contre un polypeptide donné. Toutefois, compte tenu du témoignage contraire présenté par le professeur Goding, il a été conclu dans CSAHS qu'il n'était pas nécessaire de suivre Pasteur de façon rigide et de s'appuyer sur cette décision pour affirmer qu'une revendication relative à un anticorps monoclonal ne fournit pas les moyens nécessaires simplement parce que la demande n'établit pas de protocole détaillé ou parce que le mémoire descriptif ne fournit pas de preuve du caractère réalisable sous la forme de la préparation réelle d'un anticorps monoclonal. Ce qui est ressorti de CSAHS (au paragraphe 125) est une liste de facteurs qui peuvent être utiles pour déterminer si les revendications concernant des anticorps monoclonaux fournissent les moyens nécessaires de les produire :

 

(i) Existe‑t‑il une description du polypeptide et connaît‑on son immunogénicité réelle ou prévue? (Voir, par exemple, Goding, sous‑section 2.6.1, pages 28-29, pour une analyse des caractéristiques d’un antigène qui déterminent l’antigénicité.)

(ii) Est‑ce que la portée d’une revendication d’anticorps concernant le polypeptide est appropriée?

(iii) Quelle est la disponibilité et/ou la facilité de production du polypeptide?

(iv) Est‑ce qu’un anticorps monoclonal a vraiment été préparé?

(v) Est‑ce que des cas de succès ou d’échec ont été inscrits au dossier?

(vi) Existe-t-il au dossier des indications de nécessité d’une expérimentation excessive ou d’une adaptation indue des étapes de base connues de la préparation d’anticorps monoclonaux?

(vii) Existe-t-il au dossier des indications d’une non‑reproductibilité d’une méthode réelle ou proposée de préparation d’anticorps monoclonaux?

 

Portée du caractère réalisable


 

[44]     En l’espèce, parmi les facteurs indiqués ci-dessus, il est essentiel d’examiner la portée de la revendication en relation avec le polypeptide lui‑même.

 

[45]     En ce qui concerne le terme « IL-1R » tel qu’il est utilisé dans la revendication 29, par exemple, nous constatons que le mémoire descriptif le définit en gros comme [traduction] « les protéines capables de se lier aux molécules d’interleukine-1 (IL-1) » (voir la section « Définitions » à la page 9, lignes 14 à 18). Comme le terme « IL-1R » n’est pas qualifié dans la revendication 29, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il inclut tous les types de polypeptides IL-1R.

 

[46]     L’examen des articles scientifiques passés en revue par l’examinateur et la demanderesse pendant l’instruction a révélé qu’il existe deux types distincts de polypeptides IL-1R, soit les types I et II. Les IL-1R de type I sont présents principalement sur les lymphocytes T et les fibroblastes et ont un poids moléculaire d’environ 82 KDa sous leur forme originale, alors que les IL-1R de type II sont présents sur les lymphocytes B et T et ont un poids moléculaire d’environ 60 KDa sous leur forme originale. Bien que les types I et II puissent tous deux se lier aux molécules IL-1 et qu’ils appartiennent à la même superfamille, il est clair qu’ils sont différents sur le plan antigénique (voir l’explication ci-dessous).

 

[47]     Les deux types de récepteurs et leurs différences sont expliqués d’une manière générale dans l’introduction de l’article de McMahan et coll. (EMBO J. 10 : 2821-2832, 1991) :

[traduction]

Une espèce de récepteurs de masse moléculaire relative de 80 KDa (Mr 80 000), qui était considérée comme la forme prédominante sur les lymphocytes T et les fibroblastes, a été bien caractérisée, et des clones dADN ont été isolés. Toutefois, les récepteurs IL‑1 présents sur les cellules ou les lignées cellulaires représentatives des lymphocytes B, des monocytes, des neutrophiles, des cellules médullaires et des cellules dhépatome diffèrent en taille et/ou en antigénicité des récepteurs présents sur les lymphocytes T et les fibroblastes. Chez les lymphocytes B et les monocytes, ceci ne résulte manifestement pas dune modification post‑traductionnelle; le récepteur IL­-1 sur ces cellules est plutôt le produit dun gène différent. Nous signalons ici lisolement, à partir de lymphocytes B humains et murins, de clones dADNc codant un nouveau récepteur IL-1, ainsi que certaines caractéristiques des protéines réceptrices codées par ces clones. Nous proposons dappeler ce nouveau récepteur « récepteur IL‑1 de type II » pour le différencier du récepteur p80 ou de type I ayant déjà été cloné. [non souligné dans loriginal, citations omises]

