Décision du Commissaire #1290
Commissioner’s Decision #1290
SUJET : J00, J70, O00
TOPIC: J00, J70, O00
Demande no : 2,246,933
Application No: 2,246,933
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE
D.C. 1290 Demande 2,246,933
Objet brevetable, évidence
L’examinatrice a rejeté la demande au motif que le procédé et le système permettant d’effectuer une commande ont un caractère évident. En outre, l’examinatrice a estimé que l’objet de la demande vise un objet non brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
La commissaire aux brevets a refusé la demande parce que l’invention revendiquée n’était pas brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 2,246,933, ayant été rejetée par l’examinatrice conformément au paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, a fait l’objet d’une révision. La Commission d’appel des brevets et la commissaire aux brevets se sont penchées sur la décision de l’examinatrice de refuser la demande. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire :
Agent du demandeur
OYEN WIGGS GREEN & MUTALA LLP
480-601, rue Cordova Ouest
VANCOUVER (Colombie-Britannique)
V6B 1G1
Table des matières
INTRODUCTION............................................................................................................................ 1
QUESTIONS DE PROCÉDURE.................................................................................................. 1
CONTEXTE.................................................................................................................................... 2
Revendications.................................................................................................................... 4
QUESTIONS EN LITIGE.............................................................................................................. 8
RÉFÉRENCES APPLIQUÉES..................................................................................................... 8
Dates de publication........................................................................................................... 9
ÉVIDENCE..................................................................................................................................... 9
Thèse de l’examinatrice.................................................................................................... 9
La réponse du demandeur............................................................................................... 12
Principes juridiques - Évidence........................................................................................ 15
La question............................................................................................................ 15
Problème et solution............................................................................................. 17
Le technicien versé dans son art et le problème à régler................................. 18
L’état des connaissances à la date de la revendication - Extraits choisis du livre de Mme Yeşil 19
Aperçu général...................................................................................................... 19
Suivi en fonction de la session et en fonction de l’abonnement...................... 21
Recueillir des renseignements sur les clients..................................................... 22
Technologie propre aux témoins......................................................................... 23
Renseignements sur l’état du suivi dans le livre de Mme Yeşil....................... 25
Analyse - Article 28.3..................................................................................................... 26
Aperçu : Comparaison du chapitre 4 du livre de Mme Yeşil et de la présente demande 27
Caractéristiques distinctives invoquées par le demandeur................................. 28
Informations sur le compte : stocker et extraire les codes d’utilisateur (témoins) 29
Passer une commande d’une simple opération (ou commander en un seul clic) 32
Autres avantages.................................................................................................. 34
Conclusions: Article28.3.............................................................................................. 36
La démarche établie dans l’arrêt Sanofi....................................................................... 36
Caractéristiques auxiliaires................................................................................... 39
OBJET VISÉ PAR LA LOI : ARTICLE 2.................................................................................. 41
Thèse de l’examinatrice.................................................................................................. 41
La réponse du demandeur.............................................................................................. 42
Précisions données au cours de l’audience.................................................................. 44
Nature du rejet..................................................................................................... 44
Points de vue du demandeur concernant l’objet visé par la loi....................... 46
Ce qui a été ajouté à la connaissance humaine................................................ 46
Principes juridiques - Objet brevetable........................................................................... 47
Définition du terme « invention »....................................................................... 47
Approche utilisée pour évaluer l’objet................................................................ 47
Tenir compte à la fois de la forme et de la substance des revendications 47
Forme des revendications............................................................ 47
Substance des revendications (la découverte).......................... 48
L’objet doit entrer dans la définition de l’une des catégories d’invention 48
Changement de nature ou d’état............................................... 48
Objet exclu (non prévu par la loi).......................................................... 48
Objet non technologique, donc non prévu par la loi.............................. 48
Fondement de l’approche adoptée.................................................................... 49
Forme de la revendication (la revendication à sa face même)............ 49
Substance de la revendication (la découverte)...................................... 49
L’objet doit correspondre à la définition d’une catégorie..................... 51
Il doit y avoir un objet matériel ou un changement de nature ou d’état d’un objet physique 51
Objet exclu: Les pratiques commerciales ne sont pas brevetables..... 53
Un objet qui n’est pas technologique est un objet non brevetable..... 57
Chevauchement entre l’objet exclu et l’objet non technologique 61
Analyse : article 2............................................................................................................. 61
Approche visant à évaluer l’objet....................................................................... 61
Substance des revendications................................................................. 63
Y a-t-il eu changement de nature ou d’état (critère énoncé dans l’arrêt Lawson) 64
La substance des revendications consiste-t-elle en une méthode pour faire des affaires? 65
La substance des revendications est-elle de nature technologique?.... 66
Conclusions - Article 2.................................................................................................... 69
RECOMMANDATION................................................................................................................. 70
INTRODUCTION
[ 1 ] La présente décision porte sur la révision, par la commissaire aux brevets, de la décision finale de l’examinatrice concernant la demande de brevet no 2,246,933, déposée le 11 septembre 1998 et intitulée « PROCÉDÉ ET SYSTÈME PERMETTANT D’EFFECTUER UNE COMMANDE D’ACHAT VIA UN RÉSEAU DE COMMUNICATION ». Cette demande revendique la priorité fondée sur une demande américaine déposée le 12 septembre 1997 et sur une demande américaine déposée le 23 mars 1998. La demanderesse est AMAZON.COM, INC, et les inventeurs sont Shel Kaphan, Joel Spiegel, Jeffrey P. Bezos et Peri Hartman. L’examinatrice saisie a rendu une décision finale, le 1er juin 2004, qui rejetait les revendications 1 à 75, ainsi que la demande, et pour cause qui était fondée d’évidence et d’objet non brevetable. La demanderesse a présenté des arguments en réponse à la décision finale, le 1er décembre 2004.
[ 2 ] Une audience devant la Commission d’appel des brevets s’est tenue le 18 septembre 2008. M. David McGruder [« le demandeur »], du cabinet Oyen Wiggs Green Mutala, a comparu pour le compte de la demanderesse. Le Bureau des brevets était représenté par Mme Carla DiNardo (née Carpinone), l’examinatrice saisie du dossier de la demande, et M. André Gélinas, chef de section.
QUESTIONS DE PROCÉDURE
[ 3 ] Une audience antérieure concernant la présente demande s’est tenue le 16 novembre 2005. M. David McGruder, du cabinet Oyen Wiggs Green Mutala, a comparu pour le compte de la demanderesse. Le Bureau des brevets était représenté par Mme Carla Carpinone, l’examinatrice saisie du dossier de la demande, et M. Peter Ebsen, chef de section. MM. John Cavar et Murray Wilson étaient les membres de la Commission à cette audience, mais ils ont tous deux pris leur retraite de la fonction publique avant que ne soit arrêtée définitivement la recommandation de la Commission à la commissaire.
[ 4 ] Le 11 juin 2008, le président de la Commission d’appel des brevets a communiqué avec le demandeur afin de lui expliquer qu’une nouvelle Commission serait constituée pour réviser la décision finale de l’examinatrice. Le demandeur s’est vu offrir la possibilité de comparaître à une autre audience, ce qu’il a accepté.
[ 5 ] Le 30 juin 2008, la nouvelle Commission a écrit au demandeur pour lui confirmer la nouvelle date d’audience, soit le 18 septembre 2008 [« l’audience »]. Au même moment, la Commission a également avisé le demandeur que le rejet en vertu de l’article 2 serait examiné en fonction de la question de savoir si l’essence de l’invention revendiquée, ou ce qui a été ajouté à la connaissance humaine (dans le domaine de la technologie de commande en ligne), est un objet non visé par la loi parce qu’il n’est pas compris dans l’une des catégories d’invention (aux termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets). Avant l’audience, le demandeur a aussi été informé que toutes ses revendications seraient évaluées aux fins de conformité à l’article 2 de la Loi sur les brevets. À l’audience, le demandeur a traité de toutes les revendications au regard de l’article 2. Dans la lettre du 30 juillet 2008, le demandeur a également été informé que, selon la déclaration de l’éditeur, le livre de Mme Yeşil (qui est cité dans la décision finale) a été publié le 8 novembre 1996.
CONTEXTE
[ 6 ] La demande expose un procédé et un système qui permettent à l’acheteur d’effectuer une commande d’articles sur Internet. La figure 2 présente un schéma fonctionnel du système, et la figure 3 est un organigramme montrant une caractéristique du système qui permet à l’acheteur d’acheter un article en faisant une seule opération.
Client |
Client |
Browser |
Navigateur |
Client ID |
Code d’utilisateur du client |
Server |
Serveur |
Web Pages |
Pages Web |
Server Engine |
Serveur de recherche |
Client ID/Customer Table |
Code d’utilisateur du client/table de données d’entrée du client |
Customer Database |
Base de données du client |
Order Database |
Base de données des commandes |
Inventory Database |
Base de données d’inventaire |
Fig. 2 |
Fig. 2 |
Enable Single-Action Ordering |
Mettre en service la commande en une seule opération |
Retrieve Client ID |
Récupérer le code d’utilisateur du client |
Set client ID/customer mapping |
Configurer le code d’utilisateur du client/mappage du client |
Set single-action ordering for client ID/customer |
Configurer la commande en une seule opération pour le code d’utilisateur du client/client |
Return confirming web page |
Retourner à la page Web de confirmation |
Done |
Exécuté |
Fig. 3 |
Fig. 3 |
[ 7 ] Le serveur utilise un identificateur du client transmis à partir de l’ordinateur du client pour apparier l’ordinateur du client avec les renseignements relatifs au paiement et à l’expédition de l’acheteur (renseignements précis sur le compte de l’acheteur). L’identificateur du client est stocké dans l’ordinateur du client par le serveur lorsque le client saisit son code d’utilisateur et les renseignements sur la facturation et l’expédition (renseignements précis sur le compte de l’acheteur), habituellement au moment où le client visite le site pour la première fois. Au cours d’une visite subséquente de l’ordinateur du client sur le site Web, le serveur reconnaît l’identificateur du client comme appartenant à ce client. Le client peut alors passer les articles en revue et décider d’en acheter un en cliquant sur un seul bouton, ce qui envoie la demande visant à commander l’article, ainsi que l’identificateur du client. Cette opération unique a pour effet de commander instantanément l’article. Le système serveur recevra le bon d’achat, récupérera automatiquement les renseignements sur le compte du client grâce à l’identificateur du client et combinera les renseignements sur le compte ainsi récupérés en vue de générer la commande. Il suffit que le client fasse un seul clic de souris.
Revendications
[ 8 ] La demande compte 75 revendications; elle a été déposée le 27 novembre 2002 en réponse au rapport de l’examinatrice daté du 28 mai 2002. Les revendications indépendantes 1, 19, 33, 51, 60 et 68 sont des revendications portant sur un procédé, et la revendication indépendante 44 porte sur un système.
[ 9 ] La revendication 1 prévoit le stockage d’un identificateur du client sur un système-client et l’affichage des renseignements sur l’article, ainsi que d’un message sur l’opération unique à effectuer pour activer la fonction de commande quand un article doit être commandé; elle inclut l’identificateur dans la demande visant à commander l’article, de sorte que l’identificateur trouve les renseignements sur le compte antérieurement fournis par l’utilisateur. La revendication 1 prévoit aussi la modification des renseignements sur le compte qui se fait en ouvrant une session sur le système serveur. La revendication 1 est énoncée comme suit :
[traduction]
1. Un procédé dans un système-client pour commander un article, le procédé comprenant les éléments suivants :
la réception en provenance d’un système serveur d’un identificateur du client du système-client;
le stockage continu de l’identificateur du client dans le système-client;
quand un article doit être commandé,
l’affichage des renseignements permettant de trouver l’article, ainsi que d’un message sur l’opération unique à effectuer pour commander l’article en cause;
en réponse à l’exécution de l’opération unique, l’envoi au système serveur d’une demande visant à commander l’article en cause, avec l’identificateur du client, lequel trouve les renseignements sur le compte antérieurement fournis par un utilisateur du système-client, ce qui évite à l’utilisateur d’avoir à ouvrir une session sur le système serveur quand il commande l’article;
quand les renseignements sur le compte doivent être modifiés,
la coordination de l’ouverture de la session par l’utilisateur sur le système serveur;
la réception des renseignements sur le compte mis à jour;
l’envoi des renseignements sur le compte mis à jour au système serveur
évitant ainsi à l’utilisateur d’avoir à ouvrir une session dans le système serveur quand il commande l’article, mais lui imposant d’ouvrir une session sur le système serveur s’il veut modifier les renseignements sur le compte antérieurement fournis.
[ 10 ] Les revendications 2 à 18 présentent plusieurs variantes pour le procédé de commande énoncé dans la revendication 1, notamment :
- le fait de préciser que le type de renseignements sur le compte concerne la facturation ou l’expédition;
- l’offre d’une communication entre le client et le serveur via Internet;
- la confirmation par le serveur que la commande a été générée;
- le clic sur le bouton de la souris lorsqu’un curseur est positionné sur une partie prédéfinie des renseignements affichés;
- l’affichage de renseignements partiels sur l’identité de l’utilisateur, de renseignements partiels sur l’expédition se trouvant sur le serveur et de renseignements partiels sur le paiement se trouvant aussi sur le serveur;
- la possibilité de commander l’article en utilisant, de façon subsidiaire, un modèle de panier d’achat virtuel;
- la combinaison par le serveur de plusieurs demandes de commandes en une seule commande;
- la combinaison par le serveur de plusieurs demandes en une seule commande si leur envoi a lieu dans un certain intervalle de temps, comme 90 minutes;
- l’inclusion d’un article commandé dans une commande avec un autre article, s’ils sont également disponibles;
- le classement des commandes par catégorie de disponibilité, savoir à court terme ou à long terme, ou à moyen terme;
- l’affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
[ 11 ] La revendication 19 présente la commande en une seule opération et la combinaison de plusieurs commandes en une seule :
[traduction]
19. Un procédé dans un système-client pour commander des articles, le procédé comprenant les éléments suivants :
la réception en provenance d’un système serveur d’un identificateur du client du système-client;
le stockage continu de l’identificateur du client dans le système-client; et
pour chacun d’un certain nombre d’articles,
l’affichage des renseignements permettant de trouver l’article, ainsi que d’un message sur l’opération unique à effectuer pour commander l’article en cause;
en réponse à l’exécution de l’opération unique, l’envoi au système serveur d’une demande visant à commander l’article en cause, avec l’identificateur du client, lequel trouve les renseignements sur le compte d’un utilisateur
et un serveur qui combine automatiquement les commandes en une seule.
[ 12 ] Les revendications 20 à 32 présentent des variantes de la revendication 19 en ce qui concerne la combinaison des commandes en une seule, ainsi que l’affichage de renseignements partiels et l’autorisation d’annuler une commande, comme suit :
- la combinaison par le serveur de plusieurs demandes en une seule commande si leur envoi a lieu dans un certain intervalle de temps;
- l’établissement d’un délai de 90 minutes comme étant l’intervalle pendant lequel les demandes seront combinées;
- l’inclusion d’un article commandé dans une commande avec un autre article, s’ils sont également disponibles;
- le classement des commandes par catégorie de disponibilité, savoir à court terme ou à long terme, ou à moyen terme;
- l’offre d’une communication entre le client et le serveur via Internet;
- le clic sur le bouton de la souris lorsqu’un curseur est positionné sur une partie prédéfinie des renseignements affichés;
- l’affichage des renseignements partiels fournis par le serveur comme l’identité de l’utilisateur, ou des renseignements partiels sur l’expédition ou sur le paiement;
- la possibilité de commander l’article en utilisant, de façon subsidiaire, un modèle de panier d’achat virtuel;
- l’affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
[ 13 ] La revendication indépendante 33 est similaire à la revendication 19, sauf qu’elle prévoit l’annulation d’une commande dans un intervalle de temps précis plutôt que la combinaison de commandes. Les revendications dépendantes 34 à 43 présentent des variantes semblables à celles qui se trouvent dans les revendications 20 à 32.
[ 14 ] La revendication 44 présente un système-client pour effectuer des commandes, savoir :
[traduction]
44. Un système-client pour commander un article et comprenant les éléments suivants :
une composante qui reçoit d’un système serveur un identificateur du client du système-client et qui stocke continuellement l’identificateur du client;
une composante qui commande un article par l’affichage des renseignements qui le caractérisent, ainsi que d’un message sur l’opération unique à effectuer pour commander l’article en cause, et par l’envoi au système serveur d’une demande visant à commander l’article en cause, avec l’identificateur du client, lequel trouve les renseignements sur le compte antérieurement fournis par un utilisateur du système-client, ce qui évite à l’utilisateur d’avoir à ouvrir une session sur le système serveur quand il commande l’article;
une composante qui met à jour les renseignements sur le compte par la coordination de l’ouverture de la session par l’utilisateur sur le système serveur, la réception des renseignements sur le compte mis à jour de la part de l’utilisateur et l’envoi des renseignements sur le compte mis à jour au système serveur.
[ 15 ] Les revendications 45 à 50 prévoient ce qui suit :
- le fait de préciser que le type de renseignements sur le compte concerne la facturation ou l’expédition;
- le clic sur le bouton de la souris lorsqu’un curseur est positionné sur une partie prédéfinie des renseignements affichés;
- la possibilité de commander l’article en utilisant, de façon subsidiaire, un modèle de panier d’achat virtuel;
- la combinaison par le serveur de plusieurs demandes de commandes en une seule commande;
- l’affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
[ 16 ] La revendication indépendante 51 ajoute l’étape de la génération automatique d’une seule commande pour les articles désignés sans que l’utilisateur n’ait à préciser que la commande doive être ainsi combinée.
[ 17 ] La revendication indépendante 60 comprend, en plus de la commande en une seule opération, l’affichage d’un message sur la possibilité d’annulation de la commande.
[ 18 ] La revendication indépendante 68 est similaire à la revendication 1. Les revendications dépendantes restantes 52 à 59, 61 à 67 et 69 à 75 précisent des éléments similaires à celles qui ont été relevés dans des revendications dépendantes antérieures.
[ 19 ] Par conséquent, le thème essentiel et commun à toutes les revendications est la commande en une seule opération, du fait que l’identificateur du client qui est transmis est associé aux renseignements précis sur le compte de l’acheteur déjà stockés dans le système serveur. Chacune des revendications indépendantes est, de plus, limitée par l’inclusion d’au moins une des caractéristiques suivantes : ouverture de session par l’utilisateur afin de modifier les informations sur son compte; combinaison automatique de plusieurs commandes en une seule commande et affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
QUESTIONS EN LITIGE
[ 20 ] La décision finale en date du 1er juin 2004 soulève les questions suivantes :
1 Les revendications 1 à 75 sont-elles évidentes sur le fondement de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?
2 Les revendications 1 à 75 visent-elles un objet non brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets? Quelle méthode faut-il adopter?
Le résumé des motifs de l’examinatrice ne renvoyait pas à l’objection contenue dans la décision finale en ce qui concerne les revendications visant l’appareil 44 à 50 au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Toutefois, avant l’audience, la Commission a informé le demandeur que toutes les revendications seraient évaluées aux fins de conformité à l’article 2 de la Loi sur les brevets, selon un examen de la substance de l’invention revendiquée et non seulement de sa forme. À l’audience, le demandeur a traité de toutes les revendications relativement à ce point.
Bien que la question de la méthode à adopter dans le cadre de l’évaluation de l’objet brevetable n’ait pas été soulevée dans la décision finale, de nombreux débats ont eu lieu au cours de l’instruction en ce qui concerne la méthode appropriée à adopter. Par conséquent, il incombe à la commissaire (et à la Commission) d’établir la méthode appropriée.
RÉFÉRENCES APPLIQUÉES
[ 21 ] Dans sa décision finale, l’examinatrice cite les antériorités suivantes :
- Creating the Virtual Store, aux pages 118 à 121 et à la page 326, M. Yeşil, John Wiley and Sons, 1997.
- « Cookies ‑ What every web designer should know », Journal of Design Science 1997‑2001
[ 22 ] L’examinatrice a aussi porté à l’attention du demandeur plusieurs références pertinentes. Étant donné que la façon de les appliquer n’a pas été abordée dans la décision finale, nous ne traiterons pas davantage de ces références.
