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Décision de la commissaire # 1291

Commissioner's Decision # 1291

 

                                                                                                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                               

 

 

 

 

 

 

SUJET : A20

TOPIC : A20

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande n— : 2,023,636

Application No : 2,023,636

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

 

 

D.C. 1291, Demande n— 2,023,636

 

La présente demande concernant le prélèvement d’un échantillon buccal à l’aide d’une solution hypertonique comporte un objet qui chevauche celui du brevet canadien n— 2,076,754 dont la demanderesse est titulaire. Dans la décision finale, l’examinatrice a rejeté les 19 revendications au dossier au motif qu’elles concernent la même invention que les 31 revendications du brevet déjà délivré à la demanderesse. La Commission a recommandé que le rejet de certaines revendications soit confirmé et que le rejet d’autres revendications soit infirmé.

 

La commissaire aux brevets a souscrit à la recommandation de la Commission et la demande a été renvoyée à l’examinatrice pour qu’elle en poursuive l’instruction conformément à la recommandation formulée.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

La demande de brevet 2,023,636 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la décision finale de l’examinatrice a été révisée. La Commission d’appel des brevets et la commissaire aux brevets se sont penchées sur la décision de l’examinatrice de refuser la demande. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

Kirby Eades Gale Baker

Box 3432

Station D

OTTAWA (Ontario)

K1P 6N9


INTRODUCTION

 

(1)        La présente décision porte sur la demande de révision de la décision finale de l’examinatrice relativement à la demande de brevet no 2,023,636, déposée le 20 août 1990 pour une invention intitulée « Collecte dimmunoglobulines dans la cavité buccale pour faire des dosages immunologiques ». La demanderesse est Orasure Technologies Inc. et les inventeurs sont Andrew Goldstein et Stefan Gavojdea.  L’examinatrice, Isabelle Gagné, a rendu sa décision finale le 8 décembre 2003, rejetant toutes les revendications pour cause de double brevet.

 

(2)        La demande en cause chevaucherait le brevet canadien 2,076,754 intitulé « Prélèvement buccal pour dosage immunologique », déposé le 27 février 1991 et délivré le 25 juillet 2000. Le propriétaire est également Orasure Technologies Inc., et les inventeurs sont Andrew Goldstein, Stefan Gavojdea et David Zogg.

 

(3)        L’invention visée par la demande en instance concerne l’utilisation d’une solution hypertonique dans des méthodes de prélèvement d’immunoglobulines dans la salive en vue de la réalisation de dosages immunologiques.

 

CONTEXTE :

 

Historique de linstruction

(4)        La demande 2,023,636 a été déposée le 20 août 1990, a été soumise à l’inspection le 22 mars 1991, et un examen a été réclamé le 22 juillet 1997; la première décision de l’Office a été rendue le 23 juillet 2001. On a jugé au départ que les revendications au dossier (revendications 1 à 19) manquaient d’unité vu qu’elles se rapportaient à deux groupes distincts : le premier visant des méthodes de prélèvement d’immunoglobulines à l’aide d’un tampon; et le deuxième visant des méthodes de prélèvement d’immunoglobulines au moyen d’une solution de rinçage. Les revendications n’ont pas été modifiées substantiellement par la réponse de la demanderesse (23 janvier 2002) et la demanderesse a réfuté l’objection relative à l’unité. Dans le rapport subséquent de l’examinatrice, daté du 14 juin 2002, l’objection relative à l’unité a été retirée, car les revendications ont été jugées unifiées grâce à la présence d’une solution hypertonique. L’examinatrice s’est cependant opposée aux revendications 1 à 19 parce qu’elles chevauchaient les revendications admises 1‑4, 7, 10, 12, 17, 19‑25 et 27‑31 du brevet 2,076,754 de la demanderesse. L’examinatrice a maintenu l’objection de chevauchement dans un rapport additionnel, comparant cette fois les revendications 1 à 19 de la demande 2,023,636 avec les revendications 1 à 31 du brevet 2,076,754, avant de rendre une décision finale le 8 décembre 2003. Dans sa réponse, la demanderesse a nié le bien‑fondé de l’objection et n’a pas modifié les revendications.

 


(5)        L’examinatrice a rédigé un résumé des motifs et l’a envoyé à la Commission d’appel des brevets le 19 juillet 2005. Conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demanderesse s’est vu donner la possibilité de se faire entendre au cours d’une audience, le 17 décembre 2008, mais elle a rejeté cette proposition. La révision de la décision de refuser la demande a été instruite d’après les documents fournis au dossier. 

 

Motifs des refus (la position de lexaminatrice)

 

(6)        Bien que les revendications de la demande 2,023,636 n’aient pas soulevé d’objections formelles en vertu de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, les arguments présentés par l’examinatrice dans la décision finale avaient trait à la possibilité qu’il y ait double brevet si la demande 2,023,636 devait mener à la délivrance d’un brevet.

 

(7)        L’examinatrice s’est opposée aux revendications au dossier en raison du chevauchement avec l’objet des revendications du brevet canadien 2,076,754 de la demanderesse et a déclaré ce qui suit dans la décision finale :

 

[traduction]

[...] lobjet de la présente demande est entièrement revendiqué et divulgué dans le brevet canadien n 2,076,754.

 

(8)        Selon le raisonnement suivi dans l’avant-dernière décision et dans la décision finale, il ne peut avoir qu’un seul brevet par invention et l’examinatrice a cité Xerox of Canada Ltd. c. IBM Canada Ltd (1978), 33 C.P.R. (2d) 24, (Xerox), comme autorité pertinente en la matière. L’examinatrice a conclu ce qui suit dans la décision finale :

 

[traduction]

[...] à létape de la présentation dune demande de brevet, si deux demandes revendiquent un objet identique, une seule dentre elles peut conduire à la délivrance dun brevet.

 

(9)        En outre, l’examinatrice a soutenu que la demanderesse a choisi de conserver l’objet visé par le chevauchement dans la demande 2,076,754, étant donné que le brevet a été délivré le 25 juillet 2005 et déclare notamment ce qui suit :

 

[traduction]

[...] la présente demande ne peut conduire à la délivrance dun brevet en raison dun risque de double brevet, même si la présente demande porte une date de revendication antérieure. Le fait quaucune objection na été soulevée au cours de linstruction de la demande CA 2,076,754 ne change pas le fait que le double brevet nest pas acceptable et quil ne peut y avoir quun seul brevet par invention. La demanderesse a déjà obtenu une protection pour lobjet revendiqué, le brevet CA2,076,754 prenant fin le 27 février 2011.

 

 


(10)      Dans sa décision finale, l’examinatrice s’est opposée aux revendications 1 à 19 de la demande 2,023,636 au motif qu’elles chevauchaient les revendications 1 à 31 de la demande 2,076,754 de la demanderesse, l’objet des deux séries de revendications concernant des méthodes de prélèvement d’immunoglobulines dans la cavité buccale d’un patient pour des dosages immunologiques. L’examinatrice a décidé que la visée de l’invention, dans les deux cas, était l’utilisation de la solution hypertonique et a déclaré notamment ce qui suit :

 

[traduction] [...]la façon dont la solution hypertonique est utilisée, c.‑à‑d. dans un tampon ou sous forme de rince‑bouche, ne modifie pas la visée de linvention, qui est lutilisation de la solution hypertonique.

 

 

 

Position de la demanderesse

 

(11)      En réponse à la décision finale, la demanderesse a opposé trois moyens de défense : le Bureau des brevets a commis une erreur dans l’instruction des deux demandes de brevet qui se chevauchent et il aurait dû soulever la question du chevauchement au moment où les deux demandes étaient en coinstance; le brevet 2,023,636 expire le 20 août 2010 et il n’y a pas eu de prolongation de la durée des droits qui y sont attachés; et la question du double brevet ne se posait pas étant donné que les revendications n’étaient ni identiques ni voisines. 