 

[48]     La publication de McMahan et coll. (fournie par la demanderesse) semble être la première à fournir une description des récepteurs humains et murins recombinants de type II. De plus, McMahan et coll. relatent  (voir page 2821 dans la section « Results ») que le clonage d’un récepteur de type II a été facilité par plusieurs améliorations à la technique utilisée dans la demande en l’espèce pour cloner le récepteur murin de type I. Ces faits nous permettent de conclure que d’autres travaux inventifs ont été accomplis pour élaborer une technique pouvant servir à cloner des récepteurs de type II.

 

[49]     Nous observons également que le résumé de l’article de Bomsztyk et coll. (Proc. Natl. Acad. Sci USA 86: 8034-8038, 1989) mentionne qu’un anticorps monoclonal se liant à un récepteur de type I ne se lie pas à un récepteur de type II :

[traduction]


Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé une lignée de cellules lymphoïdes B (70Z/3) et une lignée de cellules lymphoïdes T (LE‑4 6.1 C10) pour examiner plus attentivement les différences entre les récepteurs IL‑1 des deux lignées. Nous montrons quun anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur IL-1 [type I] des cellules LE‑4 ne se lie pas au récepteur IL-1 [type II] des cellules 70Z/3. Ces données semblent indiquer quil y a des différences structurales dans les domaines extracellulaires des récepteurs IL‑1 des deux lignées cellulaires.                                            

. . .               

Enfin, une sonde contenant la région codante complète du récepteur IL-1 des lymphocytes T murins a été hybridée dans des conditions de stringence élevée avec lARNm des cellules LE-4, mais pas des cellules 70Z/3. Dans lensemble, les observations effectuées dans le cadre de cette étude semblent indiquer quil y a dimportantes différences structurales entre les récepteurs IL-1 des lymphocytes B et ceux des lymphocytes T. [non souligné dans loriginal]

 

[50]     Pour réaliser lobjet de la revendication 29 dans son ensemble, la personne versée dans lart devrait, de toute évidence, dabord isoler ou obtenir autrement un récepteur IL-1 de type II. Lobtention dun récepteur IL-1 de type II nest toutefois pas une tâche qui seffectue par des expériences courantes, selon les faits suivants :

 

(i) Le mémoire descriptif précise que des expériences en nombre considérable ont été réalisées pour obtenir un clone d’ADN codant un récepteur IL-1 murin de type I.

(ii) L’information obtenue sur la séquence du clone murin a servi par la suite à cloner un récepteur IL-1 humain de type I très semblable.

(iii) Le mémoire descriptif ne renferme aucune indication (par exemple l’identification et la caractérisation, à tout le moins partielle, des clones putatifs) selon laquelle l’information sur la séquence d’ADN tirée des clones IL-1 humains ou murins de type I a été utilisée, ou pourrait être utilisée, pour cloner des récepteurs de type II différents sur le plan antigénique.

(iv) Rien n’indique que des techniques de clonage autres que celles fondées sur la similarité des séquences d’ADN pourraient aussi être utilisées pour isoler le récepteur IL‑1 de type II. Il semble au contraire (voir Bomsztyk et coll. et McMahan et coll.) que les techniques fondées sur les similarités antigéniques entre les deux types de récepteurs auraient échoué.

(v) Il semble que la demanderesse s’est servie de travaux inventifs pour isoler et caractériser, par la suite, un récepteur de type II.

(vi) Les récepteurs IL-1 α et β étaient déjà connus avant le dépôt de la demande en l’espèce; l’état de la technique concernant les récepteurs était semble‑t‑il encore en évolution.