Dates de publication
[ 23 ] Avant d’entamer une analyse des références citées, la Commission traitera des dates figurant dans l’avis de droit d’auteur des antériorités citées.
[ 24 ] Dans la référence à la publication de Mme Yeşil, l’avis de droit d’auteur énonce que le livre a été publié en 1997. Habituellement, lorsque seule l’année de publication est donnée, la date précise attribuée à une référence est le dernier jour de l’année [c.‑à‑d., le 31 décembre 1997].
[ 25 ] À la première audience (le 16 novembre 2005), le demandeur était préoccupé par la date de divulgation pour Mme Yeşil, puisque son livre ne porte qu’une date de parution de 1997, alors que la toute première date de revendication dans cette demande remonte au 12 septembre 1997. Dans la lettre envoyée le 30 juillet 2008, la Commission a informé le demandeur que, selon la déclaration de l’éditeur, le livre de Mme Yeşil avait été publié le 8 novembre 1996. Par conséquent, cette référence était accessible au public avant la toute première date de revendication dans la demande et peut être considérée comme une antériorité par rapport à la date de revendication de l’invention. Le demandeur n’a fait aucune autre observation sur ce sujet.
[ 26 ] En ce qui concerne le Journal of Design Science, l’examinatrice a déclaré que la date de publication était entre 1997 et 2001. Puisque la toute première date est postérieure à la date de revendication de la demande, il ne peut être tenu compte de cette référence dans le cadre de l’application de l’évidence.
ÉVIDENCE
Thèse de l’examinatrice
[ 27 ] Le résumé des motifs envoyé au demandeur maintient le rejet des revendications 1 à 75 pour cause d’évidence, compte tenu du livre de Mme Yeşil et des connaissances courantes relatives à l’utilisation des identificateurs de clients pour les méthodes de commande électronique, comme elles sont enseignées dans le Journal of Design Science.
[ 28 ] L’examinatrice a soutenu que le procédé de commande était évident, soulignant, entre autres :
[traduction] Le procédé de commande d’articles de la présente invention utilise des témoins pour stocker un identificateur du client sur le système-client afin de permettre de commander des articles, avec un seul clic, sans ouvrir de session sur un système serveur. Mme Yeşil enseigne un système et procédé de commande électronique d’articles dans lequel il est facultatif de s’enregistrer parce que des témoins peuvent être utilisés pour suivre les acheteurs. Il n’est pas nécessaire que les acheteurs ouvrent une session au moyen d’un mot de passe ou d’un code pour effectuer un achat (page 121). Mme Yeşil présente aussi l’idée d’une option d’achat instantané (page 326) grâce à laquelle les commerçants peuvent fournir aux acheteurs un bouton « achat instantané » pour tous les articles ou certains d’entre eux, leur permettant ainsi de passer la vérification de confirmation. D’après les enseignements antérieurs de Mme Yeşil en ce qui concerne les témoins et le rôle qu’ils jouent dans les magasins sur le Web, l’option d’achat instantané peut être mise en œuvre au moyen de ces techniques du fait qu’il est évident que l’utilisateur n’a pas besoin d’ouvrir une session pour faire un achat. Par conséquent, les procédés et systèmes de commande électronique d’articles qui permettent à un utilisateur de commander un article en une seule opération sont clairement exposés dans les antériorités de Mme Yeşil.
[ 29 ] L’examinatrice a déclaré qu’à la page 326 du livre de Mme Yeşil, il est question d’un bouton « achat instantané » pour tous les articles, ou certains d’entre eux.
[ 30 ] L’examinatrice a également soutenu que le fait de devoir ouvrir une session pour modifier les renseignements sur le compte n’est pas inventif, soulignant, entre autres :
[traduction] Selon ce que Mme Yeşil enseigne, l’utilisateur peut commander des articles en une seule opération (option d’achat instantané) [traduction] « sans qu’il lui soit nécessaire d’ouvrir une session avec un mot de passe ou un code » (page 121). Mme Yeşil précise aussi que les utilisateurs devraient s’inscrire dans le système serveur lorsqu’il y a plus que des niveaux élémentaires de partage d’information. Cela sous-entend que la modification de renseignements délicats sur le compte exige un niveau de sécurité plus élevé, comme un mot de passe ou un code. Il serait donc évident d’exiger que l’utilisateur ouvre une session pour modifier les renseignements sur son compte dans les systèmes qui favorisent la commande en une seule opération. Toutefois, selon Mme Yeşil, au moment de la commande d’un article, il suffit d’activer le bouton « achat instantané ».
[ 31 ] En ce qui concerne la caractéristique d’annulation de la commande, l’examinatrice a déclaré ce qui suit :
[traduction] Mme Yeşil ne dit pas qu’une commande ne peut pas être annulée. Elle ne fait pas mention de l’option d’annulation d’une commande, car la question ne se pose pas. Il est bien connu dans le domaine du magasinage en ligne, ou de tout type d’achat, que même après qu’une commande a été passée, l’acheteur peut l’annuler dans un délai prescrit, par ex., avant qu’elle ne soit expédiée. Les acheteurs changent d’idée tout le temps. Il est bien connu que l’on peut annuler une commande avant qu’elle ne soit livrée, et c’est une pratique courante, cette caractéristique n’ajoutant aucun objet brevetable aux revendications.
[ 32 ] Quant à la caractéristique qui permet la combinaison de plusieurs commandes en une seule, l’examinatrice a déclaré ce qui suit :
[traduction] [. . .] le mécanisme non brevetable de commande d’articles dans lequel elle est utilisée ne peut pas constituer une caractéristique de brevetabilité distinctive au regard de l’état antérieur de la technique.
D’après la déclaration de l’examinatrice qui est contenue dans la section « Objet non brevetable » de la décision finale et selon laquelle [traduction] « les caractéristiques techniques sous-jacentes du système demeurent les mêmes », il est clair qu’elle estime que la caractéristique potentiellement distinctive du mécanisme de commande d’articles n’est pas brevetable et ne constitue pas une caractéristique de brevetabilité distinctive du fait de sa nature non technique.
[ 33 ] Il existe des similitudes entre la déclaration de l’examinatrice et la pratique devant l’Office européen des brevets (OEB). Devant l’OEB, les caractéristiques non techniques peuvent, dans certains cas, ne pas être considérées comme faisant partie de l’étape inventive. Dans d’autres cas, les caractéristiques non techniques peuvent conférer un autre gain technique. La Commission n’a connaissance d’aucune jurisprudence canadienne qui appuie ou qui rejette ces considérations dans le cadre du critère de l’évidence. La Commission est d’avis que le paragraphe 80(1) des Règles sur les brevets, qui précise que « [l]a description contient les renseignements suivants : [ . . .] une description de l’invention en des termes permettant la compréhension du problème technique,
[. . .], et de sa solution », est conforme à ces considérations.
[ 34 ] Toutefois, même si ces considérations pouvaient faire partie du critère de l’évidence, il ne conviendrait pas de simplement écarter les caractéristiques non techniques d’une analyse de l’esprit inventif; il faudrait qu’un élément de nature non technique soit examiné plus à fond pour voir s’il y a un autre gain technique. Cela exigerait un raisonnement clair et structuré pour permettre l’appréciation de l’évidence au moyen de l’établissement d’une distinction entre les caractéristiques techniques et non techniques de l’invention revendiquée, ainsi que de l’analyse de l’effet réciproque entre ces éléments. Puisque l’instance en ce qui concerne le caractère évident ne vise pas ce type de raisonnement, la Commission ne peut pas accorder de force probante à la déclaration citée ci-dessus lorsqu’elle compare les revendications aux antériorités. La Commission recommande que le traitement des caractéristiques non techniques dans le cadre du critère de l’évidence fasse l’objet d’une analyse plus poussée par l’Office, afin d’établir la pratique appropriée.
La réponse du demandeur
[ 35 ] En réponse à la décision finale, le demandeur a soutenu que Mme Yeşil ne révèle aucun procédé de commande en une seule opération parce que la confirmation est toujours exigée avec le bouton « achat instantané » du système marchand de Netscape.
[ 36 ] Le demandeur conteste aussi que Mme Yeşil ait fait une divulgation au sujet de la commande en une seule opération, sans nécessité d’ouverture de session, et il fait valoir notamment ce qui suit :
[traduction] [. . .] la phrase citée par l’examinatrice est prise hors contexte, comme il appert de l’extrait suivant du livre de Mme Yeşil, à la page 121 :
« L’exigence de l’enregistrement pour créer des paniers d’achat virtuels sur le Web est justifiée, dans une certaine mesure, mais elle n’est certainement pas nécessaire pour des niveaux élémentaires de renseignements sur les visiteurs. Par exemple, il est possible de suivre certains gestes des visiteurs sans leur imposer d’ouvrir une session au moyen d’un mot de passe ou d’un code. »
Il est clair, d’après ce qui précède, que Mme Yeşil traite du suivi des gestes d’un visiteur sans qu’il ait à ouvrir une session, et du fait de ne pas lui permettre de passer une commande sans ouvrir de session.
[. . .]
Mme Yeşil enseigne que de l’information de base peut être colligée sans exiger de l’utilisateur qu’il ouvre une session. Elle explique aussi que l’enregistrement (et sans doute l’ouverture d’une session) est exigée pour faire des achats (voir la dernière ligne de la page 121 du livre de Mme Yeşil : « Lorsque l’on ouvre une session pour faire des achats »). Toutefois, aucun élément du livre de Mme Yeşil n’enseigne ni ne donne à penser que l’utilisateur peut passer une commande en une seule opération sans ouvrir de session, mais que l’utilisateur devra ouvrir une session pour modifier les renseignements sur son compte.
[ 37 ] En ce qui concerne la combinaison automatique de plusieurs articles en une seule commande, le demandeur a déclaré ce qui suit :
[traduction] [...] ces revendications énoncent que plusieurs articles, dont chacun a été commandé en une seule opération, peuvent être automatiquement combinés en une seule commande. Comme il a été déclaré antérieurement, aucune des antériorités citées par l’examinatrice n’enseigne ni ne propose cette combinaison de caractéristiques. L’examinatrice soutient que l’option d’achat instantané de Mme Yeşil laisse supposer cette combinaison de caractéristiques. Toutefois, un examen minutieux du livre de Mme Yeşil montre que l’option d’achat instantané exige que l’utilisateur aille sur une page de confirmation, comme il a été dit plus haut. Par conséquent, l’enseignement de Mme Yeşil s’éloigne de la combinaison automatique de plusieurs articles, dont chacun a été commandé en une seule opération, en une seule commande.
[ 38 ] Dans la décision finale, l’examinatrice a cité les pages 118 à 121 de ce chapitre. À la première audience, le 16 novembre 2005, l’examinatrice a fait référence à d’autres pages du même chapitre, et la Commission a accordé plus de temps au demandeur pour examiner ces autres pages et faire des observations distinctes. Le demandeur a présenté d’autres arguments à la Commission dans une lettre datée du 29 novembre 2005, lesquels sont reproduits ci-dessous :
[traduction] Sous la rubrique « Utilisation du suivi selon l’abonnement », Mme Yeşil explique que « l’enregistrement n’est pas encore exigé pour personnaliser une seule visite ou pour effectuer un achat ». (Yeşil, à la p. 122.) Elle propose qu’un site Web qui exige habituellement que l’utilisateur s’enregistre peut tout de même prendre des achats de clients non enregistrés. Certains clients qui s’enregistrent et qui « ouvrent une session pour faire des achats » bénéficieront certes des avantages d’un magasinage « sur mesure et personnalisé », tandis que d’autres clients peuvent être « effrayés » par un tel enregistrement. » (Yeşil, aux p. 119 à 122.) Par conséquent, les utilisateurs non enregistrés peuvent encore magasiner sur le site Web avec un suivi en fonction de la session dans lequel les achats sont repérés dans un panier d’achat virtuel jusqu’au moment où le « client présente l’effet de paiement, règle ses achats, et la transaction est réalisée. » (Yeşil, à la p. 112.)
Mme Yeşil avance simplement que les deux techniques de suivi peuvent être faites par un site Web : si un client ouvre une session, le site Web utilise alors un suivi en fonction de l’abonnement; autrement, il utilise un suivi en fonction de la session. Toutefois, Mme Yeşil n’avance pas que la technique de suivi en fonction de l’abonnement peut être utilisée sans que le client ne soit tenu d’ouvrir une session. De plus, comme le suivi en fonction de la session de Mme Yeşil ne conserve « aucun renseignement sur le client [ ...] après la durée de sa visite sur le site », le suivi en fonction de la session de Mme Yeşil ne peut pas trouver « les renseignements sur le compte qui ont été fournis antérieurement par un utilisateur du système-client », comme il est énoncé dans les revendications.
Les revendications du demandeur portent sur une invention qui combine les avantages d’un suivi en fonction de la session et ceux d’un suivi en fonction de l’abonnement. L’avantage du suivi en fonction de la session est qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir une session pour faire un achat, et celui du suivi en fonction de l’abonnement est qu’il n’est pas exigé de donner de renseignements sur le compte pour faire un achat. L’invention permet de réaliser les deux avantages, à supposer que les renseignements sur le compte fournis antérieurement par un utilisateur (par ex., les renseignements sur la facturation au moment où un achat antérieur a été fait ou au moment de l’enregistrement) grâce au « stockage continu d’un identificateur du client [reçu du système serveur] dans le système-client » et à son envoi au système serveur lorsque l’article est commandé. L’identificateur du client permet de connaître, à la fois, l’utilisateur et les renseignements sur le compte de sorte que l’utilisateur n’a pas à ouvrir de session ou à fournir à nouveau les renseignements sur le compte quand il passe commande. Toutefois, l’invention exige que l’utilisateur ouvre une session pour modifier les renseignements sur son compte. En n’exigeant pas que l’utilisateur ouvre une session lorsqu’il passe commande, mais en exigeant qu’il en ouvre une pour modifier les renseignements sur son compte, l’invention atteint un niveau acceptable de sécurité. Par exemple, si un voleur passe une commande en utilisant le même système-client qu’un utilisateur légitime, la commande sera alors facturée et expédiée d’après les renseignements sur le compte fournis par l’utilisateur légitime et non pas par le voleur. Du fait que le voleur ne peut pas ouvrir de session pour modifier les renseignements sur le compte, la commande sera livrée à l’utilisateur légitime, ce qui l’informera de la tentative de vol.
[ 39 ] À l’audience, le demandeur a répété ces arguments en vue d’illustrer les différences entre l’enseignement de Mme Yeşil et l’invention revendiquée.
[ 40 ] Le demandeur a aussi reconnu que la pratique d’annuler une commande auprès des détaillants était connue et il a convenu que l’annulation d’une commande constitue un aspect du commerce de détail. Toutefois, le demandeur a souligné que les revendications 33 à 43 et les revendications 60 à 67 ne traitent pas de l’annulation de la commande, mais plutôt de « l’affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai ». Le demandeur a déclaré que ce message est affiché à côté du message relatif à la commande en une seule opération et qu’il est utile parce que les acheteurs impulsifs peuvent être rassurés par la possibilité d’annuler la commande dans un certain délai, même s’il n’y a pas de vérification de confirmation. Le demandeur a affirmé que Mme Yeşil n’avait rien dit, dans son livre, au sujet d’une option ou d’un message visant l’annulation de la commande.
Principes juridiques - Évidence
La question
[ 41 ] Le critère de l’évidence a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), à la p. 294 [Beloit] :
Pour établir si une invention est évidente, il ne s’agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. [. . .] Il s’agit de se demander si, [ . . .] cette créature mythique [. . .] serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet.
Par conséquent, le critère de l’évidence peut conduire à se demander ce que le « technicien versé dans son art » aurait fait pour solutionner le problème.
[ 42 ] Récemment, dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, 69 CPR (4th) 251, au paragraphe 62 [Sanofi], le juge Rothstein a déclaré ce qui suit à propos du critère énoncé dans l’arrêt Beloit :
[62] Je ne pense pas que dans cet arrêt, le juge Hugessen a voulu conférer un caractère universel à la définition plutôt colorée qu’il y donne de l’évidence, de façon qu’elle s’applique indépendamment du contexte à toute catégorie de revendication.
La Cour suprême du Canada a également établi une démarche à quatre volets pour évaluer le caractère évident, laquelle sera évoquée dans l’analyse.
[ 43 ] Il existe un certain risque que le critère énoncé dans l’arrêt Beloit puisse entraîner une quête de l’antériorité. Dans l’arrêt Janssen‑Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1234, 57 C.P.R. (4th) 6, confirmé par 2007 CAF 217, 59 CPR (4th) 116, aux paragraphes 111 à 113 [Janssen], avant d’établir des critères applicables à la question de l’évidence, le juge Hughes a déclaré ce qui suit à propos du critère énoncé dans l’arrêt Beloit [non souligné dans l’original] :
Cette définition se rapproche dangereusement de la définition de l’antériorité formulée par la Cour suprême du Canada s’il faut l’interpréter comme signifiant que la personne versée dans l’art « ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination », que le fait d’arriver « directement et facilement » à la « solution que préconise le brevet » suppose qu’il ne doit y avoir qu’une seule façon d’arriver infailliblement à l’invention et que l’« invention décrite » est différente de la revendication correctement interprétée. Il ne servirait à rien d’examiner le caractère évident si ce critère, dans les faits, est très peu différent de celui de l’antériorité.
[ 44 ] Pour établir une distinction entre l’antériorité et le caractère évident, dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142, 63 C.P.R. (4th) 406, (actuellement portée en appel devant la C.A.F.), aux paragraphes 127 et 128, le juge Hughes a déclaré ce qui suit [non souligné dans l’original] :
127 L’antériorité et l’évidence sont des notions étroitement liées qui sont fondées sur l’exigence voulant qu’il y ait une « invention » et que l’invention soit « nouvelle ». La juge Desjardins, de la Cour d’appel fédérale, a expliqué ces notions dans l’arrêt Imperial Tobacco Ltd./Ltée c. Rothmans Benson & Hedges Inc. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188, aux pages 197 à 199. La juge a expliqué que l’antériorité et l’évidence sont des notions différentes, quoiqu’il s’agisse dans les deux cas de questions de fait. L’antériorité peut être utilisée dans l’application des deux critères, mais elle doit être utilisée d’une façon différente. Voici ce que la juge a dit :
On peut invoquer une invention antérieure pour l’application des deux critères, mais à des fins différentes dans chaque cas. Dans son ouvrage Canadian Patent Law and Practice, 4th ed. (1969), Fox affirme ce qui suit aux p. 136 et 137 :
[…] Les mémoires descriptifs antérieurs sont généralement invoqués pour établir l’antériorité s’ils divulguent exactement et complètement ce que le breveté a revendiqué. Si le mémoire descriptif antérieur ne renferme pas une telle divulgation et ne permet pas d’établir l’antériorité, il peut être invoqué comme indice de l’état de la technique au moment où le breveté a conçu l’invention qu’il allègue; il permet d’établir que l’œuvre du breveté a contribué si peu aux connaissances existantes qu’elle était dépourvue de l’élément essentiel d’ingéniosité et qu’elle était simplement évidente.
L’antériorité doit donc ressortir d’un seul document qui permet déjà à la personne versée de connaître intégralement ce qui est revendiqué. Cependant, dans le cas du caractère évident, [traduction] « il faut examiner les inventions antérieures et prendre en considération leur effet cumulatif », op. cit., p. 72.
128 Une façon utile d’examiner ces notions a été indiquée par le professeur Carl Moy (auteur du traité américain sur les brevets à volumes multiples intitulé : Moy’s Walker on Patents, Thompson West, mis à jour chaque année) aux étudiants du programme de maîtrise en propriété intellectuelle d’Osgoode, dans le cadre de l’examen de la théorie des marchés des brevets. Selon ce que je me rappelle, il a dit ce qui suit :
Une personne ne paie pas le prix d’un monopole pour quelque chose qu’elle a déjà, et elle ne paie pas le prix pour quelque chose qu’elle pourrait de toute façon obtenir.
129 Une autre façon d’envisager la question consiste à se demander quelle « place » il reste pour quelque chose, compte tenu de l’antériorité. S’il n’y a pas de « place » ou si une personne versée dans l’art peut occuper cette « place » sans faire quelque chose d’inventif, il y a antériorité ou évidence.