 

(12)      Dans sa réponse datée du 7 juin 2004, la demanderesse a exposé l’historique de l’instruction des demandes 2,076,754 et 2,023,636, déclarant notamment ce qui suit :

 

[traduction]

À lévidence, ces deux demandes étaient en coinstance au Bureau canadien des brevets, elles ont été mises à la disposition du public pour consultation bien avant lexamen de chacune dentre elles et lexamen des deux demandes a été demandé à quelques mois dintervalle. Pour chaque demande, lexaminatrice a déclaré dans son rapport dexamen quune recherche dantériorité na révélé aucune référence pertinente.

 

(13)      De plus, la demanderesse s’est opposée au postulat de l’examinatrice selon lequel la demanderesse a choisi de poursuivre l’objet de la demande 2,076,754 malgré la demande 2,023,636, étant donné qu’aucune objection n’avait été soulevée contre la demande 2,076,754 et qu’on ne lui a pas demandé de faire disparaître le chevauchement. Dans sa réponse datée du 7 juin 2004, la demanderesse a déclaré notamment ce qui suit :

 

[traduction]


[...] Il est évident que, dans chacun des cas, lexaminatrice ne sest pas acquittée de son obligation au moment de lexamen des deux demandes de rechercher et de soulever adéquatement toute objection pertinente. Si lexaminatrice avait estimé quil y avait chevauchement des deux demandes au moment où les demandes étaient en instance, cette question aurait dû être soulevée à ce moment précis. La demanderesse ne devrait pas à présent être tenue de supprimer un objet valide de lune des demandes parce que lexaminatrice a estimé quun brevet déjà délivré de la même demanderesse vise le même objet. La présente demande en instance a une date antérieure de priorité et elle a donc une date antérieure de revendication. La demanderesse a manifestement droit au bénéfice de cette date antérieure et ne peut être désavantagée en étant tenue de renoncer à un objet dans cette demande en raison des erreurs que lexaminatrice a commises lors de son examen.

 

(14)      La demanderesse a également soutenu que la demande antérieure déposée (2,023,636) devait expirer le 20 août 2010, et que l’acceptation de la demande de brevet ne saurait prolonger le monopole de la demande même si l’examinatrice [traduction] « estime vraiment qu’il s’agit d’une question de double brevet ». La demanderesse a mentionné les énoncés formulés par le juge Collier dans Xerox, au paragraphe 98, pour résumer l’état du droit canadien en ce qui concerne la question du double brevet et celle de la prolongation du monopole d’exploitation. La demanderesse a conclu ce qui suit :

 

[traduction]

La thèse énoncée dans Xerox c. IBM selon laquelle les revendications doivent être identiques ou voisines pour conclure à lexistence dun cas de double brevet a été confirmée dans des affaires ultérieures. Dans larrêt Beecham Canada Ltd. et al. c. Proctor & Gamble Co., 61 C.P.R. (2d) 1, la Cour dappel fédérale a confirmé la position selon laquelle lobjet du brevet antérieur doit être identique ou voisin. Si ce nest pas le cas, linvention est distincte.

Dans larrêt Camco Inc. et al. c. Whirlpool Corp. et al., 9 C.P.R. 4th 129, la Cour suprême du Canada adopte la même position.

 

(15)      Enfin, la demanderesse a soutenu que [traduction] « les revendications de la présente demande ne sont pas identiques ou essentiellement identiques aux revendications du brevet canadien n— 2,076,754 » et par conséquent la demande [traduction] « doit être considérée comme admissible » [à la délivrance d’un brevet].

 

APERÇU DE LA JURISPRUDENCE PERTINENTE

 

(16)      Compte tenu du brevet délivré 2,076,754 de la demanderesse et du fait qu’un seul brevet peut être délivré par invention, la délivrance d’un brevet pour la demande 2,023,636 de la demanderesse rend possible le double brevet. L’interdiction du double brevet est une création jurisprudentielle dont la justification se trouve dans les dispositions de la Loi sur les brevets antérieures à 1989 qui traitent de la question du renouvellement à perpétuité et de celle de la prolongation de la durée du brevet dans les cas où les mêmes parties, comme l’auteur de l’invention ou la demanderesse, sont visées. Malgré les dispositions de la Loi sur les brevets antérieures à 1989 aux termes desquelles la protection du brevet court à compter de la date du dépôt de la demande plutôt que de la date de la délivrance, l’interdiction du double brevet est maintenue : GlaxoSmithKline Inc. c. Apotex Inc., 2003 CFPI 687, 27 C.P.R. (4th) 114, au paragraphes 89 à 91 (GSK).

 


(17)      L’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool) est souvent cité comme l’arrêt de principe en ce qui concerne cette interdiction. La Cour suprême du Canada y souligne que le test en matière de double brevet comporte deux volets, chacun d’eux pouvant s’appliquer pour décider si une deuxième série de revendications définit une invention distincte. Le premier volet, appelé le « double brevet relatif à la même invention », s’applique dans les cas où il y a identité des revendications (Xerox; Beecham Canada Ltd. c. Procter & Gamble Co., (1982) 61 C.P.R. (2d) 1, à la page 22).

 

(18)      Le deuxième volet, énoncé dans Whirlpool au paragraphe 66, est appelé « le double brevet relatif à une évidence » et il a une portée plus large :

 

Linterdiction comporte toutefois un deuxième volet qui est parfois appelé le double brevet relatif à une « évidence ».  Il sagit dun critère plus souple et moins littéral qui interdit la délivrance dun deuxième brevet dont les revendications ne visent pas un « élément brevetable distinct » de celui visé par les revendications du brevet antérieur.

 

(19)      Bien qu’il existe des restrictions concernant la matière à considérer, le double brevet relatif à une évidence s’analyse sur le plan théorique de la même manière que la question de l’évidence suivant l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, à savoir du point de vue de la personne versée dans l’art : Bayer AG c. Novopharm Ltd., 2006 CF 379, 48 C.P.R. (4th) 46, aux paragraphes 40 à 63 (Bayer); Aventis Pharma Inc. c. Pharmascience Inc., 2005 CF 340, 38 C.P.R. (4th) 441, conf. par 2006 CAF 229, 53 C.P.R. (4th) 453, au paragraphe 63 (Aventis). L’analyse est restreinte en ce sens qu’il s’agit d’une comparaison des revendications des deux brevets (Whirlpool, au paragraphe 63). Le test peut tenir compte des connaissances générales courantes, mais non des éléments d’antériorité.

 

(20)      Dans Bayer et dans Aventis, c’est le test consacré en matière d’évidence énoncé dans l’arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 294 (C.A.F.) (Beloit), qui a été appliqué. Récemment, la démarche pour évaluer l’évidence a été mise à jour par l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, 69 C.P.R. (4th) 251 (Sanofi), où la Cour s’est éloignée du test strict énoncé dans Beloit et a établi une démarche à quatre volets. Cette démarche constitue la norme actuelle pour évaluer le caractère évident et  également celle qui peut être appliquée dans l’analyse théorique du double brevet relatif à une évidence.