 


[51]     Tout cela nous amène à conclure que l’objet de la revendication 29 ne peut être utilisé en entier, car cette revendication englobe indûment des anticorps monoclonaux dirigés contre les récepteurs IL-1 de type II. La personne versée dans l’art n’aurait pas pu fabriquer des anticorps dirigés contre un récepteur de type II sans d’abord en isoler un en vue de l’utiliser comme substance immunogène. Il ne semble pas que l’utilisation en tant que substance immunogène d’un récepteur de type I, tel qu’il est divulgué dans le mémoire descriptif en l’espèce, permettrait de produire un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à un récepteur de type II. Enfin, nous ne sommes pas convaincues que l’état de la technique, même à l’heure actuelle, soit assez évolué dans son ensemble pour permettre à une personne versée dans l’art de surmonter les obstacles particuliers susmentionnés sans déployer des efforts inventifs.

 

[52]     En ce qui concerne les revendications 54 et 58 relatives aux anticorps monoclonaux, nous constatons que le même problème se pose, compte tenu qu’elles visent de manière plus générale, du moins en partie en raison des références à d’autres revendications, un polypeptide « IL-1R » non qualifié.

 

[53]     Nous ne sommes donc pas convaincues que l’exigence relative au caractère réalisable prévue au paragraphe 34(1) a été respectée en l’espèce.

 

Caractère réalisable : Autres considérations

 

[54]     Par la force des choses, la question qui se pose à la suite de l’examen d’autres revendications au dossier (voir « Correspondance après l’audience » plus loin) est de savoir si les revendications relatives aux anticorps monoclonaux seraient considérées comme ayant un caractère réalisable si elles avaient été, ou si elles étaient, dûment limitées par des références aux polypeptides récepteurs de l’IL-1 divulgués adéquatement, c’est-à-dire les polypeptides récepteurs de type I. À notre avis, la réponse à cette question est « oui ».

 

[55]     En l’espèce, la personne versée dans l’art qui consulte le mémoire descriptif comprendrait que les polypeptides IL-1R murins et humains de type I qui y sont décrits consistent en grosses molécules réceptrices de 82 KDa présentes à la surface des cellules. Elle comprendrait également que de telles molécules réceptrices seraient immunogènes. Il est évident que le mémoire descriptif donne aussi des renseignements sur le clonage moléculaire des polypeptides IL-1R de type I de mammifères et sur leur expression recombinante dans divers types de cellules, ce qui facilite grandement la préparation de substances immunogènes qui serviront plus tard à fabriquer des anticorps monoclonaux. En ce sens, nous admettons que la préparation et la disponibilité de tels antigènes ne constituent pas des éléments importants.

 


[56]     Il a été établi qu’il est possible de produire des anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’IL-1 de type I. Il convient de consulter, par exemple, les articles scientifiques (p. ex. Chizzonite et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA 86: 8029-8033, 1989) qui ont fait l’objet de discussions pendant l’instruction, de même que l’affidavit soumis par la demanderesse au nom de Kenneth Schooley. Bien que ces documents aient été publiés après la date de dépôt du mémoire descriptif en l’espèce, ils peuvent être considérés comme des indications que le mémoire descriptif permettait la réalisation des anticorps, et ce, même à la date de dépôt, car rien n’indique que le travail réalisé après le dépôt de la demande en l’espèce englobait des expériences indues ou nécessitait l’adaptation injustifiée de techniques généralement déjà familières à la personne versée dans l’art. Plus précisément, l’affidavit de Kenneth Schooley, dont les compétences sont comparables à celles de la personne versée dans l’art, révèle qu’une fois l’antigène disponible, la mise au point d’un anticorps monoclonal anti-récepteur de l’IL-1 de type I a immédiatement débuté, puis sa production est allée rondement. Si on compare les étapes décrites dans l’exemple 7 du mémoire descriptif en l’espèce à celles que M. Schooley a suivies, on observe une similitude frappante. De plus, rien n’indique que la réussite de M. Schooley était le fruit du hasard. En fait, il est clair que d’autres personnes, comme Chizzonite et al., ont été capables de produire de manière indépendante leurs propres anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’IL‑1 une fois qu’elles ont pu obtenir un antigène du récepteur de l’IL‑1 de type I. Les articles scientifiques indiquent tous que des chercheurs avaient réussi à maintes reprises à mettre au point des anticorps monoclonaux de divers types (souris, rat, hamster) présentant une immunoréactivité à différents polypeptides IL-1R de type I de mammifères.