Problème et solution
[ 45 ] L’idée voulant qu’un brevet porte habituellement sur une solution inventive à un problème concret se retrouve dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 37, dans lequel le juge Binnie a, d’une façon générale, déclaré ce qui suit [non souligné dans l’original] :
37 Comme on l’a dit à maintes reprises, le brevet n’est pas une distinction ou une récompense civique accordée pour l’ingéniosité. C’est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée.
[ 46 ] Dans l’arrêt GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 899, 28 C.P.R. (4th) 307, au paragraphe 45, la Cour fédérale a traité des considérations relatives au problème et à la solution dans la réponse à la question de l’évidence, en déclarant, entre autres [non souligné dans l’original] :
45 La notion d'évidence signifie en fin de compte un manque d'inventivité. En 1988, dans la décision Cabot Corp. et al. c. 318602 Ontario Ltd. et al. (1988), 20 C.P.R. (3d) 132, M. le juge Rouleau a précisé que l'inventivité est un élément essentiel de la brevetabilité :
Bien que non prévu spécifiquement dans la Loi, le caractère inventif est un élément essentiel de la brevetabilité. Comme l'a écrit H.G. Fox dans son livre Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, supra, aux pages 70 et 71 :
Pour qu'une invention soit considérée comme « évidente », il faut qu'elle ait été directement découverte par la personne qui recherchait quelque chose de neuf, un nouveau procédé de fabrication ou autre, sans avoir besoin d'expérimentation, de réflexion profonde, de recherche que ce soit en laboratoire ou dans les textes. Par conséquent, les moyens utilisés pour atteindre un objet peuvent être simples et ordinaires, il n'en est pas moins vrai qu'il peut y avoir invention, si le breveté a découvert une variante qui rend « l'objet » plus utile que celui qui avait été antérieurement décrit. Si un problème n'est pas résolu, il est possible qu'une découverte permettant de le résoudre soit considérée comme faisant preuve d'esprit inventif, surtout s'il y a eu de vaines tentatives pour trouver une solution. Il peut y avoir « invention » dans le fait de reconnaître l'existence d'un problème, mais étant donné un problème connu dont l'invention se veut la solution, la question qui se pose toujours est : la solution revendiquée par le breveté peut-elle être considérée comme une solution qui aurait apparu à une personne d'intelligence normale, ayant une certaine connaissance de l'objet du brevet et qui s'y serait intéressée?
46 En conséquence, l'étape suivante consiste à évaluer l'antériorité d'utilisation du carvedilol afin de décider si la solution revendiquée par GlaxoSmithKline en est une qui serait venue à l'esprit de toute personne dotée d'une intelligence moyenne et moyennement familiarisée avec le carvedilol et qui se serait penchée sur la question.
Ainsi, dans la plupart des cas, il faut envisager la question de l’évidence en se demandant si la solution revendiquée aurait été trouvée par un technicien versé dans son art ayant son intelligence au problème.
[ 47 ] Une invention n’a pas à être une solution à un problème seulement, et ce, parce qu’en réglant un problème, on peut en créer un autre (AB Hassle c. Genpharm Inc., 2003CF1443, 243 F.T.R. 6, paragraphes49 et 50). Toutefois, une solution revendiquée à un problème qui comporte des caractéristiques non liées entre elles pour régler un problème distinct et différent peut exiger un supplément d’attention. Avant de tenter d’appliquer des critères d’évidence, il faut établir ce qu’est l’invention et voir s’il n’y a qu’une seule invention à examiner ou s’il y en a plusieurs (Voir Canadian Patent Act Annotated, 2e édition, Barrigar, 28.3:25, mai2006; citant Sabaf SpA v. MFI Furniture Centres Limited, [2004] UKHL 45, aux paragraphes22 à 26 [Sabaf], arrêt porté en appel de [2002] EWCA Civ 976).
Le technicien versé dans son art et le problème à régler
[ 48 ] Un aspect important de l’examen relatif à l’évidence consiste à déterminer qui est cet homme de métier fictif versé dans son art [Sanofi – paragraphe67]. Dans l’arrêt Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd. (1997), 72 C.P.R. (3d) 397 (C.A.F.), au paragraphe10, la notion d’homme de métier a été formulée en rapport avec le problème à surmonter, et ce, dans les termes suivants [non souligné dans l’original] :
[traduction] Bien que les appelants soutiennent que le juge de première instance a décrit à tort l’« homme de métier versé dans son art » pertinent comme un utilisateur, et non pas comme un fabricant, de matériel sismographique, nous estimons qu’il s’agit essentiellement d’une question de fait en ce qui concerne sa décision. Compte tenu du caractère fondamentalement artificiel de la notion d' « homme de métier » , nous ne sommes pas disposés à assimiler à un principe de droit l'exigence voulant que cette personne doive être, dans tous les cas, un fabricant et non un utilisateur de matériel. Ce qui importe, c'est qu'il s'agisse d'une personne qui comprenne, de manière concrète, le problème à surmonter, la façon dont différents dispositifs correctifs pourraient vaincre cette difficulté ainsi que l'effet probable de leur utilisation.
[ 49 ] Le technicien fictif versé dans son art peut être, à la fois, un savant, un chercheur et un technicien qui apportent leur expertise combinée pour régler le problème en cause (Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58, à la page 79 (Cour de l’Ontario (Division générale)).
[ 50 ] Ni le demandeur ni l’examinatrice n’ont fait d’observations sur la définition du technicien fictif versé dans son art. Compte tenu de l’invention divulguée, la Commission estime que le technicien versé dans son art devrait être bien informé de tout objet visé par les revendications, comme ceux des modèles ou techniques de vente au détail électronique, du commerce électronique, du développement Web, de la commercialisation et de la psychologie du consommateur.
L’état des connaissances à la date de la revendication - Extraits choisis du livre de Mme Yeşil
Aperçu général
[ 51 ] Dans son livre, Mme Yeşil analyse différentes notions pouvant servir aux commerçants qui souhaitent vendre des produits ou des services par l’entremise d’un site Web sur Internet. Le chapitre 4 de ce livre [pages 107 à 126] est intitulé [traduction] «Apprendre à connaître votre client virtuel»; il traite de nombreuses questions portant sur la façon dont un vendeur peut et devrait obtenir des renseignements sur les acheteurs éventuels qui viennent sur son site Web. Les vendeurs peuvent demander aux acheteurs de fournir des renseignements volontairement ou avoir recours à des systèmes de suivi des clients pour se renseigner sur les visiteurs de leur site Web. L’auteur expose deux systèmes de suivi de ce genre, un qui est conçu en fonction de la session et un autre qui l’est en fonction de l’abonnement. Les méthodes diffèrent sur la manière dont le commerçant suit ou repère un consommateur électroniquement lorsque celui-ci visite le magasin virtuel. Selon Mme Yeşil, ce suivi a, entre autres, pour but de fournir divers degrés de personnalisation aux acheteurs. Dans le suivi en fonction de la session, aucun renseignement au sujet du client n’est conservé sur le système après la fin de sa visite. Si une commande est passée dans un système de suivi en fonction de la session, il ne peut y avoir qu’une seule adresse de livraison (associée au nom du client) au dossier. Dans le cas du suivi en fonction de l’abonnement, l’utilisateur s’inscrit et ouvre une session dans le site d’un commerçant, ce dernier pouvant offrir une expérience de magasinage plus personnalisée aux clients qui reviennent sur son site.
[ 52 ] Fait intéressant, à la page122 de son livre, Mme Yeşil décrit une visite sur le site Web AMAZON.com et les problèmes rencontrés, lesquels ont entraîné la perte d’une vente dans le cas d’un achat impulsif [non souligné dans l’original] :
[traduction] Les entreprises sur Internet attirent des clients de diverses manières. Les systèmes d’abonnement gratuit ou sans frais constituent un moyen populaire d’attirer un bassin d’utilisateurs.
[. . .]
Ces catégories de services demandent habituellement aux visiteurs de créer un compte, avec les avantages de l’authentification de l’utilisateur
[. . .]
[. . .] lorsque j’ai visité le site Web de livres Amazon (www.amazon.com), j’ai dû créer un compte pour faire un achat, quelle que soit son importance. Puis, je devais choisir entre un «serveur sécurisé» et un «serveur non sécurisé».
[. . .]
Ne souhaitant pas entrer dans les détails, j’ai décidé d’annuler - et une vente venait de se perdre. L’achat de ce livre sur le site Amazon était impulsif.
Ainsi, comme dans la présente demande, Mme Yeşil reconnaît aussi que certains achats sur Internet sont de nature impulsive.
Suivi en fonction de la session et en fonction de l’abonnement
[ 53 ] Aux pages112 et115, Mme Yeşil donne d’autres renseignements au sujet du suivi en fonction de la session et sur le moment où commence une nouvelle visite [non souligné dans l’original]:
[traduction]
Utiliser le suivi en fonction de la session
La visite d’un client sur un site Web, du début à la fin (de l’ouverture d’une session à sa fermeture), constitue une session. Pendant une session, le visiteur se branche sur un site Web, il navigue dans le site et fait quelques opérations et il s’en va. [. . .] Toutes ces activités sont enregistrées ou suivies au fur et à mesure qu’elles surviennent par le serveur de cet hôte. (Pour d’autres définitions de termes, consulter l’encadré intitulé « Vocabulaire du suivi sur le Web» dans le présent chapitre.)
[. . .]
Le suivi en fonction de la session permet d’ouvrir et de fermer une relation en temps réel. Aucun renseignement au sujet du client n’est conservé dans le système après la fin de sa visite sur le site. Le suivi en fonction de la session est utile parce qu’il encourage la spontanéité tout en assurant l’anonymat des clients.
[. . .]
Si les produits sont livrés par l’entremise d’Internet, absolument aucun renseignement ne peut être conservé, sauf qu’il est possible de conserver une adresse électronique à des fins de téléchargement. En revanche, si des produits matériels sont achetés selon le modèle de suivi en fonction de la session, il se peut qu’il faille au moins conserver une adresse de livraison en dossier.
Le panier d’achat virtuel
Le suivi en fonction de la session fonctionne en créant un panier d’achat virtuel pour le consommateur, qui existe le temps de l’expérience de magasinage. Lorsque le consommateur paie, le total des prix du contenu du panier est calculé pour cette session. Puis, comme dans un magasin physique, le consommateur présente l’effet de paiement, règle ses achats, et la transaction est réalisée.
Vocabulaire du suivi sur le Web
[. . .]
visite: Une série d’appels de fichier consécutifs faits par un utilisateur sur un site donné. Si cet utilisateur ne fait pas de demandes sur ce site pendant une période prédéterminée (et discrétionnaire), son prochain appel de fichier constitue le commencement d’une nouvelle visite. À titre de comparaison, le délai d’inactivité sectoriel standard est de 30minutes pour tous les sites.
[ 54 ] À la page 118, Mme Yeşil décrit comment le suivi en fonction de l’abonnement peut permettre de recueillir des renseignements en exigeant que les clients s’enregistrent :
[traduction] À l’heure actuelle, le suivi en fonction de l’abonnement constitue, dans le monde du commerce hors ligne, une méthode acceptée pour obtenir des renseignements sur les consommateurs. Par exemple, si vous êtes abonné à un magazine, l’éditeur peut en apprendre beaucoup sur vous [. . .]
La transposition du suivi en fonction de l’abonnement au magasin virtuel signifie que le client remplit un formulaire de renseignements en ligne et ouvre un compte avant de faire des achats dans le magasin. Tous les paiements sont dirigés vers un centre de traitement central [. . .]
Recueillir des renseignements sur les clients
[ 55 ] La page121 fait ressortir que tant le modèle de suivi en fonction de la session que celui en fonction de l’abonnement permettent de repérer des renseignements utiles sur les clients et d’y accéder [non souligné dans l’original]:
[traduction] Il est compréhensible, dans une certaine mesure, qu’il soit exigé de faire un enregistrement pour créer des paniers d’achats virtuels sur le Web, mais ce n’est certainement pas nécessaire pour recueillir des renseignements élémentaires sur le visiteur. Par exemple, il est possible de conserver des traces des opérations de certains visiteurs sans qu’ils aient à ouvrir une session en utilisant un mot de passe ou un code. C’est précisément ce que font les systèmes de suivi en fonction de la session.
[. . .] l’information produite par ces systèmes contribue à élaborer le profil psychographique du visiteur - les éléments (données démographiques, intérêts, statistiques sur l’utilisation) qui permettent de dresser une image complète du visiteur. Les sites cherchent à définir la psychographie de l’utilisateur.
Technologie propre aux témoins
[ 56 ] Bien que l’examinatrice ne cite pas cette partie, Mme Yeşil donne, aux pages124 et125, certains détails sur la technologie propre aux témoins, sous la rubrique générale [traduction] «Demander aux utilisateurs de donner de l’information – Questions de protection des renseignements personnels»:
[traduction]
Témoins
L’ajout d’un dispositif sur l’«état» ou de reconnaissance simple, persistant, côté client, permet d’accroître de façon importante les capacités des applicationsWeb des clients et des serveurs.
- Netscape
Les témoins sont un mécanisme par lequel les serveurs hôtes peuvent mettre en mémoire des renseignements dans le navigateur d’un client et les en extraire. Le témoin, développé par Netscape et MCI, est utile pour les hôtes Web qui souhaitent offrir une expérience «dynamique» ou «personnalisée» à leurs visiteurs. C’est qu’en utilisant un témoin, un hôte peut étiqueter un visiteur à la fin d’une session, avec de l’information en vue d’une prochaine visite […]. L’acte qui consiste à encoder de l’information dans le témoin d’un utilisateur est appelé le stockage sur le disque dur de l’utilisateur. Ce genre d’accès, de mise en mémoire et de mise en cache par les serveurs est généralement interdit.
[ 57 ] Selon notre compréhension, l’information sur l’«état» porte sur une communication entre un utilisateur et un serveur. Le protocole HTTP, le protocole qui soutient le World Wide Web (WWW), est exempt d’état. Autrement dit, chaque demande (sur le Web) est autonome; les serveurs d’origine n’ont pas besoin d’avoir en mémoire ce qui s’est produit avec les demandes antérieures pour répondre à une nouvelle demande [«l’état»]. Au sens large, un témoin permet à un site de mettre en mémoire de l’information d’état sur la machine d’un utilisateur. Cette information permet à un site Web (c.-à-d. un serveur) de se souvenir de l’état du navigateur de l’utilisateur. Dans les opérations, en introduisant l’état dans le protocole HTTP, les en-têtes des demandes et des réponses vont et viennent en transportant l’état, ce qui permet au serveur d’origine d’éviter de conserver un registre complet de l’information sur l’«état» de chaque utilisateur ou pour chaque connexion.
[ 58 ] Mme Yeşil nous informe que l’information sur l’«état» peut comprendre une gamme de renseignements. Il s’ensuit que l’information transmise par un utilisateur peut être comprise dans un témoin et, en fin de compte, être repérée et mise en mémoire par un serveur. Avec le temps, les témoins ont apporté aux sites Web (serveurs) la capacité de repérer de l’information de tous genres sur les utilisateurs, comme en témoigne ce passage tiré de la page124:
[traduction] Netscape a promis de désactiver le logiciel de témoin qui pourrait servir pour garder des renseignements sur les utilisateurs au fil du temps.
[ 59 ] Les pages113 à 115 présentent certaines utilisations d’un «témoin», plus précisément, l’identification d’un «utilisateur unique». Selon Mme Yeşil [à la page113], les «témoins» peuvent servir à mettre en mémoire, sur le disque dur du client, de l’information concernant le client et le fait d’identifier un visiteur fréquent permet de personnaliser le site Web à la volée. Un serveur peut reconnaître un utilisateur unique lorsque les données contenues dans le témoin persistant dans l’ordinateur d’un client sont reconnues par le serveur. Certains extraits importants sont reproduits ci-dessous [non souligné dans l’original]:
[traduction]
Vocabulaire du suivi sur le Web
[. . .]
témoin : La capacité de certains navigateurs de permettre à des serveurs Web de stocker des renseignements sur les visites de l’utilisateur sur le site Web, et ce, sur son disque dur dans son ordinateur personnel ou sur son poste de travail. Parce qu’il peut être utilisé pour identifier les visiteurs revenant plus d’une fois, le témoin permet une personnalisation à la volée d’un site Web afin de montrer des articles pour lesquels l’utilisateur a manifesté de l’intérêt au cours de visites précédentes. Le témoin permet également à un serveur Web d’effectuer un suivi de la séquence d’une session sur un site Web, notamment le temps qu’a passé l’utilisateur sur chacune des pages Web.
[. . .]
utilisateurs uniques : Quiconque visite un site Web au moins une fois est reconnu comme étant un utilisateur unique. Si vos fichiers journaux élargis contiennent des données contenues dans le témoin persistant, le logiciel utilise ces données pour reconnaître les utilisateurs uniques. Si aucune donnée contenue dans le témoin n’est disponible, le logiciel utilise un nom d’utilisateur inscrit pour reconnaître les utilisateurs. Si aucun renseignement sur l’inscription n’est disponible, en dernier recours, le logiciel utilise les noms d’hôte Internet des utilisateurs.
[ 60 ] D’après le contenu du livre de Mme Yeşil, la Commission comprend que les capacités de ces témoins s’appliquent aux modèles de suivi, tant en fonction de l’abonnement que de la session. À la page 121, Mme Yeşil déclare ce qui suit à propos de l’utilisation de témoins, sous la rubrique [traduction] « Sites d’abonnement payé » [non souligné dans l’original]:
[traduction]
Diffusion ciblée Des technologies comme les témoins de Netscape commencent à combler l’écart entre ce qui est la compréhension de l’utilisateur et le ciblage de renseignements précis ou personnalisés, du service à l’utilisateur.
[. . .]
Les visites subséquentes à un service transmettent des combinaisons de codes qui renvoient des renseignements ciblés au visiteur, ce qui établit une expérience fondée sur les intérêts.
Dans l’ensemble, les témoins sont devenus des éléments importants de la création des paniers d’achat virtuels dans les magasins sur le Web.
[. . .]
À mesure que le Web évolue vers des visites personnalisées, ciblées et incitatives pour les clients, avec ou sans enregistrement, les achats des consommateurs deviendront de plus en plus impulsifs.
[ 61 ] Ainsi, l’importance des témoins dans la création et la conception de paniers d’achat virtuels était bien connue avant la date de la revendication.
Renseignements sur l’état du suivi dans le livre de Mme Yeşil
[ 62 ] Mme Yeşil décrit les divers types de renseignements qu’un site Web (serveur) peut vouloir repérer. La Commission est d’avis que le type de renseignements sur « l’état » devant être repérés peut être choisi par la personne versée dans l’art, conformément aux exigences opérationnelles.
[ 63 ] La Commission estime que la personne versée dans l’art aurait compris que ces renseignements sur l’état du client peuvent être stockés et récupérés de différentes façons. Par exemple, les administrateurs et les programmeurs du serveur peuvent créer une application de base de données qui repère les données et les stocke, données qu’ils auraient autrement gérées grâce à des témoins. Par comparaison, les témoins fournissent une commodité de programmation, car les renseignements sur l’état sont stockés sur l’ordinateur du client.
[ 64 ] Ces deux modes de suivi des renseignements sur l’état peuvent être tirés du livre de Mme Yeşil. À la page 112, lorsqu’elle décrit le suivi en fonction de la session, elle déclare ce qui suit :
[traduction] Pendant une session, le visiteur se branche sur un site Web, il navigue dans le site et fait quelques opérations et il s’en va. [. . .] Toutes ces activités sont enregistrées ou suivies, au fur et à mesure qu’elles surviennent, par le serveur de cet hôte.
En l’espèce, le serveur effectue un suivi des opérations et des activités d’un utilisateur au cours d’une même session. Ces renseignements sur l’état ont dû être suivis à l’aide d’une liste ou d’une base de données dans le serveur et en essayant de trouver à quel utilisateur ils appartiennent.