 


(21)      Une autre question à se poser en matière d’évidence est de savoir si différentes revendications définissent différentes inventions ou si elles constituent simplement des aspects différents de la même invention : Commissioner of Patents c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] S.C.R. 49 (Hoechst); Libbey‑Owens‑Ford Glass Company c. Ford Motor Company of Canada, Ltd., [1970] R.C.S. 833, et Ciba‑Geigy AG c. Commissaire des brevets, 65 C.P.R. (2d) 73). Différentes catégories d’inventions n’indiquent pas nécessairement l’existence d’idées originales distinctes; le génie inventif doit toujours pouvoir justifier un deuxième brevet (voir GSK, au paragraphe 89). Toutefois, des revendications dont la portée chevauche ostensiblement des revendications d’un autre brevet peuvent en fait constituer des éléments brevetables distincts. Par exemple, les revendications définissant le sous-genre ou l’espèce ne sont pas considérées comme évidentes par rapport aux revendications définissant un genre plus général dans un brevet distinct lorsque les conditions d’une sélection valide sont remplies (Sanofi, au paragraphe 113; Aventis, aux paragraphes 46 et 64).

 

(22)      La jurisprudence qui précède énonce les exigences applicables à la délivrance d’un deuxième brevet dans le cas d’une demande liée à un brevet connexe et d’une demande en coinstance déposée par la même demanderesse. Il ressort clairement de la jurisprudence que, pour que les revendications de la demande 2,023,636 soient considérées comme visant une deuxième invention, leur objet ne doit pas être voisin ou évident par rapport aux revendications de la demande 2,076,754.

 

CHEVAUCHEMENT ET PRATIQUES DU BUREAU DES BREVETS 

 

(23)      L’examen des demandes de brevet se poursuit conformément au paragraphe 35(1) de la Loi sur les brevets après le dépôt d’une requête d’examen en la forme réglementaire et sur paiement de la taxe réglementaire. La procédure à suivre par les examinateurs en ce qui a trait à l’instruction de la matière chevauchante dans la revendication est établie dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), chapitre 15, Exigences en matière de brevetabilité (version mars 1998), paragraphe 15.06.01.

 

(24)      Bien que l’examinatrice ait renvoyé au RPBB au cours de l’instruction de la demande 2,023,626, les décisions du Bureau ne renvoient à aucun chapitre particulier. Le chapitre pertinent semblerait toutefois être le chapitre 15 qui traite de la matière chevauchante. En ce qui concerne le chevauchement, la demanderesse soutient que le Bureau a commis une erreur dans l’instruction des deux demandes et qu’il aurait dû soulever cette question lorsque les deux demandes étaient en coinstance au Bureau. De plus, la demanderesse a soutenu que l’on aurait dû lui laisser le choix de la demande dans laquelle poursuivre la matière chevauchante et qu’elle ne devrait pas être désavantagée en devant renoncer à une matière en raison des erreurs commises par le Bureau. Néanmoins, bien que la question du chevauchement n’ait pas été soulevée lorsque les deux demandes étaient en coinstance au Bureau, la demanderesse a choisi d’accélérer l’examen de la demande 2,076,754, en demandant, le 2 octobre 1998, une ordonnance spéciale. Le choix de l’instruction accélérée de la demande 2,076,754 pouvait donc être perçu comme une option de la demanderesse étant donné qu’elle a mené, le 25 juillet 2000, à la délivrance du brevet pour la demande 2,076,754 avant qu’une première décision soit rendue à l’égard de la demande 2,023,636, le 23 juillet 2001. La demanderesse a eu la même possibilité de demander un examen accéléré de la demande 2,023,636, mais a choisi de ne pas s’en prévaloir.

 


(25)      Toutefois, malgré le fait que la question du chevauchement n’a pas été opposée à la demande 2,076,754 lorsque les deux demandes étaient en coinstance, aucune disposition de la Loi sur les brevets ou des Règles sur les brevets n’empêche de soulever une telle objection si l’examinateur a « des motifs raisonnables » de croire qu’il existe un chevauchement entre la demande toujours en instance et le brevet délivré. En outre, conformément au paragraphe 30(1) des Règles sur les brevets, lorsque l’examinateur a « des motifs raisonnables » de croire que la demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, le commissaire avise le demandeur que sa demande a été jugée acceptable. Puisque la demande 2,076,754 était apparemment conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, elle a été donc acceptée.

 

(26)      Malgré l’absence de la prolongation du monopole, étant donné que la durée de la demande 2,023,636 expire le 20 août 2010, le « péché » de double brevet existe encore puisqu’il faut deux inventions pour justifier deux brevets (GSK, précité). La question de savoir si la demanderesse a effectivement décidé de poursuivre la matière chevauchante dans la demande 2,076,754 est sans objet puisque, suivant la jurisprudence, un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention.

 

 

 

 

EXAMEN DES REVENDICATIONS

 

(27)      Pour déterminer si la délivrance d’un brevet pour la demande 2,023,636 introduit la possibilité de double brevet, les revendications de la demande 2,023,636 doivent être comparées avec les revendications du brevet 2,076,754 de la demanderesse qui leur ressemblent le plus sans égard au type de revendication. À cet égard, les revendications relatives aux trousses et celles relatives aux tampons sont regroupées, étant donné que tout raisonnement concernant les tampons s’applique également aux trousses qui les contiennent. Cette analyse par paire a été approuvée dans l’arrêt Whirlpool, précité, s’agissant de la question du double brevet. Pour comprendre le texte des revendications, il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications du point de vue d’un technicien versé dans l’art pour déterminer la nature de l’invention revendiquée.  Les revendications de la demande 2,023,636 et du brevet 2,076,754 ont trait aux méthodes de prélèvement et aux échantillons prélevés dans la cavité buccale d’un patient, à l’aide d’une solution hypertonique et d’un tampon servant au prélèvement des échantillons; elles sont regroupées dans le tableau suivant, où sont comparés les points pertinents des revendications :

 

 

 

 

 

 

Forme

 

Demande

2,023,636

 

Brevet

2,076,754

 

Groupe A

 

Revendications relatives

aux méthodes

 

1 à 9 et 15 à 19

 

1 à 23

 

 

 

Revendications comparées :

Procédés

 

1 et 15

 

1, 2 et 6 à 8

 

Groupe B

 

Revendications relatives

au produit

 

10 à 14

 

24 à 31

 

 

 

Revendications comparées :

Tampons et trousses

 

10 et 14

 

24 à 26

 

(28)      Comme il est indiqué dans le tableau ci‑dessus, seul un sous‑ensemble des revendications relatives à la méthode du groupe A et des revendications relatives au produit du groupe B sont utilisés dans la comparaison par paire des revendications de la demande 2,023,636 et du brevet 2,076,754. L’objet des revendications dépendantes 2‑5, 9, 11‑12 et 16‑19 de la demande 2,023,636 consiste à définir des caractéristiques additionnelles du sel, de l’agent de conservation, de l’agent bloquant et d’un stimulant de la salivation pour la solution hypertonique; l’objet des revendications 6‑8 et 13 définit des caractéristiques additionnelles du tampon et des conditions d’entreposage et de conservation du tampon après usage. Ces caractéristiques sont également définies dans le brevet 2,076,754, dans les revendications dépendantes 9‑11, 20‑22, 27 et 29‑31, et dans les revendications 3, 4, 12‑19, 23 et 28, respectivement. Comme ces caractéristiques sont communes à la demande 2,023,636 et au brevet 2,076,754, elles sont considérées comme des éléments non inventifs; par conséquent, les revendications contenant ces éléments sont exclues de la comparaison des revendications. Même si un sous‑ensemble seulement des revendications dans le groupe A et le groupe B est comparé dans l’analyse par paire, tout raisonnement visant ces revendications s’appliquerait également à toutes les revendications qui en dépendent.

 

 

A. Selon le premier volet du critère du test en matière de double brevet, les revendications de la demande 2,023,636 sont-elles identiques à celles de la demande 2,075,754 ou voisines?        