 

[57]     Les préoccupations ci-dessous relatives à la nature du matériel antigénique utilisé ultérieurement par d’autres personnes sont décrites dans la décision finale :

[traduction]

 . . . les articles publiés par suite de la description par la demanderesse de technique de production danticorps monoclonaux (McMahan et coll., Bomsztyk et coll. et Rogers et coll.) comportent tous des détails qui ne figurent pas dans la description de la demande en lespèce : lutilisation dune lignée cellulaire exprimant lIL-1R ou dun domaine extracellulaire de lIL‑1R en tant que substance immunogène.

 

[58]     Nous ne sommes toutefois pas convaincus que l’omission prétendue de ces détails soit une préoccupation assez importante pour conclure que les revendications n’ont pas un caractère réalisable. En fait, il est évident que le mémoire descriptif décrit la construction, l’expression et la purification d’un domaine extracellulaire de l’IL-1R de type I (voir l’exemple 9). Le mémoire descriptif explique également l’utilisation de lignées cellulaires de mammifères exprimant l’IL-1R (voir l’exemple de la page 15, ligne 19, à la page 16, ligne 4). Enfin, nous constatons que l’exemple 7 prévoit expressément l’utilisation de cellules transfectées de mammifères exprimant le récepteur de l’interleukine-1 et le récepteur recombinant de l’interleukine-1 (qui, selon la page 9, lignes 18 à 20, comprend précisément les formes tronquées et solubles de l’IL-1R) comme matériel immunogène devant servir à produire des anticorps monoclonaux. Donc, même sans l’aide de l’affidavit de M. Schooley comme document à l’appui, nous sommes convaincues que la personne versée dans l’art aurait pu fabriquer des anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’IL-1 de type I en se basant uniquement sur le mémoire descriptif.

 

[59]     Par conséquent, si les revendications sont dûment limitées par des références aux polypeptides récepteurs de l’IL-1R de type I, elles peuvent être considérées comme ayant un caractère réalisable.

 

Description écrite

 

[60]     Lors de l’audience, la demanderesse a présenté les observations écrites suivantes :

[traduction]

La demanderesse croit que la seule question en litige en lespèce consiste à déterminer si, au moment du dépôt de la demande, létat de la technique concernant la préparation danticorps monoclonaux était assez avancé pour que la personne versée dans lart puisse produire des anticorps monoclonaux en sappuyant sur les renseignements fournis dans le mémoire descriptif sans devoir procéder à un nombre excessif dessais.       

 


[61]     Bien que nous admettions que le mémoire descriptif aurait permis à la personne versée dans l’art de produire des anticorps monoclonaux dirigés contre un polypeptide IL-1R mammalien de type I (même au moment du dépôt de la demande), la question à savoir si le mémoire descriptif fournit une « description précise » des anticorps monoclonaux revendiqués demeure. La notion de « description précise » d’un anticorps monoclonal, telle qu’elle est énoncée dans la décision finale, est tirée de la décision Pasteur. Dans les observations écrites présentées à l’audience, la demanderesse a contesté la nature d’une « description précise » :

[traduction]

Dabord, la demanderesse est en désaccord avec la commissaire lorsquelle conclut [dans la décision Pasteur] quune description selon laquelle les anticorps monoclonaux sont des agents neutralisant les antigènes ou se liant avec ceux-ci ne constitue pas une « description précise ». En effet, la demanderesse soutient que la liaison entre lanticorps et lantigène est la principale caractéristique de lanticorps monoclonal quil incombe dindiquer dans la description de ce type danticorps. [en gras et en italique dans loriginal]                               

 

Les anticorps sont des biomolécules complexes dont la structure tertiaire est généralement connue. Il nest pas nécessaire de connaître la structure chimique exacte de lanticorps, par exemple sa séquence dacides aminés, pour le produire, lutiliser ou le décrire correctement.   