[ 65 ] Une autre façon d’effectuer un suivi des renseignements semblables sur l’état est décrite à la page 113, en ce qui concerne les témoins :
[traduction]
Vocabulaire du suivi sur le Web
[. . .]
témoin : [. . .] Le témoin permet également à un serveur Web d’effectuer un suivi de la séquence d’une session sur un site Web, notamment le temps qu’a passé l’utilisateur sur chacune des pages Web.
Par conséquent, un témoin sert à faire un suivi des renseignements sur l’état relativement à la séquence d’une session sur un site Web. Autrement dit, les demandes et les en-têtes de réponse vont et viennent en transportant et en précisant l’état, ce qui permet donc au serveur de récupérer dans la mémoire des renseignements pertinents, liés aux renseignements sur l’état. Par exemple, les renseignements sur l’état contenus dans un témoin pourraient être utilisés par un serveur pour accéder à un profil psychographique (données démographiques, intérêts, etc.) afin d’afficher les renseignements concernant d’autres produits qui pourraient intéresser l’utilisateur (Yeşil, à la page 121).
Analyse - Article 28.3
[ 66 ] Une référence sera faite à notre examen antérieur du livre de Mme Yeşil, aux déclarations contenues dans la présente demande ainsi qu’aux explications supplémentaires fournies par le demandeur à l’audience.
Aperçu : Comparaison du chapitre 4 du livre de Mme Yeşil et de la présente demande
[ 67 ] La présente demande vise principalement à simplifier le processus suivi pour effectuer une transaction de commerce de détail, une fois que le client a décidé d’acheter un article.
[ 68 ] Le chapitre 4 du livre de Mme Yeşil énonce les procédés qui peuvent être employés pour obtenir des renseignements sur les clients éventuels et mentionne de façon générale la vente de produits ou de services sur Internet. En en apprenant davantage sur les client éventuels, il est possible de créer une expérience virtuelle de magasinage en ligne plus intéressante et qui, à son tour, accroît les possibilités qu’une vente soit effectuée. Ce chapitre porte sur le besoin d’en apprendre davantage sur le visiteur du site Web pour pouvoir rendre sa prochaine visite plus agréable. Il traite également du cadre de magasinage en fonction de la session et de l’abonnement.
[ 69 ] Les revendications 1 à 75 ne portent pas sur un suivi, que ce soit en fonction de la session ou en fonction de l’abonnement, ou sur un cadre de magasinage. À l’audience, le demandeur a expliqué que l’invention revendiquée entre dans la catégorie qui est « en fonction de l’abonnement », parce que l’utilisateur doit s’enregistrer pour magasiner sur le site. Toutefois, l’invention comprenait bon nombre des avantages du suivi en fonction de la session parce qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une session pour passer une commande. Dans le cas d’un suivi en fonction de l’abonnement, l’utilisateur s’inscrit et ouvre une session sur un site commercial. Il doit fournir son adresse postale et les renseignements nécessaires à la facturation; ces données sont ensuite stockées pour tout achat ultérieur. Le site commercial peut offrir une expérience de magasinage beaucoup plus personnalisée aux clients qui visitent à nouveau le site. De plus, le suivi en fonction de l’abonnement permet aux acheteurs de ne pas avoir à fournir les renseignements sur leur compte lorsqu’ils passent d’autres commandes.
[ 70 ] À l’audience, le demandeur a fait ressortir les principales caractéristiques distinctives de l’invention revendiquée, à savoir passer une commande sans avoir à ouvrir une session et passer une commande en une seule opération (commander en « un seul clic »). Le code d’utilisateur d’un client, qui est inséré dans le fichier de témoins, met en oeuvre les caractéristiques au moyen desquelles le serveur reconnaît un ordinateur unique (ou un utilisateur) parce qu’il reconnaît l’identificateur inclus dans le témoin transmis au moment de commander l’article. L’utilisateur doit avoir préalablement fourni les renseignements sur son compte pour que ce procédé de commande puisse être utilisé. Le demandeur a souligné à l’audience que, bien que la technologie propre aux témoins ait été connue antérieurement, l’utilisation particulière de cette technologie dans les revendications en litige était inconnue.
[ 71 ] Parmi les autres caractéristiques auxiliaires soulignées par le demandeur, on retrouve les suivantes : ouverture de session par l’utilisateur afin de modifier les informations sur son compte; combinaison automatique de plusieurs commandes en une seule commande et affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
Caractéristiques distinctives invoquées par le demandeur
[ 72 ] D’après les déclarations faites au cours de l’audience, le demandeur prétend que l’invention revendiquée se distingue au regard de l’antériorité sur les points suivants :
i. la caractéristique qui permet à l’utilisateur de passer une commande en une seule opération, sans étape de confirmation et sans devoir saisir à nouveau les renseignements précis sur son compte dans une autre page pour passer d’autres commandes;
ii. la nouvelle utilisation qui est faite des témoins, surtout pour ce qui est de l’extraction de renseignements précis sur le compte d’un acheteur (l’adresse postale et les renseignements nécessaires à la facturation d’un utilisateur unique), lesquels avaient été préalablement stockés;
iii. l’avantage pour l’utilisateur inscrit de pouvoir passer une commande sans avoir à ouvrir une session, tout en conservant les avantages qui lui sont conférés à titre d’utilisateur inscrit;
iv. la réduction des frais généraux afférents à l’utilisation d’une ressource informatique du fait que moins d’étapes sont nécessaires pour passer une commande;
v. autres caractéristiques auxiliaires :
(1) ouverture de session par l’utilisateur afin de modifier les informations sur son compte;
(2) combinaison automatique de plusieurs commandes en une seule commande;
(3) affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
[ 73 ] L’idée originale commune à toutes les revendications comprend les caractéristiques i. et ii. susmentionnées, qui offrent les avantages dont il est question aux paragraphes iii. et iv. La Commission devra maintenant examiner chaque caractéristique pour la comparer avec le dossier des antériorités. Si la Commission conclut de chacune de ces caractéristiques qu’elle démontre un manque d’inventivité, elle doit aussi apprécier la combination des caractéristiques comme ensemble. Cette approche correspond à ce que la juge Snider a déclaré dans l’arrêt Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 204, 32 C.P.R. (4th) 224, aux paragraphes 93 à 95. Si l’une ou l’autre des caractéristiques est considérée comme étant non évidente, la revendication n’est donc pas évidente.
Informations sur le compte : stocker et extraire les codes d’utilisateur (témoins)
[ 74 ] L’examinatrice a cité un extrait du Journal of Design Science pour montrer que le code d’utilisateur d’un client est intrinsèque à l’utilisation de témoins et qu’un serveur peut utiliser le code d’identification d’un client (témoin) [traduction] « comme moyen pour stocker tout renseignement que le visiteur a fourni au cours de visites précédentes ». La date de publication du Journal of Design Science n’a pas été établie comme étant antérieure à la date de la revendication de la présente demande. Par conséquent, la Commission ne tient pas compte de ce passage pour ce qui est du caractère évident.
[ 75 ] Toutefois, à l’audience, le demandeur a déclaré qu’il était acquis que les témoins étaient bien connus avant la date de la revendication comme il est énoncé dans les deux références citées; qu’ils agissaient comme des identificateurs de clients ayant un code d’identification unique (particulier à l’ordinateur); et que les identificateurs de clients pouvaient être utilisés à diverses fins de suivi.
[ 76 ] La façon dont l’identificateur du client fonctionne dans la présente demande est décrite à la page 12 (lignes 4 à 10), en ces termes [non souligné dans l’original]:
[traduction] À l’étape 301, le système serveur récupère l’identificateur du client qui a été envoyé par le système-client. À l’étape 302, le système serveur met à jour l’identificateur du client ou la table de données d’entrée du client afin de montrer que l’identificateur du client généré a été associé à ce client.
[. . .]
La prochaine fois que l’acheteur tente de commander un article, le système-client fournira son identificateur du client au système serveur [. . .] le système serveur présumera que l’acheteur est le client qui est associé avec cet identificateur du client dans le champ « identificateur du client ou table de données d’entrée » du client.
[ 77 ] Compte tenu du livre de Mme Yeşil et des déclarations faites par le demandeur à l’audience, la Commission conclut que la façon d’appliquer les identificateurs de clients dans la présente demande était classique et bien connue à la date de la revendication.
[ 78 ] Ce qui diffère dans la présente demande tient au fait que l’identificateur du client sert à récupérer les renseignements sur le compte.
[ 79 ] Nous notons qu’il était bien connu, à la date de la revendication, que les serveurs stockaient et récupéraient des renseignements à jour sur le compte au serveur afin de passer des commandes. C’est de cette façon que fonctionnent les modèles de magasinage fondés sur l’abonnement et, comme l’a expliqué le demandeur, il s’agit du modèle de magasinage dont s’inspire l’invention revendiquée.
[ 80 ] En conséquence, la variante dans l’utilisation de l’identificateur est le type de renseignement qu’il récupère. C’est‑à‑dire que les renseignements précis sur le compte de l’acheteur sont stockés au moyen de l’identificateur, et ce dernier est utilisé pour y avoir accès, tout comme d’autres renseignements sur l’état.
[ 81 ] De l’avis de la Commission, il n’est pas déterminant de savoir si les renseignements qui sont liés à un identificateur du client conduisent à un utilisateur unique, à des articles qui intéressent l’utilisateur ou à d’autres renseignements personnels qui peuvent être disponibles sur le serveur à propos de cet utilisateur. Par exemple, les renseignements qui sont conservés sur un site d’abonnement où l’utilisateur est enregistré. Le fait qu’un serveur puisse reconnaître un utilisateur unique au moyen d’un témoin et l’utilisation de cette reconnaissance correspondent à une capacité technologique ou à l’effet qui se retrouve dans l’invention revendiquée. Cette capacité technologique était connue avant la date de la revendication. La différence dans le type de renseignements n’est pas importante, du point de vue de la brevetabilité.
[ 82 ] Mme Yeşil énumère d’autres utilisations semblables des témoins, par exemple pour repérer un site Web qui a été visité par l’utilisateur et pour effectuer le suivi de la séquence d’une session sur un site Web. De plus, il est évident qu’un témoin peut être désigné pour transporter des indicateurs d’articles comme des renseignements sur l’état, lesquels peuvent être utilisés par un serveur pour récupérer des entrées pertinentes, liées à chacun des articles, comme la disponibilité, le prix, la description, les images, etc. Au besoin, un serveur peut être programmé pour afficher l’un ou l’autre de ces renseignements sur une ou plusieurs pages Web. La capacité technologique sous-jacente des témoins est la même.
[ 83 ] La Commission conclut que l’utilisation particulière d’un témoin pour récupérer des renseignements précis sur le compte de l’acheteur qui étaient déjà stockés est évidente.
[ 84 ] Bien que cette utilisation particulière reconnaisse un nouveau type de renseignements sur l’état devant être récupérés, la Commission estime que cet aspect ne constitue pas une étape inventive. Il est clair que tout renseignement transmis entre un client et le serveur peut être un renseignement sur l’état. De plus, il ressort de la présente demande qu’il était connu que les serveurs pouvaient suivre des renseignements précis sur le compte de l’acheteur, sans que le client n’ait à ouvrir de session. Il est expressément fait référence à la page 3 de la présente demande (Documentation relative à l’invention) qui, d’après ce que le demandeur a déclaré (à l’audience), concerne le modèle de magasinage en fonction de la session [non souligné dans l’original]:
[traduction] Le choix des divers articles dans les catalogues électroniques repose généralement sur le modèle du « panier d’achat virtuel ». Lorsque l’acheteur choisit un article dans le catalogue électronique, l’ordinateur serveur ajoute métaphoriquement cet article au panier d’achat virtuel. Lorsque l’utilisateur a fini de choisir les articles qu’il souhaite acheter, tous les articles se trouvant dans le panier d’achat virtuel sont « confirmés » ( c’est-à-dire commandés), au moment où l’acheteur donne son adresse postale et les renseignements nécessaires à la facturation. Dans certains modèles d’achat en ligne, lorsque l’acheteur choisit un article, cet article est « confirmé » de manière automatique en invitant l’utilisateur à fournir son adresse postale et les renseignements nécessaires à la facturation.
[. . .]
Par exemple, l’acheteur choisit les divers articles dans le catalogue électronique et ensuite, il fait savoir qu’il a terminé ses achats. L’acheteur est ensuite dirigé vers une page de commande électronique, où il est invité à fournir les renseignements nécessaires pour que la commande puisse être traitée. Cette page Web peut être pré-remplie avec les renseignements fournis par l’acheteur dans le cadre d’une commande précédente.
[ 85 ] Puisque les données remplies au préalable, dont il a été question à la page 3, sont les renseignements précis sur le compte de l’acheteur qui ont été transmis au serveur dans le cadre d’une autre commande passée plus tôt pendant la session, ces renseignements doivent donc être suivis par le serveur. Dans son livre, Mme Yeşil définit le modèle de magasinage en fonction de la session comme étant un modèle où [traduction] « aucun renseignement sur le client n’est stocké dans le système après sa visite sur le site ». Elle dit également qu’il n’est pas nécessaire de s’inscrire ou d’ouvrir une session dans le modèle de magasinage en fonction de la session. Par conséquent, la Commission conclut que les renseignements précis sur le compte de l’acheteur seraient suivis de la même manière que les autres renseignements sur l’état.
[ 86 ] Il n’est toutefois pas question, à la page 3, des mécanismes qui seraient utilisés pour suivre l’état des renseignements précis sur le compte de l’acheteur. Toutefois, du fait que Netscape (Yeşil, pages 124 et 125) prévoit qu’un témoin peut être utilisé à titre [traduction] « de dispositif de reconnaissance ou d’application côté client pour connaître l’état des renseignements », la Commission est d’avis qu’il n’y a aucune inventivité dans le suivi de l’état des renseignements précis sur le compte de l’acheteur.
[ 87 ] La Commission conclut que l’utilisation particulière d’un témoin pour extraire les renseignements précis sur le compte de l’acheteur, lesquels étaient préalablement stockés au serveur, constitue un élément qui aurait été évident pour une personne versée dans son art. Toutefois, il ne s’agit que de l’un des aspects de l’invention revendiquée, et les différents aspects de l’invention ne peuvent pas être évalués de manière isolée.
Passer une commande d’une simple opération (ou commander en un seul clic)
[ 88 ] L’examinatrice a cité un extrait du livre de Mme Yeşil, à la page 326, plus particulièrement le paragraphe intitulé [traduction] « Option d’achat instantané ». La page 326 du livre de Mme Yeşil est incluse à l’annexe F, intitulée [traduction] « Le système marchand de Netscape » (pages 321 à 337). Ce système, développé par Netscape, comprend un ensemble de programmes informatiques qui permettent au vendeur de monter un site de magasinage en ligne et de faire un suivi des ventes et de l’inventaire.
[ 89 ] À l’audience, le demandeur a fait valoir que, selon le paragraphe de la page 326 du livre de Mme Yeşil, c’est seulement la vérification de confirmation (c’est-à-dire l’étape de la vérification du contenu du panier d’achat virtuel) qui est éliminée, mais il n’est pas question d’une commande passée en une seule opération.
[ 90 ] Le seul paragraphe extrait de la page 326 auquel l’examinatrice fait référence se lit comme suit :
[traduction]
Option d’achat instantané
Les marchands peuvent également mettre à la disposition des acheteurs un bouton « achat instantané » pour certains articles ou pour tous les articles, ce qui leur permet de passer la vérification de confirmation. Cette fonction a un attrait supplémentaire pour les clients qui savent déjà quel article ils souhaitent acheter dans le cadre de leur séance de magasinage en ligne.
Il n’est nullement question de la manière dont fonctionne cette caractéristique.
[ 91 ] La Commission a examiné les pages 328, 331 et 334 du livre de Mme Yeşil pour trouver des renseignements supplémentaires sur l’option d’achat instantané dont il est question à l’annexe F, intitulée [traduction] « Le système marchand de Netscape ». Certains extraits sont reproduits ci-après [non souligné dans l’original] :
[traduction]
Serveur pour transaction
Le serveur pour transaction offre une vaste gamme de services de traitement de transactions, notamment la vérification, le traitement de carte de crédit en temps réel, le traitement d’une commande, l’expédition et la livraison automatisées d’une commande, et la collecte de renseignements utilisés pour produire des rapports d’archivage et de vérification.
[. . .]
Bon de commande personnalisé
Le système marchand de Netscape est doté d’un bon de commande très souple que les marchands peuvent personnaliser pour qu’il corresponde au choix de leur marque et remplisse leurs exigences en matière de traitement d’une commande. Ce bon permet aux marchands d’enregistrer des données importantes sur la facturation, l’expédition et la carte de crédit et de personnaliser les messages pour les commandes qui sont passées. (Voir la figure F.5.)
[. . .]
Analyse des ventes
Afin de conserver un avantage concurrentiel sur le marché en rapide évolution du milieu des années 1990, les marchands doivent déceler les tendances en matière d’habitudes d’achat, et s’y conformer rapidement. Le serveur pour transaction agit à titre d’organe d’archivage pour les renseignements sur les achats, ce qui permet aux marchands d’effectuer des analyses et de procéder rapidement à des modification de gamme de produits ou de prix.
La figure F.5, intitulée [traduction] « Fournir les renseignements nécessaires à la facturation et à l’expédition », et qui se trouve à la page 331, montre le bon de commande personnalisé. Il s’agit du bon de commande qui permet aux marchands d’enregistrer des données sur la facturation, l’expédition et la carte de crédit pour les commandes qui sont passées. Le bon de commande comprend, au bas de la page, un bouton permettant de poursuivre la vérification, ce qui laisse présager qu’une vérification plus approfondie sera effectuée. Bien qu’il soit précisé que les renseignements concernant l’acheteur sont stockés, aucune explication n’est donnée sur l’utilisation qui est faite de ces renseignements si l’utilisateur choisit l’option lui permettant de faire un achat instantané.
[ 92 ] L’examen que nous avons fait du « système marchand de Netscape » donne à penser qu’après avoir saisi les renseignements nécessaires à la facturation et à l’expédition, il y a une autre étape, soit la poursuite de la vérification. Le bouton qui permet de faire un achat instantané peut orienter la personne versée dans l’art vers un moyen plus rapide de commander en ligne, mais il ne donne pas à penser qu’il faille une seule opération pour passer une commande instantanément.
[ 93 ] La Commission conclut que Mme Yeşil ne divulgue pas l’exécution d’une opération unique pour passer une commande instantanément, comme les revendications 1 à 75 le décrivent.
Autres avantages
[ 94 ] Rien n’indique, d’après l’état antérieur de la technique, de modifier un modèle de magasinage en fonction de l’abonnement pour que, d’un clic, un identificateur du client (témoin) soit envoyé en même temps que les renseignements afférents à la commande d’un article, ce qui permet donc d’extraire les renseignements précis sur le compte de l’acheteur, de sorte que la commande soit passée de manière instantanée.
[ 95 ] Les avantages d’un processus de commande simplifié de cet ordre, que le demandeur a soulignés, marquent une certaine ingéniosité (ou étape inventive). Cela ne veut pas dire que le fait de pouvoir commander instantanément un article dans un système de suivi en fonction de l’abonnement, sans avoir à ouvrir de session, et la simplification des étapes de la commande qui réduit le traitement informatique, sont de nature technologique. Ce facteur sera important dans le cadre de l’analyse de l’objet brevetable.
[ 96 ] Un aspect de l’invention semble être l’idée d’accélérer le processus de commande. La motivation qui existe derrière cette idée comporte sans aucun doute une appréciation de la psychologie du consommateur et des stratégies de commercialisation destinées au consommateur, pour le convaincre d’acheter en s’assurant une gratification instantanée de possession grâce à une seule opération. On peut soutenir qu’une fois la commande en une seule opération conçue dans le contexte du magasinage en ligne, il est facile de mettre en oeuvre le recours à la technologie des témoins à portée de main pour lui donner une forme exploitable. Toutefois, comme il a été dit dans la décisionCanadian Gypsum Co. c. Gypsum, Lime & Alabastine, CanadaLtd., [1931] Ex. C.R. 180:
[traduction] [L]’esprit inventif nécessaire pour étayer un brevet valide peut être découvert dans l'idée sous-jacente ou dans l'application pratique de cette idée, ou dans l'une et l'autre. Il peut arriver que l'idée ou la conception soit méritoire, mais qu'une fois suggérée, cette application soit très simple [. . .]