 

(29)      Dans la décision finale, l’examinatrice soutient que l’objet de la demande 2,023,636 a été entièrement revendiqué et divulgué dans la demande 2,076,754 et elle rejette toutes les revendications de la demande 2,023,636 en raison du chevauchement avec l’objet des revendications du brevet délivré 2,076,754, citant la décision Xerox comme jurisprudence pertinente. Cette objection de l’examinatrice correspond au premier volet du test en matière de double brevet énoncé dans l’arrêt Whirlpool, précité, appelé « double brevet relatif à la même invention » et qui s’applique dans des cas où les revendications sont identiques ou voisines.

 

i) Revendications du groupe A

(30)      Les revendications 1 et 15 de la demande 2,023,636 utilisées dans la comparaison des revendications relatives aux méthodes sont énoncées comme suit :

 

[traduction]

1.  Une méthode de prélèvement dimmunoglobulines pour des dosages immunologiques qui comprend les étapes suivantes :

(a) trempage dun tampon dans une solution hypertonique, dont la concentration est efficace pour assurer la  récupération dune forte concentration dimmunoglobulines,

(b) assèchement du tampon,


(c) insertion du tampon séché dans la cavité buccale pour prélever des immunoglobulines à lintérieur de cette cavité, et

(e) élution des immunoglobulines prélevées à partir du tampon pour une analyse par dosage immunologique.

 

15. Une méthode de prélèvement dimmunoglobulines pour des dosages immunologiques qui comprend les étapes suivantes :

(a) rinçage de la cavité buccale dun patient à laide dune solution hypertonique pharmaceutiquement acceptable, dont la concentration est efficace pour assurer la récupération dune forte concentration dimmunoglobulines,

(b) prélèvement dun échantillon de la solution hypertonique après rinçage pour une analyse par dosage immunologique.

 

(31)      Les revendications 1, 2 et 6 du brevet 2,076,754 utilisées dans la comparaison des revendications relatives à la méthode sont reproduites ci‑dessous. La revendication 5, dont dépend la revendication 6, indique que l’analyte dans les revendications 1 ou 2 a un poids moléculaire qui se situe entre 176 D et 950 000 D.

 

[traduction]

1.  Une méthode de prélèvement dun analyte dans la cavité buccale pour des tests, cette méthode comprenant les étapes suivantes :

(a) application sur la muqueuse de la cavité buccale dun tampon absorbant imprégné dun sel, qui absorbe un liquide oral de la cavité buccale, formant ainsi une solution hypertonique dans le tampon ou à côté, ce  qui favorise labsorption de lanalyte dans le tampon;

(b) retrait du tampon de la cavité buccale;

(c) conservation facultative du tampon pour des tests subséquents.

 

2.  Une méthode de dosage immunologique, qui comprend les étapes suivantes :

(a) obtention dun échantillon de liquide oral à tester :

(i) application sur la muqueuse buccale dun tampon imprégné dun sel, qui absorbe le liquide oral de la cavité buccale, formant ainsi une solution hypertonique dans le tampon ou à côté, ce qui favorise labsorption dun analyte présent dans le liquide oral;

(ii) retrait du tampon de la cavité buccale;

(b) réalisation dau moins un dosage immunologique à partir de léchantillon pour révéler la présence ou labsence dau moins un analyte immunologiquement actif;

(c) analyse des résultats des tests pour vérifier la présence, labsence ou la quantité de lanalyte.

 


6.  La méthode présentée à la revendication 5, où il est dit que lanalyte est choisi parmi le groupe formé de la cotinine, du glucose, de la théophylline, de la cocaïne, de la bêta‑2‑microglobuline, de lanticorps contre le virus de lhépatite A, de lanticorps contre le virus de lhépatite B, de lantigène de surface du virus de lhépatite B, de la gonadotrophine chorionique humaine bêta et dune immunoglobuline.

 

(32)      Pour faciliter l’analyse des revendications du groupe A, nous présentons dans le tableau ci‑dessous la terminologie utilisée dans les revendications pertinentes 1 et 5 de la demande 2,023,636 et dans les revendications 1, 2 et 6 du brevet 2,076,754, le symbole ✓ indiquant la présence d’un élément particulier et le symbole ✗ indiquant son absence, l’abréviation Ig désignant l’immunoglobuline :

 

 

 

Groupe A

 

2,023,636

Revendi-cation 1

 

2,023,636

Revendi-cation 15

 

2,076,754

Revendi-cation 1

 

2,076,754

Revendi-cation 2

 

2,076,754

**Revendi-cation 6

 

Préambule (objet)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

prélèvement dIg

 

 

 

 

 

 

prélèvement dun analyte

 

 

 

 

 

 

dosages  immunologiques avec un analyte

 

 

 

 

 

 

 

Analyte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

non précisé

 

 

 

 

 

 

Ig

 

 

 

 

 

 

Type de tampon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Humide ou sec

 

 

 

 

 

 

Sec

 

 

 

 

 

 

Solution hypertonique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

concentration efficace

 

 

 

 

 

 

imprégné dun sel

 

 

 

 

 

 

 

Groupe A (suite)

 

2,023,636

Revendi-cation 1

 

2,023,636

Revendi-cation 15

 

2,076,754

Revendi-cation 1

 

2,076,754

Revendi-cation 2

 

2,076,754

**Revendi-cation 6

 

Étapes de la méthode

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

trempage et assèchement du tampon

 

 

 

 

 

 

rinçage avec la solution

 

 

 

 

 

 

solution hypertonique à côté du tampon

 

 

 

 

 

 

élution

 

 

 

 

 

 

entreposage

 

 

 

facultatif

 

 

*facultatif/

 

test et analyse

 

plus tard

 

plus tard

 

plus tard

 

 

*maintenant ou plus tard

 


* Il y a une différence quant à la présence de cet élément lorsque la revendication 6 dépend de la revendication 1 ou de la revendication 2, respectivement.

** Les revendications 7 et 8 ne sont pas incluses dans le tableau, mais elles définissent plus précisément lespèce et la sous‑espèce de limmunoglobuline mentionnée dans la revendication 6.

 

(33)      La revendication 1 de la demande 2,023,636 concerne une méthode de prélèvement d’immunoglobulines dans la cavité buccale pour des dosages immunologiques, cette méthode consistant d’abord à tremper un tampon dans une solution hypertonique de « concentration efficace », à assécher le tampon, puis à effectuer un prélèvement buccal. Pour sa part, la revendication 15 utilise directement une « concentration efficace » de solution hypertonique comme solution de rinçage pour prélever des immunoglobulines dans la cavité buccale. Les revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 ont trait à une méthode de prélèvement d’un analyte dans la cavité buccale et à une méthode de dosage immunologique, respectivement, les deux méthodes consistant à appliquer sur la muqueuse buccale un tampon absorbant imprégné d’un sel, qui absorbe un liquide oral, formant une solution hypertonique dans le tampon ou à côté. La revendication 6 dépend des revendications 1 et 2 et définit plus précisément l’analyte comme étant une immunoglobuline.