 

Un anticorps monoclonal (ou tout autre type danticorps) est particulièrement utile parce quil se lie uniquement à un antigène spécifique. Il est courant et convenable de définir et de revendiquer un anticorps monoclonal par sa capacité à se lier à un antigène précis. [non souligné dans loriginal]

 

[62]                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Bien que la réactivité de liaison soit une caractéristique centrale des anticorps monoclonaux, il ne s’agit pas forcément, à notre avis, de la seule caractéristique ou considération pertinente. En fait, la demanderesse semble admettre qu’il est acceptable de définir et de revendiquer un anticorps monoclonal par une référence à un « antigène précis ».                                                                                                                        

 

[63]     Dans CSAHS, la Commission s’est penchée sur une revendication portant sur un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à un polypeptide caractérisé, en partie, par une séquence d’acides aminés partielle et a indiqué, au paragraphe 135, que certains facteurs pouvaient être pris en compte pour déterminer si le mémoire descriptif fournit une description écrite appropriée d’un anticorps monoclonal capable de se lier à un polypeptide :

 

(i) Y a-t-il plus qu’une simple description générale du polypeptide, notamment une description explicite d’épitopes précis sur le polypeptide?

(ii) Y a-t-il une description d’un paratope d’anticorps monoclonal?

(iii) Est‑ce que la portée d’une revendication relative à un anticorps concernant le polypeptide est appropriée?

(iv) La demanderesse avait-elle la possession matérielle d’un anticorps monoclonal?

(v) La demanderesse était‑elle en mesure de fournir un dépôt d’un hybridome produisant un anticorps monoclonal au moment du dépôt?        

 


[64]     Dans la mesure où l’orientation prise par d’autres cours peut être utile, nous observons encore une fois que dans d’autres cours, les revendications visant un anticorps monoclonal présentant une immunoréactivité à l’antigène précisé sont généralement admises, pourvu que l’antigène en question ait été caractérisé entièrement par la demanderesse et que, bien sûr, cet antigène et cet anticorps répondent aux autres exigences en matière de brevetabilité (voir HGS, T 0018/09, T 0604/04, précité). Dans l’arrêt Noelle (précité), on explique que la demanderesse peut revendiquer un anticorps monoclonal selon ses affinités de liaison à un « antigène précis entièrement caractérisé », pourvu que le mémoire descriptif définisse cet antigène par sa structure, sa formule, son nom chimique ou ses propriétés physiques ou pourvu qu’il ait déposé la protéine dans une banque publique. Même si la préparation physique des réalisations fonctionnelles n’est pas une exigence stricte dans d’autres pays, on peut tenir compte de facteurs autres que la fonction de liaison. La personne versée dans l’art reconnaîtrait aussi que les anticorps peuvent être décrits en fonction de leur avidité/affinité, leur capacité d’entrer en compétition avec d’autres anticorps, de même que leurs propriétés pharmacologiques, inhibitrices et neutralisantes.

 

Description écrite et portée des revendications 

 

[65]     Comme nous l’avons déjà indiqué, les revendications 29, 54 et 58 utilisent le terme « IL‑1R » sans qu’il ne soit qualifié et englobent les récepteurs de type II, ce qui met en question la portée des revendications 29, 54 et 58 relativement à la description écrite pour des motifs similaires à ceux soulevés dans l’arrêt Noelle, qui, sans être contraignants, sont informatifs. Dans l’arrêt Noelle, la Cour a conclu que les revendications (spécifiques ou génériques) relatives aux anticorps monoclonaux immunoréactifs à une forme humaine d’antigène de surface cellulaire posaient problème, nonobstant la divulgation d’un anticorps monoclonal immunoréactif à une forme murine de l’antigène, parce que le mémoire descriptif ne décrivait pas suffisamment ou ne caractérisait pas entièrement l’antigène humain et que nul ne peut définir un élément inconnu par son affinité de liaison à un autre élément inconnu. De même, en l’espèce, nous estimons que le mémoire descriptif ne définit ni ne caractérise de façon adéquate le polypeptide récepteur de type II et nous ne sommes pas d’avis que la caractérisation des récepteurs de type I se traduit par une caractérisation adéquate des anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité à un récepteur IL-1 de type II.