[ 97 ] Aurait-il été évident, pour le technicien versé dans son art, de l’avis de Mme Yeşil, de modifier un modèle de magasinage en fonction de l’abonnement, de sorte qu’il soit possible de faire une commande instantanément, sans devoir ouvrir une session? Le «système marchand de Netscape» présenté dans l’ouvrage de MmeYeşil oriente la personne versée dans l’art dans la direction générale qui consiste à éliminer la vérification de confirmation en utilisant un bouton achat instantané. La Commission a conclu qu’aucune inventivité n’aurait été nécessaire à la date de la revendication pour extraire les renseignements précis sur le compte de l’acheteur qu’un utilisateur a saisis au cours d’une session antérieure, en se fondant sur la reconnaissance de l’identificateur du client associé à cet utilisateur. Toutefois, cela ne suffit pas pour conclure qu’en l’occurrence, la personne versée dans l’art et chargée de régler le problème général de simplifier le processus de commande traditionnel aurait été conduite à lier un bouton achat instantané dans le système Netscape à la technologie des témoins (identificateurs), pour permettre les commandes instantanées.
[ 98 ] Comme il a déjà été dit, la présente demande est axée sur la simplification du processus suivi pour réaliser une transaction de commerce de détail, une fois que le client a décidé d’acheter un article. Le problème général traité dans les passages cités du livre de Mme Yeşil tient à la commercialisation de produits auprès de consommateurs en repérant de l’information à leur sujet. Même si le livre de Mme Yeşil est connexe à l’invention revendiquée, il ne traite pas essentiellement des problèmes de traitement des transactions et de ces solutions. Autrement dit, il n’y a pas assez d’information dans le livre de Mme Yeşil pour régler l’aspect distinctif du processus de commande en une seule opération visé par la présente demande.
Conclusions: Article28.3
[ 99 ] La Commission conclut que le technicien versé dans son art n’aurait pas été directement conduit à concevoir, sans difficulté, les éléments visés par les revendications 1 à 75.
La démarche établie dans l’arrêt Sanofi pour l’examen relatif à l’évidence
[ 100 ] Postérieurement à l’audience, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Sanofi [précitée], où elle énonce l’approche à suivre pour évaluer le caractère évident dans les termes suivants :
[67] Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37, [2007] EWCA Civ 588 (par. 23) :
Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :
(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».
b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.
(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.
(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;
(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité? [Je souligne.]
[ 101 ] Afin de vérifier notre conclusion, une analyse est présentée ci-après; elle suit la démarche présentée dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli à propos du caractère évident, comme l’arrêt de la Cour suprême l’a énoncée. La justification de la conception que se fait la Commission de l’idée originale, des connaissances générales courantes et de ce qui est qui est signifié par l’antériorité citée sont des aspects qui se trouvent dans l’analyse relative au caractère évident ci-dessus.
(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »
La personne versée dans l’art est versée en matière de modèles ou de techniques de vente au détail électronique, de commerce électronique, de développement Web, de commercialisation et de psychologie du consommateur.
(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne
La personne versée dans l’art comprend la notion de magasinage en ligne et la technologie générale s’y rapportant, ainsi que les modèles traditionnels de confirmation en ligne dans le contexte du magasinage. La personne versée dans l’art comprend la technologie des témoins et les manières d’appliquer cette technologie dans l’Internet. La personne versée dans l’art connaît les pratiques courantes dans la vente au détail, comme la capacité d’offrir d’annuler une commande et d’enregistrer de l’information sur le compte de l’utilisateur pour des grandes transactions ou des ventes au détail personnalisées.
(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation
Un aspect de l’idée originale, commun à toutes les revendications, est la simplification de la méthode traditionnelle de commande en ligne au moyen de la « commande en une seule opération ». Alors qu’auparavant, des étapes de confirmation précises, notamment une page de confirmation, étaient prévues, l’invention revendiquée offre au client la possibilité de faire une « commande en une seule opération » pour une confirmation instantanée. La règle ou la pratique largement acceptée en matière de magasinage qui consiste à « confirmer » en fournissant une page de confirmation est éliminée. L’idée originale comprend aussi le recours à la technologie connue des témoins pour extraire du serveur les renseignements précis sur le compte de l’acheteur qui sont mis en mémoire et faire instantanément une commande.
(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation
En ce qui concerne la « commande en une seule opération », le «bouton achat instantané » utilisé dans le « système marchand de Netscape», et dont il est question à la page 326 du livre de Mme Yeşil, élimine la vérification de confirmation, mais pas la confirmation même. Ainsi, alors que l’antériorité prévoit une page de confirmation, l’invention revendiquée offre au client l’option de commander instantanément un article par la « commande en une seule opération ».
En ce qui concerne le recours, dans l’idée originale, à la technologie connue des témoins, comme il a été dit ci-dessus, la Commission a conclu que la manière d’appliquer les identificateurs des clients dans la présente demande était conventionnelle ou bien connue à la date de la revendication. Ce qui diffère est le fait que les renseignements précis sur le compte de l’acheteur soient mis en mémoire et consultés au moyen d’un identificateur, simplement comme d’autres renseignements sur l’état. Autrement dit, le recours à la technologie connue des témoins dans l’idée originale (précisée ci-dessus) diffère de l’état de la technique en ce qui concerne le type de renseignements extraits au moyen de l’identificateur.
(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?
En ce qui concerne l’extraction de renseignements précis sur le compte d’un acquéreur spécifique, comme nous l’avons déjà indiqué, la Commission statue qu’il n’y a aucune inventivité dans le fait de modifier le type de renseignements que l’identificateur permet d’extraire. Par conséquent, il n’y a aucun élément inventif à l’utilisation particulière d’un témoin ou d’un identificateur du client, comme il est allégué. Toutefois, la Commission statue que la fonction permettant de passer une commande d’un simple geste, tirée de l’idée originale, n’aurait pas constitué une étape évidente parce que les avantages dénotent une certaine ingéniosité.
[ 102 ] En appliquant la démarche à quatre volets proposée dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli et reformulée dans l’arrêt Sanofi, nous arrivons à la même conclusion que celle qui est énoncée ci-dessus, savoir que les revendications 1 à 75 ne sont pas évidentes.
Caractéristiques auxiliaires
[ 103 ] Chacune des soixante-quinze revendications est aussi limitée par au moins une des caractéristiques suivantes, savoir :
- ouverture de session par l’utilisateur afin de modifier les informations sur son compte;
- combinaison automatique de plusieurs commandes en une seule commande;
- affichage d’un message selon lequel la commande peut être annulée dans un certain délai.
[ 104 ] Quant à la première des trois caractéristiques supplémentaires, savoir de modifier ou de mettre à jour les informations sur le compte en ouvrant une session, la Commission conclut qu’en raison du modèle d’abonnement pour l’ouverture de session dont il est question dans le livre de Mme Yeşil, il s’agit d’un objet évident en soi.
[ 105 ] Puisque nous avons conclu, sans procéder à l’analyse des caractéristiques auxiliaires, que l’invention revendiquée est non évidente, il n’est pas nécessaire d’évaluer si l’antériorité contient un enseignement sur le plan de ces caractéristiques. Toutefois, une question substantielle aurait été soulevée si les conclusions que nous avons formulées ci-dessus sur le caractère évident avaient été différentes. Nous formulons donc les commentaires qui suivent dans le but de donner des précisions si un tel cas venait à se produire.
[ 106 ] Pour ce qui est des deux autres caractéristiques, nous avons pu constater que chacune d’elles vise à régler un problème différent de celui qui est commun à l’ensemble des revendications sur la manière de passer une commande. Les revendications 33 et 60, qui prévoient que l’acquéreur a un certain délai pour annuler la commande, abordent la question de la satisfaction de la clientèle après la passation d’une commande. Quant aux revendications 19 et 51, qui offrent la possibilité de combiner plusieurs commandes en une seule, elles permettent d’aborder la question du rendement efficace dans l’expédition à la même adresse des articles commandés.
[ 107 ] Cette situation a été examinée par la Chambre des lords dans l’arrêt Sabaf [précité], aux paragraphes 22 à 26, où lord Hoffmann a déclaré ce qui suit [non souligné dans l’original] :
[traduction]
24. À mon avis, l’approche préconisée par la Cour d’appel va à l’encontre de principes bien établis, tant en Angleterre qu’à l’Office européen des brevets (OEB), ainsi qu’il ressort de la citation de lord Tomlin et des directives de l’OEB auxquelles j’ai fait référence. Je conviens tout à fait qu’il n’existe aucune loi de la combinaison pour ce qui est de nuancer le critère d’évidence prévu à l’article 3 de la loi, ou d’y faire exception. Mais avant de pouvoir appliquer l’article 3 et de vous demander si l’invention comporte une activité inventive, vous devez d’abord déterminer quelle est l’invention. En particulier, vous devez décider s’il s’agit d’une seule invention, ou de deux inventions ou plus. Deux inventions n’en deviennent pas une seule du fait qu’elles sont incorporées dans la même structure matérielle. Une automobile compacte peut comprendre bon nombre d’inventions indépendantes les unes des autres, mais toutes conçues pour atteindre l’objectif global qui est d’avoir une voiture compacte. Cela ne fait pas de l’automobile une seule invention.
[. . .]
26. Les directives de l’OEB prévoient que [l]’invention revendiquée doit normalement être considérée comme un tout . Par ailleurs, on ne doit pas considérer comme un tout ce qui, en réalité, correspond à deux inventions distinctes. En fait, les directives énoncent le principe suivant lequel on décide s’il s’agit ou non d’une seule invention. En cas d’interaction entre les deux unités, donc s’il y a un effet de synergie, celles-ci constituent une seule invention ayant un effet combiné, et l’on applique l’article 3 à l’idée de combiner ces unités. Si chaque unité « exécute sa fonction propre indépendamment de toutes les autres », chaque unité est considérée, aux fins de l’article 3, comme une invention distincte, et il faut une demande séparée pour chaque unité. Voilà, à mon avis, ce qu’entendait le juge Laddie par « loi de la combinaison ».
[ 108 ] Nous inspirant de l’arrêt Sabaf, nous estimons que la méthode à employer pour examiner les caractéristiques revendiquées qui semblent régler des problèmes différents est la suivante : 1) recenser les différentes caractéristiques ayant permis de résoudre chaque problème; 2) vérifier s’il y a réellement au moins deux inventions distinctes en s’assurant que les caractéristiques qui permettent de résoudre un problème exercent leur fonction indépendamment de celles permettant de régler les autres problèmes; et 3) évaluer de manière distincte l’ensemble des caractéristiques constituant chaque invention différente pour ce qui est de la nouveauté et de l’évidence, selon la preuve habituelle (l’antériorité, les connaissances communes générales et la demande elle‑même) et les arguments présentés.
[ 109 ] Dans le cas qui nous intéresse, il n’a pas été soutenu qu’il s’agissait d’inventions différentes. Il n’a pas non plus été question d’une antériorité pour les caractéristiques supplémentaires. Toutefois, comme nous l’avons déjà souligné, le résultat en l’espèce aurait été le même, du fait que la Commission a déjà conclu que les revendications n’auraient pas été évidentes, et ce, sans même examiner les caractéristiques subsidiaires.
OBJET VISÉ PAR LA LOI : ARTICLE 2
[ 110 ] Dans la présente partie, les expressions « objet brevetable » et « objet visé par la loi » sont interchangeables.
Thèse de l’examinatrice
[ 111 ] Dans la décision finale, l’examinatrice a rejeté toutes les revendications, ainsi que l’intégralité de la demande, et ce, en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Elle a déclaré notamment :
[traduction] Aucune nouvelle science ou connaissance n’a contribué à un état de la technique ou à une antériorité autre que ce qui avait déjà été enseigné, ou ce qui était déjà connu par Mme Yeşil et le Journal of Design Science, en rapport avec la technologie d’Internet. Les caractéristiques techniques sous-jacentes du système demeurent les mêmes. L’ajout de l’option permettant d’acheter un article d’un simple clic est perçu comme un changement mineur apporté au système de passation des commandes ou au modèle opérationnel suivi au moment d’utiliser le système client-serveur actuel. La fonction du simple clic est une caractéristique présente dans un système commun, ce n’est pas un système en soi, et on peut y parvenir en utilisant une technologie informatique commune, ainsi que la technologie d’Internet. Ainsi, l’objet de la présente demande, considéré comme un tout, n’est pas brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
Les revendications 1 à 45 et les revendications 51 à 75 décrivent les méthodes utilisées pour passer des commandes au moyen d’un système informatique. Aucune de ces méthodes ne constitue une méthode d'exploitation d'une machine inventive ou ne donne un produit vendable. Ces revendications ne décrivent pas des méthodes visant à donner des résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce, au sens où les tribunaux l’entendent. L’Office estime qu’une méthode donne des résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce, lorsqu’il s’agit d’une méthode d'exploitation d'une machine inventive ou lorsqu’une méthode donne un produit vendable. Aucune méthode décrite dans ces revendications ne porte sur une réalisation manuelle ou de production (il s’agit plutôt de compétences professionnelles, au sens généralement donné à cette expression par les tribunaux) ni ne constitue une « réalisation » au sens de l’article 2. Le fait qu’un système informatique traditionnel soit utilisé pour mettre en œuvre le mécanisme de passation de commandes (revendications 46 à 50) ne change pas la nature de l’objet. Comme l’a dit la Cour, le fait qu’un ordinateur soit utilisé, ou devrait l’être, n’ajoute rien à la brevetabilité d’une découverte et ne lui enlève rien non plus. Une méthode qui ne donne pas de résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce ne peut pas être brevetée, simplement parce qu’elle est exploitée sur un ordinateur. L’objet des revendications 1 à 75 est, par conséquent, non brevetable, et les revendications sont rejetées en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
La réponse du demandeur
[ 112 ] Dans sa réponse, le demandeur a déclaré que les revendications portaient sur un objet visé par la loi. Il a déclaré notamment :
[traduction] En ce qui concerne l’objection soulevée quant à l’objet visé par la loi, l’examinatrice prétend qu’« [a]ucune nouvelle science ou connaissance n’a contribué à un état de la technique ou à une antériorité autre que ce qui avait déjà été enseigné, ou ce qui était déjà connu par Mme Yeşil et le Journal of Design Science, en rapport avec la technologie d’Internet. » Il semble s’agir de la réitération de l’objection pour cause d’évidence soulevée par l’examinatrice. Comme il a été énoncé ci-dessus, cette objection est basée sur une mauvaise qualification de la question par Mme Yeşil.
Je demande à l’examinatrice de bien vouloir examiner le dernier arrêt rendu sur le sujet par la Cour suprême du Canada, soit Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), 2002 C.S.C. 76 (ci-après désignée l’affaire de la souris de Harvard). Dans l’affaire de la souris de Harvard, la Cour devait décider si les revendications visant les formes de vie supérieures avaient trait au sens des mots « fabrication » ou « composition de matières » prévus à l’article 2. La Cour a statué que, bien que la définition prévue à l’article 2 soit générale, ces mots n’englobent pas les formes de vie supérieures. Les revendications contenues dans le brevet en cause dans l’affaire de la souris de Harvard, qui précise la méthode utilisée pour obtenir les formes de vie supérieures, ont d’abord été accueillies par l’examinateur (et n’ont jamais constitué un point en litige en première instance) parce que la méthode est clairement visée par le sens du mot « procédé » prévu à l’article 2. La Cour a dit clairement que les termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets doivent être interprétés « en suivant le sens ordinaire et grammatical ».
Par conséquent, il s’ensuit que les revendications de la demande afférentes aux méthodes (revendications 1 à 43 et revendications 51 à 75) sont visées par le sens des mots « procédé » et « réalisation », et que celles qui concernent le système d’un client (revendications 44 à 50) le sont au moins par le sens d’un des mots suivants : « machine », « fabrication » ou « composition de matières », de sorte que toutes les revendications actuellement en suspens se rapportent à un objet visé par la loi.
L’assertion de l’examinatrice selon laquelle les méthodes faisant l’objet de revendications dans la présente demande ne donnent pas de « résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce » n’est pas fondée. Les méthodes revendiquées dans la présente demande visent à permettre à un utilisateur de commander un article en une seule opération, ce qui donne certainement des résultats économiques en rapport avec les métiers ou le commerce. Les méthodes revendiquées offrent à l’exploitant d’un système informatisé de passation de commandes des outils précieux pour améliorer la manière dont l’utilisateur passe des commandes, ce qui augmente la probabilité que l’utilisateur commande à nouveau des articles à partir du site de l’exploitant. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit de résultats essentiellement économiques.
Si la déclaration de l’examinatrice selon laquelle « [l]’Office estime qu’une méthode donne des résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce, lorsqu’il s’agit d’une méthode d'exploitation d'une machine inventive ou lorsqu’une méthode donne un produit vendable» est exacte, le demandeur prétend que la qualification de résultats qui sont essentiellement économiques par l’Office est plus restrictive que ce que prévoient la Loi sur les brevets, les Règles sur les brevets et les décisions pertinentes rendues par les tribunaux. Par exemple, dans l’arrêt Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 101, aux pages 109 et 110, la Cour a déclaré ce qui suit :
Dans l’ancien droit des brevets, on considérait qu’une invention devait consister en une substance que l’on pouvait vendre et que, sauf si on inventait une nouvelle substance par un nouveau procédé, l’invention ne pouvait pas donner lieu à un brevet, mais que si on inventait une nouvelle substance, par un nouveau procédé, l’invention qui pouvait être brevetée était la substance et non pas le procédé. On confondait alors la fin et les moyens. Cependant il est maintenant reconnu que si l’invention est un moyen et non pas une fin, l’inventeur a droit à un brevet sur ce moyen. (Non souligné dans l’original.)
De plus, comme il a été mentionné ci-dessus, les méthodes revendiquées dans la présente demande visent à permettre à un utilisateur de commander un article en une seule opération. Ces méthodes peuvent être comprises dans un produit vendable, notamment un système ou un programme informatique qui permet aux utilisateurs de passer des commandes en une seule opération.
Pour ce qui est de la déclaration de l’examinatrice selon laquelle les méthodes revendiquées dans la présente demande portent sur des « compétences professionnelles », je soutiens respectueusement qu’elle est inexacte. Aucune des revendications en cause n’exige d’avoir des compétences professionnelles ou de faire preuve de jugement pour que la méthode soit efficace.
Précisions données au cours de l’audience
Nature du rejet
[ 113 ] La réponse à la décision finale donne à penser qu’il règne une certaine confusion quant à savoir si l’objection soulevée par l’examinatrice porte sur l’évidence ou l’objet visé par la loi. Dans une lettre en date du 30 juillet 2008, la Commission donne des précisions sur l’objection soulevée en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Elle déclare notamment ce qui suit :
[traduction] La Commission estime que le rejet en vertu de l’article 2 est examiné en fonction de la question de savoir si l’essence de l’invention revendiquée, ou ce qui a été ajouté à la connaissance humaine (en l’espèce, dans le domaine de la technologie de commande en ligne), est un objet non visé par la loi parce qu’il n’est pas compris dans l’une des catégories d’invention . Cette question devrait être examinée par le demandeur à titre e motif tout à fait distinct des critères de la nouveauté et de l’évidence.
[ 114 ] À l’audience, le demandeur a repris l’argument selon lequel le critère de l’objet visé par la loi, utilisé par l’examinatrice dans la décision finale, est inopportun. Le demandeur a tiré certains extraits de la décision finale, notamment « nouvelle science ou connaissance » et les « caractéristiques techniques sous-jacentes du système demeurent les mêmes », pour soutenir que l’objection soulevée en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets constituait une appréciation de l’inventivité. La Commission a précisé que, pour établir ce qui a été ajouté à la connaissance humaine, il faut d’abord évaluer ce qui est connu, avant de vérifier si l’invention revendiquée peut être incluse dans l’une des catégories d’objet brevetable.
[ 115 ] La Commission reconnaît que l’expression « nouvelle science ou connaissance » provient de l’arrêt Shell Oil c. Commissaire des brevets (1982), 67 C.P.R. (2e) 1, à la page 11 (C.S.C) [Shell Oil]. Selon la Commission, l’arrêt Shell Oil aborde la question de l’objet visé par la loi, et elle est d’avis que les termes « science » et « connaissance » ont été utilisés dans ce sens.