 

(34)      Tout d’abord, vu que la revendication 15 parle d’une solution de rinçage hypertonique plutôt que d’un tampon contenant une solution hypertonique, la méthode est nettement différente des méthodes présentées aux revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 et la revendication ne peut donc être considérée comme identique à l’une ou l’autre des revendications du brevet 2,076,754 ou voisine. Deuxièmement, la revendication 1 de la demande 2,023,636 précise que la méthode sert au prélèvement d’immunoglobulines; le tampon est d’abord trempé puis séché avant le prélèvement de l’échantillon, puis les immunoglobulines sont éluées après le prélèvement. Pour leur part, les revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 utilisent une terminologie plus générale, définissant les méthodes comme servant au prélèvement d’un analyte et ne précisent pas l’état du tampon absorbant imprégné d’un sel, ni les étapes de la préparation du tampon. Lorsqu’on spécifie que l’analyte est une immunoglobuline dans la revendication dépendante 6, aucune précision supplémentaire n’est donnée au sujet de l’état du tampon absorbant imprégné du sel. En outre, dans le brevet 2,076,754, la revendication 1 inclut une étape facultative d’entreposage et la revendication 2 comprend des étapes additionnelles de test et d’analyse de l’échantillon.

 

ii) Revendications du groupe B

(35)      Les revendications 10 et 14 de la demande 2,023,636 utilisées dans la comparaison des revendications relatives au produit se lisent comme suit :

 

[traduction]

10. Un tampon pour le prélèvement dimmunoglobulines dans la cavité buccale constitué dun matériau absorbant et des sels dune solution hypertonique, les sels de cette solution étant présents dans le tampon en une concentration efficace qui permet de récupérer une forte concentration dimmunoglobulines.

 


14. Une trousse de dosage immunologique pour le prélèvement et lentreposage de substances en provenance de la cavité buccale, qui comprend un tampon traité par une solution hypertonique; un porte‑tampon; un contenant pour entreposer le tampon; un dispositif pour retirer le tampon; et une solution de conservation pour lentreposage.

 

(36)      Les revendications 24 à 26 du brevet 2,076,754 utilisées dans la comparaison des revendications relatives au produit se lisent comme suit :

 

[traduction]

24. Un tampon servant au prélèvement de substances dans la cavité buccale pour des tests, qui est fait dun matériau absorbant imprégné dun sel en quantité suffisante pour former une solution hypertonique dans le tampon ou à côté lorsque le tampon absorbe le liquide oral de la cavité buccale.

 

25. Le tampon de la revendication 24, qui est imprégné dudit sel par :

(a) trempage du tampon dans une solution hypertonique;

(b) assèchement du tampon.

 

26. Le tampon de la revendication 24, qui est imprégné dudit sel par :

(a) pulvérisation au moyen dune solution salée hypertonique;

(b) assèchement du tampon.

 

(37)      Pour faciliter l’analyse des revendications du groupe B, la terminologie utilisée dans les revendications pertinentes 10 et 14 de la demande 2,023,636 et les revendications 24 à 26 du brevet 2,076,754 est présentée dans le tableau ci‑dessous, le symbole ✓ indiquant la présence d’un élément particulier, le symbole ✗ indiquant son absence, et Ig désignant une immunoglobuline :

 

 

 

Groupe B

 

2,023,636

Revendi-cation 10

 

2,023,636

Revendi-cation 14

 

2,076,754

Revendi-cation 24

 

2,076,754

Revendi-cation 25

 

2,076,754

Revendi-cation 26

 

Produit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

tampon pour prélèvement dIg dans la cavité buccale

 

 

 

 

 

 

trousse pour le prélèvement et lentreposage; y compris tampon

 

 

 

 

 

 

tampon pour le prélèvement de substances

 

 

 

 

 

 

Analyte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Analyte (substance)

 

 

 

 

 

 

Ig

 

 

 

 

 

 

Type de tampon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tampon humide ou sec

 

 

 

 

 

 

Tampon sec

 

 

 

 

 

 

 

Groupe B (suite)

 

2,023,636

Revendi-cation 10

 

2,023,636

Revendi-cation 14

 

2,076,754

Revendi-cation 24

 

2,076,754

Revendi-cation 25

 

2,076,754

Revendi-cation 26

 

Solution hypertonique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sels de

 

 

 

 

 

 

traité par

 

 

 

 

 

 

imprégné dun sel

 

 

 

 

 

 

concentration efficace

 

 

 

 

 

 

quantité suffisante

 

 

 

 

 

 

(38)      Le tampon de prélèvement dans la revendication 10 de la demande 2,023,636 est décrit comme un tampon pour le prélèvement d’immunoglobulines dans la cavité buccale, qui contient une « concentration efficace » des sels d’une solution hypertonique, alors que le tampon de prélèvement de la revendication 24 du brevet 2,076,754 est décrit comme un tampon, imprégné d’un sel en quantité suffisante pour former une solution hypertonique dans le tampon ou à côté et servant au prélèvement de substances dans la cavité buccale. Lorsqu’on précise que le tampon de prélèvement est un tampon sec dans les revendications dépendantes 25‑26, l’analyte demeure non défini. Enfin, la revendication 14 de la demande 2,023,636 décrit une trousse de dosage immunologique pour le prélèvement et l’entreposage d’une substance, trousse qui est formée d’un tampon traité au moyen d’une solution hypertonique, alors que le brevet 2,076,754 ne revendique pas une trousse de dosage immunologique proprement dite.

 

(39)      En somme, puisque le texte des revendications du brevet 2,076,754 est plus large que celui des revendications de la demande 2,023,636, les revendications appartenant au groupe A (méthodes) et au groupe B (produits) ne peuvent être considérées comme identiques ou voisines ou se rapportant à la « même invention ». À cet égard, la Commission souscrit à la position de la demanderesse. Toutefois, le double brevet n’exige pas l’existence de textes identiques. Lorsque le texte des revendications est similaire quoique non identique, celles-ci doivent viser un élément brevetable distinct pour justifier la délivrance d’un nouveau brevet. Il s’agit du deuxième volet du critère du double brevet dont parle l’arrêt Whirlpool, précité.

 

B. Selon le deuxième volet du critère du double brevet, les revendications de la demande 2,023,636 sont-elles distinctes au plan de la  brevetabilité de celles du brevet 2,076,754?

 


(40)     Dans la décision finale, l’examinatrice n’a pas expressément examiné le deuxième volet, le « double brevet relatif à une évidence », et la demanderesse na donc pas apporté une réponse à cet égard.  Lexaminatrice mentionne toutefois que la « visée de linvention » des deux demandes est lutilisation de la solution hypertonique pour le prélèvement déchantillons et établit une équivalence entre lutilisation du tampon et de la solution de rinçage.

 

(41)     Habituellement, la demande qui revendique lobjet le plus général précède celle qui revendique lobjet restreint ou particulier. Toutefois, en lespèce, la demande 2,023,636 qui revendique lobjet restreint a été déposée le 20 août 1990,  avant le dépôt de la demande 2,076,754, le 27 février 1991, qui revendiquait lobjet général. Bien que ce soient les revendications qui définissent et limitent létendue de la protection accordée au breveté, dans la décision Pallmann Maschinenfabrik GmbH Co. KG c. CAE Machinery Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 26, 98 F.T.R. 125, il est énoncé, au paragraphe 82, ce qui suit :

 

[les revendications] doivent être lues à la lumière du mémoire descriptif de sorte que des termes apparemment généraux utilisés dans une revendication doivent être limités lorsque le mémoire descriptif, lu de façon raisonnable, indique manifestement quil est impossible de leur donner une interprétation large.

[...]

le fait que certaines revendications soient de portée restreinte ne lautorise [la Cour] pas nécessairement à accorder une protection large à des revendications rédigées en termes plus généraux pour cette seule raison.

 

(42)     Par conséquent, le texte étroit des revendications de la demande 2,023,636 ne peut être interprété comme portant sur un objet général. Toutefois, lélargissement des revendications relatives à la méthode et au produit de la demande 2,023,636 au prélèvement dun analyte, dans le brevet 2,076,754, peut être considéré comme une manifestation desprit inventif si cet élargissement découle dune analyse inattendue et non évidente, dont la nature est clairement indiquée dans le mémoire descriptif du brevet 2,076,754.