 

Description écrite : autres considérations

 

[66]     Pour les mêmes raisons que celles exposées au paragraphe 54, il faut se demander si les anticorps revendiqués seraient considérés comme étant bien décrits s’ils avaient été, ou s’ils pouvaient être, dûment limités par des références à des polypeptides récepteurs de type I. À notre avis, la réponse à cette question est « oui »

 

[67]     On peut faire une description structurale et précise d’un anticorps monoclonal au moyen de renseignements structuraux particuliers sur les régions de liaison à l’antigène, c’est-à-dire les régions déterminant la complémentarité (CDR). De même, il est possible de décrire la structure d’un épitope correspondant (bien que la tâche soit plus complexe lorsqu’il s’agit d’un épitope conformationnel tridimensionnel d’une protéine, comparativement au cas plus simple d’un épitope linéaire). Il n’est toutefois pas possible de déduire des données structurales de l’un les données structurales de l’autre. Il existe cependant une identité fonctionnelle spécifique et significative entre les deux (immunoréactivité spécifique), fait dont on tire parti au cours de la préparation manifestement routinière des anticorps monoclonaux. Lorsque l’antigène est petit, il peut arriver qu’il constitue l’épitope intégral. Lorsque l’antigène consiste en un gros polypeptide plus complexe, si l’on dispose d’un polypeptide pur isolé et qu’on connaît sa structure, on est en possession de tous les épitopes possibles, qu’ils soient conformationnels ou linéaires. Ainsi, la personne versée dans l’art comprendrait qu’une description adéquate des anticorps monoclonaux peut être fondée sur une description structurale de l’antigène, l’identité fonctionnelle entre l’anticorps et l’antigène, de même que la connaissance de techniques de fabrication prévisibles.

 


[68]     Comme les cours canadiennes souscrivent au principe de l’uniformité avec d’autres tribunaux de common law sur des principes juridiques plus généraux, dans les limites permises par la jurisprudence et les lois, et que la présente affaire porte sur des questions plus précises relatives à un type particulier de technologie, nous admettons le principe suivant établi dans d’autres cours : dans les cas où l’antigène est un nouveau polypeptide entièrement caractérisé, par exemple, par sa séquence d’acides aminés complète, une demanderesse innovatrice peut revendiquer un anticorps monoclonal immunoréactif au polypeptide sans l’avoir fabriqué ni déposé. Une telle revendication engloberait, en tant que sous-genre, des anticorps implicitement (ou explicitement, par exemple, dans la revendication 58) définis relativement à des techniques de fabrication d’anticorps monoclonaux bien connues, lesquelles permettent de produire de nombreuses espèces d’anticorps monoclonaux. Une telle revendication n’aurait pas forcément besoin d’être restreinte à une seule espèce d’anticorps monoclonal, car la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a ni point commun entre les structures particulières des régions de liaison (CDR) des anticorps monoclonaux, ni relation structurale prévisible entre ces régions et les épitopes ciblés.

 

[69]     Par contre, l’absence de possession physique d’un hybridome produisant un anticorps monoclonal ne peut pas nécessairement être admissible dans tous les cas. La préparation et la caractérisation peuvent s’avérer nécessaires, par exemple, lorsque le matériel antigénique est complexe (voir, par exemple, Alonso, précité) ou que l’antigène, bien qu’il soit complètement nouveau, s’avère, par suite de sa caractérisation complète, posséder des sous-structures ou des épitopes communs à un antigène connu, ce qui indique que les anticorps monoclonaux immunoréactifs au nouvel antigène pourraient être connus en soi, en raison de leur réactivité croisée avec l’antigène connu, ou évidents. De plus, les revendications énumérant des anticorps thérapeutiques ou diagnostiques, ou encore, des anticorps ayant des attributs spéciaux devraient être étayées par des données détaillées correspondantes.