[ 116 ] Les déclarations de l’examinatrice auxquelles le demandeur renvoie sont reprises ci-après [non souligné dans l’original] :
[traduction] Aucune nouvelle science ou connaissance n’est apporté à l’état de la technique ou à l’antériorité autre que ce qui avait déjà été enseigné, ou ce qui était déjà connu par Mme Yeşil et le Journal of Design Science, en rapport avec la technologie d’Internet. Les caractéristiques techniques sous-jacentes du système demeurent les mêmes. L’ajout de l’option permettant d’acheter un article d’un simple clic est perçu comme un changement mineur apporté au système de passation des commandes ou au modèle opérationnel suivi au moment d’utiliser le système client-serveur actuel. La fonction du simple clic est une caractéristique présente dans un système commun, ce n’est pas un système en soi, et on peut y parvenir en utilisant une technologie informatique commune, ainsi que la technologie d’Internet.
Lorsque l’examinatrice dit qu’« aucune nouvelle science ou connaissance n’est apportée à l’état de la technique », elle voulait sans doute parler de l’état des arts technologiques, notamment de « la technologie d’Internet ». De l’avis de l’examinatrice, « les caractéristiques techniques sous-jacentes du système demeurent les mêmes ». La Commission présume que ce que l’examinatrice voulait dire, c’est que ce qui est « nouveau » en l’espèce ne porte pas sur une science ou une connaissance technique en la matière.
[ 117 ] Quant à la déclaration du demandeur voulant que l’objection soulevée équivaille à apprécier l’évidence, la Commission n’est pas d’accord puisque l’examinatrice ne prétend pas que le « changement mineur apporté au système de passation des commandes ou au modèle opérationnel » est connu ou évident. Nous estimons qu’il s’agit plutôt d’une réflexion de l’examinatrice sur les connaissances générales courantes et la preuve concernant l’état de la technologie d’Internet avant la date de la revendication. La Commission considère qu’il s’agit d’un exercice nécessaire au moment d’extraire ce qui a été ajouté à la connaissance humaine par l’invention revendiquée.
[ 118 ] La Commission est convaincue que l’objection concerne la question de savoir si l’invention revendiquée porte sur un objet visé par la loi.
Points de vue du demandeur concernant l’objet visé par la loi
[ 119 ] À l’audience, le demandeur a, une fois de plus, invoqué l’arrêt Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), 2002 C.S.C. 76, [2002] 4 RCS 45, plus précisément les paragraphes 120, 150 et 153 [arrêt Harvard], pour appuyer son affirmation selon laquelle l’approche acceptée pour déterminer si l’objet est brevetable commence avec les cinq catégories d’objet susceptible d’être visé par la loi, à savoir qu’il faut déterminer la portée de ces catégories dans le contexte de la Loi sur les brevets, rechercher l’intention du législateur quant à cette portée, et, enfin, vérifier si l’objet de l’invention fait partie de l’une de ces catégories. La Commission a précisé que cela fait partie de l’examen, mais elle a ajouté qu’il faut d’abord se demander en quoi consiste l’invention revendiquée (la substance de l’invention revendiquée par rapport à sa forme).
[ 120 ] Le demandeur a déclaré que lorsqu’une revendication porte sur une méthode, elle définit l’objet inventé, de sorte que l’examen doit alors consister à vérifier si cet objet fait partie de l’une des catégories (réalisation ou procédé). Le demandeur a déclaré que si une revendication, à sa face même, visait une machine ou un appareil, il faut alors se demander si elle fait partie de la catégorie « machine » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[ 121 ] En ce qui concerne les revendications 44 à 50, qui visent un appareil, le demandeur a déclaré que la revendication indépendante 44 définit clairement un appareil, qui comprend des composantes informatiques précises identifiables (ou connexes) sur lesquelles se fonde la méthode pour commander un article. Le demandeur a également déclaré qu’il n’y avait aucune exclusion à ces revendications qui, par conséquent, devraient entrer dans la catégorie brevetable de machine.
Ce qui a été ajouté à la connaissance humaine
[ 122 ] À l’audience, le demandeur a également soutenu que les éléments qui ont été ajoutés à la connaissance humaine dans l’invention revendiquée sont les suivants :
- la capacité, pour l’utilisateur inscrit, de commander des produits en ligne sans avoir à ouvrir une session;
- la capacité de commander dans ce contexte au moyen d’une seule opération, ce qui constitue une façon nouvelle et améliorée de passer des commandes;
- le fait que l’utilisateur n’ait plus à transmettre autant de renseignements qu’avant (mots de passe, renseignements sur le compte);
- la réduction des frais généraux afférents à l’utilisation d’une ressource informatique puisque le serveur traite moins d’information;
- l’amélioration de la sécurité pour ce qui est de la méthode de passation des commandes puisqu’il n’est plus nécessaire de transmettre des données personnelles de nature délicate.
Le demandeur a déclaré que l’invention offre une manière plus simple, plus élégante, plus rapide et plus sécuritaire de commander des produits en ligne. Il a dit que l’invention revendiquée porte sur un procédé de commande composé de différentes étapes et sur un système informatique qui sert à pratiquer cette méthode.
Principes juridiques - Objet brevetable
Définition du terme « invention »
[ 123 ] L’article 2 de la Loi sur les brevets définit ainsi le terme « invention » :
« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.
Approche utilisée pour évaluer l’objet
[ 124 ] L’approche qu’adoptera la Commission dans le cadre de l’appréciation de l’objet brevetable est brièvement décrite ci-après. Le fondement de cette approche est le suivant.
- Tenir compte à la fois de la forme et de la substance des revendications
L’appréciation de l’objet brevetable exige de tenir compte à la fois de la forme et de la substance des revendications.
- Forme des revendications
On entend par « forme » ce que le libellé de la revendication, à sa face même, semble définir à titre d’invention.
- Substance des revendications (la découverte)
Il s’agit là de comprendre pleinement la nature de l’invention revendiquée et de déterminer ce qui a été ajouté à la connaissance humaine [« la découverte »] par l’invention revendiquée.
- L’objet doit satisfaire la définition de l’une des catégories d’invention
L’interprétation jurisprudentielle des expressions « réalisation », « procédé »,« machine », « fabrication » et « composition de matières » doit être examinée pour déterminer si l’objet des revendications correspond à l’une de ces catégories.
Changement de nature ou d’état
En l’espèce, la définition de l’expression « réalisation » revêt une importance particulière. L’arrêt Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 101 (C. de l’É.) [arrêt Lawson] enseigne qu’une réalisation brevetable doit entraîner un changement de nature ou d’état par rapport à l’objet matériel.
- Objet exclu (non prévu par la loi)
Certains objets ne peuvent être brevetés. Par exemple, les programmes informatiques, si la découverte est une méthode de calcul, les méthodes de traitement médical, les formes de vie supérieures, les systèmes et méthodes de gestion d’entreprise, ainsi que les compétences et les méthodes professionnelles ont été exclus à la suite de l’interprétation que les tribunaux ont donné des définitions figurant à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets (arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, au paragraphe 133, juge dissident [arrêt Schmeiser]).
- Objet non technologique, donc non prévu par la loi
Chacune des cinq catégories d’invention porte essentiellement sur un objet de nature technologique. Il s’ensuit que l’objet qui n’est pas technologique est un objet non visé par la loi et donc, ne pouvant entrer dans aucune des catégories d’invention.
[ 125 ] En résumé, pour qu’une revendication soit brevetable, la forme de la revendication (la revendication, à sa face même) doit se rapporter à l’une des cinq catégories d’invention brevetable (réalisation, procédé, machine, fabrication ou composition de matières). De plus, la forme de la revendication ne doit porter ni sur un objet exclu, ni sur un objet non technologique. Dans le même ordre d’idées, la substance de l’invention revendiquée, ou « ce qui a été ajouté à la connaissance humaine », doit relever de l’une des cinq catégories d’invention brevetable, et ce qui a été ajouté à la connaissance humaine dans l’invention revendiquée ne doit porter ni sur un objet exclu, ni sur un objet non technologique.
Fondement de l’approche adoptée
Forme de la revendication (la revendication à sa face même)
[ 126 ] Il est entendu que, pour être brevetable, une revendication, à sa face même, doit porter sur une réalisation, un procédé, une machine, une fabrication ou une composition de matières. Comme il est expliqué ci-après, si la forme de la revendication se rapporte à un objet exclu ou à un objet non technologique, cet objet est non brevetable en raison de la forme de la revendication. Par exemple, une revendication qui se rapporte à une forme de vie supérieure est exclue en raison de la forme de cette revendication.
Substance de la revendication (la découverte)
[ 127 ] Les tribunaux ont démontré que, pour apprécier si un objet est visé ou non par la loi en vertu du droit canadien, il faut établir ce qui a été « inventé » ou « découvert ». Cette décision peut se fonder sur la demande, l’état de la technique à la date de la revendication et les observations du demandeur. Dans l’arrêt Lawson, aux pages 110 et 111, même si les revendications visaient la subdivision d’une parcelle de terrain, ce qui, de l’avis de l’appelant, constituait un point de vue indéfendable puisqu’il était évident que le terrain n’avait pas subi de changement, le juge Cattanach s’est attardé à la méthode sous-jacente utilisée pour décrire la parcelle de terrain et la disposer dans un plan de lotissement visant un plus grand lopin de terre. Dans l’arrêt Tennessee Eastman Co. et al. c. Commissaire des brevets (1972), 8 C.P.R. (2d) 202, à la page 206 (C.S.C.), même si les revendications visaient une méthode de réunion chirurgicale, la Cour suprême a estimé qu’elle n’était pas liée par la forme des revendications au moment d’apprécier leur admissibilité à la protection qu’accorde le brevet. À la page 206, la Cour a déterminé que « “l’invention” consiste essentiellement dans la découverte qu’une substance adhésive connue est susceptible d’utilisation à des fins chirurgicales ». Elle a déclaré ce qui suit à propos de l’objet visé par la loi : « le seul élément de nouveauté se trouve dans son utilisation à des fins chirurgicales et la découverte ne porte que sur l’adaptabilité non manifeste à un tel usage ». Dans l’arrêt Shell Oil, aux pages 10 et 11, pour que la revendication soit brevetable, l’ingéniosité sous-jacente à la revendication visant une composition devait entrer dans la catégorie réalisation. La Cour a condensé l’essence de l’invention revendiquée, déclarant que « [d]ans ce cas, la découverte de l’appelante a augmenté le bagage de connaissances au sujet de ces composés en leur trouvant des propriétés jusqu’alors inconnues [...] ». Enfin, dans l’arrêt Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets (1981), 56 C.P.R. (2d) 204, aux pages 205 et 206 (C.A.F.), pour ce qui est de la question de l’objet brevetable, le juge Pratte a examiné en quoi consistait le présumé aspect nouveau de l’invention et a déclaré ce qui suit [non souligné dans l’original] :
Pour savoir si une demande révèle une invention brevetable, il échoit d'examiner en premier lieu ce qui, d'après la demande, a été découvert.
[. . .]
Ce qui est nouveau en l'espèce, c'est la découverte des divers calculs à effectuer et des formules mathématiques à employer à cet effet.
[ 128 ] En ce qui concerne l’examen de la substance de l’invention revendiquée, l’approche préconisée par les tribunaux canadiens, comme il a été souligné, est conforme à la pratique ayant cours au Royaume-Uni. Dans l’arrêt Aerotel Ltd v. Telco Holdings Ltd & Others, [2006] EWCA Civ 1371 [arrêt Aerotel], au paragraphe 40, une démarche à quatre volets a été mise en oeuvre pour évaluer si l’invention revendiquée comporte un caractère brevetable. Voici ce que le lord juge Jacob a déclaré à propos du deuxième volet, soit [traduction] « cerner la contribution réelle », au paragraphe 43 [non souligné dans l’original] :
[traduction] [. . .] Comment faire pour évaluer la contribution? M. Birss prétend que le critère est viable. Il s’agit de faire preuve de jugement, probablement en tenant compte du problème à résoudre, de la manière dont fonctionne l’invention et des avantages de cette invention. Ce que l’inventeur a réellement ajouté à la connaissance humaine résume peut-être mieux cet exercice. La formulation exige l’examen de la substance et non de la forme, ce qui est certainement ce que le législateur visait.
[ 129 ] Avant de passer au point suivant, nous aimerions formuler un autre commentaire. L’invention revendiquée ne peut pas être considérée comme un objet susceptible d’être visé par la loi si la caractéristique ou l’ensemble des caractéristiques qui font d’elle une nouveauté et qui la rende non évidente comprennent un objet exclu. Il s’ensuit également que la revendication se rapportant à une caractéristique particulière ou à un ensemble précis de caractéristiques qui font de l’invention une nouveauté et qui la rendent non évidente ne peut porter sur une caractéristique ou un ensemble de caractéristiques différent pour être admise à titre d’objet brevetable. Par exemple, dans l’arrêt Schlumberger, la Cour d’appel fédérale a statué que la découverte portait sur le fait que certains calculs effectués conformément à certaines formules permettraient d'extraire des informations utiles de certaines mesures. Ainsi, les revendications, qui étaient présumées nouvelles et non-évidentes, comprenaient un objet non brevetable qui ne pouvait être transformé en objet brevetable, du simple fait qu’on se fondait sur une caractéristique différente, savoir un ordinateur, pour effectuer ces calculs. Cette notion a été explicitée par M. P. Prescott, c.r. (siégeant à titre de juge suppléant) dans l’arrêt CFPH LLC [2005], EWHC 1589 (Pat), aux paragraphes 93 à 96 [arrêt CFPH].
L’objet doit correspondre à la définition d’une catégorie
[ 130 ] Il est bien admis au Canada qu’il faut se reporter à l’interprétation que les tribunaux ont donnée de chacune des cinq catégories d’invention pour apprécier la brevetabilité. Les interprétations judiciaires qui intéressent la présente affaire sont celles de la réalisation et du procédé.
Il doit y avoir un objet matériel ou un changement de nature ou d’état d’un objet physique
[ 131 ] L’une des caractéristiques communes des cinq catégories d’invention est que les objets sont tous de nature physique. Les machines, la fabrication et la composition de matières sont essentiellement de nature physique.
[ 132 ] En ce qui concerne l’expression « réalisation », cette notion a été examinée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Shell Oil, 67 C.P.R. (2d) 1. Le juge Wilson, qui a rendu l’arrêt de la Cour, a déclaré, à la page 15 :
La Cour [dans l’arrêt Tenessee Eastman] a cependant affirmé que « réalisation » est un mot très général et qu’il ne faut pas le restreindre aux nouveaux procédés, produits ou techniques de fabrication mais qu’il faut l’appliquer aussi aux méthodes nouvelles et innovatrices qui servent à appliquer des connaissances ou des compétences pourvu qu’elles produisent des effets ou des résultats utiles pour le public de façon commerciale.
Dans Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 101, le juge Cattanach a tenté de mieux cerner ce concept général de « réalisation ». Dans cette affaire-là, on demandait un brevet pour une nouvelle méthode servant à décrire les limites d’une parcelle de terre. La demande a été rejetée non pas, encore une fois, parce que l’objet de la demande n’était pas une « réalisation » au sens de la définition que donne la Loi, mais parce que, comme le nouvel usage de la substance comme adhésif dans l’affaire Tennessee Eastman, la demande avait trait à des compétences professionnelles plutôt qu’au commerce ou à l’industrie. Dans ses motifs de jugement, le juge Cattanach dit aux pp. 109 et 110 :
Une réalisation ou une exploitation consiste en un acte ou une série d’actes effectués sur un objet matériel au moyen d’un agent physique et qui produisent dans cet objet un changement de nature ou d’état. Il s’agit d’une chose abstraite en ce sens que l’esprit peut l’imaginer. Il s’agit d’une chose concrète en ce sens qu’on applique des agents physiques à des objets matériels et que les sens peuvent alors percevoir un objet ou un instrument tangible.
Au cours de l’évolution des principes juridiques relatifs aux brevets, on a déjà considéré qu’une invention doit consister en une substance que l’on peut vendre et que, sauf si on inventait une nouvelle substance par un nouveau procédé, l’invention ne pouvait pas donner lieu à un brevet, mais que si on inventait une nouvelle substance, par un nouveau procédé, l’invention qui pouvait être brevetée était la substance et non pas le procédé. On confondait alors la fin et les moyens. Cependant il est maintenant reconnu que si l’invention est un moyen et non pas une fin, l’inventeur a droit à un brevet sur ce moyen.
[ 133 ] Suivant l’arrêt de la Cour suprême du Canada, la Commission conclut que le mot « réalisation » ne « doit pas se limiter à de nouveaux procédés ou produits ou à de nouvelles techniques de fabrication »; parallèlement, elle doit être « un acte ou un ensemble d'actes accompli(s) par un agent physique sur un objet physique quelconque et qui provoque un changement dans les caractéristiques ou l'état de cet objet. »
[ 134 ] Une analyse judiciaire plus récente du mot « réalisation » se trouve dans l’arrêt Calgon Carbon Corp. c. North Bay (Ville), 2005 CAF 410, 45 C.P.R. (4th) 241. Dans cette affaire, le juge Rothstein, rédigeant les motifs du jugement pour le compte de la Cour, a cité avec approbation la déclaration faite par la juge Wilson dans l’arrêt Shell Oil selon laquelle « il faut donner au mot “réalisation” de la définition son sens général de “science” ou “connaissance” ».
[ 135 ] De l’avis de la Commission, cette phrase de la juge Wilson est particulièrement importante, puisqu’elle exprime clairement que tout ce qui est science ou connaissance n’entre pas nécessairement dans la définition de réalisation brevetable, mais seulement la science ou la connaissance en ce qu’elle relève de l’« état de la technique » ou « technique antérieure ». Et, du fait que ces expressions sont traditionnellement utilisées dans le domaine des brevets, c’est‑à‑dire dans le contexte de la science, de l’ingénierie et de la technologie, toute science ou connaissance doit, pour entrer dans la définition du mot « réalisation », se rapporter aux connaissances scientifiques ou technologiques. Cela sera expliqué plus en détail dans notre examen de l’exigence technologique à laquelle doit satisfaire l’invention brevetable.
[ 136 ] Dans l’arrêt Calgon, le juge Rothstein a également renvoyé aux motifs de la juge Wilson dans l’arrêt Shell Oil portant qu’une réalisation brevetable doit atteindre un résultat utile grâce à une application pratique et qu’il doit y avoir une réalisation pratique de la nouvelle connaissance (dans cette affaire, la réalisation pratique était la nouvelle composition).
[ 137 ] Nous concluons de notre examen de la jurisprudence en matière de réalisation qu’un acte ou une série d’actes qui ne constituent pas une application pratique des connaissances scientifiques ou technologiques ne correspondent pas à la définition de réalisation brevetable. Une application pratique de la connaissance suppose nécessairement un acte ou une série d’actes découlant du changement dans les caractéristiques ou l’état d’un objet physique.
[ 138 ] Enfin, un procédé est similaire à une réalisation puisqu’il entraîne l’application d’une méthode à un ou plusieurs matériaux. [Commissaire des brevets c. Ciba Ltée (1959), 30 C.P.R. (1st) 135 (C.S.C.), au paragraphe 15.
[ 139 ] Ainsi, si l’invention revendiquée n’est, de par sa forme ou sa substance, ni un objet matériel (machine, fabrication ou composition de matières) ni un acte ou une série d’actes accompli(s) par un agent physique sur un objet physique quelconque et qui provoque un changement dans les caractéristiques ou l'état de cet objet (réalisation ou procédé), elle n’est pas brevetable.
Objet exclu: Les pratiques commerciales ne sont pas brevetables
[ 140 ] Comme nous l’avons dit, certain types d’objets sont exclus de la brevetabilité au Canada. Une invention revendiquée qui, de par sa forme ou sa substance, consiste en une pratique commerciale est exclue de la brevetabilité.