 

(43)     Il convient de signaler que le brevet 2,076,754 comprend un inventeur supplémentaire, David Zogg, en plus des inventeurs mentionnés dans la demande 2,023,636. Bien que la présence dun inventeur supplémentaire ne confirme pas particulièrement une contribution conceptuelle, elle mérite un examen factuel, vu que cet inventeur supplémentaire peut avoir fourni une conception originale au groupe : Aventis, précité. De plus, en ce qui concerne les disciplines scientifiques, dans la décision Bayer Ag c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58, au paragraphe 79, il est mentionné que [traduction] « le technicien versé dans lart peut être un groupe de scientifiques, de chercheurs et de techniciens qui apportent chacun leur propre expertise à lexamen du problème en cause ».

 


(44)     De plus, la demande 2,023,636 et le brevet 2,076,754 revendiquent tous les deux la priorité fondée sur la demande américaine 486,415 déposée le 28 février 1990 et partagent le même objet. Lobjet se rapportant à lusage dune solution hypertonique pour prélever des substances dans la cavité buccale, notamment les analytes énumérés dans le tableau à la page 6 et présentés dans les exemples 3‑12, est propre à la demande 2,076,754 et est appuyé par la demande prioritaire américaine 641,739 déposée le 15 janvier 1991, soit après la date de dépôt de la demande 2,023,636, le 20 août 1990.

 

(45)     Toutefois, puisque le brevet a été délivré le 25 juillet 2000 pour la demande 2,076,754 déposée ultérieurement et qui comprenait les revendications à portée générale, les revendications de la demande 2,023,636 ne peuvent justifier la délivrance dun deuxième brevet que si elles sont considérées comme non évidentes par rapport aux revendications du brevet 2,076,754.

 

i) Revendications du groupe A

(46)     Une solution hypertonique est définie dans la demande 2,023,636 et le brevet 2,076,754 comme [traduction] « une solution salée dont la force ionique dépasse celle que lon retrouve dans le sang », et lutilisation de cette solution hypertonique facilite la production dimmunoglobulines à lintérieur de la cavité buccale pour le prélèvement déchantillons (pages 5‑7). On ne sait pas si la solution hypertonique facilite la production dautres composantes de la salive car rien dautre nest indiqué dans la description du brevet 2,076,754, si ce nest la mention que dautres substances que les immunoglobulines ont pu être obtenues et quil ny a aucune limite quant à la taille des molécules qui peuvent être prélevées (pages 4‑6).

 

(47)     Dans la demande 2,023,636, la demanderesse a tenté disoler suffisamment dimmunoglobulines de la salive pour la réalisation de dosages immunologiques. À la date de dépôt, les échantillons oraux prélevés par des méthodes connues contenaient habituellement de 0,01 à 0,1 % des immunoglobulines présentes dans le sérum sanguin; cest la raison pour laquelle on na pas beaucoup travaillé à la mise au point de tests à partir déchantillons de salive. Au cours de ses recherches, la demanderesse a découvert que lutilisation dune solution de rinçage hypertonique ou dun tampon séché contenant les sels dune solution hypertonique permettait dextraire une plus grande quantité dimmunoglobulines de la salive que ce à quoi on pourrait sattendre, soit 8 à 16 fois plus que ce quon obtient à laide deau distillée.

 

(48)     Limportance de la solution hypertonique dans les méthodes de prélèvement dimmunoglobulines a été reconnue à nouveau par la demanderesse dans sa réponse du 23 janvier 2002, où elle décrit le [traduction] « filon inventif commun » qui unifie les revendications, indiquant que « la méthode est appliquée avec laide dune solution hypertonique » et qu« il y a deux façons dy arriver et ces façons sont décrites dans les revendications 1 et 15 ». Tenant compte de cette réponse, lexaminatrice a conclu que la visée de linvention, dans les deux cas (demande 2,023,636 et brevet 2,076,754), était lutilisation de la solution hypertonique pour le prélèvement déchantillons, et elle a établi une équivalence entre les méthodes, le tampon et la trousse de la demande 2,023,636 et les méthodes et tampons du brevet 2,076,754 de la demanderesse.

 


(49)     La première étape pour le prélèvement dun échantillon, dont fait mention la demanderesse, consiste à placer une solution de rinçage hypertonique dans la cavité buccale et à rincer vigoureusement. La solution de rinçage hypertonique a été utilisée avec succès pour obtenir des titres dimmunoglobulines totales et des titres danticorps anti‑VIH (immunoglobulines) dans la salive et constitue lobjet de la revendication 15.

 

[traduction]

15. Une méthode de prélèvement dimmunoglobulines pour des dosages immunologiques qui comprend les étapes suivantes :

(a)  rinçage de la cavité buccale dun patient à laide dune solution hypertonique pharmaceutiquement acceptable, dont la concentration est efficace pour assurer la récupération dune forte concentration dimmunoglobulines,

(b)  prélèvement dun échantillon de la solution hypertonique après rinçage pour une analyse par dosage immunologique.

 

(50)     La description de la demande 2,023,636 définit une solution privilégiée pour le rinçage de la cavité buccale, qui comprend du chlorure de sodium, ce qui est représentatif de la solution de rinçage hypertonique utilisée dans les exemples 1 à 4. La solution de rinçage est similaire à la solution hypertonique utilisée dans la préparation des tampons, mais la solution utilisée pour préparer les tampons peut également contenir un agent bloquant pour empêcher les liaisons non spécifiques au tampon; les tampons sont par la suite asséchés, retenant ainsi les sels de la solution hypertonique. Dans lexemple 4, on compare les titres dimmunoglobulines de prélèvements à laide dun tampon ou dun rince‑bouche avec ceux de prélèvements sanguins. En outre, lexemple 4 de la demande 2,023,636 est identique à lexemple 1 du brevet 2,076,754, mais le rince‑bouche nest pas précisé dans le brevet 2,076,754, si ce nest que par un renvoi au brevet américain 5,022,409 (demande américaine 410,401, déposée le 21 septembre 1989; qui sert de document de priorité pour la demande 2,023,636 en instance) dans le préambule de lexemple.

 


(51)     Même si lexaminatrice a jugé que la visée de linvention des deux demandes était lutilisation dune solution hypertonique pour le prélèvement dun échantillon dans la cavité buccale, le moyen utilisé dans chacune des méthodes respectives est différent. Cest ce qui ressort de la description de la demande 2,023,636, qui précise [traduction] « deux façons de prélever un échantillon », la première étant la solution de rinçage hypertonique et la deuxième un tampon contenant les sels de la solution hypertonique. Bien que chaque méthode ait recours à une solution hypertonique pour faciliter la récupération des immunoglobulines dans la salive, on voit quil existe deux moyens indépendants de prélever léchantillon : la solution de rinçage hypertonique qui sécoule librement et est utilisée dans la méthode décrite dans la revendication 15 de la demande 2,023,636, et le tampon imprégné dun sel, qui absorbe le liquide oral dans la cavité buccale, formant ainsi une solution hypertonique dans le tampon ou à côté, dont il est question dans les revendications 1, 2 et 6 du brevet 2,076,754. Ainsi, chaque moyen utilisé dans une méthode de prélèvement dun échantillon buccal demande de lingénuité et est considéré comme un concept inventif distinct. Par conséquent, la méthode exposée dans la revendication 15 et, par extension, les revendications 16 à 19, de la demande 2,023,636 qui fait appel à une solution de rinçage hypertonique servant à prélever des immunoglobulines pour des dosages immunologiques constituent un élément brevetable distinct par rapport aux méthodes indiquées dans les revendications 1, 2 et 6 du brevet 2,076,754 de la demanderesse.