 

[70]     En l’espèce, nous constatons que le mémoire descriptif donne une description très détaillée des nouveaux récepteurs IL-1 de type I. En effet, les récepteurs de deux espèces ont été caractérisés sur les plans suivants : séquence complète d’acides aminés, sites de maturation, sites de glycosylation, masse moléculaire, résidus cystéine conservés, domaines intracellulaire, extracellulaire et transmembranaire et fonction de liaison confirmée à l’interleukine. Les séquences d’ADN codant ces récepteurs ont aussi été fournies, ce qui permet de les produire en grand nombre au moyen d’une technique d’ADN recombinant.

 

[71]     Par conséquent, malgré l’absence d’un exemple pratique et en présupposant que les revendications puissent être restreintes aux récepteurs de l’IL-1 de type I, nous considérons que les anticorps monoclonaux généralement revendiqués comme présentant une immunoréactivité à de tels récepteurs sont bien décrits.

 

Utilité

 

[72]     Les revendications ont été refusées pour cause d’étayage insuffisant, conformément au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets, et parallèlement à cette objection, la décision finale fait état d’un manque de données pour étayer l’utilité des anticorps monoclonaux revendiqués :

 


lanticorps monoclonal visé par la revendication 29 navait pas été fabriqué, et ses propriétés, ses caractéristiques et son utilité ne peuvent être expliquées quen des termes généraux qui décrivent simplement ce que ferait le produit attendu, cest‑à‑dire se lier au polypeptide IL‑1R.

[...]

De plus, elle ne présente [...] aucune donnée pour confirmer si des anticorps monoclonaux utiles capables de se lier seulement à lIL‑1R ont été produits en quantité suffisante pour être utilisés dans le cadre danalyses ou à dautres fins.

 

[73]     Si des anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’IL-1 de type I sont réalisés sans expérimentation excessive, comme c’est le cas en l’espèce, il s’ensuit que ces anticorps monoclonaux ne seraient pas considérés comme des produits attendus et qu’ils seraient forcément capables de se lier à l’antigène immunisant, en raison de la nature de la technique de production. Dans ce contexte, la prédiction valable de leur utilité va de soi, puisque : leur réalisation est reconnue; aucun anticorps thérapeutique, aucun anticorps diagnostique particulier, aucune composition pharmaceutique ni aucun anticorps ayant des attributs plus spéciaux n’est revendiqué; et la personne versée dans l’art comprendrait qu’un anticorps monoclonal a, à tout le moins, une utilité (par exemple, dans le cadre d’essais ou de l’immunopurification des polypeptides récepteurs de l’IL-1). Par conséquent, en l’espèce, il est suffisant d’exprimer l’utilité des termes généraux.

 

[74]     De plus, l’arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd.(1981), 56 C.P.R. (2d) 145 (C.S.C.) nous informe que tant que l’utilité est évidente aux yeux de la personne versée dans l’art, il n’est pas nécessaire que la description ni les revendications mentionnent comme tel explicitement l’utilité d’un produit nouveau revendiqué. Contrairement à la situation dans HGS, nous ne traitons pas ici d’un polypeptide présumé dont la fonction et l’utilité ont été déterminées simplement par une analyse in silico. La demande en l’espèce porte plutôt sur des polypeptides récepteurs dont la fonction a été déterminée, puis confirmée, et nous constatons qu’aucun doute n’a été exprimé quant à l’utilité des polypeptides revendiqués.

 

Correspondance après laudience

 

[75]     Nous avons déterminé que les revendications concernant les anticorps monoclonaux, selon leur libellé actuel, visent en général des anticorps monoclonaux présentant une immunoréactivité aux récepteurs de l’IL-1 de type II. Comme nous avons déterminé que ces récepteurs n’avaient pas été réalisés ni décrits adéquatement dans le mémoire descriptif, nous jugeons que les revendications englobant des anticorps monoclonaux immunoréatifs aux récepteurs de l’IL­-1 de type II ont une portée trop large.