[ 141 ] Dans l’arrêtSchmeiser, la jugeArbour (dissidente en partie) a résumé ainsi l’état des objets exclus au Canada:
133 La Loi soustrait expressément à la protection par brevet les phénomènes naturels, les lois de la nature et les principes scientifiques : par. 27(8). D’autres objets ont été exclus à la suite de l’interprétation que les tribunaux ont donnée de la définition des mots « invention » et « procédé » figurant à l’art. 2, et du par. 27(8). Par exemple, les objets suivants ont été exclus : les programmes informatiques, si la découverte est une méthode de calcul (Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets, [1982] 1 C.F. 845 (C.A.)); les méthodes de traitement médical (Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets, 1972 CanLII 167 (C.S.C.), [1974] R.C.S. 111); les formes de vie supérieures (Harvard College, précité); les systèmes et méthodes de gestion d’entreprise, ainsi que les compétences et les méthodes professionnelles (State Street Bank & Trust Co. c. Signature Financial Group, Inc., 149 F.3d 1368 (Fed. Cir. 1998)); les imprimés ne produisant que des résultats artistiques, intellectuels ou littéraires (Re Application of Boussac, OPIC, décision du Commissaire no 143, 10 mars 1973); le simple comportement humain ou processus mental, ou les modes d’emploi (Re Application of Ijzerman, OPIC, décision du Commissaire no 254, 4 juillet 1975; Gale’s Application, [1991] R.P.C. 305 (Pat. Ct.), p. 323); les plans d’architecte (Application No. 995 for a Townhouse Building Design (Re) (1979), 53 C.P.R. (2d) 211 (C.A.B.)). Ces exemples démontrent qu’il n’est pas inhabituel que les tribunaux et le Bureau des brevets interprètent les dispositions de la Loi sur les brevets de manière à soustraire un objet à la brevetabilité.
[ 142 ] Malgré le renvoi à la décisionState Street Bank ci-dessus, la Commission accepte l’énoncé dissident de la Cour suprême du Canada selon lequel les pratiques commerciales sont des objets exclus.
[ 143 ] Traditionnellement, les pratiques commerciales ne peuvent valablement faire l’objet d’un brevet au Canada. Cette exclusion découle des exclusions au Royaume-Uni. Voir la décisionIn the Matter of Cooper's Application for a Patent, [1901] 19 R.P.C.53, où il est déclaré ce qui suit:
[traduction] Il est impossible d’obtenir un brevet pour un simple projet ou plan - un plan pour devenir riche, un plan pour bien gouverner un État, un plan pour mener ses affaires avec efficacité.
[ 144 ] Un autre passage souvent cité concernant la nature de cette exclusion figure à la page11 de l’ouvrage intitulé Digest of Canadian Patent Law, Harold G. Fox, 1957 (Carswell), sous la rubrique [traduction] « Objet non brevetable »:
[traduction] Il n’est pas possible d’accorder un brevet valide pour une composition littéraire, un plan ou un dessin architectural, ou pour un simple système comme un plan pour devenir riche, pour bien gouverner un État, pour mener ses affaires avec efficacité, pour maintenir des échanges coopératifs, pour garantir le paiement d’une remise d’une manière précise et divers plans de ce genre. [...] Par conséquent, aucun brevet valide ne peut être obtenu pour des pratiques publicitaires ou des modèles de correspondance commerciale. [...] Un brevet ne peut protéger qu’un procédé manuel, et non pas un procédé qui consiste simplement en un exercice cérébral mis en application par des moyens manuels ordinaires.
[ 145 ] Enfin, un arrêt récent de la Cour d’appel du circuit fédéral (CACF) des États-Unis, In re Bilski, 88 USPQ 2d 1385, aux pages 1400 à 1407 (2008) est digne de mention. Dans cet arrêt, le juge Dyk, qui s’est rallié à l’opinion de la majorité mais a rédigé sa propre opinion, a déclaré [nous le paraphrasons dans les lignes qui suivent] que, pour pouvoir interpréter le terme « réalisation » dans la loi américaine, il fallait tenir compte de la compréhension que les légistes qui ont rédigé les premières lois sur les brevets avaient de ce terme. Selon les archives historiques, la Patent Act, 1793 des États-Unis a été modelée sur les pratiques du English Patent Office à l’époque. Chacune des catégories d’invention a soit été tirée du Statute of Monopolies et du raffinement apporté par la common law à son interprétation, soit a résulté d’un compromis entre les points de vue qui s’opposaient en Angleterre à l’époque. Les termes « fabrication », « machine » et « composition de matières » étaient considérés comme désignant des types de fabrication brevetables selon la loi anglaise. Le terme « réalisation » a été inclus dans la loi de manière à refléter le point de vue de ceux qui, en Angleterre, étaient en faveur de l’octroi de brevets pour les procédés de fabrication (à l’époque, les tribunaux anglais n’avaient pas encore décidé si ces procédés étaient brevetables aux termes de la loi). Selon la pratique anglaise en matière de brevets, antérieure et contemporaine à la Patent Act américaine de 1793, l’objet brevetable était limité par le terme « fabrication » dans le Statute of Monopolies et devait avoir un lien avec les autres catégories d’objets brevetables. Les brevets enregistrés en Angleterre à cette époque étaient limités à des articles de fabrication, à des machines pour la fabrication, à des compositions de matières et à des procédés destinés à l’utilisation ou à la création de fabrications, de machines et de compositions de matières. Les procédés relatifs à l’organisation de l’activité humaine n’étaient pas visés par la notion d’objet brevetable.
[ 146 ] Le juge Dyk a cité Malla Pollack, qui, dans son livre intitulé The Multiple Unconstitutionality of Business Method Patents, 28 Rutgers Computer & Tech. L.J. 61, 96 (2002), affirme ce qui suit :
[traduction] L’ absence de brevets touchant les pratiques commerciales ne peut s’expliquer par une absence de créativité entrepreneuriale en Grande‑Bretagne, au cours du siècle qui a précédé la guerre d’Indépendance américaine. Au contraire, l’année 1720 est largement saluée comme marquant le début d’une nouvelle ère dans le domaine des finances publiques anglaises, ainsi que d’innovations importantes en organisation des entreprises.
[ 147 ] La référence faite par la CACF à la pratique anglaise à l’époque où la Patent Act américaine de 1793 était codifiée pour éclairer le sens des termes utilisés dans la loi est pertinente quant à la question de savoir si une catégorie d’invention visée dans la Loi canadienne sur les brevets est suffisamment large pour comprendre un objet particulier. La loi canadienne, y compris la définition du terme « invention », est inspirée de la Patent Act américaine et tire par conséquent indirectement ses origines de l’ancienne pratique anglaise.
[ 148 ] Pour les motifs susmentionnés, nous concluons que les pratiques commerciales constituent un objet exclu et qu’elles sont non brevetables au Canada.
[ 149 ] Un examen récent de cette question au Royaume-Uni se trouve dans l’arrêt CFPH, où M. P. Prescott, c.r. (siégeant à titre de juge suppléant) a dit ceci au sujet des pratiques commerciales :
[traduction]
Éléments exclus pour des raisons différentes
21. Lorsque nous commençons à jeter un coup d’oeil à la liste des éléments exclus, ce que nous ferons dans un instant, et si nous faisons bien attention, nous pouvons remarquer que c’est comme un fourre-tout d’éléments divers. Sauf de façon superficielle, ce n’est pas là ce que les logiciens appellent un genre ou une catégorie logique. En fait, je crois qu’ils n’ont pas tous été exclus pour la même raison. Au contraire, ils ont été exclus pour des raisons stratégiques; mais la stratégie n’est peut-être pas la même du tout dans chaque cas, comme je vais essayer de le démontrer. Si cela est vrai, il serait dangereux d’adopter un raisonnement qui a été appliqué à un élément exclu et de le transposer aveuglément sur un élément différent.
[. . .]
Pratiques commerciales
41. Examinons maintenant les pratiques commerciales. Quelle est la véritable raison stratégique pour laquelle elles sont exclues? Cela s’explique par le fait que, historiquement, les brevets touchant les pratiques commerciales n’étaient jamais accordés et que l’innovation commerciale était florissante, sans les avantages de cette protection et sans paperasserie. Les hommes d’affaires étaient tout autant inventifs que les ingénieurs. Ce sont probablement les hommes d’affaires (et non les poètes ou les prêtres) qui ont réalisé la plus grande « invention » de tous les temps : l’écriture phonétique. Prenons les exemples suivants : l’invention de l’argent; de la comptabilité en partie double; des lettres de change négociables; des sociétés par actions; des polices d’assurance; des opérations bancaires de compensation; du franchisage de nom commercial; du supermarché, et ainsi de suite. Aucune de ces inventions ne nécessitait la protection qu’accorde le brevet pour commencer. Un système des brevets représente toujours un fardeau pour les métiers, le commerce et l’industrie, ne serait-ce qu’en raison de l’incidence de la « paperasserie ». L’unique question consiste à savoir si les avantages l’emportent sur les inconvénients. Cela doit être démontré par les personnes qui soutiennent que c’est bien le cas et, quoi qu’il ne soit, la décision revient au pouvoir législatif. Dans ce pays et en Europe, le pouvoir législatif n’en est toujours pas persuadé.
42. La question est souvent soulevée lorsque l’invention alléguée porte sur l’utilisation d’un système informatique pour faire des affaires. Le demandeur tente-t-il de breveter une méthode pour faire des affaires? Cela n’est pas permis. Ou alors, tente-t-il de breveter une technologie informatique? Cela peut être permis (cela dépend). Mais comment peut‑on faire la différence? Dans un sens, un ordinateur qui est programmé de manière à appliquer une technique commerciale originale constitue un nouvel artéfact technologique. Il s’agit d’une machine avec des millions de commutateurs organisés comme jamais auparavant. Si vous dites : « Oui, mais il ne s’agit pas du type d’organisation de commutateurs qui devrait pouvoir compter », vous devez expliquer pourquoi. Ce n’est pas toujours aussi facile que cela en a l’air.
Un objet qui n’est pas technologique est un objet non brevetable
[ 150 ] Une caractéristique commune des cinq catégories d’invention tient au fait qu’elles sont toutes de nature technologique. Une chose qui n’est pas technologique est donc un objet non brevetable. Plus précisément, un objet qui entre dans l’une des cinq catégories d’invention est généralement, en substance, une solution technologique à un problème, ce dernier se trouvant souvent dans un domaine de la technologie. Une solution technologique peut faire intervenir des avantages ou des retombées technologiques.
[ 151 ] Historiquement, les tribunaux considèrent que la Loi sur les brevets s’applique à la « science et aux réalisations utiles » (Pope Appliance Corp. v. Spanish River Pulp & Paper Mills Ltd. (1928), [1929] 1 D.L.R. 209 (C.P.)) et aux « réalisations manuelles ou de production » (Tennessee Eastman Co. c. Canada (Commissaire des brevets) (1970), 62 C.P.R. 117 (C. de l’É.)). Si nous devions résumer ces principes en un seul mot, un mot qui évoquerait aussi l’industrie moderne, ce serait la « technologie ». C’est-à-dire que, pour être brevetable, une invention doit être technologique. Bien qu’il soit difficile d’en arriver à une définition unique reconnue du mot « technologie », les sources présentées ci-après appuient notre point de vue.
[ 152 ] Le Collins Gage Canadian Paperback Dictionary, New Edition (2006) définit le mot « technologie » (« technology » en anglais) de la façon suivante : [traduction] « 1 science appliquée. 2 procédé, etc., découlant des sciences appliquées et conçu particulièrement pour accomplir une tâche donnée ». Quant au Canadian Oxford Dictionary, 2nd ed. (2004), le terme anglais y est ainsi défini : [traduction] « 1 l’étude ou l’utilisation des arts mécaniques et des sciences appliquées. 2 l’application de ce qui précède à des tâches pratiques dans l’industrie. 3 outil, etc. utilisé à cette fin ».
[ 153 ] De plus, les Règles sur les brevets font référence à la nature technique des inventions. Le paragraphe 80(1) des Règles précise que « [l]a description contient [...] une description de l’invention en des termes permettant la compréhension du problème technique [...] et de sa solution ». De plus, l’article 79 des Règles, portant sur les exigences en matière d’abrégés, fait référence aux termes « information technique », « domaine technique », « problème technique » et « caractéristiques techniques ». Bien que ces Règles sur les brevets se rapportent à la présentation formelle des demandes de brevet et non à des exigences de fond et que, par conséquent, elles ne soient pas concluantes sur la question, elles viennent appuyer l’avis de la Commission selon lequel les inventions brevetables doivent être de nature technologique.
[ 154 ] Autre argument, dans l’arrêt Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), 2002 CSC 76, [2002] 4 R.C.S. 45, 21 C.P.R. (4th) 417, au paragraphe 158 [Harvard], le juge Bastarache a souligné que la Loi sur les brevets protège les progrès technologiques :
Je reconnais que la définition que la Loi sur les brevets donne du mot « invention » est générale. Comme cette loi a été conçue pour promouvoir l’innovation notamment, il est tout à fait raisonnable de s’attendre à ce que la définition du terme « invention » soit suffisamment large pour englober les techniques imprévues et imprévisibles.
[ 155 ] Le fait que les inventions brevetables soient de nature technologique a été confirmé récemment au Royaume-Uni. Au paragraphes 46 et 47 de l’arrêt Aerotel, on énonce une « démarche à quatre volets » afin d’évaluer si une invention revendiquée est exclue de la brevetabilité. Le lord juge Jacob a inclus un dernier volet afin de vérifier si la contribution est réellement de nature technique, en déclarant ce qui suit :
[traduction] Le quatrième volet, lequel consiste à vérifier si la contribution est « technique », peut ne pas être nécessaire puisque le troisième volet aurait dû remplir cette fonction. Il s’agit toutefois d’une vérification nécessaire si nous voulons suivre l’arrêt Merrill Lynch, comme nous le devons.
Comme nous l’avons dit, ce critère constitue une nouvelle formulation de l’approche adoptée par la Cour dans l’affaire Fujitsu : les mêmes questions sont posées, mais dans un ordre différent. L’affaire Fujitsu pose premièrement la question de savoir si il y a une contribution technique (laquelle soulève deux questions : quelle est la contribution? Est-elle technique?) et elle ajoute ensuite qu’une contribution qui consiste uniquement en un objet exclu ne comptera pas en tant que contribution technique.
[ 156 ] Dans l’arrêt Aerotel [traduction] (« Annexe - Analyse de la jurisprudence »), la Cour d’appel a expliqué l’adoption de la notion de « contribution technique » dans l’arrêt Merrill Lynch [1989] RPC 561, aux paragraphes 83 et 84 [citations omises] :
[traduction] [. . .] il n’est pas étonnant que lorsque l’affaire Merrill Lynch a été entendue devant la cour d’appel, le raisonnement suivi dans Vicom ait été retenu. Le critère du « progrès technique » ou de la « contribution technique » de l’arrêt Vicom a été adopté.
[. . .] notre Cour a adopté la « démarche fondée sur la contribution technique » de l’OEB, mais ce n’est pas tout. Pour que l’approche soit logique, il faut savoir ce qu’est une contribution technique. Au paragraphe suivant du jugement rendu par le lord juge Fox, il est dit, en effet, qu’une amélioration originale et non évidente à une catégorie exclue ne compte pas en tant qu’amélioration technique.
[ 157 ] L’arrêt Aerotel a reconnu qu’il y avait une divergence par rapport à l’approche suivie par l’Office européen des brevets (OEB) dans les décisions Hitachi (2004) T 258/03 et Pension Benefits (2000) T 0931/95. Après avoir examiné ces approches, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 115 :
[traduction] Cela est incompatible avec la décision rendue par la Cour dans l’affaire Gale et avec d’autres décisions précédentes rendues par la Chambre de recours de l’OEB, comme dans l’affaire Vicom. Il semblerait que l’on ouvre la voie, dans la pratique, à une brevetabilité de principe pour tout programme informatique. Dans le raisonnement, le point de vue adopté sur ce que signifie le terme « programme informatique » est limité; il ne s’agirait que d’une série de directives abstraites et non d’un artéfact matériel, qui non seulement intègre les directives mais qui fait aussi en sorte qu’elles soient appliquées, comme la mémoire de l’ordinateur dans lequel le programme est stocké.
[ 158 ] Dans la décision Hitachi (aux paragraphes 3.3, 3.5 et 3.6), les chambres de recours de l’OEB ont rejeté l’« approche fondée sur la contribution » qui avait été adoptée dans l’affaire Vicom (1986) T 208/84. La Chambre de recours de l’OEB a cité des décisions antérieures et souligné les problèmes posés par cette approche :
[traduction]
3.3 [. . .]
« C'est donc dans le cadre de l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive qu'il convient de déterminer ce qu'une invention apporte en plus du point de vue technique par rapport à l'état de la technique, plutôt que dans le cadre de l'examen de la question de savoir si cette invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE » (T 1173/97, JO OEB 1999, 609, point 8);
« Rien dans la CBE ne permet d'opérer une distinction entre les « nouvelles caractéristiques » d'une invention et les caractéristiques de ladite invention connues antérieurement lorsqu'il s'agit de déterminer si l'invention revendiquée peut être considérée comme une invention au sens du paragraphe 52(1) CBE. Ainsi, la CBE n'offre aucune base juridique permettant d'appliquer, aux fins précitées, l'approche fondée sur la contribution à l'état de la technique » (T 931/95, supra, point IV du sommaire).
et a de plus déclaré ce qui suit :
3.5 Par conséquent, si l'on admet qu'un mélange de caractéristiques techniques et non techniques peut être considéré comme une invention au sens du paragraphe 52(1) CBE, et que l'état de la technique ne doit pas être pris en compte pour décider si l'objet revendiqué constitue une telle invention, une raison irréfutable de ne pas rejeter au titre du paragraphe 52(2) CBE un objet comprenant des caractéristiques techniques et d'autres non techniques est tout simplement que les premières peuvent en soi s'avérer remplir toutes les conditions prévues au paragraphe 52(1) CBE.
3.6 En outre, il est souvent difficile de séparer dans une revendication les caractéristiques techniques et celles qui ne le sont pas, et une invention peut comporter des aspects techniques qui sont « dissimulés » dans un contexte largement non technique (cf. point 5.8 infra). Ces aspects techniques peuvent être plus aisés à identifier dans le cadre de l'examen de l'activité inventive, lequel, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, porte sur les aspects techniques d'une invention (cf. point 5.3 infra).
[ 159 ] D’après ce qui précède, il est clair que l’OEB tient également compte des caractéristiques techniques et non techniques, bien que ce soit à l’égard de l’activité inventive, et non de l’objet non brevetable.
[ 160 ] L’exigence que les inventions soient de nature technologique se retrouve aussi dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’Accord sur les ADPIC), à l’article 27 :
[...] un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.
et à l’article 7 :
La protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie [. . .]
Il a également été fait mention de l’Accord sur les ADPIC au paragraphe 16 de la décision Aerotel.
[ 161 ] Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis qu’un objet revendiqué qui n’est pas de nature technologique n’est pas brevetable.
Chevauchement entre l’objet exclu et l’objet non technologique
[ 162 ] Il arrivera souvent que l’objet soustrait à la brevetabilité soit également de nature non technologique. Par exemple, une revendication relative à une méthode de jeu, à sa face même, est exclue de la brevetabilité et est aussi non technologique. De la même manière, la Commission ne peut actuellement penser à un cas où la substance d’une invention revendiquée est une pratique commerciale tout en étant, en fait, de nature technologique. Mais il se peut que ce qui constitue un objet exclu ne soit pas aussi un objet non technologique. Par exemple, une revendication comportant une méthode de traitement médical est soustraite à la brevetabilité, alors qu’elle peut sans doute être de nature technologique. Par conséquent, si l’objet revendiqué est de nature non technologique, il est non brevetable. Toutefois, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. C’est-à-dire que, s’il est jugé que l’objet revendiqué est technologique, il faut toujours vérifier si l’objet est exclu. Évidemment, tous les objets revendiqués doivent aussi correspondre à la définition d’une catégorie d’invention, comme il a été expliqué précédemment.