 

(52)     La deuxième façon de prélever les échantillons, dont fait mention la demanderesse, fait appel à un tampon contenant les sels de la solution hypertonique pour absorber la salive et les sécrétions muqueuses de la cavité buccale et a été utilisée avec succès pour obtenir des titres dimmunoglobulines totales et des titres danticorps anti‑VIH (immunoglobulines) dans la salive; cest elle qui fait lobjet de la revendication 1.

 

[traduction]

1.  Une méthode de prélèvement dimmunoglobulines pour des dosages immunologiques qui comprend les étapes suivantes :

(a)  trempage dun tampon dans une solution hypertonique, dont la concentration est efficace pour assurer la récupération dune forte concentration dimmunoglobulines,

(b)  assèchement du tampon,

(c)  insertion du tampon séché dans la cavité buccale pour prélever des immunoglobulines à lintérieur de cette cavité, et

(e)  élution des immunoglobulines prélevées à partir du tampon pour une analyse par dosage immunologique.

 

(53)     Pour préparer le tampon utilisé dans ces méthodes, on applique la solution hypertonique sur le tampon en trempant le tampon dans la solution hypertonique de manière que les sels de la solution puissent être absorbés sur et dans le tampon, puis on retire le tampon de la solution et on le laisse sécher (page 8). Ces étapes de la préparation du tampon sont incluses dans la méthode de prélèvement décrite à la revendication 1 et seraient donc considérées comme des étapes essentielles de la méthode. Par conséquent, la méthode de prélèvement dimmunoglobulines de la revendication 1 peut uniquement utiliser une seule forme de tampon de prélèvement, la forme sèche.

 

(54)     Dans le brevet 2,076,754, la terminologie des revendications diffère légèrement de celle de la demande 2,023,636. Les revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 décrivent une méthode plus générale de prélèvement dun analyte dans la cavité buccale, la seule condition applicable au tampon utilisé dans les méthodes est le fait dêtre imprégné dun sel, ce qui permet au tampon dabsorber un liquide oral provenant de la cavité buccale et de former ainsi une solution hypertonique dans le tampon ou à côté.

 


(55)     Premièrement, afin de définir le terme « analyte », on devrait consulter la description qui en est faite dans le brevet 2,076,754. Le tableau à la page 6 énumère un certain nombre danalytes qui ont été prélevés et dont le poids moléculaire varie entre 176 daltons  (cotinine) et environ 950 000 daltons (IgM).On retrouve sur cette liste des immunoglobulines dont le poids moléculaire se situe entre 150 000 et 950 000 D, ce qui comprend les anticorps généraux (IgG, IgA et IgM) et les anticorps spécifiques (contre le VIH‑1, lhépatite A, lhépatite B, la rubéole, la syphilis et les anticorps non tréponémiques). Bien que le terme « analyte » englobe un vaste éventail de substances, seules les substances qui ont été citées en exemples dans les exemples 2 à 12 sont spécifiquement revendiquées, notamment dans les revendications concernant des espèces et des sous‑espèces dimmunoglobulines. La revendication 6 du brevet 2,076,754 est reproduite ci‑dessous. La revendication 5, dont dépend la revendication 6, mentionne que lanalyte des revendications 1 ou 2 a un poids moléculaire variant entre 176 D et 950 000 D.

 

[traduction]

6. La méthode présentée à la revendication 5, où il est dit que lanalyte est choisi parmi le groupe formé de la cotinine, du glucose, de la théophylline, de la cocaïne, de la bêta‑2‑microglobuline, de lanticorps contre le virus de lhépatite A, de lanticorps contre le virus de lhépatite B, de lantigène de surface du virus de lhépatite B, de la gonadotrophine chorionique humaine bêta et dune immunoglobuline. [Non souligné dans loriginal]

 

(56)     Même si le brevet 2,076,754 revendique en outre des espèces et sous‑espèces dimmunoglobulines spécifiques dans les revendications dépendantes 7 et 8, linterprétation assez large de ce quon entend par immunoglobuline est la même dans la demande 2,023,636 et le brevet 2,076,754. Ainsi, lorsquune immunoglobuline est choisie comme analyte dans la revendication 6, tant la revendication 1 de la demande 2,023,636 que la revendication 6 du brevet 2,076,754 définissent des méthodes pour prélever des immunoglobulines.

 

(57)     Comme nous lavons mentionné ci‑dessus, le tampon utilisé dans les méthodes décrites dans les revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 est imprégné dun sel et absorbe un liquide oral dans la cavité buccale; une solution hypertonique est ainsi formée dans le tampon ou à côté. Selon la description du brevet 2,076,754, les tampons sont imprégnés de la solution hypertonique par nimporte quel moyen connu. Par exemple, la solution hypertonique pourrait être appliquée sur le tampon en trempant le tampon dans la solution hypertonique, de manière que les sels de la solution puissent être absorbés dans et sur le tampon, puis on retire le tampon de la solution et on le laisse sécher (page 8). Même si lexemple 2 du brevet 2,076,754 est identique à lexemple 5 de la demande 2,023,636 et, partant, utilise la forme sèche du tampon pour le prélèvement déchantillons, on ne précise pas quelle méthode a été utilisée pour préparer les échantillons employés dans les exemples 3 à 12 qui suivent. Ces exemples indiquent simplement que le tampon [traduction] « imprégné de la solution hypertonique » « a été préparé en utilisant la solution privilégiée de préparation du tampon de la présente invention », qui est la même solution de préparation du tampon que celle utilisée dans la préparation des tampons secs de la demande 2,023,636. La mention « nimporte quel moyen connu » et linclusion dun exemple lorsquon décrit la préparation du tampon absorbant et le fait quon exclue les étapes précisant le mode de préparation du tampon dans les revendications relatives à la méthode 1 et 2 semblent indiquer que létat du tampon lui‑même importe peu. La solution hypertonique des revendications 1 et 2 du brevet 2,076,754 et, par extension, de la revendication 6 du brevet 2,076,754 peut donc être utilisée avec les tampons tant humides que secs.

 


(58)     Comme nous lavons déjà indiqué, lobjet de linvention, qui consiste à utiliser une solution hypertonique pour prélever des substances dans la cavité buccale, notamment les analytes énumérés au tableau de la page 6 et cités dans les exemples 3 à 12, est propre au brevet 2,076,754. À la lumière de la demande précédente de la demanderesse, 2,023,636, on naurait pas pu prédire la découverte subséquente apparente de la demanderesse, dans le brevet 2,076,754, à savoir que la forme du tampon renfermant les sels dune solution hypertonique avait peu dincidence sur son utilisation et que lemploi de la solution hypertonique pour le prélèvement déchantillons dans la cavité buccale avait une plus grande utilité que le prélèvement dimmunoglobulines dans la salive. Ainsi, lusage dune forme humide ou sèche du tampon dans une méthode de prélèvement dun analyte dans la cavité buccale est considéré comme un concept inventif, distinct et plus large.

 

(59)     Toutefois, la revendication dépendante 6 du brevet 2,076,754 précise une méthode de prélèvement dimmunoglobulines dans la cavité buccale qui comporte lutilisation dune forme sèche ou humide du tampon. Vu que le tampon utilisé dans la méthode présentée à la revendication 6 peut avoir lune ou lautre forme, on peut dire que la revendication 6 englobe les méthodes de prélèvement dimmunoglobulines à laide dun tampon sec. En conséquence, la revendication 1 et, par extension, les revendications 2 à 9 de la demande 2,023,636 ne constituent pas des éléments brevetables distincts par rapport à la revendication 6 du brevet 2,076,754 de la demanderesse.