 


[76]     Comme les revendications 29, 54 et 58 sont considérées comme ayant une portée trop large, car elles visent des polypeptides IL-1R de type II qui n’ont jamais été décrits ni réalisés, la Commission a conclu que d’autres revendications pouvaient aussi présenter le même vice. Par exemple, la revendication 51, qui porte sur un « anticorps présentant une immunoréactivité à un polypeptide IL-1R », présente le même vice que celles portant sur les anticorps monoclonaux, car elle vise elle aussi un polypeptide IL-1R de type II. Dans ces conditions, la Commission a tenu à informer la demanderesse, avant de tirer des conclusions définitives, que d’autres revendications au dossier pourraient également présenter un vice. Pour éviter la délivrance d’un brevet dont d’autres revendications pourraient avoir une portée contestable, tout en offrant à la demanderesse la possibilité de régler les problèmes et en s’assurant que le processus se déroule avec célérité, il a été jugé opportun d’informer la demanderesse des problèmes et de lui donner la possibilité de les régler à l’étape de l’examen. En conséquence, la demanderesse a été informée des préoccupations de la Commission en regard des revendications visant les polypeptides dans une lettre datée du 25 novembre 2008.

 

[77]     La demanderesse a répondu à la lettre de la Commission le 24 août 2009. Elle proposait dans sa réponse d’apporter des changements à ses revendications, autant celles visant les polypeptides que celles portant sur les anticorps monoclonaux, afin de restreindre leur portée aux récepteurs IL-1 de types II en y intégrant des caractéristiques permettant de différencier les deux types d’IL-1R.

 

Conclusions

 

[78] En résumé, la Commission conclut que les revendications 29, 54 et 58 ont une portée trop large et ne sont pas conformes au paragraphe 174(2) des Règles ni au paragraphe 34(1) de la Loi, car elles englobent des anticorps monoclonaux immunoréactifs à des polypeptides (récepteurs de l’IL-1 de type II) qui n’ont jamais été décrits ni réalisés. Il appert toutefois qu’il est possible de modifier ces revendications (celles ayant été refusées et celles présentant le même vice) de manière à restreindre leur portée. Si de tels changements étaient apportés, nous pourrions considérer que le refus est annulé.

 

Recommandations

 

[79]     Conformément à l’alinéa 31c) des Règles des brevets, nous recommandons que la commissaire informe la demanderesse que les modifications proposées aux revendications 4, 6, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 21, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 33, 47, 49, 50 et 51 décrites dans la correspondance de la demanderesse datée du 24 août 2009 sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles. Ce faisant, les revendications 54 et 58 seraient aussi corrigées puisque ces revendications renvoient aux revendications trop vagues 11 à 13, 30, 33, 49 et 50 qui seraient elles-mêmes limitées de façon appropriée grâce aux modifications proposées.

 

[80]     De plus, nous recommandons que :

 

(i) la demanderesse soit invitée à effectuer seulement les modifications susmentionnées dans un délai de trois mois à compter de la date de la décision de la commissaire;

 

(ii)  la demanderesse soit informée que si les modifications susmentionnées, et ces seules modifications, ne sont pas effectuées dans le délai imparti, la commissaire entend refuser la demande;

 

(iii) la demanderesse soit informée que si les modifications susmentionnées, et ces seules modifications, sont effectuées dans le délai imparti, la commissaire entend considérer les questions en litige comme ayant été tranchées. 

 

 

 

 

Ed MacLaurin     Mark Couture            Paul Fitzner

Membre               Membre                      Membre    

 

 

Décision de la commissaire

 

[81]     Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d’appel des brevets.

 

[82]     Conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, j’informe la demanderesse par les présentes que les modifications proposées aux revendications 4, 6, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 21, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 33, 47, 49, 50 et 51 décrites dans la correspondance de la demanderesse datée du 24 août 2009 sont nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles.

 

[83]     J’invite la demanderesse à faire les modifications ci-dessus, et ces seules modifications, dans les trois mois suivant la présente décision, à défaut de quoi j’entends refuser la demande.

 

[84]     Si les modifications ci-dessus, et ces seules modifications, sont effectuées dans les trois mois suivant la date de la présente décision, je considérerai les questions en litige comme ayant été tranchées.

 

 

 

 

 

Mary Carman                               

 

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

le 4 juin 2010

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