Analyse : article 2
Approche visant à évaluer l’objet
[ 163 ] Nous avons tenu compte de la thèse du demandeur, dans la réponse à la décision finale, selon laquelle, suivant l’arrêt Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), (2002) C.S.C. 76, les méthodes correspondent clairement au terme « procédé », contenu à l’article 2, lorsque les termes sont interprétés « en suivant le sens ordinaire et grammatical ». À l’audience, le demandeur a déclaré que les revendications 44 à 50 présentaient un système qui entre clairement dans la catégorie « machine ». La Commission ne peut être d’accord avec ce raisonnement parce qu’il donne une plus grande importance à la forme qu’au fond, ce qui fait en sorte que tout objet non visé par la loi ne deviendrait brevetable qu’en l’exprimant sous forme de revendication portant sur une méthode ou de revendication portant sur une machine.
[ 164 ] En ce qui concerne les revendications portant sur une méthode, la Commission est d’accord avec le demandeur que l’examen sera axé sur la question de savoir si ces revendications correspondent à la catégorie « réalisation ou procédé ». Par leur forme, ces revendications portent sur une méthode. Comme il sera démontré plus loin dans notre analyse, la substance de ces revendications comprend uniquement des étapes, lesquelles doivent correspondre à la catégorie réalisation ou procédé.
[ 165 ] Quant aux revendications 44 à 50, elles portent, de par leur forme, sur un système qu’il faut évaluer en établissant s’il entre ou non dans la catégorie « machine ». Toutefois, il ne s’ensuit pas nécessairement que la substance de ces revendications doive être évaluée pour rentrer dans la catégorie machine. Bien que la revendication 44 expose un système‑client comportant de multiples composantes, ce qui est décrit est un ordinateur universel muni d’un navigateur qui exécute les instructions reçues du serveur. Par conséquent, bien que par leur forme les revendications 44 à 50 portent sur un système (une machine), le fondement de l’invention revendiquée, comme nous le verrons plus loin dans notre analyse, est le même que celui des revendications portant sur une méthode. À l’audience, le demandeur a souligné le fait que les composantes sont particulières et identifiables; toutefois, aucune qualification de l’appareil revendiqué n’a été fournie qui puisse changer la compréhension qu’a la Commission de l’invention revendiquée.
[ 166 ] Par conséquent, pour qu’elle soit brevetable, la contribution qui a été faite à la connaissance humaine (la substance) par les revendications portant sur une méthode et par les revendications portant sur un système, doit être évaluée pour déterminer si elle relève de la catégorie « réalisation ou procédé », au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
Forme des revendications
[ 167 ] Les revendications indépendantes 1, 19, 33, 51, 60 et 68 énoncent « Un procédé dans le système du client lui permettant de commander un article » et « Un procédé dans l’ordinateur [système] permettant de commander des articles ». Ces revendications définissent des étapes de passation des commandes et à en simplifier les aspects administratifs, comme l’annulation d’une commande, la combinaison de plusieurs commandes et la modification de renseignements sur le compte. Ces revendications, à leur face même, portent sur une méthode pour faire acheter des produits et, à ce titre, elles concernent une méthode pour faire des affaires. Par conséquent, les revendications 1 à 43 et les revendications 51 à 75 portent sur un objet exclu.
[ 168 ] Les revendications 44 à 50, à leur face même, portent sur un système-client qui est un objet matériel (une machine). Par conséquent, les revendications 44 à 50, en ce qui concerne la forme, correspondent à la catégorie machine visée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
Substance des revendications
[ 169 ] À l’audience et dans la lettre datée du 29 novembre 2005, le demandeur a qualifié l’invention revendiquée de système fondé sur l’abonnement (nécessitant un enregistrement) mais comportant de nombreux avantages d’un système fondé sur la session. D’après les déclarations du demandeur à l’audience, l’ajout potentiel à la connaissance humaine fait par les revendications 1 à 75 est le suivant :
i. le fait d’effectuer une commande au moyen d’une seule opération (un clic);
ii. le fait que l’utilisateur inscrit puisse faire une commande sans ouvrir une session ‑ un nouvel usage d’un témoin;
iii. la réduction de la quantité de renseignements transmis par un utilisateur pour commander un article, ainsi qu’une réduction correspondante du temps système et du traitement des ressources informatiques ‑ une façon de commander nouvelle et améliorée;
iv. une amélioration de la sécurité fournie du fait de l’absence de transmission de renseignements sensibles relatifs à un compte personnel au moment de commander un article, ces renseignements pouvant être modifiés par l’ouverture d’une session à une date ultérieure.
[ 170 ] La Commission n’est pas en mesure d’admettre que l’avantage d’une sécurité améliorée a été ajouté à la connaissance humaine. Le fait que des renseignements personnels sensibles ne soient pas transmis au moment de commander un article constitue un avantage du modèle de suivi en fonction de l’abonnement. Le demandeur a qualifié l’invention d’un système de suivi en fonction de l’abonnement, et cet avantage est bien inhérent à ces systèmes.
[ 171 ] Par conséquent, notre avis initial en ce qui concerne la substance ou ce qui a été ajouté à la connaissance humaine par l’invention revendiquée est le suivant :
i. la nouvelle utilisation qui est faite des témoins, surtout pour ce qui est de l’extraction de renseignements précis sur le compte d’un acheteur (l’adresse postale et les renseignements nécessaires à la facturation d’un utilisateur unique), lesquels avaient été préalablement stockés;
ii. la caractéristique qui permet à l’utilisateur de passer une commande en une seule opération, sans étape de confirmation et sans devoir saisir les renseignements précis sur le compte de l’acheteur (bien qu’il soit inhérent aux systèmes de suivi en fonction de l’abonnement de récupérer ces renseignements à partir de ce qui est stocké, sans avoir à saisir ces données à nouveau, cet élément est inclus à ce stade afin d’évaluer la nature technologique de l’invention);
iii. l’avantage pour l’utilisateur inscrit de pouvoir passer une commande sans avoir à ouvrir une session, tout en conservant les avantages qui lui sont conférés à titre d’utilisateur inscrit;
iv. la réduction des frais généraux afférents à l’utilisation d’une ressource informatique du fait que moins d’étapes sont nécessaires pour passer une commande.
Bien que la Commission estime que l’usage particulier d’un témoin (caractéristique i.) afin de récupérer des renseignements précis sur le compte de l’acheteur, qui étaient stockés préalablement, est quelque chose qui aurait semblé évident à la personne versée dans l’art à la date de la revendication, cet usage est inclus précédemment en vue de la vérification de l’effet technologique dans notre analyse ultérieure.
[ 172 ] À notre avis, compte tenu de la description comprise dans le mémoire descriptif et de l’antériorité, ce qui a véritablement été découvert dans les caractéristiques ii. à iv. plus haut, se résume à la simplification du procédé permettant d’effectuer une commande en ligne traditionnel, ainsi que dans les retombées et les avantages qui en découlent. Autrement dit, la substance de l’invention revendiquée tient aux règles particulières destinées à exécuter une commande en ligne. Alors qu’auparavant des étapes de confirmation précises, notamment une page de confirmation, étaient prévues, l’invention revendiquée offre au client la possibilité de faire une « commande en une seule opération » pour une confirmation instantanée. La règle ou la pratique largement acceptée en matière de magasinage qui consiste à « confirmer » en fournissant une page de confirmation est éliminée.
Y a-t-il eu changement de nature ou d’état (critère énoncé dans l’arrêt Lawson)
[ 173 ] Comme il a été mentionné plus haut, les revendications 44 à 50 portant sur un système, de par leur forme, portent sur un objet matériel. Toutefois, la substance de ces revendications est la même que pour les revendications portant sur la méthode (revendications 1 à 43 et revendications 51 à 75). Par conséquent, les revendications 1 à 75 doivent entrer dans la catégorie réalisation ou procédé pour être admises en tant qu’objet brevetable.
[ 174 ] Si la substance de l’invention revendiquée ne constitue pas « un acte ou un ensemble d'actes accompli(s) par un agent physique sur un objet physique quelconque et qui provoque un changement dans les caractéristiques ou l'état de cet objet », il ne s’agit pas d’une réalisation au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[ 175 ] Si l’on applique ce qui est énoncé dans l’arrêt Lawson, des produits ou des biens sont offerts à la vente dans le cadre de l’invention revendiquée, et ce qui est ajouté à la connaissance humaine est un changement de nature ou d’état dans la façon dont la commande d’un produit est réellement placée et traitée. Les produits ou les biens ne sont pas modifiés. C’est-à-dire qu’aucun changement de nature ou, encore, d’état n’est apporté à tout objet matériel en soi du fait de l’opération de commande du produit, d’une façon ou d’une autre.
[ 176 ] Par conséquent, la substance (ce qui a été ajouté à la connaissance humaine) des revendications 1 à 75 n’est pas une réalisation, et ces revendications ne peuvent pas être visées par l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[ 177 ] Bien que nous ayons conclu que ces revendications ne constituent pas un objet visé par la loi et qu’il n’est pas nécessaire d’aller plus loin, la Commission vérifiera si la substance de l’invention revendiquée est un objet exclu.
La substance des revendications consiste-t-elle en une méthode pour faire des affaires?
[ 178 ] Nous avons examiné avec attention la façon pratique dont est mis en oeuvre le procédé permettant d’effectuer une commande et, à notre avis, rien n’est apporté à la connaissance humaine, si ce n’est une notion du domaine du commerce de détail et certaines règles pour commander des articles.
[ 179 ] Traditionnellement, dans le commerce de détail, les notions ou les règles liées à la réalisation de transactions de commerce de détail ne sont pas brevetables au Canada. C’est que ces notions du commerce de détail ou règles régissant les transactions entrent dans la catégorie exclue des méthodes pour faire des affaires, qui ne peuvent constituer une réalisation ou un procédé. La Commission n’a rien sur quoi se fonder pour recommander de s’écarter de la jurisprudence antérieure en matière de réalisation ou procédé brevetables. S’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêtHarvard, le jugeBastarache a déclaré ce qui suit:
[166] La délivrance de brevets pour des formes de vie supérieures exigerait une dérogation radicale au régime traditionnel des brevets. De plus, la brevetabilité de ces formes de vie est une question fort controversée qui soulève un certain nombre de points extrêmement complexes. Si les formes de vie supérieures sont brevetables, elles doivent l’être en vertu d’une directive claire et nette du législateur.
[ 180 ] Conformément à cette orientation, nous concluons, de manière analogue, que puisque le brevetage des méthodes commerciales exigerait une dérogation radicale par rapport au régime traditionnel des brevets, et que la brevetabilité de ces méthodes est une question fort controversée, une mesure législative claire et nette est requise pour que les méthodes commerciales soient brevetables.
[ 181 ] Dans le cas de la présente demande, les concepts ou les règles plus efficaces pour effectuer des commandes en ligne constituent des méthodes pour faire des affaires. Même si ces concepts ou ces règles sont nouveaux, ingénieux et utiles, ils n’en restent pas moins non brevetables parce qu’ils constituent des méthodes pour faire des affaires. Par conséquent, la substance de l’invention revendiquée (revendications 1 à 75) est exclue du fait qu’elle représente une méthode pour faire des affaires.
[ 182 ] La Commission sait qu’il y a eu des cas dans lesquels un brevet a été délivré pour des méthodes visant à faire des affaires. Toutefois, si cette pratique est incompatible avec l’interprétation appropriée de la Loi sur les brevets, elle doit être corrigée. La politique et la pratique ne relèvent pas du principe du stare decisis et elles doivent être modifiées si elles se révèlent inadéquates.
[ 183 ] Une fois de plus, bien qu’il n’y ait pas lieu d’aller plus loin, la Commission vérifiera si la substance de l’invention revendiquée n’est pas de nature technologique.
La substance des revendications est-elle de nature technologique?
[ 184 ] La substance de l’invention revendiquée n’est pas brevetable si aucune innovation technologique n’a été ajoutée à la connaissance humaine. Une innovation technologique peut résulter d’un avantage technologique ou d’une solution technologique, qui découle généralement de la résolution d’un problème technique. Bien entendu, la solution, le problème ou l’avantage doit constituer un élément qui a été ajouté à la connaissance humaine.
[ 185 ] À partir de notre point de vue initial (les caractéristiques i. à iv. ci-dessus) en ce qui concerne les éléments qui ont été ajoutés à la connaissance humaine, nous passerons en revue chacune de ces caractéristiques pour voir si elles sont de nature technologique ou non. Si une caractéristique n’est pas technologique, une vérification plus approfondie est nécessaire pour voir s’il existe un effet ou un résultat technologique qui a été ajouté à la connaissance humaine. Même si toutes les caractéristiques ne sont pas technologiques, une vérification est nécessaire pour voir s’il existe un effet technologique de par la combinaison de toutes les caractéristiques qui ont été ajoutées à la connaissance humaine. Il s’agit des caractéristiques suivantes (qui ont été précisées plus haut) :
i. la nouvelle utilisation qui est faite des témoins, surtout pour ce qui est de l’extraction de renseignements précis sur le compte d’un acquéreur, ces renseignements ayant été préalablement stockés;
ii. la caractéristique qui permet à l’utilisateur de passer une commande en une seule opération, sans étape de confirmation et sans devoir saisir à nouveau les renseignements précis sur le compte de l’acheteur;
iii. l’avantage pour l’utilisateur inscrit de pouvoir passer une commande sans avoir à ouvrir une session, tout en conservant les avantages qui lui sont conférés à titre d’utilisateur inscrit;
iv. la réduction des frais généraux afférents à l’utilisation d’une ressource informatique du fait que moins d’étapes sont nécessaires pour passer une commande.
[ 186 ] La caractéristique qui permet à l’utilisateur de passer une commande en une seule opération sans confirmation (caractéristique ii.) signifie la simplification des règles ou de la pratique du magasinage, c’est‑à‑dire qu’elle concerne une décision commerciale ayant des conséquences administratives. Il n’y a aucun élément technique dans cet aspect de l’invention revendiquée. Cela ne veut pas dire que cette caractéristique ne fait pas intervenir l’utilisation d’une caractéristique technique, savoir un témoin avec un identificateur, dont nous ferons une évaluation plus poussée ci-dessous.
[ 187 ] En réponse à la décision finale, le demandeur a présenté un avantage de l’invention dans les termes suivants :
[traduction] Les méthodes revendiquées offrent à l’exploitant d’un système informatisé de passation de commandes des outils précieux pour améliorer la manière dont l’utilisateur passe des commandes, ce qui augmente la probabilité que l’utilisateur commande à nouveau des articles à partir du site de l’exploitant.
Le fait qu’un utilisateur inscrit puisse passer une commande sans avoir à ouvrir une session (caractéristique iii.) est un avantage de commodité qui peut être attribué au désir d’accroître le chiffre d’affaires en encourageant les achats spontanés ou impulsifs. Comme pour la passation de commandes en une seule opération, bien que cet aspect de l’invention revendiquée puisse être utile, ce n’est pas d’un élément de nature technologique, et il ne donne pas lieu à un autre effet technique.
[ 188 ] Le fait qu’il faille moins de traitement (exécution de programmes et utilisation de la mémoire) (caractéristique iv.) par le serveur, du fait de la réduction du nombre d’étapes nécessaires pour passer une commande peut sembler, d’emblée, constituer une caractéristique de nature technologique. Toutefois, c’est la décision opérationnelle d’éliminer certaines étapes dans le procédé de passation de commandes en ligne, qui entraîne naturellement une diminution du temps de traitement. Autrement dit, on n’obtient pas, en fait, une consommation moindre des ressources de processeur, du fait que les mêmes tâches sont faites de manière plus efficace grâce à une avancée technologique, car ce sont plutôt les tâches elles-mêmes qui ont été simplifiées ou éliminées parce qu’une décision opérationnelle visant à simplifier la méthode traditionnelle de passation des commandes a été mise en pratique.
[ 189 ] Par conséquent, l’avantage que constitue la réduction des frais généraux afférents à l’utilisation d’une ressource informatique (caractéristique iv.) n’est pas de nature technologique. Notre point de vue s’appuie sur le fait qu’aucun élément de la spécification n’indique une réduction du traitement informatique comme étant un problème technologique à régler. De plus, bien qu’il faille moins d’étapes pour commander un seul article, en même temps, il faudra un traitement supplémentaire pour la transposition lorsque des commandes multiples sont suivies et combinées. Ainsi, on peut se demander si cette transposition permet une réduction dans l’utilisation d’une ressource informatique.
[ 190 ] Il reste donc cette nouvelle utilisation de la technologie propre aux témoins (caractéristique i.), qui pourrait éventuellement constituer un ajout à la connaissance humaine qui soit de nature technologique.
[ 191 ] L’invention revendiquée utilise une technologie propre aux témoins qui est connue, et ce, de la façon exposée ci-après. La mise en service de la technologie demande la programmation du serveur, qui fournit une page Web (page qui est affichée sur l’écran de l’utilisateur). La Commission comprend que cette programmation est modifiée pour pouvoir effectuer les tâches suivantes :
i. afficher un bouton d’achat instantané à côté d’un produit visualisé;
ii. faire en sorte que le témoin ou l’identificateur soit transmis au même moment où la commande en une seule opération est passée;
iii. utiliser l’identificateur reçu pour vérifier les renseignements sur la facturation et l’expédition (renseignements sur le compte) qui concernent l’utilisateur unique;
iv. faire en sorte que le produit soit automatiquement commandé grâce à ces renseignements.
Pour pouvoir franchir ces étapes, l’utilisateur doit d’abord avoir saisi les renseignements relatifs à son compte et choisi l’option lui permettant de passer une commande d’une seule opération, de sorte qu’un identificateur unique (ou témoin) est placé dans son ordinateur.
[ 192 ] Le témoin ou l’identificateur est connu dans l’antériorité pour son utilisation dans l’identification des utilisateurs uniques et en ce qu’il sert à fournir un lien pour récupérer les renseignements afférents aux renseignements sur l’identité de cet utilisateur unique. Il n’est pas important, de l’avis de la Commission, de savoir si les renseignements qui sont associés à l’identificateur d’un client serviront à identifier un utilisateur unique, à recenser les articles intéressants pour un utilisateur ou à repérer d’autres renseignements personnels éventuellement stockés sur le serveur et concernant l’utilisateur en cause (par exemple les renseignements stockés sur un site où il faut s’abonner et où l’utilisateur est inscrit). Dans son livre, Mme Yeşil donne la liste d’autres utilisations similaires des témoins, par exemple, pour faire le suivi des sites Web visités par l’utilisateur et celui de la séquence d’une session sur un site Web. Le potentiel technologique d’un témoin, qui ressort de l’invention revendiquée, est qu’il peut permettre à un serveur de reconnaître un utilisateur unique et d’utiliser ce système de reconnaissance en récupérant d’autres renseignements (au besoin). Cette capacité technologique était connue avant la date de la revendication.
[ 193 ] La nouveauté dans la caractéristique i. est que le système-client fournira l’identificateur du client (témoin) au serveur et que le serveur récupérera les renseignements précis sur le compte de l’acheteur, ce qui permettra qu’une commande puisse être passée. Cette nouvelle utilisation du témoin n’est pas, de l’avis de la Commission, de nature technologique et ne permet aucun gain technique pouvant être considéré comme un ajout à la connaissance humaine.
[ 194 ] D’après l’analyse ci-dessus, la substance de l’invention revendiquée n’est pas de nature technologique. Les revendications 1 à 75 n’ajoutent aucun élément technologique à la connaissance humaine. Il s’agit, par conséquent, d’un objet non visé par la loi. Nous avons examiné attentivement la mise en pratique du procédé sous-jacent qui sert à passer une commande et, à notre avis, ce procédé n’ajoute aucun élément technologique à la connaissance humaine.
Conclusions - Article 2
[ 195 ] La Commission conclut que les revendications 1 à 75 ne rentrent pas dans les catégories visées à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
RECOMMANDATION
[ 196 ] En résumé, la Commission conclut que :
1 l’objection soulevée par l’examinatrice concernant les revendications 1 à 75 au motif qu’elles sont évidentes, soit infirmée;
2 l’objection soulevée par l’examinatrice concernant les revendications 1 à 75 au motif qu’elles ne sont pas des réalisations ou des procédés au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets, soit confirmée;
3 le rejet de la demande soit confirmé.
P. Sabharwal M. Couture P. Fitzner
Membre Membre Membre
[ 197 ] Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d'appel des brevets. En conséquence, je refuse d'accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. Suivant l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.
Mary Carman
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
le 4e jour de mars 2009