 

ii) Revendications du groupe B

(60)     Examinons maintenant les tampons de prélèvement eux‑mêmes du groupe B. Le tampon est décrit dans la revendication 10 de la demande 2,023,636 et fait également partie de la trousse de dosage immunologique dont il est question à la revendication 14. Ces tampons sont comparés aux tampons du brevet 2,076,754, décrits dans la recommandation 24. Par souci de clarté, nous reproduisons ci‑dessous les revendications 10, 14 de la demande 2,023,636 et la revendication 24 du brevet 2,076,754 :

 

[traduction]

636

10. Un tampon pour le prélèvement dimmunoglobulines dans la cavité buccale constitué dun matériau absorbant et des sels dune solution hypertonique, les sels de cette solution étant présents dans le tampon en une concentration efficace qui permet de récupérer une forte concentration dimmunoglobulines.

 

14. Une trousse de dosage immunologique pour le prélèvement et lentreposage de substances en provenance de la cavité buccale, qui comprend un tampon traité au moyen dune solution hypertonique; un porte‑tampon; un contenant pour entreposer le tampon; un dispositif pour retirer le tampon; et une solution de conservation pour lentreposage.

 

754


24. Un tampon servant au prélèvement de substances dans la cavité buccale pour des tests, qui est fait dun matériau absorbant imprégné dun sel en quantité suffisante pour former une solution hypertonique dans le tampon ou à côté lorsque le tampon absorbe le liquide oral de la cavité buccale.

 

(61)     Même si une demande de brevet comprenant des revendications dont la portée et la forme diffèrent peut divulguer plus dun concept inventif, la forme des revendications elles‑mêmes peut ne pas permettre détablir un concept inventif (Merck & Co. c. Apotex Inc. (2006) [53 C.P.R. (4th) 323); une ingénuité inventive demeure requise pour appuyer un deuxième brevet (GSK). Dans la revendication 14 de la demande 2,023,636, on énumère simplement les éléments de la trousse, qui comprend un tampon traité au moyen dune solution hypertonique et un contenant pour lentreposage. Suivant le raisonnement de Hoechst, qui considère que les composés et les compositions sont liés au même concept inventif, la trousse dans la revendication 14 ne fait que fournir une forme du tampon vendue dans le commerce. Le fait de combiner un tampon de prélèvement dans une trousse avec dautres éléments non inventifs ne produit pas une invention distincte par rapport au tampon lui‑même. À cet égard, aux fins de la comparaison des revendications, la revendication 14 est considérée comme équivalente à la revendication 10, qui revendique le tampon lui‑même.

 

(62)     Lorsquon compare les tampons du groupe B, on constate que dans la revendication 10 de la demande 2,023,636 et la revendication 24 du brevet 2,076,754, les tampons sont construits dun matériau absorbant et des sels dune solution hypertonique dans une concentration efficace ou en quantité suffisante pour permettre de récupérer des éléments de la salive et ils peuvent, dans les deux cas, servir au prélèvement danalytes. En outre, comme il en a été question pour le groupe A, la demande 2,023,636 ne fait état que dun tampon contenant les sels dune solution hypertonique utilisables pour le prélèvement dimmunoglobulines dans la cavité buccale quon prépare en le trempant et en le séchant, ce qui est identique au mode de réalisation privilégié des tampons dans le brevet 2,076,754. Bien quon ne laffirme pas explicitement dans les revendications 10 et 14 de la demande 2,023,636, le tampon servant au prélèvement dimmunoglobulines dans la cavité buccale décrit dans les revendications 10 et 14 se présenterait, dans lesprit dune personne versée dans lart et daprès la divulgation et les méthodes présentées à la revendication 1, sous la forme dun tampon sec.

 

 


(63)     Durant linstruction du brevet 2,076,754, la revendication 24 a été modifiée dans la réponse de la demanderesse datée du 3 février 2000 de façon à préciser que le sel dans le tampon était présent en « quantité suffisante » pour être capable de former « une solution hypertonique ». La demanderesse a soutenu que lexpression ci‑dessus était plus exacte vu que le sel dans le tampon était sous forme solide et elle a décrit la méthode de production du tampon comme limprégnation du tampon avec une solution salée et son assèchement subséquent conformément à ce qui est divulgué à la page 8, lignes 22 à 33 de la description. Bien que ces déclarations de la part de la demanderesse semblent indiquer que le tampon de prélèvement de la revendication 24 est la forme sèche du tampon, comme cétait le cas dans les méthodes du groupe A, le tampon de la revendication 24 est préparé au moyen de nimporte lequel des moyens connus. Un des modes de réalisation privilégiés consiste à préparer le tampon en le trempant et en le séchant, ce qui donne les tampons des revendications 10 et 14 de la demande 2,023,636. La revendication 24 présente donc une alternative, une forme humide ou sèche, alors que la revendication 25 définit de façon spécifique le tampon de la réalisation privilégiée. Les revendications 25 et 26 se lisent comme suit :

        [traduction]

25. Le tampon de la revendication 24, qui est imprégné dudit sel après :

(a) trempage du tampon dans une solution hypertonique;

(b) assèchement du tampon.

 

26. Le tampon de la revendication 24, qui est imprégné dudit sel par :

(a) pulvérisation au moyen dune solution salée hypertonique;

(b) assèchement du tampon.

 

(64)      Peu importe les étapes requises pour préparer le tampon sec, les tampons des revendications 25 et 26 sont équivalents aux tampons des revendications 10 et 14 de la demande 2,023,636. Vu que les deux formes, sèche et humide, du tampon entrent dans le champ de la revendication 24, les tampons des revendications 10 et 14 sont également équivalents aux tampons de la revendication 24. En conséquence, les revendications 10 et 14 et, par extension, les revendications 11 à 13 de la demande 2,023,636 ne constituent pas un élément brevetable distinct par rapport aux revendications 24 à 26 du brevet 2,076,754.

 

 

 

RÉSUMÉ

 

(65)      Bref, selon le premier volet du test en matière de double brevet, les revendications 1 à 14 ne sont pas voisines des revendications du brevet 2,076,654. Selon le deuxième volet de ce test, les revendications 1 à 14 de la demande 2,023,636 sont évidentes compte tenu des revendications du brevet 2,076,754 et la décision finale de rejeter les revendications 1 à 14 devrait être confirmée. Selon le premier et le deuxième volets du test, les revendications 15 à 19 de la demande 2,023,636 ne sont ni évidentes par rapport aux revendications du brevet 2,076,754 ni voisines puisquelles visent une deuxième idée originale. La décision finale de rejeter les revendications 15 à 19 devrait donc être infirmée.

 

 

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

 

(66)      Par conséquent, la Commission recommande que la commissaire :

 

1) informe la demanderesse que la décision de lexaminatrice de refuser les revendications 15 à 19 a été infirmée;


2) informe la demanderesse que, conformément à lalinéa 31c) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes, et seulement ces modifications, de la demande sont nécessaires pour que cette dernière soit conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets :

a) suppression des revendications 1 à 14;

b) renumérotation des revendications 15 à 19 en tant que revendications 1 à 5, respectivement, et renumérotation des revendications dépendantes, sil y a lieu.

 

 

 

Nicole Harris                                         Ryan Jaecques                         Ed MacLaurin

Membre                                                 Membre                                   Membre

 


 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

                                                                              

(67)      Je souscris aux conclusions et aux recommandations formulées par la Commission dappel des brevets. En conséquence, jinvite la demanderesse à apporter uniquement les modifications susmentionnées, et seulement ces modifications, dans les trois mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi, jentends refuser la demande.

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec)

Ce         jour de           2009

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